Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 28 mai 2014
OTTAWA, le mercredi 28 mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour examiner le projet de loi et la teneur des éléments des sections 15, 16 et 28 de la partie 6, du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures (sujet : Partie 6 — Section 28 — Loi visant le nouveau pont pour le Saint-Laurent).
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous commençons ce soir notre étude du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence. Il est également connu sous son titre abrégé, Loi sur la protection des renseignements personnels numériques.
Le projet de loi S-4 modifie de façon importante à plusieurs égards la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels qui s'applique au secteur privé, notamment en permettant la communication de renseignements personnels d'une personne à son insu et sans son consentement dans certaines circonstances; en exigeant que les organisations prennent différentes mesures en cas d'atteintes à la sécurité des données; en créant des infractions relatives à la contravention aux obligations en matière d'atteintes à la sécurité des données; et en permettant au commissaire à la vie privée, dans certaines circonstances, de conclure un accord de conformité avec des organisations.
L'honorable James Moore, ministre d'Industrie Canada, comparaît devant notre comité aujourd'hui. Il est accompagné par des représentants du ministère : le sous-ministre, M. John Knubley; et le sous-ministre adjoint, Spectre, technologies de l'information et télécommunications, M. Lawrence Hanson.
[Français]
J'invite le ministre à prendre la parole.
L'honorable James Moore, C.P., député, ministre de l'Industrie, Industrie Canada : Merci beaucoup de m'accueillir ici pour parler d'un sujet qui est très important.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous ce soir. Je sais que nous avons tous des journées bien remplies, et c'est très généreux de votre part de m'avoir intégré à votre calendrier alors que l'ajournement d'été s'en vient. Je vous remercie d'avoir été aussi conciliants.
[Français]
Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui, pour vous parler de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, un projet de loi qui offrira une meilleure protection des renseignements personnels des Canadiens en ligne. Le mois dernier, j'ai eu l'honneur de lancer Canada numérique 150, un plan ambitieux qui permettra aux Canadiens de tirer le maximum des possibilités offertes par l'ère numérique. Il s'agit d'un plan qui fixe des buts clairs pour faire du Canada un pays branché et concurrentiel d'ici la célébration de notre 150e anniversaire en 2017.
[Traduction]
Canada numérique 150 comprend cinq piliers : 39 nouvelles initiatives et un plan national pour 35 millions de Canadiens. C'est un plan global visant à aider les Canadiens à participer à l'économie numérique et à réussir. Il s'inspire de milliers de recommandations et d'idées que des gens de partout au pays ont fournies.
Notre gouvernement reconnaît qu'une économie numérique solide qui fonctionne et qui est efficace va de pair avec des mesures vigoureuses visant à protéger les Canadiens lorsqu'ils naviguent sur le Web et magasinent en ligne. L'un des cinq piliers de Canada numérique 150 est de protéger les Canadiens. Il s'agit de protéger les Canadiens dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques dont nous discutons aujourd'hui. La Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, ou le projet de loi S-4, permettra de moderniser la loi canadienne régissant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé en instaurant de nouvelles protections importantes pour les Canadiens en ligne.
J'aimerais donner plus de détails au comité sur cinq domaines dans lesquels la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques améliorera considérablement la loi canadienne relative à la protection de la vie privée, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, également connue sous le nom de LPRPDE.
Le premier domaine est malheureusement bien connu des Canadiens dans l'ère numérique d'aujourd'hui : les atteintes à la protection des données. Cela surprendra peut-être les membres du comité, mais actuellement, si un organisme subit une atteinte à la protection des données et que les renseignements personnels de ses clients font l'objet d'un vol ou d'une perte, il n'est pas tenu de divulguer à ses clients que leurs renseignements ont été compromis. La Loi sur la protection des renseignements personnels numériques obligera les organismes à aviser les personnes touchées par la perte ou le vol de renseignements personnels. Les organismes devront également informer les victimes des mesures à prendre pour se protéger, par exemple changer le NIP de leur carte de crédit ou le mot de passe de leur courriel, mettre en place une mesure de sécurité secondaire, et cetera.
[Français]
Le projet de loi S-4 exigera également des organismes qu'ils fassent rapport à la commissaire à la protection de la vie privée sur ces atteintes à la protection des données. En effet, les organismes devront tenir un registre de toutes les atteintes à la protection des données et fournir, sur demande, ces renseignements à la commissaire à la protection de la vie privée.
De plus, les organismes qui violeront délibérément les règles et qui dissimuleront une atteinte à la protection des données s'exposeront à des amendes pouvant aller jusqu'à 100 000 $ par personne ou client non avisé.
[Traduction]
Le deuxième domaine que je souhaite aborder est celui des nouvelles règles de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques qui font en sorte que les Canadiens vulnérables, particulièrement les enfants, comprennent pleinement les répercussions que peuvent avoir la collecte et l'utilisation de leurs renseignements personnels par des entreprises.
Par exemple, si le propriétaire d'un site web pour enfants désire recueillir des renseignements au sujet de ses visiteurs, il devra utiliser un langage qu'un enfant serait raisonnablement en mesure de comprendre. Si le langage utilisé ne permet pas à un enfant de comprendre la façon dont ses renseignements seront utilisés, son consentement ne sera pas considéré comme étant valide. Le propriétaire devra alors obtenir le consentement des parents. Cette mesure est un élément clé de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques qui permet de mieux protéger les Canadiens vulnérables, et certainement les enfants.
Compte tenu de l'utilisation accrue des iPad, des iPod, des tablettes et des BlackBerry chez nos jeunes, des règles plus vigoureuses ont été incluses dans le projet de loi afin que tous les Canadiens, particulièrement les enfants et les adolescents, puissent comprendre pleinement les conséquences potentielles de partager négligemment leurs renseignements personnels.
[Français]
Le troisième domaine d'amélioration concerne quelques exceptions à la loi permettant la communication des renseignements personnels dans des situations où cela est nécessaire pour protéger une personne d'un préjudice.
Il existe certaines circonstances où le partage de renseignements sans le consentement de la personne visée serait manifestement dans l'intérêt public, par exemple, la communication de renseignements afin que les autorités puissent joindre la famille d'une personne blessée, malade ou décédée.
[Traduction]
Je vous donne un autre exemple. Si une institution financière pensait qu'un aîné, qui ne connaît peut-être pas bien le monde numérique, est victime d'exploitation financière, l'institution serait désormais en mesure de le signaler à la police ou aux membres de la famille de la victime si elle pense, par exemple, qu'il y a exploitation financière. La Loi sur la protection des renseignements personnels numériques permettra par ailleurs aux organismes du secteur privé de partager des renseignements entre eux afin de déceler ou de prévenir des cas de fraude, une modification que réclamait depuis longtemps le secteur financier.
Concernant le quatrième domaine, la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques simplifiera les règles applicables aux entreprises. Actuellement, en vertu de la LPRPDE, les entreprises violent les règles régissant la protection de la vie privée dans le cadre de pratiques courantes et raisonnables. Par exemple, une entreprise contrevient aux règles si elle partage les adresses de courriel de ses employés sans leur consentement. L'utilisation et le partage de renseignements produits par un employé au travail, ou encore la collecte de renseignements personnels afin de mener une enquête sur une rupture de contrat ou d'évaluer la viabilité d'une transaction commerciale potentielle vont également à l'encontre de la loi actuelle. La Loi sur la protection des renseignements personnels numériques clarifie cela; elle autorisera le partage de renseignements dans ces circonstances.
Il s'agira d'un pas important pour réduire le nombre de formalités administratives auxquelles font face les entreprises, mais également pour maintenir la confidentialité des renseignements personnels des Canadiens.
[Français]
En dernier lieu, la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques conférera à la commissaire à la protection de la vie privée plus de pouvoirs pour prendre les mesures d'application nécessaires.
[Traduction]
Avant que ne soit présenté le projet de loi, mes collègues du ministère et moi avons mené de vastes consultations auprès des gens qui s'y connaissent le mieux dans le domaine. Par exemple, j'ai rencontré la commissaire à la protection de la vie privée par intérim, Chantal Bernier. Le premier ministre vient de nommer un nouveau commissaire aujourd'hui. Toutefois, jusqu'à ce jour, c'est elle qui agissait à titre de commissaire par intériM. Lorsque nous avons présenté la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, elle a dit que le projet de loi contient « des éléments très favorables aux droits à la protection de la vie privée des Canadiennes et des Canadiens ». Elle a dit également ceci : « c'est avec plaisir que je constate que le gouvernement a [...] traité des enjeux comme le signalement des atteintes [...] ». Elle a dit également accueillir avec satisfaction les propositions contenues dans le projet de loi.
Je suis ravi de son appui. Au cours d'autres discussions, elle a recommandé que le projet de loi soit examiné par votre comité et par celui de la Chambre des communes.
Aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques, le commissaire pourra négocier des ententes de conformité volontaire avec les organismes. Dans le cadre de ces ententes, les organismes prendront un engagement exécutoire à se conformer à la loi. Ainsi, les organismes pourront agir en toute bonne foi, collaborer avec le commissaire à la protection de la vie privée et corriger rapidement toute violation de la vie privée ayant été décelée. En contrepartie, ils éviteront des poursuites en justice coûteuses.
En outre, le commissaire à la protection de la vie privée aura un an au lieu de 45 jours pour négocier ces ententes et potentiellement poursuivre les organismes en justice si ceux-ci ne respectent pas les règles, au-delà de cette période.
La Loi sur la protection des renseignements personnels numériques donnera également plus de pouvoir au commissaire à l'égard de la dénonciation publique — il pourra divulguer publiquement le nom des organismes qui refusent de collaborer et de protéger la vie privée des gens. Cette modification permettra aux Canadiens d'être informés et au courant des problèmes qui touchent leur vie privée. Les organismes devront soit se conformer à la loi, soit faire l'objet d'un examen public du commissaire.
Enfin, permettez-moi de rectifier les propos de certains reportages médiatiques qui, à mon avis, ont prêté de fausses intentions à la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques.
On a prétendu que les dispositions du projet de loi obligeraient les entreprises à remettre des renseignements confidentiels à de tierces parties, y compris à la police et à des trolls de droit d'auteur. Ce n'est certainement pas le cas. La Loi sur la protection des renseignements personnels numériques ne forcera pas les entreprises à transmettre des renseignements confidentiels à quiconque. La Loi imposera des limites strictes et des restrictions vigoureuses quant au type de renseignements personnels que les entreprises peuvent divulguer à d'autres organismes. Une entreprise qui choisit volontairement de divulguer des renseignements confidentiels devra d'abord suivre des règles strictes.
[Français]
En conclusion, monsieur le président, je tiens à remercier mesdames et messieurs les sénateurs, qui ont déjà débattu de ce projet de loi. J'ai hâte de répondre à vos questions et de poursuivre notre discussion sur la façon dont nous pouvons le mieux protéger les Canadiens au sein d'un monde numérique.
[Traduction]
Mesdames et messieurs, comme vous le savez tous, la LPRPDE doit être révisée. Bon nombre de discussions ont déjà eu lieu à ce sujet. Nous en avons tenu compte.
Je vous avoue que nous avons appris des choses dans le cadre des dernières mesures législatives que nous avons présentées à titre de gouvernement et des discussions qu'elles ont soulevées, et nous présentons d'autres mesures qui, selon nous, tiennent compte des préoccupations qui ont été exprimées dans le passé — sur le projet de loi C-30, au cours d'une législature antérieure. Nous pensons que nous proposons des mesures raisonnables qui défendent les intérêts majeurs des Canadiens et qui moderniseront certainement la LPRPDE dans une très large mesure pour assurer la protection de la vie privée des Canadiens en ligne.
Merci beaucoup.
[Français]
Le président : Merci, monsieur le ministre. Le comité des transports et des communications est heureux que ce projet de loi émane du Sénat et se réjouit d'avoir l'occasion de pouvoir faire l'étude de ce projet de loi le plus rapidement possible.
Le sénateur Housakos et moi-même avons lancé, il y a plusieurs années, un rapport qui s'appelait Plan for a digital Canada, que je vous recommande comme petite lecture ce soir, si vous voulez. C'était le premier rapport qui était totalement numérique. Nous n'avons pas publié ce rapport, nous l'avons lancé sur Internet.
[Traduction]
M. Moore : Vous n'avez tué aucun arbre.
Le président : Nous essayions de protéger les arbres, mais bon nombre sont morts à l'autre bout de l'imprimante.
Le sénateur Plett : J'ai deux ou trois questions. Dans quelle mesure cela touchera-t-il la publicité? Par exemple, quels renseignements personnels d'un compte Gmail ou de l'historique de recherche d'un utilisateur Google pourrait-il recueillir et utiliser pour des annonces privées? Prenons les antécédents médicaux, par exemple. Disons que je suis atteint d'une maladie et que Google cible certains médicaments dans mon compte. Comment les mesures s'appliqueront-elles?
M. Moore : Ce ne sera pas de façon directe. Cela s'applique lorsqu'une personne décide de faire une transaction en ligne avec une entreprise comme Amazon ou Target, par exemple. Lorsqu'une personne décide de lui donner ses renseignements personnels — adresse domiciliaire, adresse de courriel, numéro de téléphone et renseignements sur la carte de crédit —, s'il y a atteinte à la protection des données, si des renseignements ont été volés ou que l'entreprise pense qu'ils ont été volés, elle doit informer la personne et le commissaire à la vie privée que des renseignements ont peut-être été compromis ou communiqués d'une façon que la personne n'avait pas permise en cliquant sur « d'accord » et en fournissant ses renseignements à l'entreprise.
En ce qui concerne Google et la façon dont l'entreprise recueille les mégadonnées pour confier la vente de publicité et avoir certains résultats de recherche dans les moteurs de recherche, honnêtement, cela revient à vous, en tant qu'utilisateur. Cela n'est pas couvert dans le projet de loi.
Le sénateur Plett : Cependant, si Google utilise l'information sans mon consentement, cela ne fait-il pas partie du projet de loi?
M. Moore : Non, cela ne fait pas directement partie du projet de loi. Vous savez comment fonctionnent les moteurs de recherche. Ils vous reconnaissent en tant qu'utilisateur. Vous pouvez naviguer sur Google de façon anonyme, mais si vous êtes enregistré, que vous vous connectez à votre compte Gmail et que vous voyez dans le coin droit de l'écran que vous êtes connecté, alors Google sait qu'il s'agit de Don Plett — DonPlett@, ou peu importe quelle est votre adresse Gmail —, et pendant vos recherches subséquentes sur Internet, il recueillera ces données.
Dans la section du moteur de recherche qui porte sur la confidentialité, on vous dit que lorsque vous faites des recherches, on saura ce que vous cherchez. Cela plaît à certaines personnes, soit dit en passant. C'est ce qu'elles veulent et cela ne leur pose aucun problème, car Google peut alors leur offrir des services qu'elles ne connaissent pas et leur fournir l'information. Évidemment, la mesure dans laquelle cela ne pose pas de problème constitue la source d'un débat constant, pour les gens qui utilisent ce type de moteur de recherche, Facebook, Twitter, et d'autres sources qui exploitent ce type de données pour offrir ce service à des annonceurs qui cherchent à savoir quel type de personnes recherchent de l'information liée à leurs produits.
On a le choix de faire des recherches dans Google à partir d'un compte auquel on est connecté, ou de ne pas le faire. Tout dépend de ce qui est acceptable pour la personne.
Le sénateur Plett : Je comprends cela, et crois que vous avez fait allusion au fait que nous avons essayé de présenter un projet de loi à quelques reprises : C-29 et C-12, je crois. Quelles sont les grandes différences et qu'est-ce qui a provoqué les changements?
M. Moore : Dans le cadre du projet de loi actuel, je dois dire que nous avons consulté le commissaire à la vie privée, et son point de vue et ses recommandations ont certainement été pris en compte. Certaines personnes étaient préoccupées par la façon dont les mesures précédentes avaient été présentées, et les consultations que nous avons menées de façon plus efficace cette fois-ci avant de présenter le projet de loi ont été bien reçues.
L'élément du projet de loi qui, je crois, est vraiment important, c'est celui qu'avait demandé la ministre d'État (Aînés), Alice Wong, et qui a été bien reçu par des groupes de personnes âgées de partout au pays, c'est-à-dire la disposition dont j'ai parlé qui vise à protéger l'information des Canadiens qui sont souvent vulnérables au vol — vol d'identité, fraude, exploitation financière, maltraitance des aînés — et qui permet à une personne d'agir en leur nom et de partager des renseignements pour les protéger. C'est un nouvel élément que ne contenaient pas les versions précédentes, et nous pensons qu'il s'agit d'une réforme importante qui sera bien accueillie par les Canadiens.
Le président : Monsieur le sénateur Furey, critique du projet de loi, je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité des transports et des télécommunications.
Le sénateur Furey : Monsieur le ministre, je vous remercie vous et vos collaborateurs de votre présence ce soir.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué à juste titre que si un organisme subit une atteinte à la protection des données et que les renseignements personnels de ses clients font l'objet d'un vol ou d'une perte, l'entreprise est tenue de le divulguer. Comme vous le savez, il y a une exception au paragraphe 10.1(6) du projet de loi, qui s'applique pour les enquêtes en matière criminelle.
En cas de brèche de sécurité, même si une enquête criminelle est en cours ou sur le point d'être lancée, la personne qui ignore qu'un tiers a accédé à ses renseignements personnels est encore exposée à des risques très importants. Ne devrait-on pas au moins imposer un certain délai aux entreprises qui doivent informer leurs clients?
M. Moore : Effectivement, et c'est une partie de la loi qui est appelée à évoluer. Quand une enquête est en cours, il est interdit d'obtenir des renseignements sans mandat. C'est une des choses qu'on a déplorées dans les discussions antérieures. Sans mandat, il est impossible d'obtenir des renseignements lorsqu'une enquête criminelle est en cours. Cependant, informer quelqu'un qu'il fait l'objet d'une enquête criminelle, c'est problématique sur le plan juridique, car cela lui permet de détruire de l'information.
Le sénateur Furey : Oui, je comprends que cela pose problème, mais nous savons tous que les enquêtes criminelles peuvent parfois s'échelonner sur de longues périodes et qu'elles n'aboutissent pas toujours à des poursuites. Des personnes innocentes dont les données ont été infiltrées pourraient ainsi être à risque pendant un long moment si nous n'imposons pas un délai quelconque. Ne croyez-vous pas?
M. Moore : Mais pas sans mandat. Je présume que dans le contexte de la délivrance d'un mandat, on pourrait fixer des délais. Je ne sais pas, Lawrence, si vous voulez parler des conditions pénales entourant la délivrance d'un mandat.
Lawrence Hanson, sous-ministre adjoint, Spectre, technologies de l'information et télécommunications, Industrie Canada : Les forces de l'ordre n'exigeraient que dans des circonstances très particulières et inhabituelles de ne pas révéler la brèche de sécurité. Ce serait normalement dans le cadre d'une enquête criminelle en cours. Un grand pourcentage des atteintes à la protection des données sont causées ou perpétrées par le crime organisé. Il s'agirait essentiellement de situations où les forces de l'ordre sont mises au courant de la brèche; en fait, probablement avant que l'organisation elle-même le sache. Dans un tel cas, les choses ne pourraient pas traîner indéfiniment et les données personnelles ne seraient pas laissées sans protection.
Même là, je devrais ajouter que s'il y a atteinte aux données personnelles, même si les personnes touchées sont avisées immédiatement, en réalité, elles ont toujours la possibilité d'obtenir réparation puisque leurs données ont été piratées, même si on les avise immédiatement.
Le sénateur Furey : Dans l'arrêt R. c. Telus, la Cour suprême du Canada nous a dit qu'un mandat général n'était pas suffisant pour obtenir des renseignements précis. Mais en vertu de la LPRPDE maintenant, les compagnies de télécommunications peuvent divulguer des renseignements à leur propre discrétion, sans mandat. Pensez-vous qu'il faudrait rectifier cela?
M. Hanson : Les dispositions actuelles de la LPRPDE permettent effectivement la divulgation volontaire de renseignements aux forces de l'ordre sans mandat, mais il convient de noter certains aspects très importants. Premièrement, c'est sur une base volontaire; les compagnies ne sont pas tenues de divulguer des renseignements. Deuxièmement, pour réquisitionner certains renseignements, les forces de l'ordre devraient invoquer leur autorisation légitime, et elles recevraient ce qu'on appelle des renseignements de base sur les abonnés.
Cela revient essentiellement à la charte des droits et aux attentes raisonnables de respect de la vie privée. Les renseignements de base sur les abonnés peuvent être obtenus sans mandat. Je crois qu'il y a une distinction à faire avec les demandes plus radicales comme la réquisition des données de transmission ou l'interception de communications électroniques, qui exigeraient la délivrance d'un mandat.
M. Moore : Et n'est-ce pas une préoccupation croissante que les compagnies de télécommunications soient réprimandées pour leur manque de transparence à propos des renseignements qu'elles divulguent? C'est d'ailleurs pour cette raison que les ententes de confidentialité que les clients doivent accepter à la signature d'un contrat de service cellulaire permettent aux compagnies de divulguer certains renseignements, en raison des responsabilités que cela implique.
Le sénateur Furey : Savons-nous si les compagnies de télécommunications sont prêtes à divulguer des renseignements sans mandat?
M. Moore : Ce serait à elles de vous le dire, mais sur le plan juridique, elles enfreindraient la loi si elles divulguaient des renseignements qu'elles ne sont pas autorisées à divulguer en vertu des contrats qu'elles concluent avec leurs clients, mais aucune réquisition n'est faite sans mandat.
[Français]
La sénatrice Verner : Bonsoir, monsieur le ministre, et bonsoir, messieurs. Je voudrais revenir sur la communication de renseignements personnels entre deux organisations privées. Qu'est-ce qui arriverait dans le cas hypothétique où ce serait deux compagnies d'assurances de personnes qui s'échangeaient des documents?
Je pense, entre autres, aux informations médicales qui concernent un individu. On pourrait hypothétiquement penser que, peut-être, dans le cas d'un client qui fait des réclamations frauduleuses ou peu importe, cela pourrait toucher ce secteur d'activité? Comment pourrait-on protéger les données de la santé d'un individu qui sont très sensibles?
M. Moore : Cela touche ce secteur d'activité dans le contexte où, s'il y a une information qui est partagée par accident ou à la suite d'un acte criminel, on doit certainement communiquer avec ceux qui ont donné l'information. Avec chaque génération de nouvelles technologies, avec chaque nouvelle génération de services, la capacité de protéger les informations s'améliore avec chaque génération. Cependant, les menaces grandissent également proportionnellement à notre utilisation quotidienne.
Ce projet de loi fait en sorte que, quand vous signez une entente avec une compagnie et que vous leur fournissez des renseignements personnels, s'ils s'engagent avec une autre compagnie, ils doivent obtenir de nouveau votre consentement pour avoir la permission de partager ces renseignements.
S'ils partagent cette information sans votre avis ou que l'information est volée lors d'une cyberattaque, par exemple, ils doivent vous en informer afin que vous ayez la possibilité de vous protéger vous-mêmes soit en changeant votre mot de passe, votre NIP ou d'autres façons. C'est ce que nous sommes en train de faire.
La sénatrice Verner : Je pensais davantage au consentement, c'est-à-dire à la communication de renseignements entre deux compagnies privées sans le consentement. Vous avez expliqué tout à l'heure que, dans des cas où on pourrait soupçonner de la fraude, pour des questions de sécurité, deux organisations privées pourraient échanger des informations sur un individu sans son consentement. J'étendais cela aux compagnies d'assurances des individus. Comment s'assurer que cela ne se produira pas?
Je comprends que, dans des cas de fraude, dans des cas très spécifiques, deux compagnies privées peuvent s'échanger des informations, mais comment peut-on s'assurer, dans le cas de compagnies d'assurances, par exemple, qu'on n'échange pas des renseignements sur la santé d'un individu ou des données sensibles de ce genre?
M. Moore : Que l'on donne des informations à n'importe quelle compagnie, si elle échange ces informations sans notre consentement, sans respecter les règles contractuelles, cela représente une violation de contrat. La loi vous donne le moyen de vous protéger. Ici, on parle de quelqu'un qui prend cette information, viole votre vie privée. On devrait avoir la possibilité d'être informé de ce qui s'est passé et pouvoir passer à l'action.
Il est impossible pour le gouvernement de s'impliquer dans chaque échange d'information concernant tout le monde. On essaie de mettre en place un système d'obligation de rendre des comptes afin que les organismes soient responsables de l'information qu'ils gèrent et d'informer leurs clients advenant toute attaque ou autres.
La sénatrice Verner : Dans un autre ordre d'idée, vous savez que, il y a quelques semaines, la commissaire intérimaire à la protection de la vie privée a comparu devant nous et a déclaré qu'il y avait 1,2 million de requêtes auprès des grandes entreprises de télécommunications qui sont transmises au gouvernement. Elle avait formulé le souhait qu'on oblige les organisations à faire ce qui suit, et je cite :
[...] rendre public le nombre de communications aux fins d'application de la loi, effectué en vertu de l'alinéa à l'insu de l'intéressé et sans son consentement, et sans mandat, afin de faire la lumière sur la fréquence à laquelle on invoque cette exception et sur l'utilisation qui en est faite.
On se rend compte, dans le fond, que cette recommandation n'a pas été prise en compte dans le projet de loi S-4. Est-ce exact?
M. Moore : À notre avis, c'était en dehors du contexte de ce projet de loi. J'ai dit à Mme Bernier et aux autres qu'on était prêt à considérer des amendements à ce projet de loi. Il y a aussi d'autres propositions qui ne concernent pas ce projet de loi, mais on peut certainement considérer d'autres changements s'ils sont appropriés.
La sénatrice Verner : La commissaire à la protection de la vie privée aura de grandes responsabilités. La question qui tue, comme on dit en bon québécois, est la suivante : les fonds seront-ils suffisants pour la nouvelle personne qui aura à gérer cela?
M. Moore : Le NPD a déjà présenté un projet de loi à la Chambre des communes sur ce même sujet afin d'obtenir plus de pouvoirs, mais il n'avait pas été question des sommes nécessaires. La commissaire était favorable au projet de loi, aux nouvelles règles que nous avons ici, mais quand j'ai parlé avec Mme Bernier, il n'y avait pas de demandes de nouveaux fonds. Avoir la capacité et avoir les règles pour renforcer les relations entre les organismes et les individus, c'est ce qu'on est en train de faire. Il ne s'agit pas toujours d'engager le commissaire dans chacun des 1,2 million d'échanges, mais d'établir des règles de protection qui font du sens.
La sénatrice Verner : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Merci, monsieur le ministre. Permettez-moi de revenir sur la question des mandats judiciaires, un moment. Ce qui est inquiétant, c'est que même si vous dites que les compagnies ne sont pas tenues de divulguer des renseignements, elles pourraient choisir de le faire, sans que la personne concernée ne soit au courant. Il est difficile pour elle de contester cette décision si elle ignore que des renseignements ont été transmis aux forces de l'ordre.
M. Moore : Désolé, pouvez-vous répéter la question?
Le sénateur Eggleton : J'essaie seulement de comprendre dans quelles circonstances il est nécessaire d'avoir un mandat judiciaire. Il se peut qu'on n'ait pas recours à un mandat.
M. Moore : Eh bien, si vous acceptez un contrat avec une compagnie de télécommunications, par exemple, ce contrat autorise la compagnie à divulguer vos renseignements dans certaines circonstances. Cette disposition peut être utilisée dans différentes situations contractuelles, mais dans le cas d'une enquête criminelle, c'est le client qui signe le contrat et qui accepte que certains renseignements soient divulgués.
De la même manière, je pense qu'il serait injuste d'interdire aux compagnies de télécommunications de conclure un tel accord avec leurs clients, dans quel cas on pourrait les accuser de ne pas coopérer aux enquêtes criminelles lorsque des clients font le trafic de cartes de crédit ou qu'ils s'adonnent à des activités de cyberterrorisme ou d'espionnage, ou peu importe. Ce que prévoit la loi actuellement est que les renseignements peuvent être divulgués seulement avec le consentement des clients ou la délivrance d'un mandat.
Le sénateur Eggleton : Donc, en cochant la case « J'accepte », ils pourraient en fait accepter qu'à un moment donné leurs renseignements soient divulgués, même s'ils ne savent pas que c'est ce qu'ils acceptent?
M. Moore : Bien sûr, et c'est entre autres là-dessus que portent les discussions. C'est un monde en pleine évolution. Beaucoup de gens sont prêts à offrir cela, sachant qu'ils ne seront pas impliqués dans des activités criminelles, alors ils acceptent ce genre de conditions. Des compagnies veulent effectivement s'assurer que les liens sont clairs. Ce sont des liens contractuels qui existent dans d'autres sphères, mais ils viennent de gagner le monde numérique également.
Le sénateur Eggleton : Vous avez raison, c'est un monde en pleine évolution. À cet égard, je crois qu'il est aussi important pour le Parlement d'assurer une certaine surveillance.
Lorsque la LPRPDE est entrée en vigueur, on devait la réviser aux cinq ans. Je pense qu'il y a eu un examen en 2007, et depuis, plus rien. Il faudrait peut-être remédier à cela pour veiller à rester à l'affût des derniers développements et pour que le Parlement puisse suivre le dossier de près.
M. Moore : Effectivement, et je suis ici, faisant de mon mieux.
Mais vous avez tout à fait raison. C'est aussi ce qui est prévu pour la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, et j'ai peut-être témoigné devant votre comité ou un autre à ce sujet. C'est toujours difficile, parce que lorsqu'il est question de la législation entourant la propriété intellectuelle, c'est souvent un jeu à somme nulle. Nombreux sont les gouvernements, le nôtre y compris, qui ont du mal à trouver le juste équilibre. En situation de gouvernement minoritaire, avec les pressions que cela suppose, il est difficile de trouver le juste équilibre. C'est pourquoi nous avons prévu un examen quinquennal obligatoire de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, de façon à ce que les parlementaires, peu importe leur volonté politique, soient tenus de maintenir un régime de propriété intellectuelle qui soit le plus efficace possible.
Il en va de même pour la LPRPDE. On prévoit un examen quinquennal. L'examen a été effectué et on a déposé une loi. On s'est attiré des critiques et, honnêtement, la loi avait ses défauts. Nous les avons corrigés avec le nouveau projet de loi, à mon avis. C'est pourquoi la commissaire à la vie privée a manifesté son appui envers diverses initiatives, même si elle estime que d'autres mesures devraient être prises, et nous sommes disposés à les prendre.
Le sénateur Eggleton : Quand va commencer le prochain examen?
M. Moore : C'est une bonne question. Je présume qu'il suivra l'adoption du nouveau régime. Écoutez, nous n'attendons pas cinq ans avant de procéder à un examen. C'est la même chose pour la législation sur la propriété intellectuelle; il n'est pas question d'attendre. Il faut y apporter des modifications qui tiennent compte de l'accord de libre-échange Canada-Europe, de décisions légales, d'ententes partagées ou de nouvelles technologies.
Le sénateur Eggleton : Je sais que vous procédez à des examens. Je veux plutôt parler d'une surveillance ou d'un examen parlementaire.
M. Moore : Le présent comité ou tout autre comité parlementaire est libre d'étudier la loi en tout temps, et de formuler des critiques ou des suggestions.
Le sénateur Housakos : Merci, monsieur le ministre, d'être ici ce soir. De toute évidence, la technologie numérique évolue à un rythme fou. Il a peut-être fallu un peu de temps avant de déposer ce projet de loi, mais c'est un bon projet de loi, et la commissaire à la vie privée l'a appuyé. J'imagine que vous avez eu des commentaires positifs de la part de bien des intervenants à l'échelle du pays également.
Pourriez-vous dire au comité s'il y a des lois provinciales semblables? Il me semble que deux provinces ont une législation similaire et leurs propres entités qui s'occupent des questions de protection de renseignements personnels. Je me demandais si vous pouviez expliquer au comité comment interagissent le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, le projet de loi, la LPRPDE et les lois provinciales en place. Qu'est-ce qui a préséance sur quoi?
M. Hanson : Vous avez raison. Des provinces ont mis en place des lois semblables : l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec. En fait, les modifications proposées par ce projet de loi viennent harmoniser la loi fédérale aux lois provinciales en place.
Essentiellement, dans les provinces qui en ont adopté, la loi provinciale a préséance. Cependant, puisque la LPRPDE se rapporte aussi à des industries de compétence fédérale, comme les transports, les communications, les compagnies aériennes, et cetera, elle s'appliquera à l'échelle du pays à cet égard.
Le sénateur Housakos : J'ai une dernière question. Je sais que cette loi s'applique aux entreprises du secteur privé et qu'il y a différentes lois régissant la protection des renseignements personnels au sein des organismes gouvernementaux, des sociétés d'État et des entités gouvernementales provinciales, mais il est parfois difficile de leur apposer une étiquette.
À l'heure actuelle, il y a des cliniques privées qui travaillent directement avec les hôpitaux et qui desservent presque exclusivement des établissements hospitaliers publics au Québec, mais cela demeure des entités privées. Il y a des commissions scolaires semi-privées au Québec qui sont financées en partie par la province, qui décide aussi du programme d'enseignement. Dans quelle catégorie se classent ces entités? Seraient-elles assujetties à cette loi ou aux exigences relatives aux organismes gouvernementaux?
M. Moore : Je crois que cela dépend des circonstances. Par exemple, si je suis un entrepreneur de la Colombie-Britannique et que je me blesse au dos, je vais devoir faire de la physiothérapie et faire affaire avec WorkSafeBC. Quand une personne est victime d'un accident de travail, elle est assurée par WorkSafeBC et elle obtient des soins d'une clinique privée, mais par l'entremise d'un organisme gouvernemental fédéral ou provincial qui peut divulguer une partie des renseignements.
S'il y avait un différend concernant des renseignements divulgués sans consentement ou une atteinte à la protection des données en raison d'une défaillance de l'équipement, de mots de passe erronés ou d'une cyberattaque, il faudrait demander conseil à un bon avocat. Tout dépend d'où vient la fuite d'information et il faut savoir à qui revenait l'obligation. Si on parle d'une entité privée, comme la clinique de physiothérapie, on applique la loi régissant les entités privées. S'il est question de WorkSafeBC, un organisme gouvernemental, il s'agit donc d'une relation de gouvernement à citoyens et la Loi sur la protection des renseignements personnels s'applique. Quant aux relations de citoyen à citoyen, par l'entremise d'un établissement ou d'un particulier, c'est la LPRPDE ou la loi provinciale qui prévaut.
Le président : Je ne sais pas si le sénateur Furey est prêt à nous donner des conseils, mais il est le prochain à intervenir.
Le sénateur Furey : Absolument pas.
Monsieur Hanson, je veux revenir sur la divulgation volontaire. En vertu de la LPRPDE, les compagnies de télécommunications qui veulent fournir des données à la police bénéficient essentiellement d'une immunité contre tout recours intenté par les personnes touchées. Pensez-vous que cela devrait changer? Devrait-il y avoir des lignes directrices plus strictes pour veiller à ce que les compagnies de télécommunications n'aient pas soudainement envie de jouer les justiciers?
M. Moore : Vous pouvez lui demander son opinion, parce que je lui demande toujours de me donner ses conseils sans crainte.
M. Hanson : Plutôt que de vous donner mon opinion, je vous dirai qu'il est légitime pour quiconque de coopérer avec la police, dans le cadre ou non de la LPRPDE, dans la mesure où c'est fait dans les limites de la légalité. Dans un sens, la LPRPDE ou ces dispositions ne sont pas exceptionnelles à cet égard. Cela renvoie à notre capacité de coopérer avec la police de façon légale.
Dans le cas de la LPRPDE, vu la nature des renseignements fournis avant la délivrance d'un mandat, comme des renseignements de base sur les abonnés, on respecte les attentes en matière de protection de la vie privée et cela ne donne donc pas un statut particulier aux compagnies de télécommunications en ce qui a trait aux enquêtes policières.
M. Moore : Et ce n'est pas seulement vrai pour les grosses compagnies de télécommunications — parce que je sais que c'est la grande obsession des médias en ce moment —, mais aussi pour les petites organisations qui recueillent une grande quantité d'information, entre autres les organisations caritatives et leurs bases de données. Dans le cadre de ce projet de loi, nous proposons aussi que les organisations qui veulent obtenir des conseils et comprendre comment se conformer à la loi puissent de leur propre chef contacter le Commissariat à la vie privée. Nous voulons qu'il y ait cette communication; nous ne dressons pas un mur devant elles en leur demandant de respecter la loi. C'est une mesure que la commissaire à la vie privée nous a recommandé de mettre en œuvre et qui était absente de la loi précédente.
Le sénateur Furey : La seule chose qui me turlupine, pour revenir à la réponse de M. Hanson, c'est que ces compagnies de télécommunications sont en position de pouvoir quasi absolu en ce qui a trait à l'accès à autant de renseignements personnels et confidentiels. Comme elles ont l'immunité, certaines pourraient être tentées de protéger la veuve et l'orphelin et de vouloir jouer les justiciers. C'est l'immunité que le projet de loi confère aux compagnies de télécommunications qui me fait dire cela.
M. Hanson : Je dois préciser que ce projet de loi ne traite pas de l'immunité en ce qui concerne les sociétés de télécommunications. Dans le projet de loi C-13, qui est dans une certaine mesure lié au projet de loi que nous étudions en ce moment, il est question de l'immunité, mais le projet de loi S-4 ne contient pas de nouvelles dispositions sur l'immunité en ce qui a trait aux entreprises de télécommunications.
Le sénateur Furey : Je faisais en fait référence à la LPRPDE.
J'ai une dernière question à vous poser, monsieur le ministre. Vous avez mentionné, à juste titre, qu'il s'agit d'un aspect de la loi qui évolue et qu'il a fallu plusieurs tentatives pour en arriver au projet de loi S-4 que nous avons actuellement et qui contient un grand nombre de bonnes dispositions. Je suis d'accord avec vous. Cette mesure législative avait été proposée par un autre gouvernement; elle remonte au début des années 2000. Nous savons qu'il a fallu bien des années pour en arriver au résultat que nous avons aujourd'hui, et pour améliorer ce projet de loi.
Pensez-vous que de prévoir un examen obligatoire tous les trois ou cinq ans permettrait de faire en sorte que le projet de loi soit examiné à un moment précis, de sorte que les gens puissent avoir confiance que cette mesure législative atteint l'objectif visé?
M. Moore : On a déjà prévu un examen obligatoire tous les cinq ans, mais, je dois dire honnêtement, que cinq ans est pour moi une période arbitraire. J'encourage votre comité, et même le comité de la Chambre, à discuter ouvertement, dans le cadre de son mandat, des enjeux à mesure qu'ils surviennent, que ce soit en raison d'une contestation judiciaire ou d'une nouvelle loi provinciale qui pourrait nous amener à mettre en place des mesures plus énergiques ou à réfléchir davantage à la façon dont nous abordons ces questions. Je crois que cela cadrerait parfaitement bien avec votre mandat. Il est tout à fait approprié que des comités parlementaires étudient ce genre de choses.
Le sénateur Furey : Merci.
Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, je voudrais revenir à la question que j'ai posée plus tôt. Soit que je n'ai pas obtenu les bons renseignements, soit que je n'ai pas bien posé la question; c'est l'un ou l'autre. Je veux m'assurer de bien comprendre.
Des personnes que je croyais très bien informées nous ont dit très clairement que Google, par exemple, ne peut pas recueillir des renseignements qui concernent des problèmes de santé. L'entreprise peut par contre recueillir de l'information sur les voitures notamment. Si je m'intéresse aux voitures de la marque Ford, elle peut faire en sorte que je vois de la publicité sur cette marque d'automobile. Toutefois, elle ne peut pas me demander si j'ai certains problèmes de santé pour que des compagnies pharmaceutiques me présentent des publicités qui portent sur ces problèmes.
Vous avez dit que cela ne fait pas partie du projet de loi, alors je n'ai pas bien posé ma question. J'aimerais que vous me donniez à tout le moins des explications, car des fonctionnaires nous ont dit clairement que ce projet de loi change les règles.
John Knubley, sous-ministre, Industrie Canada : Il y a eu une affaire visant Google qui concerne une personne qui souffrait d'apnée du sommeil...
Le sénateur Plett : Oui. C'est exact.
M. Knubley : Cette personne s'est rendu compte que, parce que Google était au courant de son problème, elle recevait toutes sortes de...
Le sénateur Plett : J'avais oublié ce cas-là, mais c'est bien cela.
M. Knubley : ... toutes sortes de publicités.
Nous sommes maintenant davantage en mesure de réagir à ce genre d'affaires, car nous avons donné au commissaire à la protection de la vie privée le pouvoir de dénoncer des entreprises comme Google dans de tels cas. Auparavant, le commissaire ne pouvait rien faire. Cette mesure législative lui donne le pouvoir de collaborer avec une entreprise comme Google pour régler ces situations.
M. Moore : C'est une zone grise dans le domaine de la protection de la vie privée. Il peut s'agir d'une atteinte à la vie privée, car si vous effectuez une recherche dans Google sur l'apnée du sommeil, vous ne voulez pas nécessairement que les gens sachent que vous souffrez de ce problème — ou de tout autre problème de santé. S'agit-il d'une infraction criminelle si l'entreprise a transmis cette information à une société pharmaceutique qui ensuite vous offre d'essayer les bandelettes nasales Breathe Right ou quoi que ce soit d'autre?
S'agit-il d'une atteinte à la vie privée? Je suppose que oui, si vous ne saviez pas que vos renseignements étaient transmis. Si vous avez donné votre accord en cochant la case appropriée, vous étiez donc au courant, mais peut-être que Google doit vous avertir qu'il cherche à recueillir ce genre d'information afin d'en tirer des recettes.
Il ne s'agit pas d'une infraction criminelle, alors il ne s'agirait pas nécessairement d'une infraction à la LPRPDE et il ne serait pas nécessaire d'entamer des procédures judiciaires, mais il pourrait s'agir d'une situation que le commissaire à la protection de la vie privée devrait examiner et dénoncer. Cela fait partie de la zone grise de l'atteinte à la vie privée — tout dépend de la façon dont on voit les choses — mais c'est néanmoins un problème. Le commissaire peut se pencher sur le dossier, écouter ce que l'utilisateur et Google ont à dire, mener une enquête et faire part ouvertement de ce qu'il a constaté. Ensuite, on pourrait demander au gouvernement d'élaborer des dispositions législatives, on pourrait obliger Google à modifier ses procédures, ou il ne pourrait rien se passer du tout.
Le sénateur Plett : Si le commissaire affirme qu'il y a eu atteinte à la vie privée et que Google n'est pas de cet avis, la décision du commissaire peut-elle être contestée?
M. Moore : Il existe des recours judiciaires. Dans chaque cas, une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 $ peut être imposée; la situation peut faire l'objet d'une dénonciation par le commissaire à la protection de la vie privée; ou bien, s'il s'agit d'un cas particulier qui indique au gouvernement que la législation ne prévoit pas de sanctions appropriées, alors le gouvernement pourrait envisager d'élaborer une disposition législative à cet égard. En outre, l'entreprise elle-même pourrait proposer une solution qui pourrait convenir aux personnes qui ne souhaitent pas que ce genre d'information soit transmise.
M. Knubley : En plus, en vertu de ce projet de loi, le commissaire a le pouvoir de négocier ce qu'on appelle une entente de conformité avec Google ou une entreprise semblable. Il s'agirait d'une entente volontaire entre les deux parties. Une fois qu'elle serait conclue, elle deviendrait contraignante et pourrait être mise en application par les tribunaux.
M. Moore : Nous effectuons des recherches dans Google, qui recueille une énorme quantité de données et les utilise de toutes sortes de façons. C'est un monde intéressant, mais il faut se rappeler qu'il y a une zone grise. Le sénateur Furey a parlé beaucoup de ce monde et des personnes ont écrit là-dessus également. Nous vivons dans un monde où les gens affichent dans Twitter des photos de leur repas et font savoir à la planète entière que leur enfant a prononcé son premier mot. Nous diffusons volontairement tous ces renseignements personnels dans Internet et ensuite, nous nous étonnons de recevoir des publicités ciblées.
Il s'agit d'une zone grise, je présume, et un certain apprentissage devra se faire à propos de ce monde numérique tel qu'il existe aujourd'hui. Ces entreprises qui, soit dit en passant se portent très bien, savent qu'un grand nombre d'utilisateurs sont tout à fait d'accord pour qu'elles transmettent certaines informations qu'on peut considérer personnelles et qui ne devraient pas selon nous être diffusées. Il reste que certaines personnes acceptent que Google détienne ces renseignements personnels. Par exemple, Google diffuse l'information et l'utilisateur reçoit de la publicité qu'il peut être heureux de recevoir.
À mon avis, le choix appartient au consommateur. Il doit donner son consentement. Lorsque le consentement n'a pas été donné, c'est donc qu'il y a eu atteinte à la vie privée et qu'il doit y avoir une forme de sanction. Les gens doivent toujours pouvoir se sentir à l'aise lorsqu'ils utilisent les technologies numériques.
Tout n'est pas précisé dans les lois. Beaucoup de ces choses se feront au fil de l'évolution des rapports des gens avec la technologie et le monde. D'autres découleront de décisions des tribunaux. Nous estimons que la prochaine étape logique, c'est de conférer au Commissaire à la protection de la vie privée ces pouvoirs pour que le commissariat joue le rôle qui lui est dévolu, soit d'être un arbitre ou un filtre, si vous voulez, par rapport à certains de ces enjeux.
Le sénateur MacDonald : Je dois dire que c'est un grand pas en avant. Rattraper la technologie est très difficile. C'est une course perpétuelle qui semble s'accélérer.
Vous avez parlé des amendes de 100 000 $. J'aimerais aborder ce sujet. J'aimerais simplement savoir à quoi s'appliqueraient les amendes de 100 000 $ pour les actes criminels. L'amende est de 10 000 $ pour les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité.
L'article 24 du projet de loi, qui modifie l'article 28 de la LPRPDE, prévoit que « Quiconque contrevient sciemment » aux nouveaux articles qui obligent les organisations à consigner et à déclarer toute atteinte aux mesures de sécurité « ou entrave l'action du commissaire [...] dans le cadre d'une vérification ou de l'examen d'une plainte » devra payer ces amendes.
Je me demande seulement comment ces seuils ont été fixés. Croyez-vous qu'ils seront suffisants et qu'ils aideront à l'application de la LPRPDE?
M. Moore : Le temps le dira. Il ne s'agit pas uniquement des atteintes aux mesures de sécurité, mais aussi de la destruction de documents, l'omission de conserver l'information ou la dissimulation de preuves.
Lawrence voudra peut-être parler de la façon dont cela s'appliquera.
M. Hanson : Avec plaisir. Il est important de distinguer un manquement à la loi et une infraction. Pour ce qui est d'une infraction et des amendes de 100 000 $, on ne parle pas de gens qui ont accidentellement perdu les données de quelqu'un, par exemple. Ce sont des actes plutôt délibérés. Il y a eu une atteinte et quelqu'un a sciemment décidé de ne pas le signaler ou a tenté de dissimuler ou détruire les informations. Il s'agit de tentatives plutôt délibérées de contourner la loi, en quelque sorte.
Les amendes correspondent à celles que prévoit déjà la LPRPDE. À titre d'exemple d'infractions en vertu de la loi actuelle, soulignons le cas d'une entreprise qui tente de nuire à une personne qui a dénoncé des infractions à la protection des renseignements personnels, ou la destruction d'informations par une entreprise à laquelle on a demandé de les produire.
Donc, les amendes liées aux nouvelles infractions du nouveau projet de loi sont comparables aux amendes prévues dans l'actuelle LPRPDE.
Quant à savoir si elles sont dissuasives, elles s'appliquent à chacune des infractions, comme le ministre l'a indiqué. Si vous omettez d'aviser 100 personnes, cela pourrait manifestement représenter des amendes importantes.
Le sénateur MacDonald : je voudrais seulement dire que j'estime qu'une société comme Google a les moyens de payer bien des amendes de 10 000 $ sans grande incidence sur son résultat net.
[Français]
Le président : Merci, monsieur le ministre, pour votre présence. Avant de vous libérer, j'aimerais dire aux sénateurs que la semaine prochaine nous recevrons deux groupes de témoins mardi matin pour poursuivre notre étude de ce projet de loi.
[Traduction]
Il s'agit des représentants du Centre pour la défense de l'intérêt public et de l'Association du Barreau canadien. Ensuite, nous accueillerons les représentants de la Centrale des caisses de crédit du Canada et de l'Association des banquiers canadiens. Mercredi soir, le premier groupe de témoins sera formé des représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, puis ce sera au tour de l'Association canadienne du marketing et de la Marketing and Research Association.
Encore une fois, merci, monsieur le ministre.
[Français]
(La séance reprend.)
Le président : Durant la deuxième partie de cette réunion, nous continuons notre étude sur le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
On a demandé au comité d'effectuer une pré-étude des sections 15, 16 et 28. Nous examinons maintenant la section 28 qui édicte la Loi visant le nouveau pont pour le Saint-Laurent et qui vise la construction et l'exploitation d'un nouveau pont à Montréal pour remplacer le pont Champlain et le pont de l'île des Sœurs.
Nous recevons deux anciens collègues de la Chambre des communes, Mme Caroline St-Hilaire, mairesse de la Ville de Longueuil, et l'honorable Denis Coderre, maire de la Ville de Montréal. Il me fait énormément plaisir de vous accueillir tous les deux. Je vous invite à faire vos présentations.
L'honorable Denis Coderre, C.P., maire, Ville de Montréal : Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai beaucoup d'émotion, parce que je me retrouve avec des gens que je n'ai pas vus depuis longtemps. Vous connaissez notre style et vous savez qu'on est très clairs dans nos propos, alors on va gagner du temps.
Je viens à titre de maire de Montréal, mais aussi comme président de la Communauté métropolitaine de Montréal. La raison pour laquelle Carole et moi sommes ici, c'est pour transmettre le message qu'il y a consensus auprès des acteurs concernant la situation du pont Champlain. Nous espérons, grâce à vos propos, à vos questions et à nos réponses, vous faire comprendre pourquoi il est important qu'il n'y ait pas de péage sur le pont Champlain. Je vous remercie encore une fois.
Ce projet de loi est très important pour nos villes, pour toute la région métropolitaine, pour le Québec, et en fait, pour l'ensemble du Canada. Ce pont est dans un état critique. On dépense des centaines de millions pour qu'il puisse tenir debout. En 2018, on aura un nouveau pont. Ce qui est important ici, c'est que ce n'est pas un nouveau pont justement, mais un pont qu'on remplace, un pont qui a été mal fait.
Si c'était une nouvelle infrastructure, comme le pont de l'autoroute 25, où il y a un poste de péage, on pourrait comprendre, parce qu'il y a une alternative. Mais dans ce cas-ci, c'est un pont qui existe déjà, et qui est mal fait. Pourquoi remettre un poste de péage? On va donner les mêmes raisons pour lesquelles on l'a enlevé en 1990. C'est cela qu'il est extrêmement important de transmettre comme message.
J'entends souvent, dans les officines comme dans les médias, dire ceci : « Vous savez, ce n'est pas à la Gaspésie ni à Vancouver de payer ce pont-là. »
[Traduction]
Eh bien, je suis désolé, mais c'est un pont essentiel pour l'ensemble de l'économie canadienne. Ce n'est pas seulement un pont pour le Québec. Il joue un rôle majeur dans l'économie canadienne.
[Français]
Quand on parle de la voie maritime du Saint-Laurent, on parle un peu avec désinvolture. Je trouve cela bizarre, parce qu'on parle aussi en termes de contribuables. Le pont va coûter entre 3 et 5 milliards de dollars, comme si 2 milliards, c'était des « pinottes ». L'une des raisons pour lesquelles il coûte si cher, c'est parce qu'il y a quelque chose en dessous qui s'appelle « la voie maritime du Saint-Laurent ». Quand on parle en termes de voie maritime du Saint-Laurent, on parle d'un impact économique énorme qui ne touchera pas seulement Montréal, une métropole portuaire, mais qui s'étendra jusqu'aux Grands Lacs. Il y aura un impact économique en Ontario. Le fait d'avoir le pont Champlain, le pont le plus achalandé — j'ai déjà lu vos délibérations —, vous permet de constater que ce pont est non seulement le plus passant, mais qu'il s'agit d'une infrastructure qui est essentielle pour l'économie et qui se rend jusqu'aux États-Unis.
Il ne s'agit pas de se dire que c'est un pont local, un pont entre deux rives. J'ai été ministre et député à Ottawa pendant 16 ans. Ce pays a été fondé sur le partage. Quand on investissait, et avec raison, soit pour les transports en commun en Ontario, soit avec fierté pour les Olympiques à Vancouver, on ne se demandait pas si cela allait servir certains secteurs par rapport à d'autres. C'était un élément important pour la qualité de vie et pour l'économie de l'ensemble du pays.
Aujourd'hui, on vient vous dire qu'on est d'accord avec le PPP, qui veut dire partenariat public-privé, mais qui veut dire aussi qu'il ne devrait pas y avoir de péage pantoute! Aujourd'hui, on veut que ce soit très clair. Si vous voulez qu'on travaille en ces termes pour protéger l'économie du pays, il est important qu'on travaille à ce niveau.
Je vais céder la parole à ma collègue, Caroline, et nous serons prêts à répondre à vos questions.
Caroline St-Hilaire, mairesse, Ville de Longueuil : Merci, monsieur le président. Comme le disait mon collègue, nous sommes ici pour faire valoir l'unanimité qui existe sur l'enjeu du péage en ce qui concerne la région métropolitaine. Je tiens aussi à dire que le projet de remplacement du pont Champlain doit s'intégrer dans la vision globale de la mobilité de la région métropolitaine, et non pas l'inverse.
On pense aussi que, après les nombreux mois de travail, on doit respecter notre plan métropolitain d'aménagement et de développement. En outre, on pense qu'il revient aux représentants de la région métropolitaine de décider de la mise en place ou non d'un système de péage sur l'ensemble de notre territoire pour la simple et bonne raison que cela aura des impacts sur la circulation.
Transports Canada disait que la mise en place d'un péage aurait pour effet que 30 000 véhicules ainsi que 2 500 camions migreraient quotidiennement, ce qui veut dire tous les jours, vers d'autres liens inter-Rive-Sud. Le ministère des Transports du Québec, quant à lui, disait que cette migration fonctionnerait selon deux scénarios en fonction du montant.
Pour un péage, par exemple, à 3 $, la circulation serait supérieure de 25 p. 100 sur le pont Victoria, de 13 p. 100 sur le pont Jacques-Cartier, et de 8 p. 100 sur le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine et le pont Mercier. Pour un péage à 5,60 $, c'est 60 p. 100 des mêmes utilisateurs qui n'emprunteraient plus ce nouveau pont Champlain. Ce tarif ferait donc dévier la circulation dans les proportions suivantes : 50 p. 100 de plus vers le pont Victoria et 23 p. 100 vers le pont Jacques-Cartier. Je tiens à vous le dire, parce qu'il y a quatre ponts sur mon territoire de la Rive-Sud; cela a donc des répercussions importantes et nous en sommes inquiets.
La réserve de capacité disponible sur les autres ponts en période de pointe le matin est de 3 600 véhicules seulement, ce qui ne représente même pas la capacité d'une voie pour une période de trois heures. En après-midi, la situation est encore pire, la réserve étant estimée à seulement 2 700 véhicules. Oui, ce sont des impacts importants sur la circulation si vous mettez le péage.
Les usagers actuels du pont Champlain l'éviteront, modifieront certainement leurs habitudes, emprunteront d'autres ponts, d'autres voies. L'ajout d'autant de poids lourds sur les autres ponts va entraîner une détérioration certaine de nos infrastructures routières. Vous devinez que ce sont les gens de la Rive-Sud qui devront payer pour cette déviation.
Par exemple, si vous n'êtes jamais venu à Longueuil — peut-être que la sénatrice de la Montérégie est déjà passée par chez nous —, les voies suivantes seraient sérieusement affectées. Elles mènent presque toutes à un pont. Toutes les artères situées au pied du pont Jacques-Cartier sont déjà engorgées. Si vous venez faire un tour, vous verrez que c'est déjà l'enfer.
L'afflux d'automobilistes qui voudront éviter le péage sur le pont Champlain ira congestionner davantage le pont Jacques-Cartier où se situe l'entrée du métro, la seule station de métro à Longueuil, qui transporte 21 000 personnes matin et soir. L'accès au pont Victoria par la route 112 sera encore plus compliqué; les boulevards Jacques-Cartier, de Mortagne, de Montarville aux approches du tunnel seront aussi plus achalandés.
Toute cette congestion récurrente représente, comme le disait M. Coderre, des coûts très, très importants pour l'ensemble de la société. La chambre de commerce de Montréal estimait à 1,4 milliard de dollars par année les pertes économiques reliées aux coûts de la congestion routière. C'est sans compter l'impact financier qu'aura le péage sur nos citoyens.
Par exemple, pour un passage à 2 ou 3 $, comme c'est le cas pour l'autoroute 30 et pour le pont de l'autoroute 25, c'est 5 $ par jour, 25 $ par semaine, ce qui veut dire 1 000 $ par année. Pour la classe moyenne des citoyens de la Rive-Sud, c'est un montant important. Pour les gens de la Rive-Sud qui vivent en périphérie du pont, faire le détour par le pont Victoria ou Jacques-Cartier pour éviter le péage n'est pas une option. Cela aura donc un impact sur la durée du trajet entre le travail et la maison. Le gouvernement du Québec, d'ailleurs, s'est prononcé contre le péage. Toute la région métropolitaine, comme je le disais, représente 82 municipalités; c'est la moitié du Québec. Ce n'est pas rien.
Bref, le pont Champlain est un pont d'intérêt général pour le Canada. Il l'était avant que son état critique ne force son remplacement d'urgence. Il doit continuer d'être payé par l'ensemble des contribuables du Canada. On comprend que vous vouliez adopter à toute vitesse ce projet de loi parce que, effectivement, le pont se détériore rapidement et des sommes importantes sont investies en faveur de certaines réparations, mais on pense que ce n'est pas un prétexte pour imposer unilatéralement un péage sans se soucier des impacts.
Je le répète, nous sommes très inquiets. Il y aura un problème de congestion sur nos infrastructures et sur notre territoire. Déjà, tous les ponts sont saturés sur la Rive-Sud et il n'y a plus de réserve de capacité.
De plus, on se demande sincèrement si les gens de la Rive-Sud qui paient cette infrastructure existante au moyen de leurs impôts ne paieront pas une deuxième fois en payant un péage. Cela nous inquiète également. J'aimerais vous rappeler que les gens de la Rive-Sud ne sont pas toujours des méchants banlieusards. Ils contribuent à l'essor économique de Montréal, ils contribuent à l'essor économique du Canada, et on aimerait qu'ils soient considérés comme tels et non pas les surtaxer chaque matin lorsqu'ils se rendent au travail.
La Ville de Montréal et la Ville de Longueuil sont d'accord, plus souvent qu'autrement, avec la déclaration que le pont Champlain est à l'avantage général du Canada, et qu'il y a urgence. Il faut simplifier et faciliter le processus décisionnel pour accélérer les travaux, mais nous ne voulons pas d'imposition du péage sur un pont qui remplace un pont existant. Je tiens à le dire, il n'y a aucun ajout de services pour nos populations.
Le gouvernement fédéral, propriétaire du pont, à l'avantage général du Canada, doit revenir sur sa décision d'imposer un péage sur un pont de remplacement. Le pont Champlain n'est pas un pont local; comme le disait M. Coderre, c'est un pont d'intérêt général, et on pense qu'il revient à tous d'y contribuer.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président : Cela a l'avantage d'être clair.
Le sénateur Housakos : Monsieur Coderre et madame St-Hilaire, bienvenue et merci pour vos témoignages.
Monsieur Coderre, vous êtes le maire de Montréal, mais vous avez confirmé que vous aviez aussi un autre chapeau —
M. Coderre : Oui.
Le sénateur Housakos : — celui du président de la Communauté métropolitaine de Montréal, la CMM, qui regroupe toutes les municipalités de Montréal, de Laval, de Longueuil, et les couronnes sud et nord.
En 2012, vous avez fait des travaux de planification de développement du transport métropolitain et ainsi que des consultations pour financer des investissements de l'ordre de 14 milliards de dollars en faveur des infrastructures du transport en commun.
Avant de continuer avec mes commentaires, je propose que le rapport intitulé Étude sur la tarification routière pour la région métropolitaine de Montréal — c'est un rapport qui a été fait pour la Communauté métropolitaine de Montréal — soit déposé auprès du greffier et qu'il soit classé comme pièce.
Lors de ces consultations, un communiqué de la CMM du 5 février 2013 déclarait que 68 mémoires étaient favorables à l'établissement d'un péage métropolitain. Pourquoi nous dire aujourd'hui, que le péage n'est pas une bonne option pour financer une infrastructure de transport?
J'ai en main l'étude conjointe CMM-CIRANO — c'est la pièce que j'ai déposée — sur la tarification routière pour la région métropolitaine de Montréal de juin 2013. Aux pages 19 et 20, on indique que la CMM a accordé la priorité, dans son plan de transport, à des investissements de 14,6 milliards de dollars d'ici 2021. On voit dans le tableau de la page 20 un montant de 1,5 milliard de dollars consacré au SLR, le SLR que la Ville de Montréal et la Ville de Longueuil ont aussi établi comme priorité. L'étude recommande l'instauration d'un péage pour financer la partie métropolitaine de cet investissement, dont le SLR fait partie.
S'il est acceptable de financer le SLR par un péage, pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour en financer la structure? Au bas de la page 3, on précise : « Il semble que la stratégie de communication recommandée pour le péage est d'attendre le moment opportun et de s'assurer de communiquer avec la population afin de rendre acceptable socialement le projet de péage. »
Je ne comprends pas votre opposition au péage, alors que toutes vos instances — la CMM, les villes, les sociétés de transports et les organismes du milieu — favorisaient un péage métropolitain il y a moins d'un an.
Est-ce une stratégie de dire que vous vous opposez à ce que propose le gouvernement fédéral, qui veut imposer un péage métropolitain? Est-ce qu'au fond, c'était votre véritable intention, monsieur Coderre?
Le président : Avant de donner la parole à M. Coderre, étant donné que le document est en français seulement et qu'il ne peut être distribué, on peut se référer au document, mais vous comprendrez que nous allons attendre, dans la mesure du possible, avant de le mettre en annexe et d'en débattre, de nous assurer d'en avoir une version anglaise.
Il est rare que je fasse la défense de cette façon.
[Traduction]
L'inverse est plus probable : un document en anglais seulement qui ne serait pas déposé en français. Je suis certain que le sénateur Greene serait heureux d'avoir une version anglaise.
[Français]
Monsieur le maire, je ne voulais que clarifier la situation.
M. Coderre : J'ai vécu cette situation pendant 16 ans et je devais m'assurer que les discours étaient bilingues.
Le président : Ayant partagé le caucus avec vous, j'ai hâte de voir comment ils ont traduit l'expression « pas de péage pantoute ». On le verra dans les transcriptions.
M. Coderre : On pourrait écrire un livre sur certaines expressions que j'ai utilisées au fil des ans.
Sénateur Housakos, il est arrivé quelque chose d'important et de majeur, le 3 novembre dernier. Cela s'appelle une élection. Et il y a une nouvelle administration.
Je pense que le message est clair qu'il y a une différence entre l'infrastructure et le transport collectif. Il y a un pont qui a été mal fait. Tous partis confondus au fédéral, ce n'est pas la question. On y met des centaines de millions parce qu'il est en train de tomber. Il y a eu, finalement, au fur et à mesure, des inspections qui nous ont avertis que ça presse; il était même supposé se faire en 2021 et maintenant c'est prévu en 2018 — et j'espère qu'on va mettre les bouchées doubles.
Donc, il y a une petite distinction entre transport collectif et infrastructure. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une administration auparavant qui a sorti un rapport quelconque — en passant, c'était à propos de la façon dont on doit financer le transport collectif; il y a une maudite nuance entre un transport collectif et le rôle que le fédéral doit assumer, parce qu'il s'agit d'une société des ponts qui appartient au gouvernement fédéral. Ce pont-là était mal fait. Si c'était un nouveau pont, je veux bien, mais c'est un pont de remplacement.
Donc, la nuance est très importante, parce que, dans ce que j'entends de vos questions et que j'ai entendu du bureau du premier ministre, M. Harper, on ressort toujours les mêmes affaires : c'est un pont local, pourquoi est-ce qu'on investirait, vu que ça touche juste le Québec. C'est important de faire des nuances.
Nous, finalement, nous allons nous poser des questions concernant le transport collectif. D'ailleurs, vous devriez faire passer le message au gouvernement, s'il vous plaît, étant donné que vous êtes du côté gouvernemental : on attend avec beaucoup d'impatience la signature du protocole entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada par rapport aux infrastructures, parce qu'elle va contenir aussi des éléments importants, en fin de compte, pour définir la façon de financer, par exemple, certains programmes.
Ainsi, je vous demanderais respectueusement, monsieur Housakos, de ne pas mélanger les choses. En fin de compte, oui, on doit investir davantage dans le transport collectif. À la CMM, sous notre administration, parce que Mme St-Hilaire y est pour beaucoup, on travaille présentement à redéfinir la façon de planifier les transports en termes de gouvernance et de financement; c'est une affaire qui touche les municipalités. J'ai été député et ministre assez longtemps, et quand il y a des choses qui touchent le gouvernement du Canada et que celui-ci a mal fait ses affaires, il a une responsabilité envers les citoyens, qui sont aussi des contribuables. C'est pour cette raison qu'on dit, finalement, qu'on est peut-être d'une école de pensée différente, mais que le gouvernement canadien se doit d'investir et de refaire ce pont qui a été mal fait, et ce n'est pas aux gens de la Rive-Sud, ni de la Rive-Nord, ni de Montréal de payer ça. On paie déjà des taxes, et on est fier de payer des taxes, parce qu'on vit dans une société dans laquelle on a dit que le partage était important. Si on a choisi cette société-là, cela veut dire aussi investir, et investir dans les infrastructures, et c'est le rôle du gouvernement de le faire.
Le président : Madame St-Hilaire?
Mme St-Hilaire : Merci, monsieur le président. Contrairement à M. Coderre, j'étais là en février 2013. À l'époque, ce que le gouvernement provincial nous demandait, au monde municipal, c'était de faire nos devoirs sur les sources de financement dont on aurait besoin pour faire tous les travaux, notamment le SLR et le train de l'est. On nous demandait si nous pouvions avoir le courage de nos ambitions, et de nous asseoir ensemble, tout le monde municipal, pour déterminer comment nous pourrions faire pour aller chercher de l'argent — car autant les villes que les gouvernements n'ont jamais d'argent, et, dans le fond, c'est toujours la municipalité qui doit chercher. Ce qu'on a fait à l'époque avec l'ensemble des partenaires de la communauté métropolitaine, ce fut de définir un cadre financier. Il se montait à environ 5 milliards de dollars, il y avait plein de projets partout et, effectivement, personne à l'époque ne parlait d'être pour ou contre le péage; on était davantage orienté vers un péage métropolitain. Mais ce débat, comme l'a dit M. le maire, c'était un débat qu'on voulait faire chez nous, à l'interne, entre nous, le tout dans une perspective d'augmenter l'offre de transport en commun.
Ce qu'on nous dit aujourd'hui, par l'intermédiaire du gouvernement fédéral, c'est que, non seulement on n'ajoute pas d'infrastructures, on ne bonifie pas le transport en commun, mais en plus, on augmente le péage pour les citoyens. Alors, c'est ce qui fait que cela devient un peu incohérent. Je voulais simplement vous remettre en peu en contexte.
Le sénateur Housakos : Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord sur le fait que le nouveau pont est un pont de remplacement. C'est un nouveau pont. Il y a des choses qu'on est en train d'ajouter, comme le SLR, et on est en train d'examiner d'autres options liées aux transports en commun; on est en train d'augmenter le volume des autos qui vont emprunter ce pont. Ce n'est pas tout à fait un pont de remplacement. C'est un nouveau pont, qui comprend toutes les options qu'on est en train d'examiner.
L'autre question que j'ai, monsieur Coderre, comme citoyen de Montréal, comme contribuable de Montréal, c'est qu'il y a eu plusieurs administrations qui partageaient l'opinion, et je la partage également comme contribuable de la ville de Montréal, que, pendant des années, l'île de Montréal a accueilli des étrangers de partout, de la rive nord, de la rive sud, des gens qui viennent sur l'île de Montréal, qui utilisent nos infrastructures et qui ne paient pas pour ces infrastructures. Ils entrent dans la ville quotidiennement, y travaillent, y vivent, utilisent et bénéficient des infrastructures montréalaises, et repartent, retournent à Saint-Eustache, à Longueuil, et Montréal n'a pas la capacité de demander à ces gens-là s'ils seraient prêts à partager les coûts pour cette grande ville.
Quelle est votre perspective sur cette question?
M. Coderre : Sénateur Housakos, encore une fois, en tout respect, comme Montréalais, vous devez être à même de constater que Caroline n'est pas une étrangère pour moi. Elle fait partie du Grand Montréal. Moi, je ne me bats pas contre Sainte-Julie, Longueuil, Laval ou Sainte-Thérèse. Je me bats contre Madrid, Boston, New York (surtout contre New York en ce moment, et on va gagner en sept... Ça sort tout seul, sénateur Demers; j'avais promis à mon gars de parler de hockey ce soir!)
Plus sérieusement, le cadre financier entre les municipalités sur la gouvernance et le fonctionnement, c'est une chose. Aujourd'hui, le message qu'on envoie c'est que nous sommes une métropole. Nous parlons comme métropole. C'est facile de diviser pour régner et d'essayer de créer des chicanes entre les municipalités; mais j'ai le regret de vous annoncer qu'il n'y en aura pas, parce que nous parlons d'une seule et même voix. On doit s'investir davantage. Vous avez connu les anciennes administrations à Montréal, et vous avez vu qu'il y a eu des problèmes en termes d'infrastructures. On a investi dans les 10 dernières années, il faut faire les choses autrement; on a amené l'inspecteur général. Il y a plein de choses qu'on a faites, et on va investir et s'investir.
Mais le débat d'aujourd'hui, n'est pas de se demander si les gens du nord ou du sud sont des étrangers qui, dans le fond, viennent profiter des infrastructures de Montréal. Ils font partie de ce que j'appelle le trésor national, le patrimoine global qui fait en sorte que Montréal, dans son ensemble comme métropole, comme grande région, rayonne sur la scène internationale. Que des gens qui vivent à Longueuil viennent travailler à Montréal, c'est l'ensemble des deux régions qui en bénéficie. Le débat qu'on doit avoir aujourd'hui, c'est de préciser qu'il ne s'agit pas d'un nouveau pont, car c'est un pont qui est en train de tomber et qu'on doit remplacer.
L'autre problème, sénateur Housakos, moi j'habite à côté du pont Pie-IX; si on commence à mettre un poste de péage sur Champlain — mais là, vous êtes du fédéral — allez-vous en mettre un sur la moitié de Mercier? Allez-vous en mettre un sur le pont Jacques-Cartier? Parce que, oui, c'est vrai, il y a des problèmes de congestion, mais il faut qu'on sorte aussi. On paie des deux bords. Alors ça, c'est un problème majeur. Il y a des études là-dessus : si vous commencez à mettre des postes de péage partout à cause d'une infrastructure, vous allez créer un effet de « trou de beigne » qui va avoir un impact. Là, je vous parle comme Montréalais. Si vous voulez vous assurer qu'on protège l'économie de Montréal, vous ne voulez pas que les gens se disent que c'est trop compliqué dans la région de Montréal et qu'ils aillent ailleurs, dans une autre province. Non seulement il y aura un impact économique pour l'Est du Canada, mais également pour Montréal et sa région.
Alors, faites attention, ce n'est pas un jeu politique, ce n'est pas le « sounding bite » pour savoir qui va faire les nouvelles ce soir. C'est un projet de société. On veut assurer un meilleur développement durable, une réponse à la congestion, une meilleure qualité de vie, et un impact majeur en termes de développement durable et de transports collectifs; profitons justement de cette infrastructure qu'on va refaire pour s'ajuster en conséquence parce qu'on l'avait mal faite à l'époque. Contrairement à des infrastructures qui existent et pour lesquelles, bien souvent, quand on les a eu finies, on était en retard de 20 ans — je parle de la métropolitaine —, pour une fois, on va essayer de construire un pont qui dure 125 ans. S'il y a des ponts romains qui durent 2000 ans, on doit être capable, bout de viârge, d'en construire un qui va tenir le coup 125 ans! Est-on obligé de payer deux fois pour cette affaire-là? Non. Parce qu'on a une responsabilité, pas juste à l'égard des contribuables, mais comme gouvernement. Quand on a des infrastructures entre les mains, notre devoir est de nous assurer que nous puissions offrir une qualité de vie aux gens, et cela passe aussi par les infrastructures.
Je ferais le même discours pour Cornwall, le même discours pour St-John au Nouveau-Brunswick; on s'est assez battu pour s'assurer justement qu'il puisse y avoir un partage. Dans tous les cas, tout ce qu'on demande, ce n'est pas une question de juste part, c'est une question de dire que le gouvernement du Canada a une responsabilité, et cette responsabilité ne demande pas d'avoir un poste de péage. Tout simplement.
Le président : Madame St-Hilaire?
Mme St-Hilaire : Tout a été très bien exprimé, mais ce que je lis entre les lignes de votre discours, c'est effectivement qu'encore une fois le 450 vient déranger la quiétude de Montréal.
Moi, j'aime entendre le discours du maire de Montréal, qui nous voit comme des partenaires. Si, chaque matin, des gens franchissent des ponts et prennent le métro pour aller travailler, on devrait en être content plutôt que d'entendre le discours que nous sommes des étrangers.
J'ai dû tourner ma langue sept fois, parce que je n'aime pas penser que je suis une étrangère à la ville de Montréal. J'aime plutôt penser que, quand je viens travailler à Montréal, je contribue comme citoyenne ou comme travailleuse. Je pense qu'il faut voir cela plus globalement que dans l'intérêt unique de Montréal ou d'avoir une courte vue.
Quand on me demande de payer le déficit du métro de Montréal, pensez-vous que tous les citoyens de Longueuil ont toujours pris le métro de Montréal? Non. Mais ils paient le déficit du métro, parce que cela fait partie des équipements métropolitains et qu'ils sont contents d'avoir accès au métro de Montréal.
Il y a une station de métro depuis 45 ans sur mon territoire. Alors, je ne pense pas avoir abusé du système de transports en commun. Quand on me dit qu'aujourd'hui, je suis une étrangère et que je dois payer davantage pour une infrastructure qui aurait dû durer 100 ans mais qui, compte tenu du fait qu'elle a été mal entretenue, n'a duré que 45 ans, excusez-moi, mais je n'ai pas l'impression que c'est moi qui suis l'étrangère.
[Traduction]
Le sénateur Greene : L'un de vos arguments principaux, c'est que le pont Champlain devrait être un pont d'intérêt national, qu'il fait partie du réseau qui nous unit. Cet argument touche une corde sensible chez moi; c'est un point intéressant.
Je suis certain que vous conviendrez que l'autoroute transcanadienne est une artère qui relie les Canadiens d'un océan à l'autre, mais en Nouvelle-Écosse, il y a des péages sur une partie du tronçon de la Transcanadienne qui relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, et il s'agit d'un tronçon essentiel du réseau.
Étant donné qu'il ne serait pas difficile de trouver d'autres exemples de ce genre d'un bout à l'autre du pays, votre argument à cet égard n'est-il pas un peu faible?
M. Coderre : Il y a eu un choix à Halifax. Avec tout le respect que je vous dois, en tant que Québécois — en tant que Montréalais —, j'étais heureux de voir le gouvernement fédéral financer une autoroute canadienne. En fait, j'étais un membre du Cabinet et j'ai voté pour. C'est important, parce que lorsque nous avons créé le programme d'infrastructure, en1993, ce n'était pas seulement pour créer des emplois, mais aussi pour améliorer la qualité de vie des gens, car nous savons que les infrastructures essentielles sont importantes.
Je sais une chose : si j'étais là pour remplacer quelque chose qui a été mal fait au départ, je dirais qu'il faut le refaire.
On me dit toujours que l'argument est faible, qu'il s'agit d'un pont local qui ne fait que relier deux rives. Mon Canada n'est pas fondé sur la division; il vise à s'assurer que tous les citoyens canadiens sont unis. Voilà pourquoi nous avons un système de soins de santé et toutes ces choses. Je suis certain que l'un de vos plus grands maires, Mike Savage, conviendrait que ce n'est pas à Gaspé ou Vancouver de payer pour Halifax.
Le sénateur Greene : C'est un bon maire.
M. Coderre : En effet. Vous êtes de Montréal aussi. N'oubliez pas d'appuyer le Canadien.
Voici la réalité : il faut comprendre les faits et le libellé. Il faut s'entendre sur le vocabulaire, parce que c'est important; les mots ont du poids. Ensuite, nous saurons à quelle école de pensée nous appartenons.
Qu'une province décide par la suite de consacrer des fonds à l'entretien de ses autoroutes, c'est une chose. Le rôle du gouvernement est un rôle de facilitateur, dans ce régime à un tiers chacun et le dernier tiers du programme d'infrastructures. On parle maintenant de deux ponts qui appartiennent au gouvernement fédéral. Je ne sais pas ce qu'il en sera à l'avenir, mais pour le moment, ils appartiennent au gouvernement fédéral, dont le devoir est de s'assurer qu'ils tiennent debout, tant pour la sécurité que pour l'économie.
Puisque nous estimons qu'il ne s'agit pas d'un pont local et qu'il est d'une importance capitale pour l'ensemble de l'économie, il ne faut pas y mettre un péage.
Le sénateur Greene : Comme je l'ai dit, l'autoroute transcanadienne n'est pas une route locale non plus, mais on y trouve pourtant des péages.
M. Coderre : Non. Nous la payons aussi, et nous en sommes heureux.
Le sénateur Greene : Vous en avez payé une partie.
M. Coderre : Évidemment.
Le sénateur Greene : Vous avez également comparé les péages proposés à une nouvelle taxe. Nous avons deux ponts, à Halifax, et ils sont tous les deux à péage. Ils ont toujours été des ponts à péage, mais les tarifs ont augmenté au fil du temps. Donc, c'est comparable à une nouvelle taxe, comme vous l'avez expliqué.
Par rapport aux taxes, en quoi les ponts en Nouvelle-Écosse sont-ils différents du pont proposé à Montréal?
M. Coderre : Parlez-vous du pont de la Confédération, par exemple?
Le sénateur Greene : Non, je parle des ponts qui relient Halifax et Dartmouth.
M. Coderre : Ce pont appartient-il au gouvernement fédéral?
Le sénateur Greene : Deux ponts, tous deux à péage.
M. Coderre : Appartiennent-ils au gouvernement fédéral?
Le sénateur Greene : Non.
M. Coderre : C'est exactement ce que je veux faire valoir. Le gouvernement provincial décide de ses propres politiques publiques.
Sauf votre respect, sénatrice, voilà pourquoi le libellé est si important. J'irais même plus loin. Nous en avons un sur l'autoroute 25. Nous y avons construit un tout nouveau pont. Nous avions d'autres solutions, parce qu'il y avait des ponts sans péage à proximité, et puisqu'il s'agissait d'un partenariat public-privé, un péage y a été instauré. Cependant, les gens ont le choix de l'emprunter ou pas, parce que c'est un pont secondaire. Donc, il n'y a là aucun problème.
Pour l'autoroute 30, c'est la même chose. Il y a une solution de rechange. Or, nous parlons du pont Champlain Bridge. Le pont Champlain...
Le sénateur Greene : Toutefois, il y a des solutions de rechange au pont Champlain : le pont Victoria Bridge ou le tunnel. Ce sont des routes alternatives.
M. Coderre : Laissez-moi terminer. Si vous y mettez un péage, les gens iront ailleurs. Dans ce cas, il y aura plus de circulation, ce qui se répercutera sur les autres ponts. Le choix est de savoir si nous voulons payer ou non. Si c'était un tout nouveau pont, vous auriez peut-être un argument, mais dans ce cas, il s'agit du remplacement d'un pont existant. La solution de rechange à un pont gratuit, c'est un autre pont gratuit, c'est-à-dire sans péage.
Autrement, les gens emprunteront le pont Jacques-Cartier. Vous connaissez Montréal; c'est votre ville d'origine. Qu'on prenne le pont Jacques-Cartier, le pont Mercier ou le pont Victoria, on n'est pas plus avancés, parce qu'il y a des bouchons de circulation partout sur la Rive-Sud.
Le sénateur Greene : Vous soulevez un bon point, parce que l'une des choses qui font en sorte que les péages fonctionnent, c'est qu'ils offrent des solutions de rechange, parce qu'il est important que les gens aient un choix. À Halifax, les gens ont le choix de ne pas emprunter les ponts, mais ils doivent alors faire le tour du bassin de Bedford. Dans le cas du péage sur la Transcanadienne, en Nouvelle-Écosse, les gens peuvent choisir de prendre l'ancienne route, qui est beaucoup plus longue et pas aussi sécuritaire.
En ce qui concerne le pont Champlain, il y a d'autres solutions. Les gens iront-ils ailleurs? À Halifax, les gens ne font pas le tour. Ils utilisent les ponts à péage, parce que c'est mieux et c'est plus court.
M. Coderre : Là n'est pas la question. Il y a deux aspects, ici.
Premièrement, pourquoi est-ce que je prendrais un pont à péage quand, pendant la campagne électorale de 1988, le gouvernement conservateur a fait une promesse — à juste titre —, parce qu'il n'y avait qu'un seul pont à péage et qu'il y avait eu auparavant des luttes par rapport à diverses autoroutes? Le seul péage qui restait était sur le pont Champlain, et le gouvernement l'a éliminé. Pourquoi? À cause de tous ces problèmes.
Or, on parle de remplacer un pont existant, et vous voulez le réinstaurer. C'est comme essayer de remettre le dentifrice dans le tube. Il y aura des problèmes.
Je dis simplement que le choix, c'est de remplacer un pont sans péage par un autre pont sans péage. Si nous construisons de nouvelles autoroutes ou de nouveaux ponts, si les gens veulent les emprunter, ils le feront, comme c'est le cas de l'autoroute 25. On parle d'un pont qui appartient au gouvernement fédéral, d'un pont qui doit être refait pour des raisons de sécurité, et cetera. Dans le dernier budget, on a prévu 600 millions de dollars au cours des deux prochaines années seulement pour le maintenir en état.
Sénateur, nous convenons sans doute que nous ne sommes pas d'accord sur cette question, mais je suis convaincu que même les gens d'Halifax seront de mon avis : il est temps que chacun contribue, pour toutes les entreprises canadiennes. Ce pont est celui de tous les Canadiens.
Le sénateur Eggleton : Eh bien, j'ai peut-être un parti pris, mais j'aime bien écouter les maires discuter. Il y a une exception, dans ma propre ville, mais je n'irai pas plus loin.
M. Coderre : J'ai entendu dire que les gens de Toronto s'ennuient de vous.
Le sénateur Eggleton : La raison pour laquelle j'aime bien vous écouter, c'est que vous avez présenté un argument très convaincant. Il s'agit d'un remplacement. Ce n'est pas un pont supplémentaire. Si le gouvernement conservateur a choisi d'éliminer le péage en 1990 parce qu'il a jugé qu'il n'était plus justifié d'en avoir, alors je pense que le pont de remplacement — parce que le pont actuel n'a manifestement pas été bien construit, comme nous l'avons constaté dans notre étude sur la question — n'est que cela : un pont de remplacement.
Vous avez fait valoir qu'il ne devrait pas y avoir de péage, mais Mme St-Hilaire a également parlé de la circulation. La modification des habitudes de déplacements vers ces différents ponts aura un effet considérable sur vos villes et sur la planification des transports. Je pense que vous avez présenté des arguments fort convaincants.
Mettons de côté le péage pour quelques minutes. Parlons plutôt de la planification relative à ce pont. Cela aura aussi d'importantes répercussions sur vos collectivités. Avez-vous été consultés? Existe-t-il un mécanisme ou un cadre de travail adéquat pour régler les problèmes pendant la construction?
M. Coderre : Honnêtement, nos relations avec le ministre Lebel sont bonnes. Nous avons la possibilité de nous parler; il suffit de l'appeler par téléphone. C'est le processus qui pose problème, cependant. On nous dit qu'il s'agit d'un pont qui appartient au gouvernement fédéral, comme le ministre lui-même l'a indiqué, et qu'il relève donc du fédéral de s'en charger.
Respectueusement, par rapport à notre participation au processus de décision, je dirais que lorsque le fédéral mettra en place les mesures d'atténuation — et cela ne concerne pas seulement le pont, mais le raccordement aux autoroutes 10 et 15, en plus d'un éventuel boulevard urbain —, il faudrait que l'on n'apprenne pas aux nouvelles ou dans une note de service reçue la veille qu'on nous demande de participer davantage. En fait, nous devrions faire partie du processus de décision.
Ce n'est pas seulement lié au pont. En fait, nous disons la même chose au gouvernement du Québec, parce qu'en fin de compte, l'administration la plus proche de gens, c'est nous. Il est important que nous travaillions tous ensemble. Ce sera le chaos; nous savons qu'il y aura des bouchons de circulation. La construction du nouvel échangeur Turcot aura lieu en même temps. Il y aura donc beaucoup d'emplois dans ce secteur.
Si nous comparaissons devant vous aujourd'hui, et nous en sommes ravis, c'est pour faire comprendre au gouvernement que nous ne cherchons pas un affrontement. Nous voulons un partenariat. Nous pouvons convenir que nous ne sommes pas d'accord dans une certaine mesure, mais c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous discutons pour formuler un libellé acceptable afin que les gens sachent que nous sommes sur la même longueur d'onde.
Nous voulons également être des partenaires à part entière. Nous ne croyons pas au péage. Nous croyons au partenariat. Nous croyons à un processus décisionnel commun. Nous sommes des partenaires à part entière, et nous sommes prêts à collaborer. Nous profitons de l'occasion pour transmettre un message aux Canadiens, aux milliers de personnes qui nous écoutent ce soir, et aux journalistes, qui disent, « Nous vivons peut-être dans une bulle à Ottawa ».
Il est important de discuter pour en arriver à un libellé acceptable, et de préciser que ce n'est pas un pont local et qu'il appartient à tous les Canadiens. Il a d'importantes répercussions sur l'économie et, de façon générale, nous nous heurterons non seulement à des problèmes sur la Rive-Sud, mais aussi dans nos circonscriptions. Toutefois, si nous voulons prévenir ces problèmes, nous devrions tous collaborer et prendre les décisions ensemble.
Le sénateur Eggleton : Beaucoup de gens regardent également la partie des Blue Jays ce soir. Je voulais en profiter pour faire cette publicité puisque vous avez eu la chance de faire la vôtre tout à l'heure.
M. Coderre : Je les félicite.
Le sénateur Eggleton : Savez-vous qu'il y a suffisamment de Montréalais et de Québécois ici présents que votre motion contre le péage pourrait être adoptée?
M. Coderre : Je ne sais toutefois pas dans quel sens votera la sénatrice Green.
[Français]
Le sénateur Demers : Vous avez répondu à la première question pour ce qui est de la fréquentation des autres ponts. À cause du péage, d'autres ponts seront empruntés.
Monsieur Coderre, vous venez de mentionner le ministre Lebel. Celui-ci a dit également que vous aviez une bonne communication. Peu après avoir annoncé votre départ de la politique fédérale, vous avez affirmé, en entrevue, sur une station de radio, que M. Lebel avait livré ce dossier. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce point?
M. Coderre : Ce que j'ai aimé de Denis — je peux l'appeler Denis, car on se connaît depuis assez longtemps — c'est qu'il a écouté. Si vous avez des fonctionnaires de Transports Canada, peu importe le gouvernement, ce sont toujours les mêmes. Ils peuvent avoir une certaine tendance à s'étirer. Alors nous avons partagé une certaine inquiétude.
Lorsque j'étais député, ma dernière fonction était à titre de critique des transports et des infrastructures. Nous posions alors beaucoup de questions à ce sujet. Il est insensé de n'avoir un pont qu'en 2021. Si on peut le terminer en 2018 et faire évoluer ce dossier, ce serait préférable.
Nous sommes en profond désaccord. Je comprends le ministre. Il y a une solidarité ministérielle : sans péage, pas de pont. Mais si le pont ne fonctionne pas, vous n'allez pas le faire parce qu'on ne veut pas de péage? C'est insensé.
Il n'empêche que nous avons une très bonne communication. Le moment venu, nous nous parlons, au besoin. J'ai félicité le ministre, parce qu'on a eu gain de cause pour obtenir un pont en 2018. La question de péage est si importante qu'elle ne figure même pas dans le contrat du PPP. Cette question relève du gouvernement canadien.
Nous sommes en politique. S'il est question de politique pour changer la date de 2021 à 2018, je demande qu'il soit question de politique également dans le bon sens du terme. À titre d'entraîneur, lorsque que vous avez travaillé pour Coca Cola, et à titre de sénateur, vous avez été une personne près du peuple. Vous avez déjà pris le pont. Vous connaissez son importance. Il est donc important de penser aux citoyens.
Lorsqu'on parle de postes de péage, on parle aussi d'iniquité. Tout le monde va payer. Or, ces gens paient déjà de l'impôt. Par conséquent, ce que nous disons au ministre Lebel, c'est que nous sommes capables de nous entendre et de travailler ensemble. Mettez les postes de péage de côté, ce n'est pas là l'enjeu. Par la suite, nous discuterons du financement du transport collectif pour trouver une nouvelle façon.
Vous avez dû remarquer, au Québec, qu'il y a un nouveau partenariat, une nouvelle voix municipale. On travaille tous et toutes ensemble. C'était vrai dans le temps du gouvernement de Mme Marois, c'est encore vrai avec le gouvernement de M. Couillard. Nous avons cette stabilité et nous sommes capables de travailler ensemble.
M. Harper est le premier ministre de tous les Canadiens. M. Lebel le représente dignement. On lui demande d'écouter. Nous ne sommes pas seuls. Il n'y a pas que nous deux. Il y a l'Association des camionneurs et tout le monde. Vous pouvez nous sortir quelques éditoriaux qui nous diront le contraire. La réalité sur le terrain est que les gens comprennent l'importance de ne pas mettre en œuvre de péage sur ce pont.
Mme St-Hilaire : Effectivement, nous avons une bonne collaboration. Nous avons été nombreux à applaudir quand M. Lebel a annoncé le remplacement du pont Champlain et quand il a annoncé qu'il allait en devancer la construction. Il faut toutefois se rappeler pourquoi il la devance. Il y a beaucoup d'investissements à faire pour réparer le pont et il y a urgence.
Cependant, après avoir bien applaudi cette initiative, c'est comme si on payait pour accélérer les travaux. Compte tenu du fait que les choses avancent à grande vitesse, il faudrait mettre un péage et faire payer les gens. C'est là où j'ai arrêté d'applaudir.
Je représente des gens qui se disent heureux du nouveau pont, car il fallait que cela se fasse, et que c'est une bonne décision. Maintenant, nous payons deux fois, et cette situation nous rend un peu inconfortables.
Nous jouissons d'une très bonne collaboration. D'ailleurs, M. Lebel en a été conscient lorsqu'il a fallu fermer le pont. Quand vous décidez, comme gouvernement, de fermer le pont pour installer une superpoutre, nous devons pallier cette lacune. Nous devons augmenter le nombre d'autobus et répondre aux citoyens. Il est plutôt rare que l'on appelle le député fédéral parce que l'autobus n'est pas passé. Habituellement, c'est au maire ou au conseiller que l'on s'adresse. Les impacts pour nous sont réels.
M. Lebel a travaillé avec nous parce que, dès qu'il fermait le pont et qu'il devait apporter des ajustements, il comprenait qu'il ne pouvait pas nous éviter, dans le monde municipal, puisque c'est à nous d'offrir le service. Je crois que c'est tout à son honneur.
S'il est un dossier dont on me parle tous les jours, chez nous, c'est ce dossier du péage, qui fait l'unanimité dans notre population.
Le sénateur Demers : Madame St-Hilaire, vous avez parlé du fait que Mme Verner allait dans votre coin. La famille Demers va chez vous régulièrement.
Mme St-Hilaire : C'est vrai?
Le sénateur Demers : Malheureusement, nous détenons un lot dans votre cimetière et nous allons jouer au golf dans votre coin. Vous avez donc une belle ville.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Merci à vous deux. Je vais très souvent à Montréal. Je pense que nous avons beaucoup en commun, monsieur Coderre. Je suis un grand partisan des Expos. Je suis allé à Montréal à la fin mars, et plus de 50 000 personnes étaient réunies au stade un samedi après-midi. C'était formidable d'être là. Mon équipe a toujours été les Expos, et non pas les Blue Jays. Quoi qu'il en soit, je quittais régulièrement la Nouvelle-Écosse pour aller à Montréal. Je logeais toujours à Longueuil, à l'hôtel Sandman, et je prenais le métro. Le trajet de l'hôtel pour me rendre à mon siège, quelques bières en mains, prenait une vingtaine de minutes. Je prenais toujours le métro lorsque j'y allais.
Vous avez évoqué à quel point les contribuables sont imposés, et une chose que les Néo-Écossais et les Québécois ont en commun, c'est qu'ils sont les plus lourdement imposés au pays. Nous payons des droits de péage. Environ 40 p. 100 des citoyens de la Nouvelle-Écosse habitent à proximité d'Halifax-Dartmouth. Nous payons des droits de péage sur ces ponts depuis 50 ou 60 ans. Je ne pense pas que c'est aux contribuables de payer l'infrastructure publique. Je crois que c'est aux utilisateurs à le faire. C'est une divergence idéologique, mais je crois fermement que les utilisateurs devraient payer.
Vous avez mentionné que le gouvernement fédéral devrait assumer ses responsabilités financières et construire ce pont. Eh bien, nous allons le faire, mais nous allons imposer des droits de péage pour en payer la construction. Je crois fondamentalement à cette approche, que ce soit en Nouvelle-Écosse, au Québec ou en Colombie-Britannique. Lorsqu'il est question de gros projets d'infrastructure publique de cette nature, je pense que les utilisateurs devraient payer. Nous devrions adopter cette philosophie au pays au lieu de la rejeter, car à long terme, nous servirons mieux les intérêts des contribuables.
Vous avez mentionné la congestion dans la région de Longueuil. Eh bien, je crois que cela vous donne l'occasion de rationaliser la façon dont vous utilisez ces ponts et les nouvelles infrastructures aux alentours de Montréal. Vous pourriez structurer le système comme vous le voulez. Vous avez des gens qui sont plus compétents que moi pour se pencher là-dessus, mais vous pourriez structurer un tout nouveau système de péage, de modeste à élevé, pour diriger la circulation dans la direction que vous voulez à différents moments de la journée, de la semaine ou du mois. Je pense qu'il est temps d'intervenir et de faire preuve de créativité.
Montréal a d'énormes problèmes d'infrastructure. Nous le savons, pas seulement avec ce pont, mais il y a eu toutes sortes de nouvelles à propos de Montréal au cours des 20 dernières années au sujet de problèmes avec le réseau routier et ce genre de choses. Il est temps de faire preuve de leadership dans ce secteur. Je suis convaincu que le péage est la solution, et je crois que vous devriez envisager cette avenue comme une occasion de restructurer la façon dont vous gérez les infrastructures à Montréal et dans ses environs.
Je pense également que c'est inévitable. Ce pont sera construit, mais il sera payant, et je pense que vous devriez vous pencher sur la question. Je veux voir Montréal croître et prospérer. Dans le Canada où je suis né, Montréal était la plus belle ville au pays. Je veux qu'elle le redevienne. Il y a différentes façons de mesurer cela.
M. Coderre : Sénateur MacDonald, j'ai beaucoup de respect pour ce que vous dites, mais je ne suis pas d'accord avec vous et je vais vous donner une raison.
Premièrement, si nous devons redéfinir la façon dont nous nous administrons en tant que métropole — je parle donc de la communauté ici —, et si nous devons constituer un cadre financier sur la façon dont nous paierons pour l'avenir du transport en commun, ce n'est pas en témoignant devant le comité et en insistant pour mettre en place un poste de péage que nous accomplirons quoi que ce soit.
Deuxièmement, j'aimerais demander au gouvernement fédéral de m'expliquer pourquoi c'est entre 3 et 5 milliards de dollars, car 2 milliards, ce n'est pas rien. Donnez-nous le plan financier, le plan d'affaires.
Quelle part des fonds qui seront dépensés reviendra dans le Trésor public sous forme de taxes et de revenus? Je suis désolé, mais les 3 à 5 milliards de dollars reviendront assez vite dans les coffres du gouvernement fédéral. Nous devons donc faire attention. Vous ne nous faites pas de cadeau en nous disant, « Oh, nous vous construisons un pont pour la somme de 3 à 5 milliards de dollars ». Non, car c'est une infrastructure qui aura d'importantes répercussions sur l'avenir économique parce que la Voie maritime du Saint-Laurent, la St. Lawrence Seaway, et le pont aident non seulement l'Ontario et les Grands Lacs, mais aussi l'est du Canada. Le rendement du capital investi dans la construction de ce pont est énorme.
Soit dit en passant, je viens d'annoncer des investissements de 18 milliards de dollars dans l'infrastructure au cours des 10 prochaines années. Nous faisons nos devoirs. La ministre fait ses devoirs parce que c'est son deuxième mandat, et elle fait un travail remarquable. La différence maintenant, c'est que nous nous exprimons tous d'une seule et même voix, ce qui nous rend forts. Nous pouvons décider entre nous de la façon de définir et de financer les projets — et nous en sommes là, en fait — par l'entremise de la gouvernance, de l'administration et du financement, mais la décision nous appartient.
Ne faites pas dévier le débat. Nous discutons des questions suivantes : À qui appartient ce pont? Qu'allons-nous en faire? Comment allons-nous le financer? Nous nous entendons pour dire que nous ne sommes pas d'accord, mais comment allons-nous le financer, et quels sont les responsabilités et les devoirs des contribuables et du gouvernement fédéral à l'égard de cette infrastructure?
Le sénateur MacDonald : J'ai quelques réponses à vous donner, je crois bien.
Vous faisiez partie du gouvernement Chrétien en 1993, lorsqu'il a privatisé tous les aéroports au pays. Les aéroports avaient du mal à trouver du financement depuis des années. Ils étaient mal desservis, leurs infrastructures étaient mauvaises et nous les avons tous privatisés et leur avons confié le pouvoir de recueillir leurs propres fonds.
M. Coderre : Monsieur, je vous signale respectueusement qu'il y a une question de pertinence. Je soulève la question de privilège. Je suis ici en ma qualité de maire de Montréal. Si vous voulez me parler de ce que j'ai fait quand j'étais ministre, alors nous pouvons aller prendre un café n'importe quand au cours d'une partie de baseball, mais je suis ici en tant que maire de Montréal pour discuter de l'avenir du pont Champlain. Si vous voulez refaire l'histoire de mon gouvernement, je peux me montrer très partisan, mais j'ai décidé d'être le maire de tous les Montréalais. Je ne suis pas ici à des fins sectaires.
Le sénateur MacDonald : Je ne parle pas de partisannerie. Je parle de l'excellente initiative du gouvernement lorsqu'il a privatisé ces aéroports.
Le président : Sénateur MacDonald, il nous reste huit minutes, et la sénatrice Hervieux-Payette et le sénateur Housakos veulent intervenir.
Le sénateur MacDonald : Permettons aux infrastructures de s'autofinancer.
Je veux revenir sur ce point. Le 5 octobre 2011, lorsqu'on vous a interrogé au sujet du nouveau pont Champlain, vous avez dit ceci durant une entrevue que vous avez accordée à l'Agence QMI : Mon objectif sera de convaincre le gouvernement que le péage ne s'appliquerait pas seulement au pont Champlain, mais à tous les ponts.
C'était ce que vous pensiez à ce moment-là. Pourquoi avez-vous changé d'idée?
M. Coderre : C'est parce que la position à ce moment-là n'était pas fondée sur les infrastructures. Elle était fondée sur les transports publics, et c'est exactement ce que la CMM a répondu. Mon rôle consistait à ce que nous ayons l'occasion de prendre des décisions concernant l'avenir et le financement — c'était un problème. Mais lorsqu'il n'est question que d'un pont, et même si cela s'est déjà vu, nous étions aux prises avec cette situation, et je ne vais pas répéter tous mes arguments maintenant. Alors je vais m'en tenir là.
[Français]
Mme St-Hilaire : Très rapidement, je ne veux pas abuser du temps qui nous est accordé. C'est M. Lebel lui-même qui le disait, alors j'imagine que ça aura du poids : le pont Champlain profite aussi à l'économie nationale et répond aux objectifs des stratégies des portes d'entrée du Canada. Écoutez, quand le ministre des Transports vient nous dire que c'est une porte d'entrée importante, que c'est un enjeu économique important pour le Canada, j'aime à penser que ça devient un équipement collectif et que tout le monde doit payer pour cette infrastructure.
Ensuite, pour répondre au sénateur : avec le plus grand respect, quand on fait des débats sur le péage au niveau de la communauté métropolitaine — on a eu le courage de demander au gouvernement du Québec d'imposer une taxe sur l'essence justement pour augmenter l'offre de transports en commun, mais ce que le gouvernement fédéral vient nous dire aujourd'hui, c'est qu'on impose le péage sur une infrastructure existante — et le projet de loi le dit, c'est un pont de remplacement.
Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que vous venez imposer un péage et vous nous forcez à le faire partout, rapidement, alors qu'on a déjà entamé une réflexion pour trouver des sources de financement. Par conséquent, on se retrouve un peu coincé. Dans le fond, on n'aura pas le choix de le faire, il s'agit d'une décision unilatérale, et c'est là où l'inconfort devient assez lourd.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue et surtout féliciter les deux maires. Je pense que nous sommes tous fiers des deux maires. On reconnaît qu'ils servent bien la communauté. Je n'habite pas loin du pont Victoria; je dois dire que je peux y aller à pied et que maintenant je supervise la construction du pont qui va à l'île des Sœurs, c'est-à-dire le pont qui va nous amener au nouveau pont Champlain. Évidemment, les travaux sont en cours.
Mais je sais une chose, c'est que ma mère utilisait ce pont en 1920; quel est l'âge de nos deux autres ponts? Les ponts Jacques-Cartier et Victoria, ce ne sont pas de jeunes ponts, aux dernières nouvelles. Le pont Victoria a plus de 100 ans.
M. Coderre : Pour le pont Champlain, c'est 48 ans. Le pont Jacques-Cartier est un peu plus vieux : 50 ans.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non seulement je suis d'accord avec l'argument, mais il y a des droits acquis. On a eu un pont, on a droit à un pont. Le pont actuel tombe et je dois dire que cela ne fait pas tellement honneur au génie québécois. On a déjà eu assez de problèmes récemment dans ce domaine-là, mais on doit se rendre compte qu'il y a certainement eu des défaillances dans le système lorsqu'on a construit le pont, parce que c'est inimaginable qu'il n'ait pas duré plus longtemps. Je pense que lorsqu'on construit un pont qui coûte des milliards de dollars, on doit s'attendre à ce qu'il dure au moins 70 ou 75 ans.
Le gouvernement du Québec appuie-t-il votre position?
M. Coderre : Totalement.
Mme St-Hilaire : Oui.
La sénatrice Hervieux-Payette : M. Couillard s'est donc rangé avec vous. Et s'il y avait un ajout — on parle du trafic régulier du pont actuel, parce que le sénateur Housakos a soulevé cette question —, si jamais on voulait ajouter un élément de transport en commun, le gouvernement du Québec serait-il prêt à y participer?
M. Coderre : On revient à la question du financement. À la CMM — et on vous donne un petit scoop — il y aura demain une résolution au sujet du SLR au nom de la Communauté métropolitaine de Montréal. On l'avait déjà dit, mais là, ce sera fait à l'aide d'une résolution. À l'unanimité au conseil municipal de Montréal, on l'a fait hier, mardi. Nous sommes heureux que ce pont nous permette de nous réorganiser par rapport au transport en commun.
La source de financement sera extrêmement importante. Pour nous, il est important de savoir comment le financer. Maintenant, vous avez deux programmes d'infrastructure que vous avez annoncés : celui de 10 milliards de dollars du fonds de Chantiers Canada et celui de 4 milliards de dollars octroyé au mérite. Au mérite, qu'est-ce que ça veut dire, d'abord? Ce que je comprends, c'est qu'on le mérite. Ce sont des projets structurants de développement économique; je pense qu'on vous a fait la preuve qu'en termes de développement économique, c'est quand même important. Et si on représente 25 p. 100 de la population, on peut vous faire une règle de trois assez vite : mettez un milliard de dollars de côté et ça fera notre affaire. On va laisser le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada négocier entre eux concernant les sources de financement, mais nous pensons qu'il s'agit d'un projet structurant que nous devons financer.
Monsieur Poëti est un nouveau ministre; il étudie l'ensemble des dossiers et il doit envisager tout ce qui doit être envisageable, à cause du déficit et tout. Il a des décisions gouvernementales à prendre mais, très certainement, il est favorable au transport collectif, et nous, on l'aide un peu, en lui exprimant ce que nous, les municipalités, souhaitons et voulons. C'est à suivre pour le reste, mais j'ai pleinement confiance. Le gouvernement du Québec a fait preuve d'écoute envers les municipalités. Il a pris part aux assises de l'Union des municipalités du Québec. Ça a été assez exceptionnel, parce que c'était une première, tant par rapport au ministre des Affaires municipales qu'au premier ministre lui-même, qui a annoncé de façon très claire que les municipalités ne sont plus des créatures des provinces, mais que c'est bien un ordre de gouvernement de proximité.
Mme St-Hilaire : Tellement qu'on a le droit de venir vous parler aujourd'hui.
M. Coderre : On peut même venir vous voir.
Le président : Si les membres sont d'accord, on pourrait continuer quelques minutes de plus.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai une dernière question. Est-ce que, finalement, on s'entend pour conclure que, si on ajoutait un autre pont plutôt que de remplacer le pont, on pourrait considérer effectivement, comme dans le cas du pont de l'autoroute 25, un péage? Et comme c'est un pont qui existe déjà, qui tombe en morceaux et qui coûte 500 à 600 millions de dollars par année d'entretien pour qu'on ne se retrouve pas dans le fleuve...
M. Coderre : La nuance est importante, sénatrice, et je pense que c'est ça qu'il faut transmettre comme message. La distinction entre le pont de l'autoroute 25 et le pont Pie-IX, par exemple, c'est qu'il y a une alternative, parce que c'est quelque chose qui n'existait pas. Maintenant, on remplace quelque chose qui existe; c'est là qu'on peut être en désaccord sur l'école de pensée, mais je pense que c'est important de marquer la nuance.
Le président : Je vais laisser la dernière question au vice-président, le sénateur Housakos. Ensuite, je laisserai le mot de la fin aux deux maires.
Le sénateur Housakos : Madame St-Hilaire et monsieur Coderre, vous avez été très convaincants ce soir. Il est évident que les citoyens de votre région vont appuyer vos arguments. Personne dans la région de Montréal ne dira non à un nouveau pont construit et payé, et dont les coûts seront partagés par tous les citoyens canadiens.
Toutefois, je peux vous garantir que vous avez un grand défi, celui de convaincre les citoyens du Canada qu'il faut payer des milliards de dollars pour notre propre pont à Montréal. Ce sera même un grand défi de convaincre votre ancien parti politique, le Parti libéral, parce que, jusqu'à maintenant, je n'ai pas entendu une position claire de sa part au sujet du péage. Même de la part du NPD, qui est très fort politiquement en ce moment dans la grande région de Montréal, je n'ai pas entendu une position claire et nette au sujet du péage. On peut toutefois régler ce problème assez rapidement s'il y a une volonté de la part de la Communauté métropolitaine de Montréal d'assumer la gestion du pont Champlain, et même celle du pont Jacques-Cartier.
Êtes-vous prêts? Je suis sûr et certain que nous pouvons convaincre le gouvernement de transférer l'entretien et la gestion du pont Champlain à la CMM, mais la question est de savoir si vous êtes prêt à assumer cette responsabilité; sinon, pourquoi pas?
Le président : Je vais vous laisser le mot de la fin, monsieur et madame les maires. Allez-y.
M. Coderre : Merci beaucoup pour ce type de débat aujourd'hui; c'était respectueux et il était important de le faire.
[Traduction]
Merci beaucoup. J'apprécie énormément.
[Français]
Les mots sont importants. Le défi est de s'assurer que l'on ne puisse pas seulement vous convaincre — parce que, parfois, sur une base partisane, vous êtes déjà convaincus avant qu'on ne vous parle —, mais convaincre aussi ceux qui vont entendre et voir les arguments, leur démontrer de façon inclusive que ce pont n'est pas un nouveau pont, mais quelque chose qui touche l'ensemble de l'économie canadienne. C'est important et c'est pour ça qu'on se déplace aujourd'hui, à cause de l'importance de ce pont du fait de la voie maritime du Saint-Laurent, du fait que le passage de ce pont a un impact direct sur l'économie de l'est du Canada. Près de 1,8 million de voitures vont vers les États-Unis, ainsi que des camions, et cetera. Ce n'est pas seulement de dire que c'est une affaire entre Montréal et Longueuil.
Deuxièmement, je vous dirais que ce n'est pas à la CMM de gérer des ponts. Même dans mon temps, on voulait commencer à négocier avec le gouvernement du Québec; raison de plus, lorsqu'on regarde les prix et l'impact que ça donnait, de se poser toutes sortes de questions concernant la teneur de ces infrastructures. Je pense qu'il faut y aller étape par étape.
Dans un premier temps, il faut que le gouvernement canadien puisse prendre ses responsabilités. Le gouvernement est le gouvernement de tous les Canadiens. Ce n'est pas par charité ou pour faire plaisir, c'est une question de responsabilité. C'est une question de retour sur l'investissement qui aura un impact direct non seulement sur la qualité de vie des gens, sur l'ensemble des Canadiens, mais aussi sur l'économie d'une bonne partie du pays. Qu'il arrive à certains moments — et c'est pour cela qu'on a bâti ce pays — que lorsqu'il y a des événements comme investir en faveur de l'automobile pendant la crise économique en Ontario, on réponde présent; quand il faut le faire pour les produits forestiers, on répond présent. Quand il y a eu des gestes à poser pour la porte Asie-Pacifique, on a répondu présent. Ce n'est pas une comparaison de cicatrices. Ce n'est pas de dire : « Mon père est plus fort que le tien. » On vit dans une société qui s'est donnée comme politique de partager et de se donner des infrastructures qui vont toucher l'ensemble des Canadiens.
J'espère qu'on a contribué à vous expliquer que c'était ça, l'argument de fond, et que de faire un petit geste comme un péage aura un impact majeur, pas seulement pour la qualité de vie de nos gens, mais également pour l'économie du pays. C'est pour cette raison que nous sommes venus ici, pour essayer de vous en convaincre, et je vous remercie.
Mme St-Hilaire : Je veux vous remercier d'avoir entendu les arguments de la communauté métropolitaine et les arguments de la Rive-Sud.
Probablement que beaucoup d'idées sont déjà faites dans vos têtes, mais si jamais vous avez encore de la place pour de la créativité et de l'écoute pour ce qu'on vous a dit, c'est important. Vous l'avez dit, entendu, répété : c'est le pont le plus achalandé au Canada, alors il serait dommage que cela ait des répercussions sur nos communautés sans que vous soyez sensibles à tout cela, merci.
Le président : Avant la prochaine réunion, on fera circuler un rapport sur le projet de loi C-31 qui fera l'objet d'une discussion à notre prochaine réunion. Monsieur le maire, madame la mairesse, merci beaucoup de votre présence.
(La séance est levée.)