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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 8 - Témoignages du 12 mai 2014


OTTAWA, le lundi 12 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui est chargé de l'étude du projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II, se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour étudier le projet de loi; il doit aussi surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (sujet : protéger les droits et la sécurité des travailleurs de l'industrie du vêtement dans les pays en développement).

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à la 11e séance de la deuxième session de la 41e législature du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité le mandat d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger.

Je m'appelle Mobina Jaffer, je suis présidente de ce comité et j'ai l'honneur de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion.

Le projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II, est un projet de loi d'initiative parlementaire visant à ce que le 2 avril soit désigné comme Journée du pape Jean-Paul II. Le 2 avril marque l'anniversaire du décès du pape Jean-Paul II en 2005.

[Traduction]

Chers collègues, nous allons aujourd'hui commencer par entendre le parrain du projet de loi, M. Lizon, député de Mississauga Est—Cooksville.

Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à nous présenter.

Wladyslaw Lizon, député de Mississauga EstCooksville, parrain du projet de loi : Oui. Merci beaucoup.

Madame la présidente, honorables sénateurs, je suis très honoré de témoigner devant le comité et de faire la lumière sur le projet de loi.

Bien entendu, le projet de loi C-266 — comme vous l'avez mentionné, madame la présidente — désignerait le 2 avril comme « Journée du pape Jean-Paul II ». J'ai été clair; je crois qu'il y a des malentendus par rapport au projet de loi, ce que j'ai mentionné dans mes discours à la Chambre.

Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi de nature religieuse. Il ne s'agit pas de promouvoir une religion au détriment d'une autre ni d'accorder une reconnaissance spéciale à un pape particulier. Le projet de loi vise à reconnaître l'héritage du pape Jean-Paul II, qui transcende son rôle dans l'Église catholique. Il a toujours milité en faveur de la tolérance et de la liberté religieuses et a consacré beaucoup de temps à encourager un dialogue interconfessionnel. À mes yeux — et pour bien des gens ici présents —, cela représente une grande partie de l'identité canadienne.

Le pape Jean-Paul II a démontré que tout est possible et a défendu les populations opprimées par des régimes totalitaires. On se souviendra de lui pour le rôle qu'il a joué dans l'effondrement de plusieurs régimes tyranniques et dictatures totalitaires, ainsi que pour la façon dont il a inspiré l'opposition pacifique au communisme en Pologne, qui a fini par mener à sa chute en Pologne et en Europe centrale et de l'Est.

Si vous me le permettez, j'aimerais dire quelques mots sur mon expérience personnelle : j'ai joué un petit rôle dans cette transformation en Pologne. Pour ceux qui ne le savent pas, je suis né en Pologne, j'y ai grandi et j'y ai fait mes études. Je suis allé à l'Université de Cracovie, pendant que Karol Józef Wojtyla, le futur pape, était archevêque de Cracovie, puis cardinal. J'ai eu l'occasion de le rencontrer presque tous les mois, car il célébrait une messe spéciale pour les étudiants; il était toujours proche des jeunes et pas seulement sur le plan religieux. Ensuite, bien sûr, il est devenu pape.

J'ai terminé mes études en génie minier, et j'ai travaillé dans les mines de charbon. Je faisais partie du mouvement de solidarité qui a réellement été inspiré par sa première visite en Pologne.

J'ignore si je peux l'expliquer en mots, mais j'ai assisté à plusieurs réunions et événements durant sa première visite, et ses discours étaient extrêmement encourageants et électrisaient les gens, surtout lorsqu'il leur enjoignait de ne pas avoir peur : « N'ayez pas peur; n'ayez aucune crainte. » Tous les régimes oppressants assoient leur pouvoir sur la crainte qu'ils sèment parmi le peuple. Le jour où les gens s'affranchissent de cette crainte, le régime peut être renversé.

Je peux donner de nombreux exemples de son influence dans la transformation d'autres parties du monde, durant ses visites, où il défendait toujours l'intérêt des pauvres et des opprimés; il était toujours du côté de la démocratie et de la liberté.

J'aimerais lire une citation de l'ancien dirigeant de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev. Il a accordé une entrevue à Radio Free Europe environ une semaine après le décès du pape. Voici ce qu'il a dit :

Nous dirons maintenant que le pape était tout simplement un homme extraordinaire. Il était un serviteur dévoué de l'Église du Christ, ce qui était l'une de ses qualités les plus remarquables. Enfin, en tant que chef de l'État du Vatican, il a fait beaucoup de choses, grâce aux possibilités que sa fonction lui offrait, pour mettre fin à la guerre froide, pour unir les gens. Il a fait beaucoup pour écarter le risque d'une guerre nucléaire. Cet homme a utilisé les pouvoirs assortis à sa fonction de haut niveau — il faut dire les choses comme elles sont — de la meilleure façon possible. C'était [un homme] qui ne faisait pas passer les considérations politiques en premier, mais qui formait son propre jugement du monde, des situations, de la nature, de l'environnement, à partir du droit à la vie, du droit à une vie digne d'être vécue, et à partir de la responsabilité des gens à l'égard de ce qui se passe dans le monde. Je pense qu'il n'y a jamais eu de défenseur aussi exceptionnel des pauvres et des opprimés dans diverses circonstances et situations, dans les conflits passés ou en cours. C'était un humaniste. C'était véritablement un humaniste avec un grand H, peut-être le premier dans l'histoire du monde.

Je n'aurais jamais cru un jour avoir l'honneur de présenter ce projet de loi devant la Chambre des communes et le Parlement du Canada. Cela a une signification particulière pour moi, mais je crois que le projet de loi a et aura une signification particulière pour tous les Canadiens et les gens des quatre coins du monde.

Merci, madame la présidente.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Lizon.

L'une des choses que vous n'avez pas mentionnées, c'est que le pape était un grand ami de l'Ouganda — le pays d'où je viens —, un grand ami de ma famille. Si vous visitez mon site web, vous verrez beaucoup de photos du pape et de ma famille. Je sais que personne ici n'a besoin d'être convaincu du fait que le pape était un grand homme.

Nous avons convenu d'écouter votre témoignage, puis, maintenant, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi.

Le comité est-il d'accord pour procéder à l'étude article par article du projet de loi C-266, Loi instituant la Journée du pape Jean-Paul II?

Des voix : Oui.

La présidente : L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : Oui.

La présidente : Le préambule est-il reporté?

Des voix : Oui.

La présidente : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il reporté?

Des voix : Oui.

La présidente : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Avec dissidence?

La sénatrice Hubley : Avec dissidence, s'il vous plaît.

La présidente : L'article 3 est-il adopté?

La sénatrice Hubley : Avec dissidence.

La présidente : Avec dissidence.

L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le préambule est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Avec dissidence.

La présidente : Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : Oui.

La présidente : Merci beaucoup.

Chers collègues, nous entamons la deuxième partie de notre séance d'aujourd'hui, qui porte sur la situation des travailleurs de l'industrie du vêtement au Bangladesh.

[Français]

La confection de vêtements est une source d'emplois importante dans le monde en développement.

La flexibilité et la décentralisation poussée de cette industrie, jointes à son recours généralisé à la sous-traitance compliquent la mise en application des normes de santé et de sécurité convenables.

Dans bien des pays exportateurs de vêtements, comme le Bangladesh, l'Inde et le Vietnam, des milliers de salariés sont exposés à des conditions de travail dangereuses et à d'autres risques pour leur santé et leur sécurité.

Le 24 avril 2013, l'immeuble Rana Plaza, de Dhaka, au Bangladesh, s'est effondré, tuant environ 1 130 travailleurs et blessant plus de 25 000 personnes. Il s'agissait du pire d'une série d'accidents mortels survenus dans l'industrie de la confection du Bangladesh, dont l'incendie de novembre 2012 où plus de 100 personnes ont trouvé la mort et l'incendie d'octobre 2013, qui a fait 7 morts et 50 blessés.

[Traduction]

Les droits de la personne existent dans la sphère privée, y compris dans un contexte d'emploi : la santé et la sécurité au travail, un salaire suffisant et des heures de travail raisonnables. Toutes ces protections ont été reconnues grâce à la lutte d'employés dans des pays partout dans le monde pour les droits de la personne en milieu de travail.

Quand la santé et la sécurité des travailleurs ne sont pas protégées, quand les salaires ne permettent pas aux employés d'avoir une qualité de vie décente et quand les employés sont intimidés pour avoir essayé de se syndiquer, il y a un certain nombre de conventions internationales des droits de la personne qui s'appliquent et auxquelles le Bangladesh est un État partie.

Malheureusement, bien que le Bangladesh ait ratifié un certain nombre de conventions internationales sur les droits de la personne, comme la Convention sur l'inspection du travail (agriculture) de l'OIT en 1972, l'effondrement du Rana Plaza et d'autres événements semblables montrent qu'il y a beaucoup de possibilités d'améliorer la mise en œuvre de la convention et qu'une application efficace est encore nécessaire.

Le comité est ravi d'accueillir des représentants d'Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada. Je tiens à noter que le comité est très conscient de l'excellent travail que fait le MAECD en matière de partenariats avec le Bangladesh et les gens de ce pays pour améliorer la qualité de vie des gens, surtout les travailleurs de l'industrie du vêtement au Bangladesh.

J'ai le plaisir de présenter Duane McMullen, directeur général, Direction générale des opérations et de la stratégie commerciale du Service des délégués commerciaux, et je l'invite à partir le bal. Je sais que vous avez une déclaration à présenter.

Duane McMullen, directeur général, Direction générale des opérations et de la stratégie commerciale du Service des délégués commerciaux, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Merci beaucoup de me donner l'occasion de discuter du soutien en matière de pratiques commerciales responsables qu'apporte le gouvernement du Canada aux entreprises canadiennes qui mènent des activités et s'approvisionnent à l'étranger. Les pratiques commerciales responsables font partie intégrante des valeurs canadiennes. Toutefois, nous reconnaissons que par une exploitation responsable, les entreprises canadiennes augmentent leurs chances de succès et contribuent à la prospérité et au développement des pays où elles sont en activité.

Le gouvernement du Canada s'attend à ce que les entreprises actives sur la scène internationale respectent les lois et les normes internationales applicables, agissent de manière transparente et en consultation avec les communautés et les gouvernements locaux et mènent leurs activités de manière responsable sur les plans social et environnemental. Ceci inclue l'approvisionnement responsable, et je reviendrai sur nos efforts dans le secteur du prêt-à-porter dans un moment.

Premièrement, j'aimerais noter qu'un grand nombre de pays où des entreprises sont en activité n'ont pas la capacité de veiller à ce que les entreprises agissent de manière responsable sur leur territoire. Par la promotion des valeurs canadiennes, nous contribuons à combler ces lacunes en mettant en œuvre diverses initiatives pour aider les entreprises canadiennes à relever les nombreux défis auxquels elles sont confrontées pour agir de manière responsable à l'étranger. Une première démarche importante dans les efforts du gouvernement sur ce plan est l'adhésion en 1976 du Canada aux Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales ainsi que ses contributions considérables à leur perfectionnement depuis cette époque.

En ce qui concerne l'approvisionnement responsable, le gouvernement du Canada collabore avec les ministères concernant diverses questions transversales, par exemple les produits textiles et la diligence raisonnable dans ce secteur, notamment les grandes disparités entre les normes en matière de réglementation et d'application dans d'autres marchés.

Au sein du gouvernement du Canada, les efforts déployés concernant les difficultés que présentent les pratiques commerciales responsables dans le secteur du prêt-à-porter sont coordonnés par un groupe de travail interministériel, dont font partie le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, Industrie Canada, Emploi et Développement social Canada, le Conseil national de recherches du Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Nous collaborons également avec l'industrie, la société civile et des partenaires multilatéraux pour évaluer comment nous pourrions encourager l'adoption de bonnes pratiques en matière d'approvisionnement responsable. Les deux récentes séances d'information distinctes portant précisément sur les pratiques responsables au sein de la chaîne d'approvisionnement du secteur du prêt-à-porter — une organisée par mon ministère et l'autre, par Emploi et Développement social Canada — en sont un exemple récent.

Notre engagement à l'égard des pratiques commerciales responsables est aussi réalisé par les missions du Canada à l'étranger. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans le cadre des efforts que nous déployons pour aider les entreprises canadiennes à agir de manière responsable à l'étranger. Nous comptons plus de 900 agents du commerce, de plus de 400 qui travaillent dans 60 pays en développement. Nous travaillons dur afin que tous les agents puissent conseiller les entreprises canadiennes pour les aider à réussir et à agir de manière responsable.

Grâce à un éventail d'initiatives, ces missions peuvent avoir une incidence tangible. Mon collègue, Peter MacArthur, vous exposera les rôles que nos missions jouent en donnant comme exemple notre haut-commissariat du Bangladesh, dans lesquels nous sommes particulièrement engagés avec les acteurs du secteur du prêt-à-porter. La publication d'un livre, par le haut-commissariat du Bangladesh, pour aider les entreprises actives au Bangladesh à appliquer la norme internationale volontaire sur la responsabilité sociale — ISO 26000 — en est un exemple.

Nous accueillons favorablement les initiatives de l'industrie et nous encourageons les entreprises à envisager d'adhérer à celles qui favorisent l'amélioration des conditions de travail, comme l'Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh ou l'Alliance pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh.

Même si l'attention a été concentrée sur le secteur du prêt-à-porter du Bangladesh dernièrement, l'approvisionnement responsable s'applique à de nombreuses chaînes d'approvisionnement du monde et dans divers secteurs manufacturiers. Donc, le gouvernement du Canada demeure déterminé à aider les entreprises canadiennes à adopter des pratiques commerciales responsables, peu importe le pays ou le secteur où elles sont actives, et à offrir des outils et des conseils pour aider les entreprises canadiennes à agir de manière responsable et à réussir.

Merci encore de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

La présidente : Merci beaucoup de votre exposé, monsieur McMullen.

J'aimerais obtenir une précision. Y a-t-il un agent du commerce au haut-commissariat du Canada au Bangladesh?

Peter MacArthur, directeur général, Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est et de l'Océanie, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Il y a un employé embauché sur place qui est agent du commerce...

La présidente : Embauché sur place?

M. MacArthur : C'est exact.

La présidente : Monsieur MacArthur, merci beaucoup d'être venu. J'ai mentionné plus tôt que le comité veut que tout le monde sache que nous sommes conscients de l'engagement d'Affaires étrangères dans ce dossier, et nous respectons votre travail. Je l'ai vu de mes propres yeux; je suis allée au Bangladesh, et j'ai vu le travail que font votre haut-commissaire et le personnel, ainsi que ce que vous faites tous ici. Je veux vous remercier pour tout votre excellent travail. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à nous présenter.

[Français]

M. MacArthur : Je vous remercie, honorables sénateurs, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

Mon collègue, Duane McMullen, vous a parlé de la manière dont le gouvernement du Canada fait la promotion de la responsabilité sociale des entreprises dans le monde. Ma présentation portera sur ce que le gouvernement du Canada fait sur le terrain pour aider à améliorer les conditions de travail dans certains pays, en particulier au Bangladesh, mais il sera également question du Cambodge, du Sri Lanka et d'autres pays autour du monde.

L'effondrement, le 24 avril 2013, de l'immeuble Rana Plaza de Dhaka, a entraîné la destruction de plusieurs usines fournissant du prêt-à-porter à des acheteurs internationaux, y compris la marque canadienne Joe Fresh.

Cela a attiré l'attention de la communauté internationale sur les nombreux problèmes qui affligent le secteur du prêt-à-porter au Bangladesh et ailleurs.

Avant l'effondrement, notre ambassade du Canada à Dhaka suivait déjà de très près les développements dans le secteur. Le commissariat ambassadeur avait, par exemple, décidé de faire la promotion de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) à la suite de la mort de certains travailleurs de la confection dans plusieurs incendies d'usine avant l'effondrement du Rana Plaza. En janvier 2013, l'ambassade a organisé un séminaire intitulé Social Responsiblity as a Safe Factory, qui soulignait l'importance de pratiquer la RSE dans les usines en insistant sur la santé et la sécurité au travail et la sécurité incendie.

Comme M. McMullen l'a mentionné, notre ambassade a également publié un guide sur la mise en œuvre de la norme internationale ISO 26000 en matière de RSE au Bangladesh, dont plus de 8 000 exemplaires ont été distribués jusqu'à présent à des contacts clés au Bangladesh, dans l'industrie, aux syndicats et ailleurs sur le terrain. Un deuxième séminaire sur la RSE, intitulé Social Responsibility and International Standards : Implementing ISO 26000 in Bangladesh, a été tenu par l'ambassade le 1er mars 2014.

Peu de temps après l'effondrement de l'édifice Rana Plaza, Loblaws, propriétaire de la marque Joe Fresh, a communiqué avec moi et mes collègues au ministère. Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement a fourni des conseils et un soutien logistique à quatre de ses cadres supérieurs de Toronto qui ont visité le Bangladesh au début de mai 2013. En plus d'organiser des rencontres avec les principaux intervenants des ministres du gouvernement du Bangladesh et des syndicats, ils ont donné des conseils à la compagnie canadienne. Un cadre de Loblaws est retourné au Bangladesh en février dernier et a rencontré de nouveau des représentants de l'ambassade.

Loblaws et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement demeurent en contact étroit, et cette relation témoigne des avantages de la réponse du gouvernement à l'industrie canadienne pour ce qui est de collaborer à l'amélioration des conditions de travail dans le secteur du prêt-à-porter au Bangladesh.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada a également été très actif dans le dialogue sur les politiques et la défense des intérêts. La haute-commissaire du Canada au Bangladesh, Heather Cruden, est membre d'un groupe d'ambassadeurs résidant dans le pays qui rencontre mensuellement les sous-ministres bangladais du Travail, des Affaires étrangères et du Commerce pour traiter précisément de questions liées à l'industrie du vêtement prêt-à-porter.

Les rencontres permettent de suivre l'évolution des progrès réalisés par le gouvernement du Bangladesh, de maintenir la pression en s'assurant que l'on donne suite aux engagements visant à améliorer les conditions dans le secteur et en insistant pour une réforme plus poussée.

Le haut-commissariat a également participé à des consultations auprès d'intervenants concernant le salaire minimum mensuel, qui est passé de 40 à 73 $ canadiens depuis cette catastrophe. Nous avons aussi participé à une évaluation des besoins des victimes du Rana Plaza.

Le gouvernement du Canada a déposé des déclarations lors de deux séances distinctes d'un comité permanent du gouvernement du Bangladesh. Ces documents — ils sont disponibles si le comité aimerait les consulter — portent sur des modifications du Code du travail du Bangladesh. Le Canada est également intervenu auprès de la Commission de l'application des normes de l'Organisation internationale du Travail à Genève en juin 2013 pour exprimer à nouveau sa crainte que le projet de réforme du Code du travail du Bangladesh ne permette pas à celui-ci de remplir ses obligations internationales en vertu de la Convention no 87, à savoir la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

À la plus récente réunion du conseil d'administration de l'Organisation internationale du Travail, qui a eu lieu à Genève en mars, le Canada a joint sa voix à celle des Pays-Bas et du Royaume-Uni dans le cadre d'une déclaration sur les syndicats au Bangladesh.

Je devrais souligner que, depuis la catastrophe, environ 140 syndicats bangladais ont été établis. On travaille toujours sur le droit à la négociation collective, mais il y a des progrès au chapitre des syndicats.

Comme vous le savez, mon ministère a fusionné avec l'ancienne Agence canadienne de développement international, représentée cet après-midi par M. Dean Frank. Notre nouveau ministère s'attaque de front à cet enjeu, comme en témoigne mon voyage à Dhaka, en octobre dernier, avec le directeur général Jeff Nankivell, mon homologue dans le secteur du développement. Ensemble, nous avons tenu des discussions relatives à la politique étrangère avec le gouvernement bangladais à l'échelon du sous-ministre, Affaires étrangères. Nous avons également rencontré des hauts dirigeants de l'industrie. Nous avons visité une usine de production de vêtements destinés au Canada et à d'autres marchés étrangers. La visite a mis en évidence notre approche nouvellement intégrée — c'était la première fois que nous le faisions à cet échelon depuis la fusion — pour insister, auprès de cadres supérieurs bangladais, sur la nécessité des réformes.

Comme M. McMullen y a fait allusion, Emploi et Développement social Canada a organisé une table ronde tripartite sur les questions internationales relatives au travail, le 9 avril 2014, ici dans la capitale, et elle regroupait des représentants du gouvernement ainsi que des organisations syndicales et patronales.

Jeff Nankivell et moi — ainsi que des représentants du programme « Better Work » de l'OIT, du Conseil canadien du commerce de détail et des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce — avons participé en tant qu'experts à la discussion sur le secteur du prêt-à-porter, où les projecteurs étaient braqués sur le Bangladesh.

En avril 2014, la haute-commissaire Cruden a été nommée au Conseil consultatif du conseil d'administration de l'Alliance for Bangladesh Worker Safety, dans le secteur privé. Elle joue un rôle actif à la fois au sein de l'Alliance et de l'Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh sur le terrain, à Dhaka. Sa nomination en tant que conseillère pour l'Alliance permettra d'améliorer la coordination entre les deux organisations en les responsabilisant davantage et en les rendant plus efficaces. Nous avons notre propre représentant sur le terrain, qui maintient la pression à l'appui des valeurs et des intérêts canadiens.

Pour ce qui est du financement concret, le Canada — plus précisément l'organisation de M. Dean Frank au sein de notre ministère — fournira 8 millions de dollars sur quatre ans en aide publique au développement à une initiative conjointe dirigée par l'OIT et axée sur l'amélioration des conditions de travail dans l'industrie du prêt-à-porter du Bangladesh, de concert avec nos partenaires au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Le projet vise à renforcer la gouvernance, la réglementation et l'inspection du gouvernement du Bangladesh dans le secteur du vêtement. Par exemple, nous exerçons des pressions pour qu'on embauche 200 inspecteurs supplémentaires qui vérifieront la sécurité- incendie et l'intégrité structurale des usines de confection; mettront en œuvre des lois et des politiques sur le travail, dont celles liées à la santé et à la sécurité au travail, dans l'atelier; et faciliteront la coordination entre les intervenants, notamment entre le gouvernement du Bangladesh, l'Accord et l'Alliance.

Le Canada a également financé deux petits projets liés à l'effondrement : un rapport de recherche, en collaboration avec le Centre for Policy Dialogue, sur les droits des travailleurs et l'observance; et la réintégration socioéconomique de neuf personnes grièvement blessées dans l'effondrement du Rana Plaza, avec le Centre for the Rehabilitation of the Paralysed.

Le Bangladesh n'est pas le seul pays où nous nous sommes engagés sur cette question. Le Canada a également suivi de près les événements au Cambodge. C'est toute une question de chaînes de valeur mondiales, bien sûr. Au Cambodge, nous avons vu quatre travailleurs du vêtement tués pendant qu'ils manifestaient pour une majoration du salaire minimum. Le Canada fait régulièrement part au Cambodge de ses préoccupations sur des questions ayant trait aux droits de la personne. Par exemple, des fonctionnaires canadiens, dont l'ambassadeur Phil Calvert, ont rencontré des représentants de l'échelon supérieur à Phnom Penh pour encourager le gouvernement du Cambodge à se conformer à ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne et pour exprimer les préoccupations du Canada concernant l'utilisation excessive de la force par les autorités.

Notre ambassade à Bangkok, accréditée au Cambodge et au Laos, a également organisé la visite au Cambodge d'un dirigeant de Loblaw à la fin de février de l'année en cours. Des réunions ont été organisées entre lui, des représentants du gouvernement et des intervenants clés actifs dans l'industrie du vêtement. Loblaw avait son propre représentant sur le terrain à Hong Kong, qui travaillait en étroite collaboration avec nous par l'intermédiaire de nos hauts- commissariats et de nos ambassades dans la région.

Je tiens aussi à préciser que notre haut-commissariat à Colombo, au Sri Lanka, suit également le secteur du prêt-à- porter dans ce pays. Il y a au moins une grande société canadienne active au Sri Lanka. Il existe un programme de RSE financé par Sri Lanka Apparel — association Sri Lankaise — nommé Garments without Guilt. Ce programme met l'accent sur l'approvisionnement éthique et sur les pratiques de développement durable. L'industrie du vêtement au Sri Lanka a établi des liens avec le gouvernement du pays pour encourager ce dernier à se définir comme une source de vêtements produits de manière éthique.

Comme vous pouvez le constater, je l'espère, à la lumière de ces exemples — particulièrement celui du Bangladesh —, l'amélioration des conditions de travail dans les pays en développement suppose un important effort collectif entre les gouvernements, les marques, les acheteurs, les travailleurs et les propriétaires d'usines. Le Canada continuera de jouer un rôle actif dans ce dossier lié aux droits de la personne.

La présidente : Merci beaucoup de votre exposé.

Nous accueillons aussi aujourd'hui Dean Frank, directeur, Planification stratégique et opérations, Direction générale de l'Asie (Développement). Si je ne m'abuse, monsieur Frank, vous êtes ici pour répondre aux questions. Est- ce exact?

Dean Frank, directeur, Planification stratégique et opérations, Direction générale de l'Asie (Développement), Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Oui, c'est exact.

La présidente : Je tiens à vous remercier tous les trois d'être des nôtres aujourd'hui. Je vais commencer les questions.

J'ai entendu ce que vous aviez à dire, et j'ai observé directement le rôle proactif que joue notre gouvernement auprès du gouvernement bangladais en essayant de faire appliquer le Code du travail, de faire respecter le droit de se syndiquer et de lutter contre les activités antisyndicales de propriétaires d'usines de confection.

Cela n'est possible que par une persuasion polie, ou parfois musclée. Or, nous avons un plus grand pouvoir auprès des entreprises canadiennes. J'aimerais que tous les trois vous me parliez de la responsabilité sociale des sociétés et des mesures particulières que vous mettez en place. Les entreprises canadiennes qui externalisent leur production ont certaines obligations, alors que faites-vous à ce chapitre?

M. McMullen : Nous avons vu beaucoup d'exemples qui ne laissent aucune place à l'ambiguïté, mais, tout récemment, l'effondrement du Rana Plaza l'a bien illustré : les Canadiens ne veulent pas acheter de produits d'entreprises impliquées, disons, dans des situations terribles à l'étranger. C'est le choc qu'a subi Loblaw lorsqu'on a aperçu la marque Joe Fresh dans les décombres de l'édifice du Rana Plaza.

Une des faiblesses du système de vérification à l'époque, c'est que les entreprises ne cherchaient pas à déterminer si les immeubles étaient sécuritaires; or, pour la plupart des entreprises, il est désastreux que sa marque soit associée à quelque chose de négatif. Nous conseillons les entreprises — et l'effondrement du Rana Plaza est un bon exemple — sur les mesures à prendre pour éviter que leur marque soit associée à quelque chose de négatif. Si vous externalisez votre production ou menez des activités en Allemagne, il y a beaucoup de choses dont vous ne devez pas vous inquiéter, parce que les institutions allemandes prévoient des mesures de protection. Mais dans un pays comme le Bangladesh, par exemple, le simple fait qu'un certificat indique que l'immeuble est sécuritaire ne signifie pas que l'immeuble est sécuritaire; la simple existence d'un document selon lequel un syndicat est en place et les travailleurs sont rémunérés de façon équitable ne signifie pas nécessairement que c'est la réalité. Ainsi, les entreprises doivent faire preuve d'une rigueur beaucoup plus grande dans leur diligence raisonnable, en trouvant des tiers indépendants qui leur confirmeront qu'ils ne sont pas impliqués à leur insu dans des activités susceptibles de nuire à leur réputation ou de ternir leur image de marque par la suite.

L'une des choses que nous faisons dans nos bureaux commerciaux à l'étranger, dans des pays en développement, c'est de signaler aux entreprises — surtout celles qui arrivent sur le marché — la possibilité qu'il y ait des risques dont elles ignorent l'existence et qui pourraient faire beaucoup de mal à leurs affaires et à leur réputation, et nous les aidons à prendre la bonne voie pour éviter ces risques.

M. MacArthur : J'ajouterais seulement que si les consommateurs sont importants, les actionnaires de la société le sont aussi; en outre, la réputation de la société aux yeux du gouvernement est une considération importante dans un contexte de mondialisation. Dans un contexte de mondialisation, il y a des contrecoups.

Une société en particulier, Loblaw, a fait preuve de leadership dans le milieu des affaires — à l'échelle internationale, pas seulement au Canada — et a décidé de rester au Bangladesh, mais de prendre des mesures correctives rapidement; elle a continué d'employer des milliers de personnes, surtout des femmes, qui dépendent de ce type de travail pour maîtriser leur destinée. Je crois que cette société a fait la bonne chose en prenant des mesures correctives. Elle a des représentants sur le terrain qui observent aujourd'hui la situation de plus près, et je crois qu'elle le fait parce qu'elle est très à l'écoute non seulement des consommateurs, mais de l'opinion des actionnaires et du gouvernement.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui et d'avoir présenté vos exposés.

Vous avez parlé de Loblaw, et je suis certaine qu'on pourrait donner l'exemple d'autres entreprises aussi. Sont-elles prêtes à faire un pas de plus et à indiquer aux Canadiens — en apposant une étiquette sur les vêtements fabriqués à l'étranger — que le vêtement a été confectionné dans des conditions qui correspondent à ce que les Canadiens jugent comme un traitement respectueux pour un travailleur?

M. MacArthur : Madame la présidente, je crois que les entreprises — Loblaw, en l'occurrence — prennent part à l'accord pour montrer qu'elles prennent des mesures correctives. Ainsi, les sociétés estiment que, en étant partie à l'accord ou à l'alliance, elles montrent au monde qu'elles prennent leurs responsabilités à l'égard de la production externalisée.

Ce qui est difficile au Bangladesh et dans d'autres pays, c'est qu'on peut très bien faire affaire avec une entreprise digne de confiance au Bangladesh, mais celle-ci peut recourir à des sous-traitants moins dignes de confiance à l'insu de l'acheteur canadien ou américain — ou d'ailleurs —, et ce phénomène est en partie facilité par la corruption massive qui règne en Asie du Sud, surtout à des endroits comme le Bangladesh. Alors, c'est très difficile.

C'est une question que vous pourriez poser au Conseil canadien du commerce de détail ou à une entreprise particulière, mais, à la lumière de mes conversations avec des entreprises, je sais qu'elles prennent part à ces accords et à ces alliances pour prendre collectivement le type de mesure qui convaincra les consommateurs qui refusent d'acheter des produits sans avoir la conscience tranquille.

M. McMullen : J'aimerais ajouter brièvement que vous examinez ces normes volontaires de l'industrie, comme l'accord ou l'alliance au Bangladesh, mais il y a bien d'autres normes. Elles s'appliquent à différents marchés. Mais l'accord et l'alliance, tout particulièrement, à la suite de l'effondrement du Rana Plaza, évoluent très rapidement. On y intègre plus de choses pour que les parties aux différents projets doivent les adopter, et la suite logique serait la création d'une marque ou d'une griffe qui pourrait être apposée aux vêtements. Parfois, au supermarché, on peut voir que le café est un produit du commerce équitable ou quelque chose comme ça.

La sénatrice Hubley : La traçabilité.

M. McMullen : Oui, mais il y a du travail à faire. Vu l'évolution rapide de ces normes, c'est la voie que devraient logiquement prendre nos collègues du secteur privé; nous travaillons à l'adoption de normes comme celles-ci, et nous encourageons les entreprises à le faire.

La présidente : Je sais que Loblaw a vraiment fait preuve de leadership, et il faut l'en féliciter.

Savez-vous si les victimes du Rana Plaza ont été dédommagées?

M. MacArthur : Oui. Nous croyons savoir que le gouvernement du Bangladesh a versé environ 20 millions de dollars au Prime Minister's National Relief Fund. La Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association a aussi versé 1,85 million de dollars américains pour couvrir les coûts de réadaptation et le salaire des travailleurs pour une période de trois mois et afin de venir en aide aux travailleuses enceintes.

Le gouvernement offrira peut-être une aide financière supplémentaire, mais je dois ajouter qu'un fonds de contributions volontaires mondial a été établi à la demande d'organisations syndicales internationales et est présidé par l'OIT. Je crois comprendre que 15 des 40 millions de dollars demandés ont déjà été versés, et Loblaw Canada a injecté 3,7 millions de dollars dans le fonds, en plus des 285 000 $ alloués à titre d'indemnisation à court terme à l'intention des travailleurs de l'atelier du Rana Plaza qui produisait des vêtements pour la marque Joe Fresh.

La sénatrice Ataullahjan : Le gouvernement du Bangladesh a-t-il été réceptif face à l'attention accrue dirigée sur son industrie du vêtement?

M. MacArthur : Je crois effectivement que le gouvernement du Bangladesh — par l'intermédiaire de son haut- commissaire ici à Ottawa, qui tient des rencontres avec nous, et à l'occasion de rencontres régulières que tient notre haute-commissaire à Dhaka — ressent la pression, comprend le message. Par exemple, nous ne sommes toujours pas convaincus qu'il a embauché 200 inspecteurs additionnels comme il a promis de le faire.

En revanche, il est bon de voir, grâce à l'alliance et à l'accord, le grand nombre d'usines de confection qui ont effectivement fait l'objet d'une inspection adéquate depuis la catastrophe, il y a un an. Je peux vous dire que, aux termes de l'accord, 400 usines ont été inspectées au total. Dans le cadre de l'alliance, 473 usines ont été inspectées, entre autres sur les plans de la sécurité du système électrique, de la sécurité-incendie et de l'intégrité structurale. En un an seulement, il s'agit d'un changement absolument remarquable, sans parler du fait que, régulièrement, le ministre du Travail et le ministre des Affaires étrangères se montrent très à l'écoute de l'opinion internationale, y compris le point de vue du comité et du gouvernement du Canada, et sont très conscients du fait que le Parlement du Canada et vous- même s'intéressent beaucoup à ce sujet. Je peux vous garantir que le haut-commissariat du Bangladesh est très intéressé par notre discussion d'aujourd'hui, car il est conscient aussi qu'il s'agit de sa principale industrie d'exportation. Ce pays est le deuxième exportateur de vêtements en importance au monde, et il faut sauvegarder cette poule aux œufs d'or et la rétablir de sorte que tout le monde y gagne. Il prend la situation très au sérieux, car cela représente une part énorme de son PIB. En effet, 80 p. 100 de ses exportations sont des vêtements.

La sénatrice Ataullahjan : Vous dites que les entreprises sont plus conscientes de leurs responsabilités sociales. Par exemple, Trimark avait mené deux vérifications de l'édifice Rana Plaza, mais n'avait pas fait d'étude structurale parce que ce n'était pas pratique courante à l'époque. Cela a-t-il changé?

M. MacArthur : Oui, en effet, cela a changé, grâce au leadership de la Bangladesh University of Engineering and Technology, invitée à intervenir par le gouvernement du Bangladesh. Ses ingénieurs spécialisés en structures participent directement à toutes ces inspections d'usines de confection, ce qui n'était pas le cas avant, alors on s'est rendu à l'évidence quant à la gravité du problème, et on déploie des efforts importants.

Nous ne sommes pas complètement satisfaits de tous les efforts déployés, mais le pays avance dans la bonne direction. Et l'intervention des ingénieurs de l'université de technologie, à la demande du gouvernement du Bangladesh, est un nouveau facteur important.

La sénatrice Ataullahjan : En juillet dernier, lorsque j'ai visité les décombres de l'édifice, de l'usine du Rana, dès que je suis arrivée sur place, j'ai été accueillie par un groupe de parents qui attendaient encore de récupérer le corps de leurs enfants, qui étaient encore ensevelis. Lorsque je leur ai parlé, j'ai appris qu'ils n'avaient pas encore été indemnisés. Savons-nous si la situation a changé depuis lors?

Je dois saluer le travail de Loblaw, car, lorsque je suis retournée, en fouillant dans les décombres, comme vous l'avez mentionné, il y avait des étiquettes de Joe Fresh, qui étaient faciles à voir. Vous pouviez les apercevoir en faisant le tour de l'édifice effondré. J'ai communiqué avec les représentants de l'entreprise, qui ont tout de suite répondu à mon appel, et Bob Chant, vice-président principal aux Affaires corporatives et aux communications, nous a parlé; il m'a encouragée à visiter le magasin à Toronto. Loblaw a fait preuve de leadership, et je suis fière du travail que la société a accompli.

Je repense toujours à tous ces parents qui attendaient là, sous une chaleur torride, tout simplement pour avoir des nouvelles de leurs enfants, et ils n'avaient pas non plus été indemnisés.

M. MacArthur : On a pris des mesures visant la réadaptation et l'aide à l'emploi pour les victimes du drame du Rana Plaza; alors des efforts ont été déployés à cet égard. Je crois que la contribution de l'OIT s'inscrira dans ce courant.

C'était une grande tragédie, plus de 1 000 personnes ont perdu la vie. Il incombe au gouvernement du Bangladesh de prendre des mesures. Il fait de son mieux. Par exemple, voici une chose très importante : il a mis au point une base de données ouverte au public pour rendre des comptes sur les inspections du travail, des usines et des bâtiments, et 3 400 ateliers de confection de vêtements y figurent actuellement. Cela vous donne une idée de l'ampleur du problème. On y recense 3 400 usines de confection, mais il y a des centaines, voire des milliers, d'usines supplémentaires qui ne sont pas du tout sécuritaires.

Par l'intermédiaire de l'accord et de l'alliance, qui donnent lieu à une certification et à des inspections qui n'étaient pas une réalité par le passé, au chapitre de l'intégrité structurale des immeubles — par exemple, la sécurité-incendie —, nous croyons que, au fil du temps, les ateliers qui ne sont pas sécuritaires et qui ne devraient pas être des lieux de production seront voués à la faillite. C'est dans l'intérêt du gouvernement bangladais s'il veut protéger l'image de marque du pays et son principal secteur industriel.

En ce qui concerne toute indemnisation ultérieure, je n'ai rien à ajouter. Le fonds est là. Comme vous pouvez le constater, il reste 50 millions de dollars à recueillir; la cible de 40 millions de dollars n'a pas encore été atteinte. Nous encourageons l'industrie et les syndicats, ainsi que d'autres joueurs, à contribuer à ce fonds pour l'avenir, surtout pour les survivants qui sont blessés ou paralysés, ont perdu un membre ou font face à un avenir incertain.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie du travail que vous effectuez là-bas; vous faites beaucoup de travail, selon ce que vous nous décrivez.

Vous avez versé une contribution de 8 millions de dollars, vous travaillez avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas dans le cadre de ce programme, et vous avez décrit vos objectifs. Le premier est de renforcer la gouvernance du gouvernement du Bangladesh sur le plan de la réglementation et des inspections touchant le secteur du vêtement.

Je ne voudrais pas me montrer trop sceptique ou cynique ici, mais le Bangladesh a ratifié toutes sortes de conventions et d'instruments de l'OIT au fil des ans. De toute évidence, le pays n'a pas la volonté politique nécessaire pour les mettre en œuvre, sinon, ce gâchis ne serait probablement pas survenu.

J'imagine qu'une des choses à l'origine du manque de volonté politique, c'est toute la corruption qu'il y a là-bas. Il est bien de renforcer la capacité, mais comment surmonterez-vous le manque de volonté politique et la corruption?

M. McMullen : Si je peux le décrire de façon très générale, nos politiques pour les cas comme celui-ci ont deux aspects. Le modèle d'excellence, le but ultime, est d'aider le pays à acquérir la capacité de gérer et réglementer de façon adéquate son propre secteur privé. C'est ainsi que fonctionne la majeure partie du monde industrialisé. Cela crée un bon environnement où les entreprises n'ont pas à s'inquiéter de choses comme la sécurité de l'ascenseur dans l'immeuble. Elles peuvent concentrer leurs efforts sur leurs activités.

Je crois que mon collègue serait d'accord pour dire que le Bangladesh est un projet à long terme. Il y a beaucoup de chemin à faire, mais il est possible de réaliser des progrès graduels. Voilà un aspect de la politique. Nous reconnaissons à quel point c'est difficile.

L'autre aspect de la politique consiste à faire en sorte que les entreprises sachent que, lorsqu'elles mènent des activités dans ces marchés à problèmes, elles ne peuvent pas se fier aux certificats ou aux garanties du gouvernement comme c'est le cas au Canada, aux États-Unis ou en France. Elles doivent compenser ces choses qui manquent.

Si vous recourez à la sous-traitance pour produire des vêtements prêts-à-porter, par exemple, vous ne pouvez pas présumer que les travailleurs de l'atelier de confection sont traités correctement et équitablement, d'une façon qui reflète votre image de marque. Vous devez retenir les services d'un vérificateur indépendant pour vous assurer que c'est le cas, afin de ne pas vous impliquer par inadvertance dans une situation malheureuse, comme l'ont fait Loblaw et d'autres entreprises lors de l'effondrement du Rana Plaza.

Il y a un écosystème prospère et grandissant d'entreprises qui font exactement cela. Elles inspectent des usines, parfois de façon secrète; elles mènent des entrevues auprès de travailleurs et vérifient des choses comme la sécurité- incendie, entre autres. L'intégrité des nouveaux bâtiments — depuis le drame du Rana Plaza — est aussi quelque chose qu'elles vérifient. Il y a une liste grandissante de points que vous pouvez, à l'aide de vos propres mécanismes indépendants, vérifier pour déterminer si la situation est acceptable.

Comme l'a mentionné mon collègue, de plus en plus d'acheteurs étrangers, dont des Canadiens, insistent sur le respect de certaines normes minimales avant même d'accepter de faire affaire avec une entreprise, ce qui encourage celles qui tentent de se distinguer en offrant des prix vraiment bas et en exploitant les travailleurs à se dire : « Non, non; je vais me démarquer de la concurrence en prenant soin de mes employés, en leur offrant un environnement de travail sécuritaire et en leur versant un salaire équitable. » Lorsque les normes du secteur privé auront une incidence grandissante sur le marché, l'effet sera là, même si le gouvernement n'a pas réussi à exercer sa fonction de gouvernance.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi d'intervenir ici. Où se classe le Canada en ce qui concerne les vêtements qu'exporte le Bangladesh? Je sais qu'il y a d'autres pays, mais nous parlons surtout du Bangladesh à l'heure actuelle. Où se classe le Canada par rapport aux autres pays qui importent aussi des vêtements du Bangladesh? Les États-Unis sont les premiers importateurs, je suppose.

M. MacArthur : Les États-Unis et l'Union européenne sont les deux principaux acheteurs.

Le sénateur Eggleton : Sommes-nous très loin derrière?

M. MacArthur : Je dirais que nous nous trouvons au milieu du palmarès. Même la Chine importe des vêtements du Bangladesh; c'est donc une industrie mondiale; le pays approvisionne une grande partie du monde, dont la Chine.

Le sénateur Eggleton : Alors, nous ne sommes pas le plus gros joueur sur le terrain.

M. MacArthur : Non.

Le sénateur Eggleton : Comment les différents pays... Je vais dire pays et entreprises, car nous nous en sommes tenus à Loblaw, qui semble prendre ses responsabilités, quoique sous le coup de la honte. Y a-t-il d'autres entreprises qui font cela? J'ai entendu dire que Loblaw est arrivée et a versé une contribution, d'autres sociétés, comme Walmart, étaient réticentes à le faire. Parlez-moi d'autres pays et d'autres entreprises. Travaillent-ils dans le même sens que nous, ou faisons-nous cela tout seuls?

M. McMullen : Nous parlons beaucoup de Loblaw, mais il convient de mentionner que l'accord et l'alliance sont deux normes multinationales établies par le secteur privé. Je parcours mes notes. L'une d'elles est très axée sur l'Amérique du Nord, alors un grand nombre de grandes marques canadiennes en font partie.

Le sénateur Eggleton : De quelle norme parlez-vous? Je voulais vous demander pourquoi nous en avons deux.

M. McMullen : L'alliance est très centrée sur l'Amérique du Nord et regroupe beaucoup de marques américaines et canadiennes. L'accord est largement européen. Mais Loblaw, après avoir regardé les deux choix à sa disposition, a décidé de se rallier à l'accord. Loblaw est partie à l'accord. Ce qui arrive, c'est que ces entreprises, avec le soutien de gouvernements comme celui du Canada, étudient les façons d'attester que les droits des travailleurs — tels que nous les définirions — sont respectés et la sécurité des travailleurs, comme nous la définirions, est respectée, puis elles ajoutent graduellement des choses à la liste.

Il s'agit d'un effort multinational dans le cadre duquel le Canada joue un rôle. Et on ne se limite pas au Bangladesh. Nous avons beaucoup parlé du Bangladesh à cause de la catastrophe du Rana Plaza, mais ces mêmes normes ont aussi un impact dans d'autres pays en développement.

Le sénateur Eggleton : C'est une bonne chose à savoir, mais comment pouvons-nous veiller à ce que les pays et les entreprises appliquent toujours les normes? Si, dans quelques mois ou dans quelques années, on perd le cap ou on cesse de prêter attention et que les vêtements sont achetés à faible prix... Comment peut-on s'assurer qu'ils continuent à les appliquer?

M. McMullen : En parlant aux entreprises, nous avons constaté que beaucoup d'entre elles comprennent déjà l'enjeu. En quelque sorte, on prêche les convertis.

Pour d'autres, surtout ceux qui arrivent tout juste dans le monde en développement, l'argument que je présente aux entreprises à l'étranger, c'est que c'est comme une assurance contre l'incendie. Les photos de l'effondrement du Rana Plaza sur lesquelles on voit la marque Joe Fresh sont un excellent exemple à donner; elles sont extrêmement parlantes. Ce sont les dommages que risque votre image de marque si vous vous laissez entraîner dans ce genre de choses, alors, il faut déployer les efforts et affecter les ressources nécessaires pour s'assurer de tout ce que j'ai mentionné. Tout laisser- aller équivaudrait à ne pas payer sa prime d'assurance contre l'incendie; il peut y avoir un gain à court terme, mais on s'expose à un risque énorme.

Le sénateur Eggleton : Le ministère des Affaires étrangères va-t-il aider ces entreprises à se conformer?

M. McMullen : Celles qui viennent à nous et nous demandent conseil; nous trouvons que l'argument est très convaincant.

La sénatrice Marshall : Je voulais parler un peu du groupe de travail interministériel, qui regroupe un bon nombre de ministères.

Du reste, en réponse aux questions du sénateur Eggleton, vous avez parlé d'autres pays et d'autres groupes. Ensuite, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné les 900 agents du commerce.

Qui rassemble tous ces éléments? Qui dirige? Est-ce Affaires étrangères? Qui assure la coordination? Il semble que vous ayez un certain nombre de joueurs. Qui assure la cohésion?

M. McMullen : Un processus central auquel nous participons; c'est une obligation du Canada à titre de membre de l'OCDE... Celle-ci a des lignes directrices à l'intention des multinationales. Il s'agit d'un ensemble de normes assez détaillées sur le comportement que sont censées adopter les entreprises des pays membres de l'OCDE dans les pays en développement, car ces derniers n'ont pas la capacité de s'assurer que ces entreprises se comportent correctement.

C'est mon rôle au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international : travailler avec l'OCDE en vue d'améliorer les lignes directrices et de les pousser plus loin. Nous faisons cela. Ce groupe de travail interministériel est pour nous une source clé de données et de commentaires, car nous ne possédons pas une expertise technique dans beaucoup de ces secteurs, mais nous nous en remettons à nos collègues d'autres ministères pour combler les lacunes.

Nous avons aussi un point de contact national. C'est une autre obligation imposée par l'OCDE, de sorte que les plaintes puissent nous parvenir au sujet du comportement d'une entreprise canadienne à l'étranger. Nous menons des enquêtes à la suite de ces plaintes et essayons de régler ces situations et d'y remédier.

La sénatrice Marshall : Qui dirige? Quelqu'un doit chapeauter tout cela. Est-ce Affaires étrangères?

M. McMullen : Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement est responsable des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. J'exerce — entre autres — cette fonction particulière au sein du ministère.

La sénatrice Marshall : Alors, dans ce groupe, qui fixe les objectifs? Est-ce le groupe qui décide quels sont vos objectifs? Est-ce aussi officiel que cela? Avez-vous certains objectifs? Comment mesurez-vous votre réussite? Comment déterminez-vous si vous accomplissez quelque chose? Fixez-vous vos objectifs dès le début, pour ensuite déterminer si, l'an dernier, vous avez réussi à accomplir ceci, cela et quelque chose d'autre, ou est-ce moins officiel que cela?

M. McMullen : Je dirais que nous avons trois objectifs fondamentaux. Tout d'abord, nous devons promouvoir les principes directeurs auprès de nos entreprises. Nous suivons de très près nos activités promotionnelles, que ce soit un discours prononcé lors d'un événement, la publication d'une brochure ou le recours à notre capacité de rassembler les joueurs pour parler d'un enjeu particulier. Nous faisons ces choses et nous en assurons le suivi.

La sénatrice Marshall : Vous assurez le suivi de ce que vous faites. Suivez-vous aussi le suivi de ce que font les autres, pour voir si vous les avez convaincus de donner suite à vos recommandations?

M. McMullen : Nous n'assurons pas le suivi de notre prosélytisme. Nous n'en assurons pas le suivi à proprement parler, mais nous suivons, par exemple, nos collègues de Ressources naturelles Canada, qui ont mené des sondages et ont découvert que le terme « responsabilité sociale des entreprises », qui était à peu près inconnu dans l'industrie, a atteint des niveaux de reconnaissance très élevés au cours de la période où nous avons commencé à promouvoir ces concepts et ces idées. Nous n'assurons pas un suivi rigoureux, mais, lorsque nous recueillons des échantillons statistiques, nous pouvons constater que nous faisons des progrès.

La sénatrice Marshall : Vos efforts ont des retombées. D'accord.

Je sais que nous parlons de l'industrie du vêtement ici, mais est-ce le seul secteur que vous étudiez? J'ai lu en fin de semaine un article paru dans le National Geographic qui parlait du Bangladesh et du fait que différents pays envoyaient leurs vieux navires là-bas pour qu'ils soient démolis et mis en morceaux. Suivez-vous des industries autres que celles du vêtement?

M. McMullen : Je dirais que plus de 90 p. 100 de notre travail se rattache en fait au secteur de l'extraction, qui englobe des sociétés minières canadiennes et des sociétés pétrolières et gazières canadiennes qui mènent des activités à l'étranger. Selon notre expérience, c'est dans ce secteur que se sont concrétisés les plus grands risques de problèmes inattendus et accidentels.

Nos obligations de surveillance ne visent que les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l'étranger. À ma connaissance, il n'y a pas eu de cas d'entreprise canadienne active dans le secteur de la démolition de navires. Si c'était le cas, nous pourrions être chargés de ce dossier, si nous en entendions parler, puis nous commencerions à enquêter dans ce secteur.

Par exemple, si je regarde les vêtements prêts-à-porter, dans le cadre de l'OCDE, nous nous parlons et travaillons tous ensemble, et nos collègues en France ont fait un excellent travail dans le secteur des vêtements prêts-à-porter, ce qui nous a aidés à éclairer nos politiques.

Mais, dans le cadre du consensus de l'OCDE, le Canada a été le véritable chef de file dans les secteurs des mines et de l'exploitation pétrolière et gazière, en élaborant des politiques et des lignes directrices qui ont été diffusées et adoptées par d'autres membres de l'OCDE lorsqu'ils se penchent sur leurs entreprises menant des activités à l'étranger.

La sénatrice Marshall : C'est intéressant. Merci.

La sénatrice Hubley : Selon les statistiques, de 80 à 85 p. 100 des travailleurs du vêtement des quatre coins du monde sont des femmes, et, dans les pays en développement, les enfants sont souvent employés dans l'industrie du vêtement aussi.

Parmi les enjeux qui font surface, ceux que je viens de mentionner sont-ils abordés à un échelon ou à un autre dans le cadre des conversations que vous tenez avec d'autres pays, particulièrement ceux qui ont une industrie du vêtement?

M. McMullen : Oui. Les droits des femmes et particulièrement les droits des enfants sont des domaines auxquels nous réfléchissons beaucoup. Ce n'est pas nécessairement aussi simple que vous pourriez le croire au premier abord. Par exemple, si un enfant travaille dans l'usine de confection, son renvoi pourrait en fait être une catastrophe financière pour la famille. Ou, si l'enfant travaille aux côtés de sa mère et que vous le renvoyez à la maison, où doit-il aller?

Alors, on essaie de créer un scénario où est pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, puis, particulièrement si on pense aux entreprises et aux lignes directrices canadiennes, de ne pas interdire à l'enfant de travailler ou d'accéder au milieu de travail, car cela sert peut-être véritablement l'intérêt supérieur de la mère et de l'enfant. Comment peut-on améliorer l'environnement pour l'enfant dans un tel contexte? Comment peut-on s'assurer que l'enfant a la possibilité de s'instruire et d'apprendre ou que la famille dispose d'un revenu suffisant pour qu'elle ne dépende pas du revenu généré par l'enfant pour survivre?

Nous travaillons avec l'UNESCO et d'autres ONG axées sur l'enfant pour nous assurer d'obtenir de bonnes lignes directrices visant à obtenir le meilleur résultat pour les enfants.

M. MacArthur : C'est une très bonne question. Je veux que vous sachiez que tous nos chefs de mission — aux quatre coins du monde et surtout dans ce type de pays — sont soumis à des exigences strictes visant la défense des valeurs canadiennes, la protection et la promotion de nos intérêts nationaux, y compris ceux des Canadiens voyageant à l'étranger, du côté des consulats, et des gens d'affaires, du côté du commerce. Lorsqu'ils détectent un problème, ils passent à l'action.

À la mi-mai, au Bangladesh, notre haute-commissaire rencontrera des représentants de la Grande-Bretagne, de l'UE, des Pays-Bas et les trois différents ministres bangladais pour assurer un suivi : « Avez-vous embauché ces inspecteurs? Combien en avez-vous embauché? Quelles autres mesures prenez-vous? »

À la fin de juin, nous assisterons à une réunion de l'OCDE à Paris sur cette même question et, à la mi-juillet, nous avons l'examen du Bangladesh dans le cadre du pacte sur la durabilité de l'Union européenne. L'OIT nous a demandé de jouer un rôle pour maintenir la pression.

Aujourd'hui, si vous vous retrouviez à Dhaka, au Bangladesh, vous constateriez que notre haute-commissaire est parmi les deux ou trois personnes les plus actives sur ce front. C'est une des raisons pour lesquelles on lui a demandé de se joindre au comité consultatif. Le Canada a été appelé à participer; nous avons été invités à déposer des observations à leurs comités parlementaires s'intéressant au droit du travail.

Le sénateur Eggleton : Je comprends ce que vous dites au sujet de la difficulté de sortir un enfant du travail, en raison des effets de cette mesure sur la famille ou parce que — du fait qu'il travaille aux côtés de sa mère — il n'a pas d'autre endroit où aller. Je comprends ce que vous dites, mais, si on pense aux valeurs canadiennes, c'est une situation difficile. Que faites-vous dans de tels cas pour vous assurer que l'enfant a accès à une certaine instruction et a la possibilité de s'affranchir de cette situation?

M. McMulllen : Tout d'abord, je veux dire — et je n'essaie pas nécessairement d'invalider votre question — que j'ai grandi sur une ferme, et je travaillais très dur à la ferme lorsque j'étais petit.

Le sénateur Eggleton : C'est un peu différent; en fait, c'est plus qu'un peu différent.

M. McMulllen : Oui.

Comme on le ferait dans le cas d'enfants qui travaillent sur une ferme dans un pays du tiers monde ou au kiosque de légumes de leurs parents sur le bord de la route, il faut se garder d'appliquer les valeurs canadiennes différemment de la façon dont nous les appliquons au Canada. C'est pourquoi nous travaillons en collaboration très étroite avec des ONG axées sur les enfants afin d'obtenir des conseils au sujet de politiques qui serviraient l'intérêt supérieur des enfants, puis que nous recourons à notre mécanisme d'examen par les pairs de l'OCDE. Je pense seulement à notre processus de l'OCDE relatif aux entreprises multinationales. Nous utilisons notre mécanisme d'examen par les pairs de l'OCDE pour mettre au point des lignes directrices qui aident les sociétés à comprendre comment elles peuvent mener leurs activités dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En outre, comme l'a mentionné mon collègue, si on prend l'exemple du Bangladesh, une société pourrait faire le choix facile de ne pas même évoluer sur ce marché et ainsi éviter tout risque pour son image de marque, mais les gens ont besoin des emplois.

La présidente : Je vais devoir vous interrompre ici, car nous manquons de temps.

Le sénateur Ngo : La plupart des vêtements qu'importe le Canada proviennent de pays en développement, comme la Chine, le Bangladesh, le Cambodge, Bangkok — comme vous venez de le mentionner — et le Vietnam, mais vous n'avez pas parlé de ce dernier. À l'heure actuelle, le Vietnam est considéré comme l'un des principaux pays exportateurs de vêtements pour 2014, et la valeur de ses exportations au Canada dépasse les 40 millions par année. Le droit à la liberté d'association et le droit de se syndiquer sont des facteurs très importants pour la sécurité des milieux de travail et la sécurité des employés. Or, comme vous le savez, les travailleurs au Vietnam n'ont pas le droit de se syndiquer ni ne jouissent d'aucune liberté d'expression ou d'association. Par conséquent, la rémunération est modeste, les salaires sont bas et ainsi de suite.

Quel est le rôle du Canada, et que pourrait faire le Canada au Vietnam à cet égard?

M. MacArthur : C'est une très bonne question. Je peux vous dire que, lorsque nous rencontrons des hauts dirigeants du gouvernement vietnamien — nous avons rencontré un sous-ministre il y a quelques mois seulement —, nous faisons valoir nos préoccupations liées aux droits de la personne, y compris dans le domaine du travail. Je dois dire que, dans le cadre de notre dernier échange, nous avons été rabroués par le gouvernement vietnamien — par des visiteurs —, et nous le faisons aussi, bien sûr, à Hanoï, par l'intermédiaire de notre ambassadeur. Cette fois-ci, le gouvernement a été plus à l'écoute, et le contact a été plus soutenu. Il négocie dans le cadre du PTP et, s'il veut obtenir de bons résultats, il doit réformer ses entreprises étatiques et le Code du travail pour que la situation soit acceptable aux yeux de la communauté internationale.

Nous travaillons constamment sur cela. Nous exerçons des pressions lorsque nous le pouvons. Le Canada a beaucoup de crédibilité dans le monde à cet égard. On nous écoute. Le ministre des Affaires étrangères du Vietnam nous rendra bientôt visite, et ce sujet sera assurément abordé.

Nous venons tout juste d'ouvrir une ambassade en Birmanie — au Myanmar —, et c'est un autre pays qui deviendra — j'en suis certain — une plaque tournante de la fabrication de vêtements. Une des raisons pour lesquelles nous avons une ambassade et un ambassadeur en Birmanie, c'est que cela nous permet de surveiller le respect de ces droits du travail, du point de vue de la santé et de la sécurité, mais aussi des droits de la personne en général, car la Birmanie connaît une grande transformation.

Le sénateur Ngo : La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que, comme vous le savez, la plupart des entreprises vietnamiennes, voire toutes, appartiennent à des fonctionnaires vietnamiens ou à des membres de leur famille, ou quelque chose comme ça. Elles n'appartiennent pas à des intérêts privés. Par conséquent, si vous parlez à un fonctionnaire vietnamien, vous vous adressez soit à un représentant du gouvernement, soit à un propriétaire. Comment faites-vous la part des choses? Ils possèdent ces choses, dont ils ne se départiront pas facilement. À l'heure actuelle, au Vietnam, aucun droit de la personne n'est respecté. Il n'y a pas de liberté d'expression. Il n'y a pas de liberté d'association. Les syndicats n'existent pas. Il n'y a pas de droit du travail. Que faites-vous?

M. MacArthur : Notre ambassadeur et notre délégué commercial principal à Hanoï et à Hô Chi Minh-Ville sont régulièrement en communication avec l'industrie et avec des entreprises, pas seulement des fonctionnaires, mais tout l'éventail de représentants de la société civile au Vietnam. Il est question de persuader et de convaincre. Je crois que la catastrophe au Bangladesh a été pour eux un avertissement et leur a fait comprendre qu'ils devaient mettre de l'ordre dans leurs affaires et être un peu plus raisonnables et ouverts en ce qui concerne les droits de la personne, particulièrement dans le cas des associations de travailleurs et des syndicats. Je crois que ces catastrophes avec le temps finissent par ouvrir les yeux de gouvernements comme celui du Vietnam et, certes, celui de la Birmanie.

Ce qu'il importe de souligner, c'est que nous poursuivons nos efforts en collaboration avec des pays aux vues similaires. Le Canada ne travaille pas seul au Bangladesh ou au Vietnam ou ailleurs. Nous avons tendance à travailler en collaboration étroite avec l'Union européenne, les États-Unis et d'autres pays, comme l'Australie et la Nouvelle- Zélande — des pays animés des mêmes idées — afin d'exercer des pressions sur ces gouvernements, en disant essentiellement que, s'ils veulent accéder à nos marchés — parce que nos consommateurs et nos actionnaires sont très préoccupés par cet enjeu —, ils doivent se retrousser les manches et assurer un meilleur contexte de fabrication, dans des conditions de travail adéquates, qui sont la norme dans les marchés d'exportation qu'ils veulent conquérir.

M. McMullen : Je vous rappelle aussi le pouvoir qu'ont les sociétés qui veulent défendre les valeurs associées à leur image de marque. Prenons l'exemple du Vietnam : si Loblaw externalisait sa production au Vietnam, la société aurait une liste d'exigences auxquelles devrait satisfaire l'usine de confection, comme des conditions de travail sécuritaires et toute une multitude d'autres choses qu'elle aura apprises de son expérience au Bangladesh. Cela peut être un moteur de changement très puissant, même lorsque c'est un fonctionnaire vietnamien qui est propriétaire de l'usine, car on dit : « Si vous voulez faire affaire avec nous, c'est la norme que vous devez respecter. La priorité n'est pas seulement le prix. Notre image de marque ne peut pas se permettre ces choses. Nous avons besoin d'inspecteurs externes et indépendants qui peuvent mener un examen et une vérification — que ce soit directement ou dans le cadre d'un effort interentreprises, multinational, afin de confirmer que votre usine respecte ces normes. Si c'est le cas, vous êtes autorisé à soumissionner pour notre contrat, mais si vous ne pouvez même pas respecter ces normes, vous ne pouvez pas soumissionner. »

Même un propriétaire d'usine communiste peut être motivé à améliorer les conditions de son usine pour respecter cette norme.

La sénatrice Unger : Merci, messieurs. Mes questions sont un peu éparpillées. J'aimerais revenir aux usines de confection de vêtements.

Quel genre de mesures correctives Loblaw a-t-elle prises? J'ai entendu dire que la société avait agi rapidement; elle avait fait ceci et cela. Qu'a-t-elle fait?

M. MacArthur : Loblaw a réagi très rapidement et a envoyé des cadres supérieurs et des VP principaux dans les semaines qui ont suivi la tragédie à Dhaka. Ces efforts ont été retardés par les hartals, des mesures prises par les travailleurs. Il y a eu des protestations. Il était difficile d'entrer au pays. Les représentants ont persévéré et sont entrés. Ils ont rencontré des représentants du gouvernement et des syndicats et les propriétaires d'ateliers de confection. Comme je l'ai dit plus tôt, la société a offert des fonds à des fins d'indemnisation.

Loblaw a fait un pas important. Elle a établi un représentant canadien à Hong Kong qui surveillerait les activités au Vietnam, au Cambodge et au Bangladesh et qui se rendrait périodiquement à ces endroits, mesure qu'elle n'avait pas prise avant. Pour nous, ça, c'est du leadership : elle a protégé son image de marque et s'est assurée que l'effectif qu'elle avait là-bas, largement féminin, qui aide à faire du Bangladesh... Pays qui, soit dit en passant, a une population approximativement équivalente à celle de la Russie, sur un tout petit territoire. C'est remarquable lorsqu'on pense aux objectifs du Millénaire pour le développement, qui seront atteints de façon beaucoup plus efficace que dans d'autres pays.

Le pays est toujours aux prises avec de graves problèmes, dont ceux qui affligent sa classe politique. Nous ne l'avons pas mentionné, mais il y a eu une élection dysfonctionnelle boycottée par l'opposition.

Alors, le gouvernement lui-même a encore du chemin à faire. Il fait de son mieux, et je crois que, dans la dernière année, a fait de bons progrès. Mais je sais que l'OIT et le gouvernement du Canada ne sont pas satisfaits des progrès réalisés jusqu'à maintenant, et nous allons continuer à dire cela, particulièrement par l'entremise de l'OIT, qui est soutenue par la communauté internationale.

La sénatrice Unger : Il y a une personne à Hong Kong ayant pour mandat de surveiller tous ces pays différents. L'un de vous a dit plus tôt qu'il y avait 3 400 usines répertoriées, et vous n'êtes pas certain du nombre d'usines non répertoriées.

M. MacArthur : Je crois que la question se poserait peut-être mieux à la société elle-même, mais, d'après ce que je comprends, le Canadien responsable établi à Hong Kong travaille avec d'autres employés sur le terrain, embauchés à l'échelon local. Alors, la société a son réseau et a sélectionné des usines de confection chargées de la production dans différents pays de la région de l'Asie du Sud-Est. Voilà les usines qu'elle observe. On mène des vérifications ponctuelles. On vérifie l'intégrité structurale du bâtiment, la sécurité-incendie et aussi les pratiques de travail, y compris celles qui touchent les enfants.

La sénatrice Unger : Les États-Unis occupent le quatrième rang en matière d'externalisation de la production de vêtements. Je me demande à quel point ils sont engagés dans ces processus que vous décrivez. Vous avez mentionné des relations de travail avec les États-Unis, l'Union européenne et d'autres pays. À quel point les États-Unis sont-ils engagés?

M. McMullen : De mon point de vue, dans le cadre du consensus de l'OCDE sur les Principes directeurs pour les entreprises multinationales, nos collègues américains sont très actifs; peut-être pas 10 fois plus que le Canada, mais à peu près aussi actifs que nous. Vu sous cet angle, on pourrait dire que nous travaillons très bien avec les Américains, mais ils sont actifs et jouent un rôle. Ils sont entre autres intervenus dans le cas du Bangladesh, et leur industrie a été particulièrement active au moment de la création de l'accord, qui a eu un impact important sur la sécurité des usines de confection et les conditions des travailleurs au Bangladesh, tout comme l'alliance d'ailleurs, qui est surtout d'origine européenne.

La présidente : Je vais demander aux sénatrices Seidman et Andreychuk de poser leurs questions ensemble, puis les témoins y répondront.

La sénatrice Seidman : Monsieur McMullen, vous avez dit que le gouvernement du Canada encourage les entreprises canadiennes qui exercent des activités à l'échelle internationale à respecter toutes les lois applicables et les normes internationales et qu'il s'attend à ce qu'elles le fassent.

Monsieur MacArthur, vous avez parlé de l'OIT. Un des objectifs de cette organisation est d'établir des politiques et des lois du travail, y compris en ce qui concerne la santé et la sécurité des travailleurs dans les ateliers de confection.

Revenons sur la question des enfants : quels États protègent mieux que les autres les enfants qui travaillent? Que peuvent faire les organisations internationales une fois que les pays ont ratifié des conventions visant à protéger les droits des enfants et à assurer leur santé et leur sécurité? Que peuvent faire les organisations internationales pour veiller à ce que les droits des enfants soient respectés?

La sénatrice Andreychuk : Je m'excuse de mon retard; il est dû en partie à mon avion, mais surtout aux travaux routiers à Ottawa. Il m'a fallu trois fois plus de temps que d'habitude pour descendre la promenade Colonel-By. Je pense que je devrai des explications aux vérificateurs quand ils verront ma facture de taxi.

J'ai manqué vos observations sur les droits de la personne. Je m'intéresse au cas du Vietnam, où il y a des problèmes liés à la presse. La répression de la presse là-bas a été signalée au gouvernement par de nombreuses sources.

Est-ce que votre évaluation repose sur le degré de progrès réalisés par le Vietnam ou sur sa situation par rapport à celles des autres pays? En d'autres termes, le Vietnam a connu des périodes de grandes turbulences, comme de nombreux autres pays. Votre analyse des mouvements des droits de la personne au Vietnam est-elle fondée sur la situation qui prévalait auparavant là-bas, sur la voie dans laquelle le pays s'est engagé et sur sa situation d'aujourd'hui, qui reflète certains progrès; ou est-ce que vous utilisez des indicateurs liés à certains sujets particuliers, comme l'industrie du vêtement? Quelle stratégie le gouvernement utilise-t-il dans son approche? Il serait utile de le savoir au moment de se pencher sur le problème.

L'autre question est la suivante : examinez-vous l'industrie du vêtement de façon globale, et y a-t-il de nouvelles initiatives, ou considérez-vous que l'OIT est l'organisme qui pilote ce dossier? Je pose cette question, car il arrive que les Canadiens veuillent que leur gouvernement fasse certaines choses et que d'autres en profitent pendant que nous les faisons; et le gouvernement vietnamien n'a pas changé entre-temps, car il trouve simplement de nouveaux acheteurs et d'autres marchés. Nous sommes désavantagés, mais notre approche n'a donné lieu à aucun changement là-bas. Quels leviers utilisons-nous? Est-ce que ce sont les normes de l'OIT, de l'OMC, et cetera?

La présidente : Merci.

Je vous prierais d'essayer de répondre à toutes les questions, et je vous demanderais d'être bref, car il reste seulement quelques minutes.

M. McMullen : Pour ce qui est des pays qui font des progrès concernant la main-d'œuvre enfantine, je préférerais ne pas répondre directement à cette question et dire plutôt qu'à mon avis, les pays en développement sont bien plus sensibilisés qu'auparavant à ce genre de problèmes. Et comme le travail des enfants est, au bout du compte, un enjeu d'ordre commercial si cette main-d'œuvre enfantine est utilisée pour soutenir les besoins des consommateurs dans les pays en développement, nous avons fait beaucoup de progrès pour ce qui est d'éviter de nous rendre complices du genre de traitement que nous ne voudrions pas infliger à nos propres enfants.

En ce qui concerne les normes de l'industrie du vêtement, nous connaissons l'OIT et nous travaillons avec cette organisation, alors je serais très étonné s'il y avait des initiatives secrètes ou du dédoublement d'activités. Bien souvent, nos travaux se complètent. Nous sommes toujours ouverts aux bonnes idées et nous tirons parti de nos contributions réciproques.

En ce qui a trait à la liberté de presse au Vietnam, cette question ne relève vraiment pas du tout de ma direction générale.

Je vais maintenant céder la parole à mes collègues, qui vont fournir plus de détails.

M. MacArthur : Au Vietnam, madame la sénatrice, l'ambassadeur du Canada et le consul général du Canada à Hô Chi Minh-Ville et leurs employés participent activement à des réunions avec des ONG de la société civile — pas seulement avec le gouvernement du Vietnam — et en font état sur les réseaux sociaux. Ils sont utilisés par de jeunes Vietnamiens de partout au pays, du Nord comme du Sud.

Des blogueurs ont été condamnés. Notre ambassadeur et son équipe ont assisté aux procès et fait des comptes rendus — tout comme des représentants de gouvernements d'autres pays — pour maintenir la pression sur le gouvernement vietnamien. Sur le plan de la religion, par exemple, nous nous tenons très informés de la question de la liberté de religion des chrétiens dans ce pays et nous déployons des efforts soutenus à cet égard.

Pour ce qui est de savoir où se situe cet État au chapitre du travail des enfants, je vous recommande de jeter un coup d'œil à la liste de Transparency International, qui a fait un classement des pays selon leur degré de corruption. On peut établir une corrélation entre la corruption et un grand nombre des abus dont nous parlons, qu'il s'agisse de main- d'œuvre enfantine ou de personnes qui travaillent dans des conditions dangereuses dans un atelier. Nous surveillons de très près les travaux de Transparency International, notamment par le truchement de nos ambassadeurs et de leurs gestionnaires de programmes dans les pays rongés par la corruption, comme l'Afghanistan, le Pakistan, le Bangladesh. Nous maintenons la pression en signalant les problèmes.

Comme vous le savez, notre ministre a fait des déclarations publiques, et les missions du Vietnam, du Bangladesh et d'autres pays ici à Ottawa en sont bien au fait. Elles en informent ensuite leur gouvernement.

Aussi — et c'est encore plus important —, l'examen périodique universel du Vietnam de la Commission des droits de l'homme — dont le conseil est à Genève — est un autre moyen que nous avons d'exercer régulièrement des pressions sur les pays concernés — comme le Sri Lanka, le Bangladesh, le Vietnam et le Cambodge — par le truchement de forums internationaux mis sur pied par l'ONU.

La présidente : Comme vous le voyez, nous avons énormément de questions à vous poser. Je pense que cette séance n'est que la première d'une longue série et que nous en aurons d'autres dans l'avenir. Je vous remercie. Vous avez proposé de nous fournir le document sur la réglementation du travail que vous avez donnée à un autre comité — j'ai oublié les mots exacts que vous avez utilisés quand vous nous avez aimablement fait cette proposition —, et nous vous serions très reconnaissants si vous fournissiez ces renseignements au greffier, qui le transmettra ensuite aux membres du comité.

Monsieur McMullen, monsieur MacArthur, monsieur Frank, merci de votre présence ici aujourd'hui. Nous espérons que nous aurons de nouveau l'occasion de travailler avec vous.

Chers collègues, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que je vais accueillir le prochain groupe de témoins. Mon travail comporte des privilèges spéciaux, et l'un d'entre eux est de pouvoir discuter avec les témoins qui comparaissent devant nous. Le groupe est composé de trois personnes remarquables, c'est-à-dire de Syed Sajjadur Rahman, professeur à temps partiel à l'École de développement international et de mondialisation de l'Université d'Ottawa; d'Ananya Mukherjee-Reed, professeure et directrice du Département de sciences politiques à Université York; et l'honorable Jane Stewart, C.P., représentante spéciale et directrice du Bureau de l'OIT aux Nations Unies, qui n'a plus besoin de présentations ici. Elle se joint à nous par vidéoconférence et elle est connue pour être celle grâce à qui les Canadiennes peuvent jouir d'un congé de maternité d'un an, alors nous sommes toujours intéressés par ce qu'elle a à dire. Les questions que nous souhaitons proposer seront très étroitement liées au travail que vous avez réalisé à titre de ministre des Ressources humaines.

Bienvenue à vous trois. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires. C'est Mme Stewart qui va commencer.

L'honorable Jane Stewart, C.P., représentante spéciale et directrice, Bureau de l'OIT aux Nations Unies, Organisation internationale du Travail : Merci beaucoup, madame la présidente. J'espère que vous m'entendez bien et que tout fonctionne. J'ai écouté les observations du groupe de témoins précédent; c'était très intéressant. C'est effectivement un plaisir de vous voir, madame la présidente, de même que certains membres distingués du comité permanent avec qui j'ai travaillé par le passé. Merci de m'avoir invitée à comparaître et de me donner l'occasion, au nom de l'Organisation internationale du Travail, de discuter de notre contribution à l'amélioration des droits et de la sécurité des travailleurs dans l'industrie mondiale du vêtement et d'examiner le rôle du Canada à cet égard, dont on vient de vous parler.

J'ai fait parvenir au comité un mémoire détaillé sur le travail réalisé par mon organisation à ce chapitre, mais j'espère que vous me permettrez de présenter une déclaration écrite en plus de mon témoignage de vive voix.

Depuis sa création en 1919 dans le cadre du Traité de Versailles, l'OIT fonde son travail sur la conviction que la paix durable et universelle repose sur la justice sociale et sur le traitement respectueux des travailleurs.

Les droits des travailleurs demeurent un aspect crucial des projets de développement mondial de nos jours, y compris dans les chaînes d'approvisionnement des secteurs du textile, du vêtement et de la chaussure. Ces secteurs comptent parmi les plus mondialisés, employant plus de 60 millions de travailleurs rémunérés, y compris des millions de femmes, de migrants et de jeunes travailleurs, surtout dans les pays en développement.

Étant donné l'ampleur et le profil de la main-d'œuvre employée, ces secteurs pourraient grandement contribuer au développement économique. Cependant, ils sont parmi les plus exigeants en main-d'œuvre, en dépit des progrès technologiques et de l'amélioration des pratiques en milieu de travail. La nature peu spécialisée de la production et sa sensibilité aux prix rendent l'industrie sujette à des risques, comme des conditions de travail précaires, une faible rémunération, de longues heures de travail et, dans les pires cas, l'absence de normes de sécurité et des violations des droits de la personne. La représentation syndicale dans cette industrie est souvent très faible.

Bien que certains éléments donnent à penser que les emplois dans l'industrie du vêtement peuvent fournir des débouchés importants aux femmes, les disparités entre les sexes — qui existent dans le monde du travail en général — sont particulièrement prononcées dans ce secteur : les femmes ont tendance à être des couturières et des assistantes, alors que les hommes sont habituellement des coupeurs et des mécaniciens.

L'inégalité entre les sexes se reflète également dans les hiérarchies et les conditions de travail ainsi que dans les avantages sociaux. Selon les données de l'OIT, les hommes dans ce secteur sont trois fois plus susceptibles que les femmes d'être des superviseurs, et les femmes ont tendance à faire de plus longues journées que les hommes, à toucher un salaire et des primes moins élevés et à être moins susceptibles de recevoir une promotion ou de la formation.

L'amélioration de la qualité du travail des femmes peut avoir des retombées positives, et pas seulement sur le développement à l'extérieur de l'usine. L'augmentation du revenu des femmes peut jouer un rôle transformateur, menant souvent à un accroissement des investissements dans l'éducation et la santé des enfants et, par conséquent, à l'amélioration globale des débouchés sur le plan du développement humain.

Le travail de l'OIT dans l'industrie du vêtement vise à établir une approche stratégique pour créer des emplois décents, améliorer les conditions de travail et maintenir la compétitivité des entreprises. Un des principaux outils pour y arriver est le programme Better Work, de l'Organisation internationale du Travail. Réalisé en partenariat avec la Société financière internationale, ce programme a pour objectif d'améliorer les conditions de travail et de favoriser la compétitivité dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Il est tout particulièrement axé sur l'industrie du vêtement au Bangladesh, au Cambodge, en Haïti, en Indonésie, en Jordanie, au Lesotho, au Nicaragua et au Vietnam. Mis en œuvre au niveau de l'usine, il a pour objectif d'évaluer la conformité avec les normes internationales du travail et les lois nationales ainsi que de dispenser des services d'expertise-conseil et de la formation pour soutenir les efforts d'amélioration et renforcer la capacité des acteurs.

En décembre 2013, Better Work était présent dans plus de 900 ateliers de vêtements au bénéfice de près de un million de travailleurs. L'évaluation de la conformité des ateliers avec les principales normes du travail et les lois nationales permet à Better Work d'assurer un suivi immédiat de ses réalisations. Depuis la création du programme, la conformité s'est constamment améliorée dans tous les pays. Les problèmes de non-conformité ont été réduits de moitié dans les domaines clés de la santé et de la sécurité au travail en Haïti, en Jordanie et au Vietnam. En Jordanie, la conformité avec les normes interdisant le travail forcé, tout particulièrement en ce qui concerne les couvre-feux dans les dortoirs des travailleurs, s'est améliorée de 19 p. 100 et ne représente plus un problème dans les ateliers qui prennent part au programme depuis sa création. Les ateliers qui y participent depuis plus de deux ans se conforment entièrement aux normes liées au salaire minimum, aux congés payés et aux prestations sociales. En Haïti, 91 p. 100 des ateliers ont modifié les contrats d'emploi des travailleurs afin qu'ils respectent le code du travail haïtien. Au Lesotho, depuis que le programme Better Work est en activité, il n'y a plus de discrimination liée au VIH et au sida dans les ateliers.

En améliorant la conformité avec les normes du travail, Better Work a un effet positif sur la compétitivité des entreprises. La conformité joue un rôle crucial pour ce qui est de continuer d'attirer les acheteurs mondiaux. Les ateliers cambodgiens qui respectent les droits fondamentaux ont plus de chances de conserver leurs clients — selon une proportion de 56 p. 100 —, et les ateliers qui appliquent des normes plus élevées sont plus susceptibles d'attirer des acheteurs de qualité.

L'accroissement de la conformité avec les normes améliore directement le bien-être des travailleurs et a des retombées spectaculaires sur le développement socioéconomique des pays. Une augmentation de 5 p. 100 de l'amélioration de la conformité globale permet d'augmenter de 10 p. 100 les revenus des travailleurs, de 9 p. 100 le montant d'argent qu'ils envoient à leur famille et de 3 p. 100 leur santé.

Le gouvernement canadien est un partenaire essentiel et de l'OIT et un de ses donateurs importants. Les fonds versés par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement et par le ministère de l'Emploi et du Développement ont contribué à améliorer les conditions de travail et la sécurité de millions de travailleurs du vêtement dans les pays en développement. L'OIT remercie le Canada de son soutien et du rôle qu'il joue en tant que partenaire de l'organisation.

La tragédie liée à l'effondrement du Rana Plaza en avril 2013 a donné lieu à une prise de conscience au sujet de l'importance d'assurer des conditions de travail décentes au Bangladesh et dans l'ensemble des chaînes d'approvisionnement mondiales. En réaction à cette tragédie, l'OIT a lancé un programme de 24,2 millions de dollars qui s'étendra sur trois ans et demi en vue d'améliorer les conditions de travail dans le secteur du prêt-à-porter. L'OIT travaille avec ses partenaires pour mettre en place les composantes clés de ce programme, y compris un soutien technique concernant les évaluations liées à la sécurité du bâtiment et à la sécurité-incendie, la formation des inspecteurs du travail, la santé et la sécurité au travail, le rétablissement de la formation axée sur les compétences et la mise en œuvre du programme Better Work au Bangladesh. Au cours de la dernière année, l'adoption d'une loi visant à réformer le droit du travail, l'inscription de 140 nouveaux syndicats et une augmentation marquée du salaire minimum dans le secteur du vêtement ont représenté d'importants indicateurs de changement dans ce pays.

En particulier, par l'octroi d'un financement de 8 millions de dollars au programme relatif au secteur du prêt-à- porter au Bangladesh, le Canada aide le gouvernement et ses partenaires sociaux à mettre en œuvre un plan d'action complet visant à améliorer la sécurité des bâtiments et la sécurité-incendie ainsi qu'à renforcer l'application de la loi et l'inspection des milieux de travail. L'OIT et le Canada travaillent de concert dans un groupe « 3+5+1 » composé de trois secrétaires bangladais du Travail, du Commerce et des Affaires étrangères; de cinq ambassadeurs — un des États- Unis, deux de l'Union européenne, un du Canada et un des Pays-Bas —; et de nous-mêmes, en vue de suivre les progrès réalisés relativement aux engagements pris dans le cadre du Plan d'action tripartite national et du pacte de l'UE.

De même, le Canada soutient, avec de petites subventions, la création ou l'élargissement du programme Better Work en Haïti, en Jordanie et, plus récemment, au Vietnam.

En Haïti, EDSC a financé un projet de 236 000 $, mis en œuvre de décembre 2010 à juin 2013, afin de réformer le code du travail et d'améliorer la capacité du ministère du Travail d'appliquer le droit du travail. Le programme a permis la tenue d'un dialogue constructif entre les parties au Plan d'action tripartite, ce qui a mené à une entente sur le projet de code du travail.

En Jordanie, les 493 000 $ versés par EDSC ont permis à Better Work d'élaborer et de dispenser une formation sur la santé et la sécurité au travail et les systèmes de gestion des ressources humaines dans l'industrie jordanienne du vêtement. Grâce aux initiatives réalisées dans le cadre du projet, les cas d'épuisement ou de fatigue chronique signalés par les travailleurs ont diminué de près de 50 p. 100. La sécurité au travail s'améliore aussi. Plus de 90 p. 100 des ateliers jordaniens qui ont participé au programme Better Work depuis sa création disposent maintenant de systèmes d'alarme et de détection d'incendie adéquats. La conformité des installations sur le plan du bien-être s'est améliorée de 41 p. 100; les travailleurs ont accès à de l'eau potable gratuite, à des toilettes et à des installations pour se laver les mains. Les risques que les travailleurs doivent utiliser de l'équipement dangereux, soient sujets à des accidents ou travaillent dans un milieu où la qualité de l'air est médiocre ont diminué de 9 p. 100 par rapport à ce qu'il en était au moment de la création du programme.

Au Vietnam, EDSC appuie les efforts du programme Better Work visant à améliorer les compétences de négociation et de communication des employeurs et des travailleurs avec un financement de 290 000 $. Cela est directement lié aux questions qui ont été posées plus tôt, je crois. Les retombées du programme Better Work sont des plus évidentes pour ce qui est d'améliorer les mécanismes de dialogue social et de réduire les cas de non-respect de la liberté d'association.

Madame la présidente, l'OIT peut démontrer que ce partenariat produit des résultats concrets et que la contribution du Canada jouit d'une bonne visibilité. L'OIT se réjouirait d'un élargissement de ce partenariat. Le soutien du Canada à l'OIT au niveau des programmes nationaux s'est avéré bien ciblé et efficace. Avec un financement sur plusieurs années et une affectation plus libre des fonds, la contribution du Canada pourrait avoir des retombées régionales ou mondiales sur des questions de grande importance stratégique pour notre pays, comme le commerce, l'emploi, l'égalité des sexes et les droits dans le domaine du travail.

Merci beaucoup.

La présidente : Merci de votre exposé très complet. Nous avons reçu votre mémoire, dont tous les membres du comité obtiendront copie une fois qu'il aura été traduit.

Monsieur Rahman.

Syed Sajjadur Rahman, professeur à temps partiel, École de développement international et de mondialisation, Université d'Ottawa, à titre personnel : Merci, madame la présidente.

Si cette séance s'était déroulée l'an dernier, j'aurais probablement fait partie du groupe de témoins précédent. En effet, il y a environ un an, j'étais toujours chef de la Direction générale de l'Asie à l'ACDI. En toute franchise, je préfère de loin être ici que là-bas.

Ce qui est arrivé à l'édifice Rana Plaza, au Bangladesh, est déplorable, car ce drame aurait pu être évité. Plus de 1 100 travailleurs sont morts, et un grand nombre d'autres travailleurs ont été grièvement blessés. Des familles ont été déchirées, et leur avenir est devenu incertain. Les travailleurs étaient forcés de travailler dans des conditions incontestablement dangereuses. La cupidité et l'avarice ont mené à un mépris flagrant de la vie humaine.

Malheureusement, le Bangladesh n'est pas le seul pays où les droits et la sécurité des travailleurs sont bafoués. Il faut se poser la question suivante : que peut-on faire pour éviter que de tels incidents se reproduisent, et est-ce que des pays comme le Canada peuvent contribuer à remédier au problème?

La solution paraît simple : il faut s'assurer que les droits et la sécurité des travailleurs sont protégés par des règles et des normes adéquates, veiller à tout prix à ce que celles-ci soient appliquées, et, si les pays en développement n'ont pas la capacité d'élaborer et d'appliquer ces règles et ces normes, des pays comme le Canada doivent les aider à le faire.

Mais les choses ne sont jamais aussi simples qu'elles le semblent.

Les efforts déployés récemment pour remédier à la situation visaient tout particulièrement à veiller au respect des droits des travailleurs, que ce soit par des mesures gouvernementales ou par des accords conclus avec l'industrie. Le salaire minimum au Bangladesh est passé de 39 à 69 $ par mois, avant les heures supplémentaires. Les lois du travail ont été modifiées pour inclure la prestation obligatoire de soins de santé et une assurance-maladie dans certaines circonstances. Le gouvernement, les acheteurs internationaux de l'industrie du vêtement et les producteurs locaux ont signé un accord sur la sécurité du bâtiment et la sécurité-incendie. Le Canada appuie ces activités et a annoncé une initiative visant à fournir un soutien technique concernant le Plan d'action tripartite national sur la sécurité incendie et l'intégrité structurelle.

Tout cela est très encourageant. Le fruit de ces efforts dépendra de leur incidence sur la rentabilité de l'industrie et de la façon dont les organismes de réglementation — y compris le gouvernement — veilleront à l'application de ces mesures.

Les profits, c'est important; ce n'est pas du tout un vilain mot.

Les économies qui ont un excédent de main-d'œuvre — comme le Bangladesh — et celles des autres principaux pays qui fabriquent des vêtements doivent créer et maintenir des emplois afin de croître et de réduire la pauvreté. Pour ce faire, il faut des industries fortes, rentables et en pleine croissance, qui sont en mesure d'être concurrentielles sur les marchés mondiaux.

Comment la rentabilité sera-t-elle touchée? Je vais vous donner un exemple concret. Récemment — le 11 mai —, un journal bangladais, le Daily Star, a publié un article intitulé « Le Bangladesh a besoin de 29 cents dans le cadre de son analyse actuelle de la stratégie liée à la tragédie du Rana Plaza ».

Cet article, rédigé par le propriétaire d'un atelier de confection de vêtements, explique ce qui se passerait, selon lui, si un petit atelier adoptait un salaire minimum de 20 cents par vêtement pour se conformer à la nouvelle réglementation récente et pour rénover ses bâtiments afin d'améliorer la sécurité des travailleurs. L'auteur conclut que cela entraînera un coût additionnel d'environ 29 cents par vêtement, soit une augmentation de 8 p. 100 du prix auquel il le vend.

Cependant, les prix payés par les clients étrangers n'ont pas augmenté à la même vitesse. Une chemise pour garçon rapporte maintenant environ 20 cents, soit environ 5 p. 100 de plus qu'il y a un an. De ce montant, il faut soustraire 11 cents pour l'achat du tissu, qui se vend plus cher que l'an dernier. Il reste donc 9 cents par vêtement à l'atelier, c'est-à- dire 20 cents de moins que ce qu'il en coûterait pour payer les travailleurs et faire les dépenses nécessaires pour leur sécurité. Ainsi, l'atelier qui paie le nouveau salaire minimum et qui apporte les améliorations de sécurité nécessaires subira une perte, à moins qu'il ait réalisé d'importants profits auparavant.

Cela n'aura peut-être aucune incidence sérieuse sur les acheteurs de vêtements étrangers. Leur principale préoccupation, c'est d'obtenir le produit au plus bas prix possible. Si le Bangladesh n'est pas en mesure de le leur fournir à ce prix, ils l'achèteront ailleurs. Mais s'ils veulent continuer à faire des affaires là-bas, ils doivent être disposés à réaliser moins de profits, eux aussi.

La bonne nouvelle, c'est qu'il y a une certaine marge de manœuvre. Même avec un salaire minimum rehaussé à 69 $, le Bangladesh continuerait probablement encore à verser des salaires plus bas que les autres pays comparables qui fabriquent des vêtements; et, comme les frais de main-d'œuvre représentent normalement la plus grande dépense du processus de fabrication, ce pays devrait aussi être celui qui fabrique les vêtements au plus bas coût. Cela signifie que les fabricants bangladais pourront probablement composer avec les augmentations de coûts nécessaires pour faire face à l'augmentation du salaire minimum et respecter les normes de sécurité tout en demeurant compétitifs malgré leurs marges de profit réduites.

Cette compétitivité a une limite, qui sera définie par les conditions du marché dans les autres pays fabricants.

La question intéressante, cependant, c'est de savoir si les acheteurs étrangers assumeront une partie de l'augmentation des coûts ou s'ils laisseront les fabricants se débrouiller seuls avec cette augmentation.

Quoi qu'il en soit, un jour ou l'autre, les fabricants bangladais devront augmenter leur productivité et devenir plus efficients pour éviter de perdre leurs clients.

Parlons de l'application des normes et des règles. C'est une question importante, car même si les fabricants de vêtements bangladais ont la marge de manœuvre nécessaire pour absorber l'augmentation des salaires et se conformer aux normes de sécurité, leur motivation à le faire sera limitée, car ils s'exposeront à une baisse de profits.

Pour les autorités bangladaises, la motivation à faire appliquer la réglementation dépendra de l'incidence des augmentations de coûts sur ses parts de marché mondiales dans le domaine du vêtement et, par conséquent, sur ses revenus d'exportation. Les exportations de vêtements, qui se chiffrent grosso modo à 20 milliards de dollars, sont le principal secteur d'exportation du Bangladesh. Ce secteur emploie environ quatre millions de personnes — surtout des femmes — dans environ 5 000 ateliers enregistrés. Selon certaines estimations, les exportations pourraient tripler au cours des 10 prochaines années, surtout grâce à la compétitivité du Bangladesh sur le plan des coûts. La prospérité et la croissance continues de ce secteur seront cruciales pour le développement économique du pays.

Si le Bangladesh peut continuer à demeurer compétitif au chapitre de ses exportations de vêtements, il y aura un incitatif à appliquer la réglementation relative aux droits et à la sécurité des travailleurs. Si ce n'est pas le cas, l'incitatif sera plus faible. Cette compétitivité dépendra de la réaction des acheteurs étrangers à l'augmentation des coûts; ils pourraient cesser d'acheter leurs vêtements au Bangladesh et se tourner vers d'autres pays en vue d'accroître leurs profits.

Enfin, que peuvent faire des pays comme le Canada pour favoriser le respect des droits et la sécurité des travailleurs?

Je vais d'abord vous dire ce qu'ils ne devraient pas faire. Ils ne devraient pas adopter une approche draconienne, comme interdire ou limiter les importations en réaction à des violations de droits ou de normes ou à des incidents comme celui du Rana Plaza. Cela ne ferait que nuire aux travailleurs qu'ils voudraient protéger.

Ce que nous pouvons faire, c'est chercher des moyens d'aider le Bangladesh à améliorer les droits et la sécurité des travailleurs en l'épaulant dans l'élaboration de la réglementation et en renforçant sa capacité de surveiller les progrès. Le gouvernement canadien peut encourager le Bangladesh à adopter des normes du travail plus strictes et encourager les entreprises canadiennes à signer l'Accord sur la sécurité du bâtiment et la sécurité-incendie.

Les entreprises canadiennes peuvent assumer une partie des coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation, contribuer à l'établissement et à la promotion de normes communes concernant la sécurité dans les ateliers et servir de mentors afin d'accroître la compétitivité des entreprises de ce pays.

Une dernière chose : le Canada devrait s'atteler à la tâche non pas en solitaire, mais de concert avec des pays qui ont les mêmes objectifs.

Je vais m'arrêter là. Merci.

La présidente : Monsieur Rahman, merci beaucoup de votre exposé.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de Mme Mukherjee-Reed.

Ananya Mukherjee-Reed, professeure et directrice du Département de sciences politiques, Université York, à titre personnel : Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie.

Bien des choses ont déjà été dites, alors je vais me concentrer sur quelques points que nous n'avons pas abordés ou concernant lesquels je ne suis probablement pas d'accord avec ce que j'ai entendu.

Le premier élément à considérer en ce qui concerne le secteur du vêtement, c'est son ampleur. L'industrie mondiale des exportations de vêtements a une valeur de plus de mille milliards de dollars américains. Il est question non seulement du Bangladesh ou du Cambodge, mais vraiment d'une industrie d'une ampleur mondiale qui a énormément de valeur. Et les importations canadiennes, en particulier, se sont accrues de 10 p. 100 entre 2011 et 2012. Nos importations sont d'une grande importance.

L'autre point qui a déjà été soulevé, c'est le rôle crucial des femmes. Comme on le sait évidemment, depuis toujours, le secteur du vêtement est celui où les femmes ont saisi des occasions de changer les choses, où elles se sont attaquées aux disparités entre les sexes. Nous devrions faire tout notre possible pour éviter que les gestes des femmes dirigeantes deviennent futiles.

Le troisième point concernant l'industrie du vêtement, c'est qu'elle a une incidence sur la subsistance d'un grand nombre d'autres personnes à l'extérieur de l'industrie. Par exemple, le secteur du tissu en coton a une incidence très marquée sur la vie des personnes qui travaillent dans les cotonneries. C'est une énorme industrie en Inde, dans la plupart des régions de l'Afrique et dans des pays comme l'Ouzbékistan. Vous savez probablement qu'en Inde, des centaines de milliers de planteurs de coton se sont suicidés à cause de leur endettement. Nous devons agir de toute urgence.

Il y a deux choses dont je veux parler : la préoccupation immédiate pour ce qui est du Bangladesh, certes, mais aussi les problèmes au-delà de ce pays et la façon dont nous pouvons répondre aux besoins du secteur du vêtement.

L'importance de l'accord a déjà été mentionnée. Du point de vue canadien, il est important de soutenir publiquement l'accord davantage qu'à l'heure actuelle, et ce, pour de nombreuses raisons. Une d'entre elles, c'est que l'accord, qui est légalement contraignant pour les détaillants, n'exige pas seulement que le gouvernement du Bangladesh ou que les propriétaires d'ateliers de ce pays fassent ceci ou cela : il demande aussi aux détaillants de faire leur part. C'est extrêmement important.

Du point de vue du gouvernement canadien, il a déjà été mentionné dans les médias qu'au moins de 12 à 15 millions de dollars de vêtements sont achetés chaque année par le gouvernement fédéral. Il devrait être possible — et cela a déjà été dit — que ces vêtements fassent l'objet d'une divulgation complète et qu'on puisse savoir d'où ils proviennent. D'ailleurs, nous pourrions même aller plus loin que les simples critères de transparence et de divulgation et tâcher d'atteindre certains points de référence de la chaîne d'approvisionnement qui ont déjà été établis.

Par exemple, les entreprises qui fournissent des vêtements au gouvernement fédéral pourraient être tenues de s'affilier à une organisation comme le Worker Rights Consortium, qui fournit des renseignements sur les ateliers avec une transparence totale ou qui peut exiger certaines choses, comme une certification équitable, ce qui protège non seulement les droits des travailleurs, mais aussi ceux des producteurs de coton. Il existe donc certaines possibilités à ce chapitre.

En ce qui concerne l'examen de l'accès en franchise de droits, je sais que les médias ont accordé beaucoup d'attention aux répercussions de cette mesure sur l'industrie bangladaise, mais je pense qu'il faut tout de même se pencher sur cette question.

Enfin, pour ce qui est du Bangladesh, mais aussi de pays comme le Cambodge et l'Inde, une grande partie de la production de vêtements a lieu dans des zones franches de transformation pour l'exportation, ou zones économiques spéciales. Ces zones étaient considérées comme d'importants moteurs de développement, mais nous avons maintenant des travaux de recherche provenant d'un nombre de plus en plus grand de pays qui indiquent que les travailleurs — surtout les femmes — n'ont pas vraiment tiré avantage de ces politiques qui exigent une main-d'œuvre souple et qui ne permettent pas d'appliquer les conventions de l'OIT, le droit de négociation, et cetera. Il faut examiner ces zones et déterminer si elles contribuent au développement des personnes qui en ont le plus besoin.

Dans l'ensemble, l'exemple du Bangladesh montre que les initiatives individuelles volontaires d'entreprises ou d'institutions — c'est-à-dire les cas où une entité s'impose un certain principe d'éthique et qu'elle prend des mesures pour le respecter — ne seront plus suffisantes. L'ampleur de cette industrie est trop grande. Il y a trop de personnes qui sont touchées, et nous devons pouvoir compter sur des politiques nationales et des régimes qui récompensent les comportements éthiques et ne plus recourir aux chaînes d'approvisionnement non éthiques ou non conformes aux normes.

Au-delà du Bangladesh, en ce qui a trait à la question globale de l'élaboration d'un ensemble de politiques nationales menant à divers instruments législatifs, le Canada pourrait être un leader exemplaire à cet égard, car, d'abord, il donne une bonne réputation, surtout dans les domaines de l'égalité des sexes et des droits des travailleurs. Je pense que le gouvernement pourrait exercer un très grand leadership.

Selon notre compréhension des discussions entourant l'UE, la Norvège serait le seul pays à envisager une initiative du genre. Les régimes de politiques nationales varient d'un pays à un autre, alors une sorte de comparaison pourrait être effectuée en vue de cerner les pratiques exemplaires. Le gouvernement canadien — sur le plan de l'approvisionnement, du moins — pourrait chercher à établir la pratique exemplaire pour notre pays.

Par ailleurs, dans l'UE, il est de plus en plus courant de récompenser les chaînes d'approvisionnement éthiques. Par exemple, la poste française voulait que tous ses uniformes aient une certification équitable. La London School of Economics s'est vu décerner un prix institutionnel. Les municipalités sont récompensées quand elles prennent des décisions visant à maintenir des chaînes d'approvisionnement éthiques. Il faudrait que le Canada songe à adopter ce genre de récompenses et de structures incitatives.

Il y a deux autres points que je veux soulever. Tout d'abord, il y a la question globale de la compétitivité. Les médias ont beaucoup débattu de cette question : avons-nous les moyens d'acheter des vêtements éthiques? La population se dit : « Oui, je veux que tous les travailleurs soient en sécurité, mais je ne veux pas payer mon t-shirt trop cher. »

Il y a beaucoup de sondages d'opinion, surtout au Canada, indiquant que les gens seraient prêts à payer un peu plus. Si l'opinion publique et la politique nationale pouvaient être galvanisées afin de modifier la structure incitative de cette industrie, la préférence des consommateurs irait non pas aux vêtements les moins chers, mais à ceux qui permettent de s'assurer que les travailleurs n'ont pas été exploités ni n'ont travaillé dans des conditions sécuritaires. Pour changer la structure incitative de cette industrie, il faudra réaliser du travail à long terme en mobilisant divers intervenants.

La question suivante est souvent posée : s'il existe des chaînes d'approvisionnement éthiques, ne retireront-elles pas des bénéfices excessifs de ce caractère éthique comparativement aux chaînes d'approvisionnement qui n'ont pas les moyens d'être éthiques? Les régimes de politiques et les préférences des consommateurs peuvent aider à faire en sorte que les chaînes d'approvisionnement éthiques ne puissent profiter exagérément de leur situation et qu'elles poussent plutôt l'industrie vers un approvisionnement de plus en plus éthique.

Aux États-Unis, le Worker Rights Consortium a proposé une politique de fournisseurs privilégiés pour les contrats fédéraux, et le département de la Justice des États-Unis a convenu qu'il n'y aurait aucune infraction aux règles relatives à la concurrence si un certain fournisseur équitable ou éthique se voyait accorder la préférence pour ces contrats. Nous pourrions songer à adopter une politique semblable.

La dernière chose que je veux dire, c'est ceci : dans tous les pays en développement, il y a des entreprises éthiques dirigées par des femmes. Il arrive souvent qu'elles ne prennent pas d'expansion; mais elles ont la possibilité, le potentiel de le faire, et nous pourrions les encourager et voir au moins dans quelle mesure nous sommes en mesure de soutenir les efforts des femmes afin qu'elles aient plus de contrôle à l'égard de leurs droits, de leur production et des marchandises qu'elles commercialisent.

La formidable croissance des marchés équitables témoigne de la préférence des consommateurs pour ce genre de vêtements éthiques, et nous pouvons trouver des façons d'aider les entreprises éthiques dirigées par des femmes dans les pays en développement. Je pense d'ailleurs que le Canada peut jouer un rôle de leader sur ce plan.

Enfin, il faut mener une étude comparative approfondie des diverses politiques adoptées selon les pays — y compris aux échelons national et local — pour déterminer quels genres de régime permettent de s'assurer que la compétitivité des coûts et les préoccupations connexes ne l'emportent pas sur les considérations éthiques qui sont extrêmement importantes pour la population à l'heure actuelle.

La présidente : Je remercie les trois témoins de leurs exposés.

La sénatrice Ataullahjan : Ma première question s'adresse à Mme Jane Stewart.

Les médias ont beaucoup rapporté que des sociétés comme Walmart et Gap n'ont pas signé l'Accord sur la sécurité- incendie et la sécurité des bâtiments au Bangladesh, mais qu'elles sont à l'origine de l'Alliance pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh. Qu'est-ce qui empêche ces sociétés de signer l'accord, et quelle est la différence entre ces deux ententes?

Mme Stewart : Comme vous l'avez dit, il y a l'accord et l'alliance. Pour ce qui est des chiffres, vous serez peut-être intéressée de savoir qu'un certain nombre d'entités nord-américaines ont signé l'accord, bien qu'on les désigne dans la liste des parties européennes intéressées; environ 25 marques nord-américaines et 160 entreprises au total ont signé l'accord, et leur nombre va en augmentant. Il y a moins d'entreprises associées à l'alliance, et elles proviennent surtout de l'Amérique du Nord.

L'OIT espérait une réponse commune aux problèmes soulevés par le Rana Plaza, mais il y en a deux. Nous sommes résolus à travailler avec les deux groupes de façon neutre pour aider à mener les analyses d'au moins 3 500 ateliers, et il y en a plus que cela; quelqu'un a fourni un chiffre plus élevé.

Notre intention est de travailler avec toutes les parties qui reconnaissent que la meilleure stratégie est de travailler ensemble. Notre travail sera fondé sur la transparence et la reddition de comptes, et — espérons-le — sur une approche commune pour étudier la sécurité à l'échelle des ateliers.

Comme je l'ai dit, nous espérions une réponse quand même, mais il y en a deux, alors nous travaillons en fonction de cette approche.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Mukherjee-Reed, vous avez parlé des femmes à l'extérieur des zones économiques qui n'ont retiré aucun avantage. Vous avez parlé du besoin d'encourager les entreprises dirigées par des femmes. Comment peut-on convaincre le gouvernement d'agir au nom de tous les travailleurs afin qu'il y ait un ruissellement de la richesse pour chacun d'entre eux, et pas seulement pour ceux qui travaillent pour des sociétés étrangères comme Gap, Walmart et Loblaw?

Mme Mukherjee-Reed : Ce que je voulais dire au sujet des zones économiques, c'est que ces zones ont des régimes souples régissant le droit du travail qui empêchent les travailleurs de se regrouper ou de négocier comme ils le feraient s'ils n'étaient pas dans une telle zone.

Je voulais faire valoir ceci : les zones économiques sont censées être de grands moteurs de développement; mais, si on examine les conditions réelles où se sont trouvés les femmes et les autres travailleurs là-bas, on se rend compte qu'elles ne le sont pas. J'insiste sur les femmes, car la plupart des travailleurs dans ces ateliers en sont.

Maintenant, comment mobiliser les gouvernements afin que les travailleurs de tous les secteurs en retirent des bienfaits? Le modèle des multinationales qui exigent des réductions de coûts à tout prix — disant : « Vous devez produire tant de pièces à tel prix, sinon j'achèterai mes vêtements dans un autre pays » — ne contribue pas au développement de la majorité des gens. Il y a déjà eu certaines critiques formulées à ce sujet. Ce qui n'est pas compris ou qui suscite une certaine peur, c'est la question suivante : si nous renonçons à ce modèle, quelle est la solution de rechange? Que nous reste-t-il?

D'abord, s'il y avait un régime mondial de protection des droits des travailleurs, les entreprises ne pourraient pas passer d'un pays à un autre. S'il y avait un accord applicable dans tous les pays du monde, elles ne pourraient pas passer du Bangladesh au Cambodge, puis au Vietnam, à l'Inde et au Pakistan. C'est la principale priorité : il faut des accords qui vont au-delà d'un seul pays problématique.

De plus, des femmes de partout dans le monde s'efforcent activement de trouver des modèles d'affaires différents. Le microcrédit a été perçu comme la voie de l'avenir pendant longtemps. Cet espoir a diminué quelque peu — peut-être énormément, dans certains cas —, et il y a de grandes organisations féminines qui cherchent à faire les choses différemment là où les femmes ont du pouvoir.

Nous devons appuyer ce genre d'organisations et de mouvements. Comment pouvons-nous faire cela? Si nous manifestons d'abord notre intérêt pour la chose, nous pourrons ensuite mobiliser la société civile et les intervenants pour créer une sorte de mouvement qui fera comprendre aux gens qu'au lieu d'acheter un t-shirt dans un certain commerce, il serait préférable qu'ils paient 50 cents de plus et l'achètent dans un autre commerce; et ils pourraient voir le visage de la femme qui l'a fabriqué. De telles initiatives existent, mais, pour être menées à grande échelle, elles doivent être soutenues par de grands regroupements de citoyens comme nous.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Rahman, parmi les quatre millions de travailleurs du vêtement au Bangladesh, il y a 90 p. 100 de femmes. Quelle importance a l'industrie du vêtement pour ces femmes? Vous avez parlé de cupidité et d'immobilisme. Il est question d'une industrie axée sur les exportations qui a une valeur de 20 milliards de dollars. Qui touche les bénéfices dans cette industrie? Quel est l'effet de ruissellement pour les pauvres dans ce pays?

M. Rahman : Il y a la question des retombées pour les femmes. C'est incroyable. L'autonomie que cela leur procure est si puissante que c'en est dur à croire. Elles sont exploitées, il n'y a aucun doute. Elles touchent un salaire très maigre. Elles devraient être payées plus cher, mais songez au coût de renonciation lié à cet argument. Si ces emplois n'existaient pas, où seraient-elles?

La plupart de ces femmes, au fait, viennent d'ailleurs; elles ont quitté leur village, ce sont des migrantes — en ce sens qu'elles sont passées de la campagne à la ville —, et elles ne possèdent pratiquement aucune terre. Elles n'auraient pour ainsi dire rien à gagner si elles retournaient auprès de leur famille.

Sur ce plan, je dirais que l'autonomie que leur travail leur procure est incroyable. Sont-elles exploitées? Oui. Pourraient-elles être mieux traitées? Oui. Mais nous devons toujours nous rappeler quelle est l'autre possibilité qui les attend.

Vous êtes allée au Bangladesh avec la sénatrice Jaffer. Vous devriez aller dans les régions de Gazipur ou de Tongi, où sont situés la plupart des ateliers. Allez-y le matin, quand la plupart des travailleurs arrivent au travail. Vous devriez voir ces femmes et ces jeunes gens; cela vous donnerait une idée de leur dynamisme.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis de tout cœur avec elles. Nous devons vraiment soutenir ces femmes. Merci.

Le sénateur Eggleton : Je remercie les trois témoins de leurs exposés, et je salue tout spécialement mon ancienne collègue du Cabinet, Jane Stewart.

Les commentaires de Mme Stewart et ce que nous avons entendu du ministère des Affaires étrangères tout à l'heure nous indiquent que la situation s'améliore, et je vous ai aussi entendu dire, monsieur Rahman — si je me souviens bien de vos paroles exactes — que les efforts n'ont pas encore porté leurs fruits. Je dirais que cela me préoccupe également.

Comment poursuivre dans la voie du progrès sans revenir en arrière? Je ne trouve pas que le gouvernement du Bangladesh a une grande volonté d'agir sur le plan politique, et je pourrais peut-être dire la même chose des gouvernements de certains autres pays. Il y a énormément de corruption. Les conventions de l'OIT qui ont été précédemment ratifiées par le Bangladesh n'ont vraiment pas suscité beaucoup d'attention avant la tragédie du Rana Plaza.

De quel genre de carottes et de bâtons avons-nous besoin pour continuer à faire progresser les choses? Il y a tellement de forces conflictuelles, comme la corruption dont j'ai parlé et le manque de volonté politique; mais le problème vient aussi de l'industrie. Comme nous l'avons entendu plus tôt du ministère des Affaires étrangères, il y a une certaine forme de protection par les marques, mais elles doivent aussi surveiller leurs profits, et les consommateurs du Canada et des autres pays industrialisés veulent obtenir le meilleur prix possible. Ces forces conflictuelles jouent un rôle à cet égard.

Comment pouvons-nous veiller à ce que la situation continue de s'améliorer, à ce que les pays et les entreprises continuent d'aller de l'avant ensemble par l'intermédiaire d'organisations comme l'OIT?

Mme Stewart : Sénateur Eggleton, je suis ravie de vous voir également.

La dynamique est très complexe. Les intervenants, les regroupements mondiaux de travailleurs, les acheteurs multinationaux, le gouvernement et les travailleurs — les gens dont il est essentiellement question ici — veulent s'assurer qu'il y aura encore pour eux des occasions à saisir — comme nous en avons discuté —, mais il est essentiel d'améliorer la situation des travailleurs.

Pour nous, un des principaux moyens que nous avons pour continuer à avancer, c'est de veiller à ce que les femmes là-bas aient une tribune. Cela veut dire qu'elles doivent pouvoir se joindre à un syndicat ou en créer un. Elles sont les mieux placées pour savoir quels sont les problèmes de sécurité dans leurs ateliers. Elles sont les plus au fait de leur situation.

À notre avis, pour changer les choses, il faudrait d'abord et avant tout — et vous constaterez que c'est une de nos priorités — s'efforcer de réformer le code du travail afin qu'il puisse être appliqué adéquatement et autoriser les négociations collectives ainsi que permettre aux travailleurs de s'exprimer d'une seule et même voix. Voilà un des éléments.

Par ailleurs, il faut de l'argent, c'est très clair. Quelqu'un a parlé du fonds de 40 millions de dollars dont nous croyons avoir besoin pour pallier les pertes associées aux décès et aux blessures. Les multinationales ont engagé 50 p. 100 des 17 millions de dollars que nous jugeons nécessaires, mais il faut plus d'argent. Nous pourrions nous dire : « Eh bien, ça me semble être pas mal d'argent », mais je pense — après avoir vu un certain nombre de situations du genre — que les tragédies comme celles du Rana Plaza laissent des plaies ouvertes qu'il faut guérir en s'occupant des victimes et en continuant de verser des paiements aux familles qui ont perdu leur pourvoyeur ou dont un membre a été blessé ou estropié. Ce doit être une priorité également. Nous devons trouver un juste équilibre qui nous permettra de continuer à fournir des possibilités de développement tout en améliorant les conditions de travail.

Un des principes fondamentaux de l'Organisation internationale du Travail, c'est que le travail n'est pas un simple produit; il ne faut pas que les gens puissent s'enrichir en exploitant les travailleurs. À mon avis, ce principe doit être à la base de tous nos efforts.

Il faut que les forces en présence dans le monde entier disent à l'unisson : « Nous n'allons pas adopter de politiques du chacun pour soi; nous n'allons pas faire du commerce en exploitant les travailleurs. » Ceux qui ont dit que nous devions unir nos forces avaient tout à fait raison; c'est là une des valeurs du système multilatéral, et cela correspond au rôle que l'OIT peut jouer.

M. Rahman : J'aimerais qu'on examine la situation à court et à long terme, car il en va de la survie de l'industrie du vêtement, dans une certaine mesure, et du maintien de la compétitivité de cette industrie. C'est tellement crucial. À court terme, la question soulevée par Mme Stewart est importante. Il faut que les travailleurs aient une tribune. Il faut qu'ils soient représentés dans une certaine mesure. Il faut que des normes de sécurité soient établies et que les droits des travailleurs soient protégés.

J'ai beaucoup d'amis au Bangladesh qui possèdent de très grands ateliers de textiles. Avant de venir d'arriver ici, j'ai discuté avec eux. Je leur ai demandé : « Quel changement d'attitude est survenu après la tragédie du Rana Plaza? Avez- vous constaté que les acheteurs étrangers se comportent différemment? » La réponse est non. Tous les acheteurs étrangers leur disent essentiellement qu'ils veulent se procurer la marchandise au plus bas prix possible. C'est aussi simple que ça. Il y a de la concurrence. Peut-on, dans une certaine mesure, mettre fin à la concurrence? La réponse est non. À certains égards, les fabricants peuvent se regrouper et dire qu'ils paieront tous le même salaire aux travailleurs et récolteront tous le même pourcentage de profits, par exemple, mais de telles ententes sont intrinsèquement instables. Il y a toujours des raisons d'y mettre fin. Certains pays vont le faire pour rafler des parts de marché. Quelle est la situation à long terme? Ces industries ont un cycle de vie qui commence dans les pays où il y a un excédent de main- d'œuvre. Dans les années 1950, le Japon était un exportateur de vêtements et un fabricant de plastique bon marché. C'est ainsi quand il y a un excédent de main-d'œuvre, n'est-ce pas? Lorsque l'économie s'améliore et que la situation progresse, les salaires commencent à augmenter et les économies évoluent vers des processus plus exigeants en investissements. Et quand ces processus évoluent, les technologies s'améliorent, et les travailleurs sont mieux formés. Voyez comment la situation de la Corée s'est améliorée en 20 ans. En Thaïlande, c'est la même histoire. Il faut laisser ce processus suivre son cours. Nous ne pouvons pas nous permettre à l'heure actuelle d'adopter des politiques ou des prises de position qui rendront ces industries intrinsèquement instables ou non compétitives.

La solution consiste à trouver actuellement un juste équilibre qui permettra de remédier aux problèmes liés à la sécurité et à la protection des droits des travailleurs, tout en nous assurant que les industries croîtront à leur rythme et qu'elles seront rentables.

Le sénateur Eggleton : Puis-je poser une dernière question? Elle s'adresse à Mme Mukherjee-Reed. Elle m'est venue à l'esprit pendant que j'écoutais vos observations.

Dans un certain nombre de domaines, nous avons constaté la valeur de la certification par une tierce partie. Par le passé, nous appelions cela un « sceau d'approbation ». Divers organismes environnementaux ont essayé cette approche, et je pense qu'il y a même un organisme de lutte contre la main-d'œuvre enfantine qui l'a essayée.

Serait-il possible de coudre sur les vêtements une étiquette indiquant qu'il s'agit de vêtements éthiques? Vaut-il la peine de déployer des efforts en ce sens? Le consommateur serait alors directement confronté à cette question : il saurait si le vêtement qu'il songe à acheter est éthique ou non. Est-ce que cela vaut la peine?

Mme Mukherjee-Reed : Je pense que oui. Je comptais en fait répondre à votre question précédente, quand vous demandiez ce que nous pouvons faire pour que la situation continue à s'améliorer. Il y a seulement une chose qui permet de continuer à réaliser des progrès : faire front commun à l'échelle mondiale. Nous ne pouvons évidemment pas renoncer à cela, car c'est ce qui permet de changer les politiques.

Pour ce qui est de votre question sur les étiquettes, effectivement, les villes équitables, les universités équitables et les régions équitables utilisent ce genre de mécanisme de traçabilité; de fait, l'étiquette leur indique quel atelier ou quel travailleur a fabriqué le produit. Le Workers Rights Consortium dresse la liste de toutes les composantes de la chaîne d'approvisionnement. On peut la consulter et vérifier d'où vient le produit.

Il est important de souligner que cela ne peut pas être une initiative privée ou limitée. C'est pourquoi je dis que l'échelle doit être assez grande pour susciter une mobilisation publique très vaste qui aura pour effet d'orienter différemment la discussion à l'égard de la compétitivité des coûts. Il doit donc y avoir une raison qui dissuadera les entreprises de produire des vêtements au coût le plus bas, ce qui ne permet pas d'assurer la protection minimale des droits des travailleurs. Il faut que ce soit impossible et que le fournisseur ait très peu avantage à le faire. Cela dit, les détaillants cesseront d'exiger les marchandises les moins chères seulement si les consommateurs disent qu'ils ne les achèteront plus. Comment le consommateur sera-t-il informé de ce qu'il en est?

À l'heure actuelle, on craint de ne pas avoir les moyens d'acheter des produits éthiques, mais, selon certaines études — le Globe and Mail a d'ailleurs fait état de deux ou trois d'entre elles —, cela n'entraînerait pas de hausse considérable du prix des vêtements. Pour les détaillants, la question est de savoir s'ils vont refiler la facture à vous et moi, et nous devrons ensuite nous poser la question suivante : « Est-ce que je suis prêt à payer plus cher? » Ou est-ce que les détaillants peuvent assumer ces frais supplémentaires? C'est une question d'équilibre. Il peut y avoir un juste équilibre entre l'augmentation de coûts... Quelle part de responsabilité doivent assumer les consommateurs? Quelle part de responsabilité doit assumer le gouvernement? Quelle part de responsabilité doivent assumer les travailleurs, et quelle part de responsabilité doivent assumer les détaillants?

Les coûts n'ont pas à être assumés par un seul intervenant. Nous sommes tous impliqués dans cette gigantesque catastrophe humaine. Si nous voyons les choses sous cet angle, alors certainement, en commençant par les étiquettes et la certification par des tiers, nous pouvons réaliser des progrès — avec le soutien de militants de partout dans le monde — en vue d'une répartition des coûts relatifs aux produits éthiques.

Le sénateur Eggleton : Qui délivrerait cette certification?

Mme Mukherjee-Reed : À l'heure actuelle, il y a deux mécanismes établis. Le premier est la certification équitable, et l'autre, l'affiliation. Les gouvernements et les universités, par exemple, exercent des pressions en ce sens. Ma propre université — l'Université York — a exigé que toutes les entreprises qui lui fournissent des vêtements soient affiliées au Workers Rights Consortium, ce qui signifie que toute la chaîne d'approvisionnement est révélée sur le site web de cette organisation. On peut faire une recherche pour trouver des ateliers. On peut voir de qui il s'agit. On peut voir quelles sont les conditions là-bas.

Au Canada, il existe huit universités équitables, dont la première était l'UBC. Cela a eu de grandes retombées.

L'aspect particulièrement important, c'est que de telles initiatives menées par les universités ont un effet sur les jeunes et répondent à un impératif éthique qui est bel et bien présent chez eux. En effet, beaucoup de jeunes Canadiens militent activement pour défendre les droits — les droits de la personne, les droits des travailleurs et des droits des femmes —, et nous devons canaliser cela pour améliorer la vie des travailleurs concernés.

La sénatrice Andreychuk : Comme le temps file, je vais limiter mes questions, alors je vais simplement dire bonjour à Jane, moi aussi. Bienvenue devant le comité. C'est bien de voir que vous travaillez encore pour l'OIT. Nous avons déjà eu une longue discussion. Je pense qu'il y avait aussi la sénatrice Jaffer. Vous venez d'entrer en fonctions là-bas. Il semble que vous êtes maintenant bien enracinée dans l'OIT et que vous faites partie de la solution là-bas.

Ma seule question va s'adresser à M. Rahman. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit : il faut trouver un juste équilibre pour s'attaquer au problème initial — en améliorant les droits et la sécurité des travailleurs — parce que c'est vraiment l'enjeu essentiel. La discussion ne porte pas sur les salaires. Elle porte sur les décès et les conditions de travail dangereuses. Maintenant, après avoir vu ce qui s'est passé au Bangladesh et ailleurs, on sait que, lorsqu'il se produit un incident — un incendie, par exemple —, il y a des morts. La tragédie suscite beaucoup d'attention, et le gouvernement dépose alors des accusations criminelles contre le propriétaire de l'atelier. C'est habituellement ainsi qu'il réagit, puis il ne s'en mêle plus. La communauté internationale est mobilisée depuis un certain temps. Il y a de bonnes choses qui se produisent.

Dites-vous — si je lis entre les lignes — qu'il faut instaurer au Bangladesh une gouvernance et une reddition de comptes adéquates ainsi qu'une certaine dynamique économique si nous voulons vraiment commencer à nous attaquer à la question à long terme du juste équilibre — comme l'a dit le sénateur Eggleton — entre les droits des travailleurs, le besoin des propriétaires d'ateliers de réaliser des profits et le droit des consommateurs de savoir s'ils achètent des produits de qualité fabriqués dans des conditions décentes et à un salaire décent?

M. Rahman : Au bout du compte, la question est la suivante : est-ce que toute cette attention et toutes ces mesures seront maintenues à long terme? Qui s'en assurera, et pourquoi? Pourquoi le gouvernement veillerait-il à ce que cette réglementation soit appliquée?

Pourquoi l'industrie adopterait-elle une telle réglementation, et pourquoi les acheteurs internationaux s'en préoccupaient-ils?

Voilà la question. Pour le gouvernement, il est impératif que l'industrie du vêtement poursuive sa croissance, étant donné son importance.

C'est la question fondamentale. Pourquoi? C'est l'industrie qui attire le plus de revenus d'exportation. Elle emploie cinq millions de personnes, et elle est d'ailleurs en pleine croissance. McKinsey dit que sa taille va tripler. Le gouvernement s'opposera à tout ce qui nuira à la compétitivité de l'industrie.

Il faut se demander ceci : comment faire comprendre au gouvernement que le fait de renforcer les normes de sécurité pour les travailleurs, de leur verser de meilleurs salaires et d'améliorer leurs conditions de vie accroîtra la compétitivité de l'industrie? Comment le convaincre d'une telle chose? Cela entraînera une augmentation des coûts, il n'y a aucun doute là-dessus.

Il y a donc une marge de manœuvre. Il reste à savoir si le gouvernement pourra ensuite dire au fabricant de son pays : « Vous pouvez prendre ces mesures. Nous allons vous aider à le faire, et votre entreprise demeurera compétitive et rentable. »

La sénatrice Andreychuk : Voici la question que je me pose : y a-t-il ce genre de volonté et de compréhension de la part du gouvernement bangladais — prenons-le comme exemple —, d'autant plus qu'il se trouve dans une situation très inhabituelle en tant que gouvernement constitué de partis d'opposition? Cela a siphonné tellement d'énergie de la part du gouvernement que celui-ci n'a pas pu réaliser les progrès attendus.

M. Rahman : Le gouvernement bangladais est-il conscient du problème? Absolument. Est-il disposé à corriger la situation? Peut-être. Est-ce que cela changera quelque chose si le gouvernement canadien ou américain — comme cela a été le cas — dit : « Nous n'importerons plus vos produits si vous n'améliorez pas la sécurité des travailleurs »? Probablement. Entre-temps, d'ici à ce que ce soit fait, cinq millions de travailleurs perdront leur emploi.

En d'autres termes, selon moi, il doit y avoir un certain partage des responsabilités entre les acheteurs étrangers et les fabricants intérieurs, qui doivent convenir qu'il est bon pour les affaires d'améliorer la sécurité et les droits des travailleurs et qu'ils doivent assumer conjointement des coûts connexes.

Ainsi, dans les deux cas, ces deux parties — car ce sont elles, les parties; le gouvernement est essentiellement l'entité chargée de l'application de la loi — doivent être disposées à réaliser moins de profits qu'auparavant. Lorsque cela se produira, la situation s'améliorera.

La présidente : Madame Stewart, madame Mukherjee-Reed, monsieur Rahman, merci beaucoup. Comme vous pouvez le constater, cette étude suscite tellement d'intérêt que je n'ai même pas eu la chance de poser mes questions, mais je ne peux pas vous retenir plus longtemps. Je vois que nous reparlerons dans l'avenir. Vous avez soulevé des points très importants. Merci d'avoir pu consacrer de votre temps au comité.

(La séance est levée.)


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