Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants
Fascicule 2 - Témoignages du 5 février 2014
OTTAWA, le mercredi 5 février 2014
Le sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 10, pour faire une étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles.
Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe lefauteuil.
[Français]
Le président: Nous accueillons aujourd'hui M.Pierre Daigle, ombudsman pour la Défense nationale et les Forces canadiennes.
C'est avec impatience que nous attendions votre témoignage. Le contenu de vos travaux est particulièrement important en ce qui concerne les vétérans qui sont encore en service et leur transition vers l'autre ministère, celui des Anciens Combattants.
D'autres sénateurs, retenus également dans leur caucus, se joindront à nous ultérieurement. La parole est à vous, monsieurDaigle.
Pierre Daigle, ombudsman, Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes: Bonjour, je suis accompagné d'Alain Gauthier, qui est mon directeur général des opérations qui m'aidera à répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes depuis cinq ans; en fait, mon mandat se termine dans deux semaines. C'est le dernier chapitre de 44 années de service dans le milieu de la Défense, et j'ai été honoré de servir d'ombudsman aux soldats du Canada et à ceux qui servent avec eux ou qui les appuient.
Ce sera ma dernière comparution devant un comité de la Colline du Parlement. Je suis heureux d'avoir l'occasion de formuler quelques observations sur la question délicate de la transition qu'un militaire des Forces canadiennes blessé ou malade doit effectuer vers «le civil», comme de nombreux militaires l'appellent.
Les Forces canadiennes émergent de 20 années d'opérations continues, des Balkans aux déploiements navals dans le golfe Persique, en passant par les missions aériennes au Kosovo et en Libye, les multiples opérations de maintien de la paix et les opérations de combat en Afghanistan. Cette période a été très intense. Les militaires des FC et leur famille en ont payé le prix, mais je ne crois pas que les Canadiens en sont conscients.
[Français]
Je suis fier de pouvoir dire que le Bureau de l'ombudsman a été au premier plan en ce qui concerne les nouveaux enjeux au sein des Forces canadiennes au cours des 12 dernières années. Le plus important a été celui des blessures de stress opérationnel et du syndrome de stress post-traumatique. J'ai récemment rendu public un rapport exhaustif sur la santé et le bien-être des familles des militaires, bien que ces familles soient résilientes, elles souffrent également d'un grand stress.
[Traduction]
Les conjoints des militaires passent par des périodes où ils sont sous-employés ou ne travaillent pas, ils doivent souvent sacrifier leur carrière et ils assument une partie disproportionnée des responsabilités parentales pendant que le militaire en service est déployé ou envoyé en formation prolongée. Ce qui est le plus inquiétant, ce sont les répercussions sur les enfants des militaires, car le déploiement d'un parent engendre des répercussions négatives sur leur santé et leurs résultats scolaires.
Les membres de la famille du militaire doivent souvent affronter seuls l'ensemble des répercussions engendrées par les problèmes de santé mentale, car ils deviennent automatiquement les principaux fournisseurs de soins lorsque le militaire n'arrive pas à se décider à demander de l'aide. Souvent, cette période peut avoir des effets débilitants sur la cellule familiale, et je parlerai bientôt de la réticence à demander de l'aide.
Depuis 2002, le bureau de l'ombudsman a publié cinq rapports sur le TSPT et les blessures de stress opérationnel. Nous sommes sur le point de publier un autre rapport au début du printemps, et il portera sur la Force de réserve.
Les Forces canadiennes ont fait beaucoup de chemin au cours de la dernière décennie, mais est-ce suffisant? Il revient à des organismes respectables comme votre comité de répondre à cette question.
La semaine dernière, la fermeture de bureaux d'Anciens Combattants Canada a provoqué beaucoup d'agitation émotionnelle et politique. Auparavant, il y avait eu une vague de suicides parmi les militaires, ce qui a attiré l'attention, à juste titre, sur les problèmes de santé mentale et l'importance d'aider ceux qui en souffrent.
[Français]
Il ne fait aucun doute que les Canadiens et Canadiennes se préoccupent de nos hommes et nos femmes militaires. Je suis certain que toutes les personnes sur la colline du Parlement ont cette même préoccupation. Toutefois, je me demande parfois pourquoi il faut tellement de discussions, de temps et d'efforts pour convenir de la bonne voie à suivre.
Mon travail à titre d'ombudsman est de déterminer les sujets de préoccupation et de recommander les meilleures façons de les traiter. Il faut reconnaître les réalisations du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes qui ont accueilli la majorité de nos recommandations lors des dernières années.
[Traduction]
En ce qui concerne les défis auxquels font toujours face les Forces canadiennes, à mon avis, le plus grand est de convaincre les militaires de demander de l'aide, surtout lorsqu'ils souffrent de blessures de l'esprit. Deux énormes obstacles empêchent les militaires de demander de l'aide: les préjugés et la réalité de l'universalité du service, ainsi que la possibilité d'être forcé de quitter les Forces.
Les FC ont pris des mesures pour s'attaquer aux préjugés institutionnels, et il y a certainement eu des améliorations dans ce domaine. Toutefois, même si les FC réussissent à sensibiliser les gens et à réduire les préjugés, il est peu probable qu'ils disparaissent complètement. C'est très difficile, pour un soldat, d'accepter de souffrir d'une blessure de l'esprit. Souffrir d'une telle blessure est perçu comme étant un signe de faiblesse. D'une certaine façon, les préjugés personnels sont les plus difficiles à vaincre et ils empêchent de nombreux soldats d'aller chercher de l'aide.
De plus, mon rapport Ténacité dans l'adversité, publié en 2012, encourage les Forces canadiennes à moderniser leur conception de l'universalité du service.
[Français]
J'aurais à dire quelques mots sur les familles qui contribuent de façon importante à l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes, mais qui n'obtiennent pas assez de soutien de la part du ministère de la Défense nationale ou du ministère des Anciens Combattants lorsqu'il s'agit de s'occuper d'un militaire malade ou blessé. Il y a diverses options offertes dans l'ensemble des organisations telles que les Centres de ressources pour les familles des militaires, mais leur admissibilité au counselling est restreinte et doit être liée au traitement du militaire.
[Traduction]
Les FC ont pris un engagement envers les familles, mais il a besoin d'être étoffé. Je suis heureux d'annoncer que le ministère a accepté, en grande partie, la recommandation formulée dans mon rapport Sur le front intérieur.
La transition hors des FC est maintenant mieux coordonnée et on offre aux militaires une meilleure chance de reprendre le service actif. Pour ceux qui sont libérés pour des raisons médicales, la transition peut être difficile, et cela dépend surtout des circonstances personnelles et du soutien reçu d'Anciens Combattants Canada.
Comme les membres du comité l'ont déjà entendu de l'ombudsman des vétérans, de nombreux militaires sont libérés des FC après avoir été jugés médicalement inaptes au service, mais ils ne se qualifient pas pour le soutien d'Anciens Combattants Canada. Un militaire dans cette situation m'a confié que c'était l'équivalent d'être poussé du haut d'une falaise. De nombreux militaires ont l'impression de devoir se battre contre Anciens Combattants Canada pour prouver que leurs problèmes de santé sont liés au service, et ils sont d'avis que le bénéfice du doute n'est jamais accordé aux militaires.
Le MDN et Anciens Combattants Canada utilisent différents critères pour évaluer les incapacités. Il semble que les critères d'Anciens Combattants Canada sont plus sévères lorsqu'un militaire tente d'obtenir un soutien financier qu'ils le sont lorsqu'on tente de le libérer du service militaire. C'est une injustice sur laquelle il faut se pencher.
[Français]
Monsieur le président, je vais m'arrêter ici. Je vous remercie de votre attention et de l'intérêt que vous portez à ce sujet. Nous sommes prêts à répondre à vos questions. Merci.
Le président: Vous avez été éloquent et vous avez couvert beaucoup de points. Si nous n'avons pas le temps de tous les couvrir aujourd'hui, j'espère que nous pourrons vous réinviter une autre fois pour les couvrir. Je cède la parole au vice-président du comité, le sénateur Wells.
[Traduction]
Le sénateur Wells: Merci, monsieur Gauthier, et merci, monsieur Daigle, de comparaître devant le comité. Monsieur Daigle, j'aimerais également vous remercier des années de service que vous avez données au Canada et aux Forces canadiennes. C'est important et nous vous en sommes reconnaissants.
Il est important que les processus qui visent les anciens combattants et les enjeux auxquels ils font face soient équitables, et qu'ils apparaissent équitables. C'est aussi important.
J'ai remarqué, dans les informations que nous avons reçues, que les plaintes les plus fréquentes de votre section en 2012-2013 concernaient les prestations. Je remarque aussi qu'Anciens Combattants Canada a cinq niveaux d'appel — et j'aimerais vous poser une question à cet égard. À mon avis, cela semble équitable. Il y a une révision initiale et si elle n'est pas en faveur du demandeur, ce dernier a accès à cinq autres niveaux de révision par la suite.
Que peut-on faire de plus pour sembler plus équitable ou pour être plus équitable dans ce processus de révision, étant donné que les prestations et les plaintes concernant les prestations représentent votre enjeu le plus important?
M.Daigle: Si vous parlez des niveaux de révision d'Anciens Combattants Canada, je me soucie de l'injustice au sein des Forces canadiennes. Les membres des Forces canadiennes peuvent se présenter dans notre bureau au moment qui leur convient, mais s'ils ne sont pas satisfaits, ils peuvent certainement avoir recours à tous les mécanismes existants, c'est-à-dire la procédure de règlement des griefs des Forces canadiennes ou les systèmes de recours, et il y a deux niveaux dans ce cas. Tout d'abord, ils se rendent devant une autorité immédiate qui peut probablement accepter leur grief et autoriser une mesure de redressement, ou ils se rendent devant l'autorité de dernière instance, c'est-à-dire le chef d'état-major de la Défense.
Après ce niveau, si le militaire ou le plaignant a toujours l'impression qu'il a été traité de façon injuste, il peut venir nous voir, et nous allons réviser son cas. Si, après ces processus, il n'est toujours pas satisfait, les avocats des Forces canadiennes lui conseillent de présenter son cas devant la Cour fédérale. Ce sont les différents processus offerts au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale.
Le sénateur Wells: En tant qu'ombudsman, assumez-vous un rôle de défense des intérêts?
M.Daigle: Non, pas du tout. Chaque fois que nous parlons aux gens, nous sommes ce que j'appelle des «défenseurs de la justice». Lorsque les gens viennent nous voir, je leur dis toujours qu'ils doivent être prêts à entendre deux réponses: oui, on vous a traité injustement et nous allons nous occuper de votre cas; ou non, on ne vous a pas traité injustement.
Nous examinons le cas ou la question en jeu et les répercussions qu'engendre la décision ou le processus sur les gens et s'il y a injustice, nous interviendrons. Nous ne prenons pas le parti de l'institution ou de la personne; nous veillons seulement à régler la question en litige.
[Français]
Le sénateur Nolin: Monsieur Daigle, monsieur Gauthier, merci d'avoir accepté notre invitation.
Dans un premier temps, j'aimerais toucher à des questions plus générales pour comprendre les tâches, les fonctions et les responsabilités de votre organisation. De quelle manière votre bureau assure-t-il le contrôle de la qualité du rendement de vos employés?
M.Daigle: Notre bureau est soumis à ce qu'on appelle les directives ministérielles. Ces directives ministérielles me donnent mon mandat. Elles stipulent aussi les règles d'engagement et les outils dont je dois me servir pour accomplir ma mission et mon mandat.
Au sein du bureau de l'ombudsman, nous sommes complètement indépendants de la chaîne de commandement et de l'administration civile du ministère. Tous nos employés sont des membres de la fonction publique. Nous sommes indépendants, de sorte que nous avons notre propre service juridique, notre propre administration financière et des ressources humaines, et notre chef des opérations.
Nous avons des règles internes, des standards, des normes établies, qui imposent à notre personnel des délais réduits pour s'acquitter de leurs fonctions et venir en aide aux gens qui nous contactent. Également, tous les employés sont soumis au même code d'éthique et de valeurs de la fonction publique.
Le sénateur Nolin: Compte tenu de votre rôle important, comment vous y prenez-vous pour rejoindre vos clients ou aller au-devant avec vos clients, si je puis utiliser cette expression? Votre collègue des anciens combattants utilise l'expression «clients». Quelle sorte de mécanisme avez-vous en place pour aller à la rencontre de votre clientèle?
M.Daigle: Il y a plusieurs formes. Notre bureau est définitivement reconnu à l'intérieur des directives administratives de la Défense — on parle en anglais des DAOD, ou Defense Administrative Orders and Directives. En vertu de ces directives, les gens savent que le bureau de l'ombudsman est présent et peut répondre à leurs demandes.
Nous recevons environ 1 500 plaintes par année. Ces plaintes proviennent de membres de la communauté de la Défense, tant des militaires en service que des retraités, ainsi que du personnel civil en service ou retraité du ministère de la Défense et des familles. Les gens communiquent avec notre bureau par différents moyens, par exemple par courriel ou par téléphone. Il y a toutes sortes de moyens pour nous contacter. Nous recevons, à travers les demandes, les plaintes que nous adressons. Nous informons les gens des mécanismes existants, ou Alain passe le dossier à un de ses enquêteurs, qui mène une enquête bien spécifique pour le cas qui le concerne.
Le sénateur Nolin: Mener une enquête signifie se déplacer auprès de votre client ou de votre clientèle?
M.Daigle: Oui, le client se déplace ou on se déplace. On entre en contact avec ces gens. C'est ce que l'on fait pour mener des enquêtes et donner un service personnalisé aux individus qui s'adressent à nous.
En me basant sur le nombre de plaintes que nous recevons chaque année et les différentes catégories de plaintes, je suis en mesure de déterminer s'il y a lieu de faire ce qu'on appelle des enquêtes systémiques. S'il existe un problème dans le système, on peut fixer, voir et corriger de façon à apporter une meilleure justice et équité. On s'inspire donc des différentes plaintes déposées. On se base aussi sur ce qu'on appelle les visites de sensibilisation.
Au cours des cinq dernières années, j'ai visité 19 bases ou escadres des Forces canadiennes. J'y ai rencontré toutes les personnes qui peuvent faire affaire à nos services. Je les rencontre individuellement ou par groupe et j'écoute leurs doléances à savoir comment ils vivent la réalité du service militaire sur le terrain. En m'inspirant de cela, je peux décider de mon propre chef, sans l'autorité de quiconque, si je dois faire une enquête systémique. Il s'agit de déterminer s'il y a lieu que l'on fasse une enquête pour se pencher sur un problème qui existe au sein des Forces et faire des recommandations pour améliorer la situation.
On reçoit donc l'information par les plaintes et par les gens qui nous contactent. Je vais également au-delà des gens qui font appel à notre service pour connaître un peu leur situation.
Le sénateur Nolin: Vous avez fait référence à votre clientèle retraitée?
M.Daigle: Oui.
Le sénateur Nolin: Vous devez avoir des relations avec Anciens Combattants Canada?
M.Daigle: Absolument.
Le sénateur Nolin: Quelle est la nature de ces relations?
M.Daigle: Je n'ai pas les chiffres exacts, mais au sein des Forces canadiennes certains membres sont en service. Ceux-ci font donc partie de ma clientèle. Ils peuvent être prestataires d'une pension médicale parce qu'ils sont blessés, mais continuent à servir. Certains clients appartiennent tant aux vétérans qu'à nous. Toutefois, lorsqu'ils quittent, ils deviennent retraités. À ce moment, ils font partie de ma clientèle et deviennent militaires à la retraite.
Il y a une distinction entre mon bureau et celui de l'ombudsman des vétérans. Lorsqu'une personne vient chez nous, je les réfère parfois à l'ombudsman des vétérans, et l'inverse se fait aussi. Tout dépend de la nature du problème. Si la personne qui vient nous voir est retraitée et à la fois client des deux côtés, et que son problème a affaire avec une décision prise par les Forces canadiennes, je vais m'en occuper. Si son problème est lié à une allocation ou à une pension médicale, il ira du côté des vétérans.
[Traduction]
Le sénateur Lang: Encore une fois, j'aimerais saluer nos témoins. Je vous suis reconnaissant de comparaître aujourd'hui. J'aimerais approfondir deux ou trois questions pendant quelques minutes.
Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter de votre exposé, car il était très équilibré. En effet, vous avez indiqué qu'il y avait eu des améliorations importantes dans plusieurs domaines. C'est ce que nous recherchons. Nous étudions les améliorations et, évidemment, nous cernons nos faiblesses pour pouvoir les améliorer.
Dans votre exposé, vous avez dit:
Le MDN et Anciens Combattants Canada utilisent différents critères pour évaluer les incapacités. Il semble que les critères d'Anciens Combattants Canada sont plus sévères lorsqu'un militaire tente d'obtenir un soutien financier qu'ils le sont lorsqu'on tente de le libérer du service militaire. C'est une injustice sur laquelle il faut se pencher.
Qui se penche sur cette question? Est-ce vous, ou est-ce le ministère et, si c'est le cas, quand pouvons-nous prévoir recevoir des recommandations qui corrigeraient ce que vous jugez injuste?
M.Daigle: Cette question comporte plusieurs volets. Lorsque les militaires sont malades et qu'ils ne peuvent plus accomplir leur service militaire, à un certain moment, ils sont transférés à ce qu'ils appellent le CISP, c'est-à-dire le Centre intégré de soutien du personnel. Ce sont des endroits où ils pourront être avec leurs pairs et où se trouve un bureau d'Anciens Combattants Canada. L'objectif est d'aider le militaire à retrouver la santé et à réintégrer son unité ou, selon le cas, à être libéré des Forces canadiennes.
De nombreuses personnes sont libérées des Forces canadiennes pour des raisons médicales, car ils ne satisfont pas à ce qu'on appelle l'universalité du service. Vous devez d'abord et avant tout être un soldat, et si vous ne pouvez pas accomplir votre devoir partout où les Forces vous enverront, vous ne pouvez pas être un soldat dans les Forces canadiennes. Ainsi, certains de ces soldats sont libérés des Forces mais, dans certains cas, c'est une situation très difficile. Ils sont libérés selon certaines normes, mais ensuite, il leur est très difficile de faire reconnaître leur incapacité par Anciens Combattants, car à un certain point, il y a une compensation financière en jeu. Il s'ensuit qu'un grand nombre de personnes quittent les Forces. Je vais demander à Alain de vous donner quelques exemples où ces personnes ont une déclaration d'un médecin, mais Anciens Combattants fait ensuite appel à d'autres médecins pour déterminer si leur incapacité est établie et liée au service militaire, et parfois, cela prend énormément de temps et la décision est source de conflits.
Un grand nombre de militaires malades ne recevront aucune pension s'ils n'ont pas servi pendant 10 ans dans les Forces. Par exemple, si un militaire est blessé et souffre d'un TSPT, et qu'il a seulement neuf ans de service, il quittera les Forces, mais il ne recevra aucune prestation, car il n'a pas atteint le seuil obligatoire de 10 ans de service.
Dans un sens, c'est très injuste, car selon la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, si un militaire meurt en uniforme et qu'il a deux ans ou plus de service, et même si sa mort n'est pas liée au service, c'est malheureux, mais au moins, ses survivants recevront des prestations. Donc, si un militaire a deux ans de service et qu'il décède, même si c'est en raison de quelque chose qu'il a fait au sein des Forces, mais qui n'est pas lié à son service, ses survivants auront droit à certaines prestations.
Si un soldat souffre de TSPT après neuf ans de service, il n'obtient rien, il n'obtient aucune prestation. Nous nous penchons donc sur toutes ces choses, c'est-à-dire les prestations, les survivants et les anciens combattants. Alain pourrait peut-être vous fournir d'autres détails.
Alain Gauthier, directeur général des opérations, Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes: La question des 10 années de service est un enjeu important, car la plupart des militaires en service qui approchent ce seuil hésitent à demander de l'aide, car s'ils n'ont pas 10 ans de service, ils seront libérés sans pouvoir profiter d'un grand nombre de ces avantages. Ils obtiendront un remboursement des cotisations à la pension, mais ils ne toucheront pas de pension. Ils n'obtiennent aucun des autres avantages et ne peuvent pas non plus faire une demande au Régime de soins de santé ou au Régime de soins dentaires de la fonction publique, qui représentent beaucoup d'argent. Cela crée une barrière, et cela pourrait être une stigmatisation, car ils ne demandent pas les services dont ils ont besoin ou ils attendent pour les demander d'avoir atteint ces 10 ans de service.
M.Daigle: Une autre chose très importante, c'est que lorsqu'un militaire n'est plus en mesure d'exécuter ses fonctions et qu'on le libère pour des raisons médicales, il recevait autrefois un motif de libération médical. Par exemple, si vous êtes libéré en vertu du motif 4A, c'est une libération volontaire: il faut quitter les Forces. Si on vous libère en vertu du motif 3B, cela signifie que vous êtes libéré pour une raison médicale. Les personnes libérées par les Forces canadiennes en vertu de ce motif obtiennent donc certaines prestations.
Au cours des ans, les gens ne voulaient pas attendre trop longtemps pour être libérés, car ils avaient une offre d'emploi ailleurs, et ils quittaient donc les Forces, et lorsque tous les documents étaient signés, les Forces confirmaient qu'ils étaient libérés en vertu du motif 3B. Ainsi, ils changeaient le motif de leur libération de libération volontaire à libération pour raisons médicales, et cela leur permettait d'obtenir les prestations.
Au cours des années, nous constatons que les gens quittent les Forces tôt, en sachant qu'ils seront libérés pour des raisons médicales, mais ils veulent s'occuper de leur propre vie, et lorsque les documents confirment que leur libération est en vertu de raisons médicales, ils n'ont qu'à annoter leur dossier et ils ne reçoivent aucune prestation.
Nous devons donc examiner tous ces éléments bureaucratiques liés aux prestations.
Le sénateur Lang: On parle de combien de militaires par année? Est-ce 30? Ou est-ce 300 ou 400?
M.Gauthier: Le taux annuel de libération précoce est de 6 à 6,5p.100. Cela représente de 4000 à 4 500 membres des FC. Parmi ces derniers, environ 40p.100, c'est-à-dire environ 1700militaires, reçoivent une libération forcée. Il peut s'agir d'une libération pour raisons médicales lors de la formation au recrutement. Un grand nombre de personnes, c'est-à-dire environ 1 700 militaires, sont forcés de quitter les FC chaque année. Ce sont les plus vulnérables, car la décision ne leur revient pas; on les met à la porte.
Le sénateur Lang: Comme vous le savez, ces dernières années, Anciens Combattants Canada, ainsi que le ministère de la Défense nationale, ont profité d'engagements financiers substantiels de la part des contribuables. En même temps, le gouvernement est également responsable d'autres domaines.
Lorsque vous menez ces révisions, examinez-vous simultanément les secteurs dans lesquels ce type d'injustice doit être corrigé, les coûts prévus, et, à l'interne, le fonctionnement de ces programmes, pour comprendre pourquoi ils ne donnent peut-être pas les résultats escomptés dans certains domaines?
Je pose la question, car à la dernière réunion, je crois qu'on a précisé qu'il y avait, sénateur Wells, 37 différents programmes accessibles aux anciens combattants dans le cadre des ressources qui leur sont offertes.
Pour être juste envers ceux qui travaillent au sein du ministère, et je dirais qu'ils ont tous de bonnes intentions en voulant offrir des programmes à ces anciens combattants dans les meilleurs délais possible, il me semble qu'il faudrait examiner, et c'est peut-être vous qui assumez cette responsabilité, si d'une part, les programmes sont administrés efficacement, et d'autre part, s'ils atteignent leurs objectifs, puis formuler des recommandations en conséquence.
En tant que parlementaire et sénateur, je vois tellement de représentants de ministères qui viennent témoigner et, tout ce qu'ils veulent, c'est plus d'argent. Ils ne se penchent même pas sur leur façon de faire ni sur des moyens de l'améliorer en procédant différemment. Vous pourriez peut-être nous glisser un mot là-dessus.
M.Daigle: Merci beaucoup. Nous n'examinons pas l'aspect financier en profondeur, mais chose certaine, ces programmes ont un coût. J'ai quelques exemples à vous donner. Lorsque nous avons rédigé notre rapport La ténacité dans l'adversité, nous avons observé une amélioration au fil des années. Sachez que notre bureau travaille sur le dossier du SSPT et des TSO depuis 2002. La direction a assumé un rôle plus important. On a ajouté de nombreuses cliniques en santé mentale, c'est-à-dire des Centres intégrés de soutien du personnel, partout au pays. Toutefois, dans notre rapport de l'automne dernier, nous avons entre autres recommandé que les Forces canadiennes procèdent à un examen exhaustif de la situation.
Au cours des dernières années, le traitement du SSPT et des TSO a pris beaucoup d'importance. Les gens ont insisté pendant 12 ans pour que ces problèmes soient pris en charge, et de nombreux différents services ont été créés par la suite, mais personne n'a jamais procédé à un examen complet de tout ce qui est offert. Dans le cadre de notre examen, nous avons relevé un dédoublement des efforts; par conséquent, il faudrait mieux rationaliser les ressources.
Même si le traitement du SSPT et des TSO est un dossier extrêmement important pour les Forces depuis de nombreuses années et auquel on a consacré beaucoup d'argent, on n'a jamais effectué d'évaluation de rendement. Beaucoup d'éléments se sont ajoutés avec le temps et, comme il s'agit d'un problème qui ne disparaîtra pas, il serait temps de se pencher là-dessus.
Soit dit en passant, en 2002, lorsque nous avons indiqué qu'il n'y avait pas assez de fournisseurs de soins en santé mentale pour soutenir et traiter les personnes aux prises avec des problèmes de cet ordre, on a investi dans le recrutement de 447 fournisseurs de soins en santé mentale dans les Forces. Pour les Forces canadiennes, l'argent n'a jamais été un problème; elles ont toujours eu les ressources depuis 2002. Et même aujourd'hui, pas plus tard que l'année dernière, le ministre précédent a affecté 11,4 millions de dollars, soit 15p.100 de plus, à la santé mentale, et on n'a toujours pas comblé les postes. L'argent était là, mais je conviens qu'on doit revoir la situation en vue d'offrir un meilleur soutien.
Il a été question des CISP, les Centres intégrés de soutien du personnel, de l'USIP. On en retrouve 30 partout au pays. À l'heure actuelle, selon les dernières données que nous avons vérifiées, 1 900 membres y séjournent. On les a transférés dans ces centres. On prend soin d'eux parce qu'ils sont malades, et il est probable qu'ils soient libérés des forces armées. Soit dit en passant, nos statistiques révèlent que seulement 5 à 10p.100 d'entre eux réintégreront leur unité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les gens hésitent à dire qu'ils sont malades, parce que 90p.100 d'entre eux risquent de se retrouver dans la rue.
Ce qui est important de savoir également, c'est que ces centres peuvent soigner 5 600 personnes. Évidemment, il y a des gens qui séjournent dans ces centres parce qu'ils sont malades et ont besoin de soins, mais il y a aussi beaucoup de gens qui se tournent vers eux pour obtenir du soutien, mais qui ne sont pas nécessairement transférés dans cette unité à ce moment-là.
Il y a donc une demande très importante. On compte 26cliniques, comme vous l'avez indiqué; 30 CISP; on retrouve maintenant 25 bureaux d'anciens combattants; mais je pense qu'il est temps qu'on revoie la situation dans son ensemble afin d'être plus efficaces et efficients.
Le président: Je suis très préoccupé par la façon dont on transfère le personnel du ministère de la Défense nationale à celui des Anciens combattants et, malgré les unités de soutien conjointes et le fait qu'Anciens Combattants Canada était censé placer beaucoup de gens dans ses centres, mais les a plutôt retirés, je considère qu'il faut mieux intégrer les efforts. À partir de vos rapports, que pouvez-vous dire sur la façon dont ces deux ministères tentent d'intégrer leurs capacités, pour éviter que personne ne soit laissé pour compte, particulièrement dans les réserves?
Par exemple, vos ordinateurs se parlent-ils? Sur le plan médical, pourquoi est-il si difficile de faire parvenir les documents militaires au ministère des Anciens Combattants? Pourquoi le ministère fait-il une réévaluation complète de ce que vous avez fait?
Il y a un programme au niveau du sous-ministre adjoint depuis 1998. Pourquoi ces ministères continuent-ils d'être déconnectés? Selon vous, à quel point le sont-ils?
M.Daigle: Depuis que j'occupe ce poste, nous n'avons pas vraiment examiné la question de l'intégration en profondeur. Évidemment, on ne peut pas avoir un ombudsman qui relève de deux ministres différents. On ne peut pas non plus avoir deux ombudsmans qui relèvent d'un ministre. Par conséquent, l'intégration du bureau de l'ombudsman doit se faire à un niveau supérieur, et nous ne nous sommes pas du tout penchés là-dessus.
Ce que je peux dire, c'est qu'il y a de plus en plus de collaboration entre le ministère des Anciens Combattants et les Forces canadiennes. Au bureau du chef du personnel, il y a un représentant d'Anciens Combattants Canada qui travaille avec le CPM.On retrouve des bureaux d'anciens combattants dans les CISP à travers le pays. Par conséquent, lorsque des gens sont transférés de leur unité à cet endroit de transition, il y a également des gens d'Anciens Combattants Canada qui travaillent sur place pour les aider à faire cette transition.
Ce n'est peut-être pas gentil de ma part de dire ça, mais, à mon avis, les Forces canadiennes doivent mieux gérer leurs programmes à l'interne. Il me semble qu'avant d'y intégrer quelqu'un d'autre, il vaut mieux s'assurer que tout fonctionne bien.
C'est très difficile pour les Forces canadiennes. On ne nous donne jamais des chiffres exacts, par exemple en ce qui concerne le nombre de personnes qui ont besoin de soins. Si je m'adresse à ACC, on va me dire la même chose. Il y a probablement 800000anciens combattants, mais le ministère connaît la situation de seulement quelques-uns d'entre eux, c'est-à-dire ceux qui se sont dits en difficulté.
Il y a eu sans aucun doute de nombreuses améliorations au cours des années, mais comme je l'ai dit au sénateur Lang, il y a encore un grand manque de coordination, et il est temps que les FC revoient leur structure afin de déterminer comment elles peuvent faire mieux. Lorsque cela sera fait, on pourrait en demander autant de l'autre côté, puis essayer de fusionner certaines de leurs activités de façon à avoir une transition sans heurts.
Toutefois, je ne crois pas qu'on en soit là pour l'instant, et lorsqu'il s'agit de santé mentale, on parle d'humains, de ressources humaines, et c'est toujours très délicat. De toute évidence, il doit y avoir une restructuration, sans parler du refinancement qui pourrait être compromis. La situation est assez difficile. On a observé une amélioration, mais ce n'est pas suffisant.
Il y a également le Conseil du Trésor qui est responsable de certaines de ces prestations.
Le sénateur Nolin: Pourquoi dites-vous cela?
M.Daigle: Notre bureau a examiné pendant plusieurs années la question des soins prodigués aux réservistes — pas les services de santé mentale, mais plutôt les soins médicaux. Lorsque nous avons publié notre rapport, l'an dernier, nous étions d'avis qu'il était inconcevable qu'un membre de la Force régulière travaille côte à côte avec un réserviste, dans le cas d'une inondation à Winnipeg, par exemple, et que les deux perdent une jambe à la suite d'un accident, et que le membre de la Force régulière reçoive 250000$ pour sa jambe alors que le réserviste en reçoit seulement 40000. Nous avons donc rédigé un rapport que nous avons remis au ministre et, deux semaines plus tard, le Conseil du Trésor avait modifié le régime d'assurance mutilation accidentelle afin que les membres de la Force régulière et de la Force de réserve soient traités de la même façon.
On observe donc des écarts. Lorsque les gens quittent les Forces pour des raisons médicales, on pourrait leur remettre leur dossier médical, de sorte que, lorsqu'ils deviennent des anciens combattants, ils peuvent l'apporter avec eux, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. C'est une solution qu'on envisage. La transition est longue, les anciens combattants ont leurs propres médecins et les membres des Forces canadiennes aussi, et il faut un certain temps pour faire changer ce document. Entre temps, il y a une personne qui a quitté les Forces et qui a besoin d'aide et de soutien.
On a accompli beaucoup de travail, mais il en reste encore beaucoup à faire. Toutefois, il est probablement temps que chacune de ces organisations réévalue sa façon de procéder à l'interne et prenne des mesures en conséquence, et tôt ou tard, les gens passeront d'un ministère à l'autre. Toutefois, ce qui importe au bout de compte, c'est de reconnaître ce qu'ils ont fait pour leur pays.
Le sénateur Wells: À titre d'ombudsman et de chef du Bureau de l'ombudsman, vous devez rendre des comptes au ministre. Quand vous prenez connaissance de problèmes liés aux prestations, à la libération du service militaire, aux questions médicales, aux affectations, au recrutement, au harcèlement ou au redressement de griefs, est-ce que vous les signalez au ministre dans l'exercice de vos fonctions quotidiennes? Ces renseignements sont-ils directement soumis au ministre ou au bureau du ministre ou font-ils plutôt partie d'un rapport annuel ou d'un système de rapports réguliers? Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du processus?
M.Daigle: Oui. Je dois faire attention de ne pas trop nous vanter, mais je pense que l'attitude d'un ombudsman y est pour beaucoup. Ces dernières années, notre bureau a procédé à une réorganisation.
Chaque fois qu'on nous signale un cas, le dossier est pris en charge par le personnel d'Alain, c'est-à-dire les enquêteurs, les enquêteurs principaux, le directeur de l'enquête, et il fait son cheminement dans le système. L'enquêteur discute avec l'officier responsable du dossier au sein des Forces canadiennes, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le directeur général des Opérations rencontre l'autorité compétente des Forces canadiennes. Depuis un certain temps, Alain rencontre le chef du personnel militaire tous les trimestres. Nous ne cachons rien. Nous communiquons tous les détails.
Je suis conseiller spécial auprès du ministre de la Défense nationale. Notre rôle consiste à fournir des conseils sur ce qui pourrait être amélioré. Nous ne cachons rien. Nous signalons tout ce que nous avons. Chaque fois que nous sommes sur le point de publier un rapport systémique, nous le transmettons au chef du personnel militaire, un mois à l'avance, aux fins de l'examen des intervenants. Cela ne veut pas dire qu'il va nous influencer dans notre rapport; il va plutôt confirmer la situation, comme c'est le cas notamment du vérificateur général ou du CS Ex au sein des forces armées.
Lorsque le rapport nous revient, nous pouvons y faire des ajustements, après quoi je le transmets au ministre. Je lui alloue 28jours — conformément aux directives ministérielles — avant de publier le rapport. De plus en plus, lorsque je soumets le rapport au ministre, nous lui donnons une séance d'information. Nous l'informons de la teneur du rapport et nous le lui laissons. Nous le publions ensuite un mois plus tard.
Je pourrais convoquer une conférence de presse et faire tout ce que je veux de mon côté, mais au final, nous voulons tous faire quelque chose de bien pour les gens, alors nous travaillons en collaboration plutôt que dans l'adversité. Nous partageons tout.
Vous avez entendu le chef d'état-major de la Défense annoncer qu'il va utiliser une équipe spéciale pour examiner toutes les commissions d'enquête en cours. Pendant que nous terminons notre examen sur les commissions d'enquête, Alain informe déjà le chef du personnel militaire, ou CPM, et nous informons le vice-chef d'état-major de la Défense de ce qui est prévu. Nous publierons ce rapport en avril.
En fin de compte, quand nous publions quelque chose, si tout est réglé, c'est très bien. Nous ne cherchons pas à nous en attribuer le mérite. Si au bout du compte, nous obtenons un résultat concret qui peut aider les gens, nous avons atteint notre but, et c'est ce que nous tentons de faire.
Le sénateur Wells: Je vous remercie. Selon vous, pourrait-on faire davantage pour obtenir les résultats que vous souhaiteriez?
M.Daigle: C'est peut-être une question délicate, mais parfois, nous avons un peu de difficulté à avoir accès à la documentation.
Le sénateur Wells: Au ministère?
M.Daigle: Oui. Dès que quelqu'un indique qu'il s'agit d'un document confidentiel du cabinet, nous sommes complètement bloqués. Selon moi, cela dépend encore une fois de notre perception d'un ombudsman. Je suis assujetti à la même loi que tout le monde; je ne peux simplement répéter tout ce que j'entends.
Si je suis le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale pour l'informer de façon indépendante de ce qui se passe, comment pourrais-je lui donner des conseils judicieux si je n'ai pas accès au même document que les Forces canadiennes, alors qu'au bout du compte, ce que nous recommandons mènera à un résultat?
Nous sommes un peu préoccupés par le fait que nous n'avons pas accès à toute la documentation. Je le répète, personne ne devrait cacher des choses, au cas où l'on serait pris au dépourvu dans une tribune publique. Nous mettons tout en commun, mais au bout du compte, c'est pour formuler les recommandations appropriées afin d'améliorer le système. Pour cela, il nous faut pouvoir communiquer avec tout le monde, et nous le pouvons, mais les documents sont souvent plus difficiles à obtenir.
Le sénateur Wells: Sur les questions de politiques, n'est-ce pas?
M.Daigle: Ou n'importe quoi. Nous avons eu un cas relatif à l'indemnité de vie chère en région, IVCR, ou le Programme de réinstallation intégré, lorsque les gens déménagent dans une autre région du pays. Nous avons fait des recommandations. Les Forces canadiennes se penchent là-dessus, mais quand nous demandons quelle direction elles prennent, nous ne pouvons rien savoir avant qu'elles ne soumettent le document au Conseil du Trésor et aux ministres pour approbation. Si nous pouvions intervenir durant le processus et avoir notre mot à dire, peut-être que nous pourrions ensemble prendre les mesures qui s'imposent, ce qui nous serait plus profitable. Cela fait un certain temps que nous sommes aux prises avec ce problème.
Le sénateur Wells: Merci. C'est très utile.
Le président: C'est un énorme problème: dès que le ministère indique qu'il faut qu'entre en jeu une autorité extérieure ou une autorité ministérielle, il interrompt la circulation de l'information. Cela crée d'énormes retards dans l'examen des problèmes. Ils tentent de part et d'autre de régler un problème, et il y a un problème de communication. Cela nuit à leur efficacité et à leur crédibilité pour ce qui est de répondre aux besoins des gens.
C'est un aspect assez délicat de la bureaucratie, étant donné les objectifs politiques et la transparence que nous visons.
Le sénateur Wells: Selon moi, monsieur le président, ces problèmes s'étendent à l'ensemble du gouvernement...
Le président: Oh, tout à fait.
Le sénateur Wells: ... et ne touchent pas seulement le ministère. Je crois également qu'il en est ainsi depuis 1867.
Le président: Quoi qu'il en soit, nous voulons de la transparence et de la reddition de comptes. J'ai déjà entendu cela.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je vous ai entendu, dans votre réponse au sénateur Lang, faire référence à un budget prévu pour engager du personnel médical, qui n'avait pas été complètement dépensé. Pouvez-vous me donner un peu plus de détails sur cela avant que j'en vienne à ma question?
M.Daigle: En 2000-2002, les Forces canadiennes ont décidé, avec Santé Canada, qu'il y avait un besoin de 447 fournisseurs de service en santé mentale dans les Forces canadiennes. Depuis, il y a eu une augmentation. Quand on entend les gens dire que ça a doublé, effectivement, c'est passé de 229 à 380.
Le sénateur Nolin: Et cela fait 15 ans de cela.
M.Daigle: Depuis 2009 c'est gelé. Depuis 2009, il manque 15 à 20p.100 de ce dont les Forces canadiennes avaient déterminé avoir besoin en 2002, soit 447 fournisseurs de service. Il ne faut pas oublier que la détermination de ce nombre avait été faite avant la guerre en Afghanistan. Donc le besoin est probablement plus criant aujourd'hui. Les Forces canadiennes ont reçu les budgets pour embaucher ces intervenants en santé mentale à l'époque, en 2005. Ils ont tout reçu, ils ont toujours eu cet argent, mais ils n'ont jamais pourvu les postes.
Le sénateur Nolin: Parce que le personnel n'est pas disponible? Il n'y a pas de Canadiens disponibles pour occuper ces emplois?
M.Daigle: Nous avons toujours dit que nous trouvions inacceptable qu'il manque ce personnel depuis toutes ces années; et on nous dit tout le temps que la demande est la même dans le monde civil.
L'année dernière, lorsque nous avons publié notre cinquième rapport sur le stress opérationnel, nous avons mentionné encore qu'on n'avait pas atteint ces chiffres. Le ministre a débloqué 11,4millions de dollars pour embaucher les 70 personnels qu'il manquait. C'était en septembre 2012. Nous faisons maintenant un suivi, et nous nous rendons compte qu'ils ne sont pas encore embauchés. En fait les chiffres varient tout le temps; il y en a 72dans un bassin déjà déterminé; à un moment donné il y en avait 61 ou 54.
Les gens sont là, mais ils ne rentrent pas dans les Forces. Lorsque j'entends qu'on nous dit que nous sommes en concurrence avec le secteur civil, ce n'est plus vrai maintenant, parce que les 60 personnes sont déjà là; tout ce qu'elles attendent qu'on leur donne l'uniforme — ils auront le grade de capitaine — et d'entrer dans les Forces. Récemment, à force d'exercer des pressions, le ministre a demandé aux chefs ou aux responsables de s'assurer que ces gens soient enrôlés.
Encore une fois, le jour on ils auront atteint ce nombre de 447, probablement que les données seront encore complètement erronées.
Le sénateur Nolin: Cela ne sera pas assez.
M.Daigle: Non en effet.
Le sénateur Nolin: J'en reviens à ma question initiale, et je vous prie de m'excuser par avance si ma question peut sembler simpliste, mais je ne suis pas très familier de tous les dédales et arcanes des deux ministères. Surtout quand le Conseil du Trésor s'en mêle, c'est encore pire.
Concernant les suicides, aurait-on pu les prévenir si on avait eu plus de personnel disponible? Je comprends que ce n'est pas une question facile que je vous pose, mais il y a des Canadiens qui se posent cette question. Je pense aux familles des personnes concernées. On parle de santé mentale, d'experts médicaux en santé mentale; est-ce que ce manque de personnel aurait pu être comblé pour aider à prévenir ces suicides?
M.Daigle: Vous savez, il est bien difficile de spéculer sur les suicides.
Le sénateur Nolin: C'est pour cela que j'ai dit que ma question pouvait être simpliste; mais il y a des gens qui vont se la poser.
M.Daigle: Lorsque j'ai pris mes fonctions en 2009, on avait des demandes de la part des médias; des gens nous demandaient combien il y avait de suicides dans les Forces canadiennes. Même notre bureau essayait de connaître le nombre de suicides. Lorsque je suis arrivé, je n'étais pas d'accord avec cela; je me disais que ce n'était pas la bonne question. En effet, comme vous l'avez mentionné, si on ne sait pas combien de gens souffrent de maladie mentale dans les Forces canadiennes, comment peut-on prévenir que ces gens, éventuellement, en viennent à commettre cet acte? C'est là qu'il faut agir pour minimiser le risque à l'autre bout. On ne peut pas faire un lien direct entre le syndrome de stress post-traumatique et les cas de suicide.
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas mathématique; je comprends.
M.Daigle: Exactement. Depuis 12 ans, on demande aux Forces canadiennes d'essayer de déterminer une base de données exacte pour savoir combien de gens sont malades, de façon à les soigner. Il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là. Quand on écoute les chiffres qu'on donne sur les suicides dans les Forces, je vous le dirai franchement, selon la personne à qui vous parlez, vous aurez des chiffres différents. Les chiffres sont variés, ils sont pris sur des périodes différentes. On entend des gens dire que notre niveau de suicide est plus bas que dans le monde civil. Je pense que ce sont des mauvaises questions.
Premièrement les statistiques que les Forces canadiennes vous donnent sont basées sur le nombre d'hommes qui commettent des suicides.
On n'inclut pas les femmes, parce qu'on dit qu'il n'y en a pas assez, que cela n'influencera pas correctement les données, on n'inclut pas les réservistes, et on n'inclut que ceux qui sont passés à l'acte, qui se sont suicidés alors qu'ils étaient en service dans les Forces.
Donc, si quelqu'un souffre de maladie mentale, que vous l'ignorez, vous ne le soignez pas, il passe à travers le système de libération, il se ramasse dans la population civile, comme un citoyen dans le bout de Chibougamau, et il se suicide, il ne rentre pas dans vos statistiques. Et c'est pour cette raison que nous sommes en train de faire une étude sur la santé mentale des réservistes, que nous publierons au printemps. Ces gens vont en opération avec les réguliers, ils renforcent leur unité, ils sont couverts au même titre qu'un régulier lorsqu'ils sont en Afghanistan, et lorsqu'ils reviennent et qu'ils retournent à leur statut de classe A, un statut de réserviste temporaire, ils reçoivent les soins donnés par les systèmes médicaux provinciaux, ils n'ont pas nécessairement accès aux soins des forces. Et lorsqu'ils ne paradent plus, qu'ils ne se présentent plus à l'unité, ils disparaissent du radar, et s'il arrive quoi que ce soit, ils n'entrent pas dans les statistiques.
Donc, notre position, c'est qu'il faut absolument toujours se concentrer sur la santé mentale, éliminer la stigmatisation, parler un peu plus de la réintégration, voire de l'universalité du service, et il faut regarder ça avec un œil moderne.
Les gens ne viendront pas dire qu'ils sont malades parce qu'ils ont peur. Ils n'auront plus de travail, ils vont se ramasser sans travail. Ils ont une famille à faire vivre, ils ne viendront pas. Ils ne viendront pas, ils vont souffrir. Ils vont souffrir, leur support immédiat, c'est la famille. La famille est affectée par ça et, à un moment donné, la famille ne reçoit pas les soins pour aider un militaire malade et cela a un effet boule de neige et un impact énorme.
Le sénateur Nolin: J'ai une dernière petite question vraiment technique. La fameuse période de 10 ans: si, après 10 ans, un militaire se suicide, est-ce que les bénéfices sont affectés par le fait que c'est un suicide ou si ça ne change rien?
M.Daigle: Non, ça ne change rien.
Le sénateur Nolin: Parce que ça aurait pu. La réalité post mortem, on a déjà vu cela dans nos lois. C'est pour cette raison que je posais la question.
M.Daigle: Mais cette période de 10 ans, c'est une chose, c'est bien que vous le souleviez. On va regarder cet aspect. Pourquoi 10ans? D'où vient cette période de 10 ans?
Le sénateur Nolin: Ce sont des actuaires qui ont fait ce calcul.
M.Daigle: C'est dans la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.
Vous savez, il y a des gens qui ne veulent pas dire qu'ils sont malades, donc la famille ne reçoit pas d'aide.
Le sénateur Nolin: Ils veulent gagner le 10 ans.
M.Daigle: C'est normal.
Le sénateur Nolin: Merci.
Le président: Vous avez raison de dire que les raisonnements proviennent d'actuaires qui permettent à l'entité d'être gérée.
Le sénateur Nolin: On a calculé que cela coûterait trop cher. On n'a pas accumulé assez d'argent pour couvrir un bénéfice plus large. C'est aussi simple que cela.
[Traduction]
Le sénateur Lang: J'aimerais que nous tournions notre attention vers les réserves. Je crois comprendre que votre bureau a entrepris une étude sur le soutien qu'apporte le système de soins en santé mentale et de soutien social des Forces canadiennes aux membres de la Force de réserve qui ont des problèmes de santé mentale liés aux opérations. L'étude devrait être achevée au début de l'année.
M.Daigle: Oui.
Le sénateur Lang: Peut-être pourriez-vous faire le point sur l'avancement de l'étude et nous donner un aperçu de votre point de vue. Je crois que malheureusement, votre mandat prend fin dans quelques semaines, n'est-ce pas?
M.Daigle: Quand nous avons publié notre premier rapport sur le TSPT et les BSO pour la Force régulière, nous avons constaté qu'on ne tenait jamais compte des réservistes. Quand nous avons produit un rapport de suivi qui portait sur les réservistes, pas au sujet de la santé mentale, mais des blessures normales subies par les réservistes canadiens, nous avons encore une fois constaté qu'on ne s'occupait pas d'eux.
L'équipe de M.Gauthier a entrepris une enquête sur les blessures de stress opérationnel, ou BSO, et le TSPT chez les réservistes. Cette enquête viendra compléter ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, mais elle portera exclusivement sur les réservistes. Nous avons trouvé les principaux sujets de notre enquête. Notre rapport sera probablement soumis à l'examen du ministre vers le mois de mars et il sera prêt à être publié en avril 2014. Nous avons constaté, dans bien des cas, un problème lié à l'admissibilité. Les réservistes ne savent pas à quoi ils sont admissibles. Nous devons donc veiller à les informer systématiquement de leur admissibilité.
C'est la même chose pour la sensibilisation. Les réservistes ne le savent pas, mais certains membres du personnel médical non plus. Un jour, je me suis rendu dans une base et j'ai demandé à un médecin s'il savait quel soutien médical il était censé offrir aux réservistes qui pourraient venir le consulter. Il ne savait pas exactement où ils se situent. Il faut que nous nous penchions là-dessus.
Les réservistes rencontrent des obstacles. Ce sont les mêmes que dans la Force régulière, comme la stigmatisation. Certains réservistes vivent d'un contrat à l'autre. S'ils déclarent être malades, ils n'auront pas les contrats. Cela a donc une incidence sur leur moyen de subsistance. Ce sont les mêmes préoccupations.
Nous devons examiner les processus, l'Unité interarmées de soutien du personnel, l'indemnisation de la Force de réserve. Si vous êtes un réserviste, vous aurez la LIAE, comme l'indemnisation des accidentés du travail. Si vous êtes un réserviste, vous être un soldat à temps partiel. Vous recevez une indemnisation d'une organisation civile avant d'avoir accès aux prestations. C'est également une question complexe.
Il en va de même pour les ressources. Quand nous n'y avons pas accès dans la Force régulière, c'est la même chose pour les réservistes. S'il manque 20p.100 de fournisseurs de soins de santé mentale, cela touche aussi les réservistes qui se présentent à l'unité. Voilà les principaux éléments que nous découvrons; ils sont très similaires à ce que nous avons constaté à propos de la Force régulière. Mais il nous faut prendre soin de nos réservistes, car comme je l'ai dit, pendant qu'ils soutiennent la Force régulière en Afghanistan, ils ont le même statut et reçoivent les mêmes indemnités ou les mêmes avantages. Lorsqu'ils retournent travailler à temps partiel, on leur dit qu'ils relèvent de la compétence provinciale et qu'ils doivent consulter un médecin civil.
Le président: La présidence aimerait avoir la possibilité de poser deux questions.
Vous avez produit un rapport remarquable, en novembre, intitulé Sur le front intérieur: Évaluation du bien-être des familles des militaires canadiens en ce nouveau millénaire. Même si le chefdu personnel militaire a dit tenir compte de toutes les recommandations, vous avez parlé d'une chose que l'on appelle «l'engagement à l'endroit des familles». C'est important, car c'est plus qu'un contrat social. Pourriez-vous nous parler plus en détail du côté familial et nous dire si vous convenez que si les Forces envoient un militaire en mission, elles envoient aussi sa famille? Les familles ne sont plus séparées du théâtre des opérations, car elles vivent les missions par l'entremise des médias et de la révolution des communications. Or, il y a une autre dimension: le RARM.Considérez-vous le RARM comme un complément utile permettant d'aider les militaires blessés entre les programmes du MDN et ceux d'Anciens Combattants Canada? Le RARM est-il un outil efficace? Est-ce un outil de temps de paix qui devrait être revu et peut-être même éliminé?
M.Daigle: Monsieur le président, peut-être que M.Gauthier peut nous dire ce qu'il en pense, mais ce dont je me souviens surtout concernant le RARM, c'est que notre bureau a appuyé la plainte formulée par les anciens combattants selon laquelle des retenues ont été appliquées sur les paiements de prestations au titre du RARM lorsqu'ils ont quitté les Forces. Cette affaire a été réglée récemment. Parce qu'ils recevaient de l'argent du RARM, ils ont dû rembourser. Il s'agissait de deux questions différentes liées au revenu et à l'indemnisation.
Nous avons amorcé et appuyé cela. Le RARM est encore là, mais j'imagine que maintenant, compte tenu des changements apportés au cours de la dernière année, il sera plus avantageux pour nos anciens combattants.
En 2008, les Forces canadiennes ont effectivement publié L'engagement des Forces canadiennes à l'endroit des familles. Il s'agit en quelque sorte d'un contrat de reconnaissance morale sur l'importance des familles, notamment. Nous avons dit qu'il était temps que les Forces agissent un peu plus concrètement à ce chapitre. C'est bien un engagement, mais au bout du compte, après 14 ou 15 mois d'étude pour produire ce rapport sur les familles, nous avons constaté que l'on parle beaucoup, mais qu'on n'agit pas assez.
Quand je discute avec les gens, je leur dis que les familles sont une entité nationale, en ce sens qu'on ne peut dissocier le membre de la famille du militaire actif. L'un relève du fédéral. L'autre relève de la compétence provinciale, mais ensemble, ils sont une entité nationale, car les familles ne choisissent pas où elles vont et ce qu'elles font parce qu'elles font partie d'une organisation militaire.
Nous avons constaté que beaucoup de familles contribuent à l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes. Quand on est déployé en Afghanistan et qu'on ne sait pas si son épouse, ses enfants, son mari ou l'un de ses proches connait des problèmes, il est très difficile de se concentrer sur la mission, et cela a des répercussions sur le rendement opérationnel.
La vie militaire a une incidence sur les familles. Nous avons cité un rapport qui n'a pas été rédigé, selon moi, pendant que vous étiez là, mais il y a très longtemps. Il contenait des recommandations visant à améliorer la qualité de vie, en particulier la vie familiale. Je pense que ce rapport-ci est différent. Tout le monde l'approuve. Il est bien accueilli partout et c'est un bon document de référence pour les gens qui voudront faire de la sensibilisation au niveau provincial également, car évidemment, les familles font partie de cette société.
Cela touche l'emploi des conjoints. Les militaires déménagent fréquemment d'une province à l'autre. Cela a une incidence sur l'emploi des conjoints, et certains n'ont pas d'emploi. Cela a aussi une incidence sur les soins médicaux, car certains conjoints n'ont pas immédiatement accès à un médecin de famille; bon nombre d'entre nous n'en ont plus. Quand ils finissent par atteindre le haut de la liste d'attente, ils sont envoyés dans une autre province; tout est donc à recommencer.
Il n'y a pas eu beaucoup de sensibilisation à ce sujet dans le passé, mais la maladie d'un membre de la famille a de graves répercussions sur les enfants, et nous avons parlé du TSPT et des BSO. Il devrait y avoir de plus en plus de recherches au sujet des conséquences de ces troubles sur les adolescents et les enfants. Nous voyons des problèmes de comportement et de discipline chez les jeunes à l'école. Ils ne voient pas très souvent l'un de leurs parents, et lorsque ce parent, à son retour, souffre d'un TSPT, cela nuit à la synergie familiale, notamment. C'est incroyable: j'ai parlé à une femme qui demandait le divorce non pas parce qu'elle n'aimait plus son mari, mais parce qu'il était très malade et qu'il ne pouvait pas aller de l'avant. Toute la famille commençait à en subir les effets. Elle préférait donner du réconfort aux enfants dans un environnement stable que d'essayer d'affronter cela. Ils se sont séparés pour cette raison. De toute évidence, si nous voulons faire plus pour les familles, nous devons joindre davantage le geste à la parole.
Le sénateur Day: J'aimerais faire une observation, puis poser une question. Je tiens à m'excuser de mon retard auprès de mes collègues et de nos témoins. Il y a toujours beaucoup de choses intéressantes qui se passent sur la Colline. C'est ce qui était le plus intéressant, mais je n'ai pas pu arriver avant, et je m'en excuse. J'aurai l'occasion de consulter le compte rendu afin de prendre connaissance de toutes les questions qui ont été posées par mes collègues.
Je siège au Comité des finances, ainsi qu'à celui-ci. Les membres des Forces canadiennes ont le Régime d'assurance-revenu militaire, le RARM.Certains recevaient des prestations d'invalidité en raison d'une blessure, et ces prestations devaient être récupérées aussitôt qu'ils étaient en mesure de recevoir des prestations de retraite régulières du gouvernement. L'affaire a dû être réglée en cour.
M.Daigle: Oui.
Le sénateur Day: D'après ce que j'en ai compris, le gouvernement a décidé de ne pas en appeler de la décision. J'aimerais que vous nous confirmiez que le gouvernement y donne suite.
De plus, en tant que parlementaires, nous avons voté une somme pour aider à satisfaire à cette obligation et rembourser l'argent qui, comme l'a établi la cour, avait été pris aux membres des Forces canadiennes. Toutefois, la Défense nationale n'a pas remboursé cet argent. Plus de la moitié des fonds qui ont été récupérés n'ont pas encore été remis à ceux qui y ont droit. Je ne comprends pas pourquoi on tarde à le faire, alors que c'est ce qui a été décidé par le Parlement et les tribunaux. Pouvez-vous nous aider à comprendre?
M.Daigle: Malheureusement, je ne peux pas beaucoup vous aider. On vous a présenté la majorité des données, mais peut-être qu'Alain en a d'autres. Comme je l'ai dit, on s'en plaignait déjà bien avant que j'intègre mes fonctions. Nous suivions cela de près. On a probablement davantage débattu de la question avec l'ombudsman des vétérans. Nous avons fait savoir sur notre site web que nous étions heureux de la décision, car la récupération n'avait aucun sens étant donné que cela influait sur les prestations de retraite. Je ne suis pas certain, mais je crois que le gouvernement n'a pas interjeté appel de la décision. On a préféré aller de l'avant.
M.Gauthier: C'est la première fois que j'entends parler de cela. À l'époque, nous avons reçu de nombreuses plaintes concernant cet enjeu particulier. Compte tenu de ce que vous avez dit, il serait bon de vérifier auprès de nos électeurs qu'ils ont été remboursés.
Le sénateur Day: Nous savons que bon nombre n'ont encore rien reçu. Le MDN n'a pas encore versé l'argent réservé à cette fin et approuvé par le Parlement.
M.Daigle: C'est une situation très frustrante, car cela signifie que nous vivons à une autre échelle. Lorsque le ministre annonce qu'il accordera 11,4 millions de dollars additionnels pour les intervenants en santé mentale, que peut-on demander de plus? Le ministre informe le MDN et les Forces canadiennes qu'il donne 11 millions de dollars aux gens, mais un an et demi plus tard, il ne se passe toujours rien. On nous dit qu'il n'est pas possible d'augmenter l'effectif au sein de la bureaucratie en raison du gel de l'embauche. Si vous accordez des fonds à nos gens, placez les gens qu'il faut au sommet de la hiérarchie. Je ne sais pas. Parfois, il vaut peut-être mieux retourner voir les gens qui ont l'argent pour leur demander pourquoi rien ne bouge. Nous sommes aux prises avec une chose similaire, mais à une échelle différente.
Le sénateur Day: Nous aimerions que vous nous donniez un peu d'information à ce sujet.
M.Daigle: Nous pourrions vous faire parvenir notre réponse plus tard.
Le président: Nous sommes dans les derniers moments. Je vous remercie infiniment de vos années de service.
[Français]
Monsieur Daigle, je sais que vous avez fait des réformes et apporté des changements. Vous détenez le poste d'ombudsman depuis cinq ans. Je suppose que vous auriez pu avoir un autre mandat, mais il s'agit de décisions politiques. La question de savoir si un ombudsman devrait être un ancien militaire ou non a été débattue. Cet exercice a certainement été très utile.
De plus, je crois que le débat sur l'universalité des droits de la personne, et je termine avec cela, est fondamental. La législation sur les droits de la personne dit que les ministères sont obligés d'embaucher des gens qui sont handicapés ou qui souffrent de dysfonctionnement. L'universalité des droits est dans une position difficile à tenir. C'est quelque chose à revoir.
[Traduction]
Le sénateur Lang: Je veux faire écho aux bons mots du président et vous remercier de vos années de service. Je siège au comité depuis peu, mais je peux voir qu'on vous doit beaucoup, qu'on doit beaucoup à votre bureau et, bien entendu, à ceux qui vous épaulent dans votre travail. Je siège au comité depuis peu, mais plus j'apprends sur ce que reçoivent les anciens combattants et les membres des Forces canadiennes, et plus je me dis que les Canadiens ont raison d'être très fiers du soutien que nous accordons à nos Forces canadiennes, aux hommes et aux femmes en uniforme, ainsi qu'aux personnes dans le besoin que vous représentez. Bien qu'il y ait selon moi certains aspects qui doivent être corrigés, les Canadiens ont de quoi être très fiers des investissements qu'ils ont faits et qu'ils continuent à faire à cet égard, car c'est important. Au risque de me répéter, je vous félicite pour ce rapport. Comme vous l'avez souligné, de nombreuses avancées encourageantes ont été faites.
Le sénateur Day: Je vais renchérir, monsieur l'ombudsman: le livre que votre bureau a produit sera pour nous un excellent ouvrage de référence, comme l'a déjà dit le président. C'est du bon travail. Notre comité s'intéresse aussi aux familles. Je suis content que vous ayez mentionné la possibilité d'une étude concernant les répercussions sur les jeunes au sein des familles, car c'est un aspect que nous aimerions peut-être examiner de très près. Merci d'avoir servi notre pays.
Le sénateur Wells: Je veux réitérer mon commentaire au sujet de ce que vous avez fait pour le Canada et vous exprimer toute ma gratitude à cet égard. Vos propos d'aujourd'hui, ainsi que ceux de M.Gauthier, ont été très utiles.
[Français]
Le président: Je vais terminer en disant que cela fait plusieurs années qu'on se voit face à face, mais pour des raisons différentes. Je regrette que ce soit la dernière fois à titre officiel. Au plaisir, monsieurDaigle. Je vous souhaite toutes sortes de bonnes choses et vous remercie, ainsi que votre équipe. Votre remplaçant a besoin d'être à la hauteur.
M.Daigle: Merci beaucoup.
(La séance est levée)