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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 19 - Témoignages du 1er juin 2015


OTTAWA, le lundi 1er juin 2015

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 1, en public pour discuter et rendre compte des menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada, puis à huis clos, pour examiner des prévisions budgétaires provisoires concernant les éléments contenus dans les sections 2 et 17 de la partie 3 du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi 1er juin 2015. Avant de commencer, j'aimerais présenter les personnes présentes. Je suis le sénateur Dan Lang, du Yukon. À ma gauche, le greffier du comité, M. Adam Thompson.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, sénateur de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Day : Bonjour, sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le président : Le 19 juin 2014, le Sénat a autorisé le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense à discuter et rendre compte des menaces qui pèsent contre la sécurité du Canada et, plus particulièrement, mais pas exclusivement, le cyberespionnage, les menaces contre les infrastructures essentielles, le recrutement et le financement des organisations terroristes, les activités terroristes et les poursuites judiciaires. Il a été décidé que le comité rendrait compte au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015.

Au cours de nos audiences, nous avons élargi nos connaissances concernant la radicalisation et les menaces au Canada. Vendredi dernier, la GRC a diffusé la vidéo non expurgée de l'islamiste radical qui a pris la Colline du Parlement d'assaut le 22 octobre 2014. La diffusion de cette vidéo a permis aux Canadiens de bien voir le djihadiste et d'entendre de sa bouche les motifs de ses actes et au nom de qui il les a commis.

Au cours du week-end, on nous a parlé des partisans de l'EI à Montréal. Selon les médias, des 21 personnes disparues, accusées d'infractions de terrorisme ou privées de leur passeport au cours des six derniers mois, au moins neuf ont été associées d'une façon ou d'une autre à Adil Charkaoui ou à la mosquée Assahaba. C'est la deuxième mosquée liée à la radicalisation.

Au cours des huit derniers mois, on nous a parlé de prêcheurs canadiens et étrangers qui interprètent la doctrine religieuse dans des termes extrêmes qui mènent à la radicalisation. Un grand nombre de Canadiens auraient fourni une aide concrète à l'EI : environ 80 sont allés à l'étranger et en sont revenus; plus de 145 sont actuellement à l'étranger; et plus de 90 cherchent à rejoindre le groupe islamiste. La plupart de ces gens n'ont pas été accusés, poursuivis ou condamnés. En fait, des 21 personnes que l'on sait radicalisées à Montréal, deux seulement auraient fait l'objet d'accusations. Sur le plan des poursuites, le Canada est loin derrière la France, la Grande-Bretagne et d'autres pays.

On a tous entendu dire que, dans les cinq dernières années, le CANAFE a identifié plus de 683 cas de financement du terrorisme, et pourtant il n'y a eu ni accusations, ni poursuites, ni condamnations, après 250 millions de dollars de dépenses de l'organisme fédéral chargé de recueillir ces renseignements.

Chers collègues, pour approfondir notre étude, nous recevons aujourd'hui M. Gilles de Kerchove, coordonnateur de l'UE pour la lutte contre le terrorisme au Conseil européen. Haut fonctionnaire belge, il a notamment occupé le poste de directeur de la justice et des affaires intérieures au Secrétariat du Conseil de l'Union européenne de 1995 à 2007.

Monsieur de Kerchove, bienvenue parmi nous. Je crois savoir que vous souhaitez faire des remarques préliminaires. Je vous en prie.

Gilles de Kerchove, coordonnateur de l'UE pour la lutte contre le terrorisme, Conseil européen : Merci de votre invitation. Je crois que j'ai cinq à sept minutes; je vais donc essayer de vous donner un aperçu de la menace en Europe et de la position de l'UE à cet égard.

En fait, nous sommes exposés à trois types de menaces en Europe, et elles ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Il y a d'abord le nombre croissant de gens qui se radicalisent, mais qui n'ont pas de liens avec des organisations terroristes ou qui ne sont pas allés faire le djihad à l'étranger. Ils se radicalisent généralement par le biais d'Internet, mais aussi dans les prisons, comme quelques cas l'ont révélé en France.

Il y a ensuite les 4 000 à 5 000 Européens, jusqu'à présent, qui sont allés en Syrie et en Irak et dont, malheureusement, nous n'avons pas réussi à enrayer le flot.

Enfin, il pourrait y avoir la concurrence croissante entre Al-Qaïda et Daech pour le leadership du djihad mondial. Daech prend de l'expansion dans les pays de l'UE. Ils veulent lancer une attaque pour nous rappeler qu'ils sont encore dans la partie.

Ces trois types de menace sont susceptibles d'être amplifiés par plusieurs facteurs. Il y a d'abord le nombre grandissant d'espaces non gouvernés, où les organisations terroristes peuvent se regrouper. Par exemple, les groupes du Nord du Mali, AQMI et Al-Mourabitoune, trouvent dans le Sud de la Libye un refuge où ils peuvent se reposer et se reconstruire.

Il y a par ailleurs la tension croissante entre les sunnites et les chiites et, probablement, la tentation pour les sunnites de faire la guerre à l'Iran par procuration.

Il y a enfin, dans un certain sens, les conséquences du printemps arabe. Des pays comme la Tunisie sont beaucoup moins bien outillés aujourd'hui qu'il y a cinq ans pour veiller à la sécurité, et ce pour une très bonne raison. On y a démantelé l'appareil de sécurité du service chargé de la répression.

Quatrièmement, une préoccupation toute personnelle : l'extension du wahhabisme, notamment en Afrique.

Cinquièmement, il y a la nouvelle technologie, qui facilite plus que jamais la possibilité d'organiser une attaque.

C'est dans ce contexte que les chefs des États ou des gouvernements de l'UE ont, le 12 février, adopté une déclaration forte découlant principalement de l'attaque de Paris.

Nous sommes déjà activement occupés à chercher des solutions pour enrayer le flot de combattants étrangers. Et, au cours des trois dernières années, nous avons d'une certaine façon tenu compte de tous les éléments de la résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations Unies, en essayant de mieux comprendre les raisons pour lesquelles ces gens partent pour la Syrie et l'Irak, de prévenir la radicalisation et de repérer les voyageurs suspects.

Nous connaissons, en gros, 60 à 70 p. 100 de ceux qui souhaitent et essaient d'aller en Syrie, mais, dans 30 p. 100 des cas, nous ne savons rien. Nous découvrons qu'ils sont là-bas quand ils affichent leur photo sur Facebook. Nous devons améliorer ce pourcentage.

Et nous devons le faire comme il faut. J'y reviendrai plus tard.

Enfin, le traitement de cette situation conformément aux règles du droit et de la justice soulève un grave problème du côté de la preuve. Nous avons besoin de dispositions pénales et nous avons besoin également de définir une politique pénale européenne.

C'est un peu pour cela que des chefs d'État et de gouvernement décident d'activer ce travail et demandent à différentes formations du conseil d'étudier plus précisément certains domaines, notamment Internet. C'est un incubateur de radicalisation majeur. Comment regrouper nos ressources? Nous avons décidé de faire cela à Europol, qui est notre organisme de coopération policière.

Comment supprimer plus de contenu licite dans Internet? Nous avons décidé de créer, à Europol, une unité européenne d'aiguillage Internet. Si cela vous intéresse, je pourrai vous donner d'autres renseignements tout à l'heure.

Comment communiquer plus stratégiquement pour contrer le discours unique d'Al-Qaïda et de Daech? Nous avons désormais des spécialistes des 28 États membres pour nous y aider.

Enfin, pour ce qui est de la question de l'encodage, depuis les révélations de Snowden, les fournisseurs de service Internet, surtout américains, sont de plus en plus nombreux à se doter de systèmes d'encodage très perfectionnés, et, à un certain niveau, cela complique un peu la tâche des organismes de renseignement, de sécurité et d'application de la loi. Voilà la première série de questions.

Ensuite, il y a le contrôle des frontières. À la frontière externe de la zone de libre circulation de l'espace Schengen, nous voulons recueillir de nouvelles données, comme vous le faites déjà ici, au Canada. Nous voulons obtenir les dossiers des passagers et permettre à la police de consulter ce genre de données, mais c'est très délicat, et le Parlement européen tient à maintenir un juste équilibre entre sécurité et liberté.

Et il faut optimiser le système actuel, la base de données actuelle, notamment le système d'information Schengen, et harmoniser le mode de vérification des voyageurs européens lorsqu'ils passent les frontières externes de l'Union européenne. C'est la deuxième série de questions.

La troisième est assez classique : les organismes de renseignement et d'application de la loi doivent partager plus largement leurs données, les États membres également par le biais d'Interpol.

Quatrièmement, comme je l'ai déjà dit, la justice est un énorme enjeu parce qu'il n'est pas facile de prouver que quelqu'un se bat aux côtés de Daech ou de Jabhat Al-Nusra, par exemple, parce que nous ne sommes pas sur place. Nous ne collaborons pas avec le gouvernement Assad, et, à moins que ces gens laissent des traces électroniques, il est difficile de prouver qu'ils ne sont pas dans l'Armée syrienne libre.

Comment améliorer tout cela? Comment obtenir plus rapidement des preuves électroniques, surtout quand il y a effectivement des preuves? C'est ce dont nous essayons de discuter avec nos collègues américains, parce que l'exigence de la cause probable est parfois difficile à remplir pour les organismes d'application de la loi. Nos amis américains sont submergés de demandes, et cela prend donc du temps.

Enfin, pour ce qui est du programme de réadaptation, mon message aux 28 ministres de la Justice est d'essayer de les convaincre de ne pas systématiquement renvoyer devant les tribunaux ceux qui reviennent. L'autre incubateur de radicalisation est la prison, et, s'il n'y a pas de preuve contre quelqu'un et qu'il n'a pas de sang sur les mains, il vaut mieux, pourvu qu'il y consente, l'inscrire à un programme de désengagement et de réadaptation, mais il faut élaborer des programmes de réadaptation solides et efficaces en Europe. Honnêtement, on n'en est pas là. Il y a eu quelques expériences intéressantes au Danemark, en Allemagne et en Grande-Bretagne, mais il y a du travail à faire.

Le cinquième domaine où les chefs d'État et de gouvernement nous demandent d'en faire plus est celui des armes. Il est encore très facile d'acheter toutes sortes d'armes militaires en Europe.

Enfin, et je le dis de façon non péjorative, il y a les politiques axées sur la tolérance, c'est-à-dire tout ce qui favorise l'intégration en Europe, lutte contre la discrimination et réduit l'antisémitisme d'une part et le dénigrement de l'Islam ou des musulmans, comme le fait le groupe PEGIDA en Allemagne. Cela suppose d'autres politiques, par exemple en matière d'éducation, d'intégration sociale et de développement régional.

Ça, c'est du côté interne. Du côté externe, ce ne sera pas trop long, et j'ai bientôt fini.

La bonne nouvelle, c'est que les 28 ministres des Affaires étrangères, quelques jours avant la réunion des chefs d'État et de gouvernement, ont décidé de s'engager beaucoup plus directement qu'avant dans nos parages immédiats, notamment tous les pays allant du Maroc à la Turquie. Nous n'avons probablement pas pris suffisamment de mesures dans le domaine de la sécurité. Nous n'avons probablement pas été à la hauteur des enjeux du printemps arabe. Nous avons donc décidé de leur apporter plus de soutien, de les aider à reconstruire leur système de sécurité et d'engager avec eux un dialogue plus positif en matière de sécurité.

En bref, c'est le contexte dans lequel s'inscrivent les menaces et les mesures prises à cet égard. Nous sommes très mobilisés et nous avons un vaste programme à réaliser.

Je suis à votre disposition pour répondre aux questions que vous souhaitez me poser.

Le président : Merci beaucoup, monsieur.

Nous commencerons par le vice-président, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Je suis d'accord. Merci à vous, monsieur de Kerchove.

Vous avez parlé rapidement de prévention. Pour l'essentiel, il y a deux façons de s'y prendre. La première, ce sont les lois, la dissuasion; la deuxième pourrait être appelée la méthode douce, mais ce n'est pas mon cas, qui passe par le travail communautaire et le maintien de l'ordre dans la collectivité. Que pouvez-vous dire de cette deuxième méthode? Quelle importance lui accordez-vous?

M. de Kerchove : Beaucoup d'importance. Depuis ma nomination il y a sept ans, j'ai beaucoup investi dans la prévention. Il est intéressant de constater que des pays comme la France, qui était un peu sceptique il y a sept ans, sont maintenant convaincus qu'il faut faire plus à cet égard. Quand on voit ce qu'a fait le premier ministre Valls quand il était ministre de l'Intérieur et ce que fait maintenant Bernard Cazeneuve, c'est impressionnant. Ils ont demandé à quelqu'un d'analyser les pratiques exemplaires en Europe, puis ont décidé d'élaborer une politique française en matière de prévention, qui prévoit par exemple une ligne téléphonique gratuite pour les familles qui veulent signaler un problème. Ils travaillent à l'échelle locale parce que c'est à cette échelle que tout se passe. Ils forment des travailleurs de première ligne qui sont chargés de déceler, le plus précocement possible, les signes de radicalisation et de prendre des mesures non policières auprès des écoles, en aidant les parents, et par bien d'autres moyens.

Par ailleurs, la Commission européenne s'est montrée pendant un certain temps non pas réticente, mais prudente à l'égard de l'élaboration de politiques préventives, mais elle est désormais très engagée. Ils ont produit une communication intéressante l'année dernière, au début de 2014, et c'était une excellente idée. Ils ont créé un réseau d'environ 1 000 travailleurs de première ligne, 1 000 travailleurs de terrain affectés à des domaines différents. Cela s'est révélé extrêmement valable. On a pu circonscrire toutes sortes d'expériences utiles dans la société civile, les écoles et les municipalités, et c'est pourquoi je suis enclin à penser qu'il y a encore beaucoup à faire.

Comme je l'ai dit, en dehors de ce que nous avons déjà réalisé, les grandes priorités du moment sont Internet, les programmes de réadaptation et la radicalisation en prison.

Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé du problème de l'antisémitisme, qui est grave dans la plupart des régions du monde. Vous en savez quelque chose en Europe, et nous avons aussi ce problème. C'est, bien sûr, absolument répréhensible. Vous avez aussi parlé du problème de l'islamophobie. Pourriez-vous aborder cette question plus en détail?

Là où je veux en venir, c'est que, si on se concentre sur un groupe comme ça, est-ce qu'on n'est pas en train de l'aliéner et de compliquer la tâche de faire un travail constructif dans cette communauté? Je ne veux pas que ma question soit tendancieuse, mais le problème n'est-il pas plus large? N'est-il pas de se préoccuper de terrorisme et de violence quelle qu'en soit l'origine?

M. de Kerchove : Vous avez raison.

Pour ce qui est de l'antisémitisme, je partage entièrement votre inquiétude. On m'a dit récemment que, en France, en 2014, 7 000 Juifs français ont quitté le pays pour s'installer en Israël, et 10 000 autres partiraient en 2015, ce qui est incroyable. D'autres États membres s'inquiètent aussi pour les mêmes raisons.

Comme je l'ai dit, je ne tiens pas à entrer dans le débat qui a lieu actuellement en France, à savoir : devrait-on appeler cela de l'islamophobie ou ce que j'appelle du dénigrement antimusulman ou anti-Islam. Je comprends bien que la question est que, si on les met sur le même plan, il ne serait plus possible de contester certaines interprétations excessives de l'Islam parce que ce serait de l'islamophobie, et c'est quelque chose que certaines personnes tiennent à promouvoir.

Mais le fait est qu'il y a de l'islamophobie en Europe et que ça s'étend. Comment aborder ce problème sans stigmatiser une communauté? C'est bien le sens de votre question. Je pense qu'un des moyens de le faire est, premièrement, dans le discours, d'éviter la simple équation entre terrorisme et communauté musulmane. L'Europe a dû affronter d'autres formes de terrorisme dans le passé, à l'échelle locale et régionale. Qu'on se rappelle ce qui s'est passé en Norvège : Breivik n'avait rien à voir avec le terrorisme djihadiste. Donc, je serais plutôt d'accord avec vous.

Par ailleurs, je me suis intéressé à certaines discussions qui ont eu lieu en France après l'attaque de Paris, notamment sur la gauche du spectre politique : certains intellectuels se blâmaient eux-mêmes et reconnaissaient qu'ils avaient peut-être fait l'erreur de ne pas appeler un chat un chat. Ils disaient que, au nom de bonnes intentions, on s'empêchait de mettre dans la balance le problème de l'intégration ou d'autres dimensions dans les éléments associés à une interprétation incorrecte de l'Islam. On ne peut pas régler un problème qu'on n'est pas capable de nommer.

Je serais enclin à la plus grande prudence et ne me permettrais pas de dire qu'un problème se limite à une communauté, un groupe ou une religion, ce qui serait contre-productif et risquerait d'amplifier le problème. Par contre, je pense qu'il faut essayer de nommer le problème, et je reconnais que c'est un exercice difficile.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup.

J'étais en Europe parmi une délégation parlementaire. La raison pour laquelle vous êtes ici aujourd'hui est que nous avons rencontré votre adjointe. C'est une personne fort intéressante qui nous a beaucoup parlé de votre travail.

Elle a dit qu'il existe presque un système de tri des gens qui reviennent d'un voyage qui avait un objectif terroriste ou connexe et qu'il y a, en fait, un processus par lequel on essaie de déterminer la nature du problème, après quoi on traite ces gens de façons différentes selon le cas. Je crois que vous y avez fait allusion.

Pourriez-vous nous donner une idée des raisons de ce système, en dehors du danger de radicalisation en prison, et des moyens par lesquels vous les différenciez? Pourriez-vous aussi nous parler des différents types de programmes et nous dire s'ils sont efficaces?

M. de Kerchove : Je vais répondre à cette question, bien entendu. Les États membres font cela, donc nous n'avons pas une approche uniforme. Mais la plupart d'entre eux ont créé des plateformes interdisciplinaires composées d'expertises différentes pour pouvoir évaluer chaque personne de retour et en mesurer le degré de dangerosité si on veut.

J'imagine que certains reviennent complètement désillusionnés, et, comme je l'ai dit, on n'a aucune preuve qu'ils aient été directement associés à un crime. Ils ont probablement besoin d'aide psychologique plus que toute autre chose. D'autres peuvent revenir avec le sentiment d'avoir accompli leur devoir de musulman, et c'est lié à la raison pour laquelle ils vont en Syrie.

Je soupçonne d'abord que, pour certains musulmans, l'Occident n'a pas suffisamment soutenu le « printemps syrien » et n'a pas aidé le peuple syrien. Quand on regarde la télévision et qu'on apprend qu'Assad et son régime ont tué 250 000 Syriens, on peut finir par se dire que la seule chose à faire est de prendre une Kalachnikov et d'aller combattre. Et, sur cette pente glissante, petit à petit, vous commencerez peut-être par l'armée syrienne pour ensuite rejoindre un autre groupe mieux armé et organisé.

Franchement, tous ces groupes sont une vraie soupe à l'alphabet. Ils sont très fluides. Ils se regroupent, fusionnent et se séparent. On connaît Daech et Jabhat Al-Nusra, mais il y a maintenant Jaïch, nouveau groupe associé à Ahl Al-Sham, et, donc, on ne sait pas très bien où passe la ligne de démarcation entre islamisme et djihadisme. Ce n'est pas toujours clair.

La deuxième catégorie est celle des personnes qui, à moins d'avoir du sang sur les mains, peuvent être aidées à revenir à la vie normale. Quand on a des preuves d'actes criminels, on les envoie devant les tribunaux, mais encore faut-il avoir des preuves, et c'est le problème auquel j'ai fait allusion tout à l'heure.

Enfin, quand on n'a pas de preuve, il faut faire un suivi discret. Des professionnels m'ont dit qu'il faut 20 à 25 agents de sécurité pour exercer ce genre de surveillance 24 heures par jour, 7 jours sur 7, et, si j'en juge par le pays que je connais le mieux, c'est bien au-delà de nos ressources. Il y a 400 de nos citoyens qui sont allés ou sont en Syrie. Nous n'avons pas 400 fois 20 à 25 agents de sécurité disponibles. C'est pour cela qu'il faut distinguer des catégories.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d'être venu nous voir, monsieur.

J'aimerais qu'on parle du financement étranger. Est-ce que l'UE a repéré des sources de financement étranger dans votre région spécifiquement destiné à faire avancer le discours islamiste et les points de vue radicaux? Je parle notamment des Frères musulmans et de l'idéologie religieuse wahhabite et salafiste.

M. de Kerchove : Je n'ai pas de données exhaustives à ce sujet. Il est certain que de l'argent arrive de l'extérieur pour promouvoir la religion. Ne serait-ce que dans la ville où j'habite, il y a de l'argent saoudien pour financer la construction de la plus grande mosquée, et l'imam est envoyé par l'Arabie saoudite, et probablement payé par elle. Il y a donc beaucoup d'argent en circulation.

La question est de savoir s'il y a une évolution linéaire entre le salafisme et le djihadisme ou entre le wahhabisme et le djihadisme. Il est difficile de conclure. On peut dire que ce genre d'interprétation extrême ou très conservatrice peut créer un contexte peu tolérant, mais cela n'entraîne pas directement la violence ou le terrorisme.

Le problème, concernant les combattants étrangers venant d'Euripe, c'est qu'il est extrêmement peu coûteux de se rendre en Turquie. Il y a des vols à moins de 100 dollars canadiens. On peut aussi prendre l'autocar ou y aller en voiture. On voit des gens s'autofinancer, si on peut dire. Ils empruntent de l'argent pour acheter une voiture, la revendent à rabais dès qu'ils l'ont obtenue et se sauvent, sans aucune intention de rentrer chez eux. Pas besoin de commanditaires externes pour cela.

Ce qui est plus inquiétant, c'est l'argent qui arrive du Golfe pour financer les groupes extrémistes en Syrie et en Irak. La façon dont Daech se finance grâce à la contrebande et le trafic illicite d'antiquités et aux enlèvements avec rançon, mais plus en Syrie et en Irak.

En fait, nous travaillons là-dessus. Nous avons récemment adopté la quatrième version d'une loi contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

La question des combattants étrangers n'est pas en premier lieu un problème de financement. Il s'agit plutôt de mieux comprendre les motifs de ces gens. À cet égard, si on prend simplement l'exemple de la Belgique, pourquoi est-ce que c'est dans ce pays qu'on en trouve le plus grand nombre par habitant eu Europe, comme on en trouve le plus grand nombre au monde en Tunisie? En Belgique, je crois que c'est parce que nous avons une organisation salafiste très active du nom de Sharia4Belgium. Ils sont également actifs aux Pays-Bas, sous le nom de Sharia4Holland, et aussi au Royaume-Uni. Ils recrutaient les gens dans la rue, leur donnaient des informations sur le moyen de partir, sur les intermédiaires capables de les aider à passer la frontière entre la Turquie et la Syrie, ainsi que des contacts, et cetera. Ce n'était pas tant une affaire d'argent que de conseils sur la façon de s'y prendre.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur.

La sénatrice Beyak : Merci d'être venu nous parler. Cela a été très instructif, monsieur.

Pourriez-vous me dire de quel œil l'Union européenne voit l'intention de l'Autriche de mettre en œuvre et d'instituer une formation pour les imams et de la donner uniquement en langue locale plutôt qu'en arabe?

M. de Kerchove : C'est une très bonne question. L'Union européenne n'a pas de politique propre. Personnellement, j'ai essayé de convaincre la Commission européenne de se pencher sur cette question ou du moins d'examiner les pratiques exemplaires. Comme vous l'avez dit très justement... et j'ai été un peu choqué en un sens. Je me souviens qu'il y a plusieurs années, je me suis rendu dans un des États membres et me suis aperçu que plus de la moitié des imams ne parlaient pas la langue du pays. C'est donc un problème, et c'est un problème de formation.

En passant, aujourd'hui j'ai déjeuné avec un collègue belge qui préside un comité chargé d'examiner cette question et de trouver le moyen d'améliorer la formation et de créer des maîtrises spéciales dans plusieurs universités pour mieux les former.

Pour l'instant, cela relève de la compétence des États membres. On n'en a pas discuté. J'essaie souvent d'aborder moi-même la question et d'obtenir que les institutions de l'UE s'en occupent, mais, dans un sens, c'est délicat. Nous ne voulons évidemment pas nous embarquer dans un débat idéologique, et ce n'est pas un dossier facile pour l'Union européenne.

La première chose que je conseillerais est de prendre connaissance des pratiques exemplaires. Pour faire le lien avec la question de votre collègue sur le financement, par exemple, les Autrichiens ont récemment adopté une loi interdisant le soutien financier externe de la religion. C'est un exemple.

Mais les solutions sont très diverses. Dans mon pays, par exemple, il y a un système spécial qui finance toutes les confessions, toutes les religions, et c'est l'État belge qui paie le salaire des prêtres, des pasteurs, des imams et des rabbins. Cela donne évidemment un certain pouvoir à l'État, parce que, si on paie votre salaire, on peut du moins exiger certaines connaissances. On évite les imams autoproclamés qui ne connaissent rien à la religion. C'est important, parce que nous voulons avoir plus d'aumôniers dans les prisons et une meilleure éducation dans les écoles. C'est donc une question très importante, mais elle n'a pas été abordée à l'échelle européenne jusqu'ici.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur. C'était très instructif.

Le président : Je pense que c'est une question très importante au regard de nos choix d'orientation concernant les gens engagés au sein des diverses communautés musulmanes et du leadership auquel ils s'attendent dans le but de garantir la paix et la tolérance et de veiller au respect de tous les autres principes fondamentaux qui régissent la société dans les pays occidentaux.

J'ai été très surpris d'apprendre qu'une des plus grandes mosquées au monde est en cours de construction dans votre ville et que l'imam est peut-être payé par l'Arabie saoudite. Les témoins que nous avons entendus jusqu'ici ont presque tous rappelé qu'une grande partie de l'argent acheminé au Canada et dans d'autres endroits s'accompagne des enseignements extrêmement doctrinaires du wahhabisme, ce qui, évidemment, pave la voie à un système de croyance qui produit finalement des gens en complet désaccord avec les valeurs chères à nos pays. Pourriez-vous nous parler de cet aspect?

M. de Kerchove : C'est loin d'être la plus grande mosquée du monde, mais c'est la plus grande, je pense, à Bruxelles, en Belgique. Mais elle a été construite dans les années 1970, ce n'est pas récent. L'État belge a reconnu l'islam dans les années 1970.

Je dirais qu'il n'y a pas que les imams en cause en Europe. À cet égard, j'aurais tendance à reprendre à mon compte la façon dont un ex-président français a circonscrit la notion. Il a dit que nous avons besoin d'un Islam européen et non de l'Islam en Europe. Vous voyez la différence, et cela suppose une sorte de contextualisation et d'européanisation.

C'est, je crois, la politique en vigueur dans certains de nos États membres. Je crois que le ministre français de l'Intérieur a récemment créé un nouvel organisme pour engager une franche discussion avec la communauté musulmane afin que ses membres puissent s'approprier leur propre religion au lieu d'être guidés par l'extérieur. Mais ce n'est pas facile. En fait, ce sont des politiques d'État et non une politique européenne. Je ne peux pas parler au nom des États membres. Chaque expérience est différente.

J'ai parlé de l'Autriche, mais la Turquie a une politique plus active à l'égard de sa diaspora par l'intermédiaire de la Diyanet. La Diyanet est le ministère des affaires religieuses de Turquie. Je crois qu'ils sont engagés. Ils ont un impact sur les sermons donnés en dehors de la Turquie.

Il n'y a pas que les imams, il y a aussi Internet — et, évidemment, Internet a un rayonnement global — et la télévision par satellite. Je me souviens qu'une chaîne appartenant à un pays du Golfe diffusait beaucoup d'émissions appelant au djihad. Je sais que certains États membres s'inquiètent et ont demandé que le signal soit interrompu parce qu'il était possible de suivre ces émissions en Europe.

Donc, oui, c'est un problème. Il n'y a pas de politique européenne à cet égard. Je sais que de plus en plus d'États membres s'interrogent de plus en plus sur les moyens de faciliter la création d'un Islam européen, mais cela dépend du cadre constitutionnel de chaque État. En France par exemple, l'Église et l'État sont complètement séparés, ce qui n'est pas exactement le cas de la Belgique, où, comme je l'ai expliqué, c'est l'État qui paie le salaire des imams. Par contre, en France, en Alsace et en Lorraine, il y a un concordat avec le Vatican et différentes dispositions, mais c'est très différent d'un État membre à l'autre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'ai deux questions à vous poser, monsieur de Kerchove. Tout d'abord, quelle est la nature et l'ampleur de la menace terroriste qui plane actuellement sur l'Europe?

M. de Kerchove : Je ne peux pas vraiment dire qu'il y a une menace européenne. Comme le disait le responsable de l'un des services de renseignements, la France, à un moment donné, était peut-être plus exposée que d'autres pays pour des raisons qui lui sont propres, notamment en raison de son engagement international au Liban, en Afghanistan et au Mali. À l'époque où ce responsable parlait, une loi venait d'être adoptée sur le port de la burqa. Un pays peut être plus exposé, à un moment donné, que les autres États membres. Nous n'avons pas évalué le niveau de la menace européenne. Nous évaluons les niveaux de menace pays par pays. Parmi les 28 États membres, une dizaine ou une douzaine d'entre eux font face à une menace considérée comme étant très sérieuse, notamment la Belgique où il y a des militaires dans les rues. C'est une première pour les forces de l'ordre. La France est associée au plan Vigipirate — je ne sais pas si c'est une couleur ou une appellation —, qui a une forte présence. Il y a aussi des militaires dans les rues. Le Royaume-Uni est classé dans la catégorie civile. En ce qui concerne la dizaine de pays qui sont peut-être plus exposés, la menace est considérée comme étant sérieuse. Compte tenu des 4 000 à 5 000 ressortissants qui sont partis en Syrie — je suis loin de penser que ceux qui reviendront seront habités de projets d'attentat —, on ne peut pas ignorer la possibilité qu'un petit nombre contribue à radicaliser d'autres groupes ou songe à basculer dans la violence, ou encore, qu'un nombre plus infime y soit renvoyé pour planifier des attentats.

Un exemple malheureux, le premier que nous ayons eu, est celui où M. Nemmouche a tué quatre personnes au Musée juif de Bruxelles. Il ne semble avoir agi qu'à son initiative personnelle. Il n'était pas en mission commandée. C'est tout de même l'illustration d'un phénomène qu'on pourrait mieux connaître. Les ministres de l'Intérieur d'une douzaine de pays considèrent que la menace est sérieuse.

Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir au financement du terrorisme. On peut penser que le terrorisme est financé par bon nombre de tactiques utilisées par des criminels ordinaires. On n'a qu'à penser aux fraudes reliées aux cartes de crédit, aux relevés fiscaux illégaux auprès de communautés de diasporas, et au détournement de dons de charité.

J'aimerais que vous nous précisiez le défi en matière d'application de la loi que représentent les dons de charité à titre de méthode de financement du terrorisme.

M. de Kerchove : Vous avez raison de dire qu'il y a plusieurs modes de financement, comme la petite criminalité. Les auteurs de l'attentat de Madrid étaient de petits délinquants. L'attentat a démontré que, pour ce faire, il ne fallait pas disposer d'un montant énorme.

On connaît le trafic sur les communautés à travers le DHKPC, mais surtout le PKK, le groupe kurde que nous avons inscrit à la liste des organisations terroristes et qui met la communauté sous pression. Il y a un travail ciblé que doivent faire nos autorités de police et du renseignement pour tenter de tarir ce flot. Nous avons d'ailleurs mené plusieurs opérations dans les aéroports où il y avait des vols directs sur le Nord de l'Irak à l'époque. Cela remonte un peu.

Le détournement des organisations caritatives est effectivement l'une des voies de financement. Ce n'est pas mon domaine d'expertise principal, et c'est sans doute à la mise en œuvre des recommandations du GAFI que l'Union européenne a travaillé le moins. Nous avons donc un dispositif très avancé sur l'économie formelle, l'utilisation des banques, le transport d'argent liquide au-delà des frontières et le système des Hawala, mais nous n'avons sans doute pas fait assez pour contrer le détournement des activités des associations caritatives. La commission européenne précédente veillait à ne pas imposer trop de contraintes au milieu associatif qui, 98 ou 99 p. 100 du temps, avait des objectifs tout à fait légitimes. Il s'agit souvent de petites associations qui n'ont pas les capacités comptables ni de suivi des petites entreprises.

Il y a eu de la réticence à adopter un dispositif de contrôle. On pourrait refaire le point. L'État membre qui est sans doute le plus avancé dans ce domaine est le Royaume-Uni qui, avec la Charity Commission, a beaucoup travaillé sur le sujet. J'ai assisté à une réunion, récemment, avec Peter Clarke, l'ancien responsable de Scotland Yard, qui a élaboré un rapport assez précis qui semble indiquer que, dans le cas de la Syrie, il y a quelques cas d'ONG et d'associations sans but lucratif qui auraient participé au détournement de dons de charité, effectivement.

[Traduction]

Le sénateur Day : Tandis que nous parlons, monsieur de Kerchove, je songe à votre belle ville et votre beau pays, que j'ai toujours hâte de visiter. J'ai beaucoup travaillé à Bruxelles aux côtés de Daniel Bacquelaine. C'est une ville magnifique, et nous apprécions le leadership dont vous avez fait preuve de toutes sortes de façons.

La question maintenant est ce dont vous avez parlé plus tôt : l'échange d'information entre ministères, organismes et pays, et les dangers auxquels nous sommes exposés si nous n'exerçons pas un contrôle suffisant, les dangers auxquels sont exposés les citoyens si des informations erronées sont communiquées et échangées.

Toute la question de l'équilibre entre les droits civils et les droits individuels, d'une part, et la nécessité d'assurer la sécurité nationale, d'autre part, est difficile à résoudre. Pouvez-vous nous parler de quelques-uns des défis auxquels vous avez été confrontés et de la surveillance que vous auriez pu mettre en place pour tenter de prévoir certains risques?

M. de Kerchove : D'abord, laissez-moi vous inviter à venir à Bruxelles. Nous vous y accueillerons avec grand plaisir.

C'est vraiment au cœur des débats, à Bruxelles. Je mentionne le PNR, le dossier passager que l'Union européenne prévoit de mettre en place. C'est un dossier sensible. Le Parlement européen avait bloqué le dossier peu de temps avant la fuite d'information par Snowden, ce qui a amené le Parlement à douter de plus en plus de la nécessité de recueillir plus de données.

La protection de la vie privée est une question très délicate en Europe, mais pas au même titre dans tous les États membres. Parmi les membres du Parlement européen, l'Allemagne et les pays de l'est de l'Europe y sont sans doute encore plus sensibles en raison de ce qu'ils ont vécu pendant et après la guerre, pendant l'occupation soviétique. C'est un problème et nous tenons beaucoup de discussions avec nos amis américains à ce sujet afin d'essayer de mieux comprendre l'ampleur de l'espionnage par la NSA et également tenter de trouver un juste équilibre.

Bientôt, nous conclurons avec les Américains à un accord-cadre fixant des règles communes de protection des données, avant de poursuivre la communication de données. On a souvent entendu dire au Parlement européen qu'avant de s'empresser à recueillir plus de données, par exemple les dossiers des passagers et les données de paiements, nous devons convenir d'un accord avec les États-Unis sur ce qu'on appelle le Terrorist Finance Tracking Program, qui permet au Trésor américain d'accéder aux messages en lien avec les paiements internationaux. Avant de faire tout cela, le Parlement européen aimerait voir ses États membres échanger plus de données entre eux. Ces derniers ne cessent de répéter que le regrettable attentat terroriste récent n'a pas pour cause un manque de données, mais plutôt une diffusion trop restreinte des données ou une mauvaise analyse des données que nous avions en notre possession.

Je crois qu'il faut faire les deux, mais il faut établir de meilleures protections à l'intérieur du mécanisme de collecte de données. J'aime ce que le commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario a élaboré, ce qu'on pourrait appeler le concept de la protection de la vie privée de propos délibéré. C'est très original et cela nous a grandement inspiré : au lieu de tenir un débat tranché avec les gens de la sécurité d'un côté et ceux de la protection de la vie privée de l'autre, qui se blâment mutuellement, il faut les réunir autour d'une table pour tenter d'intégrer dans le système, dès le départ, toutes les mesures de précaution nécessaires pour réduire l'impact négatif sur la vie privée. C'est Mme Cavoukian, de l'Ontario, qui a élaboré ce concept intéressant.

Nous sommes en train de réviser la législation fondamentale en matière de protection de données à partir des propositions faites par la Commission, parce que la législation précédente a été adoptée avant l'avènement de l'Internet; il faut donc la mettre à jour. L'exercice n'est pas facile, mais il est vraiment nécessaire.

Oui, c'est un problème; oui, c'est difficile. Le Parlement ne facilite pas la vie des 28 ministres de l'Intérieur, parce que ces derniers veulent obtenir les dossiers de passagers et que ce n'est pas encore fait.

Finalement, la Cour de justice de l'Union européenne — et je vous invite à lire cette décision, car elle est assez importante — a invalidé la législation que nous avions adoptée après les attentats de Londres afin de forcer les fournisseurs de services Internet et les entreprises de télécommunications à conserver les données relatives à tout le trafic assuré, cela pour une période pouvant aller jusqu'à deux ans. La Cour de justice a considéré comme complètement disproportionné le fait que des sociétés soient obligées de conserver les métadonnées. Ce sont en fait des métadonnées de citoyens qui n'ont commis aucun délit.

Le débat est en cours au Parlement européen et au sein de la Cour de justice. En passant, il y a un autre lien avec le Canada et l'accord sur le PNR : l'accord entre l'Union européenne et le Canada sur le transfert de données a été soumis à la Cour de justice pour avis, afin d'établir si le projet d'accord est conforme à la décision de la Cour de justice que je viens de mentionner quant au besoin de respecter les exigences de nécessité et de proportionnalité de manière adéquate.

Vous abordez donc l'enjeu principal en Europe ces jours-ci, à Bruxelles, qui consiste précisément à chercher le moyen de trouver un juste équilibre.

Le sénateur Day : C'est intéressant. On voit ce qui se passe aux États-Unis avec la récente poursuite en justice, le fait que peut-être la Patriot Act n'autorisait pas la collecte massive de données, et maintenant ce dernier projet de loi devant le Congrès. La Patriot Act a expiré et la nouvelle mesure législative est moins permissive. C'est comme si on réagissait de manière excessive après un événement catastrophique, comme le 11 septembre et la Patriot Act, et qu'il faille du temps pour s'ajuster. Le système semble prendre du temps à trouver cet équilibre. Je pense que ce que vous décrivez correspond à ce qui se passe aux États-Unis, en Europe et, dans une certaine mesure, au Canada également, et il n'est pas facile de trouver cet équilibre.

M. de Kerchove : Vous avez raison. Je favorise la collecte de toutes les données nécessaires et pertinentes, mais il faut trouver le juste équilibre. Si mon métier a une seule utilité, c'est d'essayer de maintenir la lutte contre le terrorisme en haut de la liste des priorités, même si nous ne sommes pas victimes d'attaques terroristes. Cela pour nous permettre de mettre en œuvre une stratégie dans le calme et d'éviter ce que vous venez d'évoquer, soit une réaction exagérée sur le coup d'une attaque ou — ce qui peut aussi se produire, et j'en ai fait l'expérience — une lassitude à l'égard de la lutte contre le terrorisme. Quand rien n'arrive, l'indifférence s'installe et l'on n'est plus préparé à rien. Nous devons éviter les deux situations et vous avez raison de dire que c'est un défi.

En ce qui concerne la Patriot Act, si je comprends bien, on aurait pu adopter la législation hier, mais Rand Paul a trouvé l'argument procédural nécessaire pour reporter le débat. Le Freedom Act sera probablement adopté dans les prochains jours. Je ne l'ai pas examiné en détail, mais on tente ainsi d'établir un meilleur équilibre, de donner la possibilité d'accéder à des métadonnées, parce que c'est très important. Il est question de demander aux sociétés, et non à la NSA, de conserver les données et de trouver une meilleure protection; par exemple pour qu'un tiers ait la possibilité de s'adresser aux tribunaux. Il y a beaucoup d'améliorations. Je pense qu'on va dans la bonne direction.

Le sénateur White : Je vous prie de pardonner mon retard. Ma question concerne les échanges que vous avez eus avec des pays en dehors de l'Union européenne; je me demande si vous avez constaté que certains des autres pays se sont avancés pour donner des conseils, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans ce cas, est-ce que cela vous a aidé à vous forger une partie de vos opinions?

M. de Kerchove : Nous échangeons avec beaucoup de pays. La priorité sur le plan de l'aide, ce sont les pays de la Méditerranée, parce qu'ils sont dans notre cour arrière. Nous sommes témoins d'événements tragiques en Méditerranée et nous voyons les milliers de personnes qui sont mortes en mer. Nous savons que l'État islamique participe au trafic humain et s'enrichit grandement de la sorte, donc c'est la première des priorités. Nous devons nouer le dialogue avec les pays du Golfe et intervenir un peu plus sur la question de l'Irak et de la Syrie.

Nous travaillons avec l'Australie et probablement dans une moindre mesure avec la Nouvelle-Zélande, mais l'Australie est membre de ce qui s'appelle le GCTF, le Global Counterterrorism Forum, dont fait également partie le Canada. Le GCTF compte 29 pays. C'est un forum plutôt intéressant où nous pouvons partager les bonnes pratiques et faire part de nos expériences respectives.

L'autre, bien sûr, c'est la coalition contre l'État islamique, où tant l'Union européenne que l'Australie, en plus de 50 autres pays, sont très actifs, en particulier au sein des cinq sous-groupes de la coalition, dont l'un s'occupe de l'aspect militaire. Certains États membres sont militairement présents en Irak, très peu en Syrie, mais beaucoup en Irak, et ils s'occupent des messages et des contre-messages, de même que de surveiller le financement de Daech, et traitent de l'aide humanitaire et de la question des combattants étrangers. Dans ces deux forums, la coalition anti-EI et le GCTF, nous avons une très bonne collaboration de la part de l'Australie et du Canada.

Le sénateur White : Merci de cette réponse.

Qu'en est-il de la politique de l'Union européenne en lien particulièrement avec la protection des jeunes femmes au sein des communautés présentant un risque élevé? Avez-vous élaboré une politique ou une directive qui pourrait aider d'autres pays dans une perspective plus large, plus globale?

M. de Kerchove : Je crois que nous souhaitons en effet travailler davantage avec les femmes en général, en particulier dans le monde arabe. Cela s'applique à l'Europe également, parce que nous savons que les mères en particulier ont un grand rôle à jouer. Je sais que les États membres essaient de souligner ce rôle et de les aider davantage. Si vous prenez pour exemple le numéro sans frais mis en place par les Français, je crois qu'ils ont reçu jusqu'à présent 1 000 à 2 000 appels. C'est très souvent, si ce n'est la plupart du temps, des femmes qui téléphonent.

Il faut donc faire plus, en particulier dans le monde arabe. Je suis d'accord. Mais je ne peux pas être plus précis là-dessus.

Le président : Chers collègues, j'aimerais poser une question ou deux. D'abord, je veux revenir aux enseignements wahhabites diffusés partout dans le monde, essentiellement financés, comme nous le savons tous, par des intérêts en Arabie saoudite et au Moyen-Orient. Pourriez-vous nous parler davantage des activités de l'Union européenne visant à contrer ces enseignements wahhabites extrêmes qui mettent évidemment en place un système de croyances qui amène ces jeunes gens à faire ce qu'ils font?

M. de Kerchove : Eh bien! J'ai parlé de l'Afrique où nous considérons que la montée du wahhabisme constitue un défi, et cela exige de notre part d'offrir une plus grande aide à l'État en cause. Si l'on regarde la Mauritanie, le Mali et le Niger et la réaction de leur population à la publication du magazine Charlie Hebdo après l'attaque de Paris, nous nous rappelons que des églises ont été brûlées et que des gens ont été tués au Niger, un pays qui était très modéré auparavant. Nous devons donc en faire plus dans cette région. Ces pays sont pauvres. Ils sont obligés de compter sur un financement externe, en particulier pour l'éducation, et cela s'applique au Nigeria du Nord, où nous avons l'éducation alternative almajira, et dans l'ensemble de l'Afrique. Une façon de faire face au problème dans ces pays consiste, d'abord, à forcer les écoles coraniques et les madrasas à enrichir leur cursus et à ne pas se limiter à enseigner le Coran en arabe. Parce que cela n'aide pas un jeune à se trouver un emploi. C'est un peu simpliste, mais il faut offrir plus d'aide au développement en matière d'éducation et favoriser l'éducation publique. La première intervention du genre doit constituer un investissement en éducation et être un début de dialogue avec le gouvernement afin d'éviter que cette partie de la population ne reçoive qu'une formation dans les madrasas offrant un cursus simpliste.

L'autre chose sur laquelle le dialogue pourrait porter également, ce sont les médias, en particulier, comme je l'ai déjà indiqué, Internet et la télévision par satellite. La raison pour cela, c'est qu'au Sahara et dans la corne de l'Afrique, les populations ont la radio et la télévision et regardent des centaines d'émissions de télévision différentes, donc il faut avoir cette discussion avec nos collègues du Golfe. Des prêcheurs impressionnants et charismatiques sont présents à la télévision. Ce serait notre deuxième défi.

Troisièmement, en Europe, c'est différent. Nous en avons déjà parlé. Je crois que la formation des imams, l'offre d'un bon environnement favorable à une meilleure formation, et le développement d'un Islam européen, voilà trois ensembles de politiques que nous devons appliquer plus largement.

Je ne veux pas laisser croire que l'Union européenne est très avancée à cet égard. Sur le plan du développement, nous faisons beaucoup. Comme vous le savez, l'Union européenne et les États membres fournissent plus de 55 p. 100 de l'aide au développement aux pays tiers. Une partie de cette aide vise l'éducation, mais nous devons probablement faire plus.

Le président : Vous avez dit que les trois priorités de l'Union européenne par rapport à la radicalisation sont l'Internet, la réadaptation et le problème de radicalisation dans les prisons. Vous n'avez cependant jamais indiqué quelle est la source de la radicalisation, là où on met l'idée dans la tête de quelqu'un, avant de passer à Internet et ces autres aspects qui influencent.

Est-ce que des pays membres prennent des mesures positives pour ouvrir le dialogue avec plusieurs communautés musulmanes sur leur territoire et commencer à discuter des conséquences de la présence de ces prêtres du wahhabisme extrême, et peut-être d'autres, qui, dans certains cas, reçoivent un enseignement, afin de dire en termes clairs que certaines de ces valeurs ne sont pas acceptables dans le pays et réunir ces organisations et les citoyens pour avancer et obtenir la tolérance et la paix dont nous avons besoin pour l'avenir?

M. de Kerchove : Je repère deux obstacles. Le premier, comme je l'ai dit, c'est que nous ne voulons pas nous lancer dans un débat idéologique, donc faire preuve de conservatisme dans l'interprétation de l'Islam lui-même n'est pas discutable. Vous n'aimez peut-être pas cette religion, mais, dans la mesure où elle ne suscite pas de la violence, on est dans la vie privée et dans les croyances personnelles. C'est là où l'enseignement ne correspond pas à vos valeurs ni à votre législation, bien sûr. Donc, la liberté de pensée, la liberté de religion et la liberté d'expression sont importantes et le droit d'avoir des croyances personnelles, même les plus traditionnelles.

Je suis témoin d'une mobilisation croissante des États membres dans le sens de cette sorte de discussion, certainement de la part de la France et du Royaume-Uni. Aux Pays-Bas, il y a beaucoup d'échanges de vues avec les représentants de la religion musulmane. L'ajout de mesures constructives, comme je l'ai dit, par exemple le développement d'un Islam européen, résoudra cet enjeu.

Le président : Je vous remercie, monsieur de Kerchove.

Le sénateur Mitchell : Dans votre exposé, vous avez indiqué qu'Internet est un incubateur majeur de radicalisation. Bien que cela semble évident, il paraît qu'on s'interroge quant à la véracité de cette affirmation et qu'on se demande si Internet n'est pas plutôt une condition nécessaire ou suffisante. Il faut également une relation personnelle. Certains suggèrent que ces liens pourraient être créés par Internet.

Vous êtes tellement ferme et inflexible à ce propos que je trouve cela très curieux. Quelle preuve avez-vous ou comment en êtes-vous arrivé à une conclusion aussi inébranlable?

M. de Kerchove : Vous avez raison de dire que nous étions convaincus auparavant que personne ne pouvait être radicalisé seulement sur Internet et qu'il fallait une interaction concrète, mais nous avons constaté des cas où les jeunes ont été radicalisés seulement par Internet.

Une autre chose dont nous étions convaincus, c'est que le processus de radicalisation était très long et prenait des mois pour parvenir au point de basculement, alors que maintenant, nous voyons des adolescents qui partent après deux ou trois semaines. J'ai vu des cas en France.

Je ne laisse pas entendre que c'est seulement Internet, mais tout ce que j'ai pu lire jusqu'à présent me donne à penser que ce médium joue un rôle grandissant. D'autre part, vous pouvez vous dire que les attaques terroristes en France étaient réalisées la plupart du temps par des truands à la sauvette qui avaient été radicalisés en prison, et non sur Internet, parce qu'ils étaient en relation avec un imam ou un imam autoproclamé.

C'est là le raisonnement convergent des ministres de l'Intérieur. Nous avons vu le travail accompli par Bernard Cazeneuve en France, Theresa May au Royaume-Uni et Thomas de Maizière en Allemagne pour mobiliser les fournisseurs de services Internet et la Commission européenne. C'est une demande qui vient des gens en première ligne, des principaux responsables de la lutte contre le terrorisme, c'est-à-dire les États membres et les ministres de l'Intérieur.

C'est la raison pour laquelle la Commission européenne veut organiser un forum cet automne, un partenariat public-privé avec les fournisseurs de services Internet et les États membres, afin de discuter de tous les aspects que j'ai déjà mentionnés, soit une meilleure surveillance d'Internet, un meilleur retrait du contenu illégal, un meilleur contre-message sur Internet et le quatrième élément, c'est le problème du chiffrement.

Les entreprises semblent plus inquiètes elles aussi. Elles font beaucoup, mais quand vous examinez Twitter, il y a, à ce qu'on m'a dit, 500 millions de gazouillis par jour; donc il est tout à fait impossible pour Twitter de surveiller ses propres services. Ce n'est pas réalisable. C'est pourquoi nous voulons augmenter le nombre de centres d'orientation et former des gens à la détection de contenus illégaux.

Une expérience très impressionnante, c'est l'unité interne d'orientation Internet de Scotland Yard. Ils ont une équipe très bien entraînée pour distinguer ce qui est illégal de ce qui est dérangeant. Vous n'aimez peut-être pas certains sites ou contenus, mais ils ne sont pas nécessairement illégaux. Les entreprises ont leurs propres modalités d'utilisation et elles décident elles-mêmes de ce qu'elles veulent retirer.

L'expérience du CTIRU, le Counter Terrorism Internet Referral Unit, de Scotland Yard nous a montré que, lorsque ce service signale du contenu illégal à un fournisseur de services Internet, par exemple Google, 93 p. 100 des signalements entraînent un retrait. Quand vous ou moi signalons quelque chose parce que nous ne l'aimons pas, selon Google, ce pourcentage tombe à 33 p. 100. Pourquoi? Parce que vous et moi avons des opinions différentes sur ce qui est illégal, dérangeant ou laid. Nous voulons avoir plus de services internes qui font cela.

Nous allons commencer à travailler en ce sens en nous appuyant sur des études, et je vous enverrai volontiers les coordonnées des études disponibles, lesquelles montrent qu'ils jouent un rôle croissant. Je ne veux pas dire qu'ils sont les seuls à ce chapitre, mais quand on lit que l'État islamique possède 45 000 comptes Twitter, selon une étude de la Brookings, et qu'on constate le degré de raffinement du service des médias de Daech... Selon des experts, certaines vidéos ont nécessité plus d'une journée de tournage pour montrer la décapitation des Coptes en Libye ou encore le supplice du bûcher du pilote jordanien, parce qu'ils recherchent une qualité équivalente à un film de Hollywood, avec les meilleurs éclairages et angles pour la caméra, ce qui montre qu'ils savent ce qu'ils font et que cela a un impact sur les gens. Ces personnes ne sont pas des amateurs en communications, donc, à mon avis, nous devons être au moins aussi bons qu'eux.

Le président : Nous vous remercions beaucoup, monsieur de Kerchove. Nous avons beaucoup appris et vous nous avez accordé beaucoup de temps. Nous avons dépassé les 10 minutes prévues et je l'apprécie beaucoup. Nous aimerions vous remercier infiniment pour le temps consacré à répondre à nos questions malgré votre horaire chargé.

Chers collègues, nous continuons d'examiner les menaces terroristes au Canada. Pour cette seconde table ronde de la journée, nous accueillons Cathy Hawara, directrice générale, Direction des organismes de bienfaisance, de l'Agence du revenu du Canada, et Alastair Bland, directeur, Division de la revue et de l'analyse, Direction des organismes de bienfaisance.

Madame Hawara et monsieur Bland, nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue devant le comité. On m'a dit que vous aviez un exposé préliminaire.

[Français]

Cathy Hawara, directrice générale, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.

[Traduction]

Nous sommes venus discuter de la manière dont l'ARC appuie les efforts du gouvernement visant à lutter contre le financement du terrorisme. Les responsabilités de l'ARC à cet égard comportent trois volets. Premièrement, en tant qu'organisme fédéral de réglementation des organismes de bienfaisance, l'ARC protège le système d'enregistrement des organismes de bienfaisance contre les abus à des fins terroristes. Deuxièmement, elle participe à l'échange de renseignements avec les partenaires de la sécurité nationale, tel que l'autorise la loi, à l'appui du décèlement et de l'élimination du financement des activités terroristes sur le plan national. Et, troisièmement, elle aide le Canada à respecter ses engagements internationaux liés à la lutte contre le financement des activités terroristes. Je vais aborder chaque volet plus en détail.

[Français]

À l'heure actuelle, il y a plus de 86 000 organismes de bienfaisance enregistrés au Canada. Les incitatifs fiscaux qu'offre le Canada aux organismes de bienfaisance comptent parmi les plus généreux au monde. En 2012, les organismes de bienfaisance enregistrés ont délivré des reçus officiels de dons pour plus de 14 milliards de dollars. Cette somme représente des recettes cédées d'environ 2,8 milliards de dollars pour le gouvernement fédéral et d'un milliard de dollars à l'échelle provinciale ou territoriale.

[Traduction]

En tant qu'organisme de réglementation, la Direction des organismes de bienfaisance s'assure que tous les organismes de bienfaisance enregistrés répondent aux exigences législatives pour ce qui est d'obtenir et de conserver l'enregistrement à titre d'organisme de bienfaisance. En plus de protéger l'assiette fiscale, ce rôle de réglementation garantit que les avantages conférés par cet enregistrement ne profitent qu'à des organismes administrés exclusivement à des fins de bienfaisance, et que les fonds et services de bienfaisance vont aux bénéficiaires voulus et légitimes. Pour ce faire, la Direction des organismes de bienfaisance dispose d'un programme équilibré d'éducation, de services et d'observation responsable.

Comme je l'ai mentionné lors de ma comparution devant ce comité le 25 mai, et je crois qu'il vaut la peine de le répéter, la communauté internationale reconnaît le risque d'exploitation à des fins terroristes du secteur des organismes à but non lucratif et de bienfaisance depuis la fin des années 1990. Depuis ce temps, l'ARC a pris des mesures pour protéger le système canadien d'enregistrement des organismes de bienfaisance contre les abus par des particuliers ou des groupes ayant des liens avec des terroristes.

À la suite de l'adoption de la Loi antiterroriste en 2001, l'ARC est devenue une partenaire du régime gouvernemental de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LRPC/LFAT. En 2003, la Direction des organismes de bienfaisance a officiellement établi la Division de la revue et de l'analyse dans le but de remplir le mandat confié à l'ARC dans la Loi antiterroriste.

Le système d'enregistrement des organismes de bienfaisance du Canada est en place depuis 1967, et les exigences en matière d'enregistrement sont établies depuis longtemps. Bien que ces exigences aient évolué au fil du temps, les efforts de lutte contre le financement des activités terroristes que déploie l'ARC n'ont institué aucune obligation juridique supplémentaire. Les obligations qui doivent déjà être respectées dans le cadre des exigences relatives à l'enregistrement à titre d'organisme de bienfaisance servent également à protéger les organismes de bienfaisance contre les abus à des fins terroristes. Par exemple, les organismes de bienfaisance doivent tenir des registres comptables adéquats et assurer la direction et le contrôle de l'utilisation de leurs ressources, qu'ils exercent leurs activités au Canada ou à l'étranger.

Contrairement aux fonctions générales de la Direction des organismes de bienfaisance, la Division de la revue et de l'analyse cherche tout particulièrement à protéger l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance contre la menace terroriste. Il s'agit d'un rôle administratif qui ne comprend pas d'enquêtes criminelles.

Les activités opérationnelles de la Division de la revue et de l'analyse consistent en quatre rôles clés : les demandes; les indices; les vérifications et la surveillance; et l'échange de renseignements.

La division examine toutes les demandes d'enregistrement à titre d'organisme de bienfaisance afin de déterminer la présence et le niveau de risques de financement d'activités terroristes. Environ 1 p. 100 des demandes sont réputées présenter un risque élevé et sont soumises à un examen détaillé par la Division. Selon les constatations de l'examen détaillé, l'ARC peut refuser l'enregistrement.

La division reçoit et traite également des indices liés à la sécurité nationale du Canada. Ces indices viennent de diverses sources externes, parmi lesquelles les médias, les renseignements classifiés et les membres du public. En outre, des indices sont formulés à l'interne en examinant les dossiers connexes et les rapports annuels des organismes de bienfaisance.

La division vérifie les organismes de bienfaisance enregistrés en fonction du risque d'abus à des fins de financement des activités terroristes que peuvent courir le secteur de la bienfaisance et la société canadienne dans son ensemble. Pour ce faire, on met en œuvre une approche fondée sur les risques.

Tout en exécutant ces tâches, la division doit s'assurer que son évaluation des risques ne perturbe pas les activités de bienfaisance légitimes et ne dissuade pas la population d'exercer de telles activités. La complexité qui entre en jeu pour maintenir cet équilibre nécessite la présence d'une équipe d'experts en la matière possédant une expérience diversifiée des questions de sécurité nationale, du financement des activités terroristes, de la géopolitique et du droit régissant les organismes de bienfaisance.

L'échange de renseignements est essentiel aux opérations de la division et a lieu dans l'ensemble des fonctions de celle-ci. Comme je l'ai mentionné lors de ma dernière comparution, par l'entremise de la Division de la revue et de l'analyse, l'ARC est autorisée, en vertu des dispositions législatives en vigueur, à échanger certains renseignements liés aux organismes de bienfaisance avec la GRC, le SCRS et le CANAFE lorsque ces renseignements s'appliquent à leurs mandats respectifs en matière de sécurité nationale. Les renseignements qui viennent des partenaires de la sécurité nationale servent quant à eux à évaluer le niveau de risque que présente un organisme demandeur ou un organisme de bienfaisance enregistré.

[Français]

En raison de la nature mondiale du financement des activités terroristes, les efforts déployés par l'ARC dans le pays peuvent avoir d'importantes répercussions sur la scène internationale. Les connaissances et l'expertise de la division pour ce qui est de protéger le système d'enregistrement des organismes de bienfaisance des abus à des fins terroristes ont permis au Canada de devenir un chef de file dans ce domaine en particulier au sein de la communauté internationale.

[Traduction]

L'ARC a un rôle à jouer pour respecter les engagements internationaux du Canada en matière de lutte contre le financement des activités terroristes. Entre autres mesures destinées à atteindre cet objectif, l'ARC se conforme aux normes internationales établies par le Groupe d'action financière, le GAFI. Bien que le ministère des Finances coordonne la relation du Canada avec le GAFI, il se fie à d'autres ministères et organismes gouvernementaux en qualité d'experts en la matière chargés de participer aux réunions et aux projets du GAFI.

Notamment, l'ARC a dirigé conjointement un projet de typologie du GAFI, qui consistait à analyser des études de cas en provenance d'un certain nombre de pays, en vue de cerner les vulnérabilités et les risques dans le secteur des organismes à but non lucratif et de bienfaisance. Le rapport qui en a découlé, intitulé Le risque d'être utilisé à des fins de financement du terrorisme pour le secteur non lucratif, a été publié par le GAFI en juin 2014. L'ARC est en train de diriger conjointement le comité de lecture du manuel de bonnes pratiques du GAFI sur la lutte contre l'utilisation abusive des organismes à but non lucratif, qui aidera les pays à réagir plus efficacement aux abus à des fins de financement des activités terroristes dans le secteur de la bienfaisance. Dans le cas du Canada, l'ARC se servira du manuel de bonnes pratiques pour améliorer les mesures qui ont déjà été prises afin de renseigner les organismes de bienfaisance sur les risques de financement d'activités terroristes.

[Français]

En conclusion, l'ARC contribue aux efforts de lutte contre le financement des activités terroristes déployés par le gouvernement en entier en protégeant le système canadien d'enregistrement des organismes de bienfaisance contre les abus à des fins de financement d'activités terroristes. Elle empêche et révoque l'enregistrement d'organismes ayant des liens avec le terrorisme, afin d'éviter que ces organismes abusent et tirent parti des généreux encouragements fiscaux à la bienfaisance au Canada.

[Traduction]

Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président : J'aimerais commencer par demander un éclaircissement pour le compte rendu, madame Hawara. Je crois que cette question vous a été posée la dernière fois que vous avez témoigné.

Comme vous le savez, nous sommes à l'étape des débats sur le projet de loi C-51, lequel prévoit diverses mesures législatives qui toucheront également votre organisme de même que d'autres ministères du gouvernement du Canada. La question de la protection de la vie privée a été soulevée et, bien sûr, la question du caractère confidentiel de la vie privée des contribuables et de leurs renseignements personnels dont vous avez la responsabilité.

La question que j'aimerais vous soumettre, pour obtenir encore une fois des éclaircissements, a trait aux modalités des pouvoirs qui seront les vôtres au titre de la consultation de données fiscales personnelles pour des motifs de sécurité nationale lorsqu'un nom est prononcé dans le cadre d'une enquête. Pouvez-vous préciser, pour le compte rendu, exactement comment cela fonctionne? Une rumeur voudrait que cela mette les données fiscales personnelles d'un Canadien à la disposition de n'importe quel ministère, virtuellement sans mesures de protection.

Mme Hawara : Je vous remercie de poser la question, monsieur le président.

Comme je l'ai dit lors de ma précédente comparution, la protection des données confidentielles des contribuables est de la plus haute importance pour l'ARC. Cela est au cœur de notre système d'autoévaluation et nous prenons très au sérieux cette responsabilité.

Quand le projet de loi C-51 sera adopté, il faudra franchir deux seuils distincts d'application avant qu'une information ne soit communiquée légalement. Le premier seuil d'application s'appuie sur la Loi de l'impôt sur le revenu et exige des motifs raisonnables de soupçonner que l'information sera utile aux fins d'une enquête visant une menace envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité ou aux fins d'une enquête pour infraction de terrorisme au sens du Code criminel. L'information devra donc être pertinente pour l'un ou l'autre de ces types d'enquêtes.

Si c'est bien le cas, nous passons alors au second seuil d'application, lequel est établi dans le projet de loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, laquelle exige que l'information se rapporte aux attributions de l'organisation destinataire ou de celle qui demande l'information.

Ces deux seuils doivent être franchis avant que l'information ne soit communiquée légalement. Même une fois que ces seuils d'application sont franchis, l'Agence du revenu du Canada conserve son pouvoir d'appréciation de l'information recueillie et décide de ce qui sera partagé et du mode de communication de l'information dans toutes circonstances.

Le président : Merci. Je crois que cela clarifie les choses pour le compte rendu.

Le sénateur Day : Pouvons-nous avoir des éclaircissements sur le dernier point? Je crois qu'il est important que nous comprenions comment vous conservez le contrôle sur les données une fois transmises.

Mme Hawara : Oui, bien sûr. Je vous remercie de poser la question.

Nous appliquons actuellement des mises en garde quant à la communication d'information que nous sommes autorisés à effectuer actuellement, et cela continuera. La mise en garde établit les circonstances dans lesquelles l'information peut être communiquée à un tiers et ainsi de suite, mais je crois que dans tous les cas, nous exigeons de nos partenaires qu'ils nous reviennent pour nous demander la permission.

Le sénateur Day : Le projet de loi C-51 prévoit que les 17 organismes qui obtiennent une information d'une autre institution peuvent communiquer cette information de nouveau. Comment contourner cela en droit?

Mme Hawara : Les mises en garde actuelles demeurent, du moins c'est ce que je comprends de la législation. Nous continuerions donc d'appliquer les mises en garde actuelles quant à l'usage possible de l'information communiquée, et cela se ferait en vertu des nouvelles attributions.

Le sénateur Mitchell : Madame Hawara, je ne conteste pas la force de votre exposé ni la sincérité avec laquelle vous l'avez présenté. Je ne remets pas cela en question d'aucune façon, mais je sais aussi qu'il y a beaucoup de personnes à l'ARC et que beaucoup prennent des décisions, et qu'elles peuvent se montrer excessives ou être égarées, qu'elles peuvent mal comprendre et commettre des erreurs. Ce sont des êtres humains. C'est pourquoi nous avons des organes externes, dans certains cas, qui examinent leurs activités.

Qui examine ce que vous communiquez? Comment cela se passe-t-il? Qui examine l'application des mises en garde? Qui fait cela d'un point de vue objectif, de l'extérieur, afin que nous soyons assurés que peu importe la qualité des employés de l'ARC, aucune erreur n'est commise involontairement lorsqu'ils commettent une erreur?

Mme Hawara : Nous n'avons pas d'organe de surveillance comme en a le SCRS. Il n'y a pas d'équivalent pour l'ARC.

Ce que je comprends, c'est que les institutions qui assurent la surveillance des opérations gouvernementales en général continueront bien sûr de surveiller notre travail : le commissaire à la protection de la vie privée, le vérificateur général.

Je ne pense pas qu'on ait effectué un examen de cette fonction, mais le vérificateur général a très récemment examiné le programme des organismes de bienfaisance. En 2010, l'équipe de la vérificatrice générale était venue examiner le programme. Cela répond à votre question.

Le sénateur Mitchell : Alors, il s'agit du commissaire à la protection de la vie privée et du vérificateur général, et le dernier examen de votre direction par le Bureau du vérificateur général a eu lieu il y a cinq ans. Savez-vous à peu près quand on procédera à un nouvel examen à l'avenir?

Mme Hawara : Je n'ai pas accès à ces renseignements.

Le sénateur Mitchell : Bien entendu.

Je voulais souligner que ces examens n'ont pas lieu chaque année, et le commissaire à la protection de la vie privée ne vous examine même pas une fois par année. Alors, bien des choses risquent de survenir dans la vie de Maher Arar en cinq ans si l'on ne divulgue pas ses renseignements adéquatement, et personne ne vérifie cela régulièrement, pour autant que vous le sachiez.

Mme Hawara : Ces décisions se prennent à un niveau hiérarchique supérieur au mien. Nous avons une équipe formée tout spécialement pour mener une analyse approfondie de chaque divulgation. Cela ne fait pas actuellement partie des nouveaux pouvoirs, mais il s'agirait, je crois, d'un modèle comparable. À l'heure actuelle, dans le cadre de notre pouvoir de divulgation, nous examinons chaque divulgation individuellement. Nous menons cette analyse, nous la documentons et veillons à ce que seuls les renseignements appropriés soient divulgués. C'est ce que nous avons le pouvoir de faire, et les directeurs approuvent chaque divulgation. Avec les années, nous avons accumulé une grande compétence depuis que nous avons ces pouvoirs.

Le sénateur White : J'ai une question de suivi. C'est une question en deux volets pour obtenir réponse aux deux.

Du point de vue de l'ARC, que risque l'employé qui divulguerait des renseignements de manière illicite? Une mise à pied? Une accusation criminelle? Un procès au civil?

Mme Hawara : Notre code d'éthique prévoit des conséquences très précises. On commettrait certainement une inconduite en divulguant les renseignements d'un contribuable de manière illicite. Il pourrait y avoir des facteurs aggravants ou des circonstances atténuantes. Il est évident que si l'employé agit délibérément, il commet l'inconduite la plus grave. Je ne connais pas toutes les sanctions par cœur, mais il est certain que les types d'inconduite les plus graves entraînent au moins une mise à pied. Nous les avons classés de 1 à 5. La divulgation des renseignements de contribuables est une inconduite très grave pour un employé.

Le sénateur White : Dans le même ordre d'idée, votre organisme traite chaque année des centaines de milliers, des millions de renseignements des contribuables. Combien d'employés subissent des mesures disciplinaires chaque année?

Mme Hawara : Excusez-moi, je n'ai pas la réponse à cette question.

Le sénateur White : S'il y en avait un grand nombre, vous vous en souviendriez, n'est-ce pas?

Mme Hawara : Les questions liées à la discipline et aux circonstances individuelles des employés demeurent très confidentielles, donc je n'ai pas accès à ce type d'information pour tout l'organisme. Je suis sûre que notre direction générale des ressources humaines détient ce type de renseignements. Je peux parler pour mon propre organisme, et personne n'a été mis à pied de la Direction des organismes de bienfaisance pour cette raison en particulier.

Le sénateur White : Combien de fois est-ce que le commissaire à la protection de la vie privée est venu dans votre organisme pour enquêter sur des violations de la vie privée?

Mme Hawara : Je ne suis pas sûre de posséder l'information à sujet non plus.

Le sénateur White : L'avez-vous vu?

Mme Hawara : Non, je n'ai pas vu le commissaire à la protection de la vie privée.

Le sénateur Mitchell : Il me semble que les risques sont énormes lorsqu'un groupe clandestin ouvre un organisme de bienfaisance au Canada, le présente à l'ARC pour obtenir l'autorisation de fonctionner et, ce faisant, se soumet à toutes sortes d'examens techniques approfondis. Pour quelles raisons un organisme de bienfaisance qui voudrait envoyer de l'argent à un groupe clandestin quelque part au Moyen-Orient agirait-il ainsi? Pourquoi se soumettrait-il à cela? Ces gens pourraient tout simplement collecter de l'argent.

Mme Hawara : Je ne suis pas sûre de pouvoir vous dire pour quelles raisons tactiques ils le feraient ou non. Mais en s'enregistrant au Canada, ils acquièrent une apparence de légitimité. Leur organisme porte un numéro de l'ARC qui leur permet d'émettre des reçus à des fins fiscales. Je vous dirai que c'est très attrayant. C'est probablement la raison principale pour laquelle les organismes désirent généralement s'enregistrer à l'ARC — pour pouvoir délivrer des reçus officiels. Cela facilite la collecte de fonds.

Le sénateur Mitchell : Comme le sénateur White a posé trois questions, je vais en poser une autre. Ce ne sera pas long, mais ma question suit la sienne. Évidemment que si un employé fait une chose inappropriée soit sans s'en apercevoir ou soit délibérément, il doit subir une sanction. Mais n'est-il pas vrai — et je pense que ça l'est; ma question est suggestive — que le projet de loi C-51 prévoit très clairement que si quelqu'un divulgue en toute bonne foi des renseignements qu'il n'aurait pas dû divulguer, il ne sera aucunement tenu responsable?

Mme Hawara : Je parlais du code d'éthique de l'ARC; le fait de révéler, de divulguer les renseignements d'un contribuable constitue une inconduite. Je n'ai pas le code devant moi alors je ne peux pas vous le citer exactement, mais même si la divulgation se fait en toute bonne foi, l'employé subit des répercussions.

Le sénateur Mitchell : Lequel de ces deux documents l'emporte? Le vôtre, ou le projet de loi C-51? Le projet de loi C-51 est très explicite.

Mme Hawara : Selon moi, il s'agit de deux choses complètement différentes. De notre point de vue d'employeur, si un employé divulgue les renseignements d'un contribuable, qu'il le fasse exprès ou non, qu'il le fasse sans le savoir ou délibérément, nous le traitons selon le point de vue de l'employeur. Notre code d'éthique fait partie de nos conditions d'emploi, donc nous analyserions la situation du point de vue des relations avec la main-d'œuvre et du droit du travail.

Les dispositions du projet de loi C-51 à ce sujet ne me viennent pas à l'esprit. Il faudrait que je les relise pour me faire une idée de l'analyse que nous ferions.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d'être venue.

J'aimerais vous demander un renseignement. Savez-vous combien d'organismes de bienfaisance ont perdu leur statut pour avoir mené des activités liées au terrorisme?

Mme Hawara : J'ai les chiffres à partir de 2008. Depuis 2008, nous avons découvert huit organismes qui risquaient de financer le terrorisme, et finalement nous avons décidé de révoquer leur statut d'organismes de bienfaisance.

La sénatrice Stewart Olsen : Pourriez-vous en remettre une liste au comité, s'il vous plaît?

Mme Hawara : Oui, bien sûr.

Le président : Est-ce que tous ces renseignements sont d'accès public?

Mme Hawara : Oui.

Le président : Diffusez-vous un communiqué public quand cela se produit?

Mme Hawara : Certains renseignements liés aux organismes de bienfaisance peuvent être diffusés au public, et la révocation de leur statut en est un. La Loi de l'impôt sur le revenu nous permet de divulguer les lettres où nous décrivons les raisons de la révocation ou de la sanction imposée à un organisme de bienfaisance. Sur notre site web, vous pouvez consulter la liste des organismes de bienfaisance dont nous avons révoqué le statut et vous recevrez les lettres sur demande. Nous pouvons bien entendu vous fournir cette liste.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.

Le sénateur Day : Je suis l'exemple du sénateur White; j'ai cinq questions.

Le président : Dans mon rôle de président, j'ai accordé un petit peu plus de latitude cette fois-ci, mais je tiens à vous avertir tous que je vais recommencer à appliquer les règles habituelles.

Le sénateur Day : Je crois que vous tenez à souligner un fait, mais je vais poser ma question avant qu'il ne perde patience.

Vous avez annulé un enregistrement parce que vous perceviez un certain risque. Vous n'aviez rien prouvé. Ai-je bien compris?

Mme Hawara : C'est ce que mon collègue m'a suggéré de préciser. Nous sommes sur la même longueur d'onde; ou tout au moins vous l'êtes, et maintenant je vous rejoins.

Il est important de se rappeler que plusieurs règles régissent la manière dont les organismes de bienfaisance doivent fonctionner en toutes circonstances, qu'elles se situent au Canada ou à l'étranger. Quand nous menons la vérification d'un organisme de bienfaisance ou que nous examinons ses activités pour déterminer s'il se conforme à ces règles, dans la plupart des cas nous pouvons nous fier à des renseignements publics ou à ceux qui se trouvent dans nos livres et dans nos dossiers. Cela nous permet d'aborder nos préoccupations face à la possibilité du financement du terrorisme d'une manière beaucoup plus directe, rapide et transparente. Nous cernons parfois certains risques, et ces risques sont souvent suffisants. Par exemple, les organismes de bienfaisance doivent maintenir la direction et le contrôle de leurs biens. Un organisme de bienfaisance au Canada ne peut pas tout simplement donner son argent à un organisme américain ou européen, qu'il s'agisse d'un groupe terroriste ou d'une personne liée à un groupe terroriste, ou d'un organisme tout à fait légitime. L'organisme canadien ne peut pas tout simplement donner son argent librement.

Quand l'équipe de M. Bland examine ces organismes, la première question qu'elle se pose est la suivante : cet organisme respecte-t-il les règles fondamentales qui régissent tous les organismes de bienfaisance? Dans la plupart des cas, nous cernons les difficultés ou les problèmes de non-conformité en examinant le respect des règles fondamentales. À ce moment-là, nous n'avons pas besoin d'aller plus loin. Nous ne menons pas une enquête criminelle. Nous n'avons pas à démontrer l'intention. Nous sommes un organisme de réglementation. Les organismes de bienfaisance doivent suivre des règles très strictes, et nous appliquons ces règles. Cela nous permet d'accomplir nos tâches avec transparence. Nous agissons en tout temps avec ces organismes en appliquant l'équité administrative et la loi. Nous leur présentons nos préoccupations et nous leur donnons l'occasion d'y répondre.

Le président : Monsieur Bland, avez-vous quelque chose à ajouter?

Alastair Bland, directeur, Division de la revue et de l'analyse, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : J'hésite un peu à fournir la liste parce que comme l'a dit Mme Hawara, nous n'avons pas un mandat pénal. Nous n'avons pas à démontrer que l'organisme finance le terrorisme, ce qui constitue un délit criminel. Nous nous concentrons sur les règles en vigueur et nous expliquons à l'organisme en quoi il respecte, ou non, ces règles.

Nous soulevons souvent des préoccupations au sujet d'un lien avec un groupe terroriste, mais notre rôle administratif consiste à examiner les règles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si la non-conformité de l'organisme à ces règles est flagrante, alors la révocation de son statut est l'un des outils dont nous disposons.

Comme nous n'avons pas à démontrer l'intention, nous n'avons aucun moyen de savoir si l'organisme agit ainsi délibérément en comprenant parfaitement ce qu'il fait ou si l'on abuse de lui et qu'il fait ces choses aveuglément ou naïvement. Nous avons un rôle administratif de faire cesser efficacement les comportements inacceptables. Lorsque nous examinons et vérifions un organisme, nous cernons le risque inacceptable et nous accomplissons nos fonctions de vérification. Mais en fin de compte, il n'est pas nécessairement juste d'accuser ces organismes de participer à un acte criminel de financement du terrorisme. C'est pourquoi j'hésite à les étiqueter à ce point. Nous faisons de notre mieux pour détecter les liens de financement du terrorisme, mais parfois nous nous concentrons uniquement sur les règles mêmes et nous ne soulevons pas la question de financement du terrorisme.

La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends tout à fait ce que vous nous dites à propos de la liste. Pourriez-vous nous fournir la liste des organismes de bienfaisance dont vous avez révoqué le statut?

Le président : Je vais vous poser la question autrement. Depuis 2008, avez-vous révoqué le statut de seulement huit organismes de bienfaisance, ou combien d'organismes figurent à cette liste?

Mme Hawara : On y trouve d'autres organismes de bienfaisance dont le statut a été révoqué pour un motif suffisant ou à la suite d'une vérification. En moyenne, nous finissons par révoquer le statut de 25 à 40 organismes de bienfaisance chaque année à la suite d'une vérification. Ces huit organismes constituent un sous-groupe de cette liste.

La sénatrice Stewart Olsen : Vous nous avez dit que les lettres que vous leur envoyez sont d'accès public.

Le président : Pourriez-vous s'il vous plaît nous envoyer les lettres que vous avez envoyées à ces huit organismes et les mettre à notre disponibilité?

Mme Hawara : Pourrions-nous, monsieur le président, vous envoyer la liste des organismes dont nos préoccupations liées au financement du terrorisme sont clairement décrites dans la lettre que nous leur avons envoyée?

Le président : Combien de lettres recevrons-nous, dans ce cas?

Mme Hawara : Je ne suis pas sûre. Vous en aurez moins de huit, mais probablement plus de cinq.

M. Bland : Pour vous donner une idée, vous avez déjà entendu un témoignage, et je ne vais pas nommer l'organisme...

Le président : Il n'est pas nécessaire que vous le nommiez.

M. Bland : La vraie raison pour laquelle le statut de cet organisme a été révoqué est qu'il n'a pas mené d'activités de bienfaisance substantielles pendant les trois ans sur lesquels portait notre vérification.

Un autre organisme — et je pense que ses membres seront surpris d'apprendre que leur organisme était l'objet d'une préoccupation liée à un financement du terrorisme — a perdu son enregistrement pour n'avoir pas tenu ses livres et ses dossiers d'une façon adéquate, pour avoir donné des fonds à des destinataires non qualifiés en dehors du Canada et pour avoir délivré des reçus de dons non conformes aux dispositions de la loi.

Pour certains de ces organismes — je ne me souviens pas exactement du nombre, mais c'est probablement la moitié d'entre eux —, nous décrivons des préoccupations très précises, nous nommons des organismes avec lesquels nous croyons qu'ils sont partenaires et nous indiquons pourquoi nous croyons que ces organismes sont liés à des groupes terroristes.

Le président : Je voudrais suivre tout cela, parce que je crois que c'est très important. Nous ne sommes pas ici pour vous mettre à la barre des témoins, en un certain sens. Nous sommes ici pour obtenir des renseignements que le public devrait connaître et qui nous serviraient à tirer les conclusions de notre rapport sur le terrorisme.

Si l'on soupçonne huit organismes de financer directement ou indirectement du terrorisme, où cette information est-elle diffusée dans la communauté du renseignement et dans celle de l'application de la loi? Ensuite, je me demande qui décide de présenter cela aux tribunaux? Voulez-vous me donner un suivi sur ces questions?

Mme Hawara : Quand nous décidons de révoquer le statut d'un organisme, et même avant cela, nous avons l'occasion de présenter ces renseignements à nos partenaires. C'est la Division de la revue et de l'analyse qui prend les décisions sur la divulgation. À l'heure actuelle, nous avons trois partenaires à qui remettre ces renseignements : le SCRS, la GRC et le CANAFE. Nous envoyons généralement l'information à la GRC et au SCRS, et eux décident d'exécuter leur mandat législatif avec l'information que nous leur avons remise.

Il est important de faire la distinction entre le travail que nous accomplissons et les raisons pour lesquelles nous l'accomplissons et le travail que font nos partenaires et pourquoi ils le font. Il serait très inapproprié que nous exécutions notre travail afin de collaborer directement à une enquête criminelle. Ces deux types de travail sont assujettis à des normes très différentes. Toutefois, nous possédons des renseignements très précieux que nous pouvons remettre, et nous les leur remettons, aux fins du travail de ces autres organismes. Nous n'avons pas le pouvoir de déterminer ce qu'ils feront avec les renseignements que nous leur remettons.

Le président : Donc, en fait, vous fournissez des renseignements, et ensuite un autre organisme décide s'il utilisera ou non ces renseignements aux fins de son travail.

Mme Hawara : C'est ça.

Le président : À ce que je vois, ces renseignements ne vont pas très loin, mais nous en discuterons une autre fois.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Il faut s'interroger sérieusement sur le rôle des établissements d'enseignement collégiaux et universitaires dans le cadre du recrutement. Au Québec, il y a eu quelques problèmes avec Adil Charkaoui, qui louait des locaux dans les cégeps.

Avez-vous des relevés sur les fonds étrangers qui seraient liés à ces établissements et qui seraient utilisés dans le cadre de programmes d'enseignement religieux dans les écoles, entre autres? Fait-il partie de votre mandat de vérifier les types de financement dont bénéficient ces programmes d'enseignement religieux au sein de ces collèges et universités? Sinon, qui est responsable de cette surveillance, afin que nous puissions nous assurer que l'argent qui provient de l'étranger ne sert pas nécessairement à promouvoir des idéologies extrémistes?

Je sais que ma question est longue, mais elle concerne plus particulièrement les établissements collégiaux et universitaires. Nous avons constaté environ une dizaine d'exemples de ce genre au Québec.

Mme Hawara : Premièrement, notre mandat est lié aux organismes de bienfaisance enregistrés. Si les écoles, les collèges et les universités sont enregistrés, ils font partie de notre mandat. S'ils ne le sont pas, notre mandat ne s'étend pas à ces institutions.

De façon générale, les organismes de bienfaisance, y compris les institutions scolaires ou d'éducation, doivent respecter certaines règles par rapport aux activités qu'ils mènent. Les activités doivent relever de la bienfaisance.

Il y a une définition qui décrit les activités de promotion de l'éducation qui relèvent de la bienfaisance. La définition a été arrêtée par la Cour suprême. Notre rôle s'étend à cela également. Nous devons veiller à ce que les organismes comme ceux que vous avez mentionnés prennent part à des activités ou mènent des activités qui relèvent de la bienfaisance. Dans la mesure où ce genre d'activité ne relève pas de la bienfaisance, nous avons l'autorité d'intercéder, principalement par rapport à notre autorité d'émettre des pénalités et des sanctions ou de révoquer l'enregistrement dans les cas extrêmes.

Nous avons donc un rôle à jouer, et nous utilisons toujours une approche qui prône l'éducation. S'il est possible de gérer la situation au moyen de mesures moins sévères que les sanctions ou la révocation, nous le faisons, mais les activités qui sont menées par des organismes de bienfaisance enregistrés relèvent de l'agence.

Par rapport au financement qui provient de l'étranger, il n'y a pas vraiment de règles qui empêchent les organismes de bienfaisance enregistrés de recevoir du financement de l'étranger, sauf dans un cas d'exception lié à une nouvelle loi qui est entrée en vigueur il y a un an ou deux. Je vais devoir vous l'expliquer en anglais.

[Traduction]

Les organismes de bienfaisance ne peuvent pas recevoir des fonds d'États commanditaires du terrorisme; à l'heure actuelle, il y en a deux : l'Iran et la Syrie.

[Français]

C'est la seule exception qui existe présentement par rapport au financement qui provient de l'étranger. Par contre, les organismes de bienfaisance, dans leur déclaration annuelle, doivent nous fournir certains renseignements en ce qui concerne les dons qui proviennent de l'étranger, en apportant plus de détails pour les dons qui excèdent 10 000 $. Toutefois, cette information est confidentielle, elle ne sert qu'à nos fins et n'est pas partagée avec le public.

Nous avons donc cette source d'information qui provient des organismes mêmes. De plus, en partenariat avec d'autres agences, nous pouvons avoir accès à d'autres renseignements. J'espère que cela vous donne une idée du cadre réglementaire lié aux activités menées par des établissements d'éducation et au financement qui provient de l'étranger.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci pour votre exposé très clair. Je pense que vous avez apaisé beaucoup de peurs jusqu'ici.

Pouvez-vous me dire s'il y a des conséquences pour un membre d'un conseil d'administration qui a été radié ou pris en infraction par rapport à vos règles, en particulier pour ceux qui ont fait partie de conseils d'administration liés à des financements d'activités terroristes?

Mme Hawara : Merci pour votre question.

Une nouvelle série de règles a récemment été introduite dans la Loi de l'impôt sur le revenu, ce que nous appelons les dispositions relatives aux particuliers non admissibles. Il existe plusieurs catégories de particuliers non admissibles, mais pour en venir à votre question, la personne qui serait membre d'un conseil d'administration ou qui aurait le contrôle ou la gestion d'un organisme de bienfaisance au moment où cet organisme commettrait une infraction grave à la loi — ce qui serait le cas s'il y avait financement du terrorisme — et que cela conduise à la révocation du statut d'organisme de bienfaisance, alors cette personne deviendrait un particulier non admissible. L'ARC a alors le pouvoir de refuser d'enregistrer ou de révoquer tout autre organisme dont la personne en question pourrait faire partie.

Il ne s'agit pas de la responsabilité des administrateurs au sens où vous l'entendiez peut-être, mais il y a des conséquences en ce sens que la personne visée ne pourrait peut-être plus ni créer un organisme caritatif, ni faire partie d'un autre organisme de bienfaisance si nous pensions que cet organisme puisse représenter un risque.

Comme le statut est de cinq ans, la personne serait donc inadmissible pendant cinq ans. Ce sont des dispositions relativement récentes de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le président : Avez-vous une liste des individus ayant été identifiés? Si oui, l'identité des personnes ayant enfreint les diverses mesures législatives est-elle rendue publique?

Mme Hawara : Non. Nous n'avons pas le pouvoir de dévoiler leur identité en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le président : Mettons les choses au clair. Supposons que je gère une organisation terroriste tombant sous le coup de la loi sur les organismes de bienfaisance et que vous constatiez que j'ai failli à mes responsabilités fiduciaires. Vous révoqueriez la licence et la seule réelle conséquence pour moi serait que je ne pourrais pas créer d'autre organisme de bienfaisance pendant cinq ans, c'est bien cela?

Mme Hawara : C'est ainsi que les dispositions ont été rédigées. Nous pouvons échanger des informations entre partenaires. Les administrateurs sont aussi recensés sur notre site web, vous pouvez donc voir qui siège au conseil d'administration de n'importe quel organisme aujourd'hui, y compris des organismes ayant été révoqués.

Le président : Je voulais dès à présent faire le point sur ce que sont les éventuelles conséquences.

La sénatrice Beyak : Je voulais savoir si vous êtes en mesure de transmettre ces noms au SCRS ou à la GRC?

Mme Hawara : Oui, nous pouvons le faire. Je répondais dans le cadre d'un contexte public. Il n'existe pas de liste publique de personnes inadmissibles, mais nous pouvons tout à fait partager ces informations avec nos partenaires pour les aider dans leur action.

Le sénateur Ngo : Pouvez-vous nous donner une idée des montants qui entrent au Canada en provenance d'Arabie saoudite ou des pays du Moyen-Orient à des fins religieuses ou éducatives?

Mme Hawara : Nous avons des informations, mais elles ne sont pas détaillées. Ce n'est pas précis. En fait, nous examinons les déclarations annuelles pour voir si nous devrions rendre les déclarations des organismes de bienfaisance plus précises. Je n'ai pas de réponse exacte à votre question, hélas.

Le sénateur Ngo : Si nous n'avons pas les détails, ma seconde question n'est pas pertinente.

Le président : Peut-être pourrez-vous informer le comité quand vous aurez cette information détaillée, quelle qu'elle soit? Quand aurez-vous effectué ce travail d'ensemble et serez-vous en mesure de nous fournir les informations?

Mme Hawara : En ce moment même, nous travaillons sur un projet qui vise à moderniser notre STI et à mettre en place des formulaires en ligne pour les organismes de bienfaisance. Dans le même temps, nous revoyons le rapport annuel que ces organismes doivent déposer pour voir si nous pouvons améliorer les questions, car nous savons qu'ils ont des difficultés à y répondre.

Une partie des difficultés tient au fait que nous n'avons pas toujours la certitude que les données déclarées sont précises. De plus, à la manière dont le formulaire est présenté pour le moment, il ne permet pas d'entrer suffisamment dans les détails pour que je puisse répondre à la question qui m'a été posée. Il faudra encore au moins deux ou trois ans.

Le président : Deux ou trois ans?

Mme Hawara : Oui, malheureusement.

Le président : Je ne sais pas ce qu'il en est des autres, mais il me semble que nous devrions savoir qui sont ces organismes de bienfaisance et qui reçoit de l'argent.

Mme Hawara : Nous avons ces informations, monsieur le président. Je devrais peut-être revenir un peu en arrière.

Tout organisme de bienfaisance qui reçoit un don de Canadiens non résidents, de personnes ne résidant pas au Canada, doit en divulguer les détails si le montant excède 10 000 $. Aujourd'hui, nous demandons le nom de l'entité donatrice, le montant de la donation et si l'argent provient d'un gouvernement, d'une organisation ou d'un individu. Voilà les informations dont nous disposons.

La question qu'on m'a posée portait sur les dons à des fins spécifiquement religieuses ou éducatives.

Je dois préciser une chose. Voilà environ trois ans, nous avons modifié le formulaire. Si un financement étranger est lié à des activités politiques, alors nous disposons du niveau de détail que vous recherchez, mais uniquement dans ce cas.

Nous savons que ce n'est pas l'idéal. Nous voulons être en mesure de collecter de meilleures informations, nous y travaillons activement.

Le sénateur Ngo : Vous dites que, jusqu'à présent, vous n'avez aucun contrôle sur les fonds qui entrent au Canada pour des raisons religieuses ou éducatives.

Mme Hawara : Il n'y a pas de restrictions sur l'argent qui entre, sauf si les fonds proviennent d'États commanditaires du terrorisme. Actuellement, nous connaissons les sommes totales qui entrent au Canada et nous avons les listes des entités qui fournissent cet argent.

Le sénateur Ngo : Tout le monde connaît l'Arabie saoudite et certains pays du Moyen-Orient, donc si vous voyez des contributions ou des dons en provenance de ces pays, partagez-vous cette information avec le SCRS ou avec le CANAFE?

M. Bland : Nous examinons la transaction. Nous avons accès à une partie de l'information. Il est parfois difficile de savoir précisément d'où vient l'argent.

Un des risques du secteur, c'est l'utilisation abusive des programmes, vous en avez beaucoup parlé avec le témoin précédent, en lien avec la radicalisation. Lors de nos investigations, nous cherchons à savoir si les activités sont appropriées et si elles sont destinées à remplir les objectifs de bienfaisance. Si tel n'est pas le cas, nous nous en occupons.

Concernant l'argent qui vient de l'extérieur, nous confirmons toujours qu'il est utilisé à des fins appropriées au Canada.

Oui, lorsqu'il y a des inquiétudes, nous avons le pouvoir d'échanger des informations avec la GRC, le SCRS et le CANAFE.

Le président : Vous avez dit partager certaines des inquiétudes qui ont été exprimées autour de cette table à propos des montants qui proviennent principalement d'intérêts en Arabie saoudite et peut-être dans d'autres pays et vous avez parlé d'examiner différents organismes pour vous assurer qu'ils remplissent leurs objectifs de bienfaisance. À cet égard, combien de temps cela vous prendra-t-il pour trouver une solution dans un sens ou dans l'autre, pour contrôler cet argent qui entre et vérifier qu'il est utilisé conformément à ce qui est déclaré. Parlons-nous, là encore, de deux ou trois ans avant de pouvoir identifier les usages détournés de l'argent et d'agir en conséquence?

M. Bland : C'est le travail que nous effectuons depuis plusieurs années pour ce qui est de l'évaluation des organismes posant problème, quand nous avons relevé des indicateurs de risque, cela pour voir si on a bien fait d'enregistrer ces organismes dès le départ. Nous examinons aussi les organismes existants et tentons de décider s'il convient de maintenir leur enregistrement. Voilà exactement le genre de risques de financements du terrorisme.

Nous avons déjà évoqué aujourd'hui ce que nous appelons des organismes fictifs, mais il existe un certain nombre d'autres risques dans ce domaine : détournements de fonds par les administrateurs ou détournements de fonds après qu'un programme a été exécuté; utilisation abusive d'un programme; soutien au recrutement et affiliation à un groupe terroriste. Voici les cinq principaux risques liés aux organismes et à leurs connexions avec le financement du terrorisme.

Dans nos évaluations, nous vérifions tout cela. Comme nous ne nous interrogeons pas sur l'intention coupable, il nous est difficile de déterminer si c'était une fausse déclaration, un organisme fictif ou une personne abusée. Nous nous concentrons sur le détournement de fonds et sur l'utilisation abusive des programmes. On peut dire qu'il s'agit de la majorité des dossiers que nous traitons.

Le sénateur Ngo : Pouvez-vous confirmer que l'ARC a approuvé le financement de programmes universitaires comme celui de l'Université Western Ontario, à London, ainsi que d'autres centres, par l'ancien dictateur libyen Mohammed Kadhafi?

Mme Hawara : Je ne suis pas sûre de pouvoir vous répondre ici et maintenant.

Le sénateur Ngo : Dans ce cas vous pourrez répondre ultérieurement par écrit au président du comité.

Mais j'aimerais avoir la confirmation de l'ARC, car nous voudrions savoir si Kadhafi a financé ces programmes des universités de l'Ontario et d'autres centres et nous voudrions savoir qui contrôlait cela, qui surveillait de telles dépenses et si ces montants ont servi à financer les universités. Et vous connaissez les financements qui vont à l'université? Qui contrôle les dépenses? Est-ce l'université? Surveillez-vous ces dépenses de l'université?

Mme Hawara : Il me semble difficile de répondre à une question précise au sujet d'organismes de bienfaisance en particulier. À ce stade, j'ai en tête les dispositions en matière de confidentialité. Je voudrais bien avoir la possibilité de prendre le temps d'examiner cette question pour voir ce qui peut être communiqué au comité, si cela convient au président.

Le président : Oui, ça va. Si de l'argent est envoyé de sources étrangères vers un organisme de bienfaisance à des fins éducatives, vers une université par exemple, la question est de savoir qui vérifie que la somme est ensuite employée conformément à ce qui a été déclaré.

Mme Hawara : En règle générale, quelle que soit la source de financement, les organismes de bienfaisance doivent respecter les règles. Ils doivent mener leurs propres activités ou financer d'autres donataires reconnus et ils doivent mener des activités dans un but de bienfaisance. Voilà les principales règles de base.

Notre rôle consiste à superviser tout cela. Nous avons un programme de vérification qui nous permet de le faire. Nous ne pouvons pas contrôler tous les organismes de bienfaisance chaque année, hélas — ou heureusement —, nous devons donc nous en tenir à une approche fondée sur l'analyse des risques pour déterminer quels organismes devront faire l'objet d'une surveillance accrue à un moment donné.

Un organisme de bienfaisance enregistré a des obligations vis-à-vis de la Loi de l'impôt sur le revenu et il doit s'y conformer. Notre rôle en tant qu'organisme de contrôle est de vérifier que cet organisme continue de remplir les exigences de l'enregistrement.

Le sénateur Day : C'est exactement là où je voulais en venir, madame Hawara, soit parler d'une approche fondée sur l'analyse des risques. Dans vos remarques vous avez parlé d'une vérification des organismes de bienfaisance enregistrés menée par la Division de la revue et de l'analyse et vous dites appliquer une approche fondée sur l'analyse des risques. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce type d'approche? Quels sont les facteurs que vous considérez comme importants?

Mme Hawara : L'identification de certains critères ou indicateurs de risque permettant de conclure que le niveau de risque est plus élevé pour tel ou tel organisme a demandé beaucoup de travail. En fait, sous la direction de M. Bland, nous avons fait un gros travail dans le cadre d'un projet visant à dégager les vulnérabilités dans le secteur de la bienfaisance. En définitive, les deux facteurs primordiaux qui ont des conséquences sur la vulnérabilité d'un organisme de bienfaisance sont la nature de ses activités et sa proximité avec une menace terroriste ici ou à l'étranger. Ce sont ces organisations qui génèrent le plus haut niveau de risque.

Plus précisément, nous avons constaté à l'analyse d'un certain nombre de cas que les organismes qui fournissent des services — soins de santé, éducation, aide sociale, et cetera —, et qui ont des liens étroits avec une menace terroriste, sont ceux qui présentent le plus grand risque d'utilisation abusive destinée à financer le terrorisme.

Il ne s'agit donc pas de tous les organismes de bienfaisance, mais d'une typologie précise. Nous examinons également d'autres facteurs de risques.

Le sénateur Day : Pourriez-vous préciser ce que signifie « liens étroits avec une menace terroriste »? De quoi parlons-nous?

Mme Hawara : Il y a des parties du monde...

Le sénateur Day : C'est un lien géographique.

Mme Hawara : Oui, c'est un lien géographique. Mais il pourrait y avoir des parties du Canada où il y a davantage d'activités ou des liens avec une communauté qui...

Le sénateur Day : Sans nommer la communauté.

Mme Hawara : Non. Le rapport sur les typologies que j'ai mentionné dans mes remarques liminaires a été rendu public et il alimente maintenant un document sur les meilleures pratiques que le GAFI est en train de mettre en place et que nous codirigeons. Ce document permettra de mieux orienter les législateurs et les gouvernements, mais aussi le secteur lui-même afin qu'il puisse mieux se protéger, étant donné ses vulnérabilités intrinsèques.

Le sénateur Day : J'aimerais poursuivre sur ce sujet, mais je vais passer à une autre question qui, je crois, rejoint la discussion que nous avons eue plus tôt sur l'amélioration de vos technologies informatiques et d'information.

J'ai sous les yeux une copie du rapport de vérification de l'Agence du revenu du Canada rédigé par le Commissariat à la protection de la vie privée en 2013. Vers la fin des constatations, je remarque un point très intéressant, pour ne pas dire troublant, qui se lit comme suit :

Des cas d'accès inapproprié aux dossiers de milliers de contribuables sont passés inaperçus pendant une longue période.

Je suis sûr que vous êtes au courant de cela.

Il est dit, au point précédent :

L'efficacité des contrôles mis en œuvre par l'Agence afin de repérer et de prévenir toute consultation ou utilisation inappropriée de renseignements sur les contribuables par des employés est limitée par l'absence d'un outil automatisé permettant de repérer et de signaler les potentiels cas d'accès inapproprié ainsi que par certaines lacunes au chapitre de la collecte de données permettant d'établir une piste de vérification dans les systèmes informatiques de l'ARC.

Parle-t-on du même système informatique que celui dont vous avez dit que la mise en œuvre peut prendre deux ans?

Mme Hawara : Non. Je faisais particulièrement allusion à l'annonce faite dans le budget de 2014 concernant un investissement de 23 millions de dollars sur cinq ans, expressément destiné aux systèmes de la Direction des organismes de bienfaisance. Notre système actuel héberge toutes les données déclarées par les organismes de bienfaisance pour chaque exercice, et la plus grande partie de ces données est ensuite présentée publiquement sur le site de l'ARC. C'est de ce système en particulier que je parlais.

En même temps que nous modernisons cette base de données, nous allons y intégrer des services électroniques, à savoir des fonctions de demandes et de dépôt de la déclaration de revenus annuelle en ligne.

Je suis désolée, je n'ai pas ce rapport devant moi. Le rapport fait expressément mention des systèmes et des accès d'autres organismes. L'ARC a pris des mesures depuis. Nous avons nommé un chef de la protection des renseignements personnels. Je sais que l'organisme au grand complet connaît en ce moment plusieurs changements, mais ces changements ne visent pas précisément la Direction des organismes de bienfaisance. Je ne suis pas en mesure de fournir, aujourd'hui même, plus d'information sur ce que le chef de la protection des renseignements personnels et son équipe font en ce moment, mais si vous voulez en apprendre davantage, je suis sûre que ça peut se faire.

Le sénateur Day : Rassurez-nous en nous disant que vous travaillez à combler ce nouveau besoin en matière d'amélioration des systèmes informatiques.

Mme Hawara : Je peux vous rassurer. L'ARC prend la chose très au sérieux et notre premier geste a été de désigner un chef de la protection des renseignements personnels. Il y a un plan de travail en place.

La sénatrice Beyak : Vous avez répondu à mes questions sur la révocation des organismes de bienfaisance et des membres de leur conseil d'administration.

Le sénateur Ngo a soulevé une autre question liée aux universités. Si votre audit montrait que de l'argent de l'étranger était versé à une université ou à un autre établissement d'enseignement, pourriez-vous renvoyer l'affaire au SCRS ou à la GRC pour qu'ils fassent enquête dans le cadre de leur mandat sur les activités influencées par l'étranger?

Mme Hawara : Dans la mesure où l'organisation concernée est un organisme de bienfaisance enregistré, le but du financement n'a pas vraiment d'impact. Si nous estimons que l'organisme de bienfaisance n'utilise pas cet argent à des fins de bienfaisance, nous pouvons prendre des mesures, notamment l'échange d'information, s'il s'agit là de la meilleure mesure à prendre dans les circonstances.

Le président : Chers collègues, notre temps tire à sa fin et j'aimerais donc que nous poursuivions avec quelques questions.

Vous avez mentionné que vous veniez tout juste de terminer une étude sur des fonds provenant de l'extérieur et utilisés à des fins politiques. Vous avez dit que cette étude était terminée. Je vous demanderais de présenter les conclusions, si vous le pouvez.

Mme Hawara : Ce n'est pas une étude en soi. Ce que nous avons fait, c'est ajouter des questions à la déclaration annuelle de renseignements dans le but d'obtenir plus d'information sur le financement reçu de l'étranger pour la conduite d'activités politiques. Les données sur la première année complète, celles de 2013, sont maintenant disponibles, et nous pouvons certainement communiquer l'information que nous avons reçue des organismes de bienfaisance à cet égard.

Le président : Pouvez-vous nous donner un chiffre, aujourd'hui?

Mme Hawara : Il n'y en a pas beaucoup, autour de 500. C'est un nombre approximatif. Seuls 500 organismes de bienfaisance déclarent avoir mené des activités politiques et de ce nombre, seuls quelques-uns déclarent avoir reçu du financement de l'extérieur du Canada pour des activités politiques. C'est un très petit nombre, mais nous pouvons tout de même facilement fournir cette information au comité.

Le président : Quand vous parlez de chiffres, vous parlez de dollars ou du nombre d'organismes?

Mme Hawara : Du nombre d'organismes. Je ne connais pas le nombre total, mais je peux sûrement l'obtenir.

Le président : Pourriez-vous nous donner cette information le plus tôt possible?

Mme Hawara : Oui.

Le président : J'aimerais revenir sur un point dont nous avons déjà parlé, celui des administrateurs de ces organismes de bienfaisance. Si je comprends bien, sur le plan de la responsabilité personnelle, les conséquences pour les administrateurs sont minimes, du moins en apparence. Constatez-vous la même chose dans vos actions avec des pays étrangers? Savez-vous si les administrateurs des organismes de bienfaisance aux États-Unis ou au Royaume-Uni peuvent être tenus personnellement responsables s'ils ne respectent pas les objectifs qu'ils ont fixés au départ?

Mme Hawara : Je ne sais pas si je peux répondre à votre question sur ce qui se passe chez nos collègues ailleurs dans le monde ou dans les administrations avec lesquelles nous travaillons le plus fréquemment. Je pense que la responsabilité personnelle de l'administrateur est inexistante, mais je n'en suis pas sûre à 100 p. 100.

Quant à la responsabilité criminelle, lorsqu'une infraction criminelle a été commise, c'est aux autorités policières qu'il incombe de déterminer si ce seuil a été atteint et s'il y a lieu d'engager des poursuites.

De notre point de vue et de celui de la Direction des organismes de bienfaisance ou de l'ARC, nos pouvoirs sont définis dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Une disposition sur les personnes déclarées inaptes nous permet de savoir quelles personnes ne peuvent pas continuer à travailler avec d'autres organismes de bienfaisance enregistrés, mais aucune responsabilité n'est imposée en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je ne peux cependant pas vraiment me prononcer sur les questions pénales.

Le sénateur Mitchell : Si vous me permettez une question complémentaire, je pense que l'idée maîtresse de la question du président était de savoir combien d'argent est versé par des sources internationales à des groupes environnementaux qui l'utilisent ensuite à des fins de lobbying politique. C'est quelque chose que vous pourriez examiner, car le groupe environnemental en question serait un organisme de bienfaisance. Bien sûr, il existe aussi de nombreuses sociétés multinationales appartenant à des intérêts étrangers qui utilisent de l'argent provenant de l'étranger pour faire du lobbying auprès du gouvernement sur des questions politiques. Sans être des organismes de bienfaisance, ces sociétés obtiendraient quand même une déduction fiscale pour les montants dépensés en lobbying. Si nous nous limitons à ne considérer que le type d'information que la Direction des organismes de bienfaisance nous fournit, nous n'aurons jamais qu'un portrait déformé de la réalité.

Mme Hawara : La seule information que j'ai concerne les organismes de bienfaisance enregistrés.

Le sénateur Mitchell : Nous aurons une vision faussée.

Le président : Je crois que pour nous, la vraie question qui se pose aujourd'hui est l'argent qui entre prétendument dans ce pays. Des gens du Service du renseignement nous ont dit, en privé, que des millions de dollars entrent dans ce pays. Vrai ou pas, c'est ce que nous voulons savoir et je suis sûr que vous voulez aussi découvrir comment et à quelles fins cet argent est utilisé. Donc, je pense qu'il est tout à fait légitime de la part du public et de tous les organismes gouvernementaux de vouloir faire la lumière sur cette question.

J'aimerais que vous accélériez votre examen. Un an, c'est long. Deux ans, c'est très long et trois ans, c'est presque l'éternité. Je voulais mettre les choses en contexte et je suis certain que vous vous ressentez la même impatience que moi. Nous espérons que d'ici un an peut-être, vous aurez des nouvelles à nous transmettre sur les progrès réalisés.

Je vous remercie donc beaucoup. Je sais que vous avez été dans la ligne de mire pendant quelques minutes. Vos témoignages ont été très instructifs. Nous apprécions grandement votre présence aujourd'hui. Nous comprenons la gravité de la situation et c'est pourquoi nous tenons cette conversation publique afin que non seulement le public soit informé de ce qui se passe, mais aussi que tous les organismes gouvernementaux comprennent le sérieux de la question.

Chers collègues, nous allons laisser nos témoins quitter la salle et nous poursuivrons le travail de ce comité à huis clos. Merci beaucoup.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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