Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 10 juin 2014
OTTAWA, le mardi 10 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd'hui, nous avons prévu d'effectuer l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence. Il est également connu sous son titre abrégé, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Le projet de loi S-4 modifie la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels qui s'applique au secteur privé.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler quelques points aux sénateurs. Si, pendant l'étude, vous souhaitez obtenir des éclaircissements, si nous allons trop vite ou trop lentement pendant l'examen des amendements ou pendant la discussion, vous pouvez nous interrompre, et « Beauchesne » et moi-même tenterons de vous aider. Beauchesne est en fait Daniel « Beauchesne » Charbonneau. S'il y a opposition, nous nous en occuperons à ce moment-là. Je crois que le porte-parole du projet de loi souhaite faire quelques commentaires.
Le sénateur Furey : En effet, monsieur le président. J'aimerais proposer quelques amendements. J'aimerais savoir si nous pouvons engager une discussion générale sur cette proposition, car nous avons invité des représentants du ministère qui pourront peut-être répondre à quelques questions. Devrions-nous leur poser nos questions seulement lorsque nous aborderons les articles concernés?
Le président : Si les témoins ont des exposés, nous les entendrons article par article. Nous avons demandé à certains représentants d'Industrie Canada d'être présents et de s'asseoir à la table au cas où on devrait leur poser des questions.
Le sénateur Furey : Nous pourrions peut-être les inviter à la table et je pourrais parler des amendements. Ensuite, nous pourrions passer à l'étude article par article si les gens sont d'accord.
Le sénateur Plett : Les représentants peuvent s'asseoir à la table et y rester pendant toute la durée de la réunion, mais je suggère que nous parlions de chaque amendement lorsque nous abordons l'article concerné, car j'ai également un amendement à proposer. Le sénateur Furey sera peut-être d'accord.
Je crois que ses deux amendements concernent l'article 7. Pourrions-nous attendre d'aborder cet article avant d'entamer une discussion générale sur ces amendements?
Le sénateur Furey : Je suis d'accord d'une façon ou de l'autre.
Le président : Nous ne nous disputerons donc pas au sujet du titre du projet de loi?
Bienvenue. Nous attendrons pour passer aux questions. Vous pourriez vous présenter avant que nous commencions.
Chris Padfield, directeur général, Direction générale des politiques numériques, Industrie Canada : Je suis Chris Padfield, directeur général, Direction générale des politiques numériques à Industrie Canada.
John Clare, directeur, Direction de la politique sur la vie privée et la protection des données, Industrie Canada : Je suis John Clare. Je suis directeur, Direction de la politique sur la vie privée et la protection des données.
Le président : Est-il convenu que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence?
Des voix : Oui.
Le président : Oui.
L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude de l'article 1 est-elle reportée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le sénateur Furey : Je propose :
Que le projet de loi S-4 soit modifié à l'article 6 :
a) à la page 5 :
(i) par suppression des lignes 19 à 27,
(ii) par le changement de la désignation littérale des alinéas 7(3)d.2) et d.3) à celle des alinéas 7(3)d.1) et d.2) respectivement;
b) à la page 6, par le changement de la désignation littérale de l'alinéa 7(3)d.4) à celle d'alinéa 7(3)d.3);
c) à la page 7, par adjonction, après la ligne 5, de ce qui suit :
« (14.1) L'article 7 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit :
(3.1) Sauf disposition expressément contraire de la loi et sous réserve du paragraphe (3.2), l'organisation avise l'intéressé de toute communication de ses renseignements personnels faite au titre du paragraphe (3), ainsi que du motif de cette communication, dans les soixante jours suivant celle-ci.
(3.2) Sur demande d'une institution fédérale, la Cour peut ordonner le report de l'avis prévu au paragraphe (3.1) si elle est convaincue que l'intérêt public l'exige.
(3.3) L'organisation qui communique des renseignements personnels au titre du paragraphe (3) pendant le trimestre d'un exercice présente au commissaire, dès que possible à la fin de ce trimestre, un rapport sur le nombre de communications de renseignements personnels qu'elle a faites au titre du paragraphe (3) au cours du trimestre, dans lequel elle précise :
a) le nombre total de communications;
b) le nombre de communications faites dans chacun des cas prévus aux alinéas (3)a) à h.1);
c) pour chaque catégorie, le nombre de communications comportant les renseignements suivants :
(i) nom,
(ii) adresse,
(iii) adresse de courrier électronique,
(iv) numéro de téléphone,
(v) contenu des messages électroniques,
(vi) données informatiques,
(vii) adresse de protocole Internet,
(viii) adresse URL,
(ix) toute autre catégorie de renseignements personnels que le commissaire précise.
(3.4) Le commissaire rend public le nom des organisations qui ont présenté un rapport en application du paragraphe (3.3) ainsi que les renseignements prévus aux alinéas (3.3)a) à c) que contient ce rapport.
J'aimerais séparer ces éléments en deux parties distinctes, monsieur le président, la première concernant l'élimination de la divulgation entre les entreprises. Actuellement, le projet de loi permet aux organismes gouvernementaux de divulguer des renseignements entre eux. Nous ne touchons pas à cela. Nous pensons que c'est bien. Mais nous disons qu'en ce qui concerne la divulgation entre entreprises, nous allons nous retrouver dans une situation comme celle de nos voisins du Sud, où les entreprises font la chasse aux renseignements sur le téléchargement de musique et de films, pour essentiellement attaquer des personnes qui n'ont aucune idée que ces renseignements ont été divulgués.
J'en ai discuté avec les représentants du ministère, et ils considèrent que l'article actuel présente un critère à quatre volets. La divulgation entre entreprises doit être raisonnable. Selon cet article, une atteinte à la sécurité doit s'être produite ou être sur le point de se produire. De plus, on doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'obtenir le consentement nuirait à une enquête.
Chers collègues, je crains que ces dispositions s'étendent à ce qui est déjà prévu par la LPRPDE pour les organismes gouvernementaux. Comme je l'ai dit, cet amendement ne vise pas à interférer avec cela ou à changer les choses, mais lorsqu'on étend cela au secteur privé — et je ne crois pas que ces critères soient très solides —, les entreprises peuvent recueillir des renseignements qu'elles peuvent ensuite utiliser pour intenter des poursuites contre des personnes qui n'avaient aucune idée que ces renseignements avaient été divulgués.
Monsieur Padfield, aimeriez-vous faire un commentaire?
M. Padfield : J'aimerais souligner qu'actuellement, la LPRPDE contient un article sur les organismes d'enquête qui réglementent les entités qui font ces échanges. En vertu de la LPRPDE en vigueur, un échange de renseignements s'effectue entre les entreprises. La LPRPDE contient des annexes de réglementation qui précisent le nombre d'entités qui effectuent de tels échanges. Cela s'apparente aux services d'enquête, par exemple celui du Bureau d'assurance, dans le cadre desquels les sociétés d'assurances échangent des renseignements pour empêcher la fraude. Le Bureau de prévention et d'enquête du crime bancaire de l'Association des banquiers canadiens effectue ce type d'échanges.
L'amendement ne vise pas à ajouter un élément nouveau, mais à modifier la façon dont ces activités sont réglementées. Auparavant, les entités qui effectuaient ces échanges de renseignements personnels sans consentement le faisaient à titre d'organismes d'enquête. L'intention de l'amendement est de réglementer ce type d'activités.
Le sénateur Furey : L'alinéa d.2) le permet toujours, mais pourquoi souhaitez-vous avoir un échange de renseignements non contrôlé entre les entreprises? Pourquoi est-ce nécessaire? Pourquoi ajouter cela?
M. Padfield : Je ne dirais pas que c'est non contrôlé. Comme vous l'avez mentionné, il y a le critère à quatre volets qui, à notre avis, est assez rigoureux, car il est en mesure de démontrer que vous êtes satisfaits de ne pas exiger...
Le sénateur Furey : Examinons le critère à quatre volets. Le premier volet concerne le caractère raisonnable, n'est-ce pas?
M. Padfield : C'est exact.
Le sénateur Furey : Ce n'est pas un critère très rigoureux.
M. Padfield : Ou « faite à une autre organisation » du secteur privé « et est raisonnable en vue d'une enquête sur la violation d'un accord ou sur la contravention au droit fédéral ou provincial... »
Le sénateur Furey : Elles ont accès aux mandats. L'entreprise peut fonctionner selon l'ancienne façon et obtenir un mandat si ses dirigeants sont convaincus qu'il y a eu violation de leur contrat et ils peuvent obtenir les renseignements nécessaires de cette façon. Pourquoi ajoutons-nous au projet de loi une disposition qui leur permet d'aller simplement chercher les renseignements qu'ils souhaitent obtenir? Ils peuvent les demander et les obtenir.
M. Padfield : C'est une question de respect du délai.
Le sénateur Furey : Il devrait s'agir d'une question de respect du délai lorsqu'on parle de la vie privée des Canadiens. Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je peux comprendre son utilité pour les institutions gouvernementales, la police et les situations d'urgence, par exemple les événements du 11 septembre 2001. Ce que je dis au sujet de cet amendement, c'est qu'il ne faut pas permettre aux entreprises de demander des renseignements et de les obtenir librement sans mandat ou rien d'autre.
M. Padfield : Toutes les activités visées par cet article ne seraient pas criminelles. Par exemple, certains des collèges énumérés dans l'annexe, notamment le Collège des médecins et chirurgiens...
Le sénateur Furey : Désolé, je dois vous interrompre. Le libellé ne dit pas « criminelles », il dit « contravention au droit fédéral ». Le droit contractuel fait partie des lois du Canada. Il ne doit pas nécessairement s'agir d'activités criminelles. S'il s'agissait seulement de l'aspect criminel, ce serait complètement différent. Les activités criminelles sont toujours visées, car la police peut toujours obtenir ces renseignements. Nous ne modifions aucunement ces dispositions.
En raison du libellé, je pourrais dire à une entreprise que j'ai le droit de brevet lié à un film qui a été téléchargé et que c'est contre les lois du Canada d'enfreindre mon droit de brevet et que par conséquent, je veux obtenir tous les renseignements. À partir de ce raisonnement, l'entreprise pourrait me donner tous les renseignements demandés. Pourquoi ferions-nous cela?
M. Padfield : Je reviens à l'intention de départ et à l'existence du système d'organismes d'enquête depuis plusieurs années. L'Alberta et la Colombie-Britannique se préparent à adopter une méthode semblable. Lors du dernier examen parlementaire, on a recommandé de modifier le processus pour qu'il ressemble davantage à celui de ces deux provinces. Nous harmonisons les choses pour veiller à ce que les lois fédérales reflètent ce qui se passe en Colombie-Britannique et en Alberta.
Le sénateur Furey : Cela élargit énormément la portée. Un témoin a comparu à cet égard devant le comité — malheureusement, je n'étais pas présent, mais j'ai examiné son témoignage. Il a dit que la chasse aux brevets était un problème aux États-Unis. Je suis sûr que vous savez de quoi il s'agit. En gros, les représentants d'une entreprise peuvent affirmer que les utilisateurs d'un organisme téléchargent leurs films, et que par conséquent, ils veulent avoir accès à tous leurs renseignements. On leur donne donc accès à tous ces renseignements. Ensuite, ils communiquent avec les gens concernés, les menacent de poursuites judiciaires et finissent par s'entendre sur un versement de 5 000 $ — une petite somme, mais pour les gens ordinaires, cela représente beaucoup d'argent. Ce genre d'attaque contre les utilisateurs est maintenant une industrie qui génère des millions de dollars aux États-Unis. Et maintenant, on soutient que les entreprises devraient pouvoir échanger des renseignements à volonté. Pourquoi ferions-nous cela?
M. Padfield : Je ne peux pas parler des différences entre les lois sur le droit d'auteur du Canada et des États-Unis.
Le sénateur Furey : Je ne parle pas des lois sur le droit d'auteur. Je parle des violations. Tout ce que j'ai à faire, c'est de dire, de façon raisonnable, aux représentants d'une autre entreprise qu'à mon avis, grilles d'utilisation à l'appui, leurs utilisateurs téléchargent mes films, et que je souhaite donc obtenir leurs noms et leurs adresses IP. Je peux ensuite contacter ces personnes et leur annoncer que je vais les poursuivre en justice, mais qu'ils peuvent s'en sortir en m'envoyant un chèque de 5 000 $.
M. Padfield : J'ajouterais seulement le quatrième critère, c'est-à-dire qu'il faut être raisonnable dans l'obtention du consentement.
Le sénateur Furey : Le caractère raisonnable n'est pas dans nos esprits. Il s'agit plutôt du critère entre les deux entreprises qui échangent ces renseignements. Pour que le fournisseur communique mon adresse IP à une autre entreprise, ses représentants ont seulement à faire valoir que j'ai obtenu de l'information et que la façon dont je l'utilise semble certainement violer le droit d'auteur, et que par conséquent, j'enfreins la loi. Le fournisseur leur communique donc mes renseignements personnels. Je ne suis pas du tout d'accord avec cela.
En tout cas, je vous remercie de vos réponses.
Le sénateur Mercer : Je partage les préoccupations du sénateur Furey. Je ne suis pas avocat, mais je crois fermement à la Charte des droits et des libertés et à la Constitution. Je ne suis pas certain que ces dispositions survivraient à une contestation pour la protection de la vie privée en vertu de la Charte ou de la Constitution, étant donné les attentes raisonnables des Canadiens à l'égard de la vie privée, car elles permettent la libre circulation de renseignements entre les entreprises sans le consentement des personnes concernées.
Nous avons parlé du caractère raisonnable. Qui détermine ce qui est raisonnable? En effet, « raisonnable » est un mot qui laisse place à l'interprétation. Ce qui est raisonnable pour le sénateur Demers et le sénateur Plett ne me semblera peut-être pas raisonnable. Qui a produit la définition de caractère raisonnable que vous utiliserez? Pour moi, il est raisonnable que votre entreprise me fournisse des renseignements qui me permettront de trouver plusieurs personnes qui utilisent mon produit de façon inappropriée.
Pourquoi ne pourrait-on pas ajouter une autre étape qui m'obligerait à justifier pourquoi je le crois et à fournir des preuves à l'appui? Ensuite, quelqu'un peut décider que ma requête semble raisonnable. On doit ajouter une étape pour déterminer le caractère raisonnable de la demande.
Il existe une raison pour laquelle ce projet de loi a été présenté au Sénat. Je crois qu'il a été présenté au Sénat pour que nous puissions avoir le débat que nous avons eu aujourd'hui, et, on peut l'espérer, pour que nous apportions des amendements. Nous faisons de bonnes lois ici, et nous essayons de réparer les mauvaises lois lorsque l'autre côté nous les envoie. Si nous ne réparons pas cette mauvaise loi en croyant qu'elle sera réparée dans l'autre endroit, nous rêvons en couleur, car ce ne sera pas le cas. Je crois que nous devons examiner la question très attentivement et tenter d'arranger les choses.
Je crois qu'il est essentiel d'aviser les gens que leurs renseignements ont été divulgués. L'amendement du sénateur Furey permet au tribunal, dans l'intérêt de la population, de retarder ou d'empêcher cette divulgation. Les représentants du domaine des télécommunications nous ont dit qu'on avait présenté 1,2 million de demandes de renseignements, et je crois que les 750 000 ou le million de personnes concernées aimeraient savoir que quelqu'un, ou qu'un organisme gouvernemental, a demandé des renseignements les concernant.
Le sénateur Furey : Pour appuyer le point du sénateur Mercer, chers collègues, ce n'est pas comme si nous demandions de créer une société sans lois en cas de violation du droit d'auteur au Canada. Ce n'est pas ce que nous disons. Cet amendement énonce essentiellement que si vous souhaitez poursuivre une personne en justice pour violation du droit d'auteur, vous devez respecter les lois en vigueur au Canada. Cela signifie que vous devez obtenir un mandat et ensuite demander vos renseignements. Vous ne pouvez pas vous contenter de partir à la chasse aux renseignements, et c'est ce qui va se produire si nous ajoutons cela au projet de loi.
Le sénateur Plett : J'ai quelques commentaires concernant les points soulevés par le sénateur Furey et le sénateur Mercer. Le sénateur Mercer n'est pas avocat, et moi non plus. J'ai également de la difficulté avec certaines parties du libellé. D'après ce que je comprends, monsieur le sénateur Furey et mesdames et messieurs les représentants, cela éliminerait la capacité d'organismes telles les associations professionnelles autoréglementées d'enquêter sur leurs membres et de les discipliner en cas de mauvaise conduite ou de faute professionnelle, ce qui, à mon avis, poserait un risque pour les Canadiens. Je me trompe peut-être.
De plus, le sénateur Mercer parle de ce qui est raisonnable, et je parlerai d'un amendement lorsque nous aborderons l'article 10. Lorsque j'ai soulevé la question d'un amendement pour modifier certaines parties du libellé, il s'agit des mots « le plus tôt possible » et d'autres mots dont je parlerai plus tard, et dans ce cas-ci, « le plus tôt possible » s'apparente à « aussitôt qu'il est raisonnable. » Quelqu'un doit déterminer le sens de raisonnable et de possible. Les représentants du ministère de la Justice me disent que manifestement, l'expression « le plus tôt possible » se retrouve dans plusieurs lois fédérales et qu'elle revêt certaines connotations et qu'il y a des paramètres qui encadrent ce qui est possible. Je présume que c'est la même chose pour « raisonnable ». Je ne veux pas contester mon propre amendement.
Sénateur Mercer, vous dites que nous faisons de bonnes lois ici, et je crois que nous l'avons prouvé. À mon avis, nos recommandations sur le projet de loi C-23, par exemple, constituaient de bons amendements provenant du Sénat, et l'autre chambre les a acceptés — il ne s'agissait pas d'amendements comme tels, mais de suggestions. Si le sénateur Furey y tient particulièrement, bien entendu, il serait possible de procéder au moyen d'une observation également, car le projet de loi peut être amendé à la Chambre des communes. Ce n'est pas comme si elle en était saisie avant nous, et si nous l'amendons, nous devons le lui renvoyer. Si les députés constatent certains problèmes, ils ont tout le loisir d'amender le projet de loi. Il n'y a pas les mêmes connotations négatives que dans une situation où tout aurait commencé là-bas, qu'on nous aurait envoyé le projet de loi par la suite et que nous ferions des amendements.
Ce sont mes observations générales. J'ignore si je vais m'opposer à la suggestion du sénateur Furey d'ajouter des observations s'il y tient particulièrement.
Le sénateur Furey : Merci, sénateur Plett. Vous ne nous aviez pas dit que vous suiviez des cours de droit la nuit, n'est-ce pas? Est-ce que c'est ce que vous nous cachez?
Concernant les organismes autoréglementés, ce n'est jamais un problème. Si le barreau veut enquêter sur un avocat et qu'il croit qu'un crime a été commis, il renverra l'affaire à la police. La police est un organisme gouvernemental, et elle peut demander l'information. Rien dans la LPRPDE ne change le fait que les organismes gouvernementaux obtiennent l'information. Il ne s'agit ici que de la communication de renseignements entre des compagnies privées et non entre des organismes gouvernementaux.
Toute personne qui mène une enquête et qui a besoin de renseignements précis doit obtenir un mandat. C'est ce que fait la police. Elle obtient des mandats. Si les renseignements d'une enquête d'un organisme autoréglementé sont soumis à la police, elle peut, en vertu de la LPRPDE actuelle, obtenir l'information. Cela n'est pas un problème. Cependant, vous avez raison. Le barreau ne le pourrait pas, si nous éliminons ceci, et à mon avis, il devrait en être ainsi.
Le sénateur Eggleton : La communication de renseignements entre des entreprises commerciales est un énorme problème qui exige vraiment l'adoption d'un amendement. George a donné des exemples liés au droit d'auteur, et je pense que nous en avons vu un exemple. En fait, une cause a été présentée à la Cour fédérale et a été réglée. Il y a d'autres causes concernant, par exemple, une compagnie d'assurances qui veut obtenir de l'information en raison d'une demande ou d'une entente. Elle peut soutenir qu'il y a eu rupture d'une entente. Il ne s'agit pas d'une violation du droit criminel, mais elle peut faire valoir qu'il y a eu rupture d'une entente. Toutefois, aller voir les banques ou chercher à obtenir de l'information pour essayer de renforcer une cause contre quelqu'un sur une réclamation d'assurance? Je ne crois pas que nous devrions faire en sorte que cela se produise sans la participation d'un tiers légitime — les tribunaux, dans ce cas. Et c'est à ce moment-là que les mandats entrent en jeu.
Je crois que c'est la plus grande lacune du projet de loi sur la protection des renseignements personnels. Il enlève une trop grande partie de ce qui est lié aux mandats. Il faut que les tribunaux puissent jouer un tel rôle pour faire en sorte que les Canadiens soient traités équitablement et que leurs renseignements personnels soient protégés le mieux possible.
J'appuie l'amendement.
Le président : La parole est au sénateur Furey, qui parlera de la deuxième partie.
Le sénateur Furey : En ce qui concerne la deuxième partie, chers collègues, l'amendement vise à ce que l'intéressé soit avisé de toute communication de ses renseignements personnels dans les 60 jours. Puisque comme nous le savons tous, les enquêtes criminelles durent beaucoup plus longtemps que 60 jours, une disposition prévoit que si cela dépasse 60 jours, et qu'il s'agit d'une enquête criminelle, on ne fait que demander une prolongation à la cour. Le seul critère, c'est que l'intérêt public l'exige. Autrement dit, ce serait très facile, mais au moins, la cour y jetterait un œil avant que les choses aillent plus loin.
La deuxième partie indique que tous les renseignements divulgués devraient être transmis au commissaire et que celui-ci devrait les rendre publics. Les gens ont le droit de le savoir lorsque leurs renseignements personnels sont communiqués sans leur permission à des organisations autres que celles à qui ils les avaient donnés au départ. La loi prévoit toujours des mesures pour protéger les gens vulnérables contre la fraude et les activités criminelles. Nous n'y changeons rien. Tout ce que nous disons, c'est qu'au bout du compte, les gens ont le droit de savoir lorsque leurs renseignements personnels sont transmis à d'autres personnes que celles à qui ils avaient convenu de les donner. C'est un principe fondamental de la démocratie au Canada. C'est ainsi que la situation a évolué et que cela devrait être. L'idée de pouvoir donner des renseignements sans le dire à personne est obscure, et cela ne devrait pas être autorisé au Canada.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires au sujet des amendements proposés par le sénateur Furey?
Les amendements à l'article 6 sont-ils adoptés?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Le président : Nous allons procéder à un vote par appel nominal. Le greffier du comité nommera les sénateurs, en commençant par le président, puis poursuivra en ordre alphabétique. Les sénateurs devront indiquer à haute voix s'ils votent pour ou contre les amendements ou s'ils s'abstiennent de voter.
Je m'abstiens.
[Français]
Daniel Charbonneau, greffier du comité : L'honorable sénateur Demers.
Le sénateur Demers : Non.
[Traduction]
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Eggleton, C.P.
Le sénateur Eggleton : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Furey.
Le sénateur Furey : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Greene.
Le sénateur Greene : Contre.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Housakos.
Le sénateur Housakos : Contre.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur MacDonald.
Le sénateur MacDonald : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Contre.
M. Charbonneau : Pour, 4; contre, 4; abstention, 1.
Le président : Je vais voter en faveur des amendements afin de briser l'égalité.
Le sénateur Plett : Encore une fois, je ne suis pas avocat, mais vous avez été le premier à voter. Vous avez fait votre choix, puis le vote...
Le président : J'ai cru que j'étais obligé de voter.
Le sénateur Plett : Laissez-moi terminer. Vous étiez le premier à voter, et vous avez décidé de vous abstenir. Nous sommes saisis d'une motion, et la motion n'a pas reçu le vote de la majorité. Je crois donc qu'elle est rejetée.
Le président : Vous avez raison.
L'article 6 est-il adopté?
Des voix : Non.
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 8 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Avec dissidence?
Une voix : Avec dissidence?
Le président : Avec dissidence ou...
Le sénateur Eggleton : Oui, les articles 7 et 6 sont adoptés avec dissidence.
Le président : L'article 9 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 10 est-il adopté? Je crois que le sénateur Plett a un amendement.
Le sénateur Plett : Oui, en effet, monsieur le président. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je propose un petit changement au libellé de l'article 10. Si vous me permettez, j'aimerais vous lire un court préambule avant de proposer mon amendement.
Lors de la dernière séance, notre témoin, le procureur Michael Crystal, a soulevé une préoccupation concernant le paragraphe 10.1(6). Il a indiqué :
La disposition proposée dicte que l'avis est donné le plus tôt possible, mais je ne suis pas certain de comprendre ce que cela signifie. Cela me rappelle l'affaire Brown, dans la jurisprudence américaine, sur l'expression anglaise « with all deliberate speed », qui dicte que l'avis peut être reporté s'il y a une enquête criminelle en cours sur cette atteinte. Je suis d'avis que cette disposition devrait être supprimée parce qu'il n'est pas justifiable d'exposer des individus aux conséquences d'une atteinte à la vie privée dont ils n'ont pas été informés, que ces conséquences prennent la forme d'une activité criminelle ou de tout autre type de préjudice, pendant que la police mène enquête.
Je trouvais qu'il avait soulevé une préoccupation valable, et j'ai consulté des fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du ministère de la Justice. Je partageais la préoccupation de M. Crystal au sujet de l'expression « aussitôt que possible », dont j'ai parlé plus tôt. Selon moi, cette expression pouvait donner lieu à de nombreuses interprétations et, par conséquent, était difficile à appliquer.
Toutefois, après avoir discuté de cette question avec des fonctionnaires du ministère de la Justice, ils m'ont assuré que l'expression « aussitôt que possible » apparaissait dans de nombreuses lois fédérales et qu'elle était considérée par les tribunaux comme un élément d'urgence et de promptitude. Il y a trois degrés d'avis utilisés dans les lois canadiennes, le plus strict étant « sans délai » ou « immédiatement », ce qui se passe d'explication. Le deuxième degré est « aussitôt que possible ». Je préfère d'ailleurs la version française à la version anglaise, « as soon as feasible », puisqu'elle exprime une notion de rapidité et semble plus ferme. Le troisième degré est « dans un délai raisonnable », qui donne à l'entreprise une certaine marge de manœuvre.
Dans ce projet de loi, si nous modifions le libellé pour écrire « sans délai », cela ne donnerait pas aux entreprises suffisamment de temps pour enquêter sur l'atteinte ou déterminer qui exactement devrait être avisé, et l'entreprise pourrait en informer tous les consommateurs parce qu'elle a conclu qu'il y a eu une atteinte avant d'établir que ce ne sont pas toutes les personnes qui en ont fait l'objet.
Si je vous lis ça, c'est parce que je souhaite qu'on renforce le libellé. Je comprends la volonté du ministère de vouloir aller de l'avant avec le deuxième degré d'avis, c'est-à-dire « aussitôt que possible » afin d'être uniforme avec les autres lois fédérales.
Bien que je n'aime pas l'expression, je suis prêt à l'accepter.
Toutefois, la deuxième partie de l'article se lit comme suit :
Cependant, si une institution gouvernementale — ou une subdivision d'une telle institution — demande un délai à l'organisation pour mener une enquête en matière criminelle relative à l'atteinte aux mesures de sécurité, l'avis n'est donné qu'une fois que l'institution ou la subdivision l'autorise à le faire.
Cela faisait aussi partie des préoccupations de M. Crystal, et je suis d'accord avec lui. Je crois que toute cette section n'est pas nécessaire. Cela dit, j'aimerais proposer l'amendement suivant, et je pense qu'on vous l'a remis :
Que le projet de loi S-4, à l'article 10, soit modifié par suppression des lignes 35 à 41, à la page 10.
Le sénateur Eggleton : Pour que les choses soient bien claires, nous garderions seulement la première phrase : « L'avis est donné le plus tôt possible après que l'organisation a conclu qu'il y a eu atteinte. » C'est exact?
Le sénateur Plett : Oui.
Le président : Y a-t-il d'autres questions ou commentaires? L'amendement à l'article 10 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : À l'unanimité.
L'article 10 modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 11 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 12 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 13 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 14 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 15 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 16 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 17 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 18 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 19 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 20 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 21 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 22 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 23 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 24 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 25 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 26 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 27 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Y a-t-il d'autres nouvelles dispositions?
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Des voix : Non.
Le président : Honorables sénateurs, nous allons maintenant procéder à un vote par appel nominal. Le greffier nommera les sénateurs, en commençant par le président.
[Français]
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Dawson.
Le sénateur Dawson : Contre.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Demers.
Le sénateur Demers : Pour.
[Traduction]
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Eggleton, C.P.
Le sénateur Eggleton : Contre.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Furey.
Le sénateur Furey : Contre.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Greene.
Le sénateur Greene : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Housakos.
Le sénateur Housakos : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur MacDonald.
Le sénateur MacDonald : Pour.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Contre.
M. Charbonneau : L'honorable sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Pour.
M. Charbonneau : Pour, 5; Contre, 4.
Le président : Le projet de loi modifié est adopté.
Souhaitez-vous ajouter des observations, sénateur Furey?
Le sénateur Furey : Pardon?
Le président : Souhaitez-vous annexer des observations au projet de loi?
Le sénateur Furey : Non, absolument pas.
Le président : Vous avez fait valoir votre point de vue?
Le sénateur Furey : Non, mais j'envisage de proposer des amendements à la troisième lecture.
Le président : Dois-je faire rapport du projet de loi modifié au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Furey : Monsieur le président, on vient de me demander si le greffier ne pourrait pas recompter le vote concernant mon amendement. Pourrions-nous avoir un recomptage?
M. Charbonneau : D'accord. J'ai ici le sénateur Dawson qui s'abstient; le sénateur Demers, contre; le sénateur Eggleton, pour; le sénateur Furey, pour; le sénateur Greene, contre; le sénateur Housakos, contre; le sénateur MacDonald, pour; le sénateur Mercer, pour; le sénateur Plett, contre.
Pour, 4; Contre, 4; Abstention, 1.
Le sénateur Furey : Merci.
Le président : Je vais faire rapport de ce projet de loi au Sénat le plus tôt possible, étant donné que la session est sur le point de se terminer. Merci beaucoup.
Nous allons nous réunir demain soir, à 18 h 45, pour entendre un témoin au sujet du rapport de CBC/Radio-Canada.
(La séance est levée.)