Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 23 - Témoignages du 5 novembre 2014
OTTAWA, le mercredi 5 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 12, pour étudier la teneur des éléments des sections 5, 7, 17, 20 et 24 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures. SUJET : sections 17 et 20
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse et président de ce comité. J'invite mes collègues à se présenter, à commencer par ma gauche.
La sénatrice Merchant : Bonjour, tout le monde, je m'appelle Pana Merchant et je suis une sénatrice de la Saskatchewan.
La sénatrice Cordy : Je m'appelle Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
Le président : Avant d'accueillir nos témoins, je tiens à mentionner pour mémoire que nous étudions la teneur des éléments apparaissant aux sections 17 à 20 de la partie 4 du projet de loi C-43. Comme vous pouvez le constater, nous allons accueillir un grand nombre de témoins aujourd'hui.
Je vais les présenter deux par deux, dans l'ordre suivant lequel, je pense, ils ont convenu de comparaître.
Tout d'abord, de Sécurité publique Canada, nous accueillons Trevor Bhupsingh, directeur général, Direction générale de l'application de la loi et des stratégies frontalières; et Caroline Fobes, sous-directrice exécutive et avocate générale, Services juridiques.
J'ai cru comprendre, monsieur Bhupsingh, que vous alliez faire l'exposé.
[Français]
Trevor Bhupsingh, directeur général, Direction générale de l'application de la loi et des stratégies frontalières, Sécurité publique Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité, je vous remercie de me donner la possibilité de parler du projet de loi C-43.
Depuis l'établissement de la Banque nationale de données génétiques en 2000, il y a eu un certain nombre de demandes visant la création d'un fichier national des personnes disparues conçu à partir de données génétiques, qui pourrait aider les enquêteurs à trouver des personnes disparues et à identifier des restes humains.
[Traduction]
Au premier rang de ces demandes visant la création d'un fichier des personnes disparues se trouvent des familles, notamment des parents comme Judy Peterson, qui considèrent le fichier des personnes disparues comme une initiative de compassion ou à caractère humanitaire qui peut leur offrir un peu d'apaisement en ce qui concerne le destin de leurs proches disparus. En plus de projets de loi d'initiative parlementaire antérieurs et de pétitions du public, le Sénat et la Chambre des communes ont également demandé la création d'un fichier de données génétiques sur les personnes disparues dans leurs examens respectifs de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. La création d'un fichier des personnes disparues se trouvait également dans les recommandations du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones, ainsi que dans le rapport de la Commission d'enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes disparues en raison du nombre inquiétant de femmes autochtones disparues et assassinées au Canada. Le gouvernement a pris des mesures pour mieux intervenir dans les cas de personnes disparues au Canada.
En 2010, 25 millions de dollars sur cinq ans ont été engagés pour traiter les cas de personnes disparues et assassinées. Par l'entremise de l'initiative en résultant, la Gendarmerie royale du Canada a établi le Centre national pour les personnes disparues et restes non identifiés pour aider les organismes d'application de la loi ainsi que les médecins légistes et les coroners en chef à régler les cas de personnes disparues et de restes non identifiés.
D'autres engagements ont été annoncés dans le cadre du budget 2014, soit 8,1 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2016-2017, pour la création d'un fichier des personnes disparues fondé sur les données génétiques. Par suite de cette annonce, Sécurité publique Canada a collaboré avec la GRC pour élaborer des propositions visant à établir un fichier des personnes disparues fondé sur les données génétiques. L'objectif de ce fichier est de fournir aux organismes d'application de la loi, aux coroners et aux médecins légistes un nouvel outil national dont ils peuvent se servir pour résoudre les cas de personnes disparues et de restes non identifiés.
Tout au long du printemps et de l'été 2014, des consultations ont été tenues avec un certain nombre d'intervenants, lesquelles visaient à examiner les ébauches de propositions dans le but de créer un fichier des personnes disparues. Les principaux intervenants comprenaient notamment : des décideurs des provinces et territoires; des coroners; le Commissariat à la protection de la vie privée; l'Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels;.l'Association canadienne des chefs de police et d'autres membres du secteur de l'application de la loi; le Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques. Par ailleurs, des discussions initiales ont été tenues avec l'Association des femmes autochtones du Canada. Ces consultations ont été très utiles puisqu'elles ont permis d'étayer l'élaboration d'options visant la création d'un fichier des personnes disparues.
Les intervenants ont reconnu la nécessité d'établir un fichier des personnes disparues et ont exprimé leur appui, de même que de nombreux intervenants du secteur de l'application de la loi, indiquant qu'ils utilisent actuellement l'analyse des données génétiques dans les enquêtes sur les personnes disparues et que leurs pratiques actuelles bénéficieraient d'un nouvel outil national fondé sur les données génétiques.
Les modifications législatives, précisées dans le projet de loi à l'étude, visent à permettre aux familles de personnes disparues de tourner la page. Cela sera fait par l'élargissement de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques qui donnera lieu à une nouvelle application d'ordre humanitaire de la Banque nationale de données génétiques, et ce, par la création de trois nouveaux fichiers : le fichier des personnes disparues fondé sur les données génétiques, qui contiendrait les profils génétiques provenant du matériel biologique trouvé sur les effets personnels des personnes disparues; le fichier des restes humains non identifiés, qui contiendrait les profils génétiques provenant de restes humains non identifiés; le fichier des proches des personnes disparues, qui contiendrait les profils génétiques des membres de la famille des personnes disparues et qui servirait à valider le profil génétique des personnes disparues.
Je laisse à mes collègues de la GRC, le commissaire adjoint Bidal et M. Fourney, le soin d'expliquer en détail comment ces nouveaux fichiers fonctionneront. Finalement, je peux vous dire que grâce à cette loi, on s'attend à ce que les policiers disposent d'outils supplémentaires qui les aideront à résoudre les cas de personnes disparues ou de restes non identifiés, ou aider dans des enquêtes en cours.
Merci de m'avoir donné cette occasion de témoigner et je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Juste avant d'accueillir les représentants de la Gendarmerie royale du Canada, je rappelle à tout le monde qu'après ces remarques liminaires, nous passerons aux questions.
Sur ce, je cède la parole à François Bidal, de la Gendarmerie royale du Canada, qui est commissaire adjoint, Services des sciences judiciaires et de l'identité; il est accompagné de Ron Fourney, directeur, Science et partenariats stratégiques, Services des sciences juridiques et de l'identité.
Je crois savoir que c'est vous, monsieur Bidal, qui serez le premier à prendre la parole.
[Français]
François Bidal, commissaire adjoint, Services des sciences judiciaires et de l'identité, Gendarmerie royale du Canada : Sénateurs et sénatrices, j'aimerais vous présenter un bref aperçu des modifications législatives proposées, vous décrire les cinq nouveaux fichiers dont la création est envisagée, vous expliquer de quelle manière ces fichiers viendraient appuyer les enquêtes sur les personnes disparues et les restes humains non identifiés, et renforcer l'actuel régime d'identification par l'ADN au Canada.
[Traduction]
Promulguée en 2000, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques régit l'utilisation de I'ADN à des fins d'identification des criminels au Canada. Elle a permis la création de la Banque nationale de données génétiques, ou BNDG.
La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques a également permis la création de deux fichiers : le fichier des condamnés, qui renferme le profil génétique des contrevenants condamnés pour une infraction désignée; et le fichier de criminalistique, qui contient le profil génétique de personnes inconnues, les données provenant de matériel biologique trouvé sur des scènes de crime.
L'ADN est abondamment utilisé dans le cadre d'enquêtes criminelles. Au Canada, la BNDG a servi jusqu'ici à appuyer des enquêtes menées sur plus de 2 200 meurtres, 3 800 agressions sexuelles et 24 000 autres infractions désignées.
[Français]
D'autres pays, tels que les États-Unis et le Royaume-Uni, se servent de l'ADN dans le cadre des enquêtes sur les personnes disparues et les restes humains non identifiés. À l'heure actuelle, cela n'est pas possible au Canada.
[Traduction]
Les modifications proposées à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques permettraient d'étendre l'utilisation de l'ADN en tant qu'outil d'identification aux enquêtes sur les personnes disparues et les restes humains non identifiés en facilitant la création de trois nouveaux fichiers : le premier serait le fichier des personnes disparues — qui contiendrait le profil génétique des personnes disparues. Ce profil serait établi grâce aux empreintes génétiques tirées d'effets personnels, comme une brosse à dents ou un vêtement.
Le deuxième serait le fichier des restes humains — qui renfermerait les empreintes génétiques tirées de restes humains trouvés.
Le troisième serait le fichier des proches parents des personnes disparues — qui contiendrait les empreintes génétiques fournies volontairement par des proches de personnes disparues. Ce fichier servirait soit à confirmer le profil génétique des personnes disparues, soit à le comparer aux données du fichier des restes humains.
Pour assurer l'utilisation la plus efficace possible de ces nouveaux outils, les données du fichier des personnes disparues et de celui des restes humains seraient comparées aux quelque 400 000 profils génétiques saisis dans le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique.
Je tiens à signaler que les profils génétiques du fichier des proches parents de personnes disparues ne seraient pas comparés aux données des fichiers sur les criminels. Ces profils seraient utilisés uniquement pour des comparaisons avec les données du fichier des personnes disparues et de celui des restes humains.
[Français]
Les modifications législatives proposées viendraient aussi renforcer les opérations actuelles de la Banque nationale de données génétiques.
[Traduction]
À l'heure actuelle, la loi interdit l'utilisation de l'ADN des victimes et des personnes qui pourraient vouloir fournir des données génétiques pour faire avancer une enquête criminelle.
Pour remédier à ces lacunes, la nouvelle loi permettrait la création de deux fichiers supplémentaires : le fichier des victimes contiendrait le profil génétique des victimes d'actes criminels. Les profils seraient téléchargés dans un certain nombre de situations, notamment lorsqu'une victime fournit volontairement un échantillon.
Le fichier des victimes aiderait la police à identifier des criminels en série et à établir des liens avec des scènes de crime. Le fichier des donneurs volontaires renfermerait des échantillons génétiques fournis volontairement par des personnes autres que la victime pour faire avancer une enquête criminelle, une enquête sur une personne disparue ou une enquête sur des restes humains non identifiés. Ce fichier servirait principalement à exclure des individus d'une enquête.
Enfin, les modifications législatives proposées auraient pour effet d'assurer l'uniformité des dispositions sur la conservation des profils génétiques pour les condamnés et pour les contrevenants qui ont reçu une absolution sous condition ou une absolution inconditionnelle. Ces modifications viendraient remédier à des situations où la GRC conserve des profils génétiques qu'elle devrait détruire et détruit des profils qu'elle devrait conserver.
[Français]
J'aimerais maintenant expliquer les dispositions prévues à la loi pour assurer l'utilisation adéquate des nouveaux fichiers et la mise en place des mesures de protection des renseignements personnels.
[Traduction]
Premièrement, le fait d'utiliser ou de communiquer de l'information génétique à des fins autres que celles qui sont précisées dans la loi demeurerait une infraction criminelle.
Deuxièmement, la loi créerait une exigence à deux volets dans le cas des enquêtes sur des personnes disparues. Ainsi, avant qu'un profil génétique puisse être ajouté à la Banque nationale de données génétiques, les enquêteurs devraient prouver les deux faits suivants à la GRC : il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'une analyse génétique facilitera la réalisation d'une enquête en cours, les autres techniques d'enquête ont été appliquées sans produire les résultats espérés, ou l'urgence l'exige.
Troisièmement, dans les cas où le profil génétique d'une personne disparue correspondrait au profil établi à partir d'une scène de crime, la GRC communiquera cette information aux enquêteurs uniquement à des fins humanitaires.
Pour se servir de l'information associée à une telle correspondance dans le cadre d'une enquête criminelle, l'enquêteur devrait faire la preuve qu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner que cette information faciliterait la réalisation de l'enquête ou l'engagement de poursuites relatives à une infraction désignée.
Quatrièmement, pour tenir compte du fait que le fichier des proches parents des personnes disparues, le fichier des victimes et le fichier des donneurs volontaires contiendraient des profils volontairement fournis, la nouvelle loi prévoirait plusieurs dispositions relatives au consentement. Pour soumettre un profil génétique au fichier des proches parents des personnes disparues, au fichier des victimes ou au fichier des donneurs volontaires, il faudra obtenir le consentement éclairé du donneur. Quiconque fournit volontairement un échantillon génétique pourra retirer son consentement en tout temps, ce qui provoquera d'office le retrait du profil de la Banque nationale de données génétiques.
Enfin, la GRC se tiendra régulièrement en rapport avec les organisations chargées des enquêtes pour s'assurer que les profils génétiques soumis demeurent associés à une enquête en cours et que le donneur n'a pas retiré son consentement éclairé.
Sur le plan des opérations, ces modifications législatives viendront appuyer le travail effectué dans deux secteurs de programme de la GRC : la Banque nationale de données génétiques et le Centre national pour les personnes disparues et les restes non identifiés.
[Français]
Les fonds prévus dans le budget de 2014 serviront à créer et à entretenir l'infrastructure dont la GRC a besoin pour administrer les cinq nouveaux fichiers pour fournir un soutien technique et scientifique aux enquêteurs et pour assurer la coordination de l'information à l'échelle nationale.
[Traduction]
Ni la BNDG ni les Services nationaux de laboratoire judiciaire ne réaliseront d'analyses génétiques pour le compte de la police, des coroners ou des médecins légistes. La GRC travaillera plutôt avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada dans les mois à venir afin de recenser les laboratoires privés où les provinces et les territoires pourront faire faire des analyses génétiques pour des motifs humanitaires.
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous parler aujourd'hui.
Le président : Nous allons maintenant passer au Commissariat à la protection de la vie privée. Nous accueillons Dan Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada; et Carman Baggaley, conseiller stratégique principal des politiques.
C'est vous, n'est-ce pas, monsieur Therrien, qui allez nous présenter votre position?
[Français]
Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de cette invitation à venir présenter notre point de vue concernant le projet de loi C-43.
Je suis accompagné aujourd'hui de Carman Baggaley, analyste principale des politiques.
Les modifications devant vous ont deux objectifs : le premier, de nature humanitaire, est d'aider au déroulement d'enquêtes visant à retrouver les personnes disparues et à identifier les restes humains. Le deuxième objectif est de donner de nouveaux outils en aide au déroulement d'enquêtes criminelles, donc en matière d'application de la loi.
Le projet de loi, comme il a été expliqué, propose d'atteindre ces deux objectifs par la création de cinq nouveaux fichiers fondés sur l'ADN.
Je suis bien sûr d'accord que la société est bien servie par la recherche de personnes disparues et l'identification de restes humains et qu'il est raisonnable de constituer une Banque nationale de données génétiques pour parvenir à cette fin. De plus, je comprends que la Banque nationale de données génétiques joue un rôle important et précieux au chapitre de l'application de la loi.
Cela dit, j'ai quelques réserves concernant la façon dont le projet de loi confond ces deux objectifs bien distincts et bien différents. Plus particulièrement, je m'interroge sur la mesure dans laquelle le projet de loi autorise le croisement de données entre les nouveaux fichiers proposés pour retrouver les personnes disparues, donc pour la fin humanitaire, et les fichiers de criminalistique et des condamnés existants, qui sont utilisés à des fins d'application de la loi.
Lorsque les familles fournissent des effets personnels d'une personne disparue ou leurs propres prélèvements biologiques, elles le font pour des raisons humanitaires, soit pour retrouver une personne disparue ou identifier des restes humains. Selon nous, cette intention devrait être respectée et toute utilisation ultérieure à des fins d'application de la loi des profils constitués devrait être soit interdite, soit rigoureusement encadrée.
Le projet de loi, comme il a été expliqué, reconnaît déjà que les profils des parents des personnes disparues ne doivent servir qu'à des fins humanitaires en étant comparés uniquement aux fichiers des personnes disparues ou à celui des restes humains. Je considère que l'utilisation du profil d'une personne disparue devrait faire l'objet des mêmes restrictions que celles qui s'appliquent aux parents de la personne disparue.
Le projet de loi autorise la comparaison de profils de personnes disparues et de restes humains avec le fichier de criminalistique et le fichier des condamnés, soulevant ainsi la possibilité d'une correspondance entre une personne disparue et une scène de crime ou un condamné.
En outre, le projet de loi autorise l'utilisation des correspondances pour enquêter sur une infraction désignée, si l'organisme d'application de la loi a des motifs raisonnables de croire que l'information pourrait lui être utile pour les besoins de l'enquête ou de poursuites relatives à l'infraction désignée.
[Traduction]
Utiliser l'information recueillie à une fin — soit identifier des restes humains — et s'en servir à une autre fin, comme associer l'ADN d'une personne disparue à celui retrouvé sur une scène de crime, irait à l'encontre du principe selon lequel les renseignements personnels ne doivent servir qu'aux fins auxquelles ils ont été recueillis.
Si l'on décide tout de même de permettre que des profils de personnes disparues soient comparés au fichier de criminalistique et que les correspondances éventuelles servent à l'application de la loi, le parent qui a fourni les effets personnels de la personne disparue devra être informé que le profil sera comparé et il devra y consentir.
Nous sommes également préoccupés par les modifications à la loi qui augmenteraient l'échange d'information avec des États étrangers ou des organisations internationales. En effet, le projet de loi leur permettrait d'envoyer un profil à la BNDG en vue de le comparer non seulement aux fichiers de criminalistique et des condamnés comme en ce moment, mais également aux fichiers des personnes disparues et des restes humains. De plus, le commissaire de la GRC pourra envoyer à un État étranger ou à une organisation internationale des profils tirés des fichiers des personnes disparues et des restes humains.
Ainsi, on ouvre la voie à une correspondance possible entre un profil de scène de crime étranger et le profil d'un Canadien disparu, impliquant par le fait même la personne disparue dans un crime commis à l'étranger. Ou à l'inverse, un étranger porté disparu pourrait être impliqué dans un crime commis au Canada. La décision de communiquer ces renseignements appartient au commissaire de la GRC, mais il demeure que l'échange d'information au sujet de telles correspondances pourrait avoir lieu.
Compte tenu des préoccupations que nous avons exprimées sur le recours aux profils de personnes disparues dans l'application de loi, et sachant qu'à deux reprises des comités du Sénat chargés d'examiner la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques se sont dits préoccupés par la possibilité d'échange de renseignements avec un État étranger concernant une infraction qui pourrait ne pas en être une au sens des lois canadiennes, je vous encourage fortement à retirer du projet de loi les modifications proposées qui ont pour effet d'accroître l'échange d'information à l'échelle internationale.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci à tous.
La sénatrice Seidman : J'aimerais qu'on explique davantage de quelle façon l'infrastructure sera créée. Il semble que cela exige la participation de nombreux partenaires. Je ne suis pas certaine que ce soit réellement le cas.
Monsieur Bidal et monsieur Bhupsingh, vous avez tous les deux parlé du budget 2014 et des fonds qui sont utilisés pour mettre en place une infrastructure — dans votre cas, monsieur Bidal, vous parlez d'une infrastructure au sein de la GRC. J'ignore la participation réelle de Sécurité publique Canada.
Comment allons-nous nous assurer que les ressources adéquates seront attribuées afin de mettre en œuvre ces quelque cinq nouveaux fichiers, c'est bien cela? Cela représente une tâche énorme à certains égards. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a publié un rapport en 2010 à ce sujet et a souligné que ce projet présentait de nombreuses difficultés, dont certaines sont de nature logistique.
Pouvez-vous nous dire comment vous prévoyez le déroulement du processus, quel est le calendrier d'exécution prévu, quelles ressources sont envisagées?
M. Bidal : Comme nous l'a mentionné mon collègue Trevor, des crédits budgétaires ont déjà été attribués afin de fournir les éléments fondamentaux au Centre national pour les personnes disparues ainsi qu'à la Banque nationale de données génétiques. L'infrastructure est maintenant en place.
En ce qui concerne les services additionnels qu'on nous demande de considérer, les allocations projetées dans le budget 2014 seraient suffisantes pour soutenir les nouveaux fichiers tels qu'ils sont présentés aujourd'hui dans la mesure législative proposée.
Nous avons déjà reçu l'allocation pour les éléments fondamentaux. Pour ce qui est de fournir les services additionnels relatifs aux fichiers des personnes disparues, tels que décrits précédemment, les fonds projetés dans le cadre du budget 2014 suffiront à soutenir la gestion des nouveaux fichiers proposés.
La sénatrice Seidman : Vous avez mentionné dans votre présentation que le financement prévu dans le budget 2014 servira à créer et à gérer l'infrastructure des cinq fichiers au sein de la GRC, à procurer un soutien technique et scientifique aux enquêteurs et à coordonner l'information à l'échelle nationale.
M. Bidal : Des ressources supplémentaires sont requises afin de maintenir ces nouveaux fichiers. C'est ce qui est proposé dans le budget 2014 et, en tant que représentant de la GRC, je confirme qu'elles sont suffisantes pour les deux services. Le Centre national pour les personnes disparues est celui qui reçoit les données, c'est l'endroit où la police communique avec les enquêteurs et les coroners des différentes provinces. L'autre service est la Banque nationale de données génétiques, où les nouveaux fichiers devraient physiquement être installés. Les fonds proposés dans le budget 2014 sont suffisants pour financer l'infrastructure scientifique pertinente ainsi que le personnel de soutien approprié.
La sénatrice Seidman : Ce projet requiert du personnel de soutien?
M. Bidal : Oui.
La sénatrice Seidman : Vous aurez cette capacité?
M. Bidal : Certainement.
La sénatrice Seidman : Vous avez dit que dans les mois à venir, vous désignerez des laboratoires du secteur privé que les provinces et territoires pourront utiliser pour faire faire ces analyses génétiques.
Comment allez-vous assurer la protection des renseignements personnels et la responsabilisation des laboratoires privés?
Ron Fourney, directeur, Science et partenariats stratégiques, Service des sciences judiciaires et de l'identité, Gendarmerie royale du Canada : Le recours à des laboratoires judiciaires privés existe depuis plusieurs années. À l'occasion, notre propre laboratoire à la GRC fait appel à un laboratoire judiciaire privé pour obtenir des conseils. La science et la technologie applicables à la recherche de personnes disparues seront les mêmes technologies qui sont appliquées dans les laboratoires judiciaires privés. Les deux services observent également les mêmes exigences relatives à l'assurance qualité — appelée la norme ISO17025 — qui régit les essais effectués dans les laboratoires d'analyse, de même que l'utilisation de la composante médico-légale KP1578. Tout ceci est déjà en place : la structure, le processus et la même monnaie d'échange scientifique, les mêmes technologies que nous utiliserions.
Afin d'assurer spécifiquement la protection des renseignements personnels et la sécurité et offrir un soutien aux corps de police, un grand nombre de ces laboratoires effectuent des analyses qui peuvent sortir du cadre établi des laboratoires judiciaires publics. Cela existe déjà. Ils doivent fournir le niveau de protection et de sécurité requis associé à ces échantillons.
Lorsqu'il s'agit d'identification par empreintes génétiques, ces laboratoires peuvent effectuer des recherches de paternité, collaborer avec Emploi et Immigration Canada et d'autres organismes fédéraux. Ce qui est important, c'est que de nombreux processus en place répondront à nos besoins. En ce qui a trait à notre propre structure, nous prévoyons organiser un contrôle technique de ces laboratoires avant de lancer le projet, afin de pouvoir les approuver à l'avance.
[Français]
La sénatrice Chaput : J'aimerais commencer par féliciter Sécurité publique Canada. J'ai écouté votre présentation et il y a trois facteurs qui m'ont vraiment frappée.
Vous avez mentionné que vous avez pris en considération des recommandations de rapports subséquents. Vous avez également indiqué que vous avez fait une consultation avec les organismes et qu'il y a une collaboration entre la Sécurité publique Canada et la GRC.
Je dois reconnaître que ce sont trois éléments positifs qui, souvent, nous donnent une meilleure chance de succès.
Mais vous vous retrouvez avec plusieurs fichiers, plusieurs profils et une banque de données assez exhaustive.
J'ai une préoccupation au sujet des mesures de contrôle de communication des renseignements personnels. À votre avis, l'échange de renseignements sera-t-il suffisamment protégé? Et le cas échéant, de quelle façon le sera-t-il?
[Traduction]
M. Bhupsingh : Je crois que vous avez raison. Lorsque nous avons commencé à élaborer ce projet, nous essayions d'équilibrer des intérêts différents : un intérêt humanitaire nous poussant à solutionner certains cas et l'obligation de protéger des renseignements très personnels. Avec cette disposition législative, nous avons tenté d'introduire un certain nombre de mesures dans le but d'équilibrer ces intérêts divers. De plus, ces mesures aideront à atténuer les préoccupations liées à la protection des renseignements personnels que mon collègue, le commissaire à la protection de la vie privée — et d'autres — ont mentionnées.
Nous avons instauré des critères législatifs pour que le profil d'identification génétique puisse être ajouté au fichier des personnes disparues. Mon collègue de la GRC a expliqué quels types de critères nous utilisons dans ces cas particuliers.
Nous mettons en œuvre également des règlements visant à assurer que les profils génétiques soient passés en revue régulièrement, afin d'être conservés ou détruits, conformément aux exigences actuelles en matière de vie privée.
Enfin, nous mettons en place des critères législatifs afin que l'information recueillie par l'organisme MPI puisse être utilisée dans les enquêtes criminelles. Mon collègue de la GRC a mentionné que cette option sera discrétionnaire et ne sera utilisée que dans des circonstances très précises.
La sénatrice Chaput : Quand vous parlez de mettre en œuvre des règlements, voulez-vous dire qu'ils ont déjà été élaborés ou attendez-vous l'adoption de ce projet de loi pour poursuivre?
M. Bhupsingh : Nous voulons mettre en œuvre des règlements, ils n'ont pas été créés encore. Nous sommes en train de les élaborer. Nous travaillons sur cette proposition depuis quelque temps déjà. Depuis de nombreuses années, il y a une demande pour un fichier de personnes disparues. Nous avons beaucoup progressé dans la mise en œuvre de ces règlements et nous serons prêts à les mettre en œuvre si le projet de loi est adopté.
[Français]
La sénatrice Chaput : Pourquoi ne pas les avoir inclus dans le projet de loi? Parce qu'il y a des sections de ce projet de loi où les règlements sont inclus et d'autres où ils ne le sont pas.
Pourquoi n'avez-vous pas inclus les règlements afin qu'on puisse avoir une bonne idée de la façon avec laquelle vous allez protéger l'information?
[Traduction]
M. Bhupsingh : Je vais laisser ma collègue des services juridiques expliquer le processus de rédaction de la législation et pourquoi nous ne sommes pas tout à fait prêts à inclure les règlements dans le projet de loi.
Le président : Nous savons que les règlements sont généralement élaborés après l'adoption du projet de loi, donc il n'est pas nécessaire d'expliquer ce point. C'est une pratique courante en matière de législation. Les règlements n'ont pas été finalisés, mais si le projet de loi est adopté, vous terminerez leur élaboration, c'est bien cela?
M. Bhupsingh : C'est exact, monsieur le président.
Le président : Cela répond-il à votre question?
La sénatrice Chaput : Oui. C'est que parfois, les projets de loi incluent les règlements et parfois ils ne les incluent pas. C'est pourquoi j'ai posé la question.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur Bidal, je voulais vous demander d'expliquer le caractère volontaire associé à ces trois nouvelles bases de données. Pouvez-vous répéter quels fichiers ont un caractère volontaire?
M. Bidal : Il y a le fichier des victimes, le fichier des donneurs volontaires et le fichier des proches parents des personnes disparues.
La sénatrice Nancy Ruth : Si une personne est portée disparue et que vous demandez à la famille, ou à un proche, de fournir une brosse à dents ou un vêtement, ont-ils l'obligation de fournir l'article?
M. Bidal : Non.
La sénatrice Nancy Ruth : Alors, expliquez-nous comment cela fonctionne.
M. Bidal : Ils ne sont pas tenus de fournir l'article parce que c'est pour une enquête à motif humanitaire. Dans le cas que vous venez de mentionner, l'enquêteur de première ligne demanderait à des membres de la famille s'ils désirent fournir des articles, tels qu'une brosse à dents ou un vêtement. Un échantillon d'ADN pourrait être développé à partir de cet article, puis le profil génétique de la personne disparue pourrait être ajouté au fichier.
La sénatrice Nancy Ruth : Les recherches et les consultations que vous avez menées auprès de différents groupes vous permettent-elles d'être confiant que cela se produira?
M. Bidal : Dans de nombreux cas, les familles désirent explorer tous les moyens qui permettront d'identifier ou de retrouver l'être cher.
La sénatrice Merchant : Je continuerai sur le sujet de l'aspect volontaire. Croyez-vous que les pires criminels, pour lesquels nous aimerions avoir un échantillon d'ADN — peut-être les gens les moins enclins à fournir un échantillon à une banque de données, à cause des implications possibles —, s'inquiéteraient des autres usages qu'on pourrait en faire?
M. Bidal : Très possiblement. C'est pourquoi il faudra obtenir le consentement éclairé de la personne, qui sera placée dans une position où elle est en mesure de comprendre les conséquences ou les répercussions que cet échantillon peut entraîner. Une fois que la personne a donné son consentement, elle est également libre de le retirer. En fait, elle a le contrôle sur son profil génétique dans la banque de données. La personne a fourni l'échantillon de façon éclairée et elle est aussi libre de le retirer en tout temps du fichier.
La sénatrice Merchant : Il y a toujours un manque de confiance lorsqu'on soumet des données importantes — pas toujours, mais souvent. Tenant compte de ce que M. Therrien a dit, pourquoi croyez-vous qu'il est important de révéler cette information à un pays étranger? Pourquoi cet aspect fait-il partie du projet de loi? Devrait-il y avoir un amendement dans ce cas?
M. Bidal : Certaines personnes disparaissent à l'étranger; par conséquent, nous devons posséder les outils nécessaires pour identifier ces personnes pour des motifs humanitaires, si l'enquête nous mène au-delà des frontières du Canada. Il existe des ententes qui nous autorisent de le faire et nous respectons, bien sûr, la légalité de ces ententes en ce qui a trait à la manière dont ces informations sont échangées. Si nous devions échanger des renseignements avec un autre pays, ce serait en conformité avec la législation.
Le président : Monsieur Bidal, pour poursuivre avec cette question, est-il inscrit dans la description complète fournie au donneur d'ADN potentiel que ses informations pourraient être utilisées dans d'autres pays?
M. Fourney : Oui, cela fait partie du formulaire de consentement éclairé. Il est très important que le donneur ou la personne concernée comprenne parfaitement quelles sont les ramifications possibles. J'ajouterai que nous développons notre processus parallèlement à d'autres programmes existants qui se sont avérés efficaces, particulièrement aux États- Unis.
M. Therrien : Je suis certainement d'accord avec l'objectif humanitaire entourant la création de ces fichiers. Je dirai même que la législation proposée comporte de nombreuses mesures de protection des renseignements personnels. Cependant, je me sens obligé de souligner un point à propos de l'information fournie volontairement; ceci est vrai dans le cas de certaines banques de données et de certains fichiers, mais pas tous les fichiers. J'aimerais que le comité se penche là-dessus. Par exemple, si une personne est disparue et des proches fournissent leur propre ADN pour pouvoir identifier la personne disparue, cet échantillon est donné volontairement et le consentement des donneurs peut être retiré, comme il a été expliqué précédemment. Vraisemblablement, c'est parce que la législation proposée reconnaît le caractère humanitaire de la démarche des membres de la famille qui donnent un échantillon de leur ADN.
Lorsqu'il s'agit d'une personne disparue, cette personne n'est pas là pour donner son consentement. On demandera à un proche de fournir des effets personnels de la personne disparue. Je ne suis pas certain que le parent à ce moment-là est au courant que l'information ne servira pas seulement à des fins humanitaires, soit à identifier la personne disparue, mais qu'elle pourrait également être utilisée — et je conviens qu'il existe des mesures de protection de la vie privée et des critères législatifs — pour associer la personne disparue à un crime en tant que contrevenant; mais je n'en suis pas sûr.
Le comité devrait étudier la différence de traitement entre l'information fournie par un parent, laquelle ne sert qu'à des fins humanitaires et l'information fournie sur la personne disparue par un parent, laquelle peut servir aux fins d'une enquête criminelle.
Le président : Monsieur Bidal, en ce qui concerne le parent qui autorise l'utilisation de l'ADN de la personne disparue, le parent est-il clairement informé des implications possibles, y compris la vérification d'empreintes digitales sur les lieux présumés d'un crime, et ainsi de suite?
M. Fourney : Oui, ce sera mentionné sur le formulaire de consentement éclairé.
Le sénateur Enverga : Merci pour votre présentation. Si j'ai bien compris, l'ADN des gens sera enregistré dans la base de données; est-ce exact? Quelle comparaison pouvez-vous établir entre le présent projet de loi et la législation correspondante dans d'autres pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni? Notre législation est-elle d'avant-garde, d'après vous?
M. Fourney : Premièrement, les membres du groupe qui s'occupe des comparaisons de profils d'ADN collaborent bien ensemble partout dans le monde. Nous nous réunissons pour des conférences et participons à des groupes de travail interactifs, tels que le Scientific Working Group for DNA Analysis Methods, organisé par mes collègues américains. La bonne nouvelle est que nous parlons d'une même voix et que nous utilisons la même technologie. Ce n'est pas une situation où l'on compare des pommes avec des oranges. Nous comparons des choses comparables.
Deuxièmement, nous avons la chance de pouvoir utiliser un outil technologique pour la gestion et la comparaison des profils d'ADN appelé le Combined DNA Index System ou CODIS. Au Canada, lorsque nous avons commencé à développer notre banque de données nationale en 1999, nous étions incertains de la façon dont nous devions effectuer ces recherches et ces correspondances. Heureusement, nous travaillions avec nos collègues aux États-Unis et au département de la Justice, par l'intermédiaire du FBI, qui nous ont fourni le système CODIS, gratuit pour tous les organismes d'application de la loi au monde.
Nous sommes l'un des 42 pays qui utilisent exactement la même méthode de comparaison et de correspondance. J'ajouterai que le système comporte une composante de cryptage de sécurité intégrée. À la Banque nationale de données génétiques, les seules personnes qui peuvent accéder aux comparaisons de profils dans les fichiers sont celles qui y travaillent.
Nous utilisons le système CODIS pour communiquer une correspondance à nos collègues au Canada. Lorsque la recherche s'effectue à l'extérieur du Canada, nous avons un protocole d'entente établi par l'intermédiaire d'Interpol qui nous permet d'utiliser ce que nous appelons le réseau fédérateur I-27, un réseau crypté sécurisé et une méthode réglementaire. Nous sommes très circonspects sur l'information que nous fournissons et sur ce que nous pouvons envoyer.
Chaque pays a le contrôle sur ce qu'il peut envoyer et fournir comme information, conformément à sa propre législation.
La sénatrice Cordy : Il est dommage que les amendements portant sur les fichiers des personnes disparues soient enfouis dans un projet de loi de 460 pages; mais vous n'êtes pas à blâmer pour cela.
Monsieur Therrien, vous avez exprimé vos préoccupations concernant le partage d'informations avec les États étrangers et mentionné que le commissaire de la GRC pouvait envoyer des renseignements aux États étrangers et que les États étrangers pouvaient nous faire des demandes d'informations. Pouvez-vous nous faire part de vos préoccupations à propos de la protection des renseignements personnels dans ces cas-là?
M. Therrien : Mes préoccupations à ce sujet sont semblables à ce que j'ai mentionné plus tôt, on ne doit pas traiter les requêtes à caractère humanitaire de la même façon que les requêtes visant l'application de la loi, même dans notre propre pays.
Je recommande par conséquent que l'échange d'informations avec les pays étrangers s'effectue selon le même principe, soit de traiter les requêtes à motif humanitaire différemment des requêtes visant l'application de la loi.
La sénatrice Cordy : Donc il ne peut y avoir de pollinisation croisée, si je peux m'exprimer ainsi?
M. Therrien : C'est exact.
La sénatrice Cordy : Monsieur Bidal, lorsque vous parliez des critères législatifs, vous avez mentionné des motifs raisonnables qui permettraient de soupçonner qu'une analyse génétique faciliterait la réalisation d'une enquête en cours. Quelle serait la définition de « motifs raisonnables »?
M. Bidal : Je laisserai ma collègue des services juridiques, Mme Fobes, répondre à cette question.
Caroline Fobes, sous-directrice exécutive et avocate générale, Services juridiques, Sécurité publique Canada : Nous devons établir un contraste entre « motifs raisonnables de soupçonner » et « motifs raisonnables de croire ». « Motifs raisonnables de soupçonner » sous-entend que nous sommes dans le domaine des possibilités et pas encore de la probabilité. On suppose ou on dispose d'assez d'éléments de preuve fondés sur des faits — donc pas de certitude généralisée, mais un soupçon fondé sur des faits — se rapportant au cas spécifique, qui indiquent la possibilité qu'une analyse génétique facilite l'enquête, qu'il s'agisse d'une enquête criminelle ou de la recherche d'une personne disparue.
La sénatrice Cordy : Croyez-vous que les proches d'une personne disparue pourraient vous demander qu'un profil génétique soit utilisé dans l'enquête? Cela pourrait-il arriver?
M. Bidal : Cette conversation aurait lieu entre l'officier de police de première ligne chargé de l'enquête et la famille, avant de parvenir à nous.
Il faut prendre note également que l'analyse génétique serait utilisée en dernier recours; nous devons attendre que le service de police ait épuisé toutes les autres pistes de recherche avant de recourir au profil d'ADN. Dans de nombreux cas, nous n'aurions pas d'échantillon d'ADN. Les recherches reposeraient sur d'autres techniques d'investigation.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci d'être venus aujourd'hui. Pour en revenir aux laboratoires et aux essais indépendants, j'aimerais être assurée que vous verrez à la sélection des laboratoires ou que vous collaborerez avec les provinces. Combien y en a-t-il? Y en aura-t-il 11 ou 12, combien? Seront-ils évalués régulièrement afin de déterminer s'ils suivent les protocoles et tout le reste?
M. Fourney : Il y a actuellement trois laboratoires judiciaires privés en opération au Canada. Les trois sont accrédités et les trois utilisent exactement les mêmes technologies.
Afin d'avoir recours à leurs services dans le cas d'enquêtes sur les personnes disparues, nous devrons certainement visiter leurs installations au préalable, effectuer des vérifications techniques pour les évaluer et nous assurer que tout est en ordre en ce qui a trait au processus d'analyse.
Voilà comment nous procédons généralement. Nous soumettons les laboratoires à un genre de test de compétence anonyme associé au type de résultats escomptés à l'aide de la technologie réglementaire, avant de leur commander des analyses. Ils doivent subir tous les contrôles rigoureux et remplir toutes les conditions.
S'ils passent tous les tests et qu'un enquêteur de la police, par exemple, les sollicite pour retrouver une personne disparue, nous recevrons l'ensemble des données brutes issues de l'analyse. Autrement dit, nous n'obtiendrons pas seulement un numéro, mais également le résultat de tous les tests, les contrôles négatifs et positifs, nous saurons quelles mesures de protection des renseignements personnels sont en place et si le profil d'ADN présente quelque particularité. Nous disposerons de toute cette information pour évaluer chaque cas.
En fait, de bien des façons, tout sera évalué deux fois : des essais seront effectués au laboratoire judiciaire privé, puis notre propre équipe d'experts analysera l'échantillon avant que l'information ne soit téléversée dans la Banque nationale de données ou dans le fichier des personnes disparues.
Nous devons également garder à l'esprit que chaque recherche nous donnera l'occasion de passer le système en revue. Puis nous effectuerons un suivi de vérification dans les laboratoires, probablement une fois par année, pendant lequel nous procéderons à l'étude d'une série de dossiers choisis au hasard afin de nous assurer que tout est conforme. Ceci n'est pas différent des vérifications effectuées dans une clinique médicale ou un hôpital.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est rassurant.
Pouvez-vous m'expliquer le processus? La police recueille l'ADN, vraisemblablement, et ensuite, est-ce qu'elle vous l'envoie pour que vous le transmettiez au laboratoire? Quel est le chemin parcouru entre le service de police local et cette banque de données?
M. Fourney : Nous sommes en train d'y travailler, mais si on regarde comment ça fonctionne dans d'autres organisations, on voit que le service de police est le premier à être contacté en vue d'une enquête pour personne disparue. Dans notre cas, pour une personne disparue, on s'adresserait au Centre national pour les personnes disparues et restes non identifiés. C'est lui qui entrerait en communication avec ce qu'on appelle l'enquêteur principal, qui peut être autant un coroner qu'un client de la police.
Si on peut confirmer à ce moment-là avoir en main suffisamment de renseignements pour justifier l'analyse de l'ADN, le centre reçoit le feu vert et fait appel à l'un de ces laboratoires accrédités, examinés — le processus se déroule et le résultat de l'analyse de l'ADN nous est communiqué.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie.
La sénatrice Seth : Merci de vous être déplacé. On a répondu à plusieurs de mes questions parce que je suis la dernière sur la liste et je m'excuse pour mon retard.
Vous avez déclaré que les modifications proposées à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques étendront l'application de l'identification par l'ADN aux méthodes d'enquête employées en cas de disparition d'une personne ou de découverte de restes humains, et ce, grâce à la création de trois nouveaux fichiers. Vous avez créé trois nouveaux fichiers, à ce que je vois.
Je ne suis pas certaine d'avoir compris la dernière partie. Pour assurer la meilleure utilisation possible de ces nouveaux fichiers, les données du fichier des personnes disparues et du fichier des restes humains seront comparées à quelque 400 000 profils génétiques uniques contenus dans le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique. Est- ce que vous pourriez préciser ce que cela veut dire?
M. Bidal : Par exemple, il y a souvent des liens entre les scènes de crime. Si nous n'avons pas, par exemple, l'ADN de la victime, nous ne sommes pas en mesure d'établir autrement un lien entre des scènes de crime.
Il n'est pas rare qu'un suspect transporte l'ADN de sa victime d'un endroit à l'autre, voire jusque chez lui, ou ait en sa possession une pièce de vêtement de la victime, ce qu'on appelle quelquefois un trophée, qu'il a pris sur la scène de crime et qu'il apporte avec lui pour l'utiliser sur une autre scène de crime.
Par exemple, le fait d'avoir le profil génétique de la victime à notre disposition et d'être ainsi en mesure de le comparer au matériel trouvé sur de multiples scènes de crime permettrait de relier les scènes de crime et fournirait à l'enquêteur une piste qu'il n'aurait peut-être pas pu trouver autrement.
La sénatrice Seth : Merci. Est-ce que cette banque de données génétiques servira à autre chose qu'aux enquêtes criminelles? Sera-t-elle utilisée aux fins de la recherche scientifique ou autre?
M. Fourney : Non, en fait, la loi adoptée en 2000 a fait ressortir le caractère circonspect des rédacteurs, à l'étape de la sanction royale, qui avaient précisé que cette banque ne devait « servir qu'à l'application de la présente loi » et un bouquet de mesures a été mis en place pour assurer le respect de cette modalité, dont une sanction pénale en cas d'utilisation abusive.
L'expansion de la banque de données ne fera qu'étendre cette réserve aux nouveaux fichiers. Ces derniers servent uniquement soit pour des motifs humanitaires, soit pour des enquêtes criminelles. Il n'y a aucune recherche sur ces personnes ni analyse statistique subséquente, une fois connue la correspondance obtenue en lien avec une scène de crime en particulier.
Pour répondre à votre question, non, il n'y a pas de vilaine base de données cachée derrière le rideau.
Le président : Avant de laisser la sénatrice Seidman poser la dernière question, j'aimerais demander quelque chose qui n'a pas encore été abordé.
Certaines personnes disparaissent de façon délibérée. Ai-je raison de croire que la loi établit que la personne qui ne souhaite pas qu'on la trouve est dans son droit, à condition que nulle accusation ou autre affaire ne soit pendante?
M. Bidal : Ou une question d'âge, s'il s'agit d'un enfant sous tutelle judiciaire.
Le président : À condition qu'il soit en mesure de prendre lui-même cette décision.
M. Bidal : En effet, ce fait serait communiqué en retour. Si la personne décide, par exemple, de donner à l'enquêteur — nous disons bien l'enquêteur — la permission de faire part de sa situation à la personne — dans le jargon de la police, nous parlons du « plaignant » — qui l'a déclarée disparue, alors le fait que la personne soit vivante et bien portante peut être communiqué. Si la personne demande que sa situation ne soit pas communiquée, mais que la police est en mesure de savoir qu'elle va bien, alors on clôt l'enquête. La personne qui l'avait déclarée disparue serait simplement informée du fait qu'on met fin à l'enquête sur la disparition et le profil de la personne déclarée disparue ainsi que son ADN seront éventuellement expurgés puisqu'elle ne serait plus considérée comme disparue.
La sénatrice Seidman : Si je peux revenir en arrière, monsieur Bidal, je crois que c'est vous qui l'avez mentionné, à moins que ce ne soit M. Bhupsingh : une préoccupation exprimée par M. Therrien concernait le partage de renseignements avec un autre État lorsqu'un délit n'en est pas un au sens des lois canadiennes.
Vous nous avez bien dit que les familles obtiendront une information sûre, qu'elles donneront un consentement écrit en connaissance de cause en vue de fournir de l'ADN et qu'il y aura partage avec des États étrangers, n'est-ce pas? Ce genre de consentement éclairé se fera.
M. Bidal : Il ferait partie du consentement, en effet.
La sénatrice Seidman : Qu'en est-il de la question où vous pourriez partager des renseignements avec un État étranger relativement à un délit non considéré comme tel au Canada?
M. Bidal : Je ne sais pas si ma collègue peut vous répondre à ce sujet.
Mme Fobes : Je n'ai pas vu d'engagement ou d'entente du Canada avec un État étranger ni entre une organisation et le Canada, par exemple la GRC et un État étranger. Je ne peux donc me prononcer quant au contenu. Je suppose que le protocole d'entente traiterait de ce genre de situations. Il faudrait voir, sans doute, et je ne sais pas si mes collègues en ont un à l'esprit ou en ont vu un dont ils pourraient nous parler.
M. Fourney : Je pourrais ajouter quelque chose à ce sujet. D'abord, il y a un volet technique en plus du volet judiciaire. Sur le plan technique, pour le moment, nous avons signé une entente internationale, un protocole associé à la base de données actuelle. La seule chose que le Canada transmet à un État étranger, par exemple, c'est le profil génétique tiré d'une scène de crime. Si nous avions le cas d'une personne disparue, nous nous attendrions à ce que l'élément d'information transmis soit lié à un dossier de disparition ayant motivé la demande.
Tous les échanges sont évalués au cas par cas. Il importe de respecter le caractère privé et la sécurité des renseignements personnels exportés ou importés. J'ajouterai que nous avons déjà établi des correspondances significatives par des échanges internationaux. Ce n'est pas arrivé souvent, mais à chaque fois, l'échange a fait l'objet d'un examen rigoureux effectué grâce à diverses connexions liées au mode de transmission de cette information.
Mme Fobes : Je souhaite souligner que le projet de loi précise également que les ententes doivent être conclues conformément aux règlements. Il y a un autre volet à cela.
Le président : Je vous remercie tous d'avoir fourni des réponses claires aux questions pointues de mes chers collègues.
La prochaine séance traitera de la section 20 de la partie 4 du projet de loi C-43.
Nous entendrons deux témoins aujourd'hui, les deux par vidéoconférence. Je les présenterai au moment où je les inviterai à prendre la parole. Ainsi nous entendrons d'abord le Dr Perry Kendall, administrateur des soins de santé en Colombie-Britannique.
Docteur Kendall, je vous invite à prononcer votre déclaration.
Dr Perry Kendall, administrateur des soins de santé, province de la Colombie-Britannique : Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me permettre d'exprimer mon point de vue sur cet important sujet.
Je pensais commencer en vous faisant part de mon parcours professionnel. Je suis spécialiste en médecine communautaire. Depuis 1978, je me concentre sur la pratique de la médecine en santé publique.
En 1998, j'ai été nommé représentant de la Colombie-Britannique auprès du Comité consultatif fédéral-provincial- territorial sur la santé de la population et la sécurité de la santé, aussi appelé le CCSPSS. J'ai été responsable de la santé publique dans la province lors de l'épidémie de SRAS, en 2003, et, après la publication du rapport Naylor, assez critique à l'égard de l'infrastructure et de la capacité du système de santé publique canadien, j'ai coprésidé, en collaboration avec le sous-ministre délégué de Santé Canada, un comité consultatif qui a formulé des recommandations ayant mené à la création du Réseau pancanadien de santé publique et de son conseil.
À peu près au même moment, par suite de la commission Naylor, le gouvernement du Canada, pour donner suite aux recommandations du rapport Naylor, a créé l'Agence de la santé publique du Canada et, à sa tête, le poste d'administrateur en chef de la santé publique du Canada, l'équivalent d'un poste de sous-ministre. J'ai participé au comité chargé de superviser le concours visant à pourvoir le poste de premier administrateur en chef, qui a été attribué à David Butler-Jones.
Par la suite, j'ai été le premier coprésident provincial-territorial du Conseil du Réseau pancanadien de santé publique, de 2005 à 2010. le Dr Butler-Jones en était le coprésident fédéral.
Pendant la pandémie de H1N1, en 2009 et en 2010, le Dr Butler-Jones et moi-même avons coprésidé le comité consultatif spécial chargé de diriger et de coordonner la lutte contre la pandémie de grippe H1N1 et nous avons fait rapport à la Conférence des sous-ministres.
Je dirais que ce fut une décision délibérée de notre part de nommer à la tête de l'Agence de la santé publique un administrateur en chef de la santé publique ayant rang de sous-ministre, et ce, après avoir soigneusement examiné les options organisationnelles de rechange envisageables, notamment celle qui est soumise à votre étude. Cette option propose que l'agence soit dirigée par un président ayant le statut de sous-ministre et que l'administrateur en chef de la santé publique soit un agent désigné de l'agence doté de fonctions consultatives.
Je me suis penché sur cette proposition et j'en ai discuté avec des collègues du secteur de la santé publique qui, comme moi, se rappellent leurs longues années d'expérience de travail avec Santé Canada avant et pendant l'épidémie du SRAS et pendant la pandémie de H1N1, et avec l'Agence de la santé publique du Canada et l'administrateur en chef de la santé publique du Canada.
Nous vous conseillons, à l'unanimité, de ne pas adopter ce changement.
À notre avis, l'organisme ainsi que l'influence et le poste d'administrateur ou d'administratrice en chef de la santé publique et son indépendance s'en trouveront considérablement affaiblis. Cette mesure serait rétrograde et ne tiendrait pas compte du passé et des leçons apprises.
Mes remarques ne se veulent nullement une réflexion sur le Dr Gregory Taylor ou Mme Outhwaite, deux personnes pour qui j'ai beaucoup de respect et dont je ne mets nullement en cause l'intégrité. Ce qui nous préoccupe, c'est que, si jamais une de ces personnes est remplacée, rien ne garantit que les questions ou les priorités de santé publique auront préséance sur les priorités administratives ou autres.
Nous ne voulons pas que le Canada retourne à l'ère du SRAS, alors que le commandement et le contrôle étaient divisés. Pourtant, pour ma part, et les collègues que j'ai consultés sont d'accord, j'estime que c'est exactement là que nous mènerait cette proposition. Merci pour votre attention.
Le président : Merci beaucoup, docteur Kendall. Je vais maintenant donner la parole au Dr Gregory Taylor, administrateur en chef de la santé publique à l'Agence de la santé publique du Canada.
Normalement, j'aurais invité l'agence à prendre la parole avant, mais la technologie me permet de prendre la liberté de donner la parole d'abord au témoin situé à l'extérieur de la salle.
Voilà pourquoi j'ai adopté cet ordre de parution. Je vous invite maintenant, docteur Taylor, à donner votre exposé.
[Français]
Dr Gregory Taylor, administrateur en chef de la santé publique, Agence de la santé publique du Canada : Bonjour, monsieur le président et distingués membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler de mon rôle à l'Agence de la santé publique du Canada ainsi que des modifications apportées à la loi qui gouverne l'agence.
Je suis très heureux d'avoir été nommé administrateur en chef de la santé publique du Canada, le 24 septembre dernier. Je suis fier que le gouvernement ait placé sa confiance en moi.
[Traduction]
Au nom des Canadiens, je continuerai de travailler pour veiller à ce que l'Agence de la santé publique du Canada demeure un chef de file en matière de santé publique. Pour passer à la prochaine étape de notre évolution, certains changements s'imposent.
La ministre de la Santé, le sous-ministre délégué et moi-même croyons qu'un renforcement de la capacité de gestion interne de l'agence est une mesure qui fait preuve de circonspection. La section 20 du projet de loi C-43 comprend des rajustements stratégiques avisés à la Loi sur l'Agence de la santé publique du Canada et constitue un important pas en avant pour l'agence.
Actuellement, l'administrateur en chef de la santé publique, ou ACSP, assume un double rôle, soit celui de premier professionnel de la santé publique du Canada et d'administrateur général de l'agence. Ces deux fonctions demandent beaucoup de temps et d'attention.
La création du poste de président permettra à l'agence de mieux assumer ses responsabilités tant sur le plan de la fonction publique que sur celui de la santé publique.
Le président sera l'administrateur général de l'agence et assurera la direction des opérations quotidiennes de cette dernière. Cette restructuration permettra à l'ACSP de centrer ses activités sur la prestation d'excellents conseils en matière de santé publique et la collaboration avec les provinces et les territoires en vue de maintenir un système de santé publique solide au Canada.
Le président assumera certaines des responsabilités de gestion actuellement exercées par l'ACSP, notamment les finances, la vérification, l'évaluation, la dotation, les langues officielles et les demandes d'accès à l'information et la protection des renseignements personnels — toutes des fonctions importantes qui méritent également l'attention d'un cadre supérieur.
Ces changements constituent une pratique de gestion sensée.
De fait, à l'agence, nous travaillons dans ce type de structure de gestion depuis 2012, soit depuis que le sous-ministre délégué et moi-même avons dû nous partager les rôles et les responsabilités de l'ACSP de façon provisoire. À force de travailler dans cette structure, nous en sommes arrivés à la conclusion que cette nouvelle façon de procéder était la meilleure.
Je suis fier d'appuyer ce changement.
J'ai suivi un parcours unique pour arriver là où je suis. Quand j'étais médecin dans un cabinet privé d'une petite ville, j'ai personnellement constaté les difficultés associées au fait d'occuper deux emplois. En effet, d'un côté, j'aidais mes patients à améliorer leur santé, et de l'autre, je gérais une entreprise, les deux pôles exigeant sans cesse mon attention. Comme de nombreux médecins de famille, j'ai dû m'occuper d'urgences médicales pendant de longues heures et selon un horaire irrégulier, tout en veillant à l'administration, aux baux, à la facturation et aux assurances en lien avec mon entreprise.
En tant que spécialiste en santé publique, j'ai gravi progressivement les échelons à divers postes de direction au sein de l'administration fédérale pendant près de 20 ans. J'ai constaté une forte croissance des habiletés nécessaires pour diriger des dossiers de santé publique d'ordre national et pour gérer une organisation du secteur public.
Le rôle de l'ACSP en tant que premier professionnel en matière de santé publique au Canada a beaucoup évolué en 10 ans, tout comme les activités de l'agence, qui compte maintenant plus de 2 000 employés répartis partout au pays et qui dispose d'un budget de fonctionnement de plus de 600 millions de dollars.
Compte tenu de cette évolution, le poste d'ACSP devrait maintenant être axé sur une tâche précise, soit s'attaquer à des problèmes de santé publique comme les maladies infectieuses ou chroniques et interagir avec de multiples intervenants clés, notamment la population canadienne.
Par ailleurs, il m'apparaît évident qu'un président de l'agence déterminé pourra assurer, de façon soutenue, une gestion stratégique et un leadership organisationnel au sein d'une organisation solide et dynamique.
Je suis très fier de l'évolution et du développement de l'agence. Je travaillais à l'agence avant même sa création.
Autrefois direction générale de Santé Canada, maintenant organisation de renommée mondiale, l'agence a permis de mettre la santé publique à l'avant-plan du paysage canadien.
J'ai été témoin d'un changement d'attitude à l'égard de la santé publique, qui est sortie de l'ombre pour se retrouver parmi les priorités quotidiennes des ministres et des sous-ministres aux échelons fédéral, provincial et territorial.
J'ai constaté une évolution sans précédent de la façon dont notre pays aborde les problèmes de santé depuis la crise du SRAS et la tragédie de Walkerton. Les attentes de la population relativement à notre travail sont beaucoup plus importantes et il est évident qu'il faut augmenter nos relations à l'échelle de la planète.
Au cours de ses 10 premières années d'existence, l'agence a fait face à de nombreux défis de taille, qu'il s'agisse de s'attaquer aux dangers associés aux épidémies, comme le H1N1 et l'Ebola, ou d'aider les Canadiens à lutter contre les maladies non transmissibles et des conditions telles que l'obésité.
Aujourd'hui, nous sommes arrivés à une nouvelle étape de développement de notre organisation.
Monsieur le président, sénatrices et sénateurs, pour permettre à l'agence de faire avancer ces priorités au profit de tous les Canadiens, je suis fier d'appuyer la section 20 du projet de loi C-43 visant à modifier la Loi sur l'Agence de la santé publique du Canada.
Le sous-ministre délégué et moi-même sommes déterminés à atteindre notre but commun, soit diriger un organisme de santé publique de renommée mondiale. Nous croyons que ces changements sur le plan de la gestion permettront de stimuler, d'appuyer et de maintenir les efforts visant à améliorer la santé des Canadiens.
Merci de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Le président : Je vous remercie tous les deux.
La sénatrice Seidman : Docteur Taylor, d'après ce que j'ai compris, à titre d'administrateur en chef de la santé publique, vous avez le pouvoir, en vertu de l'article 11 de la loi, de déléguer vos attributions à un dirigeant de l'agence.
Pourquoi considérez-vous important de créer un poste distinct de président?
Dr Taylor : Il est permis de déléguer le pouvoir, mais non l'obligation de rendre des comptes. Je demeure responsable des innombrables activités de l'agence, que j'aie délégué mon pouvoir ou non. Cela veut dire que je dois dominer la situation, savoir ce qui se passe et prendre part à tous les échanges et décisions parce que, en bout de ligne, c'est moi qui suis le responsable.
La sénatrice Seidman : Je ne m'étendrai pas sur la question. Je comprends que la responsabilité et la reddition de comptes importent.
Docteur Kendall, d'après ce que j'ai compris, dans les provinces et territoires, et je crois que c'est aussi le cas en Colombie-Britannique, une distinction est faite entre les postes de médecin hygiéniste en chef et de dirigeant de l'organisation elle-même, autrement dit l'administrateur. On retrouve cette distinction dans des pays comme le Royaume-Uni et l'Australie. J'aimerais savoir pourquoi vous peignez une image sinistre des conséquences d'un retour à l'âge des ténèbres si nous introduisions une telle distinction.
Dr Kendall : Je comprends les méandres de la gestion que le Dr Taylor nous a fait entrevoir et je compatis avec lui. Je crois qu'il existe d'autres modèles qui donnent la priorité à la santé publique, qui la placent au premier plan et qui la mettent au premier rang.
Je vais parler ensuite de ce qui se passe en Colombie-Britannique, mais je pense que cette réorganisation risque d'être tributaire de la relation entre le sous-ministre et l'administrateur en chef de la santé publique.
En Colombie-Britannique, les rôles sont distincts, comme vous l'avez bien souligné. Le rôle de chacun est respecté parce que les deux personnes en cause ont une saine relation personnelle. D'un point de vue structurel, rien ne garantit que je serais sérieusement bloqué ou que j'éprouverais de réelles difficultés à remplir mon rôle si le gouvernement souhaitait changer le ou la titulaire du poste de sous-ministre adjoint.
Venir me remplacer par un autre sous-ministre adjoint, si les organisations n'y étaient pas favorables, si la relation personnelle ne le favorisait pas, d'un point de vue fonctionnel, l'organisation en Colombie-Britannique est tributaire de leur relation, de la relation tacite, non écrite existant entre les deux cadres supérieurs, le sous-ministre adjoint et moi- même à titre d'administrateur provincial de la santé. Je crois que c'est un défaut de l'organisation.
Si je devais la redessiner, je me placerais en fait à la tête des fonctions liées à la santé publique et un sous-ministre adjoint, un chef de la direction ou un chef de l'exploitation, relèverait de moi et se chargerait d'un plus grand nombre des fonctions organisationnelles et administratives.
La sénatrice Seidman : Des pays, comme le Royaume-Uni et l'Australie, ont donné une structure similaire à la nôtre à leurs propres organismes de santé publique et vous avez vous-même réussi à fonctionner plutôt bien avec cette structure en Colombie-Britannique. Pouvez-vous me nommer un pays ou une région qui a appliqué cette structure et qui a montré une quelconque faiblesse?
Je cherche un exemple. Pouvez-vous me donner un exemple d'un pays qui fonctionne ainsi et qui s'est attiré des ennuis pour une raison quelconque?
Dr Kendall : Non, pas vraiment, mais dans un certain nombre de provinces au Canada la structure organisationnelle n'a pas appuyé l'orientation adoptée par les autorités de santé publique et, de ce fait, le système s'est effondré. Je préfère ne pas donner les noms des personnes.
Si vous consultez des collègues au Canada, ils vous parleront de deux ou trois provinces ou territoires où le rapport n'a pas été fructueux.
La création en 2005 de l'agence fut une excellente idée pour le Canada et je crains que vous ne risquiez de gâcher les choses et qu'elle devienne dysfonctionnelle.
La sénatrice Seidman : Je n'irai pas plus loin, si ce n'est pour dire qu'il est dommage que vous ne fassiez pas autant confiance au Canada qu'à la Colombie-Britannique, puisque vous y arrivez très bien là-bas. Merci.
Dr Kendall : Merci.
La sénatrice Cordy : Docteur Kendall, vous semblez croire que le fait d'avoir un président affaiblirait l'agence et qu'elle manquerait d'indépendance vis-à-vis du gouvernement ou du ministre. Pourriez- vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Dr Kendall : Il me semble qu'un administrateur en chef de la santé publique indépendant, possédant les ressources nécessaires pour faire ce qu'il juge nécessaire dans le cadre de son mandat, permet aux autorités de santé publique de montrer la voie. Bien sûr, tout ceci se ferait en regard de la politique et des stratégies du jour et en rendant compte au ministre. Depuis la création de l'Agence de santé publique du Canada, il y a plusieurs années, il s'est avéré que c'est un rapport très efficace et pertinent.
Comme je le disais, j'ai consulté un certain nombre de collègues qui possèdent une grande mémoire institutionnelle remontant à la fin des années 1990 et nous craignons que le changement envisagé ne mettre l'administrateur en chef de la santé publique sur le banc de touche et qu'il n'ait peut-être plus forcément accès aux ressources dont il aurait besoin.
La sénatrice Cordy : Docteur Taylor, félicitations pour votre nomination au poste d'administrateur en chef de la santé publique. Nous sommes ravis de voir ce poste comblé, et par quelqu'un d'expérimenté de surcroît.
Vous nous avez clairement expliqué votre vision de la séparation entre les prérogatives du président et celles de l'administrateur en chef de la santé publique, mais ceci ne fait pas partie de cet amendement. Est-ce que ce partage se déciderait dans les règlements ou bien au sein de l'agence?
Dr Taylor : Je crois comprendre que cela se fait au sein de l'agence. Il ne me semble pas qu'il y ait de règlement sur ce point. Je ne suis pas parlementaire, je ne suis donc pas pleinement au fait des aspects juridiques. Le principal changement dans ce cas, c'est que le président et l'administrateur en chef de la santé publique seraient proches du ministre et lui rendraient des comptes. En tant qu'administrateur en chef de la santé publique, j'ai plein accès au ministre que je conseille directement. En parallèle je m'occupe de la communication aux Canadiens et je prodigue des conseils pour que le président réponde le mieux possible aux besoins.
Comme l'a indiqué le Dr Kendall, cela dépend des rapports instaurés. Je suggère que, dans le cadre du fonctionnement de la santé publique, on accorde la plus grande importance aux rapports établis au niveau fédéral.
Nous avons très peu de liberté d'action au Canada, si ce n'est pour la Loi sur la mise en quarantaine et éventuellement un petit règlement sur le laboratoire. Les rapports que l'administrateur en chef de la santé publique entretient avec les autres administrateurs en chef de la santé publique et le reste du pays sont absolument fondamentaux. L'administrateur en poste se doit d'entretenir de bonnes relations avec le président et doit jouir des accès nécessaires.
Si les deux ne s'entendent pas sur une question, alors c'est au ministre de trancher. Si l'administrateur en chef de la santé publique a besoin que quelque chose soit fait, il faut que les bonnes ressources soient engagées. Il va bien sûr dans l'intérêt des deux que tout le monde se comporte en vrai professionnel. Mais la façon de résoudre cela, c'est de se tourner vers le ministre et de dire : « Je ne peux pas faire ça, je n'ai pas les ressources nécessaires. »
C'est clairement dans le meilleur intérêt du président que de veiller à ce qu'on examine cette question et que les ressources appropriées soient engagées.
La sénatrice Cordy : Qui serait responsable de la communication publique? Lors de la crise du virus H1N1, c'était rassurant pour le public d'avoir le même interlocuteur.
Dr Taylor : Clairement ce serait l'administrateur en chef de la santé publique. C'est son rôle que de parler à la population. Ce n'est pas le rôle du président.
La sénatrice Cordy : Ce serait donc une seule personne?
Dr Taylor : Ce serait une seule personne; votre serviteur.
La sénatrice Seth : Merci pour ces informations. Je vois donc deux postes : celui de président-directeur général et celui de médecin-chef.
La section 20 indique de la nomination et le niveau de salaire sont déterminés par un ordre du gouverneur en conseil et que le président aura un mandat de cinq ans. Quels seraient les salaires annuels du président et du médecin-chef? Quelle serait la différence entre les deux? Comment ça va marcher?
Le président : Nous n'entrerons pas dans les détails personnels des contrats et des conditions de rémunération.
La sénatrice Seth : Je ne peux pas poser la question?
Le président : Vous pouvez poser la question, mais nous ne pouvons rentrer dans les détails personnels liés à la rémunération.
La sénatrice Seth : Je cherche à savoir si cela fera augmenter le budget. Travaillerons-nous efficacement, avec deux personnes? Est-ce que ça va faire une grande différence? Si oui, comment?
Le président : Le budget est-il suffisant pour couvrir deux postes?
Dr Taylor : Oui. Il y a actuellement deux postes. En ce moment il y a l'administrateur en chef de la santé publique et un sous-ministre adjoint qui relève de lui. Faire passer ce poste de SMA au niveau de président représenterait une petite augmentation. Je ne connais pas la grille des salaires des SMA, mais il y aurait une petite augmentation. Il y a actuellement deux postes.
Le sénateur Enverga : Merci pour vos exposés, messieurs. Maintenant vous aurez deux postes : administrateur en chef de la santé publique et président. Peut-être ma question a-t-elle déjà été posée, mais comment l'administrateur en chef de la santé publique pourra-t-il communiquer avec ses homologues provinciaux? Ce canal sera-t-il affecté?
Dr Taylor : La communication avec les homologues se poursuivra. En fait ça m'accorde plus de temps pour pouvoir échanger avec eux efficacement plus régulièrement.
Par exemple, actuellement, comme le Dr Kendall l'a mentionné, lors de l'épidémie de H1N1, nous avons mis sur pied le CCS, rapprochant le Conseil du réseau de santé publique et le Conseil des médecins hygiénistes en chef. Actuellement, je copréside le conseil et je siège au Conseil des médecins hygiénistes en chef, qui est présidé par une des provinces.
Nous avons remis sur pied le CCS à cause de l'Ebola. Le comité se réunit deux fois par semaine, tous les mardis et mercredis et je suis en contact avec les médecins hygiénistes en chef entre les réunions pour être informé des événements et rester au fait du dossier afin de pouvoir réagir. Je reçois parfois un appel s'il y a un cas potentiel ou suspecté d'Ebola. On m'appelle en pleine nuit parfois pour échanger directement.
Quoi qu'il en soit, il est clair que ça me permettra de me concentrer davantage sur la communication avec les provinces et territoires.
Le sénateur Enverga : Étant donné que vous êtes actuellement l'administrateur en chef de la santé publique, êtes- vous à l'origine de ce nouveau projet de loi ou de ce nouveau poste?
Dr Taylor : Non, le projet de loi provient du gouvernement. J'ai offert mon conseil.
La sénatrice Merchant : Merci, messieurs. Prenons l'exemple du virus Ebola dont vous avez parlé. Admettons qu'on ait un cas au Canada. Le fonctionnement vous satisferait-il? Peut-être que le Dr Kendall ne serait pas très content? Comment ce projet de loi affecte ce que vous aimeriez idéalement voir en place, docteur Kendall? Comment ça s'articulerait, exactement?
Dr Taylor : C'est une très bonne question, parce qu'on fonctionne ainsi depuis un moment. L'épidémie du virus Ebola a commencé il y a des mois. Actuellement, je me concentre sur la partie « contenu ». J'assure l'interface avec l'OMC. Je suis en contact avec le CDC et les provinces, et je me concentre sur le contenu et sur ce que nous faisons. Krista, pour sa part, a cherché à faire avancer les choses au niveau du gouvernement. Nous nous sommes rendus au cabinet à quelques reprises maintenant. C'est vraiment elle qui s'occupe de la préparation des réunions au cabinet, de travailler avec le BCP et d'assurer la cohérence des communiqués au gouvernement. Le travail du président est d'apporter le point de vue des politiques internes. Mon travail, c'est le contenu et nous réunissons tout cela.
Je trouve que c'est une équipe efficace, pour les réunions au cabinet et pour leur préparation. Elle connaît les rouages du gouvernement et les bonnes personnes. Elle connaît tous les sous-ministres au fédéral et dans les provinces et peut faire l'interface.
Je fournis le contenu et nous allons aux réunions du cabinet. Je traite des questions liées au contenu, donc ça marche très bien.
Pour ce qui est de votre question à propos d'un premier cas d'Ebola, nous y réfléchissons depuis pas mal de temps. Normalement, si un cas d'Ebola était suspecté, je recevrais directement un appel de la province en question. Nous avons maintenant plus de lignes ouvertes, je me fais réveiller au milieu de la nuit, mais si l'on suspectait très fortement un cas d'infection, je serai contacté très rapidement et l'agence aussi, avant même que des tests sanguins soient effectués. Certaines des provinces sont en mesure de faire les tests sanguins elles-mêmes, les tests préliminaires, mais un échantillon sera quand même envoyé en parallèle à notre laboratoire à Winnipeg.
Ainsi on ne perd pas de temps. Si on soupçonne vraiment un cas, ce qui n'est pas encore arrivé, nous devons être prêts à parler à la population très rapidement, car la province saura en quelques heures quel est le résultat du test.
En cas de doute, étant donné les structures sociales et les médias sociaux actuels, nous avons décidé qu'il faut être en mesure de parler à la population tout de suite plutôt que d'attendre les tests de confirmation complets qui prendront plus longtemps.
Tandis qu'on se prépare à communiquer et à traiter, et toutes les autres choses qu'il faut préparer, il se passe beaucoup d'autres choses en coulisses. Avons-nous les ressources nécessaires à l'agence? Faut-il redistribuer les effectifs? Faut-il être en contact avec le BCP, alerter le cabinet du premier ministre et tout ça à l'interne?
Avec ma collègue nous travaillerons en tandem. C'est déjà ce que nous faisons. Nous restons parfois très tard. Nous ne devons pas nous laisser distraire et devons faire exactement ce que vous avez suggéré pour réagir de façon adéquate.
Dr Kendall : Il y a plusieurs facettes à votre question et je peux vous dire, qu'ayant participé à des réunions de ministres et de sous-ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux, lorsqu'un sous-ministre parle à un autre sous-ministre ce n'est pas la même chose que si l'administrateur en chef de la santé publique parle à un sous-ministre.
Il y a une hiérarchie et celle-ci importe. Je suis un peu préoccupé par le fait que l'administrateur en chef de la santé publique ne soit pas au même rang qu'un sous-ministre afin de pouvoir parler d'égal à égal aux sous-ministres autour de la table. Ça fait une différence.
De plus, je pense bien sûr que tout devrait parfaitement fonctionner si nous avions une épidémie ici et que le pays tout entier se tournait vers Ottawa pour voir comment nous gérons la situation. Je suis davantage préoccupé, je dirais, par les périodes de calme, tandis que les choses suivent leur cours, mais que nous devons néanmoins renforcer la santé publique de façon continue.
Je pense qu'il y a raison de s'inquiéter. Comme je l'ai dit, je ne jette pas mon dévolu sur ces postes, mais un changement organisationnel pourrait affaiblir notre effort de renforcement de la structure de santé publique entre les épidémies.
La sénatrice Merchant : Sentez-vous qu'une personne est au-dessus de l'autre dans la hiérarchie et que cela posera problème, docteur Taylor?
Dr Taylor : Dans la situation actuelle, nous sommes égaux. Ça va être adopté. Nous sommes égaux, au même niveau. Je suis invité à certaines des réunions de sous-ministres et la ministre m'a invité à coorganiser une réunion qui s'est tenue il y a deux semaines avec tous les ministres de la Santé du pays. J'ai eu l'occasion d'y faire des exposés et de répondre aux questions des ministres de la Santé.
J'ai tenu plusieurs conférences de presse avec la ministre; donc je suis invité à ces réunions régulièrement. Bien sûr, du point de vue professionnel, le plus important ce sont les réunions des médecins hygiénistes en chef. Je m'assure d'y être présent. C'est à la fois le Conseil des médecins hygiénistes en chef et le Conseil du réseau de santé publique, où sont rédigées les politiques. Mais je suis souple. Je fais beaucoup de choses différentes et je suis auprès des ministres et sous- ministres lorsque c'est nécessaire.
Le président : Docteur Taylor, à ce sujet, ce comité connaît le travail de l'administrateur en chef de la santé publique et nous avons examiné les mesures prises par le Canada au moment de la pandémie de H1N1, nous comprenons donc bien le fonctionnement et les enjeux. Nous comprenons bien que, pour tout changement à la structure, il faut faire attention et s'assurer que l'on renforce la capacité d'intervention à l'avenir.
Je regarde le graphique. Vous avez souligné que les deux postes ont un même accès au ministre et que, pour les dossiers les plus importants, le ministre va devoir rendre des comptes immédiatement. J'imagine que ce sera relativement aux préoccupations soulevées par le Dr Kendall pour ce qui est du rapport de travail. Il s'agit du niveau fédéral. J'en resterai là. La nation tout entière se tourne vers le fédéral pour les questions importantes.
Je me fais l'écho de mon collègue qui disait à quel point nous sommes contents de voir le poste pourvu et sommes d'accord qu'il faut voir tout le chemin parcouru entre le SRAS et le H1N1. Clairement, nous avions des choses à améliorer dans ce domaine très important.
Nous étions nombreux à ce comité à être ravis de voir le poste comblé et nous nous réjouissons de voir comment ça va fonctionner. Le comité va devoir décider de ses recommandations sur la question, mais je tiens à vous remercier tous deux d'avoir présenté clairement vos préoccupations et les évolutions potentielles à l'avenir dont les Canadiens bénéficieront.
Au nom du comité, merci à vous deux.
(La séance est levée.)