Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 37 - Témoignages du 11 juin 2015
OTTAWA, le jeudi 11 juin 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, afin de poursuivre son étude sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Mon nom est Kelvin Ogilvie. Je suis de la Nouvelle-Écosse et je préside ce comité. J'invite maintenant mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant à ma droite.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.
Le sénateur Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, Ontario.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, Colombie-Britannique.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
Le président : Merci, chers collègues.
Je rappelle à tous que nous poursuivons nos travaux en vue d'examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.
Nous nous penchons aujourd'hui sur les pratiques à privilégier en matière de publicité. Pour ce faire, nous recevons deux représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, soit Scott Hutton, directeur exécutif, Radiodiffusion; et Nanao Kachi, directeur, Politique sociale et des consommateurs.
Je crois que M. Hutton va d'abord nous présenter un exposé. Mes collègues sénateurs vous poseront ensuite leurs questions.
Scott Hutton, directeur exécutif, Radiodiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à fournir des renseignements dans le cadre de votre étude sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada. Je suis le directeur exécutif responsable de la radiodiffusion au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Nanao Kachi, directeur, Politique sociale et des consommateurs, se joint à moi aujourd'hui.
Le CRTC est très conscient de la grande capacité des médias à influencer le comportement des consommateurs. Et bien que notre rôle soit de réglementer les radiodiffuseurs en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, nous sommes néanmoins déterminés à appuyer des politiques contre l'obésité et l'alimentation malsaine. Nous sommes heureux de mettre à profit notre savoir-faire dans le cadre de cette cause si importante. Comme vous l'entendrez dans un instant, nous jouons un certain nombre de rôles importants pour assurer que la publicité dans les médias respecte certaines normes.
Vous nous avez demandé de parler de la publicité destinée aux enfants. Permettez-moi de commencer par dire que, même si le CRTC ne réglemente pas directement le contenu des publicités, nous intervenons lorsqu'il s'agit de normes de base concernant les publicités qui ciblent les Canadiens de 12 ans et moins.
Le CRTC exige que les radiodiffuseurs se conforment au Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants. Ce document a été créé par l'Association canadienne des radiodiffuseurs en collaboration avec les Normes canadiennes de la publicité. Son objectif est d'aider les annonceurs et les agences de publicité à reconnaître les caractéristiques particulières de l'auditoire des enfants dans le cadre de la préparation de messages publicitaires. Vous comprenez certainement que les enfants, et surtout les très jeunes enfants, ont souvent de la difficulté à distinguer les situations imaginaires de la réalité. Le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants exige que le contenu qui cible ce groupe d'âge respecte la puissance de l'imagination d'un enfant et ne l'exploite pas.
[Français]
Le code n'est pas le seul outil à la disposition de l'industrie pour mesurer le caractère approprié de la publicité destinée aux enfants. Il y a aussi l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinés aux enfants. Accepté par certaines des plus importantes entreprises d'alimentation et de boisson du Canada et administré par les Normes canadiennes de la publicité, le programme demande aux participants de respecter son approche de marketing de produits destinés aux enfants de moins de 12 ans.
Au lieu de promouvoir la malbouffe, il est demandé aux participants de commercialiser seulement des produits qui sont conformes aux principes d'une saine alimentation : aliments à teneur réduite en calories, en matière grasse, en sel et en sucre ajoutés, et produits nutritifs. Signalons que cette initiative s'applique aux forums en ligne et mobiles tout autant qu'à la télédiffusion traditionnelle.
L'autre mesure au sein de notre système est l'autorisation préalable des publicités, un service des Normes canadiennes de la publicité qui est obligatoire pour les publicités ciblant les enfants. Un comité est chargé d'examiner toutes les publicités imprimées et radiodiffusées destinées aux enfants afin de s'assurer que le contenu respecte certains critères obligatoires et directeurs. Je souligne que mon collègue, M. Kachi, est membre de ce comité.
Ces mesures fonctionnent. Comme vous le savez, le CRTC recueille et traite les plaintes formulées par les Canadiens au sujet du caractère approprié du contenu télévisuel et de radiodiffusion. En 2014-2015, nous avons reçu plus de 2 800 plaintes concernant la programmation télévisuelle. Seulement 30 de ces plaintes — moins de 1 p. 100 au total — portaient sur la publicité destinée aux enfants. Notamment, aucune plainte ne portait sur la malbouffe ou sur d'autres produits souvent associés à l'obésité infantile.
Honorables sénateurs, je sais que l'une des mesures que votre comité envisage est celle d'interdire la publicité destinée aux enfants. Si vous me le permettez, je voudrais partager avec vous mes réflexions sur l'avenir de l'industrie de la télévision. Mes observations pourraient orienter vos recommandations.
Vous avez peut-être entendu parler du travail accompli par le CRTC dans le cadre de notre instance Parlons télé : une conversation avec les Canadiens. Nous avons demandé aux Canadiens de s'exprimer au sujet de l'avenir de la télévision et, en particulier, de leurs manières de se brancher au contenu. La conversation a révélé de nombreuses idées importantes, mais pas aussi importantes que le fait que les Canadiens accordent une grande valeur à la télévision; cependant, la manière dont ceux-ci interagissent avec elle évolue.
Les téléspectateurs visionnent de plus en plus le contenu sur de nouvelles plateformes que peu d'entre nous auraient pu imaginer il y a 10 ans. Au lieu de s'asseoir dans leur salon pour regarder la télévision aux heures de grande écoute ou dans le créneau horaire de fin de soirée, ils regardent tout ce qu'ils veulent sur leur téléphone, leur tablette, leur ordinateur, à des moments de la journée qui leur conviennent le mieux, plutôt que selon les horaires et la séquence organisés par les radiodiffuseurs. Dans le contexte actuel, le contenu télévisuel est abondant. Il est partout disponible, à toute personne et en tout temps.
[Traduction]
Les jeunes, davantage que les Canadiens plus âgés, sont à l'avant-garde de ce changement. Des statistiques de l'étude de l'Observateur des technologies médias le confirment. Parmi les anglophones qui ont un enfant à la maison, près de 60 p. 100 ont une tablette, plus de 80 p. 100 ont un téléphone intelligent. Plus d'un quart des familles canadiennes ont quatre écrans qui permettent d'accéder à Internet. Plus de trois quarts des Canadiens qui ont des enfants ont une console de jeu qui se branche à Internet. Et parmi les familles qui souscrivent à un service en ligne de vidéo sur demande, ce sont les enfants qui en sont les principaux utilisateurs.
Ce sont les jeunes qui adoptent et apprécient les nouvelles technologies, plus volontiers que ceux d'entre nous qui sont peut-être confortables dans leurs habitudes. Ce sont les jeunes qui trouvent que les modèles traditionnels de consommation de télévision sont désuets et dépassés. Et c'est en fonction de ces jeunes que nous tous de l'industrie de la télévision — les créateurs, les producteurs, les distributeurs, les annonceurs et même nous, les organismes de réglementation — devons adapter nos stratégies de service. Cela est essentiel du fait que les outils traditionnels tels que les quotas de radiodiffusion et les mesures de protection des genres qui ont bien fonctionné dans l'ère de la télévision d'hier, lorsque les auditeurs consommaient le contenu de façon linéaire, c'est-à-dire selon des horaires fixes et des chaînes traditionnelles, du fait donc que ces outils ne fonctionnent pas aussi bien dans la nouvelle ère de contenu abondant et disponible à tous, en tout temps, sur toutes sortes de plateformes.
Dans un monde numérique, la population canadienne et les enfants en particulier, sont bien servis par la littératie numérique et les outils éducationnels. Pensons, par exemple, au travail d'HabiloMédias, un organisme indépendant qui aide les parents, les adolescents et les enfants à développer et à enrichir la pensée critique qu'ils peuvent utiliser lorsqu'ils interagissent avec les médias.
Dans le monde de la télévision de l'avenir et aussi dans le monde de la télévision d'aujourd'hui, il est important de permettre aux Canadiens, jeunes et vieux, d'acquérir les compétences dont ils ont besoin pour devenir des consommateurs responsables des médias.
Merci.
Le président : Merci beaucoup. Je veux d'abord rappeler à mes collègues que notre séance d'aujourd'hui est divisée en deux parties. Comme la première portion doit se terminer au plus tard à 11 h 30, nous allons nous limiter à une question par sénateur à chaque tour.
Nous allons débuter avec le sénateur Eggleton, le vice-président du comité.
Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup. Vous avez souligné à juste titre que les jeunes sont passés de la télévision que l'on regarde à la maison à d'autres plateformes. C'est d'ailleurs sur ces nouvelles plateformes qu'ils seront sans doute désormais le plus exposés à la publicité. Je présume toutefois que ce n'est pas un secteur qui relève de votre contrôle.
Quoi qu'il en soit, le Québec a interdit la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans, qu'elle soit radiotélévisée, simplement affichée ou peu importe.
Avez-vous une idée de la façon dont il s'y prend pour faire respecter cette interdiction? Avez-vous des renseignements sur l'efficacité de cette mesure et savez-vous si elle pourrait être utile relativement à la publicité en ligne?
M. Hutton : Le système que nous mettons en place fonctionne de concert avec le régime québécois. Il n'est pas question pour nous d'assurer ou de surveiller l'application de la loi provinciale.
Comme je l'expliquais dans ma déclaration préliminaire, nous travaillons en fonction de normes. Nous établissons des conditions d'octroi de permis qui dictent les normes à respecter par les radiodiffuseurs.
Nous essayons en outre d'aller encore plus loin en collaborant avec divers comités ainsi qu'avec les gens de l'industrie de telle sorte que ces normes, ou d'autres qui leur sont équivalentes, puissent s'appliquer aux médias ne relevant pas de notre pouvoir réglementaire. Nous coopérons donc à ce chapitre.
Les choses vont devenir de plus en plus difficiles — et pas uniquement pour les aspects qui nous intéressent aujourd'hui, mais dans tous les domaines d'intervention du CRTC, et ce sera la même chose pour les gouvernements provinciaux — du fait que le contenu peut désormais nous arriver d'un peu n'importe où. Compte tenu des changements de comportement intervenus chez les consommateurs grâce à la technologie, à savoir la possibilité d'avoir accès au contenu sur différentes plateformes dont la plupart ne sont pas soumises à la réglementation — que l'on soit à la recherche de contenu canadien ou non —, on ne pourra plus dorénavant se contenter d'ériger des murs pour protéger les systèmes entre eux. Pour ce qui est du contenu canadien, nous essayons de déterminer dans quelle mesure il est facilement repérable. Nous cherchons ainsi à savoir comment les Canadiens peuvent trouver du contenu canadien de qualité, des émissions pour enfants de qualité, dans le nouveau monde numérique dont Internet nous ouvre les portes.
C'est dans cette optique que nous laissons également entendre dans nos observations que nous devrions aussi travailler à la promotion des bonnes idées, d'une alimentation saine et d'une publicité adéquate pour tous dans toute la mesure du possible, plutôt que d'avoir recours aux anciennes méthodes qui consistaient essentiellement à cloisonner tout ce qui se faisait au Canada.
Le président : Le sénateur n'a droit qu'à une seule question, et la sienne était très précise. Si je comprends bien, vous ne pouvez pas lui répondre quant à l'efficacité du modèle québécois. Est-ce bien cela?
M. Hutton : Nous ne savons pas si leurs mesures d'application sont vraiment efficaces.
Le président : Merci.
La sénatrice Seidman : Monsieur Hutton, vous avez beaucoup parlé de normes dans votre exposé. J'aurais une question à ce sujet. Vous avez mentionné les Normes canadiennes de la publicité, l'un des mécanismes utilisés. Vous avez aussi souligné que l'autorisation préalable des publicités permet d'exercer une forme de surveillance pour s'assurer que le contenu respecte certains critères obligatoires et directeurs.
De quoi est-il question exactement? Quels sont ces critères obligatoires et directeurs? Comment cette surveillance s'exerce-t-elle? Y a-t-il une façon de procéder à des vérifications pour s'assurer que c'est bel et bien le cas? J'aimerais bien que vous puissiez m'aider à mieux comprendre.
M. Hutton : Dans bon nombre de ses activités, et certes pour ce qui est des enjeux liés à la pertinence du contenu, le CRTC a adopté ces critères ou, comme l'exige la Loi sur la radiodiffusion, une norme de haute qualité. Nous travaillons avec l'industrie suivant une formule de coréglementation. Certains parlent d'autoréglementation, mais ce n'est pas tout à fait cela. Le conseil a toujours un rôle à jouer. Nous imposons les critères élaborés en collaboration avec l'industrie. Dans bien des cas, nous devons aussi les approuver. Nous travaillons avec l'industrie pour établir les codes, les principes et les lignes directrices. Nous en assurons ensuite l'application en imposant des conditions d'octroi de permis aux diffuseurs canadiens.
En fin de compte, nous demandons aux différentes instances, qu'il s'agisse de l'Association canadienne des radiodiffuseurs ou des Normes canadiennes de la publicité, de nous aider à élaborer les critères applicables. Nous trouvons ensuite un tiers digne de confiance qui en assurera l'administration au quotidien. Comme M. Kachi pourrait vous l'expliquer, il n'est pas rare que nous participions également à la gestion courante aux côtés de ces associations.
Nous croyons l'industrie capable de respecter les paramètres de la coréglementation et de faire pour le mieux dans les circonstances. Si des problèmes se présentent, c'est toujours le conseil qui en est saisi. Nous avons le dernier mot et nous pouvons adopter des motions imposant des conditions et des restrictions supplémentaires, ou exigeant que des améliorations soient apportées.
La sénatrice Seidman : Vous avez partiellement répondu à ma question, mais vous ne m'avez pas dit en quoi consistaient les critères?
M. Hutton : Je vais laisser M. Kachi vous répondre à ce sujet.
La sénatrice Seidman : Je lui en serais reconnaissante.
Nanao Kachi, directeur, Politique sociale et des consommateurs, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Il y a un Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants. Différentes versions de ce code se sont succédé depuis 1974. Comme l'indiquait M. Hutton, les diffuseurs doivent respecter ce code pour pouvoir obtenir un permis. Ils ont ainsi adhéré à différents principes, dont une limitation volontaire à huit minutes par heure de la publicité pendant les émissions pour enfants.
Le code comporte diverses exigences, dont l'obligation de fournir de l'information conforme à la réalité. Il y a également certaines interdictions qui s'appliquent à ce type de publicité. Ainsi, on ne peut pas faire la promotion de médicaments ou de produits qui ne sont pas destinés aux enfants. Il est en outre interdit d'exercer des pressions exagérées — donc de faire de la vente sous pression auprès des enfants. Il y a aussi des critères à respecter quant à la fréquence de diffusion. Par exemple, on ne peut diffuser qu'une seule annonce par demi-heure portant sur un même produit. Il s'agit encore une fois d'éviter la vente sous pression auprès des enfants.
Il y a par ailleurs des restrictions quant à l'utilisation de personnalités, de marionnettes ou de personnages pour faire la promotion d'un produit. Il faut de plus que le prix et les modalités d'achat soient clairement énoncés. D'autres critères portent sur les comparaisons établies et la sécurité. Ainsi, les publicités destinées aux enfants ne doivent pas présenter un environnement ou une activité non sécuritaire.
Le dernier critère concerne les valeurs sociales. Il s'agit de s'assurer que la publicité témoigne de valeurs propres à notre société contemporaine. C'est ce qu'on retrouve dans le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants.
Pour en revenir aux questions qui vous intéressent tout particulièrement aujourd'hui, à savoir les enjeux liés à l'alimentation et à l'obésité, le code que nous avons mis en place permet de s'assurer que toutes les publicités respectent à la fois la Loi sur les aliments et drogues et le Guide d'étiquetage et de publicité sur les aliments de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
C'est un cadre réglementaire qui a été mis en place pour veiller à ce que la publicité ne présente pas un aliment de manière fausse, trompeuse, mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa qualité ou son apport nutritionnel. Grâce à l'effet combiné de ces différentes mesures, nous pouvons nous assurer que la publicité destinée aux enfants respecte les normes établies.
Comme le soulignait M. Hutton, il y a également le Comité d'approbation dont je fais partie. Les représentants des Normes canadiennes de publicité, qui vont comparaître juste après nous, pourront vous expliquer en détail le fonctionnement de ce Comité d'approbation de la publicité destinée aux enfants.
La sénatrice Seidman : Merci.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci pour votre exposé.
Je dois vous avouer que je suis un peu sceptique lorsque je vous entends dire que l'industrie établit ses propres normes. Comme vous le savez, c'est un contexte où il faut notamment tenir compte des revenus de publicité. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais je ne vois pas trop comment on peut concilier le tout.
J'aimerais bien savoir à quelle fréquence vous revoyez vos normes pour les modifier au besoin. On nous dit que le code existe depuis 1978 et j'aimerais que vous nous parliez des révisions dont il a fait l'objet.
M. Kachi : Depuis sa création, différentes révisions ont donné lieu à de nouvelles versions du code. Celui-ci demeure fondé sur les mêmes principes fondamentaux qui s'appliquaient lors de sa mise en place dans les années 1970.
Lorsque de nouveaux éléments font leur apparition, comme les applications et les boutiques où on peut se les procurer, les Normes canadiennes de publicité formulent une interprétation du code de telle sorte que l'industrie puisse bien comprendre comment les principes qui y sont établis s'appliquent à cette nouvelle réalité.
C'est en fonction des points de vue exprimés par les Canadiens que nous décidons s'il convient de revoir le code. Nous faisons un suivi des plaintes au sujet de la publicité destinée aux enfants, et nous n'en relevons pour ainsi dire aucune concernant la publicité sur la malbouffe. Les Normes canadiennes de la publicité se livrent au même exercice et n'ont pas vraiment non plus de plaintes au sujet de la publicité sur la malbouffe.
Cela indique selon nous que le régime de coréglementation que nous avons mis en place fonctionne bien, et qu'il n'est pas nécessaire pour le CRTC de prendre d'autres mesures réglementaires. Si l'on nous présente des éléments indiquant qu'un changement s'impose, il va de soi que nous allons revoir nos normes.
Nous demeurons en contact avec les Normes canadiennes de la publicité pour assurer une conciliation des efforts entre les deux organisations. Si un problème se présente, nous pouvons intervenir.
La sénatrice Raine : Dans le même ordre d'idées, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est exactement des Normes canadiennes de la publicité? Est-ce un organisme sans but lucratif ou une agence gouvernementale? Est-ce que c'est financé par l'industrie?
Le président : Sénatrice, ils font partie de notre second groupe de témoins. Vous pourrez leur poser directement la question.
La sénatrice Raine : J'aimerais le savoir tout de suite de manière à pouvoir formuler ma prochaine question en conséquence. Je ne vois pas trop en quoi cela consiste.
Le président : Je vais permettre une brève explication.
M. Kachi : C'est l'organisme de réglementation mis sur pied par l'industrie. Ses représentants sauront bien sûr beaucoup mieux que moi vous parler des moyens de financement de l'organisation, mais je peux vous dire qu'il y a des frais à payer pour ce qui est du comité d'approbation.
Lorsqu'un annonceur demande l'approbation de ses publicités, il doit verser une certaine somme. C'est l'un des moyens de financement des Normes canadiennes de la publicité, d'après ce que je puis comprendre.
Mes relations avec eux concernent davantage les politiques, mais je suis également membre de leur comité d'approbation.
Le sénateur Wells : Un grand merci, messieurs, pour votre comparution.
Vous vous êtes notamment engagés — et je ne dis pas que cela fait partie de votre mandat — à appuyer les politiques contre l'obésité et l'alimentation malsaine, comme vous l'avez indiqué dans votre exposé, en favorisant la promotion des principes d'une saine alimentation. Je suis conscient de cela également.
J'aimerais savoir dans quelle mesure les annonceurs sont tenus de se conformer à ces guides et à ces principes qui sont convenus et font partie des conditions d'octroi de permis. Est-ce qu'il y a approbation préalable ou est-ce un processus fondé sur les plaintes? Ya t-il des sanctions en cas de non-respect des conditions d'octroi du permis?
M. Kachi : Pour que les choses soient bien claires, ce sont les diffuseurs qui doivent respecter les conditions d'octroi du permis. S'il est déterminé qu'un diffuseur ne se conforme pas à l'un des codes en vigueur et que le problème semble systémique, le CRTC peut faire enquête en vue du renouvellement de ce permis ou, si les infractions sont vraiment flagrantes, convoquer le diffuseur pour en discuter. Le conseil a différents outils à sa disposition dans les situations semblables. Il peut notamment assurer une surveillance plus poussée ou modifier les conditions d'octroi du permis. Ce sont des possibilités qui s'offrent au CRTC, mais on veut généralement que le diffuseur puisse s'expliquer.
Le sénateur Wells : Arrive-t-il que des sanctions soient imposées ou préfère-t-on plutôt discuter pour en arriver à une solution?
M. Hutton : Le conseil n'est pas autorisé à imposer des sanctions administratives pécuniaires.
La sénatrice Nancy Ruth : Pour ce qui est du respect des codes relatifs aux aliments et aux boissons, y a-t-il des récidivistes? Combien de cas problématiques vous sont soumis par année, et s'agit-il souvent des mêmes entreprises?
M. Kachi : Il n'y aurait pas de récidiviste à notre connaissance. D'après les statistiques à notre disposition, il n'y aurait eu aucune plainte de la sorte au cours de la dernière année.
Le sénateur Enverga : Merci pour votre exposé. Monsieur Kachi, vous avez indiqué tout à l'heure que vos décisions quant aux normes applicables aux publicités sont prises en fonction de la pertinence pour la société canadienne contemporaine.
J'aimerais comprendre un peu mieux ce que vous entendez par « contemporaine ». Parlez-vous de la société d'aujourd'hui? S'agit-il des années 1980 ou 1990? Il est bien certain que les normes évoluent.
M. Kachi : Il s'agit d'offrir à ceux qui administrent le code la marge de manœuvre nécessaire pour pouvoir l'adapter en fonction de l'évolution des valeurs sociétales. À titre d'exemple, nous en savons beaucoup plus aujourd'hui sur les risques du tabagisme et la valeur nutritive des aliments que c'était le cas dans les années 1970. Il faut donc que le code puisse suivre cette évolution et demeurer pertinent dans le contexte actuel.
L'une des modifications que nous avons apportées remonte à 2004. Elle faisait suite à une interprétation quant à la publicité sur les aliments destinée aux enfants. Cette modification s'est ensuite reflétée dans le cadre dont je vous parlais qui inclut la Loi sur les aliments et drogues et le Guide d'étiquetage et de publicité sur les aliments de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
M. Hutton : Je pense que c'est en quelque sorte une mesure fourre-tout ajoutée à la fin du code pour lui permettre de s'adapter aux nouveaux enjeux du monde contemporain, c'est-à-dire d'aujourd'hui.
C'est ainsi que le code permet aux instances chargées de la coréglementation d'intervenir dans les nouveaux domaines comme celui des fameuses applications pour téléphone dont parlait M. Kachi.
Le sénateur Enverga : Il existait auparavant certains modèles, mais vous avez dû vous adapter à l'évolution des valeurs sociales. Est-ce ainsi que vous procédez pour que la publicité demeure pertinente?
M. Kachi : Comme je l'indiquais, les Normes canadiennes de la publicité émettent de temps à autre des lignes directrices à l'intention des annonceurs relativement à différentes questions qui peuvent se poser dans la foulée des changements technologiques ou sociétaux. Comme le disait très bien M. Hutton, c'est en quelque sorte une mesure fourre-tout permettant au code de suivre cette évolution.
Le sénateur Enverga : C'est donc davantage une question de technologie.
La sénatrice Frum : Vous avez dit, et à juste titre, qu'à partir d'un certain âge, les enfants passent plus de temps sur Facebook, Instagram et Snapchat. Ils voient les fenêtres publicitaires dans Google.
Je ne suis pas sûre de comprendre. Le CRTC ne peut pas prendre en compte ce qui se passe sur ces plateformes, ou au contraire, elles le peuvent?
M. Hutton : Le CRTC, compte tenu de ce que nous faisons en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, tient compte de ce qui est diffusé sur toutes les plateformes. Cependant, un certain nombre de plateformes ne sont pas considérées essentiellement comme des radiodiffuseurs, de sorte que nous ne réglementons pas une page Facebook, par exemple. Nous ne réglementons pas d'autres formes de médias sociaux numériques.
La sénatrice Frum : Existe-t-il une réglementation?
M. Hutton : Non. Voilà le problème, et c'est pourquoi nous disons qu'il nous faut unir nos efforts pour susciter l'engagement des citoyens, les renseigner sur la publicité, leur apprendre à être prudents lorsqu'ils visitent les plateformes dans l'environnement numérique. C'est le message que nous lançons, alors même que nous sommes en train d'examiner d'autres façons pour nous d'intervenir. L'imposition de restrictions ne semble plus fonctionner aussi bien qu'auparavant. Nous devons sensibiliser les gens et bien communiquer nos messages.
Le président : Je veux revenir à la question qu'a soulevée le sénateur Eggleton, qui est liée à la question de la sénatrice Frum; dans votre réponse, vous avez parlé de la difficulté de présenter des messages concernant diverses questions, surtout pour les enfants, compte tenu de l'importance de l'accès aux médias et de la diversité des plateformes sur lesquelles des messages sont communiqués.
Vous avez parlé peut-être du rôle que vous joueriez à cet égard, mais y a-t-il un autre mécanisme qui devrait être utilisé pour s'adresser au consommateur, dans ce cas-ci aux enfants, concernant les questions alimentaires, et cetera? Si c'est le cas, existe-t-il des organismes qui, selon vous, devraient communiquer directement, sur les nouvelles plateformes, des messages pour apporter des contre-arguments et dire qu'ils ont peut-être l'impression qu'on ne contribue pas à la diffusion d'une information la plus saine possible pour les familles et les enfants?
M. Hutton : Nous pouvons certainement dire que nous sommes les spécialistes de la radiodiffusion. Comme l'a indiqué Nanao, nous veillons à ce que les radiodiffuseurs respectent, par exemple, les règlements sur la santé et les lois que Santé Canada est chargé d'appliquer. Nous collaborons à ce chapitre.
Nous examinons de nouveaux types de médias et nous encourageons tous nos radiodiffuseurs, nos producteurs de contenus canadiens — et je crois que ce message s'adresse à quiconque essaie de faire passer un message —, car la technologie a permis aux Canadiens de consommer des produits sur un certain nombre de diverses plateformes. Il ne s'agit pas ici de minimiser l'influence de la télévision et de la radiodiffusion traditionnelle, car leur présence est encore forte, mais nous nous attendons à ce que leur influence diminue au cours des 5 à 10 prochaines années et que les Canadiens utilisent d'autres plateformes.
Nous essayons de modifier nos propres règles pour veiller à ce que nous n'entravions pas l'évolution de ces plateformes; nous voulons plutôt savoir quels outils peuvent être mis en place — qui ne doivent pas nécessairement être de nature réglementaire — et s'inscrire dans ce que nous faisons ici, soit promouvoir l'éducation et nous unir avec d'autres partenaires qui font la promotion de l'éducation et de nouveaux contenus. C'est l'un des messages que nous essayons de faire passer. Nous recommandons à tous d'utiliser ces nouvelles plateformes. Il faut saisir l'occasion d'explorer les nouvelles voies.
Nous le faisons également par nos propres moyens de communication. Nous essayons d'être à l'avant-garde et d'adopter Facebook et différentes plateformes, comme Twitter, pour faire passer nos messages et d'essayer d'autres plateformes dans le cadre de nos propres activités, qu'il s'agisse de Snapchat, de Meerkat ou d'autres types de médias numériques.
Ce que je recommande en ce sens — en parlant de questions importantes pour les jeunes Canadiens —, car comme nous le savons, l'influence des médias est une question primordiale et peut avoir des effets considérables, c'est l'utilisation de tous ces types de médias pour faire passer des messages.
Le sénateur Eggleton : L'une des classes de produits qui suscitent la controverse dont on nous a parlé, ce sont les boissons sucrées. En tant qu'organisme de réglementation, vous interdisez ces boissons. Comment définissez-vous ce que vous considérez comme des boissons sucrées?
M. Kachi : Les normes canadiennes de la publicité seraient mieux en mesure de vous expliquer comment fonctionne cette interprétation.
Le sénateur Eggleton : Acceptez-vous leur interprétation?
M. Kachi : La publicité relative aux aliments est assujettie à la Loi sur les aliments et drogues, de même qu'au Guide d'étiquetage et de publicité sur les aliments de l'ACIA. Le Code de la publicité destinée aux enfants garantit que toutes les publicités sont conformes aux deux.
Je ne peux pas parler de la définition de « boissons sucrées » qui figurent dans ces dispositions. Il appartient à Santé Canada et à ses spécialistes de définir et de veiller à ce que cela fonctionne.
Si cela s'avère nécessaire, les normes canadiennes de la publicité créeront une interprétation en cas d'ambiguïté, mais elles le feront en consultant les spécialistes qui ont établi le cadre.
Nous nous occupons du volet de la radiodiffusion, c'est-à-dire que nous déterminons si les radiodiffuseurs respectent les différents codes. Je laisserais les spécialistes de Santé Canada répondre à votre question sur la définition de « boisson sucrée ».
La sénatrice Seidman : Si je reviens à votre exposé, monsieur Hutton, vous avez dit que même si le CRTC ne réglemente pas directement le contenu des publicités, il intervient lorsqu'il est question des normes de base concernant les publicités qui ciblent les Canadiens de 12 ans et moins.
J'essaie toujours de comprendre de quelle façon vous intervenez. Par exemple, êtes-vous en mesure de faire respecter une interdiction de publicité? Pouvez-vous faire une telle chose? J'essaie de bien comprendre de quelle façon vous assurez le respect des normes et ce que vous pouvez faire, en fait.
M. Hutton : Nous réglementons les radiodiffuseurs de sorte que nous assurons le respect des normes en examinant les pratiques du radiodiffuseur. S'il a enfreint l'un des codes, le radiodiffuseur est, au bout du compte, responsable de la publicité. Même s'il s'agit d'une publicité de tiers, nous tenons le radiodiffuseur responsable par la délivrance de la licence et l'imposition de conditions de licence.
Si l'un des codes n'a pas été respecté, et si, par exemple, une interdiction est imposée, nous nous assurons que leurs diffusions restent légales, de sorte que si une interdiction est imposée, nous la ferons respecter.
Si un code ou une règle n'ont pas été respectés, nous convoquons le radiodiffuseur et nous discutons avec lui afin de savoir pourquoi c'est arrivé, de veiller à ce qu'il comprenne qu'il y a un problème et qu'il s'agit d'une violation, et d'examiner avec lui les mesures qu'il peut prendre pour s'assurer qu'il corrige sa conduite.
Nous pouvons également recourir à un certain nombre de sanctions et d'autres mesures. Nous pouvons obliger le radiodiffuseur à présenter plus souvent un rapport sur ces mêmes mesures qu'il a mises en place pour s'assurer qu'il n'enfreint plus les codes ou une règle. Nous pouvons intensifier notre surveillance en imposant des conditions de licence supplémentaires qui obligent le radiodiffuseur à accorder plus d'attention à cette question.
Nous pouvons attribuer une licence de courte durée, ce qui oblige le radiodiffuseur à revenir plus souvent devant nous et, en dernier ressort, nous pouvons nous adresser aux tribunaux pour l'imposition d'une ordonnance obligatoire afin que le radiodiffuseur soit obligé d'adopter les pratiques appropriées.
Si un radiodiffuseur est toujours récalcitrant, notre dernière mesure consiste en fait à révoquer sa licence ou à ne pas la renouveler.
La sénatrice Seidman : Puis-je obtenir une précision?
Le président : Oui. C'est une question importante. Il s'agit des pouvoirs que le CRTC a pour...
La sénatrice Seidman : Exactement.
Le président : Il me semble que la sanction la plus lourde que vous pouvez imposer, c'est la révocation de la licence. Est-ce exact?
M. Hutton : C'est ce que nous appelons la peine capitale pour un radiodiffuseur.
La sénatrice Seidman : Cela est-il déjà arrivé?
M. Hutton : Oui, nous avons malheureusement révoqué des licences un certain nombre de fois ces dernières années.
Le président : Je cède de nouveau la parole à la sénatrice Seidman pour m'assurer que tout est clair de son côté.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie.
Je comprends que vous pouvez révoquer une licence. Vous n'établissez pas les règles, mais vous les faites appliquer. C'est ce que vous essayez de nous rappeler. Ainsi, si Santé Canada, par exemple, décidait d'interdire la publicité qui cible les enfants pour un produit quelconque, vous pourriez faire respecter cette interdiction. Est-ce exact?
M. Hutton : Absolument.
La sénatrice Raine : Je dois dire que votre témoignage nous est très utile. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais revenir à un sujet précédent et vous poser la question suivante : de quelle façon a-t-on établi la limite d'âge, et est-il possible de la modifier?
Par exemple, M. Kachi a dit que les publicités destinées aux enfants ne doivent pas présenter une activité non sécuritaire, mais je suis absolument convaincue que les publicités de boissons énergisantes présentent des adolescents qui se jettent en bas d'une falaise en ski. C'est un type de publicité que je considérerais comme étant très attrayant. Ce n'est peut-être pas au Canada, mais je m'interroge au sujet de la limite d'âge.
À mon avis, 16 ans et moins, ce serait préférable pour la publicité de tels produits, qui font augmenter le taux d'obésité au Canada. Pouvez-vous parler de la question de l'âge?
M. Hutton : Pour ce qui est de l'âge, en ce qui concerne la façon dont nous examinons la programmation, il y a une première catégorie, qui regroupe les enfants de 0 à 6 ans environ. Nous considérons que la catégorie suivante, qui inclut la première, comme celle regroupant tous les enfants de 12 ans et moins.
Par exemple, nous constatons que le gouvernement du Québec, avec l'interdiction dont on a fait mention, a établi la limite à 13 ans. Pourquoi avons-nous choisi 12 ans plutôt que 13? Dans les systèmes de l'industrie de la radiodiffusion qui ont été mis en place, on utilise 12. Par exemple, tout est évalué en fonction des enfants qui ont moins de 12 ans. Cela facilite donc les choses pour l'administration concernant le choix de 12 ou de 13 ans, car nous savons alors ce qu'est une émission. Nous savons que nous pouvons évaluer par comparaison avec nos enfants qui regardent l'émission. C'est également un moyen qui est utilisé pour déterminer si l'émission est destinée à des jeunes, par exemple.
L'âge est déterminé dans le cadre de règlements et d'autres codes, et c'est modifiable.
La sénatrice Stewart Olsen : Pour revenir brièvement aux questions que j'ai posées précédemment sur la révision des normes et des codes, vous dites que vous n'avez vraiment pas examiné la question parce que vous n'avez pas reçu de plaintes.
Concernant le Québec, puisque toute une province décide d'interdire la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans, cela ne vous fait-il pas penser qu'il faudrait peut-être que vous vous penchiez sur la question? Dans un sens, c'est une plainte.
M. Hutton : Par exemple, au moment où l'interdiction a été imposée, bien sûr, il y a eu des discussions à cet égard, sur la façon dont nous pourrions agir par rapport à cela et aux questions. Le code a été instauré dans les années 1970, mais les choses ont évolué avec le temps et nous avons remis cela en question.
Le CRTC en est arrivé à la conclusion qu'il préférait travailler dans ce cadre coréglementaire, qui n'inclurait pas une interdiction totale, mais qui imposerait plutôt des normes et des règles de conduite appropriées, car en partie, nous croyons au pouvoir des médias. La publicité peut également servir à faire la promotion de bons comportements, de la consommation d'aliments sains, et cetera. C'est pourquoi nous étions d'avis que l'imposition d'une interdiction totale sur absolument tout ne semblait pas la meilleure solution.
Le président : Avant que nous commencions le troisième tour, je veux revenir sur des observations que vous avez faites dans votre exposé. Vous avez dit que vous receviez très peu de plaintes sur la publicité — vous avez utilisé le mot « malbouffe » —, et je crois que vous en déduisez que l'approche adoptée quant à la publicité est valable.
Je doute fort que les Canadiens en général considèrent cela comme l'une des grandes crises mondiales d'aujourd'hui. Par exemple, nous savons que même en ce qui concerne les effets indésirables des médicaments, les Canadiens trouvent qu'il est très difficile de faire des remarques sur un effet indésirable qu'ils ont eu. Nous le savons, car nous avons étudié la question en profondeur.
Nous savons également qu'il n'est pas aussi facile que nous le croyons de s'exprimer sur quelque chose, et c'est certainement le cas lorsque c'est par voie électronique.
J'aimerais savoir de quelle façon vous déterminez, à partir du fait que vous ne recevez pas une tonne de plaintes de la part de parents troublés par le problème de la malbouffe, que la publicité fonctionne à cet égard.
M. Hutton : Chaque année, plus de 45 000 Canadiens communiquent avec le CRTC pour demander des renseignements ou pour faire une plainte sur des domaines que nous réglementons. Nous avons aussi un bon nombre de demandes. C'est une priorité pour notre président. M. Jean-Pierre Blais : assurer l'accès au CRTC et veiller à ce que les Canadiens comprennent le rôle du CRTC, de sorte que nous puissions connaître leur point de vue, nous adapter et changer nos politiques en conséquence.
Dans ce cas en particulier, nous ne devons pas oublier qu'il y a un régime rigoureux de coréglementation en place. Une autorisation préalable des publicités est effectuée en fonction de ces normes. Elles sont mises à jour de temps en temps par les bulletins d'information et d'interprétation et, comme on l'a déjà mentionné, nous faisons appliquer les codes et les différentes interdictions qui peuvent être imposées par les autorités de la santé compétentes.
Il y a un volet rigoureux. Avec l'assurance qu'il y a un régime rigoureux, qui est mis à jour régulièrement, dont nous entendons parler et que ces groupes utilisent également pour s'assurer que les bons messages sont diffusés, que l'information est fournie aux Canadiens, en plus du fait que nous recevons peu de plaintes — voilà pourquoi nous en venons à la conclusion que nous réussissons bien sur ce plan.
Le président : Je vous remercie de votre réponse. Vous avez parlé d'environ 45 000 plaintes. Pourriez-vous les répartir en catégories? Par exemple, quelle est la proportion des plaintes qui portent sur un type de produit en particulier? Y a-t-il un produit qui ressort nettement? Les plaintes portent-elles sur le contenu des émissions qui sont diffusées? Sur quoi portent les plaintes en général?
M. Hutton : Parmi les 45 000 plaintes — nous réglementons un certain nombre d'actions et d'obligations —, environ la moitié est liée à la radiodiffusion. Nous pouvons vous fournir plus de renseignements sur les autres sujets, car nous en faisons un examen chaque semaine en collaboration avec notre président. Je vais vous nommer les cinq premières raisons des plaintes. L'intensité sonore des messages publicitaires est la plus importante. Il y a aussi les questions relatives à la possibilité de choisir des postes, comme nous l'avons déjà souligné. Les pratiques de facturation et les problèmes liés à la facturation font aussi l'objet de plaintes, à différents égards.
Nous recevons environ 2 800 plaintes sur la programmation, ce qui est mis en onde, et sur des commentaires offensants, qui font probablement l'objet d'un des plus grands nombres de plaintes dans ce volet. De temps en temps, je reçois des plaintes sur des pratiques journalistiques et sur des questions liées à l'accessibilité, comme le sous-titrage codé.
Le président : Je comprends. C'est probablement la totalité des Canadiens qui sont exposés aux médias d'une manière ou d'une autre, et il y a 45 000 plaintes. Je ne veux pas laisser entendre que vous ne faites pas un bon travail; je n'utilise pas cela pour évaluer votre succès dans l'ensemble. Je crois que cela nous indique dans quelle mesure les Canadiens sont enclins à se plaindre au sujet de la radiodiffusion. Je vais m'arrêter là.
Le sénateur Eggleton : Je vais revenir à la question des boissons sucrées, car vous m'avez parlé du processus, de la participation de Santé Canada, mais vous n'avez pas vraiment parlé de l'effort de collaboration, des différents comités, de la préapprobation de la publicité, du Comité d'approbation de la publicité destinée aux enfants, et cetera. Vous participez à cela. Vous dites que vous êtes préoccupé par l'obésité, alors que faites-vous au sujet des boissons sucrées? Ne m'expliquez pas le processus; dites-moi ce que vous faites précisément à l'égard de ce problème. On considère que c'est l'un des produits qui contribue largement à l'obésité.
M. Kachi : Du côté du CRTC, en ce qui concerne les boissons sucrées, nous veillons à ce que la diffusion des publicités et la façon dont elles sont conçues et présentées aux enfants respectent les règles et les normes établies par Santé Canada.
Le sénateur Eggleton : Et quelles sont-elles?
M. Kachi : Je ne peux pas vous parler en détail de ces normes, car elles sont énoncées dans la Loi sur les aliments et drogues, ni des règles en matière d'étiquetage et de publicité établies par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Le sénateur Eggleton : Cela veut dire essentiellement que, si ce n'est pas illégal, cela ne vous pose aucun problème.
M. Hutton : Je ne dirais pas cela. Les codes et les activités éducatives élaborées par divers groupes, comme MediaSmarts, que nous appuyons et avec lesquels nous collaborons, visent à faire en sorte que la publicité de ces boissons ne soit pas trompeuse et qu'on n'y associe aucun bienfait pour la santé. En outre, on fait de plus en plus la promotion de boissons et d'aliments sains, ce qui va dans le sens des lignes directrices relatives à de saines habitudes de vie et à une saine alimentation diffusées par Santé Canada.
Notre travail comporte deux volets. Nous veillons à ce que les publicités ne soient pas trompeuses et à ce qu'elles respectent les normes établies, et nous allons un peu plus loin en travaillant avec ces groupes afin de promouvoir leurs activités, qui visent à encourager l'adoption d'un mode de vie sain.
La sénatrice Seidman : Est-ce que vous examinez les pratiques exemplaires d'autres pays, les normes internationales, ce qui se fait à l'étranger? Si c'est le cas, feriez-vous des recommandations dans le but d'aider à élaborer de nouvelles normes, par exemple?
M. Hutton : Nous regardons effectivement ce qui se fait ailleurs, et nous avons d'ailleurs une équipe qui examine ce qui se fait à l'étranger dans divers domaines, notamment sur le plan du bien-être du consommateur et de la société.
Nous sommes également consultés, étant donné les mécanismes que nous avons mis en place, par des organismes internationaux, car notre système est l'un des systèmes les mieux reconnus et établis.
Le système que nous avons doit constamment être mis à jour pour l'adapter aux nouvelles réalités. Tous nos codes, qu'ils concernent les aliments, les drogues ou les publicités, ou bien les codes relatifs à des aspects importants, comme les propos excessifs, sont constamment actualisés et interprétés par des Canadiens qui font partie de ces organismes de réglementation conjointe. Ce n'est pas le gouvernement qui s'en occupe. Ce sont des Canadiens qui font partie de ces organismes et qui voient à ces mises à jour.
Lorsque nous rencontrons des représentants d'autres pays qui viennent au Canada, nous leur expliquons que ce qui est merveilleux c'est que l'industrie, les Canadiens et le gouvernement collaborent pour mettre en œuvre notre système et l'actualiser. Nous mentionnons souvent cela lorsque nous discutons avec des représentants d'autres pays.
La sénatrice Raine : Je vous remercie. Vous dites que vous travaillez avec Santé Canada. Le ministère vous donne des orientations quant au contenu du code, mais vous travaillez également avec des Canadiens qui siègent à des conseils consultatifs ainsi qu'avec l'industrie.
Si Santé Canada disait qu'il ne veut plus qu'il y ait de publicité à propos d'une catégorie de produits, seriez-vous en mesure de respecter cette volonté, ou devriez-vous obtenir l'approbation de votre comité, qui serait rejetée par l'industrie?
M. Hutton : Non. À l'instar des autres interdictions qui existent, par exemple pour les produits du tabac, il s'agirait d'une interdiction stipulée dans des règlements émanant de Santé Canada, qui doivent être appliqués.
La sénatrice Raine : Le travail de Santé Canada à cet égard consiste donc à établir une description très précise du produit visé par une interdiction.
M. Hutton : Comme le fait le CRTC dans son domaine, le ministère établit, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés, des règlements précis. Un règlement doit contenir une définition, préciser qui y est assujetti et comporter un texte descriptif compréhensible par toutes les parties visées et il doit être appliqué.
Nous travaillons avec le ministère pour nous assurer que nos codes respectent ces règlements. D'abord et avant tout, nous devons nous assurer que nos codes, les conditions des licences et même la Loi sur la radiodiffusion sont conformes, car ce qui est diffusé doit être légal. Alors s'il est illégal de diffuser quelque chose, la diffusion sera interdite.
Le président : Je vous remercie d'avoir comparu devant nous. Nous avons eu une très bonne discussion. Vos réponses étaient très claires.
Nous accueillons maintenant de Normes canadiennes de la publicité, Janet Feasby, vice-présidente, Normes, et, de l'Association canadienne des annonceurs, Ron Lund, président et président-directeur général.
Madame Feasby, votre nom figure en premier sur l'ordre du jour, alors je vous cède la parole en premier.
Janet Feasby, vice-présidente, Normes, Les normes canadiennes de la publicité : Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie également les membres du comité de m'avoir invitée à m'adresser à eux aujourd'hui au nom de Normes canadiennes de la publicité.
Vous nous avez demandé de vous parler des pratiques exemplaires en matière de publicité. Pour ce faire, je vais aborder deux sujets. Le premier est le rôle que jouent Les normes canadiennes de la publicité dans la gestion du cadre de réglementation de la publicité destinée aux enfants au Canada; et le deuxième est l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et boissons destinée aux enfants.
Créé en 1957, Les normes canadiennes de la publicité constitue l'organisme national indépendant, sans but lucratif, d'autoréglementation de la publicité. Depuis plus de 50 ans, nous établissons et administrons un code de normes responsables de la publicité et nous administrons également un important processus de traitement des plaintes des consommateurs formulées à l'encontre de publicités. Vous trouverez davantage d'informations au sujet de NCP dans notre rapport annuel, dont vous avez obtenu un exemplaire, je crois.
Nous ne sommes pas un organisme de défense des droits. Notre rôle consiste à aider les annonceurs à respecter les lois et les codes en vigueur au Canada et à répondre aux plaintes des consommateurs à propos de publicités grâce à l'outil d'autoréglementation qu'est le Code canadien des normes de la publicité.
Le cadre canadien de réglementation de la publicité destinée aux enfants est unique au monde. Il porte sur le contenu des publicités. Le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants vise strictement à réglementer les messages ou les images que peuvent ou non contenir les publicités destinées aux enfants, à l'extérieur du Québec. Il contient aussi des lignes directrices précises pour les publicités sur les aliments. Toutes les publicités diffusées qui ciblent les enfants de moins de 12 ans doivent respecter le code visant les enfants. Il s'agit d'une condition pour l'obtention d'une licence de radiodiffusion du CRTC, comme on l'a dit plus tôt.
Les publicités destinées aux enfants de moins de 12 ans doivent d'abord être préapprouvées par le Comité d'approbation de la publicité destinée aux enfants de NCP avant qu'un diffuseur puisse accepter de les mettre en ondes. Le comité est composé d'annonceurs, de parents d'enfants de moins de 12 ans et de diffuseurs. Le CRTC y est également représenté. En outre, toutes les publicités sur les aliments sont assujetties à un examen technique distinct mené par NCP pour vérifier si elles respectent les lignes directrices énoncées dans la Loi sur les aliments et drogues et le règlement d'application de cette loi.
Pour ce qui est des publicités qui ne sont pas radiotélévisées, le Code canadien des normes de la publicité de NCP prévoit un processus rigoureux pour répondre aux plaintes des consommateurs formulées à l'encontre de publicités diffusées par les différents médias. Il comporte également des dispositions particulières qui concernent la publicité destinée aux enfants et la publicité sur les aliments.
Je vais maintenant parler des publicités qui peuvent s'adresser aux enfants. En plus du cadre de réglementation, il y a l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, ou l'Initiative sur la publicité destinée aux enfants, pour faire plus court. Il s'agit d'une initiative volontaire qui a été lancée en 2007 par d'importants annonceurs de produits alimentaires et de boissons qui croyaient pouvoir apporter une contribution utile en vue de favoriser la santé et le bien-être des enfants canadiens.
Au total, 18 sociétés participantes se sont engagées à respecter les principes suivants qui s'appliquent aux publicités destinées aux enfants de moins de 12 ans : consacrer 100 p. 100 de leur publicité à la promotion de produits qui représentent des choix alimentaires sains ou ne plus cibler directement les enfants dans leur publicité; incorporer seulement des produits qui représentent des choix alimentaires sains dans les jeux interactifs; réduire l'utilisation de personnages sous licence appartenant à des tiers dans la publicité; ne pas placer leurs produits alimentaires ou leurs boissons dans le contenu d'émissions ou le contenu rédactionnel de tout média s'adressant principalement à des enfants; et, enfin, ne pas annoncer de produits alimentaires ni de boissons dans les écoles primaires.
Vous trouverez davantage d'informations dans le plus récent rapport de conformité, dont vous avez obtenu un exemplaire. Cette initiative est gérée par NCP.
Il est important de noter que ce ne sont pas seulement les médias traditionnels qui sont visés par cette initiative. Il y a la télévision, les imprimés, les jeux en ligne, les jeux vidéo et les jeux d'ordinateur classés Jeunes enfants, les DVD et les films classés G, les médias mobiles et le bouche-à-oreille.
L'Initiative pour la publicité destinée aux enfants a évolué considérablement depuis sa création. En 2010, on a inclus d'autres médias que les médias traditionnels. Plus récemment, en 2014, les sociétés participantes ont adopté des critères nutritionnels uniformes stricts pour les produits alimentaires et les boissons qui peuvent faire l'objet de publicités destinées aux enfants en vertu de l'initiative. Ces critères sont plus sévères que les précédents et ils seront entièrement appliqués d'ici la fin de 2015. Nous estimons que plus du tiers des produits annoncés en vertu de l'initiative devront être modifiés afin de les rendre conformes ou ne pourront plus faire l'objet de publicités destinées aux enfants après cette date.
L'objectif de l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants est de mettre l'accent sur la publicité qui vise à promouvoir des produits alimentaires et des boissons qui respectent les principes d'un régime alimentaire sain. Depuis que l'initiative a été lancée, des sociétés ont modifié des produits annoncés aux enfants de façon à y inclure des grains entiers et à réduire leur teneur en sodium et en sucre.
Grâce à l'initiative, le paysage de la publicité destinée aux enfants a changé considérablement, comme le démontre une étude comparative effectuée par NCP des publicités diffusées avant et après la création de l'initiative. L'analyse du contenu des publicités diffusées en 2004 sur les chaînes dont l'auditoire comporte le pourcentage le plus élevé d'enfants âgés de 2 à 11 ans a révélé que seulement 63 p. 100 des aliments et boissons annoncés aux enfants constituaient des choix nutritionnels sains. En 2008, ce pourcentage était passé à plus de 95 p. 100. La plus récente analyse de NCP des publicités télévisées destinées aux enfants a permis de constater que 99 p. 100 des produits annoncés étaient des produits qualifiés de meilleurs choix, commandités par des participants à l'initiative. Au cours des sept dernières années, l'initiative a évolué et s'est améliorée et cela se poursuivra.
Je vais terminer en disant que le cadre rigoureux de réglementation et d'autoréglementation au Canada pour la publicité destinée aux enfants ainsi que l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants constituent des pratiques exemplaires dans le domaine de la publicité s'adressant aux enfants.
Je vous remercie.
Ron Lund, président-directeur général, Association canadienne des annonceurs : Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour, sénateurs. Nous sommes ravis d'avoir l'occasion de participer à cette séance et à votre étude sur l'incidence croissante de l'obésité au Canada. Je m'appelle Ron Lund et je suis président et président-directeur général de l'Association canadienne des annonceurs. Cinq minutes, ce n'est pas long, mais je vais essayer de parler rapidement.
Créée en 1914, l'Association canadienne des annonceurs est un organisme national sans but lucratif voué uniquement à représenter les entreprises qui vendent et annoncent leurs produits et services au Canada. Nous jouons le rôle de conseiller, de défenseur des droits et de ressource pour nos membres, c'est-à-dire plus de 200 entreprises et filiales qui collectivement réalisent des ventes estimées à plus de 300 milliards de dollars.
De façon générale, l'ACA préconise l'accès universel et la liberté de faire des choix et elle croit que tous les médias devraient permettre la publicité car elle estime qu'ils peuvent en bénéficier. Il est important de mentionner qu'en même temps nous croyons que le droit d'annoncer librement au Canada s'accompagne d'une obligation pour les annonceurs de faire preuve d'honnêteté, d'exactitude et de responsabilité.
L'ACA appuie sans réserve l'excellent régime d'autoréglementation qui existe au Canada. L'ACA et l'industrie canadienne accordent la plus grande importance à la publicité destinée aux enfants au Canada et elle vise pour ce type de publicité les normes les plus élevées et une reddition de comptes rigoureuse. Le système canadien de codes et de normes en matière de publicité responsable destinée aux enfants est considéré dans le monde comme étant l'un des plus complets. Le système est composé de quatre principaux éléments, dont vous avez entendu parler en bonne partie.
Le premier est le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants, administré par le CRTC, qui définit très précisément les messages qui peuvent ou non être adressés aux enfants.
Le deuxième est le Code canadien des normes de la publicité, dont Janet vient de vous parler. Je ne vous en parlerai pas pour l'instant.
Entreprises pour l'essor des enfants est le troisième. Cet organisme crée et diffuse des campagnes sociétales sur des questions qui sont au cœur des préoccupations des enfants, notamment l'initiation aux médias et une vie saine et active.
Le quatrième est l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Je le répète, il s'agit d'une initiative volontaire entreprise par 18 grandes sociétés canadiennes d'aliments et de boissons. Vous en avez amplement entendu parler, alors je ne vais pas m'y attarder.
L'obésité chez les enfants est un enjeu complexe. L'ACA convient qu'il s'agit d'un problème sérieux, mais il est aussi très complexe, car de nombreux facteurs entrent en ligne de compte, comme le niveau d'activité physique, le régime alimentaire, le revenu familial, l'environnement social, l'environnement physique, la situation géographique, des facteurs culturels, biologiques et génétiques, l'accès à des services de santé, et cetera.
J'ai annexé à mon document une copie du diagramme de Foresight, qui porte sur ces facteurs. Le rapport Foresight est un rapport qui a été présenté au gouvernement du Royaume-Uni en 2007 et qui traite du problème de l'obésité. On y énumère 107 facteurs, et je peux vous dire que, oui, l'exposition à la publicité sur les produits alimentaires figure parmi ces facteurs.
Restreindre la publicité ne contribue pas à régler des problèmes de santé. De nombreux témoins que vous avez reçus ont laissé entendre que de restreindre ou de bannir la publicité destinée aux enfants fait partie de la solution. Toutefois, il est démontré qu'il n'y a absolument aucun lien entre le nombre de publicités visionnées et l'obésité.
Dans les administrations publiques où la publicité destinée aux enfants a été interdite ou assujettie à des restrictions depuis un certain temps et où les enfants ont été beaucoup moins exposés à la publicité, l'incidence d'embonpoint ou d'obésité chez les enfants est identique ou supérieure à celle d'administrations voisines où aucune restriction n'a été imposée.
De nombreux témoins vous ont dit que d'interdire la publicité comme l'a fait le Québec pourrait être une solution, mais permettez-moi d'examiner les faits. Cela fait plus de 30 ans que le Québec a interdit la publicité destinée aux enfants, mais le taux d'obésité chez les enfants est le même que celui de la Colombie-Britannique, où il n'y a pas d'interdiction. À titre de comparaison, l'Alberta, où il n'y a pas non plus d'interdiction, enregistre les plus faibles taux combinés d'embonpoint et d'obésité au Canada.
En outre, depuis que l'interdiction est en vigueur au Québec, les taux combinés d'embonpoint et d'obésité ont doublé entre 1981 et 2004. Vous avez bien compris, le taux a doublé en dépit de l'interdiction. Ces chiffres proviennent de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2004. Aux fins de cette enquête, il s'agit du poids véritable des enfants, et non pas du poids qu'ils ont indiqué.
Cette position est également étayée par le rapport de 222 pages intitulé Childhood Obesity : An Economic Perspective, publié en 2010 par la commission sur la productivité du gouvernement australien. Cet organisme de recherche réputé et influent conseille le gouvernement australien sur une vaste gamme d'enjeux économiques, sociaux et environnementaux et il est considéré comme l'un des organismes indépendants et impartiaux que le gouvernement consulte. Dans le rapport, on en vient à la conclusion que restreindre la publicité sur les produits alimentaires et les boissons serait au bout du compte inefficace.
Malheureusement, il n'existe pas de solution miracle pour régler le problème de l'obésité. L'obésité est attribuable à une multitude de facteurs et il s'agit d'un problème qui requiert des solutions complexes. L'industrie comprend bien le défi, et c'est pourquoi elle a décidé de faire sa part en appuyant les cadres de réglementation et d'autoréglementation ainsi qu'en participant à des initiatives volontaires comme l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants. Un changement fondamental est en train de s'opérer au sein de l'industrie alimentaire, et nous commençons à voir des résultats concrets.
Il est important de se rappeler la recommandation qu'a formulée l'Organisation mondiale de la Santé sur la question. Cette recommandation visait à diminuer l'incidence sur les enfants de la publicité d'aliments à teneur élevée en gras saturés, en gras trans, en sucre et en sel. La recommandation visait à diminuer l'incidence et non pas à l'éliminer. Notre industrie estime qu'elle a contribué à réduire cette incidence en améliorant la réglementation visant les publicités destinées aux enfants et en appuyant l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants.
Il est toujours important de se rappeler que l'OMS a recommandé précisément que l'autoréglementation joue un rôle important dans l'atteinte de cet objectif. Si cela vous intéresse, vous pouvez trouver cette recommandation au paragraphe 22 du document qui contient l'ensemble des recommandations. Nous contribuons à la solution et nous en sommes fiers.
En résumé, une solution globale est nécessaire pour venir à bout de ce problème grave. Nous avons tous un rôle à jouer. Notre industrie est très active dans ce domaine depuis de nombreuses années, et nous sommes fiers de nos efforts. Nous sommes résolus à adopter et à promouvoir une approche responsable en ce qui a trait à la publicité destinée aux enfants, et à consacrer des efforts supplémentaires en ce qui concerne la publicité sur les aliments et les boissons. Interdire les publicités est une solution simpliste et inefficace. La réglementation devrait permettre d'atteindre les objectifs de politique publique énoncés sans créer un fardeau réglementaire inutile ou disproportionné. Les entreprises font leur part. Il est important de continuer de diffuser des campagnes d'initiation aux médias afin de permettre aux enfants d'acquérir les compétences dont ils ont besoin pour évoluer dans le monde moderne de la consommation. D'abord et avant tout, il faut aussi un certain dosage dans le débat.
Sénateurs, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. Je souhaite à votre comité des délibérations fructueuses et je vous remercie de m'avoir permis de contribuer à votre étude.
Le président : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Avant que nous passions aux questions, je voudrais rappeler à mes collègues que notre réunion ne se terminera pas plus tard que 12 h 30. Chaque sénateur aura donc droit à une seule question à chacun des tours.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie pour vos exposés. Je m'intéresse aux statistiques que vous nous avez données. Vous avez dit que maintenant 99 p. 100 des produits alimentaires et des boissons annoncés constituent un meilleur choix. Vous avez expliqué que des entreprises ont décidé de modifier certains des critères précis en matière de nutrition et que ces modifications seront appliquées d'ici la fin de 2015.
Dans ce contexte, j'aimerais aborder la question des boissons sucrées, comme je l'ai fait avec le représentant du CRTC. Des témoins nous ont souvent dit que les boissons sucrées contribuent largement à favoriser l'obésité. Que faites-vous maintenant à propos des boissons sucrées? Étant donné les modifications aux critères précis en matière de nutrition, comment allez-vous traiter la question des boissons sucrées?
Mme Feasby : Les entreprises participant à l'Initiative pour la publicité destinée aux enfants ne font pas la promotion de boissons sucrées auprès des enfants de moins de 12 ans, elles ne font pas la publicité de boissons gazeuses. C'est la situation actuelle, et cela demeurera avec les nouveaux critères.
Le sénateur Eggleton : Est-ce que cela s'applique à différentes plateformes, ou seulement à la télédiffusion?
Mme Feasby : Cela s'applique à la publicité dans les médias que j'ai mentionnés — en ligne, à la télévision et dans les médias numériques. Tous les médias sont couverts par le programme.
La sénatrice Seidman : Dans son rapport de conformité de 2013 auquel vous avez fait référence, madame Feasby, et qui a été soumis au comité, Les normes canadiennes de la publicité (NCP) énumère des produits ayant fait l'objet de publicité en 2013. Le premier point de la liste revient à une chaîne de restauration rapide que je ne nommerai pas. Il est question d'un repas pour enfant composé de quatre morceaux de filet de poulet, de la compote de pommes Mott's Fruitsations et un jus de pomme Oasis.
D'après ce qu'on nous a dit, les jus de fruit et les goûters qui semblent être faits de fruits purs sont en réalité bourrés de sucre, alors comment est-ce que cela peut être conforme aux normes d'une saine alimentation?
En feuilletant le document, on voit des produits comme les céréales Fruit Loops, les Frosted Flakes, les carrés de Rice Krispies, les craquelins Goldfish cuits au four de Pepperidge Farm, le chocolat. Ils figurent parmi les produits annoncés en 2013 qui sont censés contribuer à une saine alimentation.
Mme Feasby : Si vous allez à la page 3, on parle des critères nutritionnels établis pour le programme au moment de sa création. Le produit devait satisfaire à au moins un de ces critères :
des aliments qui tiennent compte des lignes directrices sur la nutrition que contient le Guide alimentaire canadien;
des aliments qui satisfont aux critères se rapportant aux allégations de réduction du risque de maladies, aux allégations fonctionnelles... selon le Guide d'étiquetage et de publicité sur les aliments de l'ACIA;
des aliments qui satisfont aux critères se rapportant aux allégations relatives à la teneur nutritive selon le Guide d'étiquetage et de publicité sur les aliments de l'ACIA;
des aliments qui satisfont aux normes requises pour participer au programme Visez santé de la Fondation des maladies du cœur.
C'était les critères appliqués jusqu'à la fin de la dernière année. Les produits que vous voyez dans la liste satisfaisaient à ces critères.
Comme je le disais, nous aurons de nouveaux critères à compter de la fin de 2015. Pour le moment, je ne sais pas lesquels de ces produits vont satisfaire aux nouveaux critères. Je ne le sais pas encore; nous allons devoir attendre pour le savoir. Beaucoup de ces produits, environ le tiers, vont devoir être reformulés avant de pouvoir être annoncés de nouveau.
Le président : Est-ce que cela répond bien à votre question?
La sénatrice Seidman : Je ne suis toujours pas certaine de ce que vous voulez dire par « critère ».
Mme Feasby : Prenons un de ces produits, à titre d'exemple.
La sénatrice Seidman : Les Fruit Roll-Ups, par exemple. Comment les Fruit Roll-Ups peuvent-ils satisfaire aux critères nutritionnels?
Mme Feasby : Bon nombre des produits vont y satisfaire parce qu'ils constituent, entre autres, une bonne ou une excellente source de calcium ou de vitamine C ou autre chose encore. Si c'est le cas, ils satisfont au critère sur les allégations relatives à la teneur nutritive.
La sénatrice Seidman : Alors les craquelins cuits au four, le chocolat, et les Goldfish pourraient satisfaire aux critères.
Mme Feasby : Je n'ai pas toutes les données avec moi, mais oui. Ils pourraient offrir...
La sénatrice Seidman : Ils pourraient contenir du calcium.
Mme Feasby : Ou du fer ou peu importe. Si, selon les critères de l'ACIA, ils constituent une bonne ou une excellente source d'un élément en particulier, ils sont approuvés.
La sénatrice Seidman : C'est très utile. Merci beaucoup.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Je crois qu'il est important que l'industrie prenne part aux efforts actuels. Je sais que les acteurs de l'industrie reconnaissent les enjeux de société auxquels le pays est confronté.
Cela m'inquiète un peu de voir que seulement 18 entreprises ont adhéré aux principes régissant la publicité destinée aux enfants de moins de 12 ans. Combien d'entreprises produisent des aliments et des boissons au Canada en tout? Quels sont les efforts déployés pour rallier les autres entreprises?
Mme Feasby : Je n'ai pas cette information. Il faudrait demander aux fabricants de produits alimentaires et de consommation combien il y a d'entreprises dans le secteur alimentaire. Je ne le sais pas.
Depuis sa création, le programme attire régulièrement de nouveaux membres. Nous sommes toujours prêts à accueillir de nouveaux membres, et nous serions très heureux d'en compter davantage. Les 18 entreprises représentent très bien les principaux annonceurs qui font de la publicité auprès des enfants au Canada.
La sénatrice Frum : Monsieur Lund, vos statistiques sur la prévalence de l'obésité au Québec après l'interdiction sont très éloquentes. Votre hypothèse selon laquelle les interdictions ne sont pas efficaces semble être corroborée par les propos des témoins qui sont ici, c'est-à-dire que les interdictions ne s'appliquent pas aux autres sources médiatiques auxquelles les enfants sont exposés.
Si on présume que tout cela est vrai, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui — et un témoin y a fait allusion hier également —, le véritable problème réside dans le concept publicitaire qui nous présente des produits « bons pour vous ». D'après la liste de produits mentionnés par la sénatrice Seidman — j'y jette également un coup d'œil —, ce n'est vraiment pas le cas. Ce n'est pas vrai. Je comprends pourquoi on fait ces allégations; les produits répondent à certains critères.
Ma question est la suivante : si on fait fausse route avec les interdictions, peut-être que le problème se situe au niveau des allégations santé. Nous devrions nous attaquer à ces allégations qui sont, bien franchement, assez bizarres.
Mme Feasby : C'est un secteur régi par Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ce sont ces organisations qui établissent, dans la loi et les lignes directrices, le type d'allégations qui sont acceptables.
La sénatrice Frum : Je comprends qu'on puisse permettre la promotion des céréales Corn Pops et des Cheerios au chocolat. On ne peut pas rendre cela illégal, mais ce qu'on peut rendre illégal, c'est l'étiquetage qui sous-entend qu'un produit est santé quand il ne l'est pas.
Mme Feasby : Je répète que l'ACIA et Santé Canada ont le mandat de déterminer ce qui constitue une allégation acceptable.
Le président : J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. Si j'ai bien compris, tant que Santé Canada n'aura pas déterminé que la promotion d'un certain produit est inacceptable, vous n'avez aucune raison de l'exclure ou de prendre quelque mesure que ce soit, dans le contexte qu'on vient de décrire.
Mme Feasby : Je suis désolée, je ne suis pas certaine de comprendre votre question.
Le président : Je vais préciser ma question et mettre les choses en perspective.
Supposons qu'on annonce une boisson bourrée de sucre — la quantité maximale qu'on trouve dans une boisson gazeuse normale — comme étant une boisson énergisante. Vous ne pouvez pas intervenir à moins que Santé Canada n'indique que cela va à l'encontre de ses critères. Est-ce bien cela?
Mme Feasby : Les services d'approbation de NCP sont chargés de préapprouver la publicité pour cinq catégories réglementées : les aliments; l'alcool et les boissons non alcoolisées; les médicaments sans ordonnance; et la publicité destinée aux enfants. Les médicaments sans ordonnance, les cosmétiques et les aliments sont tous assujettis à la Loi sur les aliments et drogues et différentes lignes directrices.
Auparavant, c'est au gouvernement fédéral que revenait la préapprobation de la publicité radio et télévision. Lorsque le gouvernement a décidé de confier ce rôle à quelqu'un d'autre, l'industrie a demandé à NCP de prendre la relève et d'assumer la fonction de préapprobation. Le tout se fait conformément aux lois et aux règlements du gouvernement.
Dans votre exemple, si les services d'approbation de NCP recevaient le scénario d'une publicité sur une boisson énergisante ou un produit semblable, ils devraient tenir compte de ce qui est permis par Santé Canada. Si Santé Canada permet une certaine allégation, alors on devrait approuver le scénario et lui assigner un numéro. Le diffuseur pourrait alors mettre la publicité en ondes, car elle est conforme à la réglementation et aux normes du gouvernement.
Le président : Est-ce que les nouveaux scénarios s'en vont automatiquement à Santé Canada?
Mme Feasby : Non. Ce rôle ne revient plus à Santé Canada. Cette responsabilité incombe à NCP, qui s'en acquitte conformément aux règles établies par Santé Canada.
Le président : D'accord. Si on lance un nouveau produit, rien de plus essentiellement qu'une bouteille d'eau sucrée, et qu'on prétend qu'il est santé parce qu'il ne contient pas de cholestérol...
Mme Feasby : Il est peu probable que les règles de Santé Canada permettent une telle chose. Je ne les connais pas toutes, malheureusement, désolée.
Le président : Je conviens que cela ne devrait pas être acceptable. Je veux seulement m'assurer que le processus permettrait de signaler une telle allégation et que la publicité ne recevrait pas d'approbation. C'est pour cette raison que j'ai choisi cet exemple.
Mme Feasby : Ah, je vois. C'est exact.
Le président : D'accord. Merci beaucoup.
Le sénateur Eggleton : Vous dites ici que les entreprises qui produisent des aliments jugés malsains n'en font pas la promotion. C'est ce qu'on dit à l'annexe 1 de votre mémoire. Arrive McDonald, qui dans le cadre de son engagement envers un mode de vie sain et actif, produit des vignettes sous-titrées de 8 à 10 secondes, deux par saison, montrant des activités extérieures amusantes, et cetera. On ne voit aucun aliment, mais ce qu'on fait en réalité, c'est d'annoncer la marque, n'est-ce pas? Son logo est bien présent.
Mme Feasby : Selon les règles du CRTC, ce n'est pas considéré comme de la publicité.
Le sénateur Eggleton : Même si on fait la promotion de la marque? D'accord.
Le président : Je crois que c'était très clair.
La sénatrice Seidman : Monsieur Lund, j'aimerais revenir sur des statistiques que vous nous avez soumises. Soit je ne les comprends pas, soit elles sont en contradiction avec d'autres informations qu'on nous a données.
Vous avez parlé de la Suède, de la Norvège et du Québec. Vous avez dit que les taux d'obésité et de surcharge pondérale avaient doublé entre 1981 et 2004. Vous avez commencé le paragraphe en affirmant que le taux d'obésité chez les enfants au Québec, c'est-à-dire 7 p. 100, est le même qu'en Colombie-Britannique, où il n'y a pas d'interdiction.
Je crois que c'est Manuel Arango de la Fondation des maladies du cœur, à son passage il y a environ deux semaines, qui nous a dit que les enfants québécois de 2 à 11 ans étaient ceux qui consommaient le moins de malbouffe et de boissons sucrées.
J'essaie seulement de comprendre d'où viennent vos données. La première ligne me semble correcte, en ce sens qu'on nous a effectivement dit que le Québec et la Colombie-Britannique avaient les plus faibles taux d'obésité au pays. Je ne suis pas certaine de quand datent les données, car je n'ai pas la documentation avec moi et l'information nous a été présentée il y a déjà plusieurs semaines. Vous nous dites autre chose, mais je ne sais pas si tout provient de la même étude. On parle de surcharge pondérale et d'obésité, mais je ne sais pas à quelles catégories d'âge on fait référence.
Je m'interroge au sujet de ces renseignements contradictoires, même si je ne devrais pas, puisque je sais qu'il existe une foule de sources de données et qu'elles ne sont pas toutes normalisées. Il n'est donc pas surprenant qu'on entende des témoignages contradictoires qui s'appuient sur les mêmes sources. J'essaie seulement de comprendre ce que vous essayez de nous dire.
M. Lund : L'idée était simplement de vous présenter des données issues de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2004, les dernières statistiques recueillies à ce moment-là et dont les références se trouvent plus loin. Il se peut que des données plus récentes aient été recueillies depuis, mais encore là, le lien est difficile à faire, puisque les données comportent des anomalies. Parfois, elles proviennent de déclarations volontaires, et parfois, elles sont issues de rapports mesurés. Je peux également vous faire parvenir un exemplaire du rapport pour vos dossiers.
Puisque vos chiffres correspondent au premier rapport, il s'agit peut-être du même document. Le taux de 7 p. 100 est essentiellement celui de la Colombie-Britannique, et il est inférieur à celui du Québec. En combinant les taux d'obésité et d'embonpoint...
La sénatrice Seidman : C'est la même chose.
M. Lund : ... en Alberta, le résultat global est plus bas.
La sénatrice Seidman : Non, les taux du Québec et de la Colombie-Britannique sont identiques et correspondent à 7 p. 100.
M. Lund : Veuillez m'excuser, vous avez raison.
La sénatrice Seidman : Vous dites que c'est le taux d'obésité chez les enfants, mais j'ignore à quelles catégories d'âge correspond la définition du mot « enfant ». Vous dites aussi que les taux combinés de l'embonpoint et de l'obésité en Alberta s'élèvent à 22 p. 100, ce qui est à peu près équivalent aux taux du Québec. Vous dites qu'il s'agit des taux combinés les plus faibles, et que les chiffres sont pratiquement les mêmes au Québec.
M. Lund : À vrai dire, le taux est inférieur. J'ai dit que les chiffres sont pratiquement les mêmes parce qu'ils sont très près, mais les données réelles du Québec sont inférieures.
La sénatrice Seidman : De 1 p. 100, peut-être. C'est ce qui est écrit ici.
Il faut vraiment essayer de comprendre. Il serait bien dommage d'affirmer qu'au Québec, l'interdiction de toute publicité à l'intention des enfants a été un échec; c'est essentiellement ce que vous dites.
M. Lund : Oui. Prenez les chiffres au moment où l'interdiction a été prononcée, puis examinez les derniers chiffres. Peu importe ce qui se passe dans le reste du Canada, vous auriez pensé que l'obésité n'aurait pas pu doubler pendant ces années en raison de l'interdiction, ce que j'ai consigné ici. Les chiffres sont vraiment accablants. Vous auriez pu vous attendre à ce que l'interdiction enraye l'obésité. Au contraire, notre taux est à peu près le même que celui de la Colombie-Britannique, et il est 1 p. 100 inférieur à celui de l'Alberta. Nous pensons donc que l'interdiction n'est pas efficace.
Le président : Je doute que nous puissions espérer l'éradication de l'obésité. J'aimerais souligner que les représentants de Statistique Canada comparaîtront la semaine prochaine, et que nous pourrons alors aborder ces questions.
La sénatrice Raine : Permettez-moi de poser une question très similaire sur le même sujet. Je crois que votre discours est un peu creux, car il y a une grande différence entre 1981 et 2004. Il s'agit d'une longue période pour dire qu'une chose a doublé. Nous savons tous que depuis 1981, l'incidence de l'obésité a augmenté considérablement partout.
J'ai vu des chiffres tout à fait différents qui isolent l'incidence des médias francophones sur le Québec, par rapport aux fuites des médias d'ailleurs chez les enfants anglophones du Québec. J'espère que nos chercheurs ne porteront pas trop attention à ce paragraphe, car je crois qu'il est un peu trompeur.
J'ignore si vous voulez ajouter quelque chose. Je devrais peut-être vous poser la question directement : vos chiffres incluent-ils les enfants anglophones et francophones?
M. Lund : Oui.
La sénatrice Raine : Avez-vous tenu compte du fait que les enfants anglophones du Québec sont exposés à bien des médias d'ailleurs, qui ne sont pas soumis à la même interdiction?
M. Lund : Non. La fuite n'est pas si terrible. Prenez encore une fois les chiffres de Numeris sur ce que les gens écoutent. Ils regardent beaucoup la télévision francophone. Y a-t-il une fuite? Tout à fait. Nous essayons de décortiquer les chiffres importants, et il s'agit du dernier groupe de chiffres. Avec tout le respect que je vous dois, vous avez dit vous-même que c'est une longue période pour que les choses évoluent. Si nous croyons que la publicité a une grande incidence sur l'obésité, les données n'en font pas la preuve.
Je ne doute pas que les gens le croient sur le plan émotif, mais tout indique le contraire. Même si vous dites qu'il est normal que le taux augmente, je pense que le fait qu'il ait doublé malgré l'interdiction constitue une preuve.
La sénatrice Raine : Je soutiens respectueusement que le milieu obésogène dans lequel nous vivons a une grande influence à la hausse sur les taux d'obésité. Nous savons pourtant que les enfants québécois de 2 à 11 ans ont les taux d'obésité les plus faibles au pays. Vous mélangez l'embonpoint et l'obésité, qui sont deux catégories différentes.
Le président : Je pense que nous avons déjà eu cette discussion.
Nous avons autant de mal à traiter de la question que de certaines données historiques en matière d'alimentation. Nous devons tout replacer dans son contexte. Je suppose qu'il s'agit du volet positif du message que vous nous soumettez, à savoir que tout doit être pris en considération dans cette question généralement complexe. Il est certes difficile d'obtenir des détails précis sur les répercussions d'un enjeu.
Notre travail sera tout aussi complexe. Nous comprenons votre rôle, et vous avez répondu clairement aux questions qui vous ont été posées jusqu'à maintenant. Est-ce que l'un d'entre vous a une dernière remarque?
M. Lund : Je terminerai en disant que j'ai aimé votre dernière remarque du fait que cette situation complexe doit être mise en contexte. Comme je l'ai dit, j'invite tout le monde à examiner le rapport Foresight, et pas seulement la carte. Bien des questions entrent en jeu.
Je vous rappelle que je crois aux initiatives, comme le CRTC l'a dit, au volet coréglementaire, et au fait que les autres apports viennent de Santé Canada et de la Loi sur les aliments et drogues. Je pense que nous nous attaquons très bien à ces questions ensemble. Les choses ont changé au fil du temps, ce qui a eu une incidence positive, selon moi.
Le président : Après le témoignage des deux groupes ce matin, nous avons notamment tiré une compréhension claire de la relation entre Santé Canada, la réglementation et l'application des dispositions, ce qui est fort important à nos yeux. Merci.
M. Lund : Puis-je dire une dernière chose?
Le président : Bien sûr.
M. Lund : Je tiens à préciser que de façon générale, les allégations sont pratiquement toutes dictées par la Loi sur les aliments et drogues. Si nous voulons employer le mot « meilleur », des lignes directrices existent pour ce genre de choses, et voilà où l'ensemble des règlements entre en ligne de compte. Aucun publicitaire malveillant ne se cache dans un coin pour essayer de contourner les règles.
Le président : Nous comprenons ces volets. Ce qui nous intéresse, c'est la signification et l'incidence d'une diminution du sucre de 25 p. 100. Voilà le genre d'enjeu que nous devons comprendre. Merci beaucoup.
Je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)