Aller au contenu
TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 3 - Témoignages du 5 mars 2014


OTTAWA, le mercredi 5 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.

[Traduction]

Nos témoins d'aujourd'hui représentent le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. J'aimerais vous présenter M. Scott Hutton, directeur exécutif, Radiodiffusion, et M. Peter Foster, directeur général, Politiques et demandes relatives à la télévision.

Avant de commencer, et étant donné que certains sénateurs arriveront dans quelques minutes, j'aimerais souligner aux personnes qui nous écoutent sur le Web que les 24 et 25 mars, nous serons à Winnipeg, et que s'ils souhaitent témoigner, ils peuvent communiquer avec le greffier. De plus, nous serons à Yellowknife le 26 mars. On nous a dit qu'en ce moment, il faisait plus froid ici qu'à Yellowknife; j'espère que ce sera toujours le cas lorsque nous serons là-bas. Les 27 et 28 mars, nous serons à Edmonton. La semaine suivante, nous commencerons nos audiences régulières ici jusqu'à nos prochaines visites dans le reste du pays.

La parole est à M. Hutton.

Scott Hutton, directeur exécutif, Radiodiffusion, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Merci, monsieur le président. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de présenter le point de vue du CRTC sur les occasions et les défis propres à la Canadian Broadcasting Corporation et à la Société Radio-Canada dans un contexte où le milieu des communications évolue rapidement. Aujourd'hui, je suis accompagné de M. Peter Foster, directeur général, Politiques et demandes relatives à la télévision.

[Français]

À titre de radiodiffuseur public national, CBC/Radio-Canada doit satisfaire aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion afin de servir adéquatement les Canadiens. Cela signifie offrir une programmation riche et diversifiée, qui informe et divertit dans les deux langues officielles.

Vous savez probablement que récemment, le conseil s'est penché sur l'incidence des changements technologiques par rapport à la capacité du radiodiffuseur d'atteindre ses objectifs. Cela a fait partie de notre examen global en mai dernier des licences de radiodiffusion de CBC/Radio-Canada, pour ses services et de télévision et de radio, naturellement dans les deux langues officielles.

Plusieurs facteurs ont influencé notre décision de les renouveler, y compris les interventions réfléchies de plus de 8 000 Canadiens qui ont exprimé leur intérêt envers l'avenir de CBC/Radio-Canada. C'est aussi un reflet de notre confiance envers ces projets à long terme.

Comme l'a indiqué le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, au moment d'annoncer notre décision, le renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada témoigne de notre conviction que, dans l'univers médiatique en constante évolution, CBC/Radio-Canada continuera à jouer un rôle clé pour la vitalité de la culture canadienne de langue française et anglaise, partout au pays. Cette évaluation s'appuie entre autres sur le plan quinquennal de la société, intitulé Stratégie 2015 : partout pour tous.

Outre la radiodiffusion conventionnelle ayant recours aux médias traditionnels, le plan met l'accent sur l'engagement de CBC/Radio-Canada d'entretenir une présence dynamique sur les plates-formes numériques, la voie de l'avenir. Compte tenu des nombreuses innovations prévues jusqu'à la fin de sa nouvelle licence, en 2018, le radiodiffuseur public devrait pouvoir mettre à la disposition des Canadiens du contenu numérique à la fine pointe.

Tout aussi important, cela devrait contribuer à assurer la viabilité financière des activités de la société. Cette approche reconnaît qu'aujourd'hui, les Canadiens veulent avoir accès à leurs émissions préférées, partout, en tout temps, et en utilisant l'appareil de leur choix. Cela confirme également que CBC/Radio-Canada saisit l'ampleur des changements qui s'opèrent dans le paysage des communications et de la radiodiffusion.

Bien sûr, les Canadiens continueront de regarder la télévision conventionnelle. Comptant environ 28 heures d'écoute par semaine en moyenne, la télévision traditionnelle accapare davantage notre temps que toute autre activité, à l'exception du temps que nous passons à dormir et à travailler.

Mais on n'y échappe pas. Des innovations technologiques sont en voie de redéfinir la notion même de la radiodiffusion. Les Canadiens sont branchés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et avec des moyens que peu de gens auraient pu envisager il y a quelques années à peine. Le paysage télévisuel en a été modifié à jamais.

[Traduction]

La couverture par CBC/Radio-Canada des Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi témoigne de ce contexte qui évolue. La Société a travaillé de concert avec d'autres radiodiffuseurs afin d'offrir aux Canadiens une couverture étendue à la télévision, dans Internet et sur les appareils mobiles.

Les Canadiens ont toujours accès à 700 canaux traditionnels, mais à présent, la télévision est aussi offerte sur différents médias — comme en témoignent les offres de services en ligne de Netflix, Tou.tv, YouTube et Apple TV.

Selon le Rapport de surveillance des communications du CRTC de 2013, un tiers des Canadiens regarde plus de trois heures de télévision en ligne par semaine. Il s'agit d'une augmentation par rapport à 2011, alors que ce nombre était de 2,8 heures. De plus, 4 p. 100 affirment regarder uniquement des émissions en ligne. D'autre part, 6 p. 100 des Canadiens regardent des émissions de télévision sur une tablette ou sur un téléphone intelligent.

Parallèlement, le rapport a révélé qu'en 2012, les revenus des services canadiens de télévision privée ont atteint 6,5 milliards de dollars. Il s'agit d'une hausse de 1,9 p. 100 par rapport à l'année précédente.

Cela ne se retrouve pas dans le document d'aujourd'hui, mais ce matin, j'ai reçu les résultats préliminaires pour l'année 2013, et il y a une faible diminution des revenus pour les services de télévision privée. Ils sont d'environ 6,4 milliards de dollars, ce qui signifie une diminution de 0,5 ou de 0,6 p. 100.

Une autre tendance notable : le pourcentage de Canadiens abonnés à Netflix est passé de 10 p. 100 en 2011 à 17 p. 100 en 2012. Hier, MTM a publié ses données pour 2013, et cette proportion atteint maintenant 25 p. 100.

Le CRTC surveille les tendances, comme celles de la télévision en ligne, et vise à déterminer l'incidence de ces innovations sur les entreprises canadiennes du secteur des médias et des télécommunications.

[Français]

Après un premier examen en 1999, nous avons exempté de notre réglementation les services de programmation numérique. Un deuxième examen, en 2009, a confirmé le bien-fondé de cette approche.

Le CRTC n'intervient pas dans le domaine commercial à moins qu'il soit absolument nécessaire de le faire, et ce, pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Nous laissons au marché le soin d'orienter les changements et nous intervenons seulement si ce dernier n'est pas en mesure de satisfaire aux objectifs stratégiques de la loi.

Certains souhaiteraient faire marche arrière, mais la radiodiffusion n'est plus ce qu'elle a déjà été et ne le sera plus jamais. Tout comme les habitudes de visionnement des Canadiens évoluent, le système doit faire de même. Ce n'est pas nécessairement mauvais en soi. Plutôt que de considérer des entreprises comme YouTube et Netflix comme des menaces, il faudrait plutôt voir les nouvelles possibilités qu'elles offrent. Nous devrions en tirer parti et promouvoir l'avantage créatif du Canada à l'échelle mondiale. Car aujourd'hui, les technologies de l'information et des communications sont le moteur de l'industrie et créent des occasions d'affaires. Chose certaine, c'est la façon dont CBC/Radio-Canada semble envisager la situation. Certaines de ses émissions de télévision de langue française, comme Les invincibles, Les Parent et La galère, peuvent être vues sur Netflix. Ceci s'ajoute à la vaste bibliothèque de titres qu'offre son site Tou.Tv.

[Traduction]

Récemment, la CBC a élargi son entente de licence avec Netflix pour ses émissions de télévision de langue anglaise. Grâce à l'entente, de nouvelles saisons d'émissions pourront être vues sur Netflix, par exemple, Republic of Doyle, Heartland, Mr. D, Dragons' Den et plusieurs autres titres. De même, en vertu de l'entente, le service offrira la populaire série Murdoch Mysteries pour la première fois. Cette entente reflète la capacité éprouvée de CBC/Radio-Canada — et des créateurs canadiens de contenu en général — de produire des émissions de qualité qui plaisent aux auditoires canadiens et étrangers.

En octobre dernier, le CRTC a amorcé une conversation nationale avec les Canadiens au sujet de cette nouvelle ère télévisuelle. Avec Parlons télé : une conversation avec les Canadiens, nous avons cherché à connaître les points de vue des Canadiens avant d'entreprendre des instances publiques en bonne et due forme. Nous voulons placer les Canadiens au cœur de leur système de télévision. Aussi nous faut-il les entendre directement au sujet de leurs besoins en tant que citoyens engagés, en tant que consommateurs qui font des choix éclairés d'émissions et en tant que créateurs de contenu télévisuel.

Au cours de la première phase de la consultation, plus de 3 100 Canadiens ont accepté notre invitation et ont exprimé leur point de vue sur l'avenir de leur système de télévision. De nombreux Canadiens nous ont indiqué vouloir davantage de choix et exercer plus de contrôle en ce qui concerne les émissions qu'ils regardent et pour lesquelles ils doivent payer. Aussi, au chapitre des habitudes de visionnement des Canadiens, je ne crois pas qu'il faille s'attendre à des changements dans les tendances que j'ai déjà décrites.

Le conseil poursuit sa conversation avec les Canadiens. Le mois dernier, nous avons rendu public le cahier Parlons télé : Faites votre choix!, qui a été créé à partir des observations reçues au cours de la phase 1.

Au cours de cette deuxième phase, nous demandons aux Canadiens d'évaluer différents résultats que pourraient entraîner certains changements pour le système de télévision et de réfléchir aux éléments importants à leurs yeux. Nous leur demandons de regarder au-delà de leurs intérêts personnels pour examiner le tableau d'ensemble et ce que cela signifie pour leur système de télévision. Car les préférences de chacun, auxquelles s'ajoute l'effet multiplicateur des actions et des choix des autres Canadiens, ne sont pas sans conséquence. Les demandes d'un groupe peuvent entraîner des répercussions adverses sur les choix des autres.

Ce printemps, nous tiendrons une instance officielle qui comprendra une audience publique en septembre 2014. Nous avons pour objectif d'élaborer un cadre pour le système de télévision qui est en mesure de répondre aux besoins et aux attentes de tous les Canadiens.

Je serai heureux de répondre à vos questions sur ces initiatives ou sur n'importe quel autre élément de notre exposé.

Le président : Monsieur Foster, avez-vous quelque chose à ajouter? Il a fait le tour.

Peter Foster, directeur général, Politiques et demandes relatives à la télévision, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Il a effectivement fait le tour.

Le sénateur Greene : Je vous remercie beaucoup d'être ici. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit au sujet des tendances, et ce n'est pas parce que je suis un expert dans ce domaine, car ce n'est pas le cas. Je pense que tous les téléspectateurs comprennent où on s'en va, et les tendances ne sont donc pas nouvelles pour personne.

J'aimerais vous poser quelques questions sur les entreprises de câblodistribution traditionnelles et sur la différence entre les services à la carte et l'obligation de distribution. Quelles sont actuellement les règles du CRTC en ce qui concerne les entreprises de câblodistribution et leur capacité d'offrir des services à la carte?

M. Hutton : Il y a une série de règles et une grande absence de règles, car un grand nombre des décisions prises quotidiennement par les entreprises de câblodistribution sont prises dans leur propre intérêt commercial et visent leurs propres abonnés.

Vous avez mentionné deux volets. L'un concerne la distribution obligatoire. Le CRTC, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, a essentiellement demandé à tous les Canadiens de contribuer à certains services. Il s'agit surtout des services qui aident les CLOSM — les communautés de langue officielle en situation minoritaire — à recevoir des services prévus par la Loi sur la radiodiffusion. Plusieurs autres sont liés à des problèmes d'accessibilité, et facilitent l'accès aux Canadiens qui souffrent d'une déficience, qu'elle soit visuelle ou auditive.

Ce sont la majorité de ces types de services, mais ils représentent une très petite partie de la facture d'un abonné. Je crois que les frais de gros exigés pour ces services sont d'environ 1,24 $.

De plus, le CRTC demande aux entreprises de câblodistribution de distribuer les stations de télévision locales, essentiellement ici à Ottawa CJOH, la CBC ou les services de la SRC, et de les distribuer localement dans leur forfait de base. Ce sont essentiellement les règles de niveau élevé que nous appliquons aux forfaits de base.

Dans certains cas, les entreprises de câblodistribution ajoutent elles-mêmes quelques services au forfait de base pour plusieurs raisons. Parfois, c'est dans leur intérêt commercial de le faire en raison de leur entente d'affiliation avec ces services. D'autres fois, ils jugent que cela crée une valeur ajoutée ou un avantage dans le forfait de base, et que cela permet d'attirer des abonnés pour ce forfait.

Le sénateur Greene : Je vois, car dans mon forfait de base, par exemple, j'ai acheté la version HD et on peut obtenir CBS non-HD ou en version HD, mais pour acheter la version HD, vous devez déjà avoir acheté l'option non-HD dans mon forfait.

M. Hutton : Ce sont leurs propres ententes commerciales.

Le sénateur Greene : Je n'ai donc pas le choix, je dois acheter certaines choses que je ne regarde jamais. Je présume que cela dépend de chaque entreprise de câblodistribution.

M. Hutton : Oui, des entreprises de câblodistribution, et de quel côté de la rivière vous vivez.

Si nous passons au service à la carte, le deuxième volet de votre question, lors de nos discussions avec les Canadiens, nous devons leur faire prendre conscience — et nous espérons pouvoir le faire par nos procédures — qu'un certain niveau de concurrence existe déjà. Nous devons tous exercer nos propres droits de consommateur et évaluer les choix offerts, car différentes entreprises qui fournissent des services de télévision, que ce soit un service de télévision IP, un service de câblodistribution ou un service par satellite, proposent différents niveaux de forfaits. Il y a donc certains choix offerts de ce côté. Les Canadiens anglais nous ont dit qu'ils voulaient avoir encore plus de choix.

Au Québec, le marché s'est grandement rapproché du dégroupage ou d'un service complet à la carte, grâce à Québecor et à son affilié Vidéotron, qui vous permettent essentiellement, dans certains cas, de choisir vos propres canaux. Un autre concept qui semble encore plus intéressant, c'est qu'au lieu de simplement offrir le choix des canaux individuels, ces entreprises offrent également un service dans lequel vous pouvez constituer votre propre forfait. Pour 5 $, elles vous vendent — et je simplifie le prix — cinq canaux ou, pour 10 $, vous pouvez obtenir 10 canaux. Vous choisissez chaque canal. Ce concept semble être très populaire dans la province de Québec. Vidéotron a lancé l'idée, et Bell et Shaw ont suivi.

Le sénateur Greene : Je crois que ce serait populaire partout au pays.

M. Hutton : Je ne peux pas l'affirmer, mais j'ai certainement entendu dire que les Canadiens étaient aussi préoccupés que vous à cet égard. Nous avons sûrement constaté que dans la province de Québec, le marché est en mesure de livrer ce concept.

Une intervention réglementaire est-elle nécessaire? C'est ce que nous tentons de déterminer en ce moment.

Le sénateur Greene : Vous avez mentionné que la Loi sur la radiodiffusion exige que les entreprises de câblodistribution offrent un certain nombre de choses. Ces exigences s'appliquent-elles également au Québec à cet égard?

M. Hutton : C'est exact. Il semble que dans la province de Québec, le service de base est réduit comparativement à celui offert par Rogers à Ottawa, par exemple, et il respecte les exigences minimales. Les entreprises vont un peu plus loin que cela pour sembler fournir une meilleure valeur aux abonnés, mais le prix des services de base au Québec est plus bas. Vous obtenez moins de services, mais vous pouvez choisir la voie traditionnelle et acheter de gros forfaits — un grand nombre de Québécois le font toujours — ou vous pouvez choisir de constituer votre propre forfait ou de sélectionner vos canaux à la carte.

Le sénateur Greene : À votre avis, les règlements dans ce domaine diminueront-ils, et permettront-ils simplement aux entreprises de câblodistribution d'offrir aux abonnés ce qu'ils veulent regarder?

M. Hutton : Je dois être prudent, car j'ai parlé de notre consultation dans le cadre de Parlons télé. En avril, nous lancerons une instance de réglementation officielle qui visera ces facteurs.

Au cours des dernières années, le CRTC s'est abstenu de plus en plus de s'occuper de la réglementation. Il nous reste quelques exigences liées aux forfaits — et je les ai mentionnés — pour les forfaits de base. Si je retournais 5, 10 ou 15 ans en arrière, je serais encore en train de vous expliquer tous les règlements qui s'appliquent à cet égard.

Le CRTC, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, a certainement diminué ses interventions en ce qui concerne la capacité des consommateurs d'acheter des services à la carte. Nous nous sommes retirés de la plupart de ces règlements, mais les gros forfaits sont toujours offerts et on est toujours, dans une certaine mesure, insatisfait à leur égard. Il faudrait déterminer où il est nécessaire d'introduire une intervention réglementaire pour que cela arrive. Je crois que le débat peut aller dans l'une ou l'autre direction.

M. Foster : Sénateur Greene, EastLink offre une approche de services à la carte. L'entreprise l'a annoncé l'automne dernier. Elle offre ses services dans les Maritimes.

Le sénateur Greene : Oui, je sais. Je reçois des annonces d'EastLink et de Bell toutes les deux semaines pour me dire que leurs services sont les meilleurs et que si je m'abonne, elles m'accorderont un rabais pendant quelques mois. Je reçois constamment ces publicités, mais la partie des services à la carte est très petite. C'est ce qu'on fait au Québec qui m'intéresse.

Le sénateur Plett : Merci, messieurs. Je m'excuse de mon retard de quelques minutes.

Le Rapport de surveillance des communications de 2013 du CRTC est-il le rapport que la ministre Glover a demandé au CRTC, ou s'agit-il d'un rapport différent?

M. Foster : Le rapport de surveillance auquel on fait référence ici est un rapport annuel que nous publions chaque année. Le rapport que la ministre Glover a demandé est un rapport spécial intitulé article 15. Il doit être présenté le 30 avril. Il porte précisément sur le modèle des services à la carte.

Le sénateur Plett : Sur les forfaits et les services à la carte?

M. Foster : Oui.

Le sénateur Plett : Et pouvons-nous nous attendre à ce que ce rapport soit terminé à temps?

M. Foster : Absolument.

Le sénateur Plett : C'est magnifique.

Vous avez parlé de certaines de mes émissions canadiennes préférées, surtout Dragon's Den et quelques autres, qui sont offertes sur Netflix. Participez-vous aux négociations de la CBC avec Netflix à cet égard? Contribuez-vous à ces négociations?

M. Hutton : Non, nous n'y contribuons pas du tout, et nous n'y participons pas pour d'autres radiodiffuseurs. Nous les réglementons et nous réglementons ce qu'ils présentent par l'entremise de leurs plateformes canadiennes. Les décisions liées aux activités connexes, qu'il s'agisse d'acheter du contenu ou une sélection fournis par des producteurs indépendants, leur reviennent. Nous fournissons une partie du cadre et nous les aidons avec ce que nous appelons les conditions de commerce, mais nous ne participons pas davantage à l'achat ou à la vente d'émissions.

Le sénateur Housakos : Je vais poser quelques brèves questions et vous permettre ensuite d'y répondre. Il est important d'avoir l'avis du CRTC à ce sujet, car personne n'a plus d'expérience dans ce domaine que les membres du CRTC.

J'aimerais comprendre si CBC/Radio-Canada a été bien préparée. Qu'ont fait ses représentants pour la préparer aux défis qui sont apparus au cours de la dernière décennie en ce qui concerne les plateformes et l'intégration verticale de ses concurrents? Quels sont certains de ces avantages qui ont été développés et obtenus par leurs concurrents et qui ont forcé CBC/Radio-Canada à s'efforcer de les rattraper?

M. Hutton : Je crois que CBC/Radio-Canada a souvent été à l'avant-garde de nombreux développements. Si je retourne à l'époque où je me concentrais sur la radiodiffusion avec le CRTC, CBC/Radio-Canada a été l'une des premières entreprises à tester la radiodiffusion numérique, que ce soit à la radio ou à la télévision.

Nous avons mentionné Tou.tv; il s'agit d'un service qui était à l'avant-garde et qui offre en ligne une grande partie du contenu — je dirais que vous ne manquez presque rien — que la société diffuse sur ses canaux réguliers pour ce service particulier. La société fait la même chose avec CBC player. Il n'est pas aussi distinct de leur site web régulier, mais la société est à l'avant-garde dans ce domaine. Dans le milieu francophone, ce service continue certainement d'être un chef de file mondial en ce qui concerne le contenu francophone en ligne.

Par l'entremise de notre processus de renouvellement de licence, nous avons examiné ses plans dans le cadre de son propre plan stratégique à cet égard. La société s'étend sur toutes les plateformes et elle s'étend également à l'échelle régionale. Les médias traditionnels couvrent surtout l'île de Montréal, par exemple. La société a lancé des sites web qui couvrent également le sud et le nord. Elle a fait la même chose à Vancouver. Elle essaie, elle explore et elle prend certains niveaux de son propre budget pour mettre au point des produits pour toutes les plateformes et elle essaie de nouvelles choses sur de nouvelles plateformes. Elle est certainement à l'avant-garde des nouveaux médias ou des médias numériques.

En ce qui concerne la question de l'intégration verticale, elle demeure un radiodiffuseur. L'intégration verticale contre laquelle elle est en concurrence réfère à l'entité qui contrôle la production, la radiodiffusion et la distribution et même les unités de téléphone ou de télécommunications, car un grand nombre de Canadiens consomment du contenu en ligne et sur leur appareil mobile. La société est confrontée à tous ces éléments et je ne pense pas qu'elle peut développer le même niveau d'intégration verticale, mais elle doit se démarquer et veiller à être sur toutes les plateformes pour survivre.

Le sénateur Housakos : À votre avis, sa « stratégie numérique » est-elle une réussite? Selon certaines rumeurs, au cours des dernières années, c'est-à-dire depuis qu'elle a lancé cette stratégie, elle leur a coûté près de 100 millions de dollars. Malheureusement, pendant la première série de questions que nous avons posées au PDG de CBC/Radio-Canada la semaine dernière, nous étions préoccupés par d'autres choses et nous n'avons pas été en mesure d'aborder certains enjeux, mais nous le ferons très prochainement. Vous venez de parler de la stratégie numérique. J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles elle a coûté près de 100 millions de dollars à la CBC.

D'un point de vue technologique, à votre avis, cette stratégie a-t-elle réussi à attirer une plus grande audience et a-t-elle été rentable pour CBC/Radio-Canada?

M. Hutton : J'ai mentionné que Tou.tv était déjà un succès, surtout chez les Francophones. Cette plateforme a rempli un vide et a offert un service, et elle a poussé d'autres intervenants du marché francophone à se montrer à la hauteur et à fournir leurs propres services en ligne. Si vous considérez qu'il s'agit d'un succès essentiel, on peut dire que la société a réussi à cet égard sur le marché francophone.

Je n'ai pas les données exactes du budget, mais la société assigne une certaine somme à l'exploration, à la R-D et à l'exploration de nouveaux médias ou de plateformes de médias numériques. Les chiffres que vous avez mentionnés ne sont pas loin de la vérité, d'après ce que je comprends.

Il s'agit toujours d'un marché en développement où on doit innover et où les modèles d'affaires ne sont pas encore tout à fait définis. Les gens gagnent de plus en plus de revenus dans ce domaine, mais que vous soyez CBC/Radio-Canada ou CTV — et je dirais que c'est seulement récemment que certaines des grandes entreprises américaines qui font la même chose ont atteint le seuil de rentabilité —, c'est un marché en développement. Il y a beaucoup d'innovation dans ce marché, et les modèles d'affaires ne sont pas encore tout à fait définis. Les choses s'améliorent. La publicité et les abonnements aux services des médias numériques sont à la hausse, mais pour le moment, il est difficile de déterminer si des profits sont réalisés. Je suis presque certain que M. Lacroix répondrait que non, mais n'importe quel autre homme ou femme d'affaires répondrait la même chose.

Dans nos recherches et dans nos conversations avec les Canadiens, nous avons retenu qu'ils souhaitent que ces émissions soient partout, et je crois que tous les radiodiffuseurs, y compris la CBC/SRC, doivent répondre à ce besoin et à ce désir.

Le sénateur Housakos : Du point de vue du CRTC, un radiodiffuseur public représente-t-il le seul moyen de promouvoir le contenu canadien et les productions canadiennes de façon appropriée dans les activités de radiodiffusion? Vous pourriez peut-être également nous dire si, en plus des larges sommes que le gouvernement verse à CBC/Radio-Canada, d'autres mécanismes — à part CBC/Radio-Canada — existent et sont offerts aux radiodiffuseurs privés pour leur permettre d'améliorer les productions et le contenu canadiens et d'en faire la promotion.

M. Hutton : Notre réponse vient en partie de la Loi sur la radiodiffusion, qui énonce que le système de radiodiffusion canadien contient un élément privé, un élément public et un élément communautaire. Ils sont tous égaux, et ils sont tous liés aux tentatives pour atteindre les nombreux objectifs variés de la loi. La loi donne aussi à la CBC une place unique et un mandat spécial au sein du système de notre pays.

Pour répondre à votre question, ce n'est absolument pas le seul moyen, mais c'est un moyen important. Après avoir effectué l'examen de sa licence et du renouvellement de sa licence l'an dernier, nous avons conclu que la société contribue aux objectifs qui lui ont été assignés et aux objectifs généraux de la Loi sur la radiodiffusion.

Y a-t-il d'autres moyens? Tous les jours, nos radiodiffuseurs privés produisent du contenu canadien, en font la promotion, et l'offrent aux Canadiens. Les radiodiffuseurs communautaires font la même chose, que ce soit par la télévision ou la radio. Ils jouent tous leur propre rôle, et c'est un rôle important, au sein du système de radiodiffusion.

Le sénateur Plett : Avez-vous mené des sondages pour connaître le pourcentage de Canadiens qui souhaitent avoir du contenu canadien même s'il coûte plus cher aux contribuables, comparativement à ceux qui ne sont pas réellement préoccupés par le contenu canadien?

M. Hutton : Dans le contexte de notre conversation avec les Canadiens, nous avons mené des sondages. Nous sommes en train de recevoir les réponses et nous les publierons en même temps que le rapport demandé par la ministre Glover. Ces documents seront publiés bientôt, et nous serons en mesure de vous informer à cet égard. Ici, nous nous concentrons surtout sur la télévision.

Demain, je comparaitrai devant un autre comité où nous avons un sondage surtout lié à la musique. On ne pose pas la question « payez-vous plus d'argent pour obtenir plus de contenu canadien? », mais je crois qu'environ 90 p. 100 des Canadiens croient qu'il est important d'entendre et d'avoir l'occasion d'entendre de la musique canadienne. Restez à l'écoute pour les résultats au sujet de la télévision.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup.

Le sénateur Eggleton : Pour revenir à la dernière question, CBC/Radio-Canada n'est peut-être pas le seul distributeur de contenu canadien, mais d'après ce que je vois dans les statistiques, la société est le principal distributeur, et de loin, surtout en ce qui concerne les émissions autres que les bulletins de nouvelles et les émissions d'information.

Au sujet de la question de l'identité culturelle et de la CBC, en janvier 2012, l'ancien président du CRTC a affirmé, lors d'une entrevue, « ‰qu'ŠInternet et la technologie sans fil ont enlevé aux organismes de réglementation fédéraux leurs armes pour protéger l'identité culturelle. »

J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec votre ancien président, et quelles armes sont nécessaires pour protéger l'identité culturelle du Canada.

M. Hutton : Le président von Finckenstein a toujours aimé s'exprimer d'une façon particulière.

Les changements nous guettent certainement. La technologie, les activités dans Internet — les habitudes des consommateurs, que ce soit à l'égard de la consommation de produits télévisés ou audio, se sont modifiées. Il a certainement raison lorsqu'il dit que le secteur se transforme. Je dirais que les anciens moyens pour prendre des règlements, qui ont recours aux mesures de protection et à l'imposition de quotas, seront certainement contestés à l'avenir.

Je crois que le CRTC se rend compte — et notre président actuel s'en est également rendu compte et l'a mentionné dans plusieurs de ses discours — qu'il est devenu nécessaire d'adopter de nouvelles stratégies. Dans mon exposé, j'ai dit que nous devions accueillir ces nouvelles technologies et plusieurs choses qu'il a mentionnées, de la protection à la promotion.

Par exemple, les mesures de protection consistaient souvent à limiter les choix ou à tenir à bout de bras certains services venant d'autres parties du monde. Vous devez réfléchir à la façon dont nous pouvons, dans ce nouveau monde de médias numériques, sensibiliser les Canadiens au contenu canadien. Comment leur permettons-nous de consommer des produits canadiens? Comment faisons-nous la promotion de l'offre de ces produits canadiens?

Les idées avec lesquelles on jongle, et dont notre président actuel a parlé dans certains discours reviennent à délaisser le quota obligatoire de contenu canadien au profit d'une structure dans laquelle les radiodiffuseurs sont motivés à produire un tel contenu puisque c'est avantageux sur le plan commercial. Voilà qui se rapporte au passage à l'ère nouvelle.

Autrefois, la radiodiffusion était vraiment une affaire locale. C'est une entreprise de câblodistribution ou une station de télévision locale qui approvisionnait la région. Du jour au lendemain, c'est devenu une affaire nationale en raison de la technologie, de l'accès et de la multiplication des canaux spécialisés. Avec l'arrivée des médias numériques, la radiodiffusion pourrait même devenir internationale. Des occasions de diffuser du contenu canadien dans le reste du monde se présentent aussi. Voilà le genre de choses que nous devons étudier.

La situation va-t-elle changer du jour au lendemain? Non. Nous avons nos structures, nos réalités et nos habitudes de consommation, mais tandis que nous faisons notre possible pour nous projeter dans l'avenir, nous devons envisager ces différentes avenues.

Le sénateur Eggleton : Vous dites qu'il faut passer de la protection à la promotion, puis qu'il faut motiver les radiodiffuseurs. Comment vous y prendrez-vous? Cela me semble représenter une dépense supplémentaire alors que CBC/Radio-Canada, principal producteur de contenu canadien, fait l'objet de compressions. Comment allez-vous motiver les radiodiffuseurs?

M. Hutton : Eh bien, vous parlez de motivation, mais CBC/Radio-Canada a moins besoin de se faire motiver que d'autres joueurs du secteur de la radiodiffusion.

Le sénateur Eggleton : Tant que la société reçoit de l'argent.

M. Hutton : Eh bien, il y a un coût à cela, mais comme je l'ai dit dans mon exposé, la société entre dans l'ère nouvelle en vendant certains de ses produits à Netflix, et personne ne l'oblige à le faire. Netflix lui remet de l'argent en échange d'une programmation à offrir à ses clients et à rendre accessible dans tous ses marchés. Il faut en quelque sorte déterminer s'il y a des occasions à saisir à ce chapitre.

Quels autres facteurs contribuent à la motivation? Même CTV s'est lancé dans la production de drames et de comédies haut de gamme. Le radiodiffuseur n'est pas en mesure de diffuser un contenu canadien 24 heures par jour, mais il produit des drames de qualité qui soutiennent très bien la concurrence des radiodiffuseurs étrangers en sol canadien, qui suscitent l'intérêt et qui sont distribués à l'étranger.

Le radiodiffuseur remarque à quel point tout devient plus simple lorsqu'il participe à la production et qu'il contrôle les droits. S'il participe vraiment à la programmation et détient les droits, il aura la motivation nécessaire pour exploiter diverses plateformes et recevoir de l'argent de Netflix et des marchés étrangers, ce qui n'était pas possible auparavant. Il y a donc un nouveau facteur de motivation. Comment pouvons-nous modifier et adapter nos règlements pour en tirer parti?

Le sénateur Eggleton : Je crois toutefois savoir que Netflix reprend une vieille programmation de CBC/Radio-Canada plutôt que sa programmation actuelle, n'est-ce pas?

M. Hutton : Mais c'est le modèle d'affaires de Netflix. À 8 $ par jour pour tout ce contenu...

Le sénateur Eggleton : Peut-être, mais ce n'est pas le nouveau contenu.

M. Hutton : Lorsqu'un radiodiffuseur contrôle les droits, il peut vendre son émission — Netflix offre l'émission Dragon's Den, qui appartient à une société. Ma famille l'écoute beaucoup, et mes fils aussi. Cette entrée d'argent aide le radiodiffuseur à continuer le programme ou à produire du nouveau contenu. C'est ce que les sociétés constatent : si elles détiennent la propriété intellectuelle et les droits, elles peuvent vendre le contenu l'année suivante, et l'argent généré leur permet de produire du nouveau contenu et de rendre l'activité financièrement viable.

Le sénateur Eggleton : Si j'ai bien compris, Netflix n'est pas tenu de respecter les règles canadiennes en matière de contenu ni d'apporter une contribution financière à la culture canadienne. Devrions-nous changer les règles? Après avoir parlé de Netflix et de YouTube, vous avez dit en exposé que nous devrions en tirer parti et promouvoir l'avantage créatif du Canada à l'échelle mondiale. J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet et que vous précisiez si Netflix devrait nous donner de l'argent pour son contenu canadien.

M. Hutton : Le CRTC a étudié tous les médias numériques, qu'ils soient offerts par une organisation comme Netflix, ou sur Tou.tv de la Société Radio-Canada, sur CTV Go ou CTV.ca de CTV, ainsi que les produits similaires de Rogers et de Shaw. Il l'a fait en 1999, lorsque c'était avant-gardiste, puis en 2009, une fois le marché développé. Nous avons aussi refait une vérification en 2011. Dans le cadre du dialogue d'aujourd'hui, nous avons de grandes discussions sur l'avenir de la télévision, et nous en venons toujours à la conclusion que toutes ces plateformes numériques viennent compléter le système canadien.

J'ai mentionné délibérément que nous continuons à regarder la télévision conventionnelle en moyenne 28 heures par semaine, un chiffre qui a même augmenté. Les jeunes Canadiens regardent bel et bien la télévision traditionnelle. J'ignore où nous trouvons tout ce temps supplémentaire dans nos vies, mais le visionnement additionnel sur toutes les nouvelles plateformes s'ajoute à nos habitudes d'autrefois.

Le CRTC est d'avis que les modèles d'affaires ne sont pas encore tout à fait au point : le milieu est encore expérimental. La réglementation n'est peut-être pas la solution pour stimuler la croissance du secteur et voir si celui-ci apporte une contribution sans cadre réglementaire. Si nous mentionnons que des radiodiffuseurs comme CBC/Radio-Canada ou même d'autres au Canada vendent leurs produits à Netflix, c'est parce que celui-ci achète et reprend le contenu pour le rendre accessible aux Canadiens de partout dans le monde. Voilà qui représente une contribution au système. C'est l'angle d'approche. Il n'a pas été question de réglementer Netflix ou de l'obliger à apporter une contribution.

Le président : Netflix achète-t-il du contenu francophone de Radio-Canada?

M. Hutton : Oui, mais il en offre très peu. Bien franchement, les chiffres démontrent que l'outil est nettement plus populaire au Canada anglais qu'auprès des francophones du pays.

Le président : Mais il en offre?

M. Hutton : Un peu, oui.

Le sénateur Mercer : Messieurs, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous parler.

CBC/Radio-Canada vient de renouveler sa licence. Nous avons discuté du plan et du modèle d'activités des radiodiffuseurs. Celui de CBC/Radio-Canada a changé radicalement ces derniers mois, qu'elle l'ait voulu ou non, lorsqu'elle a perdu la Ligue nationale de hockey, ou LNH.

Je sais que nous ne pouvons pas réécrire l'histoire, mais dans quelle mesure la perte de sa principale source de revenus change-t-elle votre perception de son plan d'activités?

M. Hutton : Nous avions bien sûr cette possibilité dans la mire lorsque nous regardions le plan d'activités de la société à l'occasion du renouvellement de sa licence.

De notre point de vue, CBC/Radio-Canada doit atteindre certains objectifs et apporter une contribution conformément aux dispositions de la Loi sur la radiodiffusion. Nous prenons diverses mesures pour nous en assurer. Nous n'intervenons naturellement pas lorsque la loi est respectée, mais si nous remarquons des lacunes ou des manquements possibles, nous prenons des mesures réglementaires à cet égard.

Dans ce cas-ci, nous connaissions les droits de la LNH et savions qu'elle pouvait aller ailleurs. Nous étions au courant, et les crédits gouvernementaux prévus pour la durée de la licence étaient très clairs. La somme exacte a été mise au clair d'emblée.

Un autre facteur qui s'ajoute à la publicité et aux droits liés à la LNH, c'est le marché de la publicité dans son ensemble. J'ai mentionné qu'il est plutôt stationnaire et peut même être en baisse, d'après les dernières données.

Voilà tous les facteurs et les risques financiers dont nous avons tenu compte en déterminant les conditions de la licence de CBC/Radio-Canada. En fait, nous avons choisi de fixer des seuils un peu plus bas pour que la société ait une certaine latitude au cas où des difficultés ou des problèmes financiers survenaient au cours des cinq années suivantes.

Nous avons probablement été plus sévères du côté des obligations envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou CLOSM, puisque nous avons cru constater certaines lacunes. Par exemple, la station de radio de Windsor n'offrait certainement pas le niveau de services dont la collectivité avait besoin. Mais nous avons accordé une licence assortie de conditions minimales aux diffuseurs dont le niveau de services était satisfaisant puisque nous sommes conscients des difficultés financières et des risques qui peuvent survenir. Un d'entre eux s'est justement concrétisé. D'après nous, il y a un seuil minimal à atteindre pour respecter les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Voilà donc ce que nous avons fait à ce chapitre.

Le sénateur Mercer : J'ai une question hypothétique. Il a été question de retirer toutes les publicités payées de CBC/ Radio-Canada. Où croyez-vous que les fonds publicitaires iraient sur le marché? Pensez-vous qu'ils profiteraient à d'autres sociétés canadiennes ou qu'ils disparaîtraient au profit de réseaux américains?

M. Hutton : Ce n'est que pure spéculation, mais chaque fois que nous avons vu un joueur délaisser un marché, certains de ses concurrents ont repris sa place. Mais souvent — et c'est particulièrement vrai pour CBC/Radio-Canada, dont le produit se différencie de celui des autres —, je crois qu'on finit par laisser de l'argent sur la table. Nous n'avons toutefois pas étudié la question en profondeur. Je ne fais que comparer ce que j'ai constaté lorsqu'une station de radio ferme ses portes dans un marché donné, par exemple.

Le sénateur Mercer : J'ai une dernière question : vous dites avoir engagé la conversation nationale Parlons télé avec les Canadiens à propos de la nouvelle ère télévisuelle. Quand verrons-nous le rapport? Avez-vous une échéance?

M. Hutton : Conformément à la Loi sur la radiodiffusion, la ministre Glover nous a demandé de faire rapport des occasions et des difficultés entourant les chaînes à la carte de la télévision canadienne payante et spécialisée, ou l'ensemble des canaux de cette catégorie. Le rapport doit être présenté à la fin du mois d'avril.

En avril, nous publierons aussi un avis de consultation où nous soulignerons certaines des conclusions que nous avons tirées à la suite des étapes 1 et 2, et qui feront l'objet d'une audience publique en septembre 2014. Au début de l'année 2015, nous aurons pris une décision officielle en matière de réglementation et de politique.

[Français]

La sénatrice Verner : Je vous remercie, messieurs, pour votre présence ce soir.

Je voulais aborder moi aussi votre conversation nationale Parlons télé. J'ai bien compris, des réponses données à mes collègues, que le rapport de cette conversation sera publié à la fin avril.

J'aurais quand même quelques questions auxquelles vous pourriez déjà répondre. Je fais référence à un article paru dans Le Devoir, en février dernier, dans lequel M. Blais disait qu'il s'était inquiété de la faiblesse initiale de la participation des Québécois à la première étape de l'enquête.

Êtes-vous en mesure de nous dire, maintenant que la seconde étape est en cours, quel était le pourcentage de participation des Québécois au cours de la première étape?

M. Hutton : Malheureusement, je n'ai pas ces données ici. Mais je vais quand même confirmer que c'était effectivement une de nos inquiétudes. Ce que nous avons fait aussi, c'était la première phase. Je crois qu'au moment de cette entrevue, il s'agissait de l'un de nos efforts pour mousser la participation des francophones au processus.

Alors, sans avoir les données ici avec moi, il y a eu naturellement un peu moins de participation, parce que ce que nous entendons beaucoup des Canadiens anglophones, c'est tout le débat du choix des postes. Comme je l'ai indiqué auparavant, c'est chose faite au Québec. Il y a moins d'insatisfaction de ce côté.

Les sujets que nous avons entendus, au Québec et dans le reste du pays francophone, se résument surtout à l'accès à des chaînes additionnelles, à l'accès à plus de programmation. C'est un peu le message qu'on entend de ce côté. Par ailleurs, lorsqu'on examine davantage le volet visant à informer et à protéger le consommateur, quand on parle de questions contractuelles ou de tarifs, on a reçu un peu plus de commentaires et d'inquiétudes du marché francophone que du marché anglophone. Voilà les différences dans les commentaires reçus. Mais les entrevues étaient faites pour faire mousser la participation, et cela a eu un effet marqué sur la participation.

La sénatrice Verner : Sur la deuxième étape, finalement?

M. Hutton : Même lors de la première étape, parce que 3 100 Canadiens y ont participé. Et nous avons aussi appris, grâce à ces événements, à susciter une motivation différente dans la deuxième étape qui est en cours.

La sénatrice Verner : Ce qui fait qu'en ce moment, vous n'avez pas d'inquiétude concernant la participation des Québécois à la seconde étape, parce que dès que vous vous en êtes rendu compte, vous avez pris les mesures pour hausser la participation?

M. Hutton : Effectivement.

La sénatrice Verner : Certains témoins avaient tendance à soutenir la thèse que le réseau francophone était peut-être mieux préparé à affronter les changements qui s'en viennent que le réseau anglophone. En ce moment, sans évidemment dévoiler les résultats de l'enquête parce que ce sera fait le 30 avril, y a-t-il des conclusions que vous pouvez tirer et partager avec nous, ce soir, sur les différences entre le réseau francophone et le réseau anglophone?

M. Hutton : Quand vous dites le « réseau », parlez-vous de CBC/Société Radio-Canada ou plutôt des deux marchés en général?

La sénatrice Verner : Je parle toujours de Radio-Canada, étant donné qu'on étudie davantage cette question ici.

M. Hutton : Pour être franc avec vous, je n'ai pas vu de différence dans la préparation. Les stratégies sont semblables, mais quelque peu différentes, comme les marchés sont différents aussi, et comme la loi prescrit et admet que les deux marchés sont différents. On voit que certaines choses sont différentes.

Si je peux voir une différence, je pense que c'est une différence structurelle, peut-être, entre le marché anglophone et le marché francophone au grand complet. Du côté francophone, il y a un plus grand attachement à la programmation d'ici. On fixe des quotas dans le marché francophone, mais ils sont largement dépassés. C'est un peu l'optique que le marché demande, il s'attend à ce qu'il y ait de la production francophone, et les différents joueurs la livrent. Donc, de ce côté, l'ensemble du marché est plus disposé à faire face à un environnement où tout est chambardé, parce que les émissions qui sont produites ont un marché et, même s'il reçoit une aide gouvernementale, le marché est mieux accompli du côté francophone que du côté anglophone, où il y a plus de compétition. On baigne dans une mer de production mondiale, mais principalement américaine. L'heure de programmation coûte des millions de dollars à produire, mais est vendue ici au rabais, parce que les frais de la production américaine sont complètement payés par le marché américain. La vendre à rabais ici, c'est difficile.

Mais cela présente une opportunité, parce que les producteurs ont appris qu'en produisant leurs propres émissions, ils peuvent les vendre ailleurs, ils en contrôlent les droits, ils peuvent les exploiter sur diverses plates-formes.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Merci d'être avec nous ce soir. J'ai deux ou trois commentaires, après quoi j'aurai une question.

D'une part, en réponse à la question de mon collègue le sénateur Housakos, vous avez dit que CBC/Radio-Canada était en réalité un précurseur pour certaines nouvelles technologies, par exemple. Je pense qu'il convient de préciser que c'est peut-être attribuable à son budget annuel de 1,3 milliard de dollars, qui l'aide à prendre l'initiative de ce genre d'activités.

Avez-vous bien dit que les Canadiens regardent en moyenne la télévision 28 heures par semaine?

M. Hutton : Oui.

La sénatrice Batters : Je me demande bien quand ils trouvent le temps de travailler. Malgré toutes ces nouvelles tendances des plus intéressantes qui prennent assurément de l'ampleur, ce temps passé strictement devant le téléviseur compte certainement pour une énorme part du gâteau à l'heure actuelle. Aussi important soit-il de comprendre ces nouvelles tendances, n'oublions pas que la télévision demeure un élément majeur avec lequel CBC/Radio-Canada doit bel et bien composer.

Vous avez parlé tout à l'heure de la demande de la ministre Glover. Je veux simplement que les Canadiens sachent d'où elle provient. Voici ce que le gouvernement a annoncé dans son discours du Trône de 2013 :

Notre gouvernement croit que les familles canadiennes devraient pouvoir choisir les forfaits de chaînes sur mesure qu'elles souhaitent obtenir. Il exigera que les chaînes soient dissociées dans les forfaits tout en protégeant les emplois.

C'est donc dans ce contexte que la ministre Glover a présenté sa demande au CRTC. Vous avez un peu décrit le processus à venir en réponse aux questions de mes collègues.

Sa demande portait aussi sur l'audience publique qui aura lieu à l'automne. Considère-t-on que celle-ci fait partie du rapport présenté à la ministre Glover, ou que le rapport définitif est celui qui sera déposé en avril?

M. Hutton : Le rapport d'avril est le rapport définitif qui est présenté à la ministre Glover. Je sais que je n'ai pas à vous le préciser, mais j'invite tous les gens du secteur à consulter le discours du Trône et à lire l'article 15 de la loi, qui porte sur la demande de rapport qu'on nous a adressée. On nous a donc demandé d'évaluer les dangers et les écueils, car même le discours du Trône propose de multiplier les choix sans compromettre les emplois. Nous devons faire rapport sur un certain nombre de facteurs et d'éléments importants, comme les producteurs indépendants, les chaînes locales, les canaux de télévision payante et les répercussions sur les entreprises de distribution de radiodiffusion, ou EDR. Cette partie de la demande trouvera réponse en avril, conformément au délai prévu.

On nous demande aussi de trouver des façons possibles de maximiser les chaînes à la carte, une question sur laquelle nous nous pencherons. En troisième lieu, on nous demande ce que nous, le CRTC, comptons faire à ce sujet. Nous répondrons donc à tous ces points en avril.

Comme on peut s'y attendre, avant de faire quoi que ce soit, un organisme quasi judiciaire comme nous doit naturellement se baser sur une audience publique complète. Selon ce que nous y apprendrons, nous adopterons une nouvelle réglementation quand nous aurons complètement fait le tour de l'ensemble des volets. On ne nous a pas demandé de tenir une audience pour que nous en fassions rapport. Il a aussi été question de la voie que nous empruntons dans le cadre de notre conversation avec les Canadiens, et la procédure en fait partie. C'est ainsi que nous voyons les choses et que nous réagissons à la demande. Nous tiendrons une audience en septembre, puis rendrons notre décision sur les nouvelles règles et politiques réglementaires au début de l'année 2015.

La sénatrice Batters : Merci infiniment de ces précisions.

Le sénateur Greene : En ce qui concerne la Loi fédérale sur la radiodiffusion, cet instrument avantage-t-il CBC/ Radio-Canada par rapport à CTV, ou lui impose-t-il des exigences auxquelles les radiodiffuseurs privés échappent?

M. Hutton : Puisque la loi prévoit des objectifs particuliers pour CBC/Radio-Canada, elle lui impose effectivement des obligations qui ne s'appliquent pas aux autres radiodiffuseurs.

Le sénateur Greene : Comme quoi?

M. Hutton : L'une des obligations les plus évidentes est celle de représenter l'ensemble du pays, de refléter toutes les régions. Les nouvelles doivent aussi posséder un volet international un peu plus important, en répondant bien aux besoins en la matière, mais, aussi, en remplissant des obligations très précises à l'égard des Canadiens qui appartiennent à des groupes minoritaires. Les obligations pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont des plus importantes. La Société Radio-Canada, bien sûr, est dirigée depuis Montréal et elle fournit des services à la province de Québec, mais des stations de radio et de télévision se trouvent dans chaque province, chaque capitale. C'est l'une des obligations les plus importantes et les plus coûteuses que CBC/Radio-Canada doit respecter.

Le sénateur Greene : En ce qui concerne les objectifs, qui sont généraux et vagues, j'en suis convaincu, vous est-il déjà arrivé de devoir réprimander la société pour ne pas en avoir atteint?

M. Hutton : Pendant les audiences sur le renouvellement des licences, nous pouvons juger irrégulières, sur détails très mineurs, des situations, des plaintes ou des problèmes particuliers, mais, dans notre processus d'examen des licences, nous tenons compte des décisions précédentes et des conditions ou des attentes à respecter pendant la période à venir. À la fin de la période, l'évaluation se fait en fonction des objectifs. Nous établissons ensuite de nouveaux objectifs pour l'avenir.

Au cours des dernières audiences sur le renouvellement des licences, des Canadiens ont, bien sûr, témoigné sur des compressions exagérées touchant les communautés de langue officielle en situation minoritaire. La station radiophonique de Windsor constitue un exemple. Comme condition de la licence, nous avons exigé la garantie d'un niveau minimal de programmation pour cette station.

Le sénateur Greene : On n'exige pas autant des diffuseurs privés?

M. Hutton : En effet.

Le sénateur Greene : Sans laisser entendre qu'un câblodistributeur voudrait le faire, pourrait-il décider de ne pas offrir la SRC?

M. Munroe : Le câblodistributeur, d'après les règles actuelles au sujet du niveau de base ou du niveau minimal, ne pourrait pas décider de ne pas offrir la SRC, ni le poste local de CTV ni celui de Shaw Television.

Le sénateur Greene : Mais il le pourrait, si ces canaux faisaient partie du service à la carte offert. Dans ce cas, est-ce que ça satisferait aux exigences?

M. Hutton : Tout dépend de la suite. Si, pour chaque modèle de voie, le service est complètement dégroupé, y compris le service obligatoire de distribution, le nombre initial limité de services, ce serait possible pour un service complètement à la carte. Le rapport du gouvernement reconnaît le rôle important des stations locales et il nous demande d'examiner minutieusement les éventuelles répercussions de l'ensemble du régime sur elles. Il mentionne aussi que nous devrions maximiser la possibilité de services à la carte pour la diffusion payante et spécialisée, ce qui n'est pas, non plus, nos stations locales.

Ces stations locales n'exigent pas le paiement de droits supplémentaires. Contrairement, d'ailleurs, à l'abonnement à TSN ou à Home & Garden, le câblodistributeur paie un droit de gros pour ces canaux, en fonction d'un certain nombre de facteurs, principalement le nombre d'abonnés. Ces droits ne sont pas imposés pour les stations locales, que ce soit CJOH ou CBFT.

Le sénateur Eggleton : Le président de la CBC/Radio-Canada nous a fait remarquer dans son témoignage ici, il y a une semaine, que la Loi sur la radiodiffusion remontait à 1991 et qu'elle n'avait fait l'objet d'aucune modification importante qui aurait tenu compte de la nouvelle ère dans laquelle la radiodiffusion est entrée. Il a même ajouté qu'elle ne mentionne même pas Internet.

D'après vous, faudrait-il actualiser cette loi, vu l'évolution de la radiodiffusion? Que conseilleriez-vous de faire?

M. Hutton : Le CRTC se considère comme capable de fonctionner avec la loi en vigueur. Il ne cherche donc pas à proposer des modifications ou des changements, ce qu'il laisse au gouvernement et au Parlement. Comme nous ne sommes pas entravés, nous ne demandons et ne proposons donc rien à cet égard. En 1991, la loi avait une très grande intuition de l'avenir.

Le sénateur Eggleton : Oui, mais elle commence un peu à dater. Comme j'ai dit, il n'y est même pas question de l'Internet.

Revenons aux consultations intitulées « Parlons télé », que vous avez tenues sur la télévision. Apparemment, un certain nombre de répondants de la phase 1 ont dit que la qualité de la programmation à la télévision autorisée diminuait. Certains ont même dit qu'ils pouvaient reconnaître le contenu canadien à sa qualité moindre. Ça m'étonne, parce que j'ai toujours pensé que les productions canadiennes étaient d'une assez grande qualité.

Des dispositions réglementaires ou des conditions de délivrance d'une licence pourraient-elles nuire à la qualité? Peut-on faire un effort de plus pour améliorer la qualité? Que pensez-vous de ces observations que vous avez reçues sur vos propres séries?

M. Hutton : Nous avons entendu toute une gamme de commentaires de la part des Canadiens sur un certain nombre de questions. Certains ont mentionné qu'ils perçoivent une différence. Je pense que si on reculait dans le passé, on pourrait, mais, aujourd'hui, c'est de moins en moins le cas. Ici, au Canada, la qualité de nos programmes et notre capacité d'en produire se comparent à ce qu'il y a de mieux dans le monde.

D'autres nous ont aussi dit que certaines émissions canadiennes étaient géniales, que c'était leurs émissions préférées, qu'elles ne devraient pas disparaître et que, à cet égard, le système n'est pas décevant. Cependant, une conclusion que nous tirons, bien sûr, des observations de tous les Canadiens, touche la qualité, et c'est un avertissement pour nous préparer à l'avenir. Beaucoup d'autres Canadiens ont dit qu'ils regarderont des émissions de qualité, peu importe d'où elles viennent. Nous devrions tous nous efforcer de produire le meilleur contenu canadien. C'est ainsi que nous assurerons notre avenir dans ce secteur.

Le sénateur Eggleton : Ces commentaires ne vous inquiètent pas? C'est donc qu'ils ne proviennent pas d'un groupe assez fort ou du nombre de personnes qui vous causerait du souci au sujet de la qualité du contenu canadien?

M. Hutton : Je suis davantage préoccupé par la façon de me tenir dans un juste milieu, où les usagers diront qu'ils regarderont du contenu de qualité. Nous devrions viser et continuer de viser à produire de la grande qualité. Le CRTC a modifié un certain nombre de dispositions réglementaires qu'il applique pour favoriser, par exemple, la mise en commun de fonds entre divers groupes détenant une licence, pour qu'ils se donnent de plus gros budgets pour certains programmes et pour produire des programmes hors pair, à l'échelle internationale.

Le sénateur Eggleton : La prochaine question touche un peu celle des services à la carte ou le dégroupage sur lesquels le sénateur Greene a posé des questions. Un témoin a proposé de réglementer les tarifs de la télévision par câble. Si j'ai bien compris, vous ne touchez pas à cela. Pourtant, leur augmentation représente plusieurs fois le taux d'inflation. La raison pour laquelle j'ai proposé le service à la carte est que le gouvernement peut penser que c'est une bonne idée pour dégrouper les services, mais je ne pense pas que les Canadiens économiseront. En fin de compte, on majorera le coût de leurs choix. À moins que CBC/Radio-Canada ou le contenu canadien n'aient une place dans le système de services à la carte, ils seront également menacés.

Peut-être le temps est-il venu de réglementer les tarifs de la télévision canadienne par câble?

M. Hutton : Le CRTC ne réglemente plus les tarifs au détail depuis plus de deux décennies. Grâce à la première phase de « Parlons télé : une conversation avec les Canadiens », dont nous avons déjà publié les résultats, nous devinons que les Canadiens continueront, bien sûr, de s'abonner en masse; 90 p. 100 des ménages continuent de s'abonner. On s'inquiète, bien sûr aussi, du prix. Beaucoup de Canadiens ont dit qu'ils voulaient que tout soit gratuit. C'est impossible.

La conclusion que nous tirons et sur laquelle nous planchons est qu'ils veulent une offre bonifiée. Ils ont mentionné qu'ils voulaient pouvoir choisir leurs programmes. C'est possible sur presque toutes les autres plateformes que la télévision par câble. Ce n'est pas pour eux une idée révolutionnaire, et je pense qu'ils regardent plus dans cette direction.

Dans le cas des plateformes des nouveaux médias — je ne devrais pas dire « nouveaux » médias, puisqu'ils sont apparus il y a 15 ans — ou plateformes numériques, les Canadiens adorent Netflix, pour ses services à la carte.

Vous avez fait observer les nombreux pièges tendus par ces services. Nous voulons tous pouvoir choisir uniquement nos canaux préférés, mais pas les mêmes que ceux de M. Housakos. Actuellement, vous risquez de partager les coûts entre vous.

Le sénateur Eggleton : Je ne regarde que les Canadiens de Montréal.

M. Hutton : Comme tout le monde, je pense, d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Eggleton : Cela dépend du fait qu'on vient de Toronto.

M. Hutton : Tout le monde, dans certaines circonstances, veut regarder les Canadiens. Actuellement, on risque de partager le coût de ces programmes avec d'autres et de voir le prix du service augmenter. C'est un risque réel que nous devons examiner.

Le sénateur Eggleton : D'accord. Mais comme vous ne réglementez pas les tarifs, les câblodistributeurs agissent à leur gré.

M. Hutton : Vous devez vous interroger sur ce qui adviendra. Au Québec, par exemple, le prix des services individuels et le mode de commercialisation des services n'ont pas augmenté autant qu'on l'aurait craint. Nous devons examiner et étudier tout cela.

Le sénateur Eggleton : Je prédirais que, après le dégroupage, il peut y avoir une réduction apparente, si les gens préfèrent le service à la carte et finissent par adopter moins de postes que quand ils étaient groupés, mais, dans six mois ou un an, ils finiront par payer au moins autant, sinon plus, que quand le service était groupé. Ce sera un fiasco complet.

Le président : J'ignore si c'était une question, mais nous avons bien apprécié votre commentaire. La parole est maintenant au sénateur Housakos.

Le sénateur Eggleton : Je suis heureux que vous l'ayez apprécié.

Le sénateur Housakos : Pouvez-vous dire au comité pourquoi il a fallu si longtemps au CRTC pour renouveler les licences de CBC/Radio-Canada?

M. Hutton : Douze ou treize ans se sont écoulés entre les audiences. Je suppose que c'est ce à quoi vous faites allusion.

Le sénateur Housakos : Cela semble beaucoup.

M. Hutton : Il est vrai que nous délivrons normalement les licences pour sept ans. Donc, pendant sept ans, la société fonctionnait sous le régime de sa licence originelle. Il faut aussi remarquer que nous avons renouvelé la licence, mais sans passer par des audiences complètes pour les années 7 à 13.

CBC/Radio-Canada est un maillon important du réseau de télédiffusion et elle possède ses propres exigences, mais, à l'époque, le secteur de la télévision a subi des bouleversements. Nous voyions les diffuseurs par ondes hertziennes qui étaient et qui sont maintenant en partie les piliers de la livraison du produit télévisé aux Canadiens tirer le diable par la queue. La publicité était en chute libre. Il fallait résoudre des problèmes structurels. En gérant nos ressources et en établissant nos priorités, nous avons opté pour l'examen, au cours de cette période, des problèmes structurels qui touchaient l'ensemble de la télévision, y compris CBC/Radio-Canada.

Nous examinions ces problèmes structurels. Canwest était presque en faillite, à un certain moment. Quelle est la priorité : CBC/Radio-Canada ou les sociétés en difficulté? À l'époque, nous avons choisi de nous attaquer aux problèmes de survie et de protéger les diffuseurs les plus menacés. Mais nous y sommes arrivés.

Le sénateur Housakos : J'ai une autre question : comment répondre à l'argument, particulièrement utilisé par les diffuseurs privés, selon qui CBC/Radio-Canada a débordé son mandat, est subventionné à hauteur de plusieurs milliards de dollars par l'argent des contribuables et que, au lieu de fournir du contenu et de la production dans le créneau canadien, il concurrence le secteur privé, les chaînes grand public?

M. Hutton : J'entends ce genre de plainte tous les jours, mais voici certains faits incroyables. Il y a quelques années, lorsque nous nous préparions au renouvellement des licences de la télévision, des diffuseurs du secteur de la radio et de la télévision ont dit : « Oh, CBC/Radio-Canada et tout ça, cela ressemble beaucoup à la télévision de cette société. » Je les ai questionnés sur la radio et ils ont répondu : « Oh, c'est une excellente station de radio et, en fait, je l'écoute. » Il faut faire bien attention de relativiser les propos des divers joueurs.

Le pilier des chaînes privées a certainement été la production de certaines nouvelles et certains programmes d'information locaux. Ces productions sont très populaires d'un bout à l'autre du pays. Les nouvelles nationales aussi, bien sûr. L'achat de programmes américains constitue un élément important de leur rentabilité commerciale. Il y a un certain nombre d'années, CBC/Radio-Canada, dans sa propre adaptation — et je sais qu'il y a beaucoup d'argent à faire là-dedans, mais il n'a pas toujours été constant au fil des ans et il a dû faire des choix — achetait des programmes ou des films américains. Nous nous en sommes occupés, à certains moments, pour le renouvellement de la licence. La grille qu'il offre est maintenant principalement canadienne.

Dans mes discussions avec mes amis des chaînes privées, j'examine aussi leurs grilles, qui ne me semblent pas principalement canadiennes.

Le sénateur Housakos : Il y a quelques années, l'achat et la diffusion de plus de contenu américain découlaient-ils de leur plus grande rentabilité que la diffusion de contenu canadien?

M. Hutton : Pour se sortir de sa situation financière difficile, il reproduisait ce modèle commercial. Ce n'est pas la voie suivie par la direction actuelle, selon le plan retenu.

Le sénateur Housakos : Passons aux choses sérieuses. Finalement, ce sont toujours les résultats qui comptent. Peu importe s'il s'agit d'argent privé ou de l'argent des contribuables, mais nous, les parlementaires, nous nous soucions de l'argent des contribuables. Forts des cotes d'écoute, nous aimerions tous nous déclarer les grands et nobles défenseurs de la culture canadienne et des chaînes canadiennes contre les géants américains qui veulent nous avaler. Nous entendons le refrain depuis 150 ans. Cependant, en fin de compte, ses chantres dédaignent sans cesse CBC/Radio-Canada, particulièrement le réseau anglais. Les sondages sur le réseau anglais de Radio-Canada démentent les enquêtes selon lesquelles les Canadiens sont épris du réseau anglais et de tout ce qu'il fait, tandis que les résultats sur le réseau français sont assez bons; c'est un réseau très concurrentiel.

C'est en parlementaire que j'envisage l'avenir de CBC/Radio-Canada, et je suis bien conscient que vous, vous êtes au milieu de la mêlée. Je vois une entité qui va bien, qui a un auditoire et qui mise sur lui, tandis que l'auditoire de l'autre s'amenuise depuis une décennie. Nous avons plusieurs scénarios à notre disposition. Certains préconisent d'injecter plus d'argent, le gage d'un contenu canadien de meilleure qualité, qui relèvera les cotes d'écoute. Cependant, regardez le contenu conçu et préparé dans le réseau français. Pendant la dernière décennie, il n'a pas consacré plus d'argent, par téléspectateur, que le réseau anglais. Pourtant, il obtient d'excellents résultats.

Voici ma question : Est-ce que la SRC peut remplir son mandat sans devenir un gouffre sans fonds, un symbole national qui n'est financièrement pas viable du tout?

M. Hutton : Je sais que vous le savez, mais les deux marchés sont très différents. Les raisons derrière les interventions dans chacun des marchés sont aussi différentes. D'un côté, le marché francophone est un petit marché de 7 ou 8 millions de personnes, mais c'est un public fervent du contenu local. Quand je parle de contenu local, il n'est pas question de contenu strictement local, mais de tout ce qui est canadien. C'est un public qui aime voir des émissions qui lui ressemblent. C'est votre intervention et c'est certainement un signe de succès pour tout ce qui se fait au Québec et dans le marché francophone, qu'on parle de TVA, de plusieurs chaînes spécialisées ou des réseaux de télévision payante qui appartiennent à Bell. Même la chaîne V a réussi à se hisser tout juste au troisième rang des grands joueurs et à être profitable. Cependant, c'est un marché différent et une composante différente.

Au Canada anglais, le marché est complètement différent. Sur le plan culturel, les émissions se rapprochent beaucoup de ce qu'on voit aux États-Unis, et c'est dans le même fuseau horaire. Bien des facteurs font que c'est facile et les Canadiens veulent voir ce qui se fait de mieux dans le monde. En toute honnêteté, bon nombre des meilleurs produits et des plus populaires au monde nous viennent des États-Unis.

Même si on parle des cotes d'écoute au Québec, il n'est pas nécessaire d'en parler. Pour ce qui est du Canada anglais — et cela découle du mandat que s'est donné la CBC d'offrir du contenu canadien de grande qualité; et j'irais même jusqu'à dire que CTV et Shaw sont capables de générer les revenus nécessaires pour aller chercher du contenu concurrentiel sur la scène internationale — nous avons constaté au cours des deux ou trois dernières années que les cotes d'écoute atteignent des sommets jusqu'ici inégalés pour des émissions canadiennes, qui s'élèvent à plus de 1 million de téléspectateurs.

Nous recevons les résultats des sondages BBM toutes les semaines, mais ils sont décalés de quelques semaines. Nous nous concentrons sur les 30 émissions les plus populaires. Il y a cinq ans, jamais une émission canadienne anglaise n'aurait atteint le top 30. Aujourd'hui, j'avancerais qu'à la fin janvier, juste avant les Olympiques, il y avait six ou sept émissions canadiennes dans le top 30. Ces émissions du top 30 attirent plus d'un million de téléspectateurs canadiens. Murdoch Mysteries, de la CBC, était regardée par 1,3 ou 1,4 millions de Canadiens. Ce n'est pas autant que l'émission la plus populaire, Criminal Minds, qui enregistre des cotes d'écoute de 2,5 millions, mais elle a quand même devancé d'autres séries policières, comme Hawaii Five-O ou une de mes préférées, Blue Bloods — j'adore la moustache de Tom Selleck. C'est une première.

Le système met l'accent sur la qualité. Le Fonds des médias du Canada, qui subventionne en partie la télévision, se fonde sur les résultats pour accorder du financement. Tout le monde met les bouchées doubles et veut atteindre un tel niveau. C'est une industrie difficile, mais on produit beaucoup de bonnes émissions, et les Canadiens les regardent. Ils ont le choix parmi tout ce qui se fait de mieux dans le monde, alors les émissions les plus populaires ne sont pas toutes canadiennes, mais s'il pouvait y en avoir 25 p. 100, ce serait formidable.

Le sénateur Housakos : Sommes-nous à 25 p. 100 en ce moment?

M. Hutton : Eh bien, dans le top 30, il y a Dragon's Den, Murdoch Mysteries, The Rick Mercer Show.

Le sénateur Housakos : Alors ce serait plutôt 15 p. 100, j'imagine.

M. Hutton : Oui, mais on travaille là-dessus.

Le sénateur Housakos : Oui, mais à quel prix? J'imagine que c'est pour cela que nous étudions la question.

Le sénateur Plett : J'ai un commentaire à faire concernant la comparaison que vous avez faite entre Murdoch Mysteries et Hawaii Five-O. Sauf votre respect, c'est de comparer ce qui se fait de mieux au Canada avec ce qui se fait de pire aux États-Unis.

M. Hutton : C'est tout de même une émission du top 30.

Le sénateur Plett : Oui, mais nous devons avoir plus de 15 p. 100. Je suis curieux de voir ce qui ressortira du rapport à propos de ce que veulent les Canadiens. J'aimerais bien savoir s'ils sont d'accord pour que nous dépensions autant d'argent sur le contenu canadien. Si nos émissions se hissent dans le top 30, je veux bien, mais comme le sénateur Housakos le disait, combien nous coûtent ces autres émissions? C'est une simple observation.

Ma question est la suivante : est-ce que le CRTC prévoit des normes différentes pour la SRC et les diffuseurs privés, par exemple pour ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire en ce qui concerne les publicités politiques?

M. Hutton : La SRC a ses propres règles internes régissant ce qu'elle accepte ou n'accepte pas, qui sont uniques dans le monde concurrentiel dans lequel elle évolue. Cependant, toutes nos règles sur la publicité politique et le temps d'antenne des partis politiques sont appliquées de façon uniforme à tout le monde.

Le sénateur Plett : Le fait que la SRC ne vende pas de temps d'antenne ne vient pas d'un règlement du CRTC?

M. Hutton : Non.

Le sénateur Plett : Fait intéressant à noter, je lis ici — et comme je ne veux pas donner dans la partisannerie, je précise que c'est vrai pour tout le monde — que la SRC n'accepte aucune publicité jugée fausse ou trompeuse. Je me demande si elle pourra un jour accepter quelque publicité politique que ce soit; mais c'est un débat qu'on pourrait tenir une autre fois.

Le président : Sur cette note non partisane, sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Je rappelle au sénateur Plett qu'elle continue de diffuser, et souvent, les publicités du plan d'action du Canada.

Je n'ai pas de question à vous poser, en fait. Je veux tout simplement vous signaler que CBC Halifax a annoncé ce soir que Netflix allait offrir plus de contenu canadien, car il vient d'acquérir 10 nouvelles saisons de Trailer Park Boys, et la dernière saison de huit épisodes de Trailer Park Boys sera aussi sur Netflix. Alors, messieurs, vous pourrez regarder Trailer Park Boys, une émission produite dans la province natale du sénateur Greene et de moi-même.

Le président : C'est triste pour les Maritimes.

Avant d'aller dans les Maritimes, je vous rappelle que nous serons à Winnipeg les 24 et 25 mars, à Yellowknife le 26 mars, et à Edmonton les 27 et 28 mars.

Monsieur Hutton, monsieur Foster, merci beaucoup d'avoir été des nôtres.

(La séance est levée.)


Haut de page