Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 4 - Témoignages du 9 avril 2014
OTTAWA, le mercredi 9 avril 2014
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 46 pour poursuivre son étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre notre étude sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins de l'Association canadienne des annonceurs : Robert Reaume, vice- président, Politiques et recherches; Anne Myers, présidente, Starcom Mediavest Group et membre du conseil du Canadian Media Directors' Council; et Janet Callaghan, directrice exécutive du Canadian Media Directors' Council.
Monsieur Reaume, vous avez la parole.
Robert Reaume, vice-président, Politiques et recherche, Association canadienne des annonceurs : Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Nous sommes très heureux de cette occasion qui nous est offerte de participer à l'étude du comité sur la Société Radio-Canada. Nous représentons aujourd'hui deux organisations distinctes. Mmes Myers et Callaghan représentent le Canadian Media Directors' Council.
Fondée en 1914, l'Association canadienne des annonceurs est la seule association professionnelle à représenter uniquement les intérêts des sociétés clients qui commercialisent et annoncent leurs produits et services au Canada. Nos membres — plus de 200 entreprises et divisions — représentent une grande variété de secteurs, dont les secteurs manufacturier, du détail, des produits emballés, des services financiers et des communications. Avec des ventes annuelles collectives de près de 300 milliards de dollars, ce sont les principaux annonceurs au pays.
Anne Myers, présidente, Starcom Mediavest Group; membre du conseil, Canadian Media Directors' Council, Association canadienne des annonceurs : Le Canadian Media Directors' Council est une organisation indépendante de professionnels des médias représentant les agences de publicité et les entreprises de gestion des médias qui travaillent à améliorer l'efficacité de la publicité dans les médias au Canada. Nos membres effectuent environ 80 p. 100 de toutes les dépenses de publicité annuelle au Canada.
Ensemble, nous formons l'industrie de la publicité au Canada — des professionnels qui planifient, créent, produisent, achètent et paient la publicité pour la grande majorité des produits et services offerts au pays. Nous livrons un témoignage conjoint aujourd'hui, car la radiodiffusion est essentielle pour tous nos membres et, par conséquent, nous défendons les mêmes intérêts.
M. Reaume : Honorables sénateurs, permettez-nous d'abord de vous fournir un peu de contexte.
La publicité est une force économique considérable dans le monde. Dans pratiquement tous les pays développés, elle est considérée comme une composante importante et nécessaire à l'infrastructure des communications. L'an dernier, les dépenses mondiales de publicité ont été évaluées à près de deux mille milliards de dollars US.
Au Canada, la publicité est la principale ressource permettant de soutenir le système de radiodiffusion. En 2012, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, les dépenses publicitaires nettes dans les médias au Canada représentaient environ 15 milliards de dollars en rentrées d'argent pour les entreprises médiatiques. De cette somme, environ 3,5 milliards de dollars sont investis annuellement dans les publicités à la télévision et environ 1,6 milliard de dollars dans les publicités à la radio.
Ces revenus considérables montrent à quel point la publicité joue un rôle important dans le maintien d'un système canadien de radiodiffusion sain et rigoureux. En réalité, c'est la publicité qui paie pour les émissions éducatives, d'information et de divertissement. En retour, les annonceurs disposent d'un moyen pour communiquer avec leurs clients. Depuis l'avènement de la radiodiffusion, la relation entre la radiodiffusion et la publicité a procuré de nombreux avantages aux parties concernées. C'est pourquoi, sur le plan philosophique, nous croyons à l'accès et au choix universels. Selon nous, tous les services radiophoniques et télévisuels devraient permettre la publicité commerciale et en tirer avantage.
Cette relation symbiotique s'étend jusqu'à la Société Radio-Canada. Les annonceurs ont toujours soutenu la société et sont fiers du rôle qu'ils ont joué dans sa réussite. La publicité a contribué pendant des années à financer des émissions canadiennes offertes sur les ondes de CBC/Radio-Canada et cela se poursuit avec des émissions comme Dragon's Den, Murdoch Mysteries, Rick Mercer Report, Tout le monde en parle et Les parents, pour ne nommer que celles-là.
Janet Callaghan, directrice exécutive, Canadian Media Directors' Council, Association canadienne des annonceurs : Les sports jouent également un rôle essentiel à CBC/Radio-Canada et pour les Canadiens, et cette relation va au-delà du hockey, quoiqu'il soit difficile de l'imaginer à cette période-ci de l'année. En ce qui a trait à la programmation sportive pour d'autres sports, la société d'État a démontré son expertise et son excellence dans la couverture des jeux d'hiver de Sotchi sur tous ses canaux de distribution et en harmonie avec les modèles de consommation. Bon nombre de nos clients ont été actifs dans la promotion de leurs produits et services lors de ces jeux, et CBC/Radio-Canada a démontré sa capacité dans la prestation de programmes de commandite à plates-formes multiples nécessaires dans le marché d'aujourd'hui. Ce soutien sous forme de publicité pour le radiodiffuseur public permet au gouvernement d'agir prudemment sur le plan fiscal tout en continuant d'atteindre ses objectifs en matière de politique publique, et nous croyons que la publicité constitue un élément essentiel et même une garantie pour la vitalité future de CBC/Radio- Canada.
La télévision de CBC et Radio-Canada offre un espace publicitaire considérable ainsi que des possibilités de commandite au marché de la publicité. Selon certains, la télévision de CBC/Radio-Canada devrait réduire sa dépendance aux revenus commerciaux pour ses chaînes conventionnelles et numériques, revenus qui s'élèvent actuellement à près de 330 millions de dollars annuellement. Selon nous, cela réduirait la concurrence saine et nécessaire et ne devrait pas être envisagé. Sans la contribution de CBC/Radio-Canada dans l'espace publicitaire, l'équilibre concurrentiel qu'apporte la société d'État sur le marché serait perdu. De façon générale, les coûts pour la publicité télévisée augmenteraient et forceraient les annonceurs à réorienter leurs dépenses en publicité vers d'autres médias. Cela ne servirait qu'à réduire le financement publicitaire global pour la télévision et à fragiliser le réseau de radiodiffusion.
L'influence relative de Radio-Canada pour l'écosystème publicitaire francophone est encore plus importante que dans le Canada anglophone. Les services francophones produisent 40 p. 100 des revenus publicitaires de la société d'État. Les parts de la SRC aux heures de grande écoute sont trois fois plus élevées que celles de la CBC, et celles des chaînes spécialisées sont quatre fois plus élevées. Par conséquent, l'espace publicitaire de la SRC joue un rôle très important au Québec pour les annonceurs canadiens, car il leur permet d'avoir accès à ce public et fait en sorte que le marché respecte des pratiques concurrentielles d'établissement de prix.
M. Reaume : Encore une fois, nous croyons que la publicité joue un rôle important dans le maintien de la radiodiffusion et la création d'émissions canadiennes. Nous croyons également que la radio de Radio-Canada devrait aussi être assujettie à une politique de commercialisation pour un accès universel. La radio de Radio-Canada jouit de nombreux auditoires uniques, désirables et viables sur le plan commercial pouvant être facilement monnayé afin d'aider le radiodiffuseur public à atteindre ses objectifs.
L'importance de CBC/Radio-Canada pour les annonceurs dépasse les heures d'écoute. Dans le secteur plus vaste de la commandite, CBC/Radio-Canada est unique parmi les radiodiffuseurs canadiens, car elle offre aux annonceurs des occasions importantes d'intégration du contenu grâce aux nombreuses émissions canadiennes qu'elle diffuse. De plus en plus d'annonceurs recherchent ce genre de commandite qu'on appelle également le divertissement sous marque ou, plus récemment, le divertissement local, alors que les auditeurs trouvent de nombreuses façons d'éviter les pauses publicitaires traditionnelles de 30 secondes. À ce chapitre, Kraft Hockeyville et Dragon's Den constituent d'excellents exemples. En vertu de sa programmation complète d'émissions canadiennes et de sa capacité d'exercer ses activités sans être limitée la plupart du temps par les restrictions relatives aux émissions américaines, la télévision de la CBC est en bonne position pour tirer avantage de ces occasions de plus en plus nombreuses.
Mme Myers : Dans le milieu des médias numériques, la société d'État offre également aux annonceurs canadiens des produits de qualité leur permettant de déployer leur stratégie numérique. Je suis convaincue que de nombreux autres témoins vous ont dit qu'avec la croissance importante des médias numériques, le milieu du marketing au Canada a énormément changé au cours des 10 dernières années. En 2012, 3,1 milliards de dollars ont été investis dans des publicités numériques au Canada, plus que tout autre média, sauf la télévision — les médias numériques se rapprochent rapidement de la télévision; à ce chapitre, ils n'accusent plus que 14 p. 100 de recul par rapport à celle-ci. D'ailleurs, pour les intervenants de l'industrie du marketing et de la publicité, la définition de la radiodiffusion a changé et doit maintenant inclure les canaux de distribution numériques.
La société offre aux annonceurs canadiens d'excellents outils numériques — comme le site web CBC.CA qui reçoit plus de visiteurs uniques que tout autre radiodiffuseur — et un accès à un auditoire convoité. Avec l'arrivée sur le marché de la télévision IP, ou l'IPTV, et la télévision publicitaire au cours des prochaines années, les publics cibles accessibles sur les plates-formes de radiodiffusion et numérique deviennent des atouts de plus en plus précieux.
L'ACA et le CMDC souscrivent à un marché commercial dynamique, y compris un rôle actif de CBC/Radio- Canada sur tous les réseaux. Selon certains, la télévision de la CBC devrait diffuser des émissions sans publicité et revenir aux normes journalistiques élevées qui ont bâti sa réputation. Notre opinion sur le sujet est sans équivoque : un environnement publicitaire et des normes journalistiques élevées sont des concepts mutuellement exclusifs.
Il ne fait aucun doute qu'il sera difficile pour CBC/Radio-Canada, à long terme, de combler la perte récente de la Soirée du hockey, tant sur le plan du public que sur le plan des revenus. Mais, cela lui permettra de repenser sa vision stratégique et sa stratégie de programmation. Toute approche qui empirera cette perte de financement publicitaire ne ferait qu'accélérer le processus de changement. Un financement considérable, stable et à long terme à titre de complément à cette perte rassurera les annonceurs que la société d'État demeure un bon investissement.
M. Reaume : En terminant, CBC/Radio-Canada a l'occasion de créer une nouvelle stratégie distincte et expérientielle en matière de contenu canadien qui favorisera la participation et la discussion, qui sera offerte sur tous les canaux actuels et futurs et qui offrira de nouvelles possibilités pour l'intégration et le contenu de l'image de marque.
Honorables sénateurs, nous vous souhaitons la meilleure des chances dans vos délibérations et vous remercions de nous avoir donné l'occasion de participer à cette étude. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup pour cet exposé fort intéressant.
Le sénateur Housakos : Merci et bienvenue au comité.
Pourriez-vous nous en dire davantage sur les changements technologiques des dernières années? La technologie semble changer presque quotidiennement dans le milieu des médias. Je n'ai jamais vu quelque chose changer autant. Selon vous, CBC/Radio-Canada a-t-elle réussi à s'ajuster? Je sais qu'elle a investi des dizaines de millions de dollars dans son plan numérique au cours des dernières années. Elle attend de voir si cela lui sera avantageux.
Plusieurs témoins nous ont dit qu'il est difficile pour la société d'État dans ce milieu technologique en constante évolution d'être aussi souple en matière de publicité que ses concurrents — dont Bell, Global et Vidéotron —, car elle n'est pas intégrée verticalement, contrairement à ces autres sociétés. Qu'en pensez-vous?
M. Reaume : C'est une question à plusieurs volets, mais je vais faire de mon mieux pour y répondre.
Quand on parle de changement technologique, on parle principalement d'Internet et de son apport à la radiodiffusion. Je demanderai également à mes collègues d'intervenir sur le sujet.
Selon moi, la société d'État a fait de l'excellent travail pour s'ajuster avec ses ressources numériques. Elle s'est rapidement ajustée à Internet avec son site CBC.CA et elle semble s'y être engagée. Elle a vraiment démontré son expertise lors des olympiques alors que quiconque possédant un téléphone intelligent pouvait suivre sa couverture des jeux.
Je vais laisser mes collègues intervenir, si elles le désirent.
Mme Callaghan : J'aimerais préciser une chose. Vous demandez si la société d'État est désavantagée parce qu'elle n'a pas d'autre ressource. Certains pourraient considérer qu'il s'agit d'un désavantage si elle ne peut pas offrir de commandites dans différents secteurs, comme le font les grandes EDR.
Pour certaines EDR, les médias représentent 6 ou 8 p. 100 de leurs revenus. On accorde parfois moins d'importance aux médias, car ils ne génèrent pas autant de profit que s'ils étaient indépendants, comme c'est le cas chez d'autres radiodiffuseurs. D'un côté, c'est important, et de l'autre, ce ne l'est pas.
Mme Myers : Le monde évolue et la publicité numérique sous toutes ses formes est un élément important. Il y a cinq ans, pour nous, la publicité numérique se limitait principalement à des bannières publicitaires sur des sites web. Aujourd'hui, elle se présente sous différentes formes, des téléphones mobiles aux vidéos en ligne, un segment en croissance dans le secteur.
Le sénateur Housakos : Du point de vue du client, quelle est la plus grande différence entre traiter avec un radiodiffuseur public et un radiodiffuseur privé?
M. Reaume : Les deux disposent d'une équipe de ventes qui négocie avec les entreprises médiatiques et les clients. De ce point de vue, je ne vois aucune différence. Les deux offrent des commandites ou des espaces publicitaires et disposent d'une équipe de ventes très professionnelle.
Mme Callaghan : La différence se situe au niveau du produit. Les choses sont différentes de nos jours. Les annonceurs ne recherchent pas uniquement un rendement élevé; ils veulent éviter les pertes. Ce qu'il recherche, ce sont des émissions ciblées et intéressantes, choses que peut leur offrir CBC/Radio-Canada.
Le sénateur Housakos : Si j'ai bien compris, vous dites que les revenus totaux en publicité au Canada s'élèvent à 300 milliards de dollars. Est-ce exact?
M. Reaume : Quinze milliards de dollars des dépenses publicitaires totales vont aux entreprises médiatiques, et 3,5 milliards de dollars vont aux radiodiffuseurs.
Mme Callaghan : Trois cents milliards de dollars ont été dépensés collectivement en publicité.
Le sénateur Housakos : Est-ce le montant total pour la télévision, la radio et les autres plates-formes?
Mme Callaghan : Non, c'est seulement pour vos membres.
Mme Myers : Ce sont les ventes...
Le sénateur Housakos : Ce sont les ventes totales. On parle donc de 3,5 milliards de dollars pour les publicités télédiffusées. Maintenant, de cette somme, quel pourcentage irait à CBC/Radio-Canada comparativement au secteur privé?
Mme Myers : Selon les chiffres que nous a fournis CBC/Radio-Canada, celle-ci a généré 330 millions de dollars en revenus publicitaires. C'est donc une petite partie de la somme totale.
Le sénateur Housakos : C'est moins de 10 p. 100. Donc, le reste irait principalement à ses plus importants concurrents.
M. Reaume : C'est exact.
Le sénateur Housakos : Nous sommes plusieurs nouveaux à siéger au comité. Pourriez-vous nous expliquer comment tout cela fonctionne pour l'achat des espaces publicitaires et les heures de diffusion? Vos clients choisissent-ils les heures de diffusion qu'ils achètent? Est-ce que cela se fait en fonction des cotes d'écoute ou des prix? Par exemple, CBC/Radio-Canada vend-elle ses blocs ou ses espaces publicitaires de 30 secondes à heure de grande écoute à un montant comparable à celui de ses concurrents? Qu'est-ce qui explique la différence des prix pour un même bloc à heure de grande écoute par rapport aux espaces publicitaires offerts en après-midi?
Mme Myers : On convient d'abord d'une stratégie avec notre client. Nous lançons ensuite une demande de propositions à tous les radiodiffuseurs s'il s'agit d'espaces publicitaires pour la télévision. Ils nous font parvenir leurs propositions dans lesquelles on retrouve une liste des émissions présentées à diverses heures de la journée ainsi que le prix.
C'est vraiment une négociation. Dans notre milieu, nous avons une fourchette de prix en coûts par milliers que nous sommes disposés à payer. Nous évaluons les publics associés à la programmation proposée par chaque réseau. On entame ensuite un processus de négociations pour en arriver à la programmation et au coût le plus avantageux pour notre client.
Le sénateur Housakos : J'imagine que les cotes d'écoute jouent un rôle à ce chapitre. Je suis impressionné par les chiffres liés à la radio. La radio est un des plus vieux moyens de communication. Il y a plusieurs années, on disait qu'elle deviendrait obsolète; pourtant, elle génère encore des profits intéressants.
Mme Callaghan : La radio rejoint les marchés locaux. Alors que les radiodiffuseurs et les chaînes spécialisées ont étendu leur portée, la radio a su tirer profit des marchés locaux. Nous fonctionnons différemment des États-Unis. Nous n'avons pas de réseaux radiophoniques, ni beaucoup de réseaux nationaux. La radio, ici, rejoint les marchés locaux, et c'est important.
Mme Myers : Malheureusement, on peut dire qu'avec l'arrivée de la publicité numérique, ce sont les médias imprimés qui ont le plus souffert.
Le sénateur Demers : Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Les services comme Netflix et Apple TV sont de plus en plus populaires. Quel est leur impact sur le marché de la publicité?
M. Reaume : Netflix et Apple TV ont enlevé du temps d'antenne à la télévision. Même si, dans les deux cas, les consommateurs utilisent le même appareil, ce sont des heures d'écoute qu'ils consacraient autrefois à la télévision. Selon certaines données, 30 p. 100 des services à bande large utilisés aux heures de grande écoute sont liés à l'utilisation de Netflix. Ce sont des chiffres extraordinaires, mais réels.
À notre avis, ces services sans publicité éloignent les téléspectateurs des émissions de télé auxquelles les annonceurs utilisent. Cette tendance ne nous plaît pas vraiment.
Comme nous l'avons souligné dans notre exposé, les services comme Netflix devraient pouvoir présenter des publicités.
Mme Callaghan : Netflix nous a démontré un fait intéressant, soit que les consommateurs font du visionnage en rafale. Ils ne veulent pas attendre la diffusion du prochain épisode. Lorsqu'il y a concurrence, le marché s'ajuste afin de satisfaire la demande des consommateurs. Le consommateur peut maintenant ajuster son horaire et visionner en rafale six épisodes d'une même série.
Qui plus est, Netflix paie les radiodiffuseurs pour des émissions qui ont déjà été diffusées il y a deux ou trois ans, dans certains cas. Cela permet aux radiodiffuseurs de faire d'autres profits.
Le sénateur Plett : Vous dites qu'on devrait permettre à Netflix de diffuser des publicités. Je me considère comme un téléspectateur moyen et, selon moi, cela détournerait du but recherché avec Netflix.
L'autre soir, ma conjointe et moi nous sommes installés pour regarder un vieux film à la télé. Après un certain temps, je me suis dit : « Pourquoi est-ce que je regarde ce film sur la télévision régulière avec toutes ces pauses publicitaires? » J'ai saisi mon iPad pour voir si le film en question était offert sur Netflix, mais il ne l'était pas.
Néanmoins, je suis allé voir sur Netflix dans l'espoir d'éviter les pauses publicitaires. Si on permet à Netflix de diffuser des publicités, je crois que l'entreprise refuserait, car cela détournerait du but recherché par la plupart des Canadiens qui utilisent ce service.
Mme Callaghan : Les publicités pourraient, par exemple, se transformer en commandite diffusée au début de l'émission. Voulez-vous que l'abonnement à Netflix reste à 7 $ par mois?
Le sénateur Plett : Ça me convient.
Mme Callaghan : Oui, mais le restera-t-il?
Le sénateur Plett : Vous avez raison. Peut-être que oui, si la publicité est diffusée au début. Mais, encore plus que l'abonnement à 7,99 $ par mois, une des raisons — encore une fois, je me considère comme un téléspectateur canadien moyen. La principale raison pour laquelle j'utilise Netflix, c'est que je peux regarder des émissions sans publicité et en rafale. Pour certaines séries, comme House of Cards, j'attends que toutes les émissions aient été diffusées, puis je les regarde en rafale en trois ou quatre soirs.
M. Reaume : Il ne fait aucun doute que les consommateurs aiment regarder des émissions sans publicité, mais, dans bien des cas, la publicité est nécessaire pour payer une partie du contenu. Pour le moment, Netflix n'offre aucun espace publicitaire. Vous vous souviendrez qu'à une certaine époque, on pouvait aller au club vidéo, louer un film et commencez à le visionner sans avoir à regarder de publicités. Aujourd'hui, le film est précédé de publicités.
Le sénateur Plett : Des publicités que l'on peut faire avancer rapidement.
M. Reaume : Oui.
Le sénateur Demers : Il est peut-être un peu tôt pour poser les questions, puisque l'annonce n'a été faite que cette année, mais je sais que vous planifiez en conséquence. Quels sont les plans de vos clients lorsque CBC/Radio-Canada cessera de diffuser les matchs de hockey de la LNH? J'espère que je ne vais pas trop loin.
Mme Myers : Il y a deux points de vue. Bien entendu, depuis que Rogers a acquis les droits pour le hockey, bon nombre de nos clients pour lesquels le hockey est une composante importante de leur plan de marketing ont entamé les négociations avec Rogers. Il est clair qu'elles se poursuivront une fois que la nouvelle entente entrera en vigueur.
Je crois que nous attendons tous de voir ce que fera CBC/Radio-Canada. Elle a annoncé cette semaine le renouvellement de certaines séries, et, d'ici le mois de juin, nous vivrons ce que nous appelons dans notre milieu le grand dévoilement où tous les réseaux présentent leur programmation pour la prochaine année. Nous aurons alors une meilleure idée de sa stratégie.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. J'ai bien aimé votre exposé et j'ai appris de nouvelles expressions, comme le visionnage en rafale. Comme l'a souligné le sénateur Plett, c'est ce que font les gens avec la série House of Cards. Downton Abbey est une autre série que les gens visionnent en rafale, tout comme d'autres séries américaines.
Fait intéressant, la présente étude porte sur les défis que doit relever la Société Radio-Canada, mais il faudrait peut- être mener une autre étude sur la façon dont les Canadiens regardent maintenant les émissions de télé et de divertissement. C'est l'industrie de la publicité, une industrie importante au pays, et toutes ses composantes, comme la production et les ventes, qui en subissent les conséquences.
Vous avez un gros défi à relever. Internet, les EVP, les médias numériques, Netflix, Apple TV et autres ont tous un point en commun : ils permettent aux consommateurs de visionner ce qu'ils veulent sans publicité. On n'achète pas un EVP pour regarder la prochaine publicité de voitures, mais plutôt pour ne pas avoir à la regarder. Bien que ce problème touche directement votre industrie, il touche également les médias. Pourquoi est-ce que j'achèterais un espace publicitaire sur un des réseaux alors que le public ne regardera pas ma publicité? Je crois que c'est le défi que vous devez relever, et j'ignore comment vous y arriverez.
Je m'éloigne un peu du sujet, mais l'industrie doit définir comment elle réagira. Ces changements arrivent rapidement. Netflix n'existe pas depuis longtemps, mais perturbe déjà beaucoup les activités de votre industrie.
M. Reaume : Les EVP ou EVN, comme on les appelle également, nous préoccupent beaucoup, car ils permettent aux consommateurs de faire avancer rapidement les pauses publicitaires. C'est la raison pour laquelle nous croyons que la Société CBC/Radio-Canada se trouve dans une position unique. Elle peut créer un environnement où le consommateur ne voudra pas faire avancer rapidement les pauses publicitaires en créant ce que nous avons appelé le divertissement sous marque — des émissions comme Kraft Hockeyville où l'annonceur paie pour l'émission elle-même. C'est le genre d'émission que les consommateurs veulent regarder et le message corporatif y est inclus.
Bon nombre des autres radiodiffuseurs ne jouissent pas d'une telle position, car CBC/Radio-Canada crée beaucoup de contenu canadien. Comme nous l'avons souligné dans notre exposé, elle n'est pas assujettie aux restrictions relatives aux émissions américaines. Les producteurs américains proposent des émissions, comme American Idol, où l'espace publicitaire est déjà occupé par des sociétés américaines. Tout ce que les annonceurs canadiens peuvent faire, c'est acheter des espaces publicitaires de 30 secondes pendant l'émission.
CBC/Radio-Canada est donc bien placée pour utiliser la commandite des annonceurs pour payer ses émissions. Mes collègues voudront peut-être intervenir.
Mme Myers : Certainement. Les radiodiffuseurs canadiens tentent de réagir à ce changement. Les EVP sont une source de préoccupation, mais pas autant qu'on pourrait le croire. Avec l'arrivée de la vidéo sur demande, notamment, qui permet aux radiodiffuseurs d'insérer des messages publicitaires que le consommateur ne peut pas éviter, on arrive à contourner en partie le problème.
Mme Callaghan : Je crois que le changement offre de nouvelles possibilités. Beaucoup de nouvelles entreprises ont vu le jour, tout comme différents types de publicité, dont la publicité expérientielle. Le divertissement sous marque en est un exemple, mais le marché actuel de la publicité est dynamique et regorge de possibilités. Il ne faut pas oublier que quelqu'un doit payer pour le contenu. Netflix s'est attiré des critiques au sujet des séries qu'elle offre, car elle ne détient les droits que pour un certain nombre d'années, parfois soit une seule, si je ne m'abuse.
Ce ne sont pas toutes les sociétés qui ont établi leur modèle d'affaires. Tout n'est pas noir et désastreux. Personne ne sait vraiment comment la situation évoluera, mais il y a beaucoup de possibilités; ce ne sont pas les choix qui manquent.
Le sénateur Mercer : Madame Myers, vous avez parlé de la vidéo sur demande. Bien entendu, les gens ont fait pression sur le CRTC pour qu'il permette à ces services de présenter des publicités canadiennes. Quel est l'impact de cette plate-forme pour vos clients? Cela change-t-il votre stratégie? Est-ce que ça aide?
Mme Myers : Ça aidera. Au cours des prochains mois, nos clients et des radiodiffuseurs canadiens procéderont à des essais afin d'évaluer l'impact de la vidéo sur demande sur les habitudes de consommation des téléspectateurs. Pour le moment, peu de publicités ont été ajoutées à la vidéo sur demande, sauf des messages promotionnels des stations.
Le sénateur Mercer : Madame Callaghan, vous dites que si la société d'État cessait d'offrir des espaces publicitaires, cela entrainerait une augmentation des revenus des autres médias. Quels sont ces autres médias? Il y a les autres stations de télévision.
Mme Callaghan : Ça pourrait aussi être en ligne. Il pourrait s'agir d'une campagne ou d'une stratégie différente. Nous vivons dans un monde où la publicité radiodiffusée et la publicité en général dépendent de l'offre et de la demande. Donc, si nous perdons les espaces publicitaires offerts par CBC/Radio-Canada, il y aura un manque à gagner et les prix augmenteront. Certains clients ne paieront pas plus cher pour les espaces publicitaires.
Le sénateur Mercer : Nous vivons à une époque où il suffit d'appuyer sur un bouton pour éviter la publicité. Je ne m'attaque pas à ce phénomène; je tente simplement de comprendre comment résoudre ce problème.
Le sénateur Housakos vous a demandé comment vous faites pour acheter de l'espace publicitaire. La vraie question c'est : qui ciblez-vous? Vous dites que CBC/Radio-Canada a son propre marché à créneaux. Dans certains cas, c'est peut-être ce public que les entreprises cibleront, selon le produit à vendre. C'est comme les partis politiques. Avant d'acheter de l'espace publicitaire, nous définissons quels segments de la population nous voulons cibler et nous achetons l'espace publicitaire en conséquence.
Il y a des marchés à créneaux. Mais, ce n'est pas parce que CBC/Radio-Canada n'occupe pas une grande partie du marché qu'elle n'a pas de marchés à créneaux très importants auxquels les annonceurs pourraient s'intéresser.
Mme Callaghan : Effectivement.
Le sénateur Mercer : Et je ne parle pas uniquement du hockey.
Mme Callaghan : Non. Certains disent qu'il n'y a que le hockey sur les ondes de CBC/Radio-Canada. Pourtant, elle offre des nouvelles et des émissions d'affaires publiques et des émissions humoristiques, comme le Rick Mercer Report. Elle offre une grande variété de produits intéressants.
Le sénateur Mercer : Plusieurs disent que CBC/Radio-Canada devrait remplacer le hockey par des émissions et des films canadiens. Est-il possible de vendre des espaces publicitaires pour ce genre d'émission?
M. Reaume : Certainement.
Mme Callaghan : Je crois que oui.
Le sénateur Mercer : À un taux qui permettrait à la société d'État d'en tirer les revenus dont elle a besoin?
Mme Myers : Tout dépend du genre de public qu'elle peut attirer. Aux yeux de la concurrence, ces auditeurs ont un prix. Comme je l'ai souligné, nous achetons les espaces publicitaires en fonction de coût par milliers. Donc, si le prix est attrayant pour d'autres réseaux, alors, c'est possible.
Le sénateur Plett : J'aimerais poursuivre la discussion sur l'achat des espaces publicitaires. Madame Callaghan, vous dites qu'il y a une limite à ce que les entreprises sont prêtes à payer pour un espace publicitaire.
Mme Callaghan : Elles comparent les prix aux années précédentes.
Le sénateur Plett : Je comprends. Vous avez parlé de Netflix, des EVP et des nouvelles technologies et du fait que, dans bien des cas, les jeunes ne regardent plus la télévision. Ils regardent leurs émissions sur un ordinateur ou un iPad.
Les entreprises qui achètent les espaces publicitaires ont-elles commencé à s'ajuster, par exemple, en rendant leur publicité plus intéressante?
Encore fois, je vais prendre ma famille comme exemple. Ma conjointe et moi aimons regarder le curling. Bien entendu, nous avons regardé le tournoi des hommes et des femmes. Le tournoi des femmes était commandité par Scotties. J'étais heureux de voir le tournoi prendre fin, car j'en avais assez de cette publicité ridicule de Scotties. Puis, l'autre jour, en regardant une autre émission, j'ai vu cette même publicité qui semble être diffusée depuis trois ans. Que fait la communauté des affaires?
Lorsque je regarde le Super Bowl, je veux regarder les pauses publicitaires, car il y en a de très intéressantes; les entreprises paient des millions de dollars pour un espace publicitaire de 30 secondes. J'ai hâte de voir ces pauses publicitaires. Que font les entreprises d'ici pour rendre leurs publicités un peu plus intéressantes et m'encourager à les regarder?
Mme Callaghan : D'innombrables sondages. De toute évidence, cela fonctionne pour certains, mais cela rebute d'autres. Peut-être que vous n'achetez pas des Scotties et, par conséquent, vous ne faites pas partie du public cible.
Le sénateur Plett : J'en achète, mais pas à cause de l'annonce publicitaire.
M. Reaume : Je tiens à dire que j'aime bien la publicité de Scotties; il s'agit d'un de nos membres.
Le sénateur Plett : D'accord, et vous avez raison de l'aimer puisque cette entreprise est un de vos membres. Toutefois, elle devra se rendre compte que nous avons vu la personne décider d'aller chercher une boîte de Scotties et qu'il est temps de changer d'annonce publicitaire.
M. Reaume : Voilà justement la grande question. Tout ce que nous faisons, c'est d'essayer de faire en sorte que ces messages publicitaires captent l'attention des téléspectateurs, et la retiennent. Ce n'est pas facile. Tout le monde pense que c'est très facile, mais ce n'est pas le cas.
Le sénateur Plett : Je suppose que je connais la publicité à fond parce que je l'ai vue tant de fois.
Le président : Vous permettez à Scotties de toucher un public plus large. Cette publicité n'est pas visionnée par des millions de personnes, mais, un samedi, à 2 heures du matin, quand une personne fait du zapping, elle la verra.
Le sénateur Eggleton : J'espère qu'on ne vous a pas déjà posé cette question, parce que je viens d'arriver. Je ne le pense pas.
Certains témoins nous ont déjà dit que, à leur avis, CBC/Radio-Canada devrait complètement arrêter de diffuser des publicités. Certains se sont dits réellement préoccupés par ce qui se passe à Radio 2, qui en est encore à la phase expérimentale pour ce qui est des publicités. Certains vont jusqu'à dire que le réseau de télédiffusion de CBC/Radio- Canada devrait aussi arrêter de diffuser des publicités. J'imagine que vous n'êtes pas de cet avis.
Le problème, c'est que CBC/Radio-Canada manque de ressources. La société ne reçoit pas assez d'argent du gouvernement pour produire des émissions de qualité que les gens vont regarder, et ses cotes d'écoute en souffrent. Est- ce que les annonces publicitaires pourraient jouer un plus grand rôle? Serait-ce possible, ou faudrait-il que la société commence par améliorer la qualité de ses émissions ou réduire le contenu canadien?
M. Reaume : Vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous ne croyons pas que la Société CBC/Radio-Canada devrait arrêter de transmettre des publicités. Au contraire, nous pensons qu'elle devrait en passer davantage et qu'il est prudent sur le plan financier pour la société de tirer au moins une partie de ses revenus de publicités. Cela lui permet d'être financièrement responsable et, si je puis dire, de garder à un montant raisonnable les sommes qu'elle reçoit du gouvernement chaque année. Si elle n'avait pas cette source de revenus, il faudrait qu'elle en trouve ailleurs.
Comme nous l'avons dit, la Société Radio-Canada se trouve dans la position unique de pouvoir financer sa programmation par des messages de ses commanditaires, pas seulement par des publicités. Nous avons aussi dit que les stations de radio de CBC/Radio-Canada ont des émissions très monnayables. La société n'est pas obligée de diffuser une foule de publicités envahissantes de 30 et 60 secondes à la radio. Il peut s'agir de messages plus discrets de la part de ses commanditaires. Ses stations de radio ont des émissions extraordinaires, au cours desquelles les annonceurs aimeraient bien passer leurs publicités.
Le sénateur Eggleton : Parlez-vous des émissions qui passent sur les ondes à la fois de Radio One et de Radio 2?
M. Reaume : Oui.
Le sénateur Eggleton : D'accord. Je m'attendais à ce que vous disiez cela.
En ce qui concerne les publicités commerciales, le réseau de télédiffusion de CBC/Radio-Canada va dans le sens contraire en ce moment, en raison de la perte des revenus de la LNH. La société doit compenser cette perte et en faire beaucoup plus pour combler l'écart entre ses besoins et ce qu'elle reçoit du gouvernement. Est-ce que le fait que les émissions du réseau de télévision de CBC/Radio-Canada deviennent trop commerciales constitue un autre point sensible pour les réseaux de télévision privés, parce que cela les prive peut-être de beaucoup de revenus? Existe-t-il assez d'annonceurs pour augmenter la cagnotte, ou sommes-nous simplement en train de parler de la répartir différemment?
M. Reaume : Je ne vois vraiment pas pourquoi CBC/Radio-Canada devrait cesser de diffuser des annonces publicitaires. La société présente d'excellentes émissions de divertissement et d'information, qui servent à renseigner les Canadiens. Quelqu'un doit bien payer ce contenu. Les contribuables ne devraient pas être les seuls à le faire. Voilà la raison d'être des publicités. Il s'agit en quelque sorte d'un contrat social qui a été conclu avec les Canadiens depuis le tout début de la parution des journaux. Ceux-ci fournissent un contenu d'information ou de divertissement qui, cependant, est entouré d'annonces publicitaires. Par conséquent, pourquoi la société d'État ne ferait-elle pas la même chose? Je n'admets pas l'argument selon lequel les réseaux privés devraient avoir droit à tous les revenus de la publicité.
Le sénateur Eggleton : Que diriez-vous à la Société CBC/Radio-Canada de faire pour aller dans le sens contraire? Elle est en train de sombrer en ce moment, en raison de la perte des revenus du hockey. Nous devons l'aider à surmonter ce problème et à tourner la page. À votre avis, que devrait-elle faire pour relever ce défi?
Mme Callaghan : Dans le passé, je crois que la société s'est bien adaptée. Si l'on remonte à 1970 ou à 1973, CBC produisait une série télévisée qui s'appelait « Program X », soit des émissions dramatiques d'une demi-heure dont le coût s'élevait à 9 000 $ par émission. Charles Oberdorf en était le réalisateur en chef, et la série a duré trois ans. À l'époque, CBC/Radio-Canada traversait une période difficile et il lui a fallu faire preuve d'ingéniosité. Beaucoup d'émissions ingénieuses pourraient être réalisées.
Un des sénateurs a parlé de passer d'anciens films canadiens le samedi soir. Si vous partez d'un genre d'émissions, vous pouvez le développer et en faire quelque chose d'intéressant. Toutefois, selon moi, quand nous créons des émissions pour les Canadiens, il faut tenir compte du fait que, tous les cinq ans, nous accueillons 1,2 million d'immigrants. C'est un marché très dynamique, qui requiert des émissions différentes et des modèles d'affaires différents. À mon avis, c'est aux créateurs à trouver des solutions.
Le sénateur Eggleton : Les réalisateurs doivent donc faire preuve de plus de créativité sur le plan de la programmation. Une meilleure qualité d'émissions attirera plus d'annonces publicitaires.
Mme Callaghan : Selon moi, le contenu canadien n'est plus aussi mal vu qu'il ne l'a été à une certaine époque. On en parle avec beaucoup de fierté.
Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec vous. Cependant, les annonceurs vont vouloir que les émissions aient des cotes d'écoute qui justifient des dépenses de ce genre.
Mme Callaghan : Les annonceurs n'exigent pas forcément de fortes cotes, mais ils visent à gaspiller moins d'argent.
Mme Myers : Voilà justement ce que j'aillais dire. Aujourd'hui, nos clients commencent essentiellement par déterminer exactement quelles personnes ils veulent cibler, après quoi ils cherchent à faire passer leur message au plus grand nombre d'entre elles — mais en gaspillant le moins d'argent possible.
Le sénateur Housakos : Pourriez-vous comparer les recettes générées par les annonces publicitaires à la télévision il y a cinq ans avec les 3,5 milliards de dollars qui sont générés aujourd'hui? Sont-elles à la hausse ou à la baisse?
M. Reaume : Si je ne me trompe, au cours des cinq dernières années, ces recettes ont toujours augmenté. L'augmentation annuelle a été plus modeste, mais les recettes ont toujours été à la hausse et Janet peut vous donner les chiffres.
Mme Callaghan : Il y a cinq ans — disons en 2007-2008 —, les recettes s'élevaient à 3,4 milliards de dollars. Elles ont diminué pendant la récession, passant à 3,1, à 3,4, à 3,6 puis à 3,5 milliards de dollars.
Le sénateur Housakos : Elles augmentent de nouveau en raison de la reprise économique.
Le sénateur Eggleton : Avez-vous des statistiques qui remontent à plus loin dans le temps?
Mme Callaghan : J'ai trouvé. C'était en 2003.
Le président : Nous vous demanderions de bien vouloir fournir ces chiffres au greffier.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais bien les voir, si vous pouvez nous les fournir.
Mme Callaghan : Nous vous laisserons notre document.
Le sénateur Housakos : Ma prochaine question concerne les revenus de la Société CBC/Radio-Canada. D'après ce que je comprends, les revenus qu'elle tire de la publicité diminuent sans cesse depuis un certain temps, et ce, même avant la perte de la « Soirée du Hockey ». Maintenant, le problème ne fera que s'aggraver.
En tant qu'annonceurs, pourquoi pensez-vous que 90 p. 100 des revenus de ce marché ne vont pas à CBC/Radio- Canada à l'heure actuelle? Quelles sont les principales raisons pour lesquelles la société ne réussit pas à attirer une plus grande part des 3,5 milliards de dollars?
Mme Callaghan : Nous assistons à une fragmentation du marché. Vous n'avez qu'à regarder le nombre de chaînes de télédiffusion. Il fut un temps où nous nous disions tous qu'il serait horrible de vivre dans un monde où il y a 200 chaînes. Regardez le nombre de chaînes qui existent maintenant.
Le sénateur Housakos : Quelles sont les recettes publicitaires d'un de ses principaux compétiteurs — c'est-à-dire Bell? 300 millions de dollars?
M. Reaume : Mais, Bell a 45 chaînes de télévision.
Le sénateur Housakos : Vous êtes en train de dire que Bell offre un plus grand bassin de chaînes.
Mme Callaghan : Oui.
Mme Myers : Tant sur le plan des chaînes conventionnelles que des chaînes spécialisées.
Mme Callaghan : C'est le nombre de chaînes spécialisées qui a augmenté.
Le sénateur Housakos : D'après vous, quels sont les trois, quatre ou cinq émissions ou genres d'émissions qui génèrent le plus de recettes publicitaires? J'ai toujours présumé que ce sont les émissions sportives ou les films passant aux heures de grande écoute, alors que les actualités en génèrent beaucoup moins. Ai-je raison de penser cela?
Mme Myers : Cela varie d'une saison à l'autre. Quoi qu'il en soit, bien que les sports génèrent beaucoup d'argent, les émissions à en générer le plus sont probablement des importations américaines.
Le sénateur Housakos : Les films américains passant aux grandes heures d'écoute seraient donc en première place?
Mme Myers : Pas les films, mais des émissions mises en scène. Évidemment, il existe aussi de plus en plus de téléréalités.
Le sénateur Housakos : D'accord. Ainsi donc, des téléréalités, des émissions américaines passant aux heures de grande écoute et les sports génèrent le plus de recettes publicitaires. Est-ce que les actualités viennent en quatrième place?
Mme Callaghan : Pas cette semaine.
Le sénateur Housakos : Cela varie.
M. Reaume : Cela varie. Il ne faut pas oublier que les événements importants comme les Oscars, le Super Bowl, la Coupe Grey et les Jeux olympiques, entre autres, génèrent aussi beaucoup d'argent.
Le président : Je tiens à remercier les témoins pour leur exposé et à informer les membres du comité qu'à notre retour de la période de relâche, nous nous pencherons plus attentivement sur la pratique consistant à recueillir et à analyser les données des clients de Bell Canada à des fins commerciales, notamment à des fins de publicité ciblée.
Le 29 avril, nous accueillerons comme témoin la commissaire à la protection de la vie privée, et le 30 avril, des représentants de Bell Canada. Nous nous éloignerons donc de notre étude sur la Société Radio-Canada pour un certain temps.
En mai, nous entamerons l'étude du projet de loi C-31, le projet de loi d'exécution du budget. Par conséquent, au cours des six séances du mois de mai, nous étudierons ce projet de loi, après quoi nous déciderons quoi faire en juin et en juillet.
Le sénateur Mercer : Est-ce en raison du projet de loi d'exécution du budget?
Le président : Cette étude a été proposée par le sénateur Housakos et a fait l'objet d'un autre ordre de renvoi du Sénat; dans le cadre de l'étude du projet de loi d'exécution du budget, nous nous pencherons sur trois parties du budget soit, premièrement, le pont Champlain, deuxièmement, la sécurité et le transport et, troisièmement, les frais d'itinérance.
Madame Myers, monsieur Reaume et madame Callaghan, merci beaucoup pour votre exposé.
(La séance est levée.)