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VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 1 - Témoignages du 4 décembre 2013


OTTAWA, le mercredi 4 décembre 2013

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 6, pour faire une étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leurs familles.

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs, et bienvenue à notre première séance de travail de cette nouvelle session.

J'aimerais aussi saluer nos auditeurs qui nous écoutent sur CPAC et les remercier de nous écouter, particulièrement les vétérans qui, souvent à deux ou trois heures du matin regardent l'émission qui passe en rediffusion, parce que, comme moi, ils ne dorment pas tellement la nuit. Je les trouve vraiment courageux de le faire.

[Traduction]

Je commence par aborder une petite question administrative. Le sénateur Wells et moi — soit le comité de direction — nous rencontrerons plus tard aujourd'hui pour établir notre plan de travail. Présentement, nous passons en revue certains des efforts qui ont été déployés dernièrement pour préparer le terrain en vue des études que nous mènerons.

La première chose que nous examinerons sera l'étude sur la transition. Vous vous souviendrez que le comité de direction a reçu le mandat de se pencher sur l'ébauche. Nous ferons tout en notre pouvoir pour le faire aussitôt que possible dans la nouvelle année, étant donné que l'étude vise à fournir beaucoup de renseignements qui seront utiles à toute personne qui aide ou qui souhaiterait aider des anciens combattants à effectuer la transition de la vie militaire à la vie civile et, espérons-le, à un emploi rémunérateur.

Merci, sénateur Wells, d'être disponible cet après-midi pour faire ce travail.

Messieurs, nous avons invité M. Parent, l'ombudsman des vétérans.

[Français]

M. Parent a certainement vécu des expériences difficiles quand il a fait partie d'équipes de recherche et sauvetage.

[Traduction]

Il a été nommé adjudant-chef des Forces armées canadiennes — il a donc beaucoup d'expérience.

Je présume que vous ferez un court exposé, après quoi nous passerons aux questions. D'habitude, nous terminons 15 ou 20 minutes après l'heure. Nous avons hâte de vous entendre parler de votre rapport sur les anciens combattants, que nous avons entre les mains depuis un certain temps. Nous vous demanderons certaines précisions, le cas échéant.

Guy Parent, ombudsman des vétérans, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de ce très important examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les membres de mon équipe, soit monsieur Gary Walbourne, directeur exécutif des opérations et ombudsman adjoint.

[Français]

Je suis accompagné du colonel à la retraite Denys Guérin, chef d'équipe pour l'examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants

Comme je l'ai mentionné dans mon allocution au comité de la Chambre des communes la semaine dernière, je voudrais encore une fois remercier l'honorable Julian Fantino, ministre des Anciens combattants, d'avoir accepté ma recommandation de procéder à un examen exhaustif de la Nouvelle Charte des anciens combattants en mettant particulièrement l'accent sur les anciens combattants les plus grièvement blessés, le soutien aux familles et la prestation des programmes des vétérans par Anciens combattants Canada.

[Traduction]

En une semaine, il s'est passé beaucoup de choses qui dénotent bien la nécessité d'effectuer cet examen approfondi et de mettre en œuvre des solutions concrètes le plus rapidement possible. Les hommes et les femmes qui servent dans les Forces armées canadiennes acceptent de leur plein gré de mettre leur vie et leur santé en péril, risques qui sont inhérents au service. S'ils sont blessés ou tombent malades et qu'ils ne peuvent plus servir en uniforme, le gouvernement du Canada reconnaît qu'il lui incombe de les aider à reconstruire leur vie et, dans toute la mesure du possible, à retrouver la santé, leur indépendance financière et une vie personnelle et familiale de qualité.

Les membres des Forces armées canadiennes et les vétérans ont de la difficulté à comprendre pourquoi le gouvernement ne respecte pas entièrement son engagement à répondre à leurs besoins, alors qu'ils s'investissent complètement. De récents événements ont malheureusement montré que, pour certaines de ces personnes, l'incertitude entourant leur avenir les amène à croire qu'il ne reste plus aucun espoir. Nous devons faire en sorte que chaque membre des Forces armées canadiennes soit conscient que, peu importe la nature de la blessure ou de la maladie qu'il subit alors qu'il est au service du Canada, il jouira d'une sécurité financière pendant le reste de sa vie.

Nous devons également améliorer le processus de transition vers la vie civile en multipliant et en améliorant les possibilités d'emploi grâce à des partenariats avec le secteur privé et à des programmes de formation professionnelle. Ce faisant, nous redonnerons espoir aux membres des Forces armées canadiennes et aux vétérans, qui pourront alors se concentrer sur l'avenir au lieu de s'accrocher au passé.

Enfin, nous devons renforcer les familles, c'est-à-dire faire en sorte qu'elles soient mieux renseignées et qu'elles soient mieux indemnisées pour le soutien essentiel qu'elles fournissent en coulisse à nos hommes et nos femmes en uniforme. Non seulement ces améliorations sont essentielles au bien-être de chaque individu, mais elles deviennent aussi une question de sécurité nationale puisqu'elles influencent la capacité du Canada à recruter et à maintenir en poste des membres des Forces armées canadiennes.

Cette obligation du gouvernement du Canada à l'égard des vétérans est présentée dans des textes législatifs, notamment dans le préambule de lois telles que la Loi sur les pensions, la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), et la Loi sur les anciens combattants. Dans ces textes, il est indiqué que les dispositions prévues doivent être interprétées humainement, de façon à satisfaire à l'obligation que les Canadiens et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi le pays et des personnes à leur charge. J'appuie entièrement les récentes revendications d'organismes de vétérans et de défenseurs de leurs droits, qui demandent que cette obligation reconnue soit présentée dans la Nouvelle Charte des anciens combattants, comme c'était le cas d'anciennes lois touchant les vétérans.

Depuis avril de cette année, j'ai publié une série d'examens et de rapports qui se veulent des outils de référence communs qui présentent les faits afin d'orienter la discussion et, plus important encore, les mesures à prendre concernant certains programmes de la Nouvelle Charte des anciens combattants qu'il importe d'améliorer. J'ai proposé des données probantes, des analyses et des recommandations sur la façon d'aborder les lacunes associées aux trois secteurs de programme qui préoccupent le plus les vétérans, soit les suivantes : premièrement, l'instabilité financière et un niveau de vie inférieur; deuxièmement, un programme de réadaptation professionnelle qui est excessivement rigide du fait que l'accent est mis sur la mise à profit de la scolarité, des compétences et de l'expérience, ce qui limite les options de recyclage et d'emploi; troisièmement, l'insuffisance du soutien accordé aux familles, ce qui engendre des situations pénibles.

Mon bureau a analysé plus de 200 recommandations d'améliorations à la Nouvelle Charte des anciens combattants qui ont été proposées depuis 2006 par plusieurs comités consultatifs d'experts et comités du Sénat et de la Chambre des communes, y compris bon nombre des 160 recommandations que le ministre Fantino a mentionnées. Nous avons également organisé de vastes consultations auprès de parties concernées.

[Français]

De nombreuses recommandations ayant trait aux secteurs clés de la transition, soit le soutien financier, la réadaptation professionnelle et le soutien aux familles, n'ont pas été implantées, et ces secteurs continuent d'avoir une incidence sur les anciens combattants et leur famille comme en font foi l'avalanche de poursuites lancées contre le gouvernement et l'agitation grandissante dans la communauté des vétérans.

[Traduction]

Monsieur le président, je fais respectueusement valoir que la presque totalité du travail d'analyse et d'examen des lacunes est terminée. La voie à suivre pour améliorer la Nouvelle Charte des anciens combattants est déjà tracée. Cependant, on dénote une tendance inquiétante à en dévier. Si nous mettons l'accent sur les questions périphériques au détriment des questions fondamentales et importantes, nous nous limiterons à traiter les symptômes des problèmes et non leurs causes profondes, qui ont des conséquences beaucoup plus graves sur la vie quotidienne des vétérans et de leur famille.

Mon rapport sur l'amélioration de la Nouvelle Charte des anciens combattants et l'analyse actuarielle qui le sous- tend peuvent servir de référence pour déterminer comment cette charte évolutive sera examinée par le comité. Le rapport analyse les avantages et les programmes de la Nouvelle Charte et montre clairement de quelle façon ils ne répondent pas aux besoins de certains vétérans d'aujourd'hui et comment le problème continuera de s'empirer à moins d'apporter des modifications rapidement.

Je ne mâcherai pas mes mots. Nous savons tous exactement quelles sont les lacunes des programmes. Nous n'avons pas besoin de mener une énième étude. Si nous nous efforçons de régler les lacunes fondamentales de la Nouvelle Charte des anciens combattants, la plupart des autres plaintes disparaîtront du coup puisque nous aurons traité la cause profonde des problèmes, et non pas les symptômes.

Si nous pouvions régler ne serait-ce que les cinq lacunes suivantes, imaginez la tournure différente que prendrait notre conversation l'an prochain. La première est l'insuffisance du soutien financier qui est offert aux vétérans frappés d'une incapacité totale et permanente dès qu'ils atteignent l'âge de 65 ans. La deuxième est la baisse de revenus des vétérans en période de transition entre la vie militaire et une carrière civile, car l'allocation pour perte de revenus ne correspond qu'à 75 p. 100 de la solde que touchait un militaire avant d'être libéré. La troisième est que de nombreux vétérans atteints d'une invalidité grave continuent d'avoir du mal à recevoir l'allocation pour déficience permanente et le supplément à l'allocation pour déficience permanente. La quatrième est la pratique injuste de réduire le montant de l'allocation pour perte de revenus aux réservistes à temps partiel qui souffrent d'une blessure ou d'une maladie liée au service. La cinquième lacune concerne les avantages non financiers visant à compenser la douleur et la souffrance, soit l'indemnité d'invalidité. Cet avantage était censé avoir suivi l'évolution des indemnités pour douleur et souffrance accordées par les tribunaux civils, mais ce n'est pas le cas.

Trop souvent, le débat qui entoure les problèmes des vétérans se résume à la question suivante : « Est-il préférable de faire une demande en vertu de la Loi sur les pensions ou de la Nouvelle Charte des anciens combattants? » En fait, nous avons deux régimes d'avantages très différents qui fonctionnent en parallèle. Selon moi, nous devons accepter le fait que les vétérans ont accès à deux régimes d'avantages différents, et que nous ne pouvons pas récrire le passé.

Monsieur le président, j'estime que nous devons nous employer à résoudre les problèmes auxquels les vétérans et leur famille sont confrontés aujourd'hui et ceux auxquels ils le seront demain. La plus grande partie du débat vise les choses que nous avons accomplies. Concentrons-nous maintenant sur les choses qu'il nous reste à accomplir. Si nous ne réglons pas ces questions maintenant, nous devrons faire face au coût humain plus tard. Si l'histoire nous a appris quelque chose, c'est que d'autres améliorations vont devenir nécessaires à l'avenir car, à mesure que la nature des conflits change, il en est de même pour les besoins de nos hommes et de nos femmes en uniforme.

[Français]

C'est pourquoi je recommande d'inscrire dans la loi un examen biannuel régulier de la Nouvelle Charte des anciens combattants pour s'assurer que celle-ci continue de s'adapter aux besoins changeants des hommes et des femmes militaires, des vétérans et de leur famille, et pour qu'elle continue d'incarner l'affirmation du gouvernement qu'elle est une charte évolutive.

[Traduction]

Permettez-moi de vous rappeler ce que j'ai indiqué au comité de la Chambre la semaine dernière, à savoir que l'an prochain nous soulignerons le 100e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale. Lorsque le Canada s'est engagé dans cette guerre, il n'était pas préparé à composer avec les milliers de blessés qui revenaient de guerre ni avec la démobilisation subséquente. Aujourd'hui, le Canada est beaucoup mieux préparé pour soigner et appuyer les vétérans malades et blessés de même que leur famille. Cependant, comme les événements récents l'ont montré, une « meilleure » préparation ne veut pas nécessairement dire une préparation « suffisante ». Nous avons encore bien du travail à faire pour nous assurer que les vétérans d'aujourd'hui et de demain reçoivent l'appui et les soins dont ils ont besoin.

L'année où nous commémorons le 100e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale et l'année où nous mettons fin aux opérations en Afghanistan devrait également être l'année où nous réglons les lacunes que comportent les avantages accordés aux vétérans et où nous établissons une base solide de soins et de soutien pour les années à venir. Nous devons clairement montrer notre engagement à l'endroit des hommes et des femmes en uniforme afin de leur donner l'espoir d'un avenir meilleur.

Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, nous avons misé sur le passé pour nous rendre au présent. Misons désormais sur le présent pour nous diriger vers le futur. Tous les outils sont en place pour le faire dès maintenant, sans retard injustifié. C'est le moins qu'on puisse faire pour nos vétérans et leur famille.

[Français]

Le président : Quelle éloquence! Merci, monsieur Parent, de votre présentation claire. J'ai trouvé intéressantes certaines de vos recommandations. Je vais maintenant céder la parole aux sénateurs qui veulent vous poser des questions.

[Traduction]

M. Parent : Si vous me le permettez, j'aimerais présenter trois diapos avant que nous passions aux questions.

Le président : D'accord.

M. Parent : Nous vous avons fourni un ensemble de diapos que vous pourrez regarder à votre convenance, mais j'aimerais attirer votre attention sur les diapos qui vous fournissent bien des renseignements et situent ceux-ci dans leur contexte. La première diapo se trouve à la page 4 et vous donne le profil démographique des vétérans et leurs risques de problèmes financiers à l'âge de 65 ans.

Dans la diapo que vous avez devant les yeux, dégageons ce qui représente un besoin immédiat. Il importe de remarquer que les revenus des vétérans baissent lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans. Nous avons pu suivre un groupe de vétérans qui se trouveront dans cette situation difficile quand ils atteindront 65 ans.

Voici le profil démographique. Sur la gauche, nous commençons par donner le nombre total de vétérans au Canada, qui s'élève à quelque 700 000 personnes. Ensuite, nous présentons le nombre de clients réels d'Anciens Combattants Canada, soit un peu plus de 135 600 personnes, et enfin, bien sûr, nous arrivons aux vétérans qui sont des clients des Forces canadiennes, soit un peu plus de 76 400 personnes. Voilà les vétérans des Forces canadiennes qui sont maintenant assujettis à la Nouvelle Charte des anciens combattants.

À droite, vous pouvez voir qu'au moment de publier le rapport, 1 428 personnes souffraient d'une déficience totale et permanente. Ce nombre, établi par Anciens Combattants Canada, a peut-être augmenté depuis ce temps. Ces gens ne sont pas en mesure de générer un revenu pour le reste de leur vie.

Parmi eux, 406 personnes n'auront aucun revenu à partir de 65 ans, sauf ceux venant d'autres programmes, comme la Sécurité de la vieillesse, et cetera. Nous avons porté une attention particulière à ces 406 personnes, celles qui sont à risque après 65 ans. Sans dire que ces gens sont tous à risque, je pense qu'il importe de souligner qu'ils peuvent l'être. J'ai indiqué récemment au ministre qu'il y a plus ou moins 406 anciens combattants dans cette situation, mais que ce n'est pas le nombre qui compte. C'est injuste qu'un seul ancien combattant devienne démuni à partir de 65 ans. Nous devons nous pencher sur cet aspect du problème. C'était la diapositive 4.

À la page 7, l'examen du rapport exige de faire la distinction entre les avantages financiers et les avantages non financiers, pour avoir une discussion constructive sur les services offerts aux anciens combattants et à leurs familles. Les discussions ont toujours achoppé là-dessus, par le passé. Par exemple, l'indemnité forfaitaire versée pour la douleur et la souffrance constitue un avantage non financier.

Cette diapositive sur la valeur actuarielle présente le scénario d'un caporal de 24 ans qui compte quatre ans d'ancienneté et qui a une invalidité de 80 p. 100. Dans la première série de colonnes, tout à gauche, se trouvent les avantages financiers et non financiers réunis. Il y a les avantages fournis par la Loi sur les pensions et ceux de la Loi sur les pensions qui tiennent compte de la décision de la cour sur le RARM, selon laquelle les prestations d'invalidité doivent faire l'objet d'un recouvrement, puisqu'elles ne sont pas considérées comme un revenu. Cette décision fait augmenter certaines prestations.

Puis il y a la Nouvelle Charte des anciens combattants. C'est la somme de tous les avantages. À l'extrême droite, on peut voir les avantages non financiers, comme la pension. La Nouvelle Charte donne droit à bien moins que les deux autres colonnes. C'est pourquoi nous avons décidé de séparer les deux. La douleur et la souffrance ne sont pas forcément liées à l'ancienneté. Tous les Canadiens qui perdent un membre de la famille éprouvent la même souffrance. Je pense que c'est une autre question dont il faut parler.

Au centre, la Nouvelle Charte des anciens combattants offre de meilleurs avantages financiers. C'est un aspect essentiel à considérer dans notre rapport. Je vous encourage à le lire pour saisir tous les détails liés à ces diapositives.

Enfin, la page 8 présente clairement la baisse de revenu qui survient à 65 ans. Le scénario de gauche montre que le caporal qui reçoit des allocations comme l'allocation de déficience permanente s'en tire bien mieux à partir de 65 ans, parce que ces allocations sont versées à vie. Tandis que dans le scénario 5, le caporal sans allocation de déficience permanente ne gagne aucun revenu à partir de 65 ans de la part d'Anciens Combattants Canada. C'est très important de corriger cette lacune dès que possible.

Je suis maintenant prêt à répondre aux questions.

[Français]

Le président : Nous sommes maintenant prêts pour la période des questions.

Le sénateur Nolin : Monsieur Parent, je vous remercie de vous être déplacé, accompagné de vos adjoints.

Étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps et que nous avons déjà passé à travers tout — on s'est rencontré cet été et on a une bonne idée du problème — j'aimerais connaître les solutions à court terme.

On parle de 406 anciens combattants, en fait, le nombre n'a pas d'importance, le principe demeure. Il y a un trou là. Lorsque des anciens combattants — vos clients en incapacité totale permanente — atteignent l'âge de 65 ans, ils tombent dans le vide. Comment régler cela? Vous avez parlé avec le ministre. Que vous a-t-il dit qu'il ferait?

M. Parent : On n'a pas encore de plan concret sauf que ce qui est important à ce point-ci, c'est d'identifier ces gens qui vont arriver à cette situation à l'âge de 65 ans. C'est une opportunité d'être proactif. Ce n'est pas 406 ou 1 400 qui vont tomber à 65 ans demain. Il est important que le ministère puisse identifier ces gens et s'assurer que qu'ils aient un revenu après l'âge de 65 ans ou sinon, implanter une solution pour qu'ils puissent avoir un revenu à cet âge.

Le sénateur Nolin : Est-ce qu'il s'agit d'un problème statutaire, donc la loi ou est-ce un problème administratif, une interprétation de la règlementation? Où se situe le problème selon vos analyses?

M. Parent : C'est statutaire.

Le sénateur Nolin : Il faut absolument changer la loi.

M. Parent : Changer la loi, oui. J'ai parlé tout à l'heure de 406 personnes en incapacité totale et permanente et dans les 1 400 identifiés, 50 p. 100 ne reçoivent pas l'allocation de l'incapacité totale permanente.

Il y a une désignation d'Anciens combattants Canada qui dit que ces gens sont en incapacité totale permanente.

Le sénateur Nolin : Jusqu'à 65 ans.

M. Parent : Le titre de l'allocation est « allocation d'incapacité permanente ». Pourquoi 50 p. 100 de ces gens ne la reçoivent-ils pas? Il est très important ici de regarder les critères d'éligibilité pour l'accès parce que l'allocation d'incapacité totale permanente est pour la vie.

Le sénateur Nolin : Que se produit-il à l'âge de 65 qui fait que cette définition disparaît?

M. Parent : Parce que l'allocation pour perte de revenus arrête à 65 ans.

Le sénateur Nolin : Parce qu'ils n'ont plus de revenu à ce moment?

M. Parent : C'est ça. On a justement des cas qui se présentent au bureau où un individu faisait partie du Programme de réhabilitation vocationnel. Il était en entraînement, il est arrivé à l'âge de 65 ans et on lui a enlevé son allocation de perte de revenus.

C'est là pour aider à la transition parce que les gens sont dans un programme de réhabilitation. Les choses importantes à régler, c'est la perte de revenus à l'âge de 65 ans et lorsque les gens sortent des forces armées, avant que n'importe quoi se produise, on leur enlève 25 p. 100 de leur salaire.

L'autre recommandation importante est d'augmenter l'allocation de perte de revenus à 90 p. 100 de leur salaire. C'est transparent parce que lorsqu'on parle de 90 p. 100, quand on ne paie plus de pension de retraite, le revenu ne change pas.

Le sénateur Nolin : Je vais laisser mes collègues parler des autres recommandations, mais je vais revenir sur la correction.

Le président : Avant de vous laisser poursuivre sénateur Nolin, le sénateur Lang avait une question supplémentaire à votre question.

[Traduction]

Le sénateur Lang : Je ne pense pas que le sénateur Nolin a obtenu réponse à sa question. Si je comprends bien, il veut savoir pourquoi ces 400 personnes n'entrent dans aucune catégorie et ne reçoivent aucune prestation avant et après 65 ans. Vous nous avez pourtant dit qu'ils souffraient d'invalidité. Je pense que ce sont les gens que tous les députés ici veulent aider le plus. Le problème vient-il de la décision rendue ou de l'administration? Je pense que la volonté politique et les ressources financières sont là. Donc, pourquoi ces 400 personnes ne bénéficient-elles pas d'un statut semblable à celui du millier d'autres dont nous parlons? Comment pouvons-nous éliminer cette disparité?

Colonel à la retraite Denys Guérin, chef d'équipe pour l'examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Ces 400 personnes sont déclarées comme ayant une incapacité totale et permanente, mais elles n'atteindront pas toutes 65 ans demain. Une partie n'aura cet âge qu'après un certain nombre d'années. Le problème, c'est que certaines personnes ne reçoivent pas d'allocation pour déficience permanente, qui est versée à vie. Cette allocation est versée aux anciens combattants qui ont une déficience totale et permanente, mais 50 p. 100 d'entre eux ne la reçoivent pas. À partir de 65 ans, ces gens bénéficient de l'allocation pour perte de revenus, mais n'ont aucun revenu autre que la pension du Canada et la Sécurité de la vieillesse.

Le sénateur Lang : Justement, pourquoi une personne reçoit-elle l'allocation, mais pas son collègue qui a subi la même blessure? Qui décide de l'accorder à l'un, mais pas à l'autre? Est-ce à cause de la charte ou de l'administration? Faut-il modifier les méthodes de gestion?

Col Guérin : C'est une excellente question : est-ce la décision qui établit si la personne reçoit ou non l'allocation? C'est un des aspects que nous regardons de plus près, parce que l'examen de la Nouvelle Charte ne va pas dans les détails. Nous creusons la question.

Ce n'est qu'une partie de la réponse. D'après nos conclusions, il faut également créer une nouvelle allocation.

Le président : Je veux parler de la question globale. Il s'agit d'un des cinq points soulevés par l'ombudsman. Il y a des questions de forme qui portent sur la façon de catégoriser les gens. Nous devons examiner le processus que suit Anciens Combattants Canada concernant les personnes qui souffrent d'une déficience complète. Nous pouvons examiner la méthode pour établir qui reçoit des allocations et qui n'en reçoit pas, mais il faudra respecter les exigences juridiques.

Monsieur Parent, pouvez-vous nous donner des précisions par écrit? Nous devons y consacrer un peu plus de temps. L'aspect fondamental, c'est que l'âge de 65 ans dans la charte est tout à fait nouveau. Il n'a jamais existé ni dans la Loi sur les pensions, ni dans la loi de 1943.

M. Parent : Merci, monsieur le président. Il importe selon moi de comprendre que bien des questions ont été examinées avant le passage de la Loi sur les pensions à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Le militaire de 25 ans ne songe malheureusement pas beaucoup à ce qui lui arrivera à 65 ans. Ce facteur n'a sans doute pas été pris en compte.

Avant d'aller en Afghanistan, les anciens combattants avaient une carrière dans les forces. On présume donc qu'ils ont droit à une pension, n'est-ce pas? Ceux qui reçoivent une pension de guerre s'en tirent bien après 65 ans, mais les jeunes anciens combattants ou les réservistes qui quittent les forces à leur retour d'Afghanistan n'ont pas servi assez longtemps pour avoir accès à une pension de guerre. Ils ne peuvent pas compter là-dessus à partir de 65 ans. Lorsqu'il a été envisagé de mettre fin à l'allocation à 65 ans, on tenait presque pour acquis que les anciens combattants seraient à l'abri en recevant une pension. Nous constatons maintenant que nombre d'entre eux n'en reçoivent tout simplement pas.

Vous ignorez peut-être qu'un militaire libéré des Forces canadiennes pour raisons médicales doit avoir au moins 10 ans d'ancienneté pour recevoir immédiatement une pension de retraite. L'ancien combattant blessé qui a moins de 10 ans d'ancienneté ne reçoit pas une pension à vie. Il recevra peut-être une pension différée, mais il ne le recevra pas avant 60 ans. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, bien des questions qui sont passées sous silence à l'époque méritent d'être examinées. Nous pouvons bien sûr vous donner plus de détails.

Le président : Nous allons poursuivre avec la question du sénateur Nolin.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je veux revenir aux solutions. Je ne veux pas qu'on se perde dans des comités, des rapports, des analyses; on connaît les problèmes. Je veux savoir si votre personnel vient en appui au ministère pour rédiger des correctifs statutaires. Est-ce que quelqu'un se penche sur la question de savoir ce qu'on doit écrire dans la loi pour combler la lacune qui existe en ce moment, et qui pénalise ces 406 anciens combattants? Personne chez vous? Il faut penser à voir qui va écrire la solution. Si cela prend six mois à se poser la question, on va tourner en rond. Vous et moi savons fort bien que si on n'a pas déjà, en ce moment, quelqu'un pour réfléchir à une solution, cela va prendre six mois avant de seulement commencer à réfléchir à une solution.

M. Parent : On travaille présentement avec le ministère pour les aider à identifier ces personnes-là.

Le sénateur Nolin : C'est cela qui m'importe. Que vous dit le ministère?

M. Parent : Ils sont en voie de développer une résolution ou d'essayer de joindre ces gens-là pour s'assurer qu'ils ne sont pas en perte de revenus à 65 ans.

Le sénateur Nolin : S'ils les identifient et que, techniquement, légalement, statutairement ils ne peuvent pas les aider — à moins qu'un paiement ex gratia soit fait, mais on sait que c'est une toute une autre avenue — qu'est-ce qu'ils vont faire?

M. Parent : Ils peuvent aider 50 p. 100 de ces personnes en leur donnant accès aux allocations d'incapacité permanente.

Le sénateur Nolin : Je suis préoccupé par les autres 50 p. 100, ceux qui sont dans le trou noir.

Le président : Sénateur Nolin, la question est posée. Elle exige des clarifications beaucoup plus détaillées de la part de l'ombudsman et du ministère.

Le sénateur Nolin : L'ombudsman, et c'est son rôle, a identifié une lacune, et le ministère doit trouver une solution. Mais j'ai peur que, si le ministère est abandonné à lui-même pour chercher cette solution, cela prenne une autre année.

Le président : Je m'attends à ce que l'ombudsman, qui a soulevé cette question, nous donne de plus amples informations. J'espère que, à cette occasion, nous pourrons faire venir le ministre et son équipe pour nous donner des réponses. Votre point a été bien établi, sénateur Nolin.

Le sénateur Nolin : C'est urgent. Je n'ai pas utilisé le mot, mais je pense que c'est urgent.

M. Parent : Je suis entièrement d'accord.

Le sénateur Nolin : Je suis sûr que vous êtes d'accord.

Le président : Merci.

[Traduction]

Pardonnez-moi, sénateur Lang, mais la convention tacite, c'est que le vice-président pose la première question. Je regrette, sénateur, que vous...

Le sénateur Wells : Vous avez déjà enfreint cette règle.

Le président : Le système fonctionne bien ainsi. Merci.

Le sénateur Wells : Je suis toujours prêt à céder la parole au sénateur Nolin.

Concernant les obstacles réglementaires ou administratifs, je constate à la page 51 que vous avez pris bonne note de la suggestion sur l'interprétation plus libérale durant l'évaluation. Est-il question de l'administration ou d'une étape précédente de l'évaluation?

M. Parent : Il est très important de comprendre que tous ces problèmes et les critères en matière d'accès aux allocations et aux programmes se fondent sur une interprétation libérale. Aux États-Unis, on présume dès le départ que la vie militaire a une influence sur la santé.

Dans tous les cas que nous examinons, les critères sont tellement stricts que les anciens combattants ont difficilement accès, par exemple, à l'allocation pour déficience permanente. Nous collaborons avec le ministère à un autre rapport sur l'allocation pour déficience permanente et son supplément pour modifier à l'interne les critères d'admissibilité.

Un autre aspect que nous n'avons pas mentionné, c'est que la plupart des anciens combattants qui reçoivent une allocation pour déficience permanente se situent au premier niveau. Alors, pourquoi y a-t-il trois niveaux? Nous travaillons là-dessus actuellement.

Le sénateur Wells : Au lieu de permettre une évaluation libérale, pourquoi les directives n'exigeraient pas par défaut la tenue d'une telle évaluation plutôt que de donner le choix d'en faire une ou non? Comprenez-vous bien ma question?

M. Parent : C'est une bonne remarque.

Le sénateur Wells : Pourquoi ne pas réaliser une évaluation libérale par défaut?

Le président : Permettez-moi de faire une intervention. La loi comprend toute une série de règlements. L'esprit et la lettre ont amené les gens à ne pas forcément donner le bénéfice du doute aux anciens combattants. Il faut constamment fournir des preuves. Un certain niveau d'exigence doit être respecté, mais ce n'est pas le réflexe initial.

Contrairement aux recommandations, je dirais qu'un certain nombre de questions soulevées ici pourraient exiger de modifier la loi, car la réglementation est trop contraignante et n'accorde pas assez de flexibilité au ministre.

Monsieur Parent, un certain nombre de questions soulevées ici sont régies par la loi. Pardonnez mon intervention.

Le sénateur Wells : C'est une bonne observation. J'aimerais donner des précisions là-dessus, car le programme devrait donner lieu à nombre de décisions positives, plutôt que de forcer la présentation de demandes au bureau du ministre. Je n'entends pas par là contester la suprématie de ce dernier. Pour obtenir la bonne décision, il faut toujours s'adresser au ministre. Le processus doit être équitable pour les anciens combattants, surtout s'ils sont blessés.

Le président : Il faut faire appel au ministre, qui doit bien sûr se justifier au Conseil du Trésor, mais la loi l'oblige à obtenir l'aval de la Chambre des communes. Le ministre doit demander au Cabinet et à la Chambre de modifier la loi. Cela réduit considérablement la latitude du ministre.

Le sénateur Wells : En effet.

Dans le même ordre d'idées, pouvez-vous me parler quelques instants du sentiment d'apaisement évoqué à la page 12 de votre rapport, en matière de transition et de soins qui vont bien au-delà de l'âge de la retraite? Nous sommes probablement tous d'accord pour dire que ce n'est pas toujours possible de tourner la page si on souffre d'une déficience grave.

Pouvez-vous parler du sentiment d'apaisement relatif, des soins prodigués jusqu'à la mort et du processus qui pourrait nuire à ce sentiment?

M. Parent : Concernant la vie après l'armée, je pense qu'il importe de maximiser le succès de la transition. C'est ce que vise la Nouvelle Charte des anciens combattants, avec le programme de réadaptation professionnelle.

Ce qui fait défaut présentement, c'est que nous oublions parfois la transition que doit aussi effectuer la famille. Très peu de programmes le prennent en compte. Malheureusement, les événements récents rapportés dans les médias révèlent également que les familles ne sont peut-être pas bien préparées pour gérer les problèmes que vivent les militaires atteints d'un TSPT, d'une BSO, et cetera. Nous recommandons dans le rapport de mieux aider les gens à effectuer cette transition.

Par ailleurs, bien des conjointes sacrifient leurs carrières et leurs revenus pour prendre soin des anciens combattants blessés. Elles ne reçoivent aucune indemnité.

Si vous combinez tous ces risques, il est facile de conclure qu'une famille peut se retrouver dans une situation très périlleuse. C'est extrêmement important.

Pour ce qui est du sentiment d'apaisement, je ne saurais vous dire exactement.

Col Guérin : C'est la démarche préconisée avec l'indemnité d'invalidité. On indique au militaire blessé qu'on va lui verser un montant forfaitaire afin qu'il puisse tourner la page et reprendre le cours normal de sa vie. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'aura plus accès à d'autres formes de soutien financier qui pourraient l'aider à effectuer la transition.

Il s'agit donc de deux choses distinctes. Dans un premier temps, on verse une indemnité pour les douleurs et les souffrances subies, mais on continue d'aider le militaire à faire la transition vers la vie civile, jusqu'à ce qu'il arrive à 65 ans ou pendant le reste de son existence. Ce sont deux concepts différents.

M. Parent : Il y a certains anciens combattants qui interprètent mal la situation lorsqu'ils reçoivent un montant forfaitaire devant leur procurer ce sentiment d'apaisement. Ils ont l'impression que tout est fini et que l'on ne les aidera plus. Ce n'est pourtant pas le cas. Si l'on lit bien la charte, on peut voir qu'il y a des mécanismes qui entrent en jeu pour offrir un revenu à ceux qui sont incapables de faire la transition et de se recycler.

Il va de soi que les vétérans frappés d'une incapacité permanente bénéficient également de mécanismes visant à assurer leur survie, comme c'était le cas en vertu de la Loi sur les pensions — malgré que ce soutien soit actuellement difficile d'accès et pas nécessairement toujours adéquat. Mais le paiement forfaitaire semble être la seule chose qui existe pour bien des anciens combattants.

Le sénateur Wells : Je vous remercie. J'aurais bien d'autres questions, mais je vais céder la parole à un collègue, car j'ai déjà pris beaucoup de temps.

Le président : Merci. Peut-être pourrez-vous revenir à la charge lors d'un second tour.

Le sénateur Lang : Je suis nouveau au sein de ce comité et j'essaie de bien comprendre ce qu'on offre à nos anciens combattants. Je suis persuadé que toutes les personnes ici présentes conviendront avec moi que les anciens combattants sont des membres très importants de notre société, et que nous leur sommes très reconnaissants pour ce qu'ils ont fait pour notre pays.

Par ailleurs, il y a certaines choses que j'aimerais mieux comprendre. Il y a d'abord la question de ceux dont le degré d'incapacité est de 80 p. 100, nous avons parlé d'un total de quelque 1 400 et vous avez indiqué que 406 d'entre eux seraient à risque, n'est-ce pas? Je pense que nous devrions vraiment cibler ces gens-là, car il semble que ce soit le problème à régler dans l'immédiat.

J'aimerais d'abord m'assurer d'une chose. Est-ce bien vrai que le problème est en fait de nature administrative, plutôt que législative. Je voudrais que l'on sache bien d'où doit venir la solution.

M. Parent : Il y a effectivement un volet administratif, mais il y a aussi le fait que l'élargissement des critères d'admissibilité pourrait permettre à 50 p. 100 des anciens combattants de toucher l'allocation pour déficience permanente, ce qui leur assurerait un revenu après 65 ans. Il y a donc des modifications législatives qui s'imposent.

Le sénateur Lang : Les gens qui nous regardent doivent avoir autant de peine que moi à s'y retrouver, car j'avais cru comprendre — à la lumière de ce que vous m'avez dit et de ce que j'ai entendu par ailleurs — que ces anciens combattants avaient tous un degré d'incapacité supérieur à 80 p. 100, mais n'avaient pas été désignés comme tels en raison de problèmes avec le système. C'est ce que j'arrive difficilement à comprendre. Si nous avons tous les deux un degré d'incapacité de 80 p. 100, comment est-il possible que vous puissiez être considéré invalide alors que je ne le serais pas. Où est le problème? C'est ce que je cherche à tirer au clair, dans la foulée du sénateur Nolin. Je ne crois pas qu'on nous réponde vraiment à ce sujet.

Est-ce simplement parce que l'arbitre détermine que votre degré d'incapacité est de 80 p. 100, mais que ce n'est pas mon cas? Est-ce la source du problème? Et le cas échéant, avons-nous suffisamment d'arbitres pour revoir ces dossiers et veiller à ce que les anciens combattants frappés d'une incapacité soient traités correctement? C'est ce que nous voulons savoir. Est-ce qu'il y a quelque chose qui m'échappe?

Col Guérin : Le taux de 80 p. 100 a été donné à titre d'illustration. Dans les graphiques que vous avez en main, nous utilisons l'exemple d'un caporal dont le degré d'incapacité était de 80 p. 100.

Mais c'est le gestionnaire de cas à Anciens Combattants Canada qui doit déterminer s'il y a « incapacité totale et permanente ». Le degré d'invalidité importe peu, vous pouvez être frappé d'une incapacité totale et permanente même avec un degré d'invalidité de 40 p. 100.

Ce n'est donc pas le degré d'invalidité qui compte, mais bien la capacité d'occuper un emploi rémunérateur convenable. Si l'ancien combattant est incapable de travailler ou d'occuper un emploi dont la rémunération atteint au moins les deux tiers de ce qu'il touchait dans les Forces canadiennes, on considère qu'il est frappé d'une incapacité totale et permanente.

Tout cela est un peu complexe.

Le sénateur Lang : C'est complexe et, il faut bien l'avouer, c'est la vie d'êtres humains qui est en jeu ici. C'est donc une situation qui nous préoccupe énormément.

Ce qui m'inquiète à la lecture de ce document, c'est d'apprendre que plus de 400 Canadiens risquent de se retrouver sans soutien financier à l'âge de 65 ans. Vous nous dites qu'ils se rendent jusqu'à cette échéance avant de se retrouver devant un grand vide.

Pouvez-vous nous indiquer combien de Canadiens se retrouveront dans cette situation pour le temps des Fêtes cette année? Y en aura-t-il 400 ou 40? Où prenez-vous vos chiffres, et avez-vous identifié ces gens-là? Et si vous ne l'avez pas fait, pour quelle raison?

Col Guérin : Nous ne connaissons pas la répartition de ces 400 anciens combattants en fonction de l'âge. Nous savons qu'ils auront 65 ans d'ici un certain nombre d'années, mais que certains d'entre eux ont déjà atteint ce palier. Ce ne sont pas tous les 406 — il y en a peut-être une cinquantaine.

Le sénateur Lang : Il y a quelque chose qui m'échappe. Si on pense à une seule personne se retrouvant dans cette situation, comment se fait-il qu'elle ne signale pas son cas, ou que nous n'arrivions pas à l'identifier? Comment est-il possible qu'une personne puisse ainsi se retrouver sans ressources en atteignant l'âge de 65 ans le 19 décembre sans que nous l'ayons identifiée?

M. Parent : Il est difficile de répondre à cette question. Premièrement, il y a bien des gens qui sont trop fiers pour signaler leur situation. Deuxièmement, comme je le disais tout à l'heure, plusieurs ne commencent à s'inquiéter qu'au moment de leur 65e anniversaire. Certains d'entre eux ne savaient pas que leur situation pouvait devenir problématique, mais ils seront désormais mieux sensibilisés à la chose, car le Bureau de l'ombudsman des vétérans s'est acquitté de son mandat en mettant le ministère au fait des lacunes dans le système. Nous indiquons dans notre rapport qu'un certain nombre d'anciens combattants sont à risque, et qu'il faut maintenant que le ministère fasse le nécessaire pour les retracer et veiller à ce que l'on s'occupe d'eux après leur 65e anniversaire.

Nous proposons différentes solutions dans notre rapport. Que peut faire le ministère pour venir en aide à ces gens qui risquent de se retrouver dans la misère à l'âge de 65 ans? Nous avons dégagé quelques options et recommandations en fonction d'un objectif de 70 p. 100 du salaire au moment de la retraite, une attente raisonnable pour n'importe quel emploi. Nous avons donc soumis au ministère différentes options pour en arriver justement à ce résultat. On pourrait aller jusqu'à mettre en place une nouvelle allocation, si cela est nécessaire, ou miser sur celles qui existent déjà et en faire des paiements à vie, plutôt que de les interrompre à 65 ans. Le ministère a reçu nos suggestions à cet effet et c'est à lui qu'il incombe maintenant d'agir.

Je conviens avec le sénateur Nolin qu'il y a des correctifs à apporter. Nous estimons que c'est l'élément le plus important de notre rapport; il faut retracer ces gens-là et leur venir en aide. De fait, si le ministère avait donné suite à la recommandation que nous formulions dans notre rapport précédent en remettant une carte d'identité aux membres des forces régulières et de la réserve qui prennent leur retraite, il serait beaucoup plus facile de les retrouver maintenant.

Gary Walbourne, directeur exécutif des opérations et ombudsman adjoint, Bureau de l'ombudsman de vétérans : J'ajouterais que nous nous sommes appuyés sur une base statistique pour procéder à notre examen. Nous voulions analyser la situation véritable des gens. C'est à partir des données reçues du ministère que nous avons établi ce nombre de 406. Nous avons d'abord et avant tout supprimé tous les renseignements personnels, car nous n'en avions pas besoin à cette étape. À partir d'un ensemble de données, nous avons éliminé progressivement des dossiers au moyen de questions directes pour en arriver à ce 406. Il y a donc effectivement des données à ce sujet et c'est le ministère qui les détient.

Le sénateur Lang : Êtes-vous en train de nous dire que le ministère a les noms des 406 personnes en question?

M. Walbourne : Oui, sénateur.

Le sénateur Lang : Pourquoi affirmons-nous alors que ces personnes n'ont pas été identifiées? N'ont-elles pas un numéro de téléphone?

Le président : Permettez-moi d'intervenir. Toutes les données dont dispose le Bureau de l'ombudsman des vétérans lui viennent directement du ministère. Celui-ci a en main tous ces dossiers, car ils relèvent de son pouvoir décisionnel. Qu'a fait le ministère pour donner suite à cette recommandation? Nous pourrions notamment porter à l'attention du ministre le fait que certains anciens combattants se retrouvent maintenant à risque parce qu'ils approchent l'âge de 65 ans ou l'ont atteint. Je pense que c'est une démarche que notre comité pourrait entreprendre. Cela ne relève pas vraiment du mandat de l'ombudsman des vétérans. Il a soulevé la question et c'est à nous de faire avancer le dossier.

Sénateur Lang, il faudrait maintenant laisser la parole à vos collègues. Nous essaierons de faire un second tour, si cela vous convient. Comme vous avez déjà réussi à glisser une question supplémentaire, nous allons nous efforcer de maintenir un juste équilibre.

Le sénateur Lang : Mes collègues m'ont appris bien des trucs.

Le président : Voilà qui est bien dit.

Le sénateur Day : Merci, monsieur le président, et permettez-moi de remercier également l'ombudsman pour l'excellent travail qu'il a accompli en présentant son rapport. Je dois avouer que je n'ai pas eu la chance de l'étudier autant que je l'aurais voulu, mais j'ai l'impression que l'on commence à s'éloigner de ces cloisonnements qui existaient auparavant. Vous parlez de l'indemnisation pour les souffrances subies et les pertes économiques et de la nécessité que le soldat, l'ancien combattant, conserve un revenu raisonnable. Nous reconnaissons tous que ceux qui souffrent devraient être indemnisés et qu'un militaire blessé devrait toucher une certaine forme de compensation financière pour pouvoir garder le même niveau de vie qu'auparavant.

Le document d'information que vous nous avez fourni m'entraîne sur plusieurs pistes de réflexion. À la première page, il est question de l'augmentation du salaire minimum pour le calcul de l'allocation pour perte de revenus. On note ensuite différentes formes d'aide financière dont l'allocation pour déficience permanente, l'allocation d'incapacité exceptionnelle et différentes options pour l'indemnité d'invalidité. Il ne faut donc pas se surprendre que nous ayons besoin de toute une équipe d'analystes pour nous y retrouver dans toutes ces catégories.

Il y a un type du nom de Robert Stanfield qui a jadis déclaré qu'il fallait simplifier les choses. Nous devrions plutôt miser sur un revenu annuel garanti, assorti d'une indemnisation pour la douleur et les souffrances subies. À quoi servent toutes ces catégories? Avez-vous envisagé la possibilité de décloisonner le tout dans cette optique de simplification?

M. Parent : C'est assurément quelque chose que nous souhaiterions. Je conviens avec vous que tout cela est fort complexe. Je pense que cela découle en grande partie de la coexistence de deux régimes, en plus de certains vestiges du précédent. Il y a aussi le fait qu'il existe actuellement une différence marquée entre l'allocation pour déficience permanente et l'allocation pour perte de revenus, laquelle vise à offrir un soutien financier à ceux qui font la transition et suivent une formation pour occuper un nouvel emploi. Cette dernière allocation n'est pas permanente; elle peut être prolongée jusqu'à l'âge de 65 ans, mais pas au-delà.

Il n'est effectivement pas facile de s'y retrouver. C'est le problème avec lequel doivent composer la plupart des anciens combattants, et notamment ceux qui sont plus âgés ou qui ont des blessures non visibles. C'est très complexe et si nous avions eu la chance d'examiner le processus administratif comme tel pour voir comment les choses sont gérées d'une manière générale, nous serions assurément les premiers à préconiser le décloisonnement. Nous avons aussi pu constater que certains fonctionnaires du ministère ne savent pas ce qui se passe dans les autres secteurs de l'organisation. Il y a tout lieu de se pencher sur cette problématique.

Le sénateur Day : On peut présumer que les militaires qui s'apprêtent à prendre leur retraite et qui cherchent conseil auprès des ressources disponibles sur leur base ne sont pas nécessairement informés de toutes les options qui s'offrent à eux dans leur situation particulière, car très peu de gens ont une bonne connaissance de la vaste gamme de programmes offerts.

Monsieur Parent, j'ai été plutôt étonné de vous entendre dire que nous devons accepter le fait que les vétérans sont appuyés en vertu de deux régimes d'avantages différents, et que nous ne pouvons réécrire le passé. Ce n'est pourtant pas notre intention. Tant mieux pour ceux qui bénéficient encore de l'ancien régime, mais je ne pense pas que nous devions nous faire à l'idée qu'il y aura toujours deux programmes distincts. J'estime que nous devrions nous efforcer de simplifier tout cela. J'ose espérer que vous travaillez également en ce sens.

M. Parent : Vous avez tout à fait raison, sénateur. Je crois que l'appellation « Nouvelle Charte des anciens combattants » a créé beaucoup de confusion, surtout dans sa version anglaise. On s'est demandé s'il s'agissait d'une nouvelle charte pour les anciens combattants plus récents ou pour les autres. Ce qu'il nous faut, c'est une charte pour tous les anciens combattants.

Le sénateur Day : Exactement.

M. Parent : Mon mandat n'est pas assez long pour me permettre d'intervenir concrètement en faveur de la fusion des lois. C'est toutefois ce que je ferais si le temps me le permettait car, ce qu'il nous faut, en définitive, c'est une seule charte et une seule loi régissant tous les anciens combattants.

Le sénateur Day : Même si ce n'est pas nécessairement nous qui irons au bout des choses et que nous serons peut-être plus là au moment où on y parviendra, je crois que si vous amorciez le dialogue en ce sens, vous obtiendriez aisément le soutien de notre comité, car chacun comprendra bien la logique qui sous-tend cette approche.

Permettez-moi de conclure car nous disposons de très peu de temps. Nous allons nous prononcer sur le projet de loi C-4 qui comporte tout un train de mesures fort variées. C'est un projet de loi omnibus pour la mise en œuvre du budget. Il prévoit notamment la réduction du nombre de membres du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Le tribunal peut actuellement compter 29 membres, mais fonctionne avec seulement 22 depuis un bon moment déjà. Il semblerait que la solution de compromis proposée dans ce projet de loi consiste à fixer le nombre de membres à 25. Il y a des anciens combattants qui ont attendu jusqu'à un an pour que leur cause soit entendue — plusieurs sont même décédés dans l'intervalle.

Pourquoi alors accepter une réduction du nombre de membres et pourquoi ne vous entendons-nous pas protester à ce sujet? Pourquoi ne pas réclamer qu'il y en ait 29 comme prévu, plutôt que 22? Ainsi, on ne se retrouverait pas avec tous ces vétérans qui meurent sans que leur cause ait été entendue.

M. Parent : C'est une bonne question. J'ai d'ailleurs déjà eu à répondre à une question très précise du comité sénatorial à ce sujet, et votre président pourra vous le confirmer. Je crois que peu importe le nombre de postes prévu, l'important c'est surtout qu'ils soient comblés en tout temps par des membres capables de faire le travail. Je n'ai pas lu la transcription du témoignage de M. Larlee, mais je pense qu'il est du même avis. D'accord, 25 postes c'est suffisant, mais encore faut-il les combler.

À l'heure actuelle, lorsque des membres quittent ou arrivent à la fin de leur mandat, il faut de cinq à six mois pour les remplacer. Alors, on peut bien avoir droit à 25 membres, mais on fonctionne avec 22. J'ai fait valoir qu'il fallait s'assurer auprès du BCP que l'on était bel et bien en mesure de remplacer chaque membre qui quitte par quelqu'un capable d'assumer les mêmes fonctions, car c'est le problème actuellement. Si 25 arbitres sont prévus, il faut en tout temps pouvoir compter sur 25 personnes tout à fait aptes à remplir ces fonctions. C'est l'élément important.

Le sénateur Day : Permettez-moi seulement de conclure à ce sujet. Je me demande pourquoi on n'a pas simplement fait valoir qu'il fallait combler les 29 postes auxquels on a droit actuellement de manière à éliminer l'arriéré d'un ou deux ans, plutôt que d'accepter un compromis en se disant qu'il sera peut-être plus facile de combler 25 postes, si tel est le maximum prévu.

C'est un compromis auquel on est arrivé sans procéder à aucune analyse, aucune étude pour déterminer un nombre optimal. C'est un compromis en ce sens qu'on s'imagine que tous les postes pourront peut-être être comblés si l'on accepte que le nombre en soit réduit.

M. Parent : Je ne sais pas ce que le président du tribunal a répondu à ce propos, mais je pense qu'il serait mieux en mesure que moi de vous expliquer les raisons pour lesquelles le nombre de 25 a été accepté.

Le sénateur Day : Je crois que nous serions tous intéressés de le savoir.

Le président : Merci, sénateur Day. J'ai bien tenté de convoquer le président du tribunal, mais mes efforts n'ont pas porté fruit. C'est assurément une éventualité à garder à l'esprit, car il ne faut pas oublier que s'il faut six mois pour combler un poste, on doit également en compter de quatre à six supplémentaires pour dispenser la formation requise.

Je remercie le sénateur Day et M. Parent pour cet intéressant échange.

La sénatrice Stewart Olsen : Monsieur Parent, je vous remercie grandement pour le travail que vous accomplissez et pour m'avoir aidée à mieux comprendre toutes ces questions.

J'ai travaillé avec de nombreux anciens combattants et plusieurs associations au Nouveau-Brunswick. Je commence à tirer certaines conclusions en entendant des gens affirmer sur différentes tribunes que des sommes importantes ont été investies pour faire ceci et cela, et que jamais un gouvernement n'en avait fait autant. J'ai toutefois l'intime conviction que quelque chose ne tourne pas rond. Je ne sais pas si c'est dans la manière dont l'aide est dispensée ou quoi que ce soit, mais j'ai l'impression que nous appliquons des solutions provisoires à gauche et à droite sans jamais aller au fond des choses.

J'aimerais notamment savoir s'il existe au ministère une conception prépondérante datant peut-être d'une époque révolue — il y a 50 ou 60 ans — voulant que nous ayons mené nos guerres, puis que nous ne fassions plus qu'attendre le décès des anciens combattants en réduisant progressivement nos services.

Je constate cette idéologie à bien des endroits, comme dans les hôpitaux pour anciens combattants ou dans d'autres services, où on ne semble pas tenir compte des anciens combattants ayant participé au maintien de la paix, qui n'ont peut-être pas pris part aux combats, mais qui ont été blessés au genou ou au dos dans l'exercice de leurs fonctions, par exemple, et qui ont désormais besoin de notre soutien. Ils entrent maintenant dans le système. Je vois des anciens combattants de la Bosnie et de l'Afghanistan. En fait, nous sommes loin de réduire les services et sommes pratiquement en train de les accroître. J'ignore si le ministère a évolué au même rythme que la réalité d'aujourd'hui. Qu'en pensez- vous?

M. Parent : S'occuper de différentes générations d'anciens combattants pose assurément des difficultés. Lorsque le ministère a commencé à parler de diminution et de transformation il y a quelques années, je sais que sa position se fondait sur la population décroissante des anciens combattants de la guerre. À vrai dire, nous ne voyions pas les choses de la même façon. Je peux même dire que des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée commencent tout juste à se manifester et à demander des prestations.

Lorsqu'on porte principalement son attention sur une génération, il arrive qu'on oublie les autres, en quelque sorte. Je pense qu'il y a eu des remarques dernièrement au sujet de la fermeture de bureaux, surtout dans les Maritimes, mais il y a désormais les demandes en ligne, le site web et ce genre d'outils. C'est bien, mais n'oublions pas que les anciens combattants plus âgés ne les utiliseront pas. Ils ont besoin d'un service téléphonique et de rencontres directes. Voilà un des éléments fondamentaux.

Il ne faut pas oublier l'aspect communicationnel au sein d'Anciens Combattants Canada, ou ACC — je le dis depuis trois ans, et le répéterai encore. On ne saurait trop insister sur l'importance d'utiliser le même langage que les clients. Autrement dit, il est important de pouvoir communiquer avec les anciens combattants de toutes les générations. Mais on ne peut pas s'attarder à l'une d'entre elles en oubliant que d'autres aussi ont besoin d'aide.

Le ministère est en train de se transformer et de s'astreindre à un régime, ce qui entraîne assurément beaucoup de changements. J'imagine que c'est une grande source d'angoisse. La fermeture en est un autre exemple dans les Maritimes. Il faut donc tenir compte de tous ces éléments.

La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends la raison des fermetures de bureaux. Je ne suis pas persuadée qu'elles sont aussi malheureuses que certains le croient. L'idée que Service Canada comptera désormais un représentant pour les anciens combattants me plaît. C'est du moins ce que j'ai entendu dire; le point de service serait plus près de bien des gens, qui n'auraient plus à se déplacer jusqu'à l'Île-du-Prince-Édouard ou Halifax. Je n'y vois donc aucun inconvénient.

Mais ce qu'il faut vraiment commencer à examiner, comme de nombreux anciens combattants l'ont mentionné, c'est qu'un ancien combattant qui a servi est un ancien combattant, peu importe s'il a participé à une guerre ou non.

Nous devons aussi revoir certaines des prestations que nous offrons. Par exemple, ce n'est selon moi que dans les Forces armées canadiennes ou chez les anciens combattants qu'il faut avoir travaillé 10 ans avant de toucher une pension. Les militaires y contribuent. Du côté des députés, c'est six ans. Je ne comprends donc pas trop pourquoi le seuil de 10 ans a été fixé.

Je constate bien des problèmes auxquels il faut remédier, et je sais que vous ne pouvez pas tout faire. Je suis d'accord avec le sénateur Day pour dire que c'est extrêmement déroutant, et je pense qu'il faut principalement simplifier les choses et essayer de trouver une solution qui convienne à tout le monde. Je vois que c'est votre but, et je suis d'accord.

Le président : Permettez-moi de recommander la lecture du rapport Neary de 2004, qui décortique bien des points que vous avez soulevés, madame la sénatrice Stewart Olsen; je crois que mon personnel a tenté de communiquer avec les membres du comité à ce sujet. Le rapport devait jeter les bases de la Nouvelle Charte des anciens combattants, mais les choses se sont passées autrement pour une raison interne. Vous avez eu la sagesse de comprendre que le ministère pensait devoir cesser ses activités, mais qu'il les a plutôt intensifiées au point d'avoir désormais plus d'anciens combattants de la nouvelle génération que d'anciens combattants traditionnels au Québec. Je vous remercie d'en avoir parlé devant les anciens combattants.

Nous allons passer au deuxième tour puisqu'il nous reste quelques minutes.

Le sénateur Wells : J'aimerais regarder de plus près certains programmes et recommandations sur le soutien aux familles. Pourriez-vous nous en parler de façon générale? Je songe parfois aux militaires des FC, peu importe leur domaine. J'ignore ce qui est le plus courant, mais il se peut que leur conjoint ou conjointe travaille aussi. Propose-t-on qu'ACC verse une indemnité en cas d'invalidité permanente, si le conjoint ne travaille pas? Pourriez-vous me parler un peu de la formation professionnelle et de certains éléments de l'aide qui s'ajoute à celle liée aux blessures?

M. Parent : Nous avons soulevé de nombreuses préoccupations concernant le soutien aux familles en vertu de la Nouvelle Charte, étant donné que l'armée n'a pas hésité ces dernières années à intégrer la famille à la vie militaire au moyen des Centres de ressources pour les familles militaires qu'on retrouve sur presque toutes les bases. L'armée a fait un travail formidable pour aider les familles à effectuer différentes transitions, comme les affectations et l'adaptation à de nouvelles bases, et les familles en sont venues à compter sur cette aide. Mais il n'y a plus rien à leur sortie des FC.

Nous croyons que la famille a elle aussi besoin d'une transition. Il faut peut-être prolonger les programmes de collaboration entre le MDN et ACC d'une ou deux années après la retraite ou la transition de l'ancien combattant. Soulignons aussi que les jeunes qui se retirent n'ont peut-être pas accès au régime de soins dentaires, contrairement à ceux qui touchent la pension de retraite. Ils n'y ont pas droit puisqu'ils ne reçoivent pas la pension. Il faudrait peut-être se pencher là-dessus puisqu'il s'agit d'un programme peu coûteux à frais partagés. Voilà qui aiderait certainement les familles à gérer la transition.

Comme je l'ai dit plus tôt, si votre conjoint est blessé au point que vous deviez sacrifier votre propre carrière pour en prendre soin, la reconnaissance des aidants naturels devrait vous donner droit à certaines indemnités pour compenser vos pertes à vous aussi. Il n'y a rien de tel à l'heure actuelle. Il y a quelques années, nous avons réussi à convaincre le ministère d'élargir la définition d'aidant naturel dans le cas des paiements à titre gracieux liés à l'agent Orange. Des travaux ont été réalisés à ce chapitre.

Il y a aussi la limite d'un an du critère d'admissibilité. Contrairement à l'ancienne loi, la Nouvelle Charte des anciens combattants permet au conjoint ou à la conjointe de suivre une formation professionnelle de réadaptation à la place du militaire blessé. Or, si celui-ci décède, le conjoint survivant a un an pour en profiter. Cette limite est complètement ridicule, car Dieu sait qu'on est trop occupé pour penser à la réadaptation et au changement de carrière l'année suivant le décès de son conjoint, surtout avec de jeunes enfants. Ces critères imposés n'ont pas leur place. Ce n'est pas une question de coût, mais bien de logique.

Voilà ce que nous recommandons étant donné que la famille effectue la transition en même temps que l'ancien combattant, comme je l'ai dit. Nous ne laissons pas tomber les familles.

Il y a aussi l'accès aux soins médicaux pour la famille et pour le militaire qui recevait des soins au sein des FC. Lorsqu'on quitte une base pour s'installer dans un autre milieu, on est le dernier sur la liste. Voilà des éléments qu'il faut examiner, selon nous.

Le sénateur Wells : Bien entendu, le militaire qui quitte la base à la retraite perd une grande partie de son soutien — et il ne s'agit pas nécessairement que du soutien officiel dont vous parlez.

Le président : La présidence aimerait apporter une précision. La Nouvelle Charte devait tenir compte du fait que les familles vivent maintenant les missions en même temps que les troupes, avec les médias, les communications et le reste; la situation n'a rien à voir avec celle d'autrefois. Il fallait intégrer un grand soutien aux familles. Par conséquent, il n'y a pratiquement rien pour les familles, ce qui crée des problèmes pour les ménages à deux revenus dont l'un disparaît, par exemple. Votre intervention est des plus pertinentes, et je vous en remercie.

Le sénateur Lang : J'aimerais aborder deux sujets. En ce qui concerne les 406 Canadiens qui ont été identifiés, vous nous avez dit que le ministère a une liste et connaît leur nom. Pouvez-vous promettre au comité que votre bureau demandera le nom de ces personnes sur le point d'avoir 65 ans pour qu'elles soient contactées et que leur dossier soit traité équitablement? Voilà mon premier point. En deuxième lieu, pourriez-vous nous donner une idée générale des programmes canadiens comparativement à ceux offerts au Royaume-Uni, disons? Je pense que vous avez fait des études ou des comparatifs. Les Canadiens aimeraient savoir de façon générale où nous en sommes comparativement à d'autres pays sur le plan des services aux anciens combattants. Qu'en pensez-vous?

Col Guérin : Nous n'avons pas étudié les comparatifs en profondeur. Il peut être dangereux de se comparer à d'autres pays puisqu'aucune nation n'est pareille. Les autres procèdent différemment. Puisque les niveaux de vie ne sont pas les mêmes, il faut être prudent avant de se comparer au Royaume-Uni, aux États-Unis ou à l'Australie. La solution dont nous avons besoin doit être conçue ici. Si on se compare au Royaume-Uni, qui verse 1 million de dollars et pas nous, on voit que ses programmes sont différents. Ce genre de comparatif peut être quelque peu utile, mais il ne faut pas aller trop loin.

M. Walbourne : Pour ce qui est de l'information entre les mains du ministère, nous n'avons pas besoin des noms. Nul besoin pour nous de les connaître puisque notre travail consiste à tenir le ministère responsable des services qu'il offre. Vous feriez donc mieux de lui adresser votre demande. C'est lui qui détient l'information et qui est en mesure de communiquer avec ces personnes.

Le président : Si le comité est d'accord, je peux écrire directement au ministre pour lui demander de vérifier l'existence de ces cas et de prendre des mesures à cet égard. Il s'agirait là d'une tâche administrative des plus importantes dans le cadre de mon mandat, si vous n'y voyez aucun inconvénient.

Pour conclure, j'ajouterais que bien que les forces australiennes soient bien moins grandes que les nôtres, le pays dépense actuellement deux fois plus que nous en prestations destinées aux anciens combattants. On peut s'attarder de façon plus générale aux comparaisons qui méritent d'être établies. D'ailleurs, le rapport Neary abordait cette question aussi.

[Français]

Monsieur Parent, merci. Votre rapport a été bien reçu et nous espérons que des mesures seront prises. Nous aurons l'occasion d'inviter des représentants du ministère — et peut-être aussi le ministre — pour voir où ils en sont avec vos recommandations.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, merci infiniment d'avoir participé à nos délibérations. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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