Aller au contenu
RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 12 - Témoignages du 30 octobre 2014


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saigon et la fin de la guerre du Vietnam, se réunit aujourd'hui, à 8 h 30, pour étudier le projet de loi et étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui se secoue actuellement la Syrie.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, bienvenue à la 20e séance de la deuxième session de la 41e législature du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité le mandat d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger. Je m'appelle Mobina Jaffer, et je suis la présidente du comité. J'ai l'honneur de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion.

[Traduction]

Avant de poursuivre, j'invite mes collègues à se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Ataullahjan.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis la sénatrice Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

La sénatrice Eaton : Bonjour. Je suis la sénatrice Nicky Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.

La présidente : Merci, chers collègues. Aujourd'hui nous examinons le projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saigon et la fin de la guerre du Vietnam.

Ce projet de loi a été déposé au Sénat par son auteur, le sénateur Ngo, d'origine vietnamienne, qui sera notre premier témoin, ce matin. Sénateur Ngo, puis-je vous demander de nous faire entendre vos observations.

L'honorable Thanh Hai Ngo, parrain du projet de loi : Merci, madame la présidente.

Chers collègues, je suis heureux de vous parler du projet de loi S-219, Loi instituant une journée nationale de commémoration de l'exode des réfugiés vietnamiens et de leur accueil au Canada après la chute de Saigon et la fin de la guerre du Vietnam.

C'est avec beaucoup de reconnaissance que je comparais devant vous, dans l'espoir d'obtenir votre appui pour ce projet de loi commémoratif qui vise à faire reconnaître le 30 avril comme journée marquant la fin de la chute de Saigon et l'histoire mouvementée des réfugiés vietnamiens de la mer, et reconnaissant le rôle fondamental des Canadiens qui ont accueilli à bras ouverts des milliers de ces réfugiés. En parlant de ces faits importants, j'espère éclairer le sens qu'aurait la reconnaissance de cette journée importante pour le Canada et les 300 000 Vietnamo-Canadiens dont les racines et l'histoire remontent jusqu'à l'épisode de ces réfugiés.

J'ai bon espoir que cette journée commémorative attirera l'attention de tous les Canadiens sur les événements et les souffrances qui ont suivi la chute de Saigon après la guerre du Vietnam, en 1975. Elle éclairera aussi le rôle fondamental des Canadiens dans le sauvetage et l'accueil de milliers de réfugiés vietnamiens qui, aujourd'hui, célèbrent fièrement leur patrimoine et leur liberté au Canada.

La guerre du Vietnam a été conduite au nom d'idéologies opposées, entre deux systèmes politiques très différents. La lutte prolongée entre le Vietnam du Nord et le Vietnam du Sud a résulté de la tentative des communistes du Nord, d'envahir le Sud démocratique pour l'assujettir. Après de longues batailles et des pertes innombrables des deux côtés, Saigon, la capitale du Vietnam du Sud, est finalement tombée, le 30 avril 1975, capturée par l'Armée populaire vietnamienne nordiste et le Front national de libération. Cette sombre date marque la fin de la guerre du Vietnam et le début de l'État dirigé par un régime communiste à parti unique.

Pour les Canadiens d'origine vietnamienne et la nombreuse diaspora vietnamienne, le 30 avril rappelle la chute du Vietnam du Sud et le début de la fuite vers la liberté. Après la guerre du Vietnam, plus de 65 000 Vietnamiens ont été exécutés et plus d'un million d'autres ont été jetés en prison ou envoyés dans des camps de rééducation, où on estime que les châtiments infligés par les communistes du Nord en ont tué 165 000.

La période de 1975 à 1996 qui suit la chute de Saigon coïncide avec la plus grande migration de masse de l'histoire moderne, alors que plus de 1,5 million d'habitants quittent leur pays déchiré par la guerre pour trouver la liberté. Dans cet exode, qui se distingue des autres migrations forcées qui traversent souvent des montagnes et des déserts, la mer offre la seule issue aux Vietnamiens en fuite. Voilà pourquoi on les connaît dans le monde entier sous l'appellation de « boat people », les réfugiés de la mer.

Beaucoup de Vietnamiens ont été forcés de naviguer dans des bateaux délabrés de la mer de Chine méridionale où ils ont dû affronter un péril constant et inimaginable. Non seulement a-t-il fallu qu'ils traversent des tempêtes mortelles, mais ils ont aussi dû affronter la maladie et la famine. Noyades, attaques des pirates, meurtres, réduction en esclavage ou prostitution forcée, pour lesquels certains ont été vendus, voilà ce qu'ont été les principales causes de leur mortalité. D'après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 250 000 sont morts en mer pendant leur quête de liberté.

Chers collègues, le projet de loi S-219 ne vise pas seulement à commémorer les réfugiés morts pendant l'exode, mais aussi l'accueil à bras ouverts que le Canada a réservé à tant de réfugiés et à exprimer leur gratitude.

Au fil des ans, le rôle du Canada après la guerre du Vietnam a souvent été oublié. C'est vraiment malheureux, parce que, sans la chaleur et la sollicitude de milliers de Canadiens et sans le leadership, l'appui et la coopération des autorités fédérales, provinciales et municipales, ainsi que des Canadiens, des organismes internationaux pour les réfugiés, des organisations non gouvernementales et des groupes religieux, le déplacement de tant de personnes, dans des circonstances aussi urgentes et aussi difficiles aurait été impossible.

Certains pays ont fermé la porte aux réfugiés de la mer, même quand leurs bateaux parvenaient à s'y rendre. C'est pourquoi ces réfugiés ont souvent dû s'éloigner de plus en plus de leur patrie et s'établir au Canada, en France, en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les États-Unis en ont accepté 823 000; la Grande-Bretagne, 19 000; la France, 96 000; l'Australie et le Canada, 137 000 chacun.

Après la migration d'un nombre de plus en plus grand de réfugiés vietnamiens, le Canada a élaboré un programme de parrainages privés, par lequel il cherchait à obtenir l'aide d'organisations de bénévoles, d'églises et de groupes constitués d'au moins cinq citoyens adultes qui pouvaient parrainer une famille de réfugiés et subvenir à leurs besoins, par l'entremise de leur église pendant un an. Pour chaque réfugié ainsi parrainé, le gouvernement en acceptait un autre, aux soins duquel il subvenait.

En juillet 1979, le gouvernement canadien, par le premier ministre Joe Clark, faisait l'annonce historique d'un objectif de 50 000 réfugiés vietnamiens qu'il se proposait d'admettre au Canada avant la fin de 1980. En février 1980, il annonçait que l'objectif était porté à 60 000.

[Français]

Après la chute de Saigon en 1975, des milliers de Canadiens ont ouvert leur foyer et leur cœur à plus de 60 000 réfugiés vietnamiens qui avaient désespérément besoin d'un endroit pour reconstruire leur vie. Des Canadiens de tous les horizons ont répondu à l'appel sans hésiter pour participer à cet immense effort international visant à trouver des lieux d'asile pour ces réfugiés.

Sur les 60 000 réfugiés canadiens accueillis au Canada entre 1979 et 1980, environ 26 000 ont été parrainés par le gouvernement, tandis que 34 000 ont été accueillis par des organismes privés et des particuliers, et par des membres de leur parenté. Au cours de la décennie suivante, c'est-à-dire à partir de 1982 jusqu'à 1991, plus de 80 000 autres sont entrés au Canada.

En 1986, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a décerné la distinction Nansen au peuple canadien pour sa contribution importante et soutenue à la cause des réfugiés. Cette distinction a été accordée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés aux Canadiens pour les efforts extraordinaires qu'ils ont déployés en faveur des réfugiés d'Indochine; c'est la seule fois qu'un pays entier ait reçu cette distinction.

Sans la générosité et l'humanité des Canadiens, je n'aurais jamais pu avoir ce que j'ai aujourd'hui, c'est-à-dire la chance de vivre dans un magnifique pays où je peux bénéficier de la liberté et de la démocratie, et les défendre sans craindre pour ma vie.

[Traduction]

Le projet de loi S-219 ne commémore pas seulement les souffrances qui ont suivi la chute de Saigon, mais, aussi, les accomplissements des Vietnamo-Canadiens, pour souligner leur nouvelle vie au Canada.

Chaque année, le 30 avril, les Vietnamo-Canadiens se sont réunis pendant 39 ans pour se rappeler le deuil de leur pays et leur nouveau début ici. Cette date, pour nous, est le Jour de l'Avril noir, parce qu'il représente le triste jour où nous avons perdu notre pays, notre famille, nos amis, notre foyer, notre liberté et nos droits démocratiques. Ce jour commémore aussi une journée de pertes et de chagrins.

Moi-même, je suis arrivé au Canada en compagnie d'autres réfugiés vietnamiens, dans un moment de grande nécessité. Le Canada nous a accueillis après une guerre dévastatrice, des séjours douloureux dans des camps de réfugiés et de longs déplacements en bateau pour nous échapper d'un endroit que nous ne pouvions plus appeler notre patrie. Comme beaucoup d'autres, il nous a fallu nous démener et travailler fort pour nous établir, ma famille et moi, dans un nouveau milieu.

Les réfugiés de la mer qui se sont échappés du Vietnam après la guerre ont eu un apport immense et positif pour le Canada. Les immigrants et les réfugiés vietnamiens se sont intégrés rapidement et extrêmement bien dans leur nouvelle patrie. Ils contribuent maintenant fièrement à la mosaïque multiculturelle canadienne.

Chers collègues, la quête des Vietnamo-Canadiens et leur arrivée au Canada font partie de notre patrimoine national. Depuis leur installation, ils ont eu un apport économique immense pour leur pays d'adoption. Beaucoup sont avocats, médecins, juges, réalisateurs de films, artistes, journalistes et ainsi de suite. Plus de 300 000 Vietnamo-Canadiens vivent au Canada, 100 000 dans la seule région du Grand Toronto métropolitain, et ce sont trois générations fières de célébrer ce patrimoine important dans un grand pays.

Sans la générosité et l'humanité du Canada, des milliers de réfugiés vietnamiens, moi compris, n'auraient jamais pu obtenir ce que nous avons aujourd'hui. Nous pouvons maintenant vivre dans un magnifique pays où nous pouvons jouir fièrement, comme Canadiens, de la liberté et de la démocratie.

En conclusion, ce projet de loi, en reconnaissant le 30 avril, donne aux Vietnamo-Canadiens l'occasion de se souvenir des souffrances de leur passé, d'exprimer officiellement leur gratitude pour le Canada et de plaider en faveur des Vietnamiens qui ne jouissent pas des droits humains fondamentaux et de la liberté religieuse comme nous ici.

En 2015, collectivement, les Vietnamo-Canadiens célébreront le 40e anniversaire de l'établissement des réfugiés vietnamiens de la mer au Canada. J'ai bon espoir de faire adopter ce projet de loi à temps pour reconnaître leur célébration historique.

Enfin, je tiens à vous annoncer que j'ai l'intention de proposer au comité un amendement au projet de loi, à une date convenable. En effet, après consultations et prise en considération prudentes, je crois qu'il convient de modifier le titre abrégé du projet de loi pour y remplacer l'expression « Jour de l'Avril noir » par « Journée du parcours vers la liberté ».

[Français]

Je crois qu'il conviendrait de remplacer le titre en français de « Jour de l'Avril noir » par celui de « Journée du parcours vers la liberté ».

[Traduction]

Cette modification soulignerait la gratitude des Vietnamo-Canadiens pour le Canada et elle reconnaîtrait la volonté et le courage des réfugiés de la mer.

En effet, le 30 avril correspond à une sombre journée qui a ébranlé le monde et obligé des millions de Vietnamiens à quitter leur patrie déchirée par la guerre pour trouver ailleurs la sécurité et la liberté. Cependant, je crois que cette modification rappellerait à notre mémoire les centaines de milliers de réfugiés vietnamiens morts en mer en essayant d'obtenir la liberté.

Chers collègues, la liberté n'est pas gratuite, et les réfugiés de la mer, pour l'acquérir, ont dû vaincre des périls.

C'est par ces brèves observations que je demande humblement votre appui pour adopter le projet de loi S-219 visant à reconnaître le patrimoine vietnamo-canadien.

Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie beaucoup pour votre exposé.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, sénateur Ngo, d'être ici. Je tenais à vous questionner sur le projet 4000. La Ville d'Ottawa a reconnu, cette année, le Jour de l'Avril noir, en raison de sa participation au projet 4000, au début des années 1980. En quoi a consisté ce projet, et quel effet a-t-il, aujourd'hui, sur la ville d'Ottawa?

Le sénateur Ngo : Je vous remercie pour votre question. Le projet 4000, mené à l'époque par la mairesse Marion Dewar, alors que les réfugiés de la mer arrivaient en grand nombre, a fait que la Ville d'Ottawa, y compris d'autres grandes villes canadiennes, en a accepté 4 000.

Tout d'abord, il a fallu trouver des églises, des organismes sans but lucratif et des particuliers pour parrainer ces arrivants. Le gouvernement du Canada les a acceptés à la condition que, pour chaque famille ainsi acceptée, une autre serait parrainée à titre privé par une église ou une organisation sans but lucratif ou par des Canadiens ordinaires. Si vous aviez parrainé une famille, le gouvernement en acceptait une autre, à ses propres frais.

À l'époque, j'étais le président de l'association vietnamienne à Ottawa. Je suis même allé à Almonte pour m'adresser aux églises, aux prêtres, aux ministres et ainsi de suite, leur demander de parrainer des réfugiés vietnamiens.

Ces 4 000 personnes et la population de la ville d'Ottawa, à la même époque... le nombre de Vietnamiens est passé à environ 6 000 à 10 000 personnes. Mais, plus tard, à cause de la situation de l'emploi, beaucoup sont allés s'installer à Toronto. La vieille génération, comme la mienne, s'est installée à Montréal, parce que nous parlions français, et je pense que, à l'époque, seulement 1 ou 2 p. 100 de réfugiés sont allés s'installer en Alberta et en Colombie-Britannique.

Le sénateur Eggleton : Vous avez parlé de modifications. Vous nous en avez dévoilé une, qui donne au titre du projet de loi un ton plus positif. Proposez-vous d'autres modifications?

Le sénateur Ngo : Non. Dans le préambule, je n'ai tenu aucun propos politique; j'ai seulement fait allusion aux souffrances des réfugiés vietnamiens, à la reconnaissance de leurs déplacements, de l'apport du gouvernement canadien, et ainsi de suite. La diaspora vietnamienne appelle le 30 avril le Jour de l'Avril noir, parce que c'est la journée la plus sombre de la vie de ses membres. C'est la seule appellation qu'elle connaît pour cette journée. Quand j'ai parlé de mon projet de faire adopter cette loi, ses membres ont préconisé le « Jour de l'Avril noir » parce que tout le monde sait de quoi il s'agit. Je leur ai dit que le projet de loi ne visait pas seulement la diaspora vietnamienne mais aussi le peuple canadien.

Après consultations, j'ai demandé si nous devions plutôt parler, dans le projet de loi, de « Journée du parcours vers la liberté », parce que nous avons fui et nous avons gagné notre liberté ici, au Canada. Je pense que tous étaient d'accord. On remplacera donc partout l'expression « Jour de l'Avril noir » figurant dans le titre, par « Journée du parcours vers la liberté ».

Le sénateur Eggleton : Oui. « Journée du parcours vers la liberté », cette expression semble englober d'autres réfugiés, peut-être d'autres époques. Avez-vous l'intention de mieux faire reconnaître les réfugiés et leur détresse en général? Dans son histoire, notre pays a-t-il accueilli de nombreux réfugiés à la fois. J'ignore si nous leur avons consacré des journées spéciales. Est-ce donc une occasion pour élargir la portée de la commémoration, pour n'écarter personne?

Le sénateur Ngo : Je vous remercie de votre question. C'était particulièrement pour la reconnaissance des réfugiés vietnamiens. Le premier jour de leur départ est le 30 avril. Ce jour-là correspond à la date à laquelle ils ont perdu leur pays.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Le sénateur Ngo : D'autres réfugiés arrivent de façon continue. Ils partent chaque jour, par exemple, de Libye et de Syrie. Aucune date précise ne correspond à leur départ. Ce projet de loi traduit la situation de la diaspora vietnamienne au Canada et à l'étranger.

La sénatrice Eaton : Sénateur Ngo, êtes-vous arrivé en 1975? Étiez-vous un réfugié de la mer?

Le sénateur Ngo : Malheureusement, les premiers réfugiés de la mer ne datent que de 1979. Je suis arrivé ici en 1975. J'étais réfugié. Je venais de Bangkok, où je travaillais à l'ambassade du Vietnam. Après la chute du gouvernement, cependant, nous sommes devenus apatrides; nous n'avons pas été reconnus par le gouvernement ni aucune autre autorité. Je suis demeuré là-bas jusqu'au 27 mai.

Du 30 avril au 27 mai, j'ai visité les ports thaïs. C'est là qu'arrivaient les bateaux qui s'étaient enfuis du Vietnam. J'ai aidé ces réfugiés à obtenir leur droit d'escale et à les faire recevoir temporairement par le gouvernement thaï, qui, même lui, alors, ne savait que faire des réfugiés vietnamiens. J'ai demandé aux fonctionnaires thaïs de les accepter dans la situation où ils se trouvaient, après quoi nous verrions ce qu'il faudrait faire.

À l'époque, la majorité des Vietnamiens se sont enfuis vers Bangkok, vers la Thaïlande. Après, ils sont allés en Malaisie, en Indonésie, aux Philippines, à Hong Kong et à Singapour.

La présidente : Sénateur Ngo, comme vous savez, nous avons reçu du courrier sur le projet de loi. On y demandait notamment s'il modifiera nos relations avec le Vietnam.

Le sénateur Ngo : Les relations diplomatiques entre le Canada et le Vietnam existent depuis 1974, lorsque le gouvernement de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau a reconnu l'existence du Nord-Vietnam, bien qu'en 1973, le Canada était l'un des pays dans l'Accord de Paris.

Le projet de loi n'a rien à voir avec les relations diplomatiques entre le Canada et le Vietnam. Si vous lisez le préambule, vous constaterez que j'ai fait de mon mieux et que je n'ai inclus aucun élément politique lié au Vietnam et au Canada. J'ai seulement dit qu'il serait bien de reconnaître l'exode du peuple vietnamien et leurs souffrances, les pertes en mer, et cetera. Je n'ai inclus aucun élément politique dans le projet de loi.

Si une personne soutient que mon projet de loi portera préjudice aux relations diplomatiques entre le Canada et le Vietnam, eh bien, les gens qui s'opposent au projet de loi en disant cela viennent surtout de l'ambassade du Vietnam au Canada. Ces gens ont également donné une entrevue dans le journal Embassy et tout ce qu'ils ont dit dans cet article est faux. Si vous examinez le projet de loi, vous constaterez que je n'ai pas mentionné la haine ou les atrocités des Nord-Vietnamiens à l'égard des habitants du Vietnam du Sud; je n'ai pas abordé ce sujet. S'ils ont dit cela, je pense que ce n'est pas vrai.

La présidente : Pourriez-vous nous en dire plus sur l'adoption du projet de loi? Que signifiera-t-il pour la communauté? Quelle est l'importance du projet de loi pour la communauté vietnamienne?

Le sénateur Ngo : Il reconnaîtra le jour où les membres de la communauté vietnamienne ont perdu leur pays, le jour où ils ont quitté le Vietnam pour venir au Canada et le jour où le Canada les a accueillis à bras ouverts.

Essentiellement, ce sera un jour où tous les réfugiés vietnamiens se diront qu'ils sont chanceux, car ils sont venus au Canada et le pays les a accueillis à bras ouverts. Ils souhaitent exprimer leur gratitude au Canada, et cetera. Ce sont les choses que le peuple vietnamien aimerait exprimer et ils l'ont fait chaque année.

La présidente : Sénateur Ngo, j'aimerais vous remercier d'avoir livré votre exposé et d'avoir entrepris cette initiative. Je suis sûre que nous vous entendrons à nouveau. Merci beaucoup de votre exposé.

Honorables sénateurs, le 6 mai 2014, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant : que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et la méthode de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie.

Le conflit syrien a donné lieu à l'une des crises humanitaires et de réfugiés les plus effroyables de l'histoire moderne. Ce qui est particulièrement alarmant, ce sont les conséquences de cette situation sur les enfants. On évalue à 3 millions le nombre d'enfants déplacés à l'intérieur des frontières syriennes et à 1,2 million le nombre d'enfants réfugiés à l'étranger. Des millions d'enfants ne vont plus à l'école, sont séparés de leur famille et ont besoin de protection et de soins médicaux, tant physiques que psychologiques. Les enfants déplacés sont aussi particulièrement menacés par la pauvreté, les mauvais traitements, la négligence, la violence, l'exploitation, la traite des personnes, le mariage forcé, et le recrutement contre leur gré dans l'armée.

Le Canada fournit une contribution financière importante au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et à l'organisation des secours d'urgence et de protection des droits des enfants de l'UNICEF. Ces deux organismes travaillent sur le terrain pour apporter des secours à des millions de Syriens touchés par le conflit. Ces organismes ont dû recourir à leurs ressources limitées afin de répondre aux besoins humanitaires en évolution découlant des conflits contemporains prolongés. Par conséquent, leur mandat et leurs méthodes ont dû également évoluer.

Le comité ne s'intéresse pas exclusivement à la situation en Syrie; en effet, depuis la guerre mondiale, les mandats l'UNHCR et de l'UNICEF ont changé. Nous souhaitons que les témoins nous expliquent en quoi les mandats ont changé, à leur avis, si le processus a été adéquat, et s'ils estiment que les mandats devraient évoluer. Voilà le véritable sujet à l'étude : les mandats de l'UNHCR et de l'UNICEF.

Pour le début de nos audiences aujourd'hui, j'aimerais accueillir, par vidéoconférence, Jeff Crisp, directeur principal, Politiques et défense des intérêts, Refugees International. D'après ce que je comprends, monsieur Crisp, vous livrerez un exposé.

Jeff Crisp, directeur principal, Politiques et défense des intérêts, Refugees International : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Je m'appelle Jeff Crisp, et je représente Refugees International, un organisme de défense des droits indépendant et sans but lucratif sont le siège social est ici, à Washington, D.C. Auparavant, j'ai travaillé pour l'UNHCR, c'est-à-dire le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, pendant plus de 25 ans.

Pendant les quelques minutes qui me sont imparties ce matin, j'aimerais aborder certaines des caractéristiques les plus importantes de l'énorme crise des réfugiés qui a été provoquée par le conflit armé catastrophique qui sévit en Syrie.

Tout d'abord, la crise des réfugiés s'est développée à une vitesse ahurissante et à une échelle jusqu'ici pratiquement sans précédent. En seulement trois ans, plus de trois millions de citoyens syriens ont été forcés de chercher refuge dans d'autres pays. Six autres millions de Syriens ont été forcés d'abandonner leur foyer, mais ils sont toujours en déplacement à l'intérieur des frontières de leur propre pays, alors que des milliers d'autres sont prisonniers dans des villes assiégées, incapables de se déplacer et ont désespérément besoin d'aide humanitaire.

Deuxièmement, la situation urgente des réfugiés syriens se présente à une époque où la communauté internationale a de la difficulté à gérer une autre série de crises qui ont éclaté dans différentes régions du monde, principalement en République centrafricaine, au Soudan du Sud, en Ukraine et, évidemment, plus récemment en Irak. En ce qui concerne le dernier pays, au cours des dernières semaines, quelque 800 000 personnes sont arrivées dans le nord du Kurdistan, où l'hiver approche à grands pas. Le système humanitaire international est sollicité au maximum par ces situations urgentes, et les capacités en ressources, en secours, en logistique et en travailleurs humanitaires expérimentés diminuent de plus en plus partout dans le monde.

Un troisième élément de la crise des réfugiés syriens que j'aimerais souligner est lié aux lourdes conséquences qu'elle entraîne dans les pays qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés. Par exemple, le Liban, un pays fragile sur les plans politique et économique dans les meilleures circonstances, a accueilli plus d'un million de réfugiés syriens, qui représentent maintenant environ 25 p. 100 de la population du pays. Comme de nombreux observateurs l'ont fait remarquer, c'est comme si toute la population du Canada déménageait aux États-Unis en 36 mois. Il va sans dire que ces arrivées ont exercé des pressions énormes sur les ressources limitées, par exemple les logements, l'approvisionnement en eau, les systèmes d'élimination des déchets et les finances publiques. Elles risquent également d'aggraver les tensions sectaires profondément enracinées au Liban.

Étant donné le nombre élevé de réfugiés au Liban et dans d'autres pays de la région, il est devenu évident que l'aide internationale doit faire beaucoup plus que distribuer des tentes, des couvertures, des poêles et d'autres fournitures de secours. Un appui à grande échelle axé sur le développement est maintenant nécessaire pour permettre à ces pays et à ces communautés qui hébergent un si grand nombre de réfugiés de gérer leur arrivée. Sans de tels appuis, il semble très probable que les voisins de la Syrie fermeront leurs frontières aux nouveaux arrivants, comme le Liban a menacé de le faire cette semaine, et ces gens ne pourront plus échapper aux terribles violations des droits de la personne qui se produisent en Syrie.

En même temps, il est nécessaire de fournir aux réfugiés des occasions de subvenir à leurs besoins. Au cours de mes récentes visites dans la région, les réfugiés syriens m'ont expliqué qu'ils pensaient que le conflit armé dans leur pays serait terminé en quelques semaines ou quelques mois, ce qui leur aurait permis de retourner très rapidement dans leur pays d'origine. Ils se rendent compte, de plus en plus, que cette guerre se poursuivra probablement pendant une période indéterminée. Même si la paix était éventuellement rétablie en Syrie, le pays est tellement détruit qu'un grand nombre de réfugiés trouveraient extrêmement difficile d'y retourner immédiatement et de réintégrer leur ancienne vie. Étant donné que leurs propres ressources sont épuisées et que l'aide internationale est limitée, il deviendra de plus en plus important pour les réfugiés de trouver du travail pour subvenir à leurs besoins et pour contribuer à l'économie de leur pays d'accueil.

Une quatrième caractéristique de l'exode syrienne que j'aimerais souligner concerne l'emplacement des nouveaux arrivants. Le mot « réfugié » évoque souvent des images de camps étendus, où les résidents sont hébergés dans des tentes et où une série d'organismes d'aide humanitaire répondent à leurs besoins essentiels, mais ce n'est pas le cas pour les Syriens. En effet, au moins 75 p. 100 des réfugiés ne sont pas hébergés dans des camps, mais dans des villes et des villages un peu partout dans la région, où ils vivent aux côtés des Égyptiens, des Irakiens, des Jordaniens, des Libanais et des Turcs. Cette situation pose de nombreux défis. Comment les organismes d'aide humanitaire arrivent-ils à identifier, à compter et à enregistrer les membres d'une population aussi éparpillée? Comment les systèmes de santé locaux peuvent-ils être renforcés afin d'être en mesure de répondre aux besoins de la population locale et à ceux des nouveaux arrivants? Comment les réfugiés eux-mêmes, surtout ceux qui sont particulièrement vulnérables, par exemple les personnes âgées et les personnes qui souffrent d'un handicap, peuvent-ils trouver les services et les conseils qui leur sont offerts?

Même si jusqu'ici, je me suis concentré sur la région du Moyen-Orient, j'aimerais également faire valoir que la crise des réfugiés syriens se mondialise de plus en plus. En effet, confrontés à la surpopulation dans un grand nombre des communautés d'accueil et incapables de trouver un travail régulier ou rémunéré, il n'est pas surprenant que de plus en plus de réfugiés cherchent un avenir dans une région plus éloignée. Un nombre important de Syriens ont déjà gagné des pays comme la Bulgarie et la Suède. De plus en plus de gens qui entreprennent le périple hasardeux menant de l'Afrique du Nord aux pays du Sud de l'Europe sont des Syriens. À mesure que la crise des réfugiés s'intensifie, de tels déplacements se produiront certainement de plus en plus souvent. En effet, lors d'une récente visite dans la ville côtière d'Alexandrie, en Égypte, il nous a été difficile de trouver un réfugié syrien qui ne parlait pas de quitter le pays pour l'Europe.

Cinquièmement, j'aimerais souligner les effets terribles provoqués par la crise syrienne sur les enfants réfugiés du pays. Un grand nombre d'entre eux souffrent d'un traumatisme grave en raison des circonstances qui les ont forcés à quitter leur propre pays. Ils ont traversé bien des dangers pour trouver un refuge. Ils habitent maintenant dans un environnement inconnu, et ils ne savent pas ce que l'avenir leur réserve. Leurs conditions de vie en exil sont de plus en plus difficiles. Les garçons sont retirés de l'école pour occuper des emplois dangereux et exigeants à un salaire dérisoire, afin de contribuer au budget de la famille. Les filles sont forcées de se marier ou sont confinées à domicile en raison du risque élevé de violence et d'exploitation sexuelle. Que ces jeunes retournent éventuellement en Syrie, qu'ils demeurent dans leur pays d'accueil ou qu'ils déménagent dans un autre pays, il sera essentiel de leur donner accès à une éducation et à une formation qui leur permettront de devenir des membres pacifiques et productifs de la société.

Mesdames et messieurs, permettez-moi de conclure avec quelques mots sur la façon dont le Canada peut contribuer à régler la crise montante des réfugiés. Tout d'abord, mon organisme, Refugees International, encourage manifestement le Canada à continuer de verser les sommes généreuses qu'il fournit déjà à des organismes tels l'UNHCR et l'UNICEF. À cet égard, nous comptons sur l'engagement de longue date du Canada envers le multilatéralisme et les mesures humanitaires.

Deuxièmement, et pour revenir sur un point que j'ai fait valoir plus tôt, nous pressons le Canada d'utiliser son influence pour veiller à ce que les acteurs du développement, par exemple la Banque mondiale et le PNUD, s'engagent davantage envers la situation des réfugiés syriens. En même temps, le programme d'aide à l'étranger du Canada pourrait être utilisé pour appuyer les pays et les communautés qui ont accueilli un si grand nombre de réfugiés au cours des trois dernières années.

Troisièmement, en tant que l'un des principaux pays de réinstallation, nous pensons qu'il serait approprié que le Canada accueille un quota de réfugiés syriens, surtout parmi ceux qui sont à risque dans les endroits où ils se sont réfugiés. Étant donné qu'il y a, au total, plus de trois millions de réfugiés syriens, un quota d'admission à titre humanitaire ou de réinstallation au Canada ne représenterait, manifestement, qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais il fournirait une solution durable aux réfugiés qui en ont le plus besoin et il communiquerait aux principaux pays d'accueil qu'ils ne sont pas seuls pour affronter cette crise.

Comme António Guterres, haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, l'a dit il y a seulement deux jours lors d'une collecte de fonds à Berlin :

D'autres pays doivent s'engager plus fermement envers le partage des obligations, afin de permettre aux réfugiés syriens de trouver une protection au-delà de leurs voisins immédiats.

La présidente : Merci beaucoup de votre exposé. Nous allons maintenant entendre, également par vidéoconférence, M. Matt Streng, conseiller principal, Développement des jeunes, Mercy Corps.

Matt Streng, conseiller principal, Développement des jeunes, Mercy Corps : Bonjour, honorables membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne au sujet des besoins des enfants déplacés par la crise syrienne, et je vous remercie également de l'attention soutenue que vous avez accordée à cette crise complexe et prolongée.

Je suis conseiller principal, Développement des jeunes, chez Mercy Corps, un organisme non gouvernemental de développement et d'aide humanitaire international qui intervient en cas de catastrophe et appuie le développement communautaire dans plus de 40 pays du monde. Mercy Corps travaille au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis plus de trois décennies, et nous exécutons et gérons actuellement des programmes dans neuf pays de la région.

En réponse à la crise syrienne, nous avons mis en œuvre des programmes en Syrie, ainsi qu'au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak. Nous les exécutons grâce à l'appui de généreux donateurs, notamment les importantes contributions du gouvernement du Canada et de son ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement à l'appui de notre programme de défense des droits des adolescents au Liban, en Jordanie et en Syrie et par l'entremise de la coordination d'un large éventail de partenaires multilatéraux et civils dans le cadre de l'initiative « Non à une génération perdue » de l'UNICEF.

La moitié des 6,5 millions de personnes déplacées dans leur pays et plus de 3 millions de réfugiés touchés par la crise syrienne sont des enfants âgés de moins de 18 ans. Il est important de souligner que presque un de ces enfants sur quatre est un adolescent âgé de 12 à 17 ans. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur ce groupe.

Mercy Corps croit que les adolescents syriens issus de communautés de réfugiés et d'accueil représentent une cohorte déterminante qui mérite une attention et des investissements particuliers. En effet, les adolescents n'ont pas suffisamment accès aux programmes d'appui psychologique, d'éducation et d'acquisition des compétences. Ils continuent de rater des étapes essentielles de leur vie et de leur éducation, ce qui privera la Syrie et la région des jeunes et des adultes productifs et salariés dont elle aura besoin pour réparer une société déchirée et relancer une économie effondrée. La perte de cette génération de jeunes productifs représentera une occasion ratée qui entraînera des répercussions importantes. En investissant dans cette génération maintenant, nous pouvons les appuyer aujourd'hui pour commencer à bâtir leur futur.

Aujourd'hui, un grand nombre des quelque 400 000 adolescents syriens réfugiés âgés de 12 à 17 ans continuent d'assumer des rôles d'adultes pour lesquels ils ne sont pas prêts, des rôles qui les exposent à des risques graves. Même si cela peut aider les familles à survivre à court terme, ce sera aux dépens de la sécurité et du développement futur des adolescents de la région.

L'adolescence est une période de croissance rapide sur les plans cognitif, émotionnel et social dans la vie d'un enfant, et il est essentiel que nous fournissions l'appui approprié en temps opportun.

Au cours de la dernière année, j'ai mené des évaluations en Irak, au Liban et en Jordanie, et j'ai rencontré des adolescents syriens issus de communautés d'accueil et leur famille, et j'ai appuyé, à distance, nos équipes dans les analyses qu'elles ont menées en Turquie et en Syrie. Mercy Corps a lancé cette étude réunissant cinq pays pour mieux comprendre les conditions dans lesquelles vivent les adolescents syriens issus de communautés de réfugiés et d'accueil et leurs plans d'avenir.

Cette étude nous sert de base pour élaborer des stratégies pour que les adolescents et les adolescentes, entre l'enfance et la vie d'adulte, ne passent pas à travers les mailles du filet. Nos recherches nous ont appris, notamment, que les adolescents sont nombreux à perdre espoir lorsqu'ils ne vont pas à l'école pendant de nombreuses années et qu'ils n'ont pas encore l'âge légal de travailler. Ils risquent d'être isolés de leur famille et de leur communauté, et ils ne sont pas encore assez outillés pour bien gérer les conflits.

C'est un problème qui ne touche pas seulement les réfugiés syriens, mais aussi les jeunes Libanais, Turcs, Irakiens et Jordaniens. Chez les adolescents syriens, le sentiment d'humiliation est omniprésent et s'accompagne souvent de violence physique ou verbale. Les adolescents sont régulièrement humiliés à l'école, au travail ou dans leur communauté. Ils sont donc nombreux à perdre espoir et à voir dans les groupes armés un moyen de se protéger et de protéger les leurs, de gagner de l'argent et de se faire respecter.

En Syrie, un garçon m'a dit : « Quand je serai grand, je serai le chef d'un groupe armé. Je veux apprendre à manier les armes pour protéger ma mère et mes frères et sœurs. » Bien des jeunes qui se trouvent à l'extérieur de la Syrie disent qu'ils aimeraient retourner au pays pour se battre et mourir dans la dignité plutôt que de vivre dans l'humiliation.

Les adolescentes, quant à elles, sont susceptibles de se voir isoler physiquement et socialement et d'être mariées très jeunes par des familles qui veulent les sortir des camps et réduire leurs problèmes financiers. Une jeune Syrienne qui vit dans une zone assiégée nous a dit : « Je suis fatiguée, j'étouffe et je ne sais pas ce que je veux. Nous n'avons plus de rêves et nous avons oublié de penser à nous-mêmes. »

Pour aider ces adolescents à répondre à leurs besoins à long terme, il est indispensable que la communauté internationale des donateurs modifie sa politique et opte pour une stratégie qui va au-delà de l'aide humanitaire et intègre des activités de développement. Le Canada peut prendre dès maintenant diverses mesures concrètes pour aider les jeunes qui sont pris dans cet étau. J'aimerais terminer en soumettant au comité trois recommandations importantes.

Premièrement, il faut accorder la priorité aux programmes intégrés qui ciblent les réfugiés adolescents et leurs pairs dans les communautés d'accueil, de même que les adolescents qui sont demeurés en Syrie. Un quart des réfugiés syriens de moins de 18 ans sont adolescents. Parmi eux, depuis mai dernier, seulement 1 sur 30 — ou 3 p. 100 — a reçu du soutien pour les aider à développer leurs compétences psychosociales, professionnelles ou scolaires. Nous savons que nos efforts et les investissements faits par la communauté internationale et les pays d'accueil sont très en deçà des efforts nécessaires pour faire de cette génération d'adolescents des citoyens pacifiques et productifs.

Deuxièmement, nous devons collaborer avec les partenaires locaux et nationaux pour fournir plus de possibilités d'apprentissage souples aux adolescents. Bien que la situation se soit un peu améliorée récemment et que 50 p. 100 des enfants réfugiés vont maintenant à l'école, les adolescents sont sous-représentés dans ces gains. Il est temps de mobiliser des ressources pour trouver des façons novatrices de donner de la formation au plus grand nombre d'adolescents possible. Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement doit, en plus de fournir de l'aide financière, collaborer avec les pays hôtes pour assurer la transférabilité des certificats d'études et de formation professionnelle. En offrant des programmes certifiés dans des environnements scolaires non officiels, un plus grand nombre d'adolescents pourraient obtenir du soutien pour développer leurs compétences.

Troisièmement, nous devons accroître l'employabilité grâce à la formation professionnelle. Le travail peu rémunéré et à faible niveau de compétences ouvre la voie aux abus et à la violation des droits des jeunes travailleurs. Nous devons mettre en place un environnement de travail sûr et équitable, tout en accroissant les efforts pour doter les adolescents des compétences nécessaires pour devenir des citoyens productifs au sein de leur communauté, que cette communauté se trouve dans le pays d'accueil ou en Syrie.

Les trois premières années du conflit syrien ont balayé sous le tapis 35 ans de développement dans ce pays, et on constate que c'est en train d'avoir le même effet dans les pays d'accueil. Il faut renverser cette tendance en aidant les adolescents à développer les compétences de base qui sont nécessaires pour qu'ils puissent contribuer à pacifier la région et à la rendre productive.

En terminant, j'aimerais vous dire que les gens de Mercy Corps ont été humblement touchés, dans le cadre de leur travail et de leurs partenariats, par la grâce et la dignité des Syriens, et par la générosité de leurs hôtes régionaux qui les ont accueillis malgré les nombreux défis de taille qu'ils ont à relever. La foi inébranlable des Syriens d'en arriver à une solution pacifique nous motive à poursuivre nos efforts pour voir ce terrible conflit prendre fin le plus rapidement possible.

Je tiens à remercier sincèrement le comité permanent de se pencher sur cette question d'une importance capitale et de m'avoir accordé le privilège de témoigner devant lui aujourd'hui.

La présidente : Je vous remercie tous les deux de vos exposés. Nous avons des questions à vous poser, et je vais ouvrir le bal.

Le 9 juin, Andrew Tabler a témoigné devant le comité et il a déclaré ce qui suit :

[...] à la lumière de la crise en Syrie et de son évolution, les ONG joueront selon moi un rôle de plus en plus crucial quand vient le temps d'apporter de l'aide à des États affaiblis tel que la Syrie.

Ma question s'adresse à vous deux : quelles sont les forces et les faiblesses des organisations des Nations Unies et des organisations non gouvernementales lorsqu'elles doivent fournir de l'aide humanitaire dans une zone de conflit?

M. Crisp : Dans la plupart des situations où il y a des réfugiés, les organisations internationales comme l'UNHCR collaborent étroitement avec les ONG. En fait, les ONG sont souvent les partenaires de mise en œuvre des Nations Unies. Elles travaillent déjà en étroite collaboration, et je pense que cela permet à chacune de tirer le meilleur parti possible de ses avantages.

Manifestement, l'UNHCR est bien placé pour mobiliser des ressources et des fonds considérables auprès de la communauté internationale, mais c'est aussi une très grande organisation qui possède les contraintes bureaucratiques des organisations de cette taille. Les ONG sont habituellement plus agiles et plus rapides, et elles arrivent sur les lieux d'une crise plus rapidement que les Nations Unies.

La clé réside donc dans l'établissement de partenariats efficaces qui permettent de tirer parti des forces des deux organisations en même temps.

M. Streng : Je suis d'accord en bonne partie avec ce que M. Crisp vient de dire au sujet de la capacité de coordination des ONG et des organisations des Nations Unies. J'abonde aussi dans le même sens que lui lorsqu'il dit que les ONG sont agiles et capables d'intervenir là où les Nations Unies ne pourraient pas le faire.

Au cours des deux dernières années, Mercy Corps a été en mesure de sauver des vies dans des zones du Nord de la Syrie beaucoup plus facilement sans doute que les Nations Unies auraient pu le faire directement. Le pouvoir de négocier dans ces zones rebelles est une des forces des ONG comme la nôtre qui présente de nombreux défis pour une structure comme celle des Nations Unies.

Mercy Corps s'est aussi donné pour mission de travailler avec la société civile et d'encourager la mobilisation de la communauté. Nous misons beaucoup sur les partenaires et les partenariats locaux et voulons renforcer les capacités à long terme à l'échelon municipal. Les ONG sont bien placées et dans une position stratégique pour répondre aux besoins immédiats, et pour offrir en même temps ce type de soutien axé sur le développement durable.

M. Crisp : Je peux ajouter quelque chose, brièvement. Je suis tout à fait d'accord avec ce que mon collègue de Mercy Corps a dit au sujet de la capacité des ONG de tisser des liens solides avec la société civile, les ONG nationales et les Nations Unies.

J'aimerais attirer l'attention sur un autre élément de la crise en Syrie. Nous savons que quantité de ressources y affluent depuis l'Arabie saoudite et d'autres États du Golfe, mais il n'y a pas de coordination habituellement par le système des Nations Unies, et nous ne savons pas ce qu'il en résulte. Il est donc difficile de savoir d'où vient l'argent, où il va, et qui sont les populations de réfugiés ciblées.

Il n'y a pas qu'au Moyen-Orient que cela se passe. C'est un phénomène qui prend de l'ampleur depuis quelques années, c'est-à-dire la participation de ceux qu'on appelle les États donateurs non traditionnels. À mon avis, il faudrait que la communauté internationale se penche sur les façons de les intégrer et de mieux coordonner le tout.

Le président : Je vais maintenant céder la parole à la vice-présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie tous les deux de vos exposés. Ma première question s'adresse à vous, Matt Streng. Vous travaillez avec l'UNICEF en Jordanie pour intégrer les enfants des camps et des quartiers urbains dans les réseaux d'écoles publiques, ce qui a pour autre avantage d'aider les enfants jordaniens marginalisés qui habitent dans ces quartiers, qui s'efforcent d'aider les habitants et les réfugiés. Avez-vous des programmes comme celui-là dans d'autres pays d'accueil? Comment font-ils pour composer avec la pression et arriver à offrir les services tant aux habitants qu'aux réfugiés?

M. Streng : Je vous remercie sincèrement de poser la question. Jusqu'à maintenant, Mercy Corps a concentré ses efforts surtout sur les enfants et les adolescents dans les camps de réfugiés et dans les communautés d'accueil. Comme l'a mentionné M. Crisp un peu plus tôt, la vaste majorité des réfugiés vivent dans des communautés d'accueil qui se trouvent dans les villes et villages. Nous savons que les écoles officielles, les écoles gouvernementales, ne sont pas en mesure d'accueillir tous les réfugiés qui doivent retourner à l'école.

Nous mettons donc l'accent sur la mise en place de divers programmes d'éducation certifiés non officiels pour les enfants et surtout pour les adolescents, qui ont plus tendance à délaisser l'école que les jeunes enfants. C'est ce que nous faisons en Jordanie et au Liban, et c'est ce que nous commençons à faire en Turquie et dans le Kurdistan irakien.

Pour être clair, nous avons constaté que les réseaux d'éducation nationaux ne sont pas en mesure d'accueillir tous les réfugiés syriens, et nos efforts visent à combler ce vide. Cette situation exerce une pression sur la qualité de l'éducation offerte aux Jordaniens, sur les enfants des communautés d'accueil et des autres pays, de même que sur les enseignants. Nous pouvons présumer que la qualité de l'enseignement est en baisse dans ces pays en raison de ces pressions sur les réseaux d'éducation.

Nous pensons que pour être en mesure d'envoyer tous les jeunes à l'école, il faut se tourner vers des solutions non officielles, qu'il s'agisse de formation purement théorique avec diplôme à la clé, ou de formation professionnelle ou à l'emploi, afin de préparer les adolescents qui seront les premiers appelés à retourner au pays ou, au sein des communautés d'accueil, à mettre la main à la pâte pour assurer le développement à long terme. Nous pensons qu'il faut cibler davantage cet élément et accroître le soutien.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Crisp, vous avez travaillé surtout avec les femmes et les enfants touchés par le conflit. Est-ce que la situation des femmes et des filles change d'un pays d'accueil à un autre? Que se passe-t-il lorsqu'elles arrivent dans ces pays et que font-elles pour survivre?

M. Crisp : Je ne pense pas qu'il y ait de différences fondamentales d'un pays à un autre. Il y a bien sûr des différences locales, mais les problèmes que mes collègues et moi à Mercy Corps avons remarqués sont les mêmes dans toute la région : risque de subir de l'exploitation ou de la violence sexuelle, risque d'être mariées jeunes pour des raisons financières, et risque, en particulier pour les adolescentes, de ne pas pouvoir aller à l'école, suivre une formation ou entreprendre une activité pour assurer leur subsistance.

Lors d'un récent séjour en Égypte, des mères nous ont dit qu'elles ne voulaient pas que leurs filles travaillent en raison des risques de violence et d'exploitation sexuelles. Ce sont des problèmes fréquents partout dans la région. Comme Matt l'a mentionné, rien n'indique que les choses vont changer au cours des semaines, des mois, et probablement — mais espérons que ce ne sera pas le cas — des années à venir.

M. Streng : Selon ce que nous avons pu observer récemment en Syrie, les adolescentes, en particulier, assument des rôles traditionnellement dévolus aux jeunes hommes au sein de la société, en plus de leurs rôles habituels. Les jeunes Syriens craignent d'être recrutés par les forces gouvernementales ou les forces rebelles, et pour éviter cela, ils se font très discrets. Ce sont les adolescentes qui ont donc hérité des tâches quotidiennes qui étaient auparavant confiées aux adolescents. Comme on peut se l'imaginer, elles sont ainsi plus à risque et plus exposées parce qu'on veut protéger les garçons ou limiter les risques pour eux.

Nous avons remarqué encore récemment dans les bulletins de nouvelles que le gouvernement syrien accroît ses efforts pour recruter les jeunes Syriens dont le service militaire est obligatoire. Il tente de bâtir ce qu'il appelle une force de réserve. Les jeunes Syriens qui sont encore en Syrie essaient donc de se faire le plus discrets possible, ou tenteront de fuir bientôt, ou devront choisir entre joindre les forces gouvernementales ou les groupes rebelles.

La sénatrice Andreychuk : Vos deux exposés ont porté sur des enjeux qu'examine le comité. Vous les avez tous qualifiés de systèmes. Je reviens tout juste d'un séjour en Jordanie. Je sais que la situation change de jour en jour et de semaine en semaine. Ni les organisations politiques, ni les gouvernements, ni les ONG ne peuvent prédire ce qui se passera vraiment dans deux semaines, et ils réagissent donc après coup à la tournure des événements en Syrie.

L'afflux de 1,2 million de Syriens en Jordanie dans une courte période de temps a mis beaucoup de pression sur le pays, d'autant plus que 80 p. 100 de ces réfugiés ne se trouvent pas dans des camps. Les ONG et les autorités gouvernementales ne cessent de répéter qu'elles manquent d'équipement, qu'elles manquent de ressources, qu'il n'y a pas assez d'eau, et que cela déstabilise le pays. Le pays s'efforce d'avancer, de se développer, mais il doit consacrer beaucoup de ses ressources et de ses efforts pour aider les réfugiés syriens et, en fait, les réfugiés irakiens aussi.

Vous avez dit qu'il faut coordonner et voir à tout cela. Ne serait-il pas temps, toutefois, de revoir le tout, en particulier en Syrie, sous un angle différent? Depuis des années, nous pensons que les réfugiés se trouvent dans des camps, mais nous constatons maintenant que ce n'est pas le cas. Les jeunes, comme vous l'avez mentionné, les 80 p. 100 qui ne se trouvent pas dans des camps de réfugiés, ont le droit d'aller à l'école, mais les enseignants doivent prendre les bouchées doubles, enseigner aux Jordaniens le matin, et aux réfugiés syriens l'après-midi, sans voir leur salaire augmenter. Tout cela exerce une pression incroyable sur les professionnels, sur les services, qui sont à bout de souffle. Je me demande s'il ne faudrait pas examiner la question.

Cela exerce aussi une pression sur les jeunes qui se tournent alors vers ce que j'appellerais l'économie clandestine. Ils travaillent mais ne sont pas reconnus comme des travailleurs. Ils ne peuvent pas obtenir la formation, l'éducation ou les compétences dont vous avez parlé.

Ce sont vraiment des éléments fondamentaux. Ce que j'ai constaté, c'est que les gens arrivent tout juste à survivre. Les efforts déployés par le gouvernement jordanien sont incroyables. Je me demande combien d'autres gouvernements seraient arrivés à en faire autant pour aider les réfugiés dans un contexte historique comme celui-ci.

Devrions-nous utiliser les mêmes instruments et outils que nous utilisons depuis 1948, ou devrions-nous penser à de nouveaux moyens pour composer avec cette migration?

On semble encore croire qu'on en arrivera à une solution politique en Syrie, alors que chaque mois qui passe semble indiquer qu'il s'agit d'un problème à long terme et qu'il n'y a pas de solution politique en vue.

M. Crisp : Vous avez absolument raison de souligner la volatilité de la situation et le fait qu'il est impossible de prévoir ce qui pourrait se produire dans un avenir immédiat. En ce qui concerne la volatilité de la situation, permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit au sujet de la fermeture des frontières. Il est très difficile pour l'UNHCR et d'autres organismes de savoir combien de personnes vont réellement arriver au cours d'une journée donnée, du fait que les techniques en matière de contrôle frontalier changent d'un jour à l'autre. Un jour, des milliers de personnes peuvent franchir la frontière puis le lendemain ou la semaine suivante, beaucoup moins de personnes peuvent entrer. De toute évidence, il est difficile pour les organismes concernés de planifier et de parer à toute éventualité.

En ce qui concerne les réfugiés à l'extérieur des camps, il s'agit là de la nouvelle réalité. Dans le cas de la crise des réfugiés syriens, ce problème est particulièrement évident, mais à l'échelle mondiale, au cours des 10 ou 20 dernières années, on s'éloigne de plus en plus de l'installation des réfugiés dans des camps. De plus en plus fréquemment, ils s'installent dans les régions urbaines des pays d'accueil. Je sais que mes anciens collègues de l'UNHCR sont aux prises avec ce problème.

Les camps n'ont jamais été une solution idéale. Un très grand nombre de preuves laissent entendre que le fait de vivre dans un camp est une expérience très négative pour les réfugiés. Toutefois, ces camps offrent une certaine prévisibilité en raison de la manière dont ils sont construits et conçus et dont on peut fournir aux habitants les besoins essentiels. Quand un si grand nombre de personnes sont réparties sur de vastes régions, la communauté de l'aide internationale doit réellement repenser sa façon de faire son travail.

Une chose que nous pouvons dire, c'est qu'une des planches de salut de la crise des réfugiés syriens, c'est que, en général, les pays environnants sont des pays à revenu intermédiaire. Nous ne parlons pas du Tchad ou la République centrafricaine. Par exemple, un pays comme la Turquie a de grands moyens et de grandes ressources. Nous devons reconnaître le mérite de tous ces pays, qui ont utilisé leurs ressources pour venir en aide aux réfugiés.

En même temps, nous devons nous rappeler que, même dans ces pays à revenu intermédiaire, il y a des gens extrêmement pauvres. Au cours d'une visite récente en Jordanie, nous avons visité des Jordaniens démunis. Nous avons découvert un fait intéressant, à savoir que le gouvernement exige que les organismes d'aide fournissent 75 p. 100 de leur aide aux réfugiés et 25 p. 100 de leur aide aux Jordaniens les plus démunis pour veiller à ce que ces gens ne souffrent pas à cause de cette arrivée massive de Syriens.

Il s'agit d'un modèle très intéressant à retenir pour l'avenir. Si les organismes fournissent toute leur aide aux réfugiés et ferment les yeux sur les besoins des habitants du pays d'accueil, de toute évidence, cela risque de susciter des tensions et même des conflits entre les deux groupes. De nombreux commentateurs prévoient que c'est ce qui arrivera au Liban. Jusqu'à présent, nous sommes heureux de dire que cela ne s'est pas réellement produit, mais il existe toujours ce risque. Si l'on ne tient pas compte des besoins des gens du pays d'accueil, le risque de tensions et de conflits avec la population des réfugiés aura certainement tendance à être plus grand.

Le sénateur Eggleton : Il s'agit certainement de la plus importante crise de réfugiés dans l'histoire récente, où des millions de personnes ont été déplacées tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur pays. Comme l'UNICEF l'a déjà dit, la Syrie est maintenant l'un des endroits les plus dangereux du monde où vivre pour les enfants. Je ne sais pas combien d'enfants au juste sont touchés. Un certain nombre d'entre eux ont été déplacés à l'intérieur de leur pays, un certain nombre, à l'extérieur, et d'autres...

La présidente : Trois millions d'enfants ont été déplacés à l'extérieur, 2,1 millions ont été déplacés à l'intérieur et 10 000 ont été tués.

Le sénateur Eggleton : Et 10 000 enfants ont été tués. Ce nombre correspond à quel pourcentage du nombre total d'enfants en Syrie? Est-ce que l'un ou l'autre de nos témoins pourrait répondre à cette question? Cela doit correspondre à environ la moitié des enfants, à mon avis.

M. Streng : Je ne suis pas au courant des pourcentages exacts. Je n'ai pas cette information sous la main.

Le sénateur Eggleton : Il s'agit d'un énorme nombre d'enfants et, j'imagine, d'un pourcentage très élevé.

J'aimerais me concentrer sur la contribution du Canada...

La présidente : Sénateur Eggleton, il s'agit du tiers de tous les enfants syriens.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Julia Nicol, Division des affaires juridiques et de la sécurité publique, Service d'information et de recherches parlementaires, Bibliothèque du Parlement : Cela remonte au mois de mai.

Le sénateur Eggleton : Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays?

Mme Nicol : Seulement à l'intérieur du pays. Il s'agit à peu près de 30 à 50 p. 100.

Le sénateur Eggleton : C'est un endroit réellement dangereux pour un enfant.

J'aimerais parler de la réponse du Canada. Le Canada se classe au sixième rang pour ce qui est de l'aide financière fournie. Les fonds sont versés à l'UNHCR de même qu'à l'UNICEF. Je ne sais pas s'il existe des données plus récentes.

Un des domaines sur lesquels j'aimerais particulièrement attirer votre attention, c'est le nombre de réfugiés que nous accueillons. Plus tôt ce matin, nous avons parlé des réfugiés du Vietnam que nous avons reçus à la fin des années 1970. À l'époque, le Canada a accueilli 60 000 réfugiés, dont 34 000 ont été parrainés par des organismes privés et 26 000 ont bénéficié d'une aide gouvernementale. Je me souviens que, même avant cela, nous avons accueilli un très grand nombre de réfugiés de la Hongrie à la suite de la crise qui a éclaté dans leur pays en 1956.

Au mois de juillet 2013, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il parrainerait 200 personnes. En mars dernier, le ministre de l'Immigration a estimé que, de ce nombre, 10 réfugiés étaient arrivés au pays. Le gouvernement est prêt à accepter 1 100 Syriens dans le cadre des programmes de parrainage privé de réfugiés. Voilà de piètres chiffres. Il s'agit d'une réponse honteuse à cette énorme crise.

J'aimerais poser la question suivante à nos deux témoins de ce matin : dans un pays aussi grand et aussi riche que le Canada, combien de réfugiés devrions-nous accueillir? Du fait que nous avons accueilli 60 000 réfugiés du Vietnam dans les années 1970, nous avons augmenté notre population et nous avons augmenté notre richesse. Maintenant, nous parlons seulement de 200 réfugiés, et nous ne sommes même pas près d'avoir atteint ce nombre. Combien de réfugiés est-ce que le Canada devrait accueillir?

M. Crisp : Vous avez absolument raison de dire que, dans les années 1970 et 1980, la réinstallation était la principale solution pour les réfugiés indochinois tant du Vietnam que du Cambodge. Les circonstances politiques de l'époque nous ont permis de faire cela.

Malheureusement, les circonstances politiques ont changé. Dans de nombreux pays, les questions de droit d'asile et d'immigration pour des réfugiés sont devenues très toxiques sur le plan politique. Il suffit de regarder la réponse de l'Europe à la crise des réfugiés syriens. En dépit des exhortations constantes de la part de l'UNHCR et du haut-commissaire lui-même, en général, les pays — sauf peut-être la Suède et l'Allemagne — ont offert d'accepter un piètre nombre de réfugiés. À ma connaissance, mon pays natal, le Royaume-Uni, a seulement prévu d'en accueillir 50, ce qui constitue seulement le quart des 200 dont vous avez parlé pour le Canada.

Nous devons être réalistes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne pense pas que nous devrions nous attendre à ce que la réinstallation soit la solution à adopter pour la majorité d'une si forte population de réfugiés. Cependant, symboliquement, il serait important pour un pays comme le Canada de montrer qu'il est prêt à accueillir des réfugiés et donc à réduire un peu le fardeau des pays hôtes qui en ont accueilli tellement.

J'hésite à vous donner un chiffre précis, étant donné que je ne connais pas bien le Programme de réinstallation des réfugiés du Canada ni le nombre de réfugiés qui en ont déjà bénéficié. Peut-être que vous pourriez voir si les quotas existants pourraient être réorientés de manière à accepter la réinstallation d'un plus grand nombre de réfugiés de la Syrie que d'autres pays.

Le sénateur Eggleton : Combien de réfugiés seront accueillis en Suède et en Allemagne?

M. Crisp : Je pense que l'Allemagne a offert d'en accepter jusqu'à 20 000. Beaucoup de ceux qui sont allés en Suède ont réussi à le faire de façon indépendante plutôt que de passer par la filière de la réinstallation. Il s'agit donc d'une situation différente.

En général, la réponse de l'ensemble de l'Europe n'a pas été aussi bonne que celle à laquelle le haut-commissaire et nous, les gens de Refugees International et de l'UNHCR, nous serions attendus — surtout en raison de la proximité géographique de la Syrie à l'Europe. En réalité, la Syrie se trouve dans la cour arrière de l'Europe. Elle est beaucoup plus éloignée des États-Unis et du Canada. La réponse européenne a été très décevante.

De la même manière, vous avez peut-être entendu que mon pays, le Royaume-Uni, a fait savoir qu'il n'appuierait pas d'autres opérations de recherche et de sauvetage dans la mer Méditerranée parce que le fait de sauver des réfugiés de l'Afrique du Nord ne ferait qu'encourager plus de gens à faire la même tentative. Nous nous retrouvons dans une situation où les États disent essentiellement que ces réfugiés peuvent périr en mer et que nous ne ferons rien pour les sauver. Je trouve cela tout à fait dégoûtant.

Le sénateur Eggleton : Je présume qu'il manque aussi d'argent. Si nous n'accueillons pas ces réfugiés, cela veut dire que nous devrons régler les problèmes qui se posent là où ces gens se trouvent. Cela n'est pas facile dans le cas de ceux qui se trouvent en Syrie. Dans le cas de ceux qui se trouvent à l'extérieur de la Syrie, quelle a été la réponse des gouvernements sur le plan financier pour contribuer à leur fournir les services nécessaires dans la situation où ils se trouvent? Manque-t-il d'argent pour répondre à leurs besoins?

M. Streng : Je dirais que oui, il manque d'argent. La manière dont les gouvernements ont répondu oblige les pays d'accueil à supporter le fardeau et le stress de répondre aux besoins des réfugiés. Nous pourrions en faire davantage.

Tout à l'heure, on a demandé s'il faudrait restructurer ou repenser notre façon de répondre à des situations de ce genre et il a été plus précisément question de la tendance actuelle à ne pas placer les réfugiés dans des camps, mais de les placer plutôt dans les collectivités des pays d'accueil. À Mercy Corps et ailleurs, nous devrions essayer de voir comment ces pays pourraient renforcer leur résilience à long terme face à des chocs de ce genre.

Par exemple, nous devrions collaborer avec les gouvernements des pays d'accueil à l'échelle locale afin d'apporter des changements systématiques qui leur permettront d'intégrer ce grand nombre de réfugiés — pas de nouveaux réfugiés, mais d'intégrer ceux qu'ils ont déjà accueillis et qui s'y installeront vraisemblablement. Même s'il s'agit d'un environnement fluide et en évolution constante et qu'il existe encore beaucoup d'inconnues, nous savons que cette situation va durer et que le nombre de réfugiés ne diminuera probablement pas. La réponse militaire actuelle va fort probablement transformer la situation actuelle en insurrection à plus long terme en Syrie et, potentiellement, dans les pays voisins. Voilà la réalité, à mon avis. Il est d'une importance cruciale de redéfinir l'orientation de nos interventions et notre capacité d'intervenir et aussi de renforcer la résilience et les structures dans ces pays pour qu'ils puissent être en mesure d'intégrer ce nombre de réfugiés.

Quant à la question de la cohésion sociale, en ce moment, Mercy Corps tente d'éviter les tensions et les conflits, sachant que les tensions augmentent et que les contraintes sur les services essentiels et les services publics ne cesseront d'augmenter. La communauté internationale peut en faire plus. Toutefois, je suis d'accord pour dire que, même si le Canada et l'Europe pourraient en faire beaucoup plus accueillir ces réfugiés, il serait plus utile d'accorder notre attention, nos efforts et notre aide financière aux pays voisins pour qu'ils soient en mesure de faire face à leur réalité actuelle. Selon moi, voilà où la plus grande partie de ces réfugiés continueront d'aller et de s'installer.

M. Crisp : On peut envisager l'aide financière de deux manières. D'un côté, au cours des deux ou trois dernières années, une quantité très impressionnante de ressources ont été consacrées à la crise syrienne. Comme je l'ai fait remarquer dans mon exposé, nous devons nous rappeler que la Syrie n'est pas le seul pays au monde à être aux prises avec une crise. Il y a eu des déplacements massifs en République centrafricaine et au Soudan du Sud. De plus, en ce moment, l'Ukraine est devenue particulièrement problématique et, en Irak, comme je l'ai mentionné, une énorme quantité de personnes sont en train d'être déplacées. La réponse générale à cette vague de crises humanitaires a été très impressionnante. Or, comme mon collègue de Mercy Corps vient de le dire, malgré cela, la réponse ne suffit tout de même pas à répondre à tous les besoins à cause de l'ampleur même de l'exode.

Certains de mes collègues se sont rendus au Liban récemment. Ils sont revenus en rapportant que la distribution d'aide avait déjà été réduite par manque de fonds. Quand un si grand nombre de personnes éprouvent de grands besoins sans que rien ne laisse prévoir une solution immédiate pour régler leur sort, on est en lieu de se demander ce qui arrivera si jamais l'aide sera progressivement réduite au cours des mois et des années à venir.

La sénatrice Andreychuk : Monsieur Streng, les réfugiés de la Syrie sont différents de ceux de l'Afrique, sur lesquels nous nous sommes déjà penchés. Par conséquent, nous devrions aussi revoir la définition de réfugié.

J'ai remarqué que les réfugiés de la Syrie viennent des villages et possèdent des compétences minimales. En même temps, des hommes d'affaires possédant des ressources font de plus en plus partie de cet exode de la Syrie. Ils ont intégré les pays avoisinants, qui en ont parfois bénéficié; or, peut-être que cela crée une autre tension.

Existe-t-il une diversité de compétences au sein de la population des réfugiés? Peut-être que le terme « réfugié » ne convient pas. Peut-être que « personne déplacée à l'extérieur de son pays » conviendrait mieux.

M. Streng : Voilà une excellente question. J'hésiterais à changer le terme parce qu'il existe divers degrés de besoins, peu importe les ressources à la disposition des personnes qui quittent la Syrie au moment où elles le font. Beaucoup de ceux qui quittent le pays en possédant des ressources les épuisent rapidement et, en quelques mois seulement, ils se trouvent dans des situations semblables à ceux qui ont quitté la Syrie sans ressources. Le statut d'une personne peut rapidement passer de quelqu'un qui possède des ressources à quelqu'un qui épuise ses ressources à quelqu'un qui a des ressources limitées.

Vous avez raison de dire que beaucoup des Syriens qui quittent leur pays sont très instruits et hautement qualifiés et qu'ils possèdent des compétences qui peuvent servir tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Syrie. Dans le cadre de notre programme qui cible tout particulièrement les adolescents, nous voyons que beaucoup de ces ressources sont disponibles au sein des collectivités et qu'elles devront être mobilisées. Voilà des atouts et des compétences qui sont actuellement en veilleuse et qui ne servent à personne. Nous pouvons en faire beaucoup plus sur le plan du mentorat, de la formation et de la mobilisation de ces atouts et de ces ressources en vue d'équiper ces adolescents, qui seront appelés à assumer des responsabilités au cours des trois ou cinq prochaines années.

Nous devons reconnaître le niveau de compétences des gens qui quittent la Syrie et tirer profit des compétences disponibles. En même temps, cette situation présente beaucoup de risques pour les pays d'accueil qui sont aux prises avec leurs propres taux de chômage élevés. Il existe une concurrence de plus en plus vive pour les emplois peu rémunérés et exigeant peu de compétences, et cela continuera d'être le cas. Toutefois, nous devrons trouver une façon de mobiliser ces compétences et ces ressources dans le cadre d'un programme de développement à long terme à défaut de quoi nous ne tirerons pas profit du potentiel et des ressources à notre disposition. Dans les pays d'accueil, ils sont très qualifiés.

C'est une excellente question. À mon avis, nous pourrions en faire plus pour mobiliser les ressources qui quittent la Syrie. Cependant, encore une fois, je ne proposerais pas de changer le terme. Même si des gens quittent le pays en possédant des ressources, ces ressources peuvent être rapidement drainées et ces gens éprouvent alors de grands besoins à l'extérieur de la Syrie.

M. Crisp : Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de changer la terminologie. Les Syriens correspondent exactement à la définition de réfugié aux termes de la Convention sur les réfugiés de 1951, et cela prêterait à confusion d'essayer de trouver d'autres termes pour décrire ce groupe de réfugiés.

En ce qui concerne le niveau de compétences de la population des réfugiés syriens, dans une certaine mesure, nous avons vu la même chose avec les réfugiés irakiens qui ont quitté leur pays après 2003. Eux aussi étaient relativement bien instruits et qualifiés. Au cours des dernières années, les organismes ont été si occupés à essayer de répondre aux besoins quotidiens des réfugiés qui franchissent la frontière, qu'ils n'ont pas eu le temps de se demander quelle serait la meilleure façon de tirer profit des compétences des réfugiés. Tant que les réfugiés continueront de franchir la frontière, cela demeurera un défi de taille.

En même temps, comme notre collègue vient de le souligner, il est très facile pour nous d'être ici à Washington, à Londres ou ailleurs et de déclarer que ces réfugiés devraient avoir le droit de travailler et d'intégrer le marché du travail. De toute évidence, ils risquent d'être en concurrence avec les gens du pays d'accueil, et certains constatent déjà que les salaires diminuent du fait que les réfugiés syriens, notamment les adolescents et les enfants, sont prêts à travailler à un salaire moindre que les salaires offerts sur le marché.

Toute la question des moyens de subsistance et du droit de travailler est au cœur de la gestion de cette situation, mais, en même temps, elle comporte des aspects très délicats dont il faut tenir compte.

La sénatrice Eaton : Au cours de vos exposés, vous nous avez bien informés du fait qu'il faut venir en aide aux réfugiés et que les réfugiés ont beaucoup évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si nous regardons le printemps arabe, la crise de l'Ebola, et aussi les régions de l'Afrique et maintenant du Moyen-Orient qui passent par de telles crises, il me semble que la pièce manquante, c'est la résolution politique. Les Nations Unies sont censées réunir les gens afin de régler les différends d'ordre politique. Est-ce que l'ONU vous accorde assez de soutien?

Il existe un montant limité d'argent et un nombre limité de bénévoles. Il y a une limite à ce que l'on peut faire concrètement dans certaines circonstances en raison des réalités culturelles et des tensions. Il me semble que le gros morceau qui manque dans le casse-tête, c'est la volonté politique de résoudre les problèmes. Bashar al-Assad est encore au pouvoir. Combien de temps est-ce que le monde va permettre à ce problème de continuer? Il y a tant de choses que nous pourrions faire. Pourriez-vous tous les deux répondre à cette question, s'il vous plaît?

M. Crisp : Si l'on regarde certaines des déclarations récentes du haut-commissaire pour les réfugiés, on voit qu'il a dit à maintes et maintes reprises que l'aide humanitaire peut sauver des vies, mais ne peut pas résoudre les différends politiques. Il a aussi essentiellement souligné l'inefficacité du système de gouvernance mondiale qui a été établi à la fin de la Seconde Guerre mondiale et en vertu duquel l'ONU a été créée. Des conflits éclatent un peu partout dans le monde, et personne ne semble réellement savoir comment les résoudre ni comment favoriser la réconciliation des parties en conflit à l'heure actuelle.

Pour revenir à ce que j'ai dit concernant l'engagement de longue date du Canada à l'égard du multilatéralisme, je crois que le Canada pourrait jouer un rôle extrêmement important s'il soulignait l'importance de mettre en œuvre des solutions politiques et s'il mettait en lumière les limites de l'aide humanitaire.

La présidente : Nous avons trouvé vos exposés très utiles pour notre travail. Puis-je vous demander de réfléchir davantage aux mandats de l'UNHCR et de l'UNICEF? Si jamais vous pensez à des façons d'améliorer ces mandats, nous vous serions très reconnaissants de nous en informer et de continuer à contribuer à notre étude.

Merci pour vos exposés et merci d'avoir pris le temps de comparaître.

(La séance est levée.)


Haut de page