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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 34 - Témoignages du 13 mai 2015


OTTAWA, le mercredi 13 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour poursuivre son étude de l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Mon nom est Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis le président du comité. J'invite mes collègues à se présenter, à commencer par ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis le vice-président du comité.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci, mesdames et messieurs. Je vous rappelle que nous poursuivons notre étude. On nous a demandé d'examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Je me réjouis que nous ayons les représentants de trois organisations aujourd'hui. Je vais leur souhaiter la bienvenue en fonction de l'ordre dans lequel ils sont énumérés à l'ordre du jour, puisque personne n'a insisté pour parler en premier ou en dernier.

Je vais donc inviter Manuel Arango, directeur, Politique de la santé, Fondation des maladies du cœur du Canada à commencer.

Manuel Arango, directeur, Politique de la santé, Fondation des maladies du cœur du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, au nom de la Fondation des maladies du cœur du Canada, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de venir vous faire part de nos perspectives sur l'obésité au Canada.

Premièrement, je tiens à exprimer ma gratitude au Parlement concernant les initiatives et engagements pris qui contribueront à réduire les effets de l'obésité en tant que facteur de risque des maladies du cœur au Canada. Il y a entre autres l'investissement dans le transport public qui est prévu dans le budget 2015. Cela va contribuer à faire augmenter l'activité physique chez les Canadiens. En effet, les usagers des transports en commun vont en moyenne pédaler ou marcher 30 minutes pour se rendre aux arrêts ou stations et pour en revenir. L'investissement dans le transport public contribue donc à l'activité physique.

Santé Canada a aussi entrepris des consultations sur les tableaux de valeurs nutritives. Nous avons contribué à cela et nous espérons pour bientôt une nouvelle proposition. Cela sera très utile.

Enfin, on améliore le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants pour le rendre remboursable. Cela aidera les Canadiens à faible revenu à avoir accès à ce crédit.

L'obésité diminue l'espérance de vie, réduit la qualité de vie et restreint la productivité. En ce moment, 6 Canadiens sur 10 font de l'embonpoint ou sont obèses. L'obésité est devenue problématique chez les enfants, car elle apparaît tôt dans leur vie et a triplé en une génération. Le problème, avec l'obésité, c'est que quand elle apparaît pendant l'enfance, elle demeure généralement à l'âge adulte. Il est important de s'y attaquer tôt.

Il s'agit d'un problème de société qui exige une réaction gouvernementale coordonnée et complète. L'obésité n'est pas qu'un problème individuel causé par le manque de volonté ou de connaissances. C'est beaucoup plus que cela. Il faut intervenir partout dans la société, à l'échelle des institutions et des communautés, et à tous les paliers gouvernementaux. On reconnaît très généralement qu'il faut bien plus que la seule éducation pour prévenir et gérer l'obésité. Nous savons que certaines interventions à l'échelle de la population fonctionnent véritablement. C'est la leçon que nous avons tirée de la lutte antitabac.

Nous devons apporter des changements systémiques et modifier nos milieux de vie de manière à permettre aux Canadiens de vivre sainement. Non seulement cette démarche est essentielle pour que la population soit en santé et productive, mais elle est aussi primordiale pour la préservation des ressources précieuses en matière de soins de santé.

Aujourd'hui, je vais vous proposer diverses possibilités à envisager.

La première est liée à l'activité physique et en particulier au transport actif. Nous vivons dans un monde où la commodité est devenue la norme. Cela produit des effets aussi bien sur ce que nous mangeons que sur la façon dont nous utilisons notre temps. Pour la plupart des Canadiens, jeunes et vieux, la sédentarité caractérise une grande partie de nos journées. Nous sommes nombreux à passer la journée assis à un bureau ou à nous détendre devant la télé ou l'ordinateur. Nous prenons la voiture parfois pour parcourir de courtes distances, par rapport au passé, et nous prenons l'ascenseur parce que c'est la norme. Nous sommes beaucoup plus sédentaires qu'avant. Cependant, bouger davantage n'a pas à être compliqué comme d'adhérer à un gym ou de participer à un sport d'équipe. Nous pouvons simplement changer notre façon de nous déplacer.

Presque tous les Canadiens peuvent faire plus d'activité physique grâce au transport actif — c'est-à-dire le recours à l'énergie humaine pour se rendre du point A au point B. Cela comprend la marche, le vélo, la planche à roulettes, la course à pied et le transport en commun, comme je l'ai dit précédemment. Pour faciliter cela, il nous faut une infrastructure qui favorise la santé, comme des trottoirs, des pistes cyclables, et cetera. Au Canada, l'infrastructure de transport actif favorisant la santé n'est ni suffisante ni adéquate. Il faut investir davantage dans ce domaine.

Les recherches ont démontré que ceux qui vivent près d'éléments d'infrastructure favorisant le transport actif sont plus vraisemblablement actifs. De plus, c'est dans les pays où il y a plus de transport actif qu'il y a moins d'obésité. C'est la raison pour laquelle la Fondation des maladies du cœur du Canada travaille avec la Federal Active Transportation Coalition, laquelle englobe divers groupes, dont l'Association canadienne des automobilistes et l'Association canadienne du transport urbain. La Société canadienne du cancer participe aussi, de même que de nombreuses autres organisations. Nous demandons depuis un moment au gouvernement fédéral d'investir 250 millions de dollars sur trois ans dans l'infrastructure de transport actif.

Le deuxième aspect est celui de la nutrition et, en particulier, de l'étiquetage. Plus que jamais, les Canadiens mangent des mets prêts-à-manger et des aliments transformés. Les données canadiennes sur l'alimentation de 1938 à 2011 brossent un tableau précis d'habitudes alimentaires troublantes. On a massivement remplacé des aliments entiers non transformés ou à peine transformés par des produits alimentaires prêts-à-manger et ultratransformés. La part des aliments transformés est passée de 29 à 62 p. 100 de la consommation totale au cours de ces années, soit de 1938 à 2011.

Qu'est-ce que cela signifie pour notre santé? Les aliments transformés ont une forte teneur en sodium, en gras et en sucre, et ils sont les principaux responsables de l'épidémie d'obésité. En réalité, la mauvaise alimentation est la principale cause de l'obésité. La Fondation des maladies du cœur du Canada recommande que les Canadiens mangent principalement des aliments entiers et non transformés et qu'ils limitent le nombre de fois où ils sortent au restaurant ou choisissent des aliments prêts-à-servir. Cette façon d'aborder l'alimentation a été reconnue comme étant un moyen efficace d'enrayer l'obésité et a été adoptée dans le nouveau guide alimentaire brésilien qui a été lancé avec éclat. Nous pensons que le Canada devrait aller dans le même sens.

L'étiquetage nutritionnel peut aider les Canadiens à choisir des aliments plus sains. Idéalement, il nous faut un système d'étiquetage sur le devant de l'emballage ou au point de vente comportant un logo simple afin de guider les consommateurs. De plus, il nous faut un tableau de la valeur nutritive amélioré et plus facile à comprendre. La Fondation des maladies du cœur du Canada participe aux consultations que Santé Canada tient concernant le tableau de la valeur nutritive.

Cela m'amène au troisième aspect : le sucre. De plus en plus de données probantes associent la consommation excessive de sucre à divers effets néfastes sur la santé, notamment l'obésité. La Fondation des maladies du cœur a récemment émis un énoncé de position sur le sucre et la consommation maximale recommandée de sucres ajoutés ou libres. Cela correspond aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé. Nous croyons que la modification prochaine du tableau de la valeur nutritive offre une excellente occasion d'aborder le problème des sucres ajoutés ou libres.

Nous nous préoccupons en particulier des boissons sucrées — la source de sucre la plus importante de notre régime alimentaire — et nous estimons que le Canada doit s'attaquer à ce problème. Selon les experts, les boissons sucrées sont la principale cause de l'obésité. Ces boissons n'ont essentiellement aucune valeur nutritive, ou n'en ont que très peu, et ne peuvent que comporter des risques pour la santé quand on en fait une consommation excessive. En fait, un adolescent devrait courir 50 minutes ou marcher 8 kilomètres pour brûler les calories d'une bouteille de 500 ml de boisson gazeuse, de boisson énergisante ou de jus de fruits.

La Fondation des maladies du cœur du Canada recommande au gouvernement de renseigner les Canadiens sur les effets néfastes des boissons sucrées pour la santé, mais aussi de créer des environnements favorisant la diminution de leur consommation. Nous suggérons le recours à des options d'ordre économique comme une taxe du fabricant sur les boissons sucrées. Les recettes d'une telle taxe pourraient servir à rendre la saine alimentation plus abordable par la subvention des fruits et légumes ou le financement d'un programme universel de repas du midi sains pour les élèves.

À cet effet, les politiques agricoles pourraient contribuer à l'amélioration des habitudes alimentaires et à la réduction de l'obésité. La consommation accrue de fruits et de légumes est liée à de faibles taux d'obésité, mais la consommation de fruits et légumes au Canada est très faible. Il est possible de rendre les fruits et légumes frais plus abordables au moyen de subventions fédérales et provinciales aux producteurs locaux. Il est particulièrement important de rendre ces aliments plus abordables, accessibles et disponibles dans les régions rurales et nordiques éloignées. Il faut des stratégies particulières qui permettent de surmonter les obstacles à la bonne alimentation et à la sécurité alimentaire dans ces régions. Je pense que ma collègue de l'Association canadienne du diabète va vous en dire davantage à ce sujet.

Enfin, nous savons que nous pouvons avoir une influence sur les habitudes alimentaires dès le début en restreignant le marketing des aliments et des boissons s'adressant aux enfants. Le marketing axé sur les enfants a une incidence sur les préférences et les choix alimentaires, y compris la consommation accrue d'aliments de restauration rapide, et cela est étroitement lié à l'obésité. On estime que la réglementation du marketing visant les enfants est la solution la plus rentable pour prévenir l'obésité chez les enfants. La Fondation des maladies du cœur du Canada presse le gouvernement de recourir à cette solution pour protéger la santé des Canadiens.

En conclusion, nous savons qu'il n'existe pas de solution unique à l'épidémie d'obésité au Canada. Il nous faut une approche à volets multiples qui comporte véritablement des solutions d'ordre politique dans toutes les couches de la société. Les Canadiens méritent que le gouvernement les soutienne en veillant à ce que le choix santé soit le choix facile.

Merci beaucoup.

Le président : Merci.

Je vais maintenant donner la parole à Dre Jan Hux, conseillère scientifique principale de l'Association canadienne du diabète.

Dre Jan Hux, conseillère scientifique principale, Association canadienne du diabète : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner la possibilité d'aborder avec vous un sujet crucial qui nous concerne tous — l'augmentation alarmante de l'obésité au Canada.

Comme on l'a dit, je suis la conseillère scientifique principale de l'Association canadienne du diabète. Je m'adresse à vous à ce titre, car le surpoids et l'obésité sont des facteurs de risque majeurs du diabète de type 2, une maladie qui impose un fardeau à la fois lourd et croissant à la société canadienne. À l'heure actuelle, plus de trois millions de Canadiens ont reçu un diagnostic de diabète de type 2, et dans l'heure qui vient, 20 personnes s'ajouteront à cela. Par conséquent, la proportion croissante de personnes en surpoids ou obèses au sein de notre population nous inquiète énormément. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

Le diabète est une maladie difficile à prendre en charge, et les efforts qui sont déployés pour le gérer portent sur le contrôle à court terme de la glycémie. Il est essentiel de le faire, mais même si vous le faites bien, les complications du diabète vous guettent et sont irréversibles. Chaque jour, des milliers de Canadiens atteints de diabète doivent se rendre au service des urgences d'un hôpital en raison de complications comme une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral, une insuffisance rénale, l'amputation d'un membre ou la cécité. En raison de ces complications et d'autres complications, les personnes atteintes de diabète peuvent s'attendre à vivre 5 à 15 ans de moins que les personnes non atteintes. Les personnes diabétiques ne décèdent pas à cause du diabète proprement dit, mais en raison de ses complications.

Nous savons que l'obésité est un facteur de risque majeur du diabète de type 2 et que les taux croissants d'obésité sont une des causes importantes de l'épidémie de diabète. Il faut absolument réduire le taux d'obésité dans l'intérêt de la santé des Canadiens et de la viabilité du système de santé.

Le problème de l'obésité au Canada est incontestablement complexe. De nombreuses personnes ont tendance à trop simplifier les solutions en déclarant qu'il suffit de « manger moins et de bouger plus ». En réalité, il nous faut des solutions qui tiennent compte valablement de la complexité du problème. Toutes les solutions doivent reconnaître qu'il n'y a pas que les personnes qui ont un rôle à jouer, mais aussi les gouvernements. Comme ils l'ont fait pour réduire les taux de tabagisme, les gouvernements peuvent prendre des mesures qui nous aident à faire des choix plus sains.

Commençons par regarder autour de nous. Comme nous le constatons chaque jour, nous vivons dans un monde qui nous encourage à prendre du poids. Les deux facteurs les plus évidents sont les aliments riches en calories que nous mangeons et notre mode de vie de plus en plus sédentaire. Mes commentaires et mes recommandations porteront sur la promotion de meilleurs choix alimentaires.

Ma première recommandation est d'aider les Canadiens à réduire leur consommation de boissons sucrées en augmentant les taxes et la sensibilisation. Les preuves sont manifestes : la consommation de boissons sucrées est liée à l'obésité et au diabète de type 2. Les personnes qui consomment plus d'une portion de boisson sucrée ou de jus de fruits par jour courent plus de risques de développer le diabète. Selon une étude réalisée en 2004, le risque de développer un diabète de type 2 est 32 p. 100 plus élevé chez les femmes qui consomment deux à trois boissons sucrées par jour que chez celles qui consomment moins d'une boisson sucrée par mois.

Le gouvernement fédéral peut influer sur la consommation en augmentant les taxes. Selon les estimations de plusieurs études montrant que la consommation de boissons évolue selon les prix, une augmentation de 10 p. 100 du prix des boissons permet de réduire la consommation globale d'environ 8 p. 100. Les recettes générées peuvent être investies dans des programmes de prévention de l'obésité.

Sur le plan de la sensibilisation, le programme « Non aux boissons gazeuses » des gouvernements des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut constitue un exemple encourageant. Dans le cadre de ce programme, les écoles encouragent les élèves à remplacer les boissons gazeuses par de l'eau. Les débuts du programme sont prometteurs. Nous suivons de près son évolution et réfléchissons à des stratégies de soutien. Nous espérons que vous appuierez également ce programme en tant que représentants fédéraux ayant une responsabilité particulière à l'égard de nos territoires du Nord et des Autochtones canadiens.

La deuxième recommandation est de fournir des renseignements éthiques et précis sur la nutrition aux Canadiens. Nous visons deux objectifs : restreindre le marketing visant les enfants et, comme nos amis de la Fondation des maladies du cœur du Canada, clarifier l'étiquetage nutritionnel.

Les restrictions volontaires actuelles sur la publicité ne sont pas assez efficaces. Il est temps de prendre des mesures sérieuses pour protéger nos enfants. Les publicités de malbouffe sont partout — à la télévision et au cinéma, dans les jeux vidéo, sur les jouets et dans le cadre d'activités pour enfants. En tant que société, il nous incombe de protéger les enfants qui ne sont pas encore en mesure d'interpréter de façon critique et de comprendre l'information publicitaire et sa finalité.

L'ACD recommande d'adopter à grande échelle les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur du Québec, qui est en vigueur depuis 1980. Cette loi interdit toutes les publicités commerciales qui sont destinées aux enfants de moins de 13 ans.

Il convient de noter que le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a recommandé que le gouvernement fédéral évalue l'efficacité de l'autoréglementation ainsi que celle de l'interdiction relative à la publicité au Québec, en Suède et dans d'autres compétences; qu'il fasse rapport sur les résultats de ces examens dans un délai d'un an; qu'il examine les modes de réglementer la cyberpublicité destinée aux enfants; et qu'il collabore au besoin avec l'industrie des médias, des organismes de défense des consommateurs, des universitaires et d'autres intervenants. C'était il y a huit ans. Nous avons toujours besoin de leadership dans ce domaine.

Toujours sur le sujet de l'information nutritionnelle, il faut améliorer l'étiquetage nutritionnel afin d'indiquer la quantité totale de sucre naturel et ajouté dans un produit.

La troisième recommandation est de réduire l'insécurité alimentaire et promouvoir la saine alimentation dans les populations vulnérables. L'insécurité alimentaire et l'obésité sont fortement liées au faible revenu. Les aliments moins sains sont généralement moins chers. En conséquence, les personnes à faible revenu ont un accès limité à des aliments abordables et de grande qualité pour rester en bonne santé et éviter de devenir obèses.

Toutefois, en Colombie-Britannique, le programme « Food Skills for Families », ou compétences alimentaires pour les familles de l'Association canadienne du diabète contribue efficacement à la promotion de la saine alimentation. Ce programme vise les personnes à faible revenu, les nouveaux immigrants, les Autochtones et les personnes âgées. Il explique aux participants comment bien se nourrir en préparant des repas faciles à partir d'ingrédients frais et entiers, ainsi qu'en apprenant à lire les étiquettes nutritionnelles. Élargir ce programme à l'ensemble du pays, en particulier dans les populations autochtones, permettrait de promouvoir l'alimentation saine et économique.

Encore une fois, je veux vous remercier de l'intérêt que vous portez à cet enjeu d'importance vitale et de cette invitation à venir vous parler. Je suis impatiente de poursuivre notre conversation et de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

J'aimerais maintenant accueillir Mme Joelle Walker, gestionnaire principale des affaires publiques et internationales à la Société canadienne du cancer.

Madame Walker, nous vous écoutons.

[Français]

Joelle Walker, gestionnaire principale, Affaires publiques et internationales, Société canadienne du cancer : Je vous remercie de l'invitation à comparaître devant votre comité. Je vais faire ma présentation en anglais cet après-midi, mais je pourrai répondre aux questions en anglais et en français par la suite.

[Traduction]

Je suis persuadée que vous avez beaucoup entendu parler au cours de ces audiences de l'ampleur des problèmes d'embonpoint et d'obésité au Canada. Nous savons que les taux d'obésité augmentent de façon constante depuis quatre décennies et que le problème est particulièrement grave au sein de certains groupes. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur la corrélation qui existe entre poids et cancer, sur les causes de ce phénomène et sur les solutions potentielles.

Comme je suis la troisième à parler cet après-midi, vous allez probablement trouver que je répète beaucoup de choses que mes collègues ont déjà dites, mais il faut y voir le signe d'un consensus grandissant dans le milieu de la santé voulant que certains facteurs ont bel et bien une incidence sur les taux d'obésité au Canada.

Nous savons tous que le tabagisme cause le cancer du poumon. Mais seulement environ 30 p. 100 des Canadiens savent qu'il y a un lien entre l'embonpoint et le risque d'avoir un cancer. Vous serez peut-être surpris d'apprendre qu'on peut éviter le tiers des cancers en mangeant bien, en restant actif et en maintenant un poids santé. À part ne pas fumer, maintenir un poids santé est la meilleure chose à faire pour se protéger du cancer.

Les gens qui font de l'embonpoint ou qui sont obèses risquent davantage de développer un certain nombre de cancers, dont le cancer du sein, le cancer colorectal, le cancer de l'œsophage, de la vésicule biliaire, du rein, du foie, du pancréas et de l'utérus. Ces personnes sont également plus à risque de se retrouver avec un diagnostic de cancer avancé de la prostate ou de l'ovaire.

Pour traduire cela en chiffres, on estimait en 2007 qu'environ 5 000 à 8 000 cas de cancer au Canada pouvaient être attribués à un excès de poids, et les recherches produisent chaque jour de nouvelles preuves pour appuyer ce lien.

Nous savons que le simple fait de connaître les risques associés à l'embonpoint ou à l'obésité n'est pas une raison suffisante pour inciter les gens à modifier leurs comportements. Sur le plan individuel, l'obésité peut être attribuée à la quantité d'énergie consommée par rapport à la quantité d'énergie dépensée. Faut-il consommer moins ou dépenser plus?

Nous savons que le facteur premier de l'obésité est la consommation de nourriture. Toutefois, cette propension à manger trop a été beaucoup influencée par notre environnement alimentaire. Malheureusement, il n'y a pas d'explication universelle — les causes de l'obésité sont complexes et elles sont liées à des facteurs sociaux, économiques, psychologiques, environnementaux et politiques.

Je suis une femme instruite et j'ai un emploi. Je viens d'un milieu privilégié et je travaille dans le secteur de la santé. Malgré tout cela — et malgré le fait que je suis une experte dans le domaine —, je peine encore à contrôler mon poids et à comprendre le monde déroutant de la nutrition, et j'ai encore de la difficulté à prendre des décisions saines. Voilà pourquoi il est important de faire en sorte que la décision santé soit la décision facile à prendre.

Comme l'ont dit mes collègues, le problème de l'augmentation de l'embonpoint et de l'obésité au Canada ne se réglera pas grâce à une politique particulière ou un programme spécial, une dynamique dont la lutte antitabac a clairement fait la démonstration. Bien que la sensibilisation du public soit nécessaire, elle n'aura pas d'impact suffisant à moins d'être combinée à une variété d'autres mesures.

Aujourd'hui, j'aimerais mettre l'accent sur le rôle que les gouvernements peuvent avoir pour aider à mettre au point des politiques à l'appui des préférences alimentaires. Le gouvernement fédéral en particulier peut exercer un leadership fort pour la mise en œuvre de politiques et de programmes qui auront une incidence de taille sur la santé de la population à l'échelle du pays.

Nous reconnaissons aussi que les gouvernements ne pourront pas y arriver seuls. L'action devra être coordonnée entre tous les ordres de gouvernement et un certain nombre de secteurs. C'est pour cette raison que des groupes comme le mien préconisent une approche globale assortie d'options stratégiques pour aider les gens à prendre de saines décisions.

Mes collègues ont parlé de façon éloquente de certaines de ces options, mais j'aimerais mettre l'accent sur les cinq suivantes.

Premièrement, l'amélioration de l'étiquetage nutritionnel. À l'heure actuelle, les emballages de presque toutes les denrées préemballées doivent arborer un tableau de la valeur nutritive qui fournit des renseignements importants au sujet des éléments nutritifs et des calories contenus dans une quantité donnée. Ce tableau est censé aider les consommateurs à évaluer les produits et à les comparer avec d'autres produits semblables afin de faire de meilleurs choix alimentaires. Mais nous savons que le format actuel de ces tableaux ne donne pas encore suffisamment de renseignements. Dans un rapport paru en 2013, le Conference Board du Canada rapportait que seulement 38 p. 100 des Canadiens considéraient être en mesure de bien comprendre les renseignements nutritionnels. Santé Canada est en train de réévaluer ce tableau. Nous avons proposé certaines améliorations que nous aimerions voir apportées, mais nous prions instamment le gouvernement d'examiner des modifications plus importantes, comme un étiquetage au recto de l'emballage pour aider les consommateurs à interpréter l'information contenue dans le tableau de la valeur nutritive. L'objectif n'est pas de remplacer le tableau, mais bien d'offrir un complément d'information aux renseignements nutritionnels contenus dans le tableau.

Deuxièmement, nous exhortons le gouvernement à restreindre la publicité destinée aux jeunes. Il y a une tendance grandissante à l'échelle mondiale pour restreindre la publicité d'aliments et de boissons destinée aux enfants. L'Irlande, la Corée du Sud et le Royaume-Uni souscrivent à cette tendance. Lorsqu'il est question de marketing et de publicité, nous savons que les enfants sont particulièrement vulnérables. C'est la raison pour laquelle nous appuyons l'instauration de nouvelles restrictions en matière de publicité, par l'intermédiaire de l'Alliance pour la prévention des maladies chroniques au Canada.

La taxation des boissons sucrées. La réduction de la consommation de sucre peut avoir un effet considérable sur la masse corporelle. Or, plus que tout autre produit, les boissons sucrées sont liées à l'obésité et aux maladies associées au régime alimentaire. La vérité, c'est que les boissons sucrées sont dans une classe à part. Elles ne procurent virtuellement aucun avantage sur le plan de la santé et elles n'ont pratiquement aucune valeur nutritive. Il est généralement reconnu qu'une augmentation des prix ou des taxes entraîne une baisse de la consommation des produits que ces augmentations visent, et le cas du tabac est un bon exemple de cela. Cette augmentation pourrait se faire aux points de vente ou à l'échelon du fabricant.

Le transport actif. En plus d'aider à maintenir un poids santé, l'activité physique peut, à l'échelle de toute une vie, aider à réduire les risques de développer certains cancers, notamment le cancer du côlon et le cancer du sein. Il y a différentes façons d'être actif, mais certaines études ont montré que le moyen le plus efficace pour augmenter notre activité physique est d'apporter de petits changements à nos activités routinières, notamment à notre façon de nous rendre au travail ou à l'école. Des choses comme des pistes cyclables, des trottoirs et des parcs pourraient procurer un environnement plus sécuritaire aux personnes qui choisiront le transport actif. Du reste, bon nombre des activités pouvant être pratiquées grâce à ces aménagements — comme le jogging ou le vélo — sont relativement peu coûteuses.

La dernière option que j'aimerais mettre en relief — mais cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas d'autres ou que c'est la moins importante —, c'est l'insécurité alimentaire, un enjeu névralgique de santé publique au Canada. L'insécurité alimentaire frappe souvent les gens qui gagnent peu d'argent ou qui sont dans une mauvaise situation économique, et elle a une incidence de taille sur leur façon d'acheter et de consommer la nourriture. Les aliments bon marché ont tendance à contenir beaucoup de calories, de sucre ajouté et de matières grasses, et peu de fibres et de micronutriments. De plus en plus de preuves semblent indiquer que, par rapport aux autres, les personnes qui sont en situation d'insécurité alimentaire courent un plus grand risque de faire de l'embonpoint et de devenir obèses, et que les enfants de familles en proie à l'insécurité alimentaire risquent plus de devenir obèses à l'âge adulte que ceux qui auront été à l'abri de cette insécurité.

Il y a des choses très précises que les gouvernements peuvent faire pour subventionner les aliments sains, pour augmenter la disponibilité et l'abordabilité de ces aliments et pour inciter les détaillants d'aliments santé à investir les milieux défavorisés, mais, de façon générale, les gouvernements peuvent et doivent faire plus pour s'attaquer globalement à la pauvreté au Canada.

L'obésité est un problème complexe, mais nous ne pouvons pas laisser cette complexité freiner notre réponse à cette crise qui ne cesse de s'aggraver. Nous n'avons parfois d'autre recours que d'essayer de nouvelles choses.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Je présume que personne n'a été surpris que les trois grands groupes représentés ici nous fassent des suggestions qui se recoupent. Nous serons heureux d'examiner tout cela avec vous. Le temps est maintenant venu pour mes collègues de poser des questions.

Le sénateur Eggleton : Merci de vos exposés.

J'aimerais commencer par la question du guide alimentaire, car je crois qu'il en a été question lors du Sommet canadien sur l'obésité qui s'est tenu récemment à Toronto. Certaines réserves avaient alors été émises. Un article du Journal de l'Association médicale canadienne titre « Food guide under fire at obesity summit » ou, si vous préférez, « Le guide alimentaire pris pour cible lors du sommet sur l'obésité ».

Le guide alimentaire a été élaboré en 1992, et je crois comprendre qu'il n'a pas beaucoup changé depuis. On lui reproche de ne pas être basé sur des faits probants et on allègue qu'il devrait être modifié pour mieux répondre aux besoins des Canadiens. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ce guide et quels types de modifications devraient lui être apportées?

Le président : Monsieur Arango, voulez-vous commencer?

M. Arango : Le guide a assurément besoin d'une mise à jour, cela ne fait aucun doute. Dans mes observations, j'ai mentionné que le guide alimentaire publié par le Brésil il y a environ un an est un exemple d'approche que beaucoup de gens respectent. Le guide recommande de manger des aliments entiers, de cuisiner à partir d'ingrédients bruts et d'éviter de manger à l'extérieur. Il fait aussi état de la nécessité de prévenir ou de restreindre le marketing axé sur les enfants.

Une autre chose qui est reprochée au guide, notamment par la Fondation des maladies du cœur — et nous l'avons signalée aux responsables —, c'est qu'il crée une équivalence entre fruits et jus de fruits. Ainsi, le guide affirme qu'en l'absence de fruits, la consommation de jus de fruits est une solution de rechange acceptable.

Mais la réalité est que les jus de fruits sont bourrés de sucre. Certains contiennent 33 p. 100 plus de sucre que les boissons gazeuses. Une boisson gazeuse peut par exemple contenir 39 grammes de sucre par portion. Or, certains jus de fruits contiennent 58 grammes de sucre par portion. Que ce soit du sucre dit naturel ou du sucre ajouté ne change rien à l'affaire.

Nous avons effectivement certaines préoccupations à ce sujet et je crois que les gens de Santé Canada nous ont entendus. Nous espérons vraiment qu'ils vont tenir compte de nos réserves.

Mme Walker : Les choses ont beaucoup changé depuis 1992. En matière de santé, les Canadiens sont quotidiennement bombardés de messages déroutants en provenance de sources diverses. Il nous appartient de simplifier le message.

Le guide alimentaire contient certains renseignements très importants, mais ils sont présentés d'une façon qui n'est pas particulièrement facile à suivre. Le guide change en fonction de votre âge, de votre sexe et d'autres facteurs.

Si l'on regarde différents messages... Le concept de « l'assiette pleine » s'intéresse à la façon de remplir son assiette au moment du repas. Habituellement, la moitié de l'assiette devrait être composée de légumes et de fruits; environ un quart devrait être des grains et l'autre quart, des protéines.

La mise au point d'un message plus simple sera d'une très grande utilité pour les Canadiens qui peinent jour après jour à prendre ces décisions.

Dre Hux : Je ne suis pas certaine d'avoir quoi que ce soit à ajouter.

Le sénateur Eggleton : On reproche aussi au guide sa façon très technique de mesurer les portions, mais je crois que vous en avez déjà parlé.

Permettez-moi d'aborder la question de la publicité pour des aliments et des boissons mauvais pour la santé, et en particulier de la publicité qui s'adresse aux enfants. Je crois que le modèle québécois établit qu'on ne peut annoncer quoi que ce soit qui vise les enfants. Jusqu'à quel âge cet interdit s'applique-t-il? Jusqu'à 13 ans ou quelque chose du genre? Mais il y a des jeunes qui ont passé cet âge et qui peuvent quand même être influencés par cette publicité.

Certaines administrations — certains arrangements volontaires ont même été tentés ici — ont essayé de mettre au point des critères afin d'établir ce qui est sain et ce qui ne l'est pas. Si le Canada adoptait ce modèle, quels seraient ces critères et comment seraient-ils mis au point?

Mme Walker : Je pense que l'âge est un facteur important, mais je crois que la plupart de mes collègues s'accordent pour dire que 12, 13 ou 14 ans seraient l'âge charnière — il se peut qu'il n'y ait pas de réponse idéale à cet égard.

Il faudrait envisager une interdiction complète. Le modèle québécois actuel met beaucoup l'accent sur la télévision, mais on constate qu'il y a de plus en plus de publicité dans les médias sociaux qu'utilisent les enfants, que ce soit Twitter ou Facebook, et beaucoup de messages publicitaires sont disséminés par d'autres moyens. Autant que possible, il faudrait des mesures qui s'appliquent des deux côtés de la frontière et qui ciblent un certain nombre de médias qui relaient de la publicité. De nos jours, il y a même des jeux du style « Tony le tigre » qui sont axés sur les produits alimentaires. La suppression de toute cette publicité constitue un défi vertigineux, mais il est très important d'agir sur ce front.

L'une des choses que vous avez dites est que le Québec interdit toute forme de publicité qui s'adresse aux enfants, qu'il s'agisse de nourriture ou même de jouets. Je crois que nous avons quelque difficulté, en tant que communauté, à décider si l'interdiction doit être fondée sur certains critères relatifs à la qualité des aliments. Or, ces questions débouchent sur une discussion délicate sur notre promptitude à catégoriser les aliments comme étant sains ou mauvais pour la santé.

La communauté penche de plus en plus vers une interdiction de toute publicité de produits alimentaires, sans toutefois empêcher les campagnes de sensibilisation qui encouragent la consommation de légumes, de fruits et de produits sains.

Le sénateur Eggleton : Nous pourrions interdire toute publicité d'aliments et de boissons destinée aux enfants d'un certain âge. Mais jusqu'à quel âge, 18 ans? Irions-nous jusqu'à l'âge de la majorité?

M. Arango : Comme l'ont dit mes collègues, c'est une question qui devra être débattue.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais seulement connaître votre opinion.

M. Arango : Idéalement, le plus tard serait le mieux, mais la faisabilité de cette mesure suscite des questions.

Les enfants sont plus vulnérables lorsqu'ils sont jeunes que lorsqu'ils sont plus vieux. Si c'était possible, nous aimerions que l'interdiction dure plus longtemps, mais je crois que la faisabilité de cette mesure sera plus plausible avec un âge charnière de 13 ans, ce qui est la norme dans la plupart des pays qui ont adopté des règlements à cet égard. Au Royaume-Uni, l'âge charnière est de 16 ans.

Le sénateur Eggleton : Et, si je vous ai bien compris, il faudrait viser toutes les plateformes en plus de la télévision et de la radio.

M. Arango : Je me ferai l'écho de mon collègue en affirmant qu'il est important que l'interdiction s'applique à tout média utilisé pour faire du marketing. J'ajouterai que de nombreux groupes aiment mieux des restrictions sur la commercialisation des aliments et des boissons que sur tous les produits, comme c'est le cas au Québec. En effet, l'approche du Québec est correcte, mais elle présente certaines failles ou certains problèmes. Par exemple, l'approche suppose que l'on interdira la commercialisation des raquettes de tennis et des patins pour les enfants, des produits qui n'ont pas d'impact négatif sur la santé, bien au contraire. Alors, c'est un problème.

L'autre problème, c'est que le modèle québécois met l'accent sur l'interdiction du marketing destiné aux enfants. Cela signifie qu'il est possible d'annoncer des produits destinés aux adultes durant les heures de programmation pour enfants. Ainsi, McDonald's peut annoncer son Big Mac durant la programmation destinée aux enfants.

Le sénateur Eggleton : Une faille.

M. Arango : Oui, une faille.

Nous préférons une interdiction de toute forme de commercialisation d'aliments et de boissons destinée aux enfants. Cette approche donnera des résultats puisque 90 p. 100 des aliments et des boissons que l'on essaie de commercialiser auprès des enfants sont mauvais pour la santé.

Le sénateur Eggleton : Deux d'entre vous ont mentionné que l'insécurité alimentaire et l'obésité étaient souvent le lot des personnes à faible revenu. Vous avez parlé de faible revenu et de pauvreté. Avez-vous des statistiques sur les effets de l'obésité selon les niveaux de revenu?

Dre Hux : Nous savons que les cas de diabète, qui sont bien entendu une conséquence directe de l'obésité chez les gens génétiquement à risque, se concentrent dans les collectivités à faible revenu. Dans les pays les plus riches, le taux de diabète est la moitié de ce qu'il est dans les pays les plus pauvres, et la sécurité alimentaire y est clairement pour quelque chose. Il y a une forte corrélation.

La sécurité alimentaire nous vient à l'esprit quand nous pensons aux collectivités nordiques les plus éloignées où il n'y a peut-être même pas de fruits frais, mais même dans les grandes villes, il y a également ce que nous appelons des déserts alimentaires. Dans certains secteurs de Toronto, les gens ont difficilement accès à des fruits et à des légumes frais.

Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec vous. Si vous avez des statistiques, ce serait bien de les avoir. J'essaie de trouver une analyse statistique fondée sur un plus grand nombre de données probantes au sujet du lien entre les niveaux de revenu et l'obésité.

Le président : En parlant de statistiques, durant l'un de vos exposés, vous avez fait allusion au concept voulant que l'obésité juvénile ait tendance à se poursuivre tout au long de la vie. Nous avons entendu que, selon les statistiques, il y a un pourcentage donné de jeunes âgés de 18 ans qui sont obèses. La question est de savoir quel est le pourcentage de ceux dont la situation à la naissance a augmenté le risque d'obésité à long terme par rapport à ceux qui sont devenus obèses en raison de leur alimentation ou de leur style de vie, entre 1 an et 18 ans. Ce n'est pas une question, mais une remarque étant donné que ce point a déjà été soulevé.

La sénatrice Seidman : Docteure Hux, à la fin de 2014, vous avez écrit un article intitulé « Blaming Diabetes on Poor Eating Habits has Delayed Real Action », qui a été publié dans le Globe and Mail. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ce que vous avez écrit dans cet article, car il a été rédigé il y a quelque temps. Il est probable que vous vous en souveniez. À la fin de l'article, vous avez dit :

[...] la première étape consiste à lutter contre l'idée fausse voulant que le diabète soit exclusivement la faute de ceux qui mangent trop et qui ne bougent pas assez.

Dre Hux : J'adhère encore sans aucun doute à cette position. Il y a trois types de facteurs de risque pour le diabète. Il y a le risque génétique contre lequel on ne peut rien, comme le fait d'avoir des origines sud-asiatiques ou autochtones ou d'avoir 18 parents proches atteints de diabète de type 2. Ce risque est indépendant des comportements. Il y a également les modes de vie individuels dont nous avons parlé, comme manger moins et bouger plus.

Dans cet article, je voulais mettre l'accent sur les facteurs environnementaux — le fait que nous vivons dans un environnement obésogène et que nous ne sommes toujours pas aussi libres de faire des choix que nous aimerions l'être.

J'ai des données à l'appui. Des travaux de recherche effectués dans de petits quartiers de Toronto au sujet du taux relatif au développement du diabète sur cinq ans montrent que le risque de ceux qui vivent dans les quartiers de la ville qui sont le moins adaptés à la marche est de 30 à 50 p. 100 plus élevé que le risque de ceux qui vivent dans les quartiers les mieux adaptés à la marche — après avoir tenu compte d'aspects comme le revenu et d'autres facteurs de risque pour la santé.

Soit dit en passant, comme ma collègue, j'ai de la difficulté à maintenir un poids santé même si j'ai toute l'information pertinente et les moyens d'avoir trois paires de bonnes chaussures de gymnastique et un abonnement transférable à un centre de conditionnement physique. C'est de ma faute si je ne fais pas d'exercice.

Cela dit, je pense à une mère pauvre d'un quartier au taux de criminalité élevé qui ne peut pas se permettre de gardienne, d'abonnement à un centre de conditionnement physique ni de souliers de course et qui a peur d'aller marcher parce qu'elle pourrait devenir la victime de tirs depuis un véhicule en mouvement. Si elle ne fait pas d'exercice, ses options sont beaucoup moins nombreuses que les miennes. Nous ratons une belle occasion d'agir en ne nous attaquant pas à ces problèmes environnementaux et en blâmant tout simplement ceux dont le comportement est répréhensible.

La sénatrice Seidman : Vous avez fait allusion à la Finlande.

Dre Hux : Oui.

La sénatrice Seidman : Vous avez donné un exemple que vous avez utilisé pour illustrer le point que vous tentiez de faire valoir. Vous pourriez peut-être nous l'expliquer.

Dre Hux : Dans les années 1960, on a constaté que la province nordique de Karelia en Finlande avait le plus haut taux de maladie cardiovasculaire chez les hommes d'âge moyen au monde. La population a demandé au gouvernement de prendre des mesures à cet égard. Le gouvernement a mis sur pied une équipe multisectorielle, formée notamment de représentants de l'Organisation mondiale de la Santé ainsi que d'acteurs manifestement intéressés du milieu de la santé communautaire et de médecins. Ils ont réfléchi de manière vraiment générale aux conséquences et ont donc fait venir des agriculteurs, des fabricants de produits alimentaires et des propriétaires de points de vente d'aliments. Tout le monde a été invité à participer aux discussions, et ils ont vraiment commencé à changer la culture.

On a réfléchi aux répercussions profondes ressenties à l'époque, et les producteurs laitiers représentaient l'une des grandes industries de la région. Les gens tranchaient une livre de beurre comme si c'était du fromage. Il n'était pas étonnant que les maladies coronariennes posent problème. Ils ont donc pris des mesures pour inciter les producteurs laitiers à devenir des producteurs de baies, qui ne contiennent aucun gras et qui sont très saines. Le nombre de maladies coronariennes chez les hommes d'âge moyen a diminué de 60 à 80 p. 100 au cours des 30 années suivantes. C'est une réussite remarquable en matière de santé publique.

La sénatrice Seidman : En effet, c'est remarquable. Cela m'amène à ma prochaine question, que j'adresse à chacun de vous, au sujet des interventions fondées sur des données probantes.

Docteure Hux, vous avez fait part de quelques interventions très efficaces fondées sur des données probantes. Lorsque vous aurez fini de nous parler des terribles effets néfastes de l'obésité sur la santé et d'exprimer vos nombreuses idées, nous espérons pouvoir formuler, à la fin de l'étude, des recommandations qui peuvent être mises en œuvre et donner des résultats.

Pouvez-vous nous donner un exemple d'intervention qui a fonctionné? Quand je dis « fonctionné », je veux dire qu'il est prouvé qu'elle peut avoir du succès et entraîner un certain changement de comportement en ce qui a trait à l'obésité.

M. Arango : En voulez-vous seulement une? J'ai fait allusion à quelques-unes de ces interventions dans mon exposé. Je crois que certains de mes collègues en ont fait autant.

Nous savons que la commercialisation destinée aux enfants a une incidence. Elle s'est avérée très rentable. Au Royaume-Uni, lorsqu'on a imposé des restrictions à la commercialisation destinée aux enfants à la télévision, le nombre de publicités et l'exposition des enfants à ces publicités ont diminué. Le recours à d'autres moyens de commercialisation, comme l'Internet, a malheureusement augmenté à défaut d'être visé par les restrictions.

Nous savons que tenter de restreindre la commercialisation dans un certain domaine donne des résultats. Nous savons également que cela s'est révélé efficace au Québec, malgré certaines échappatoires. Chez les enfants âgés de 2 à 11 ans, le Québec a le plus faible taux d'obésité au Canada, une des plus importantes consommations de fruits et de légumes et l'un des plus faibles taux de consommation de malbouffe et de boissons sucrées. Il est donc clair qu'il se passe quelque chose là-bas. Cela ne fait aucun doute.

Il y a également la taxation. Nous savons que le prix est roi. Dans le cas du tabac, la taxation s'est avérée être notre plus importante intervention en vue de réduire la consommation. Nous pouvons en faire autant avec la nourriture. De toute évidence, le tabac diffère de la nourriture. Nous avons besoin de manger pour survivre. Toutefois, dans le cas d'un produit comme les boissons sucrées, qui ont une très faible proportion d'éléments nutritifs et présentent de nombreux risques, cette approche peut vraiment fonctionner.

Au Mexique, une taxe a été imposée il y a environ un an et demi. Une taxe de 10 p. 100 a entraîné une réduction d'à peu près 10 p. 100 de la consommation de boissons sucrées et une hausse de 7 p. 100 de la consommation de boissons non taxées, à savoir l'eau et le lait. Sur ces deux fronts, il y a certainement des preuves à l'appui partout dans le monde.

La sénatrice Seidman : Docteure Hux, vous avez parlé d'un programme efficace qui sert de guide pour manger santé, à savoir le programme Food Skills for Families mis en œuvre en Colombie-Britannique par l'Association canadienne du diabète.

Dre Hux : Nous formons des formateurs afin qu'ils se rendent dans les collectivités. Il s'agit d'une expérience culinaire à caractère pratique pour enseigner aux gens comment préparer des repas économiques à partir d'aliments entiers bons pour la santé, de sorte qu'ils aient d'autres options que la malbouffe, qui pourrait les tenter.

La sénatrice Seidman : Est-ce un programme fondé sur des données probantes? A-t-il donné des résultats ailleurs avant sa mise en œuvre?

Dre Hux : Non. Nous commençons tout juste à l'évaluer. Vous devrez patienter avant de connaître les résultats.

[Français]

La sénatrice Chaput : Vous représentez trois organisations qui ont chacune leur cible : les maladies du cœur, le diabète et le cancer. Il n'y a aucun doute que, pour vous trois, l'obésité est un facteur préoccupant, parce qu'elle influe de façon négative sur le travail que vous tentez de faire.

Je crois que vous avez répondu en partie à ma question, parce qu'elle a été posée par la sénatrice Seidman. Cependant, je vais la reformuler. Votre organisation a développé des stratégies visant à prévenir ou à réduire l'obésité. Vous en avez donné des exemples, mais avez-vous des stratégies plus spécifiques liées uniquement à la maladie du cœur ou au diabète, ou est-ce que ces stratégies visent les trois conditions?

Mme Walker : De façon générale, la plupart des stratégies peuvent être appliquées aux trois maladies. Dans le cas du cancer, il ne s'agit pas d'une simple maladie, mais les stratégies peuvent être appliquées à plusieurs maladies. Dans le contexte du cancer, une chose que je n'ai pas mentionnée et qui n'est pas exactement liée à l'obésité, c'est la question de l'ingestion de certains aliments qui peuvent causer le cancer, comme la viande rouge et les viandes transformées utilisées dans les sandwiches. Ces aliments sont spécifiquement liés au cancer, ou à certains cancers, et nous avons donc mis en œuvre des stratégies et des programmes de sensibilisation à cet égard, mais je crois que nous nous accordons pour dire que la plupart de nos stratégies peuvent s'appliquer aux trois conditions. En mettant en œuvre une mesure, on peut réduire les risques liés au diabète, aux maladies du cœur et au cancer.

La sénatrice Chaput : Avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

Dre Hux : Je dirais que nous sommes plus souvent d'accord qu'en désaccord. Dans le cas du diabète, il y a l'avantage supplémentaire attribuable au fait qu'une personne qui développe cette maladie peut la gérer beaucoup mieux lorsqu'elle vit dans un environnement alimentaire défavorable à l'obésité et un milieu qui encourage un mode de vie actif. C'est avantageux non seulement pour prévenir la maladie, mais aussi pour la gérer.

M. Arango : Je suis tout à fait d'accord : il y a beaucoup de chevauchements.

Je tiens à préciser — il s'agit d'une nuance, d'une différence — que la nutrition a une incidence un peu plus grande et un peu plus utile que l'activité physique pour réduire l'obésité. Cependant, dans le cas des maladies vasculaires, la nutrition et l'activité physique ont généralement la même importance. L'activité physique peut certainement atténuer les effets de l'obésité, mais le rôle de la nutrition est considérable. C'est très important.

Nous disons parfois qu'on ne peut pas échapper à ce que l'on mange, ce qui veut que si vous consommez trop, ce sera vraiment très difficile d'y remédier en faisant de l'exercice. Cela ne signifie pas que l'exercice est accessoire, car c'est extrêmement important, mais, comme je l'ai dit dans mon exposé, un adolescent qui consomme une canette de boisson gazeuse ou de jus de fruits de 20 onces devra courir pendant 50 minutes ou marcher 5 milles pour compenser.

[Français]

La sénatrice Chaput : Est-il possible de déterminer le facteur principal responsable de l'augmentation de l'obésité au Canada? Y a-t-il un facteur principal?

Mme Walker : Selon moi, l'un des facteurs, c'est que notre société a beaucoup changé au cours des 50 dernières années. On met beaucoup plus l'accent sur ce qui est plus facile. Donc, les choix alimentaires que nous faisons sont fondés sur la rapidité avec laquelle un repas pourra être préparé. Pour aller travailler, en prenant la voiture, on prend moins de temps. Notre situation et l'environnement ont beaucoup changé au cours des 50 dernières années, ce qui a beaucoup contribué au problème d'obésité. La nourriture que l'on mange, la nourriture préparée contient généralement beaucoup de sel et de sucre. Ces ingrédients aident à garder la nourriture plus longtemps dans les magasins, mais le côté négatif, c'est que cela a un impact négatif sur ce que l'on consomme.

[Traduction]

M. Arango : Comme je l'ai dit, la consommation accrue d'aliments transformés, qui est passée de 29 à 62 p. 100 au cours des dernières décennies, y est certainement pour quelque chose.

La consommation de boissons sucrées est également un facteur énorme. Les États-Unis et le Mexique ont un des taux d'obésité les plus élevés au monde, ainsi que les taux de consommation de boissons gazeuses les plus importants.

Notre façon de vivre est beaucoup plus sédentaire et beaucoup plus axée sur la commodité, y compris la consommation d'aliments transformés. Tout cela a eu des répercussions.

Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés.

Nous entendons beaucoup parler d'alimentation saine et du guide alimentaire, mais sommes-nous suffisamment informés à ce sujet? Avons-nous suffisamment sensibilisé la population? Avons-nous suffisamment éduqué les gens? Avons-nous besoin, par exemple, d'un plus grand nombre de mises en garde? À votre avis, quelles sont les mesures efficaces que nous avons prises jusqu'à maintenant?

Dre Hux : On est peut-être mieux renseigné, mais il est possible qu'on ne comprenne pas mieux. Mes collègues ont parlé du tableau de la valeur nutritive, qui regorge d'information, mais ne mène pas nécessairement à des choix alimentaires plus judicieux. C'est entre autres un problème d'éducation. Il faut aider les gens à comprendre et à interpréter les étiquettes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre programme Food Skills for Families comprend un volet d'interprétation des étiquettes. Cependant, je crois qu'il faut se pencher de nouveau sur ces étiquettes. Un système d'étiquetage devant les emballages et de symboles simples et rapides à comprendre aiderait probablement les gens à comprendre et à évaluer la valeur des produits.

Je pense également que les gens doivent développer leur capacité à préparer facilement et rapidement des aliments sains. Ils sont peut-être attirés par les aliments préemballés parce qu'ils pensent que c'est plus rapide. Ils leur seraient utiles de connaître des recettes et des méthodes de cuisson pour préparer rapidement un repas sain.

De toute évidence, il faut davantage d'information et une communication accrue de cette information. Au moment de faire des choix alimentaires, nous sommes submergés de données, mais nous manquons malheureusement de jugement.

Le sénateur Enverga : Il est difficile de s'imaginer le genre d'étiquetage dont il serait question. J'aimerais vous demander de quel processus d'étiquetage nous parlons ici. Si le produit peut vraiment rendre obèse, pourrions-nous ajouter une étiquette représentant, par exemple, un éléphant, un cochon si le produit est meilleur et une souris s'il est plus sain? Pensez-vous que ce serait utile?

M. Arango : Dans le cas du tabac, les mises en garde se sont avérées efficaces lorsqu'elles étaient explicites, tout à fait. En même temps, nous ne voulons pas « blâmer la victime ».

Comme l'a indiqué Dre Hux, lorsque quelqu'un vit dans un milieu pauvre, par exemple une mère de famille à faible revenu qui a quatre enfants, nous ne voulons pas de mise en garde qui blâme cette personne, car les circonstances dans lesquelles elle vit sont indépendantes de sa volonté. Nous devons faire preuve de prudence.

L'idée des mises en garde a été proposée de façon générale. Je crois qu'un projet de loi présenté dernièrement en Californie au sujet des boissons sucrées n'a pas reçu un très bon accueil, mais c'est une question qui ferait l'objet d'une approche à plusieurs volets utilisant les mises en garde.

Le sénateur Enverga : Je sais qu'il y a des quartiers bien nantis et des quartiers plus pauvres. Pensez-vous que nous devrions être sélectifs quant à la façon dont nous présentons le guide alimentaire ou l'étiquetage? Pensez-vous que c'est possible? Proposeriez-vous d'établir une distinction entre les différents quartiers? Les images explicites ne seraient pas utilisées auprès des gens pauvres, tandis qu'elles le seraient dans les quartiers plus riches. Servons-nous de l'éléphant, du cochon ou de la souris dans ces quartiers-là. Pensez-vous que nous pourrions séparer les deux?

M. Walker : Un faible revenu est souvent accompagné d'un faible taux de scolarité. Ces choses vont habituellement de pair. Par conséquent, la création d'étiquettes, qu'il s'agisse d'un éléphant ou d'un cochon, facilite la compréhension. Il est vraiment essentiel d'adopter une approche simple — un feu vert, jaune ou rouge — pour aider ceux qui n'ont pas le même niveau de scolarité à interpréter cette information. Nous devrions probablement procéder ainsi dans tous les quartiers. Je crois que tout le monde en tirerait parti, mais il serait essentiel de ne pas oublier d'employer un langage clair et une approche facile à comprendre.

Comme l'a dit ma collègue, il y a actuellement de l'information. Je peux consulter un emballage et faire un calcul mental. Quand j'ai le choix entre deux yogourts, ce qui représente chaque fois le produit le plus riche de ma liste d'épicerie, la comparaison est nécessaire. La portion est-elle de trois quarts de tasse ou d'une demi-tasse?

Je vois que certains hochent la tête. Nous avons tous de la difficulté à faire un choix de yogourt.

Je suis ensuite obligé de faire des fractions pour savoir lequel est le meilleur pour moi. Après, je regarde la teneur en sucre et la teneur en gras. Ce n'est pas facile à comprendre. Ce serait bien d'avoir une seule source d'information.

Les détaillants emploient actuellement différentes méthodes, telles que le programme « Red Light » ou les étoiles de Loblaws. Cette grande diversité d'étiquetage ajoute à la confusion. La mise en place d'un système simple et unique sanctionné par le gouvernement faciliterait un peu les choses.

Dre Hux : J'ajouterais que la plupart de ces préoccupations concernent les aliments emballés. Un autre message important que nous voulons communiquer aux consommateurs, c'est de s'éloigner des allées dans les épiceries, de rester en périphérie. Il serait plus important d'inciter les gens à éviter les aliments emballés que de diaboliser un type d'aliment emballé en particulier.

Le sénateur Enverga : Il est parfois difficile et fastidieux de lire toutes les étiquettes sur un emballage. Selon vous, devrait-on obliger les supermarchés à apposer de grosses étiquettes affichant un feu rouge pour les mauvais aliments ou un feu vert pour les bons aliments, par exemple?

Dans de nombreuses animaleries, on utilise des étiquettes de couleur pour caractériser les poissons : rouge signifie qu'ils sont vicieux, qu'ils vont s'entretuer; jaune signifie qu'on peut les mettre ensemble; vert signifie qu'on peut les mélanger avec d'autres. On pourrait faire la même chose avec les aliments : vert — vous pouvez en manger plus; jaune — faites attention; rouge — n'en mangez qu'un seul. Serait-ce possible?

Dre Hux : À mon avis, l'important, c'est de simplifier la chose. Ce n'est pas une question d'éducation. Ceux d'entre nous qui sont plus aisés se sentent parfois à court de temps et cherchent quelque chose de rapide. Ils ne veulent pas lire l'endos des emballages. Donc, oui, tout ce qui peut simplifier et favoriser la prise de bonnes décisions serait utile.

M. Arango : Une étude comparative de trois systèmes a été publiée récemment : un système basé sur les feux de circulation — rouge, jaune, vert —; un système basé sur une échelle de 0 à 150; et un autre basé sur des logos et symboles simples. Selon cette étude, il était plus facile pour les consommateurs de comprendre le système de logos et de symboles.

Mais, peu importe, votre commentaire est tout à fait pertinent. Il faut mettre en œuvre un système axé sur des symboles simples dans les magasins et restaurants afin d'aider les consommateurs à adopter une alimentation saine.

Le président : Monsieur Arango, pourriez-vous faire parvenir une copie de ce rapport ou une référence à celui-ci à la greffière?

M. Arango : Certainement.

Mme Walker : J'oublie dans quel pays c'était, mais il a été démontré que lorsque les aliments préemballés sont étiquetés, cela pousse les fabricants à revoir leur processus de fabrication et la composition de leurs aliments. Je crois que c'est au Royaume-Uni que des détaillants ont commencé à reformuler leurs aliments. Cela a un impact à plus long terme sur le fonctionnement du système d'approvisionnement alimentaire du pays.

La sénatrice Raine : Nous vous remercions d'avoir accepté de venir nous partager votre expertise dans ces domaines. Nous savons tous qu'il sera difficile d'apporter des changements.

Selon vous, quel est le rôle du système d'éducation dans tout cela? Le système d'éducation a changé au cours des 40 dernières années. Aujourd'hui, il y a moins de cours d'éducation physique et plus de cours d'informatique, notamment. Que devraient faire les écoles à votre avis pour enseigner aux enfants à faire de bons choix alimentaires?

M. Arango : De toute évidence, la sensibilisation et l'éducation dans les écoles sont importantes. Cela aidera peut-être les jeunes à faire de meilleurs choix, mais aussi, une fois adultes, à mieux comprendre qu'il y a d'autres aspects dont il faut tenir compte en matière d'alimentation ou d'activité physique, notamment. Ainsi, ils seront plus ouverts aux interventions ou aux programmes du gouvernement à cet égard.

Aussi, il ne suffit pas aux écoles de simplement dire aux jeunes : « Vous devriez manger ceci. » Elles doivent prêcher par l'exemple. Elles ne peuvent pas dire aux enfants d'éviter les boissons sucrées et les hamburgers et de consommer du lait, de l'eau ou des fruits et légumes si tout ce qu'elles offrent dans leurs cafétérias ce sont des boissons sucrées et des aliments transformés, et très peu de fruits et légumes, de lait ou d'eau.

Les choses changent au Canada. Petit à petit, l'environnement alimentaire dans les écoles et cafétérias se transforme. Il est très important que les écoles enseignent, mais aussi qu'elles montrent l'exemple et qu'elles offrent aux étudiants des options santé.

La sénatrice Raine : Devrait-il y avoir une sorte de zone tampon autour des écoles pour éloigner les établissements de restauration?

M. Arango : Absolument. Si l'on améliore l'environnement alimentaire dans les cafétérias des écoles, mais pas autour des écoles, les jeunes s'intéresseront à cet environnement près des écoles et iront manger dans des établissements de restauration rapide. Il faut éviter les marais et déserts alimentaires autour des écoles et dans les quartiers à faible revenu.

Mme Walker : J'ajouterais deux choses. D'abord, on parle d'une approche à volets multiples, mais cela ne concerne pas uniquement le gouvernement fédéral; cela concerne également les collectivités, les écoles, les employeurs, les groupes sans but lucratif, bref, tout le monde. Comme l'a souligné M. Arango, l'environnement scolaire sert à enseigner des comportements, pas à normaliser des comportements.

Une des choses qui m'a marqué, c'est la campagne sur le recyclage menée il y a de nombreuses années. Tout cela a commencé dans les écoles. Les jeunes retournaient chez eux et disaient à leurs parents : « Maman, papa, il faut mettre cela dans le recyclage. » Cette campagne a connu un franc succès. Si l'on enseigne dès le début aux enfants à bien manger, ils diront à leurs parents : « Peut-être qu'on ne devrait pas manger cela » ou « Il y a trop de rouge et pas assez de vert dans mon assiette. » C'est un environnement unique qui pourrait appuyer nos efforts sur le plan politique.

Dre Hux : Vous avez parlé de l'activité physique. Il ne fait aucun doute que la réduction de l'activité physique dans le curriculum scolaire, notamment, a contribué à l'épidémie d'obésité chez les jeunes. Le curriculum est important, mais, comme l'ont souligné mes collègues, l'environnement l'est tout autant.

En 2009, une étude allemande a été publiée dans laquelle on comparait une école où les étudiants avaient accès à de l'eau et où l'on faisait la promotion de la consommation d'eau et une école où ce programme n'était pas offert. Après un an, le taux d'obésité dans l'école où l'eau était offerte avait baissé de 31 p. 100.

La sénatrice Raine : L'éducation et la santé sont des compétences provinciales. Que font vos organisations pour surveiller ce qui se fait dans les provinces? Avez-vous un moyen de faire rapport sur les activités et d'éduquer les régions sur les meilleures pratiques?

Dre Hux : Nous offrons un programme sur le diabète dans les écoles à l'intention, notamment, des enfants atteints du diabète de type 1. Vous savez probablement que ce diabète n'est pas associé à l'obésité. Le programme est offert dans des milieux où les jeunes ont beaucoup de difficulté à surveiller leur taux de glycémie, à obtenir des injections et à obtenir des collations.

Un des problèmes, c'est le paysage alimentaire dans les écoles. Nous recommandons aux provinces d'améliorer leurs politiques. Cette recommandation est transmise aux conseils scolaires, car ce sont eux qui prennent la décision. Donc, nous recommandons aux provinces de fixer des normes pour que les conseils scolaires offrent des environnements sains aux enfants atteints de diabète.

La sénatrice Raine : Quelqu'un d'autre voudrait intervenir sur la question?

M. Arango : La Fondation des maladies du cœur du Canada travaille avec tous les ordres de gouvernement — les administrations municipales et les gouvernements provinciaux et fédéral. Je suis d'accord : il faut travailler avec tous les ordres de gouvernement.

La sénatrice Raine : Ça me renverse que nous ayons un système d'éducation — en fait, nous en avons dix, plus trois. Nous avons des systèmes d'éducation, mais l'expertise que nous avons à l'échelle nationale n'atteint peut-être pas ces systèmes.

M. Arango : Nous tentons de travailler avec les systèmes d'éducation provinciaux, mais ils diffèrent d'une province à l'autre. Nous ne réussissons pas toujours à faire passer notre message.

Mais, nous sommes conscients que les écoles et systèmes d'éducation sont de très bons milieux pour influencer les enfants et s'assurer qu'ils conservent des habitudes de vie saine une fois adultes. Nous faisons des efforts, mais ce n'est pas toujours concluant.

Mme Walker : Une des choses qui inquiètent les groupes de santé, en général — je ne veux pas parler au nom de mes collègues —, que ce soit une compétence provinciale ou fédérale, la prestation se fait à l'échelle provinciale. Il faut donc éviter de créer un système hétérogène où les enfants n'ont pas tous accès aux mêmes choses. Certaines des politiques dont nous avons parlé... c'est la raison pour laquelle nous en parlons à l'échelle fédérale. Le gouvernement a un rôle à jouer concernant ces politiques de santé publique.

Le dossier du tabac a connu un franc succès en raison de la politique du gouvernement fédéral. L'âge minimal pour l'achat de produits du tabac peut varier d'une province à l'autre, mais le gouvernement fédéral a établi un âge minimal : 18 ans. Certaines provinces peuvent le fixer à 19 ou 20 ans, mais un seuil a été établi. Plusieurs des options dont nous parlons aujourd'hui pourraient s'inspirer de ce modèle.

La sénatrice Raine : C'est une bonne façon de le voir. Des conférences fédérales-provinciales-territoriales ont été organisées sur le sujet. Tous les intervenants sont sur la même longueur d'onde, mais comment faire pour passer à la prochaine étape? C'est difficile.

M. Arango : Effectivement.

La sénatrice Raine : Vous avez parlé des boissons sucrées et de leur incidence sur la santé. Y a-t-il eu une étude sur les conséquences de la consommation de boissons diètes et sucrées avec des édulcorants artificiels? Savons-nous quelles seraient les conséquences si les gens délaissaient les boissons contenant du sucre, un produit plutôt inoffensif, outre les calories qu'il contient, pour des boissons contenant un édulcorant artificiel? Le savons-nous?

M. Arango : Vous auriez dû participer au Sommet canadien sur l'obésité qui s'est déroulé il y a quelques semaines. Dans le cadre de ce sommet, nous avons animé une discussion sur le rôle des boissons diètes comme outils d'atténuation des effets néfastes pour réduire la consommation de boissons sucrées. Deux experts participaient à cette discussion : un de Harvard et un autre du Royaume-Uni. Un était pour les boissons diètes, l'autre disait qu'il fallait y faire attention.

Les participants ont conclu que, dans certains cas, les boissons diètes seraient peut-être préférables aux boissons sucrées. Mais, une préoccupation a été soulevée : les gens vont-ils consommer des boissons sucrées et des boissons contenant des édulcorants artificiels? Y aura-t-il une double consommation?

L'autre préoccupation c'est, si l'on fait la promotion des boissons diètes, est-ce qu'on encourage une habitude sociale de consommation de produits à saveur sucrée? C'est ce qui inquiète.

Au bout du compte, si elles sont utilisées correctement, les boissons diètes pourraient être utiles pour réduire la consommation de boissons sucrées, mais cela ne peut pas être l'objectif ultime. Nous ne voulons pas continuer à entretenir ce besoin maladif de consommer du sucre.

Dre Hux : L'utilisation de boissons contenant des édulcorants artificiels continue d'entretenir ce besoin de consommer des aliments sucrés. D'ailleurs, elles sont souvent plus sucrées que les boissons contenant du sucre, donc elles peuvent faire grandir ce besoin.

L'autre problème avec ces boissons, c'est les mauvais calculs mentaux qu'elles nous font faire. On se dit, par exemple : « Puisque je bois la boisson diète X, je peux manger ce morceau de tarte aux pommes avec de la crème glacée », alors que ce morceau de tarte contient trois fois plus de calories et de gras qu'une boisson gazeuse. Ce genre de mauvais calcul mental où l'on se ment à soi-même est vu comme un problème de comportement associé aux boissons contenant des édulcorants artificiels.

De nouvelles informations laissent croire que ces boissons pourraient avoir des conséquences physiologiques, qu'elles pourraient modifier la façon dont le corps traite le sucre et ainsi nuire à notre métabolisme. De toute évidence, ces boissons ne sont pas la panacée.

La sénatrice Raine : J'imagine que sur le plan marketing, si c'est un produit « diète », ça demeure...

M. Arango : Vous avez raison.

La sénatrice Raine : Donc, les publicités ne devraient pas encourager les jeunes à remplacer les boissons sucrées par des boissons diètes.

M. Arango : Non, nous ne recommanderions pas que les jeunes consomment des boissons diètes.

Vous avez raison : la commercialisation de boissons diètes permet l'extension de marque. Par exemple, la marque Coke serait toujours présente. C'est un problème.

La sénatrice Raine : J'aimerais faire une déclaration. À mon avis, l'industrie des boissons gazeuses doit faire partie de la solution. Nous devons tous manger et boire, mais nous voulons consommer des produits sains. Laissons ces sociétés se battre pour les parts du marché des produits sains, mais elles doivent faire partie de la solution.

Mme Walker : Vous soulevez un point intéressant. Ça revient à la reformulation des aliments. Plus on créera cet environnement, plus la demande pour des produits plus sains augmentera. D'ici là, certaines des politiques seront essentielles pour changer la perception et la compréhension des gens. Le but, c'est qu'un jour les fabricants de produits alimentaires créent des produits généralement plus sains.

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais parler de la préparation des aliments. Même s'il existe un programme sur le sujet en Colombie-Britannique, comme l'a souligné la Dre Hux, je ne sais pas faire la cuisine. J'ignore comment faire une vinaigrette pour ne pas avoir à en acheter en bouteille. Bon nombre des gens que je connais achètent des aliments préparés, pas nécessairement pour économiser du temps et être plus efficaces, mais parce qu'ils ne savent pas faire la cuisine. Selon vous, à quel moment faudrait-il enseigner aux gens à faire la cuisine?

Mme Walker : Je crois que cela témoigne de ce qu'est devenue notre société au fil du temps. Nous sommes passés de la préparation d'aliments à la maison et de l'expérience sociale du partage d'un repas en famille à une option plus commode. D'un point de vue programmatique, chacune de nos organisations offre des recettes, des informations et des conseils, notamment, pour aider les gens qui ne savent pas cuisiner.

Nous participons également à des campagnes de marketing. Par exemple, la Fondation des maladies du cœur du Canada et la Société canadienne du cancer participent à une telle campagne en compagnie de l'Association canadienne de la distribution de fruits et légumes intitulée « La moitié de votre assiette! » Le message est simple : les Canadiens devraient remplir la moitié de leur assiette de légumes ou de fruits. Cette campagne fournit des renseignements sur la découverte de nouveaux fruits et légumes au marché, car cela peut être intimidant.

La sénatrice Nancy Ruth : Je vais vous interrompre, car je sais que vos organisations publient aussi des livres de recettes. Vous avez parlé de la campagne sur le recyclage et de l'influence des enfants à la maison. Pourrait-on adopter la même approche en ce qui concerne la préparation des aliments ou la consommation de sucre chez les jeunes?

Mme Walker : Je ne veux pas parler pour la Société canadienne du cancer, mais, personnellement, j'aimerais qu'il y ait plus de cours de cuisine offerts dans les écoles. Il s'agit d'une aptitude de vie, au même titre que l'activité physique. Je ne veux pas comparer cela à la trigonométrie, qui m'a été très peu utile dans ma vie professionnelle, mais les aliments constituent une composante importante de l'évolution vers la vie adulte.

M. Arango : J'ajouterais que dans certaines provinces, les cours d'économie familiale ont été retirés du curriculum. C'est problématique. Il faut réintroduire des cours de préparation des aliments dans les écoles, notamment la préparation des fruits et légumes, car ils ne sont pas aussi faciles à préparer que les autres aliments. Les compétences en préparation des aliments sont encore plus importantes en ce qui concerne les fruits et légumes.

Le président : En fait, lorsque vous parliez d'éducation plus tôt, j'ai été surpris que vous ne proposiez pas le retour des cours de préparation des aliments dans les écoles. Un autre témoin nous a fait cette suggestion. D'ailleurs, le témoin en question a utilisé le calcul différentiel au lieu de la trigonométrie, mais l'idée est la même. C'est une compétence pour la vie.

La question de la sénatrice Nancy Ruth était très importante et l'exemple qu'elle a utilisé n'est pas unique. C'est très important pour la société d'aujourd'hui. Pourtant, les génies qui établissent le curriculum ont réussi à désintéresser les jeunes de l'école en éliminant des cours portant sur des aspects fondamentaux de la vie, comme la préparation des aliments.

Le sénateur Eggleton : Nous avons entendu des témoignages plutôt inattendus, et même contradictoires, dans le cadre de notre étude sur l'obésité. J'aimerais en souligner quelques-uns.

Nous avons appris que le lien entre la masse adipeuse et les maladies du cœur n'est peut-être pas aussi clair qu'on l'aurait pensé. Certains prétendent que même si les personnes ayant un surplus de poids présentent une incidence plus élevée de problèmes cardiaques, ils pourraient récupérer plus rapidement après une crise cardiaque.

D'autres témoins ont souligné que les personnes ayant un surplus de poids qui ont une alimentation saine et qui sont modestement actives peuvent être en aussi bonne santé que celles qui n'ont pas de surplus de poids.

Aussi, bien que des rapports publiés ces dernières années établissent un lien entre une alimentation riche en sel et une augmentation des cas d'hypertension et de maladies cardiovasculaires, on nous dit que la consommation de sel a considérablement baissé au cours des dernières décennies grâce à l'utilisation de meilleures méthodes de conservation des aliments.

Finalement, nous avons entendu le témoignage de James DiNicolantonio, un chercheur scientifique cardiovasculaire qui s'est interrogé sur les bienfaits de l'élimination des gras saturés dans notre alimentation et de l'augmentation des gras non saturés. Lui et Mme Nina Teicholz, auteure du livre « The Big Fat Surprise » — elle doit témoigner devant le comité — soutiennent que rien ne prouve que notre alimentation devrait être faible en gras saturés.

Que pensez-vous de tout cela?

M. Arango : Il y a quelques années, dans le cadre du Sommet canadien sur l'obésité, nous avons animé une discussion sur la première question que vous soulevez, soit l'activité physique et d'autres facteurs permettent-ils de réduire l'impact de l'obésité? Absolument. L'activité physique peut réduire l'impact de l'obésité. Toutefois, pour les personnes qui présentent une obésité morbide, l'obésité continuera d'avoir une incidence distincte sur leur santé. Les deux éléments entrent en ligne de compte. Évidemment, le fait de bien manger et d'être actif réduira l'impact, dans une certaine mesure. Mais, comme je l'ai dit, pour les personnes qui présentent une obésité morbide, l'obésité continuera d'avoir une incidence sur leur santé.

Concernant le sel, nous avons beaucoup appris au cours des dernières années sur les niveaux de sels qui ont un impact sur la santé. Cependant, il y a encore suffisamment de preuves qui démontrent qu'une consommation élevée en sel peut causer des maladies cardiovasculaires et de l'hypertension, entre autres.

On parle beaucoup des gras saturés dans les médias. Certains prétendent — et nous avons réuni un groupe d'experts qui se penche actuellement sur la question — que les données actuelles ont peut-être été surinterprétées ou mal interprétées. La fondation publiera une déclaration sur la question en septembre et nous espérons être en mesure de dire quelque chose de plus définitif sur le sujet. Toutefois, il reste que les données sont suffisantes pour montrer que les gras saturés ont une incidence, mais peut-être pas autant qu'on le croyait.

J'aimerais parler finalement d'un documentaire. Vous avez parlé de la consommation faible et élevée de matières grasses. Un nouveau documentaire intitulé Sugar Coated a été présenté à Toronto il y a quelques semaines. Si je ne m'abuse, il sera présenté à Ottawa le 21 mai prochain. Bref, ce documentaire souligne qu'au début des années 1970, à l'époque où de nouvelles données ont été publiées concernant le sucre, l'industrie sucrière a fait appel à des scientifiques pour dire que la consommation de matières grasses causait plus de problèmes que la consommation du sucre afin de détourner l'attention vers les matières grasses. On se questionne maintenant si ce fut une erreur de mettre l'accent sur la faible consommation de matières grasses.

Dre Hux : Vous avez souligné quatre points, et M. Arango en a abordé trois. J'aimerais parler du dernier, soit que les gens ayant un surpoids, qui mangent bien et qui sont actifs peuvent être en aussi bonne santé que ceux qui n'ont pas de surpoids. Cela soulève un excellent point que je n'ai pas souligné dans mon exposé. Du point de vue du risque de diabète, la baisse du taux d'obésité chez un individu peut être modeste tout en ayant une incidence très importante. Le programme de prévention du diabète était en fait un essai randomisé très rigoureux mené auprès de personnes à haut risque de diabète en raison de leur obésité. Ces personnes ont participé à un programme visant à améliorer leurs habitudes alimentaires et à accroître leur niveau d'activité physique. Le risque de diabète des participants dans ce programme a chuté de 60 p. 100, mais pas parce qu'ils ont perdu 100 livres ou parce qu'ils ont retrouvé la taille qu'ils affichaient en 12e année. En fait, ils n'ont perdu, en moyenne, qu'entre 5 et 10 p. 100 de leur masse corporelle. Par exemple, une personne pesant 200 livres pourrait perdre entre 10 et 15 livres et, malgré cette perte de poids modeste, réduire son risque de diabète de 60 p. 100. L'obésité pour une personne de 250 à 280 livres peut sembler un obstacle décourageant. Pourtant, les résultats de cette étude montrent qu'une meilleure alimentation et une augmentation de l'activité physique peuvent les aider à mener une vie saine.

Le président : J'aimerais juste revenir sur une chose. Vous dites, en résumé, qu'une perte de poids équivalant à environ 10 ou 15 p. 100 de la masse corporelle a entraîné une réduction du risque de diabète. Mais, il y avait une autre composante importante à cette étude : l'activité physique.

Dre Hux : Vous avez raison. On ignore laquelle des composantes... C'est le problème avec des études à composantes multiples. On ignore à quelle composante les résultats sont attribuables. Dans ce cas-ci, il y a eu une amélioration de l'alimentation et une augmentation de l'activité physique. Ces modifications ont entraîné une perte de poids modeste, mais une chute impressionnante du risque de diabète. On ne peut pas dire avec certitude si c'est en raison du changement à l'alimentation ou de l'augmentation de l'activité physique.

Le président : Vous devez certainement avoir des statistiques sur l'incidence de la perte de poids sur le diabète. Habituellement, c'est la première chose que font les gens — ils suivent une diète pour perdre du poids. Avez-vous des statistiques sur l'incidence de la perte de poids, et uniquement la perte de poids, sur le diabète?

Dre Hux : Non. Nous constatons que pour beaucoup de personnes d'âge moyen comme moi, il est très difficile de perdre du poids par l'alimentation seulement. Souvent, l'activité physique doit faire partie de l'équation. Mais je suis certaine qu'il y a des études...

Le président : Ce que je veux dire, c'est que les gens entrent dans le cycle des régimes. Il y a beaucoup de gens qui suivent des régimes, quel que soit leur âge. La question est la suivante : y a-t-il des données probantes qui montrent que la perte de 15 ou de 20 livres a une incidence sur le profil diabétique de la personne?

Dre Hux : S'il y en a, je ne les connais pas. Je suis désolée.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Raine : Pour ce qui est de la projection de Sugar Coated, aucun d'entre nous ne sera à Ottawa à ce moment-là parce que c'est une semaine de relâche. Pourrions-nous obtenir une copie de ce documentaire?

M. Arango : Je vais demander aux producteurs. Je ne peux pas vous répondre à leur place, mais je peux certainement vous faire parvenir leur réponse.

Le président : Savez-vous où cette projection va avoir lieu?

M. Arango : Au cinéma Mayfair, sur la rue Bank. Je pense qu'elle est prévue pour 18 h 30, le jeudi 21 mai.

Le président : Merci beaucoup.

Eh bien, c'est la fin d'un autre jour de discussions sur des aspects très intéressants de la vie et de la santé sur le thème de l'obésité. Il y a quelques éléments sur lesquels j'aimerais revenir.

Premièrement, je l'ai déjà dit dans d'autres contextes, quand la question de l'étiquetage revient, il faut que l'emballage indique ce que contient le produit et en quelle quantité. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit, les gens regardent l'information mais ont parfois beaucoup de mal à comprendre ce qu'elle signifie. Si l'on pense que ces renseignements vont changer beaucoup le comportement du client pressé à l'épicerie et l'aider à déterminer rapidement ce qu'ils signifient, même quand la personne souhaite vraiment le savoir, on se berce d'illusions. Je ne laisse pas entendre que ces renseignements ne devraient pas être fournis, mais je pense que nous nous trompons si nous croyons qu'ils vont changer énormément la façon dont les gens vivent leur vie et font des choix alimentaires.

Je répète, toutefois, que je suis totalement en faveur d'un étiquetage détaillé. Je suis totalement pour. Je parle simplement de la façon dont le consommateur intègre ces renseignements à ses comportements, selon toute probabilité; je pense au parent accompagné de deux enfants qui tirent sur le panier au supermarché. Comme vous l'avez illustré avec vos deux contenants de yogourt, cela n'arrivera pas, à mon avis. C'est exactement comme ce qu'on apprend aux personnes comme nous qui doivent présenter des exposés : quand on enseigne aux étudiants l'art de la présentation, on leur dit qu'il ne faut pas mettre un millier de données sur une seule et même diapositive et s'attendre à ce que le public épluche toutes ces données. Pour l'étiquetage, il faut trouver un autre moyen d'accrocher le consommateur. Je ne suis toujours pas convaincu du modèle de l'éléphant, mais il revient constamment, pour une raison ou une autre.

Je veux également mentionner un autre aspect. Madame Walker, vous avez mentionné à quelques reprises l'exemple de l'assiette, remplie à demi de ceci, au quart de cela. C'est une réponse que je donne souvent. La question est la suivante : y a-t-il des exemples simples et directs de cela?

J'ai lu un article sur l'Argentine, qui parlait de la difficulté associée aux différents taux d'alphabétisme dans le pays, qui voulait faire quelque chose de vraiment constructif pour guider les gens dans leur choix de repas. Je vais prendre l'exemple du déjeuner. Dans l'article que j'ai lu, il y avait cinq assiettes montrant cinq déjeuners différents susceptibles d'intéresser particulièrement les Argentins, je présume. Le message était très direct et très clair. Toutes les assiettes respectaient les limites caloriques et les autres critères jugés importants selon le guide. C'est une mesure très simple. Je n'irai pas plus loin pour l'instant.

L'autre élément que je veux souligner, et vous en avez parlé, monsieur Arango, c'est le changement qui s'opère dans notre mode de vie. Nous avons de moins en moins l'occasion de faire de l'exercice, simplement en raison de notre façon de faire les choses. Nous avons entendu beaucoup de témoignages en ce sens. Si l'on regarde simplement nos banlieues modernes, il n'y a pas de trottoirs. Même si l'on veut sortir prendre une marche après le souper, il faut lutter contre le trafic ou la neige ou toutes sortes d'autres choses. Cela nous porte à croire que comme c'est un enjeu complexe, il nous faudra plus que des solutions simples pour le résoudre. Il pourrait s'avérer important de changer la façon dont nous construisons notre infrastructure sociale physique et nos guides alimentaires.

Pour ce qui est de la publicité, les preuves du passé sont claires, mais comme deux d'entre vous l'avez dit, dans le monde d'aujourd'hui, les enfants sont de plus en plus influencés par les nouvelles formes de publicité, et ils vivent dans ce monde. Il sera intéressant d'exercer un contrôle à cet égard. J'aimerais bien avoir des recommandations sur la façon de régir tout cela. Pensons simplement à la difficulté qu'ont les parents pour lutter contre la pornographie sur les appareils de leurs enfants; un autre phénomène intéressant à suivre sera celui des publicités alimentaires.

Je suppose que ce que je veux vous dire par là, c'est que votre témoignage concorde avec les témoignages précédents, et que vous les avez même enrichis de vos exemples. C'est un problème. Nous avons un problème grave. Il y a différentes façons de le voir, et nous devons formuler des recommandations qui mèneront à des gestes concrets. Nous pouvons parler des enjeux à long terme auxquels la société doit s'attaquer, mais nous aimerions également proposer des recommandations qui peuvent avoir un véritable effet à court terme, puis à moyen terme, en vue de trouver une solution à long terme à ce problème très complexe.

J'aimerais vous demander une chose : quand vous partirez d'ici et que vous repenserez aux discussions que nous avons eues, si des idées vous viennent à l'esprit, auriez-vous l'obligeance de les noter et de les faire parvenir à notre greffière?

Il y a une chose qui n'a pas été mentionnée aujourd'hui — et je ne m'attendais pas à ce qu'elle le soit —, c'est qu'il y a récemment eu une étude en Scandinavie sur la réussite scolaire des enfants obèses par rapport à la réussite des non-obèses, et les résultats sont effarants. L'étude qui vient d'être publiée montre un accomplissement moindre et un plus haut taux de décrochage scolaire chez les obèses. C'est vraiment un problème très grave pour la santé à long terme de la société dans son ensemble. Quand vous partirez d'ici, si vous pensez à quoi que ce soit de pertinent, je vous prie de nous faire parvenir vos suggestions par la greffière. Je peux vous assurer que nous portons attention à tout ce qui nous est envoyé à ce sujet.

Sur ce, je tiens à vous remercier infiniment de la façon dont vous avez répondu à nos questions. Les exemples que vous nous avez donnés sont extrêmement clairs et portent un message sans équivoque. Je pense que vous avez répondu à toutes les questions que les membres de notre comité vous ont posées.

(La séance est levée.)


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