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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 6 - Témoignages du 28 mai 2014


OTTAWA, le mercredi 28 mai 2014

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 12, pour étudier les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique (ESPT).

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, merci d'être présents aujourd'hui pour entamer l'étude de l'état de stress post- traumatique, dont l'accent sera mis sur l'orientation à adopter à cet égard au début d'une nouvelle ère.

Je me réjouis de votre présence, chers collègues. Je suis très honoré de présider les délibérations du comité. Merci de votre appui. Merci également à toute l'équipe.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. C'est vous qui ouvrez le bal, et nous cherchons à obtenir un point de vue clinique sur le problème. Nous comptons sur vos compétences pour nous guider au moment d'aborder une vaste étude qui restait en veilleuse. Elle a été amorcée par le sénateur Plett, il y a près d'un an, comme nous l'avons vu. Maintenant, avec le concours des sénateurs Wells et Lang, l'étude débute vraiment.

N'oubliez pas. Nous voulons savoir en quoi consiste le problème, quelle est cette atteinte à la santé, comment nous l'avons traitée et quels sont ses effets. Nous voulons également savoir comment atténuer ses répercussions à l'avenir et, finalement, comment réduire le nombre de victimes et l'ampleur du problème et fournir un meilleur soutien à ceux qui ont été touchés par le stress opérationnel à cause de leur engagement dans des missions et de leurs répercussions.

Bienvenue à vous. Pourriez-vous vous présenter brièvement pour que nous sachions à quoi nous en tenir? La séance doit se terminer à 13 h 15. Je vous invite donc, dans votre déclaration d'ouverture, à faire preuve d'une meilleure discipline que moi. Merci.

Howard Chodos, directeur, Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, Commission de la santé mentale du Canada : Merci, monsieur Dallaire. Je m'appelle Howard Chodos et je suis directeur de la Stratégie en matière de santé mentale à la Commission de la santé mentale du Canada.

Jennifer Vornbrock, vice-présidente, Connaissances et innovation, Commission de la santé mentale du Canada : Je m'appelle Jennifer Vornbrock et je suis vice-présidente chargée du secteur Connaissances et innovation, également à la Commission de la santé mentale du Canada. Heureuse d'être parmi vous.

Le président : Et vous êtes tous les deux éminemment qualifiés pour lancer cette étude. Je vous en prie.

M. Chodos : Nous espérons l'être, monsieur le sénateur.

Nos compétences se concentrent surtout dans le domaine du changement des systèmes, de la politique et de l'ensemble du système et des structures des services de santé mentale au Canada. J'espère que notre comparution vous fournira une partie du contexte, peut-être davantage qu'une description clinique détaillée du problème. Voilà les observations que nous avons préparées et les domaines où nous espérons vous donner un point de départ pour votre réflexion sur la santé et la maladie mentales au Canada.

Je précise que, avant d'entrer au service de la Commission de la santé mentale, j'ai eu l'insigne honneur de travailler avec les sénateurs Kirby et Keon à l'étude marquante que le Comité des affaires sociales a consacrée à la santé et à la maladie mentales, De l'ombre à la lumière. À cette époque-là, j'avais davantage l'habitude de siéger de l'autre côté de la table, comme analyste de la Bibliothèque du Parlement, plutôt que de ce côté-ci, comme témoin. Lorsque le sénateur Kirby a mis en place la commission, j'ai été très honoré de l'accompagner pendant les premières étapes et tout au long de l'élaboration de la Stratégie en matière de santé mentale.

Comme vous êtes nombreux à la savoir, la commission est financée par le gouvernement du Canada, mais elle en est indépendante. Elle a reçu un mandat de 10 ans, dont les trois premiers éléments étaient les suivants : élaborer une stratégie pour la santé mentale au Canada; mener un effort systématique afin de lutter contre la stigmatisation au Canada; constituer un centre d'échange des connaissances pour faciliter l'utilisation dans la pratique des éléments probants, des idées et des innovations provenant de sources internationales, nationales et locales de connaissances.

Peu de temps après sa création, en 2007, la commission a reçu un montant supplémentaire de 110 millions de dollars du gouvernement du Canada pour mener une étude pilote pluriannuelle sur plusieurs sites afin de mettre à l'essai une approche nouvelle pour lutter contre l'itinérance chez les personnes atteintes de maladie mentale.

Je suis heureux de vous dire que nous avons accompli des progrès importants sur tous les éléments du mandat de la Commission de la santé mentale au Canada. La Stratégie en matière de santé mentale, Changer les orientations, changer des vies, a été publiée il y a un peu plus de deux ans, et les responsables de l'initiative Changer les mentalités et du Centre d'échange des connaissances ont publié récemment des rapports provisoires. Quant au projet pilote At Home/ Chez soi, il a été achevé avec succès en mars dernier, et son premier rapport national final a paru en avril dernier.

Le progrès accompli en ce qui concerne des éléments précis de notre mandat reflète l'évolution observée dans toute la société canadienne au cours des 10 dernières années pour mettre en pleine lumière les problèmes de santé mentale. Il suffit de considérer les fonds injectés dans le domaine de la santé mentale par beaucoup de sociétés commerciales en vue, les efforts déployés par la presse pour améliorer la couverture des problèmes de santé mentale ou l'élaboration de stratégies et de plans d'action en matière de santé mentale par les gouvernements provinciaux et territoriaux au Canada pour constater que notre pays a changé pour le mieux. Nous savons que, même si le travail de la commission a favorisé cette évolution, les progrès ne sont absolument pas attribuables à elle seule. Ils sont le résultat des efforts constants déployés par des milliers de Canadiens qui travaillent dans le système de santé mentale et font au quotidien la promotion du changement. Ajoutons par contre qu'il y a encore énormément à faire pour faire évoluer davantage l'attitude à l'égard de la santé et de la maladie mentales, et pour améliorer l'accès aux services, aux soutiens, aux thérapies dont on a besoin. Dans notre pays, comme dans bien d'autres pays du monde entier, on estime que les deux tiers des adultes et peut-être les trois quarts des enfants qui pourraient profiter de services de santé mentale ne reçoivent pas ces services.

La Stratégie en matière de santé mentale et toutes les initiatives et activités de la commission visent à améliorer la santé mentale de tous ceux qui vivent au Canada. Nous sommes loin d'être des experts de tous les aspects de la santé mentale, et nous abordons tous nos travaux dans un esprit de collaboration et de partenariat, car améliorer la santé mentale et le bien-être est un travail qui nous concerne tous, qui doit mobiliser tous les Canadiens.

La Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada traduit un large consensus et ses six orientations stratégiques constituent un plan complet pour apporter des changements dans l'ensemble du système de santé mentale.

Les priorités et les recommandations de la stratégie ouvrent également la voie à l'élaboration de stratégies précises en matière de santé mentale à l'intention de populations particulières. S'il est un thème qui guide mes observations d'aujourd'hui, c'est que nous devons nous intéresser aussi bien aux caractéristiques communes de tous les problèmes de santé mentale qu'aux particularités de leur manifestation dans des cadres et des contextes différents.

Pour illustrer mon propos, je voudrais parler d'abord de deux grandes questions générales : le défi tenace de la stigmatisation et son contrepoint, l'espoir de rétablissement.

Nous avons souvent entendu des gens qui ont des problèmes de santé mentale et des maladies mentales que la stigmatisation peut causer autant de détresse voire davantage que la maladie même. La stigmatisation inflige de la douleur, isole et marginalise les gens et elle peut empêcher de chercher de l'aide. Lutter contre la stigmatisation, c'est affronter deux réalités en santé mentale. Premièrement, tout comme la santé mentale est une préoccupation pour nous tous, la stigmatisation qui s'attache toujours à la maladie mentale demeure omniprésente. Cela veut dire que, peu importe le contexte, il nous faut lutter contre ce problème. Deuxièmement, tout comme nous sommes tous des personnes uniques qui peuvent avoir besoin de différentes choses pour améliorer notre santé mentale et notre bien-être, ainsi nous devons lutter contre la stigmatisation par des moyens adaptés à chaque cadre et à chaque collectivité. Autrement dit, nous avons appris, grâce à notre initiative Changer les mentalités contre la stigmatisation et la discrimination, qu'il y a effectivement des leçons générales qui s'appliquent partout. Le plus important, c'est le contact avec des personnes qui se remettent d'une maladie mentale qui peut le mieux transformer les attitudes, mais ce principe doit s'appliquer d'une manière adaptée au contexte et aux besoins de ceux que nous voulons rejoindre.

Les deux mêmes réalités guident l'approche de la maladie mentale qui est à la base de la Stratégie en matière de santé mentale et de toute l'activité de la commission, soit que tous ceux qui éprouvent des problèmes de maladie mentale doivent avoir l'espoir de se remettre. C'est le comité sénatorial qui, le premier, l'a dit : l'orientation vers le rétablissement doit être au centre de la réforme en matière de santé mentale au Canada.

Que faut-il entendre par « rétablissement » dans le contexte de la santé mentale? Cela commence par la conviction que quiconque éprouve un problème de santé mentale ou est aux prises avec une maladie mentale peut aspirer à améliorer son bien-être mental, à atteindre les objectifs qu'il se fixe, à mener une vie enrichissante dans le milieu de son choix et à y apporter sa contribution.

En ce sens, le rétablissement n'a pas le même sens que « guérison ». Nos connaissances ne sont pas assez avancées pour que nous puissions affirmer que chacun peut se libérer totalement des répercussions de la maladie mentale, bien que beaucoup y parviennent. Mais nous en savons assez pour dire que notre système de santé mentale, dans quelque cadre que ce soit ou à l'égard de quelque maladie ou état que ce soit, peut et doit donner l'espoir de progrès, qu'il doit accompagner les malades et les soutenir sur le chemin du rétablissement.

L'orientation vers le rétablissement nous appelle à voir la personne comme un tout, avec ses forces et ses aptitudes, non pas seulement avec les difficultés qu'elle doit surmonter. La personne doit être perçue dans le contexte de son milieu, de sa famille, de sa culture et de ses antécédents, et il faut adopter une approche holistique pour l'aider sur le chemin de son rétablissement.

Dans une approche globale de la santé mentale axée sur le rétablissement, on reconnaît que le rôle essentiel du système de santé est de contribuer au rétablissement des personnes, mais on souligne également qu'il est important d'avoir un emploi, un foyer et un ami. Ces facteurs contribuent à la santé mentale de tous et protègent tout le monde contre la maladie mentale.

Sur tous ces fronts, la commission a travaillé avec des partenaires de l'ensemble du Canada afin d'acquérir des outils pratiques pour améliorer la santé mentale et le bien-être mental. Voici quelques exemples, non seulement pour illustrer certaines de nos réussites à ce jour, mais aussi pour faire ressortir l'importance de l'application d'une approche générale cohérente, adaptée toutefois aux nombreux contextes particuliers qui influent sur notre santé mentale et notre bien- être, ce que vous faites en entreprenant cette étude.

La commission a lancé et aidé à guider l'élaboration de la première norme au monde de santé et sécurité psychologiques en milieu de travail. C'est une norme d'application volontaire, mais elle a déjà été adoptée par des employeurs en vue dans les secteurs privé et public. Compte tenu de l'énorme diversité des lieux de travail dans toute économie complexe, la norme ne prescrit pas une formule unique pour tous. Elle propose plutôt des conseils sur les procédures, les procédés et les outils qu'on peut utiliser pour promouvoir la santé et la sécurité psychologiques et s'attaquer aux dangers de toutes sortes qui peuvent exister dans les milieux de travail. Parmi ces outils, notons un guide que la commission a élaboré à l'intention des employeurs. Et nous venons d'entreprendre une étude sur plus d'une trentaine de milieux de travail dans tout le Canada, y compris dans des organismes gouvernementaux comme le SCRS.

En élaborant des outils précis pour le milieu de travail, nous avons cherché à nous appuyer sur les pratiques les plus prometteuses, et l'une d'elles est le programme RVPM que le ministère de la Défense nationale a conçu à l'intention des Forces canadiennes et qui, je crois, vous est déjà familier. Notre équipe chargée de Changer les attitudes a collaboré avec le MDN afin d'adapter cette approche aux milieux de travail civils et de mettre à l'essai une formation et une sensibilisation fondées sur le continuum du RVPM.

Nous avons également fait appel à l'expérience des Forces canadiennes et du ministère des Anciens Combattants en ce qui concerne l'accès au soutien par les pairs, comme élément clé pour appuyer le rétablissement après une maladie mentale. Je me rappelle encore l'impact que le récit que le lieutenant-colonel Stéphane Grenier a fait de son expérience de l'ESPT a eu sur moi-même et sur le travail du comité sénatorial, en 2005, au moment où nous travaillions au rapport De l'ombre à la lumière. Ce qu'il proposait pour rendre le soutien des pairs largement accessible comme partie intégrante du système de santé mentale a été au centre de l'élaboration de lignes directrices pour la formation des pairs aidants; la commission les a publiées l'an dernier. Le succès retentissant de la récente conférence sur le soutien par les pairs, à Halifax, témoigne des contributions innovatrices du lieutenant-colonel.

Nous ne devons pas oublier que, pour chaque personne, chaque ancien combattant qui est aux prises avec un problème de santé mentale ou une maladie mentale, il existe aussi un cercle de familles et de soignants qui sont trop souvent laissés à eux-mêmes. Depuis le début, la commission reconnaît qu'il est important de répondre aux besoins des familles qui sont dans la position idéale pour aider ceux qui leur sont chers. L'an dernier, nous avons publié une série de lignes directrices pour faciliter la planification et la mise en place de services de santé mentale qui reconnaissent les besoins uniques des soignants membres de la famille et y répondent.

Le projet le plus important que la commission ait entrepris à ce jour a été le projet pilote de quatre ans At Home/ Chez soi, que j'ai mentionné tout à l'heure. C'est le projet de recherche le plus important sur l'itinérance et la maladie mentale jamais entrepris dans le monde. Depuis, il a été imité en France et ailleurs. Les résultats du projet ont montré non seulement que l'approche « Logement d'abord » donne de meilleurs résultats que le traitement habituel, ce qui permet à un plus grand nombre de personnes de rester dans un logement, mais aussi qu'elle le fait de manière rentable. « Logement d'abord » est une approche axée sur le rétablissement qui offre le choix d'un logement, sans condition préalable, et apporte les services dont les gens ont besoin comme soutien pour les accompagner vers le rétablissement.

J'ajoute simplement que, dans cette étude, 99 des 2 298 participants, soit 4,3 p. 100, se sont identifiés comme des anciens combattants. L'étude a permis de constater que, même si les anciens combattants qui sont itinérants ne diffèrent pas beaucoup des autres itinérants qui ont une maladie mentale grave et persistante, ils étaient 1,4 fois plus susceptibles que les autres Canadiens de souffrir de l'ESPT. L'étude a également conclu que l'intervention mise à l'essai dans le cadre du projet de recherche At Home/Chez soi pouvait aider à mettre un terme à l'itinérance chez les anciens combattants et aurait aussi d'autres avantages du point de vue de la qualité de vie.

La commission a appuyé une autre initiative : l'élaboration d'un module de formation continue portant sur l'ESPT pour les médecins canadiens, sous les auspices du Réseau canadien de recherche et intervention sur la dépression, le RCRID. Le module en est aux derniers stades de l'approbation finale à l'Association médicale canadienne.

Nous avons également fait de la prévention du suicide une priorité, travaillant de concert avec l'Agence de la santé publique, des parlementaires et les groupes intéressés en général pour sensibiliser l'opinion, diffuser les pratiques exemplaires et renforcer la collaboration.

En guise de conclusion, je dirai que la Commission de la santé mentale du Canada est fière d'être un conseiller de confiance auprès du gouvernement en matière de santé mentale. Nous sommes honorés d'être parmi vous aujourd'hui pour parler d'initiatives de la commission qui sont susceptibles d'intéresser le sous-comité au moment où il entreprend une étude importante sur les blessures de stress opérationnel.

Nous envisageons l'avenir avec optimisme, croyant que les progrès de la connaissance et notre capacité collective de l'appliquer de façon humaine et compatissante ouvrent sur un avenir plus brillant pour tous les Canadiens qui éprouvent des problèmes de santé mentale et plus particulièrement ceux qui ont fait de lourds sacrifices pour servir notre pays aussi bien chez nous qu'à l'étranger.

Merci. Nous sommes prêts à recevoir vos questions et observations.

Le président : Merci beaucoup du large survol que vous nous avez proposé du travail que vous avez fait dans le cadre de cette stratégie.

Pour ceux qui nous écoutent, voudriez-vous expliquer ce qu'est le programme RVPM?

M. Chodos : En route vers la préparation mentale. C'est le programme basé sur un continuum entre une bonne santé mentale, avec diverses difficultés, vers l'expérience de la maladie mentale. Dans la trousse que nous avons remise aux sénateurs se trouve la version civile de ce programme en voie d'élaboration pour les milieux de travail civils.

Le président : Très bien.

Le sénateur Lang : Avant d'entrer dans le vif du sujet, je note que vous avez fait savoir que vous annonceriez votre retraite du Sénat. Il y aura un lieu et un moment pour en parler, mais à titre de membre du sous-comité et de président du Comité de la sécurité nationale et de la défense, je vais simplement vous dire, monsieur le président, que vous nous manquerez.

À votre point de vue, puisque vous avez maintenant une certaine histoire derrière vous, je voudrais savoir comment nous envisageons de promouvoir les idées et de les faire appliquer. Si je pose cette question, c'est d'abord parce que je crois que, comme vous l'avez dit, vous vous êtes acquittés en partie de votre mandat en portant la question de la santé et de la maladie mentales à l'attention des Canadiens. Pour moi qui observe la situation depuis 10 ans, cela devient de plus en plus évident, surtout quand on voit les Clara Hughes de ce monde et diverses autres personnes parler publiquement des problèmes très réels qu'ils ont eux-mêmes éprouvés et qu'ils savent avoir été éprouvés par d'autres également, sans être pour autant disposés à en parler. Je crois que le président peut parler de cela également. C'est très sain pour la collectivité. Il ne doit pas y avoir une seule famille au Canada qui n'a pas été touchée d'une façon ou d'une autre. Dans nos familles, nous cherchons tous comment aborder nos proches et les aider à s'aider eux-mêmes.

Vous avez parlé tout à l'heure de l'importance des emplois, des amis, de la famille. Je ne saurais être plus d'accord avec vous, mais je voudrais vous poser une question sur le plan pratique. Dans votre exposé, vous avez parlé des provinces et des territoires, mais vous ne l'avez fait qu'une fois. Dans les faits, ce sont eux qui, pour l'essentiel, sont responsables de l'application des programmes sociaux dans tout le Canada. Un programme adapté aux besoins de l'Île- du-Prince-Édouard peut être fort différent de celui du Yukon, si on tient compte de la démographie et des problèmes que nous éprouvons, bien que les objectifs soient les mêmes.

Comment concevez-vous les rôles des gouvernements provinciaux et territoriaux pour ce qui est de la mise en place des programmes nécessaires? Quelles sont les responsabilités du gouvernement du Canada à cet égard? Qu'en pensez- vous?

M. Chodos : C'est assurément une question qui nous a beaucoup préoccupés à bien des égards, lorsque nous étions en train d'élaborer la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada. Le gouvernement du Canada nous avait donné comme mandat d'élaborer une stratégie nationale dans le contexte d'un pays où, comme vous le dites avec raison, la prestation des soins de santé, l'organisation des systèmes de santé et la prestation des programmes sociaux relèvent surtout des provinces et des territoires. Compte tenu de ce problème, nous avons essayé de communiquer le mieux possible avec les provinces et les territoires. Nous avons mis sur pied un groupe consultatif pour faire en sorte qu'ils soient informés au fur et à mesure des progrès réalisés dans l'élaboration de la stratégie.

Nous avons aussi pris conscience du fait que ce que nous proposerions les intéresserait si c'était « la bonne chose à faire », la « bonne manière d'aller de l'avant ». Pas plus que le gouvernement fédéral, nous n'avons le pouvoir de dicter aux provinces la façon de se comporter dans un domaine qui, aux termes de la Constitution, est de leur ressort.

Nous avons essayé d'élaborer un plan qui allait dans le sens des orientations des provinces et des territoires, nous les avons guidés, nous avons travaillé avec eux pour comprendre les recommandations et la stratégie, et nous nous sommes efforcés de faire en sorte que les provinces et territoires évoluent chacun à sa manière propre. Ainsi, j'ai parlé du soutien par les pairs comme d'un élément recommandé dans la stratégie qui sort un peu des sentiers battus et permet d'aider les gens à avancer sur le chemin de leur rétablissement, un moyen qui n'est pas habituel dans le système de santé mentale.

Récemment, et il en a été question à la conférence de la Nouvelle-Écosse dont j'ai parlé et où le sénateur Dallaire a été l'un des conférenciers principaux, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a mis en place un programme pour encadrer le soutien par les pairs. Ce n'était pas uniquement parce que c'était une recommandation de la Stratégie en matière de santé mentale, mais je suis convaincu que le travail que nous avons accompli au niveau national a ouvert la porte à des initiatives comme celle-là qui ont influencé les mesures prises par les provinces et les territoires.

Le Nouveau-Brunswick est en train de déployer une réorganisation fondée sur l'approche du rétablissement dont j'ai parlé. Il s'agit d'un changement important qui vise à permettre à chacun, autant que possible, de prendre en main son cheminement vers le rétablissement, le système étant considéré comme un soutien, et à éviter de dicter aux gens comment ils doivent s'occuper de leur propre santé mentale, de leur bien-être mental. Le gouvernement du Nouveau- Brunswick a décidé d'appliquer de façon systématique cette approche dans l'ensemble de la province. Voilà qui est différent. Je ne dirais pas que d'autres provinces ont fait exactement la même chose.

La Colombie-Britannique a beaucoup mis l'accent sur la promotion de la santé mentale et la prévention de la maladie dans une approche axée sur la santé de la population, ce qui s'accorde également avec les recommandations et la stratégie.

Nous avons constaté que chaque province se situe à un stade différent, a des ressources différentes et a un ensemble différent de difficultés immédiates à affronter. La Stratégie en matière de santé mentale a été conçue pour que les recommandations permettent aux provinces de travailler à différents aspects pour que, ensemble, nous ramions dans la même direction pour amener un changement fondamental dans la façon dont la santé mentale et la maladie mentale sont perçues au Canada.

Le président : Voilà une réponse tout à fait complète.

Le sénateur Lang : Je voudrais poursuivre, sur un plan pragmatique, en abordant la responsabilité du gouvernement fédéral et celle des provinces et territoires. Je m'inquiète lorsque j'entends dire, parfois, que le gouvernement fédéral va résoudre tous les problèmes, surtout quand on vit au Yukon ou au Manitoba, par exemple. Il a pourtant son rôle, évidemment.

Estimez-vous que notre rôle, au bout du compte, concerne les accords financiers, assortis de certains accords de principe sur la façon dont les programmes vont s'appliquer? Sinon, quel sera à l'avenir, selon vous, le rôle du gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de la stratégie dont vous avez parlé?

M. Chodos : Question difficile, en un sens. L'histoire de notre pays, ces dernières décennies, a été marquée par une évolution, pourrions-nous dire, de l'approche adoptée par différents partis au pouvoir à l'égard de diverses questions comme les suivantes : Quel est notre rôle? Comment les contributions que le gouvernement fédéral verse à juste titre pour soutenir les soins de santé peuvent-elles être utilisées pour infléchir l'évolution dans un certain sens? Cet argent est-il distribué aux provinces pour qu'elles l'utilisent comme elles le jugent bon?

Pour parler franchement, je dirai que, dans la Stratégie en matière de santé mentale, nous n'avons pas pris de position ferme à cet égard. Nous avons signalé néanmoins que les fonds affectés aux problèmes et programmes de santé mentale sont insuffisants, ce qui fait en sorte que nous tirons de l'arrière par rapport à d'autres pays quant aux fonds publics consacrés à la santé et à la maladie mentales. Nous avons recommandé que tous les gouvernements contribuent à rattraper ce retard et à accroître ces dépenses dans l'ensemble du pays, les faisant passer de 7 à 9 p. 100, ce qui ne nous placerait tout de même pas en tête, mais nous rapprocherait de certains pays du peloton de tête, comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, pour ce qui est des dépenses générales affectées à la santé mentale.

J'en reviens au rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, De l'ombre à la lumière, qui recommandait que le gouvernement fédéral crée un fonds de transition qui serait assorti d'un ensemble de critères largement définis et dans lequel les provinces pourraient puiser pour sortir la santé mentale des établissements et l'intégrer aux soutiens et services locaux. Le rapport a proposé ce cadre pour essayer d'encourager le gouvernement fédéral à isoler, en quelque sorte, des fonds pour la santé mentale de façon à combler l'écart dans les dépenses, écart attribuable, tout le monde le reconnaît, à la négligence des enjeux de la santé mentale pendant les dernières décennies.

Je ne crois pas que nous puissions proposer à cet égard une formule précise. Chose certaine, si nous voulons progresser et refermer cet écart entre ce qui est consacré à la santé physique et les dépenses affectées à la santé mentale, il faudra d'une manière ou d'une autre concentrer les efforts sur la santé mentale du point de vue des priorités de financement.

Le président : Cette séance est très utile pour situer le contexte au moment d'aborder la question qui nous intéresse plus particulièrement. Merci de vos réponses exhaustives.

Le sénateur Day : Monsieur Chodos, heureux que vous soyez de retour parmi nous, bien que ce soit à un titre différent. Madame Vornbrock, je ne sais trop si vous êtes de retour ou si je vous souhaite la bienvenue pour la première fois.

Mme Vornbrock : C'est la première fois.

Le sénateur Day : Bienvenue à vous.

La stratégie comprend 26 priorités et 109 recommandations, ce qui semble fort complet. Heureusement pour nous, vous les avez regroupées autour de six orientations stratégiques. Nous aurons l'occasion de les examiner.

En abordant la question de façon aussi générale, avez-vous pu isoler les domaines qui nous concernent plus particulièrement, comme l'état de stress post-traumatique non seulement chez les militaires, mais aussi chez les premiers répondants, chez les policiers, qui doivent voir des situations pénibles, comme des accidents, et chez les médecins? À l'intérieur de ce grand groupe, avez-vous fait un regroupement et avez-vous mis l'accent sur cette question particulière?

M. Chodos : Pas spécialement dans les recommandations, à proprement parler, mais certainement dans le travail que la commission a accompli après avoir élaboré la stratégie et le travail portant sur d'autres domaines. Comme je l'ai dit, il y a des choses que nous avons essayé de faire dans chacun de ces domaines. Nous avons travaillé récemment avec l'Association canadienne des chefs de police pour tenir conjointement une conférence portant sur les interactions entre la police et les gens qui éprouvent des problèmes de santé mentale et sur la santé mentale des premiers intervenants.

Nous avons donc pris des initiatives particulières, après avoir élaboré la stratégie, pour agir concrètement et travailler dans le sens même où va votre étude d'aujourd'hui.

Comme vous pouvez le comprendre, nous n'avons pas mis l'accent sur des types précis de problèmes de santé mentale puisque, si nous l'avions fait, il n'y aurait pas eu de fin à ce que nous devions examiner. Nous n'aurions pas eu 109 recommandations, mais 1 009. Nous devions fixer un cadre pour nous en tenir à ce qui serait pertinent pour l'ensemble de notre pays. C'est ce qui explique que la Stratégie en matière de santé mentale reste générale.

Comme je l'ai dit, nous avons essayé en même temps de proposer un contexte ou un cadre pour que nous puissions travailler à diverses questions plus précises dans l'ensemble du système de santé mentale.

Le sénateur Day : Monsieur Chodos, vous avez dit dans votre déclaration du début que le personnel militaire était 1,4 fois plus exposé au stress post-traumatique que celui d'autres domaines professionnels. Cela m'a fait penser à la possibilité d'accorder une attention spéciale à ce groupe et de faire du dépistage. Peut-être y a-t-il des choses que nous pouvons faire pour réduire ce facteur de risque si nous savions au préalable que les premiers intervenants et le personnel militaire risquent de souffrir de stress post-traumatique à moins qu'ils ne soient préparés d'une façon quelconque.

Travaillez-vous sur ce plan, afin de préparer ces personnes à gérer le stress de façon à éviter la maladie mentale?

Mme Vornbrock : Je peux dire un mot de la question. Comme Howard l'a dit, dans l'élaboration de la Stratégie en matière de santé mentale, nous avons essayé de rester à un niveau de généralité et de globalité suffisant pour que chacun y trouve son compte. Quant à la façon dont nous avons abordé concrètement le travail, je dirai que, depuis un an et demi à deux ans, nous entretenons une étroite collaboration avec Anciens Combattants Canada, le ministère de la Défense nationale, la GRC et, comme Howard l'a signalé, l'Association canadienne des chefs de police pour commencer à creuser des idées et arriver à un dépistage ou à une intervention précoces.

Un élément crucial dont Howard a parlé dans sa déclaration liminaire est la réflexion sur une norme pour le milieu de travail. Qu'on soit policier au travail ou membre des Forces canadiennes à l'étranger, on doit travailler dans un cadre où l'employeur — qu'il s'agisse de l'officier supérieur, du sergent d'état-major ou de quelqu'un avec qui on travaille comme premier répondant — est assez sensible pour comprendre ce qui se passe dans votre travail à tout moment donné. Il s'agit d'implanter une culture du travail où on peut déceler rapidement les problèmes et demander un soutien, de l'aide pour pouvoir reprendre le travail et toutes ses fonctions.

Nous avons eu des échanges vraiment éclairants et utiles, et nous estimons que le rôle de la Commission de la santé mentale du Canada est de donner des conseils quand on les lui demande. La semaine dernière, nous avons participé à une table ronde avec Anciens Combattants Canada au sujet de l'utilisation de chiens d'assistance dans les cas de stress post-traumatique. Nous avons été heureux de participer à cette table ronde. Comme Howard l'a signalé, nous avons également travaillé avec la GRC au sujet du programme RVPM. Nous travaillons aussi avec l'Association canadienne des chefs de police; nous serons avec elle les hôtes d'une conférence complète au début de la nouvelle année, et elle portera expressément sur la santé mentale des policiers en milieu de travail. La conférence que nous avons tenue cette année ne devait pas porter sur cette question, mais elle a fini par dominer les échanges. Nous avons eu des agents de la GRC et des policiers de diverses administrations au Canada — il y avait environ 250 délégués — qui sont venus nous dire : « Merci infiniment de m'avoir donné l'occasion de parler de ce que c'est pour moi, travailler dans ce contexte depuis des années. »

La norme sur le milieu de travail et d'autres outils concrets apportent une vraie valeur ajoutée pour que nous parvenions à un point où le dépistage et l'intervention précoces sont possibles et où les gens peuvent obtenir le soutien qu'ils veulent pour poursuivre leur travail.

Le sénateur Day : Formidable. Je continuerai peut-être au deuxième tour.

Le président : Oui. Je suis étonné que vous passiez d'une perspective stratégique, que vous avez présentée comme une approche générale cohérente, qui peut s'adapter aux solutions tactiques. Je garde en réserve une question à ce sujet pour plus tard.

Le sénateur White : Merci à vous deux d'être parmi nous. J'ai deux questions à poser, si je peux me permettre. L'une est probablement plus rapide que l'autre.

La première porte sur les dossiers de ceux qui interagissent avec la police. Vous avez rencontré l'Association canadienne des chefs de police pour parler de santé mentale et du fait que ces dossiers sont parfois consultés à la frontière, à la sortie du Canada, même s'il n'y a aucun élément de criminalité dans ces dossiers. Avez-vous réussi à trouver une solution en ce qui concerne la tenue de ces dossiers et leur consultation, et le fait qu'ils sont utilisés et consultés par des gens pour des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été créés au départ?

M. Chodos : C'est un élément que nous avons précisé dans la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada. Il nous a été signalé, et il nous a semblé vraiment important de nous y intéresser. C'est un reflet de la stigmatisation de la maladie mentale en général et il s'agit simplement de certaines pratiques précises.

J'ignore les détails, mais je crois savoir qu'on a réussi dans une certaine mesure, dans certaines provinces, à retirer ce genre de renseignement des dossiers des...

Le sénateur White : Des casiers judiciaires.

M. Chodos : ... des casiers judiciaires et des vérifications des antécédents. La Saskatchewan, je crois, a réalisé des progrès sur ce plan. Vous avez peut-être des détails sur la façon dont elle s'y est prise.

Le sénateur White : Au niveau national, il n'y a pas eu de grande réussite de ce côté.

Mme Vornbrock : Non, effectivement.

M. Chodos : Il est bien que la chose soit maintenant du domaine public et que les gens en soient conscients. Selon les derniers reportages que j'ai vus, la prise de conscience aurait presque pris de l'ampleur. Il est question de santé et de maladies mentales, mais viennent s'ajouter d'autres dimensions des interactions avec la police qui sont signalées et qui peuvent être divulguées.

S'il y a tant de gens qui sont préoccupés par ce problème, la pression de l'opinion publique pourrait s'accroître pour qu'on s'y attaque au lieu de dire qu'il y a simplement quelques cas isolés qui concernent quelques personnes qui auraient eu des problèmes de maladie mentale.

Il y a eu des progrès, mais nous n'en sommes pas encore au point où il y a une solution nationale.

Le sénateur White : Excusez-moi. Je sais que cela s'éloigne de la question des traumatismes liés au stress opérationnel, mais je crois que cela intéresse la population canadienne, notamment.

Ma deuxième question se rapporte aux observations faites plus tôt au sujet du modèle Logement d'abord. Je suis sûr que vous connaissez bien le modèle new-yorkais Common Ground, qui remporte un grand succès.

Le groupe d'itinérants dont le nombre augmente le plus rapidement est formé d'anciens militaires américains. Je crois que cela nous lance sur une fausse piste puisque, aux États-Unis, la carrière moyenne d'un soldat est de quatre ans et demi. Bien des gens s'enrôlent à 18 ans, sortent de l'armée au bout de quatre ans et ont accès, croient-ils, à d'autres possibilités. C'est différent du Canada, où on est souvent soldat de carrière.

Y a-t-il au Canada une forte augmentation de l'itinérance? Avec les expériences que j'ai vécues, je sais qu'un certain nombre d'itinérants ont aussi des problèmes de santé mentale. Observons-nous au Canada la même croissance ou une certaine croissance de la population des itinérants, et qu'en est-il des militaires relativement à la maladie mentale?

Mme Vornbrock : Je vais répondre à celle-ci.

Un peu plus de 2 000 personnes ont participé à l'étude At Home/Chez soi, dans cinq provinces au Canada — à Montréal, Toronto, Vancouver, Winnipeg et Moncton —, et seulement 5 p. 100 d'entre elles étaient des anciens combattants. Nous avons discuté de cette question, car un des ministères m'a demandé de dire s'il y avait eu une hausse de l'itinérance chez les anciens combattants ces dernières années. Malheureusement, il n'existe pas de réponse assurée. Grâce à l'étude At Home/Chez Soi et parce que nous avons abordé des questions précises concernant les anciens combattants, nous commençons à voir quelques recherches. C'est donc un sujet que nous allons suivre et que nous ne perdrons pas de vue. Je crois que 5 p. 100, c'est tout de même un chiffre important.

Le sénateur White : Bien sûr.

Mme Vornbrock : Ce qui serait peut-être intéressant, c'est de faire des recherches pour savoir où les anciens combattants ont tendance à aller. L'étude s'est faite dans quatre villes relativement importantes du Canada et dans une ville plus petite, c'est-à-dire Moncton, où je suis allée hier. Il s'agirait de savoir si les anciens combattants décident de rentrer chez eux, de rester dans les villes ou s'ils ont les mêmes caractéristiques « migratoires » que les autres itinérants qui se déplacent au Canada. Il y a des questions intéressantes à creuser. Malheureusement, l'étude At Home/Chez soi ne nous a donné que des bribes d'information vraiment utile, mais elle a suscité chez nous beaucoup d'autres questions au sujet des anciens combattants et de l'itinérance.

Le sénateur White : Ce pourrait être la même chose pour nous. Merci beaucoup.

Le président : Ce pourcentage est élevé, si on considère le nombre d'anciens combattants au Canada.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président, je voudrais tout d'abord me faire l'écho de ce que le sénateur Lang a dit. J'ai eu l'honneur de travailler à vos côtés pendant un ou deux ans, et ces années ont compté parmi les meilleures que j'aie passées au Sénat. J'ai apprécié le temps que vous avez investi au Sénat et tout ce que vous avez fait et continuez de faire dans des dossiers comme ceux dont nous discutons aujourd'hui. Mes meilleurs vœux vous accompagnent.

Nous aurons d'autres occasions, au Sénat, de prendre la parole à ce sujet, mais je vous dis simplement que ce fut un grand privilège. J'ai été heureux de pouvoir revenir ici aujourd'hui pour remplacer le sénateur Wells.

Le président : Vous utilisez là une partie de votre temps.

Le sénateur Plett : C'est vrai, je le sais.

Le président : Merci beaucoup de vos bons mots.

Le sénateur Plett : J'ai également deux questions à poser, si je peux me permettre. D'abord, comme le sénateur Day l'a déjà signalé, il existe un pourcentage bien plus élevé de problèmes de santé mentale chez les anciens combattants, comme l'ESPT et tout le reste. Possédez-vous des données statistiques qui indiqueraient un moyen de savoir, parmi tous les anciens combattants qui ont des problèmes de santé mentale, combien auraient eu tout de même ces problèmes si, au lieu de travailler dans les forces armées, ils avaient été plombiers ou sénateurs toute leur vie?

Y en a-t-il beaucoup parmi eux qui auraient eu des problèmes de santé mentale de toute manière, ou leur état est-il entièrement lié au service dans les Forces canadiennes?

M. Chodos : Question difficile.

Mme Vornbrock : Effectivement.

M. Chodos : Nous pouvons commencer par une observation qui ne se limite pas aux données canadiennes, mais qui se vérifie aussi dans le monde entier : chaque année, une personne sur cinq a un problème de santé mentale ou une maladie mentale, et cela vaut pour l'ensemble du continuum. Parmi les personnes atteintes, il y en a environ 3 p. 100 qui ont ce qu'on appelle une maladie mentale grave et persistante : dépression unipolaire grave, schizophrénie et trouble bipolaire. Les problèmes les plus courants sont la dépression et l'anxiété. Puis, il y a toute la gamme des autres affections et maladies, depuis l'anorexie jusqu'au trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention chez les enfants.

Voilà le portrait de la situation. Pour nous, c'est une statistique vraiment importante. Comme le sénateur Lang l'a dit au départ, étant donné la prévalence des problèmes de santé mentale, il n'y a pas une seule famille canadienne qui ne soit pas touchée.

Mon impression, c'est qu'on part déjà avec le cinquième de l'ensemble de la population. Malheureusement, je n'ai pas vu de statistiques qui nous permettent d'étudier suffisamment bien des segments précis, comme ceux des anciens combattants ou des militaires, pour savoir si le taux y est plus élevé que dans l'ensemble de la population. Mais je pense à une documentation que nous avons étudiée sur les forces armées. On y signale que, étant donné que les recrues font l'objet d'un dépistage psychologique, il y a probablement une chance que certains problèmes soient moins fréquents chez ceux qui entrent dans l'armée. Il s'agit simplement d'un dépistage, de l'application de critères d'admissibilité et ainsi de suite.

En dehors de cela, j'ignore si nous avons vu quoi que ce soit d'autre qui nous donne des indications sur la prévalence relative des problèmes de santé mentale dans la population civile par rapport à la population militaire, sur l'interaction des problèmes ou les situations que les militaires doivent vivre.

Les statistiques de l'étude At Home/Chez soi, qui font ressortir une probabilité 1,4 fois plus élevée de souffrir d'un ESPT, indiquent que, peut-on présumer, la maladie est due aux conditions de travail et aux situations que doivent affronter les membres des forces dans leur travail au jour le jour. Nous savons qu'il y a un impact sur leur santé mentale, sur leur bien-être mental, mais ce qui complique une pleine comparaison avec ce qui aurait pu se passer si ces personnes n'étaient pas entrées dans les forces, c'est que nous n'en savons pas assez pour dire pourquoi une personne qui vit une situation donnée souffre de stress post-traumatique, alors qu'une autre ne sera pas touchée.

Tous les problèmes de santé mentale et toutes les maladies mentales sont complexes et multifactoriels. Il y a toujours des éléments qui tiennent à la biologie, à la génétique, à l'environnement, à l'histoire, au contexte social et à la culture. Tous ces facteurs jouent. C'est donc un travail très complexe que de trouver ce qui a provoqué tel problème chez une personne donnée.

Le sénateur Plett : Merci. Je comprends votre réponse et constate qu'il n'existe pas de statistiques pour mettre les faits en évidence. Je dirai simplement que quiconque est enclin à avoir une maladie mentale et se place dans une situation où le stress est intense, comme chez les militaires, se retrouvera plus facilement dans un état de stress post- traumatique que d'autres personnes. Merci tout de même.

En feuilletant votre livre, je me suis arrêté à la quatrième et à la cinquième de vos orientations stratégiques prioritaires.

D'abord, je reviens moi aussi à ce qu'a dit le sénateur Lang : il n'y a probablement personne autour de cette table ou dans cette salle qui n'ait jamais été touché d'une façon ou d'une autre par des problèmes de maladie mentale. Comme le sénateur Dallaire l'a fait remarquer, l'une des raisons pour lesquelles j'ai proposé une étude comme celle-ci, c'est que nous avons tous été touchés parce que des membres de la famille ou des amis ont eu des problèmes de cet ordre.

Or, vous semblez vouloir vous intéresser à tout un ensemble de groupes différents plutôt que de faire de cette question un problème général. Je ne veux pas céder au cynisme, mais je pense que même moi, quand on parle de communautés linguistiques minoritaires, francophones et anglophones... Je suppose que nous appartenons à l'un de ces groupes, mais on parle aussi des Métis, des Inuits, des Premières Nations, des groupes ethnoculturels et racialisés, des réfugiés, des immigrants. Il s'agit donc d'un problème qui touche beaucoup de monde. Faisons-nous fausse route en disant par exemple : « Vous êtes un Métis, et c'est une des raisons pour lesquelles vous éprouvez ces problèmes »? N'est-ce pas ce que nous faisons ici? Je vous serais reconnaissant de bien vouloir dire brièvement ce que vous en pensez.

M. Chodos : Bien sûr. Il faut situer ces chapitres à la lumière de ceux qui les précèdent et qui sont tous axés sur l'ensemble de la population, en commençant par les meilleurs moyens de prévenir la maladie mentale et de promouvoir la santé mentale. La première orientation stratégique est axée sur la capacité de chacun de se rétablir et d'améliorer sa santé mentale, son bien-être mental. Cela vaut pour toute la population, qui est visée par la deuxième orientation stratégique. La troisième porte sur les moyens d'améliorer l'accès à toute la gamme des services pour l'ensemble de la population. Les trois premières parties de la stratégie ont porté sur des enjeux qui concernent la population canadienne dans son ensemble.

Le sénateur Plett : Vous dites qu'il ne faut pas commencer à lire un livre par la fin?

M. Chodos : Votre observation est importante, car rien ne prouve qu'un segment de la population soit, de façon inhérente, plus ou moins exposé à avoir des problèmes de santé mentale ou des maladies mentales. Ce sur quoi nous avons essayé de mettre l'accent, c'est le fait qu'il peut y avoir des circonstances, dans la vie des gens, dont nous devons tenir compte si nous voulons créer de meilleures conditions, des conditions plus favorables à leur santé mentale, à leur bien-être mental; et cet intérêt pour des groupes particuliers tient aussi au fait qu'ils peuvent avoir du mal à obtenir les services appropriés.

Dans le cas des Premières Nations, des Inuits et des Métis, nous avons remarqué qu'il était important d'avoir une sensibilité culturelle, de s'adapter à la culture de façon qu'on fasse appel à la fois aux approches traditionnelles et culturelles et aux connaissances scientifiques et médicales les plus avancées pour comprendre les problèmes de santé mentale. Il s'agit de mobiliser ce qu'il y a de mieux dans les deux mondes pour les populations qui abordent ces problèmes d'une façon particulière. Il s'agit d'admettre aussi que, dans beaucoup de localités du Nord, rurales et éloignées, les difficultés de l'accès aux services sont décuplées. Lorsque nous déplorons les difficultés d'accès aux services dans le Sud, dans la société majoritaire, nous savons que les gens ont beaucoup de mal à obtenir les bons services au bon moment. Dans le Nord, les services n'existent pas. Nous voulions donc attirer l'attention sur la situation particulière qui est celle de certains segments de la population pour donner une vue d'ensemble de ce qu'il faut faire. Je le répète, nous avons essayé d'adopter une perspective universelle pour aborder ces questions : promotion et prévention, approche des soins en santé mentale, moyens de bâtir un réseau de prestation des services intégré, coordonné et continu pour l'ensemble de la population.

Le sénateur Plett : Les problèmes de santé mentale sont-ils héréditaires?

M. Chodos : En partie, je dirais. Selon certaines indications, il y aurait des composantes génétiques, des prédispositions, mais je ne crois pas que nous puissions faire une affirmation générale et prétendre que tous ceux qui sont atteints d'une maladie mentale le doivent à leur hérédité. Il y a beaucoup trop de cas où nous avons vu des gens éprouver un traumatisme ou l'autre, que ce soit sur le champ de bataille ou qu'il s'agisse d'agression sexuelle au foyer, pour que nous puissions dire que la cause est exclusivement héréditaire. Et même lorsque l'hérédité joue, dans bien des cas, ce n'est pas exclusivement une fonction de la biologie. Il faut des éléments déclencheurs dans l'environnement, des expériences vécues et des gens, dans bien des cas, qui provoquent la maladie, bien qu'il arrive qu'il en aille autrement.

C'est un ensemble divers de conditions biopsychosociales — c'est un long mot, et j'ignore si nous l'employons dans la stratégie — qui sont des facteurs contribuant à la maladie mentale. Les facteurs biologiques sont toujours présents, tout comme les facteurs psychologiques et sociaux, et il existe une interaction complexe entre ces facteurs, de sorte qu'il est très difficile de savoir quelle personne a une combinaison d'expérience, d'hérédité et de prédispositions telle qu'elle risque d'avoir un problème de santé mentale.

Le sénateur Plett : Merci.

Le président : Merci, monsieur Chodos. Vous seriez excellent à la période des questions.

Je voudrais connaître l'avenir de votre organisme. Qui lui donne les priorités pour guider ses efforts? Dans ce contexte, l'Institut de recherche sur la santé des militaires et des vétérans a été mis sur pied. Avez-vous joué un rôle dans la création de cet institut?

Pouvez-vous traiter une personne qui a une déficience mentale, un traumatisme ou autre chose en la coupant de sa famille? La famille ne devrait-elle pas pouvoir profiter des ressources auxquelles vous avez fait allusion?

Mme Vornbrock : Je répondrai d'abord à votre question sur l'avenir de la commission. Sept années sont écoulées sur le mandat de 10 ans que le gouvernement fédéral lui a confié en 2007. Nous en sommes à un point où nous sommes ouverts au dialogue et aux échanges avec tous les protagonistes clés, y compris le gouvernement fédéral.

Vous en avez parlé, et je crois que ce sont des échanges précieux avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec tous les intéressés aux niveaux national, local et international. La commission est devenue un interlocuteur assez important sur la scène internationale; elle travaille avec le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et des pays du G8. La santé mentale est devenue un sujet d'échanges à l'échelle internationale et pas seulement nationale.

La commission est rendue à un stade où il commence à y avoir un dialogue sur l'avenir. Ce sont des échanges intéressants, et nous nous tournerons vers un certain nombre de protagonistes pour nous aider à fixer la nouvelle orientation. Nous estimons que notre travail consiste à apporter une valeur ajoutée au gouvernement du Canada, dans le contexte fédéral, à nos partenaires provinciaux et territoriaux et aux simples citoyens du Canada.

Au cours des sept dernières années, depuis la mise sur pied de la commission, les choses ont beaucoup changé dans le mouvement de la santé mentale, qu'il s'agisse du grand tour de Clara Hughes, du travail de Bell ou d'autres éléments des secteurs public ou privé. Honnêtement, si nous considérons le nombre de recommandations de la stratégie et leur portée, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche.

Par conséquent, l'avenir me semble prometteur.

M. Chodos : Je réponds brièvement à votre question sur les familles. Lorsque la commission a entamé son travail, elle avait une série de comités consultatifs dont un se consacrait aux aidants familiaux. Dès le départ, par conséquent, la commission était profondément consciente de l'importance des familles et des difficultés qu'elles peuvent parfois éprouver.

Nous avons essayé de trouver un juste milieu. Tout en disant que chaque personne qui éprouve des problèmes de santé mentale doit avoir le plus de contrôle possible sur le chemin de son rétablissement et le choix de ceux qui l'accompagnent — membres de la famille ou autres dispensateurs de soins ou pairs —, nous partions avec un préjugé favorable à la participation de la famille, reconnaissant qu'elle peut être un milieu particulièrement propice pour entourer les personnes qui ont des difficultés.

Le président : C'est déjà difficile pour nous, au niveau fédéral, de nous occuper des soldats et des anciens combattants, mais la participation des familles relève du niveau provincial. Imaginez la complexité.

Le sénateur Day : Madame Vornbrock, je ne peux m'empêcher de vous dire que je suis du Nouveau-Brunswick. Vous avez dit que Moncton était une petite ville. En réalité, il arrive souvent que les petites localités et les régions faiblement peuplées aient tendance à faire plus que leur juste part pour ce qui est de fournir des effectifs aux forces armées. C'est peut-être un facteur dont vous voudrez tenir compte, parmi tous les autres facteurs à prendre en considération du point de vue de la vulnérabilité au stress post-traumatique.

Voici ma question. En ce qui concerne la stigmatisation, avez-vous essayé de voir si, dans les forces armées, les soldats se donnent une attitude machiste : « Ça va. Je ne peux rien dire à personne parce que, si je le fais, mes collègues et les autres soldats vont me mépriser. » Est-ce une attitude qu'on acquiert après être entré dans les forces armées, ou est-ce une attitude fréquente chez ceux qui demandent à en faire partie? Comment ce facteur peut-il jouer dans la lutte contre la stigmatisation?

Mme Vornbrock : Voilà toute une question. Je dirais qu'il est difficile de savoir. Tous ces éléments jouent. Cette attitude est peut-être déjà présente quand on décide de s'enrôler. Je crois qu'on l'a, peut-être, si on se joint à un élément particulier de l'organisation où elle est fréquente. Mais dans les échanges que j'ai eus avec des policiers ou des membres de la GRC ou même avec des membres des forces armées ou des anciens combattants, j'ai été impressionnée par l'ouverture d'esprit et la volonté de parler de ce problème, de cette culture, de dire que le problème existe peut-être, de discuter de la façon de travailler dans ce contexte pour arriver à évoluer.

Je n'ai aucune solution ou réponse claire sur l'origine de cette culture, mais je perçois une prise de conscience du problème et une disposition à lutter contre cette stigmatisation, même aux endroits les plus improbables, comme chez les militaires, où on est porté à se dire : « Est-ce qu'on peut vraiment parler de ça? » Je vois des personnes courageuses qui sont prêtes à parler ouvertement de leurs problèmes de santé mentale.

Le sénateur Day : Cela me semble constructif.

Le sénateur Lang : C'est le premier jour de notre étude, et il nous faudra un certain temps pour examiner toute l'information qui nous est fournie et tirer des conclusions. D'après votre expérience ou vos connaissances, existe-t-il une définition normalisée de l'ESPT? Avez-vous une liste de tous les programmes disponibles, dans notre cas pour les anciens combattants, et qui sont déjà en place? Si oui, pourriez-vous la communiquer au comité?

M. Chodos : La réponse brève à la deuxième question est non, nous n'avons pas cette information sur les programmes. Si je me rappelle bien l'époque où le comité sénatorial a réalisé son étude, que j'ai parcourue rapidement avant de comparaître, l'une des recommandations de l'étude voulait qu'on dresse ce genre de liste, qui n'existait pas en 2006, lorsque le comité sénatorial a publié son rapport. À ma connaissance, aucune n'a été dressée depuis. Cela concernait certainement les militaires et le ministère des Anciens Combattants. Certaines des principales recommandations qui remontent à ce rapport voulaient qu'on fasse un compte rendu complet des services disponibles. Nous voulions que cette information soit à la disposition des parlementaires pour qu'ils sachent ce qui se passait dans les faits.

Je ne peux donc pas dire si les ministères ont mis en œuvre cette recommandation plus ou moins bien, mais, à ma connaissance en tout cas, nous n'avons pas de liste complète.

Quant à la question clinique, je dois dire que, malheureusement, ce n'est pas mon domaine de compétence. Je suis persuadé que la bible clinique, le DSM-5, que l'American Psychiatric Association vient de faire paraître, doit contenir une définition relativement claire. Le problème de toutes ces définitions des problèmes de santé mentale, c'est qu'elles reposent sur les symptômes observables. Nous n'avons pas encore la possibilité, comme dans le cas du cancer, de comprendre le fonctionnement interne de l'esprit pour mettre le doigt sur la cause des problèmes. En général, on essaie de voir de quoi ont l'air les symptômes, comment ils se présentent dans la pratique et quels sont les regroupements de symptômes et de syndromes chez les personnes atteintes.

Je crois que la difficulté, c'est qu'il y a souvent des symptômes qui peuvent être présents dans plusieurs types de maladie mentale. Il faut compter sur l'adresse des cliniciens pour déchiffrer les faits et parvenir à un bon diagnostic, mais nous savons que les gens ont beaucoup de mal à obtenir un diagnostic exact.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, avant que nous ne laissions ce sujet de côté, pourrais-je demander à la greffière de correspondre avec les autorités pour voir s'il existe une liste de programmes?

Le président : Oui, je crois que cela peut se faire.

Le sénateur Lang : D'accord. Merci.

Le président : À titre d'information, je vous dirai que, au cours des deux prochaines semaines, nous entendrons des experts de la dimension clinique du traumatisme. Ce sera très utile.

Merci de votre réponse. Monsieur White?

Le sénateur White : Merci beaucoup. Quand j'ai entendu la question sur l'hérédité, je me suis souvenu que mon père disait, lorsque j'étais jeune, qu'on attrape les maladies de ses enfants.

Le président : Une lobotomie, n'est-ce pas?

Le sénateur White : Désolé. Je voulais apporter un peu de légèreté.

Ma question comprend deux parties. D'abord, l'ESPT présumé. Je crois que l'Alberta a été la première province à accepter la notion d'ESPT présumé et à légiférer à ce sujet. Si vous occupez certaines professions et êtes atteint de stress post-traumatique, on présume automatiquement que cela est attribuable à votre emploi de policier, de militaire ou autre.

L'Ontario lutte contre cette idée. Un certain nombre d'organisations aussi, dont des commissions et des chefs de police. Avez-vous réfléchi à cette question? Avez-vous travaillé là-dessus?

Deuxièmement, avez-vous étudié l'ESPT secondaire, c'est-à-dire l'ESPT qu'on peut avoir parce qu'on s'occupe de personnes qui souffrent de stress post-traumatique?

Si la réponse aux deux questions est non, pas de problème. Je les poserai à d'autres témoins.

M. Chodos : En fait, vous m'apprenez quelque chose en me parlant d'ESPT présumé. Quant à l'ESPT secondaire, je suis au courant, mais nous n'avons fait aucune étude à ce sujet.

Le sénateur White : Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier d'avoir comparu, et je voudrais vous signaler très succinctement que nous discutons avec un groupe de gens qui travaillent dans un environnement tout à fait darwinien, ces gens qui portent l'uniforme ou travaillent dans ce type d'organisation. Dans ce milieu, il n'y a aucune tolérance pour tout ce qui n'est pas parfait. Cela crée donc de la pression.

Deuxièmement, ces traumatismes sont souvent invisibles, et on travaille avec des gens qui sont essentiellement visibles. Ils ne sont pas très portés à faciliter les choses.

Cela m'amène à la question de la pression du leadership et à des choses comme les propos d'autostigmatisation que nous entendons dans la bouche des dirigeants. Estimez-vous que le leadership de ces structures, de ces organisations crée en soi des pressions qui empêchent les gens de révéler leurs problèmes ou peuvent même exacerber le problème au lieu de faciliter les choses? Avez-vous étudié ce genre de chose, l'impact des structures?

M. Chodos : Certainement, en général. Lorsque Jennifer a parlé de la norme pour les milieux de travail, qui est un autre contexte où les gens sont soumis à bien des stress, l'une des clés, pour obtenir l'adhésion des dirigeants de toute organisation, est de les mobiliser, de faire de la sensibilisation et de tout structurer à l'intérieur de l'organisation.

La question du leadership est absolument centrale. On n'arrive à apporter des changements que s'ils viennent d'en haut. C'est là le message simple. Mais j'entends le timbre. Je serai donc succinct.

Le président : Je vous en remercie beaucoup.

Le sénateur White : Les vacances sont terminées.

Le président : Chers collègues, merci beaucoup de vos questions et il est probable que nous vous contacterons de nouveau.

M. Chodos : Ce serait un plaisir de vous fournir toute l'information générale ou de communiquer avec vous en proposant des témoins à tout moment au cours de votre étude.

Le président : Merci. Voilà qui met fin à la séance.

(La séance est levée.)


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