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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 6 - Témoignages du 4 juin 2014


OTTAWA, le mercredi 4 juin 2014

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 17, pour étudier les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique (ESPT).

Le sénateur David M. Wells (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Mesdames et messieurs, bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants. Avant de commencer, j'aimerais que les membres de notre comité se présentent, en commençant par le sénateur White.

Le sénateur White : Vern White, Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le vice-président : Merci beaucoup. Je suis moi-même David Wells de St. John's, Terre-Neuve-et-Labrador.

C'est la deuxième réunion du sous-comité consacrée à l'étude des problèmes de santé mentale dont sont atteints des militaires actifs et à la retraite. Aujourd'hui, nous allons entendre le témoignage du Dr Greg Passey, psychiatre clinicien à la Clinique de traitement de blessures de stress opérationnel de la Colombie-Britannique. Il a été médecin militaire pendant plus de 22 ans dans les Forces armées canadiennes et il exerce aujourd'hui les fonctions de psychiatre clinicien auprès de nombreux membres actifs et anciens des FAC et de la GRC atteints d'un état de stress post- traumatique (ESPT).

Bienvenue, docteur Passey. Vous avez la parole. Après la présentation de votre exposé, les membres du sous-comité vous poseront des questions.

Greg Passey, psychiatre clinicien, Clinique de blessures de stress opérationnel de la Colombie-Britannique : Merci. Le sujet dont je vais vous parler est difficile à résumer en une dizaine de minutes, mais je vais tenter de vous décrire l'ESPT de manière scientifique tout en y ajoutant les connotations humaines et personnelles qui s'y attachent.

C'est très simple : Il existe un ouvrage intitulé Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux qui établit la liste de tous les critères nécessaires pour faire un diagnostic d'ESPT. Cependant, ces critères sont des descripteurs très stériles. L'ESPT est comme le cancer. Il peut ronger le corps, l'esprit, s'attaquer à la famille, à la profession du patient et à la société elle-même.

L'important, ce n'est pas nécessairement l'événement traumatique qu'a vécu une personne, mais la perception qu'elle a de l'événement et le degré de soutien qu'elle reçoit après avoir vécu une telle expérience. D'après mes observations, ce trouble atteint souvent les militaires les meilleurs et les plus empathiques.

Je vais tenter de vous donner une description expérientielle de l'ESPT. Il s'agit d'un trouble causé par des difficultés au niveau de la partie supérieure et de la partie inférieure du cerveau.

La partie inférieure du cerveau a pour fonction de nous garder en vie, de lutter contre le danger ou de nous inciter à le fuir. Ce n'est pas dans la partie inférieure du cerveau que sont localisées nos capacités à utiliser le langage ou la pensée logique. Cette partie du cerveau communique uniquement par les émotions. Par conséquent, si elle perçoit un danger, on reçoit généralement un message de peur. Elle agit un peu comme un détecteur de fumée, cet appareil qui se déclenche dès qu'il décèle la présence de fumée, de feu ou d'autres éléments qui leur ressemblent.

Dans le cas de l'ESPT, le problème est que la partie supérieure du cerveau n'exerce plus aucun contrôle. Dans l'armée, les militaires sont formés pour aller au-devant du danger. En effet, leur entraînement fait en sorte que la partie supérieure du cerveau prend le contrôle de la partie inférieure et s'habitue à ignorer la crainte et à aller de l'avant, alors que n'importe qui d'autre aurait tendance à fuir le danger.

Afin de vous montrer la puissance de la partie inférieure du cerveau, je vais demander aux membres du comité de faire une petite expérience. Elle ne prendra qu'une trentaine de secondes, mais elle vous montrera vraiment comment la partie inférieure du cerveau est capable de reprendre le contrôle, non seulement dans l'exemple que je vais vous donner, mais également en cas d'ESPT.

C'est un exercice vraiment simple. Je vous demande de vous concentrer et d'expulser totalement l'air de vos poumons. Avant de commencer l'exercice, je tiens à vous assurer que vous devriez être capables de retenir votre respiration pendant trois à cinq minutes sans souffrir de lésion cérébrale. C'est la partie supérieure de mon cerveau qui vient de parler.

Alors, maintenant je vous demande d'expulser complètement l'air de vos poumons et de retenir votre respiration. Vous me direz quand vous ne pourrez plus résister, car c'est à ce moment-là que la partie inférieure de votre cerveau reprendra le contrôle des opérations. Vous essaierez de vous souvenir de ce que vous avez éprouvé à ce moment-là.

Alors allez-y, expulsez totalement l'air de vos poumons et retenez votre respiration. Et faites bien attention, car si vous expulsez complètement l'air, vous ne tiendrez pas une minute, vous commencerez à éprouver cette sensation qui fera en sorte que, sans vous en apercevoir, la partie inférieure de votre cerveau vous fera respirer, quelle que soit la décision de la partie supérieure.

Imaginez maintenant une telle sensation présente chaque jour pendant plusieurs minutes ou plusieurs heures de votre vie depuis que vous avez vécu un événement traumatique, ou remplacez cette sensation par une rage incontrôlable, sentiment qui est appuyé, là encore, par la partie inférieure du cerveau. Cela vous donne une idée de ce qu'est l'ESPT. C'est la partie inférieure du cerveau qui commande. Par exemple, prenons le cas d'un ancien combattant qui assiste à la remise de diplôme de sa fille. Tout à coup, la partie inférieure de son cerveau lui envoie le message suivant : « On n'est pas en sécurité ici; il faut que je sorte. » Qu'est-ce qui se passe alors? L'ancien combattant se lève et quitte la salle, même si la partie supérieure de son cerveau tente de le rassurer en lui disant : « Il n'y a pas de danger ici; c'est la graduation de ma fille. » Le problème, c'est que la partie inférieure du cerveau utilise seulement des associations et communique seulement avec les émotions.

Un de mes meilleurs exemples est celui d'un casque bleu que l'on avait arraché à son véhicule de l'ONU — un véhicule blanc — et à qui on avait dit qu'il allait être exécuté une fois qu'il aurait traversé la route. À la dernière minute, ses assaillants ont décidé d'annuler l'exécution et lui ont permis de remonter dans son camion pour finir sa mission. Il est rentré au Canada et depuis, il déambule dans les rues. Au bout d'un peu plus d'un an, il est venu me consulter. Il souffrait de terribles crises de panique. Une crise de panique, c'est un peu ce que vous avez ressenti lorsque vous vous êtes rendu compte que vous ne pouviez plus retenir votre respiration, sauf que c'est beaucoup plus fort.

Il en avait tout le temps. La partie supérieure de son cerveau était tout à fait claire. Il comprenait qu'il était ici, au Canada. Par contre, la partie inférieure du cerveau est constamment en train d'analyser les indices visuels, sonores ou olfactifs, le toucher, le goût, les pensées, les rêves. Elle est toujours en état d'alerte et lorsqu'elle associe quelque chose à un traumatisme passé, elle envoie des avertissements qui déclenchent la peur. Un jour, la partie inférieure de son cerveau — et non pas la partie supérieure — a pris conscience de la présence d'un camion blanc qu'il avait aperçu du coin de l'œil, dans son champ de vision périphérique et lui a envoyé immédiatement un signal d'alerte. Un sentiment de terreur l'a envahi.

L'ESPT est une partie du problème contre lequel nous luttons. Il y a ce problème de dichotomie entre les deux parties du cerveau et la nécessité de redonner le contrôle à la partie supérieure. Après l'événement à l'origine du traumatisme, il y a un autre élément très important dont je dois vous parler aujourd'hui; il s'agit de l'aide que reçoit la personne après avoir vécu cet événement. L'aide est aussi importante, voire plus importante que l'événement traumatique auquel on a été exposé.

Par conséquent, selon le degré de soutien reçu de la part des Forces canadiennes, l'ESPT ne se développera pas ou sera moindre, grâce au soutien des membres de la famille, de la collectivité, du gouvernement. La Nouvelle Charte des anciens combattants en fournit un bon exemple dans l'actualité. Certains anciens combattants estiment qu'elle ne leur offre pas un soutien suffisant. Que se passe-t-il? Leurs symptômes s'aggravent. Leur colère monte et leurs protestations deviennent plus véhémentes.

Je pourrais passer l'après-midi à vous parler des côtés positifs d'Anciens Combattants Canada et aussi de toutes les difficultés que les vétérans éprouvent pour obtenir des soins, par exemple dans le cadre du réseau de soutien social aux blessés de stress opérationnel, le SSBSO, un excellent réseau de soutien de l'armée et des anciens combattants eux- mêmes.

L'ESPT peut se produire pratiquement au moment de l'événement lui-même ou plusieurs années plus tard. En 1995, j'ai soigné un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale — 50 ans après la fin de la guerre — qui avait eu un accident de voiture. Il allait très bien, ne montrait que quelques symptômes ordinaires. Ayant été hospitalisé après l'accident de voiture, il s'est mis à souffrir de stress post-traumatique, non pas à cause de l'accident, mais à cause de souvenirs et de cauchemars qui se rapportaient tous à la Seconde Guerre mondiale. Dans son cas, le déclenchement de l'ESPT avait été retardé. La moitié des cas d'ESPT se règlent spontanément, sans traitement, au cours des 90 premiers jours. Chez les deux tiers des patients, on constate une amélioration au cours de la première année, qu'ils reçoivent un traitement ou non. Ceci est intéressant, puisque de nombreuses études affirment obtenir d'excellents résultats au cours de la première année. Il est possible que la santé des patients s'améliore d'elle-même.

Il reste un tiers de patients qui peuvent continuer à éprouver des symptômes pendant de nombreuses années. Même lorsque le stress post-traumatique s'atténue, les patients demeurent toujours vulnérables au stress ou aux éléments déclencheurs qui leur rappellent les éléments traumatiques de leur passé. Cela signifie que les symptômes peuvent réapparaître. C'est comme le diabète. Une personne qui souffre du diabète ne parviendra jamais à guérir de cette maladie. Le diabète reviendra si le patient ne fait pas d'exercice, s'il ne contrôle pas son poids et s'il ne mange pas correctement. Un patient qui souffre d'ESPT risque de voir réapparaître ses symptômes s'il ne dort pas suffisamment, s'il ne fait pas d'exercice, s'il n'est pas attentif aux facteurs de stress de sa vie quotidienne et aux déclencheurs tels que le Jour du Souvenir.

L'autre chose que je voulais vous signaler, c'est que 46 p. 100 des personnes qui souffrent d'ESPT pensent au suicide. Dix-neuf pour cent d'entre elles font des tentatives. Les personnes atteintes de stress post-traumatique ont 90 p. 100 de risques de plus de souffrir de troubles physiques et elles font appel au système médical 37 fois plus que le grand public ou les membres de l'armée non atteints d'ESPT.

Les relations dysfonctionnelles sont beaucoup plus fréquentes et 15 p. 100 des relations conjugales sont menacées. Le taux de divorce est doublé chez les personnes atteintes d'ESPT et les divorces multiples sont trois fois plus fréquents que dans la population normale. L'ESPT est associé aux maladies cardiaques, à l'accroissement du risque de douleur chronique, aux maladies auto-immunes, aux troubles de l'alimentation, au syndrome du côlon irritable, à l'AVC, au cancer, au bruxisme ou friction des dents; et environ 80 p. 100 des personnes atteintes d'ESPT souffrent également d'autres troubles tels que la dépression, et cetera.

Je sais que je suis censé aborder un peu la question du traitement; nous pouvons en parler. Il existe un site web à l'adresse www.istss.org. C'est celui de l'International Society for Traumatic Stress Studies. On y trouve une liste des traitements qui ont été éprouvés. Il existe par ailleurs beaucoup de traitements dont l'efficacité n'a pas été établie. Nous devons aussi parler de cela. Il y a de nouvelles techniques comme celle de l'électroencéphalogramme quantitatif qui permet d'examiner les ondes cérébrales et d'en détecter les anomalies en cas de troubles tels que l'ESPT. Il est possible d'utiliser les données fournies par ces ondes cérébrales pour reprogrammer le cerveau.

Il est très difficile de traiter les réservistes, car, une fois leur mission terminée, on ne peut pas aisément les retracer. En ce moment, rien n'est mis en place pour faire le suivi des individus, des militaires et des anciens combattants une fois qu'ils sont libérés, afin de vérifier comment ils se portent.

C'est encore pire dans le cas de la GRC. Je sais que je ne suis pas ici aujourd'hui pour parler de la GRC, mais les taux d'ESPT sont en fait plus élevés à la GRC que dans l'armée et les vétérans de la GRC sont en fait pris en charge par Anciens Combattants Canada.

Je suis tout à fait conscient que l'armée sait très bien comment transformer de simples citoyens en soldats. En revanche, il n'existe aucun programme qui permet de reprogrammer le cerveau pour la vie civile. Cela pose problème et c'est une des difficultés que nous rencontrons.

J'ai moi-même été militaire. L'armée était ma famille et lorsque j'ai quitté la vie militaire, j'ai laissé derrière moi une partie de ma famille et je me sentais très seul. Même si j'avais une famille dans le civil, je me sentais très seul. Il n'existe vraiment aucun moyen de lutter contre ce sentiment.

J'aimerais terminer en vous parlant de ce que j'appelle les soldats oubliés. Après la Première et la Seconde Guerres mondiales, il s'est avéré impossible d'identifier certains soldats morts au combat. C'est pourquoi nous avons créé la tombe du soldat inconnu.

Je ne pense pas que le gouvernement ou la population ait conscience du nombre de soldats blessés. Je les appelle les soldats oubliés. Ce sont des soldats qui sont revenus de mission, qui ont survécu au combat et qui sont revenus dans leurs foyers porteurs de blessures physiques, de problèmes de santé mentale et qui ont fini par succomber à ces blessures, soit qu'ils se sont suicidés, soit parce que la maladie les a emportés, et cetera, et personne ne le sait.

Ce sont nos soldats oubliés. Je connais plusieurs militaires qui se sont suicidés ou qui sont morts après avoir été exposés à des situations traumatiques au combat ou dans leurs missions de maintien de la paix et dont on ne commémore pas le sacrifice. Leurs noms ne sont marqués nulle part. Pourtant, ils ont été victimes de leurs missions et de leurs fonctions.

Là-dessus, je pense que je devrais probablement m'arrêter, car je pourrais en parler toute la journée, mais il faut passer aux questions et peut-être aborder d'autres perspectives.

Le vice-président : Merci, docteur Passey. Votre exposé était captivant. Je me tourne maintenant vers le sénateur White pour les premières questions.

Le sénateur White : Merci d'être venu témoigner, docteur. J'ai vraiment apprécié votre témoignage et je regrette que nous ayons été un peu retardés. J'ai quelques questions à vous poser et je vais commencer tout de suite. Le président pourra m'arrêter lorsque j'aurai posé trop de questions.

Au Canada, plusieurs organismes s'intéressent actuellement à la présomption d'ESPT. Je sais que vous savez à quoi cela fait référence, mais je vais l'expliquer, car peut-être que tout le monde ici n'est pas au courant; il y a présomption d'ESPT chez une personne qui exerce un certain métier qui l'expose à des risques susceptibles de mener à de tels troubles. Je pense que l'Alberta est une des premières provinces à avoir accepté d'inclure la présomption d'ESPT dans son règlement sur les accidents de travail.

Dr Passey : C'est exact.

Le sénateur White : La province de l'Ontario, ou tout au moins les dirigeants de la police, s'y opposent. Certains affirment qu'il existe des maladies présumées de toutes sortes, à l'exception des maladies des voies respiratoires chez les pompiers. Quel est votre point de vue sur la présomption d'ESPT?

Dr Passey : Je crois qu'il faut être prudent. Tous les soldats qui sont exposés au combat — en fait la grande majorité d'entre eux, probablement environ 85 p. 100 — ne vont pas être atteints par le TSO ou l'ESPT.

C'est difficile. Je crois qu'il faut faire une évaluation appropriée. On ne peut pas tout simplement présumer qu'un individu va souffrir de telle ou telle chose en conséquence de son emploi. Il arrive souvent qu'une personne ait été exposée à des traumatismes et qu'elle soit plus susceptible d'être atteinte par l'ESPT. Je sais qu'Anciens Combattants Canada applique une évaluation en cinq parties qui tient compte de certains éléments antérieurs. Par exemple, l'enfance plutôt brutale d'un soldat pourra représenter trois cinquièmes de son ESPT, et que les deux cinquièmes restants seront attribuables à son service militaire.

Je n'aime pas l'idée de la présomption, mais je pense que certains emplois sont plus exposés que d'autres. C'est le cas par exemple des professions médicales. L'hôpital où je travaillais accusait un taux de 12 p. 100 d'ESPT dans son département des urgences et je crois que la Commission des accidents du travail nous avait dit que ce constat était prévisible. Lorsque vous êtes exposé à ce type de risque dans le cadre de votre travail, vous ne pouvez réclamer aucun dédommagement. Les taux d'ESPT et de suicide sont en fait plus élevés chez les premiers intervenants, les ambulanciers, les pompiers, les agents de police que chez les militaires.

Le sénateur White : Voilà qui m'amène, si vous me permettez, monsieur le président, à une deuxième question concernant l'ESPT secondaire que certains appellent le trouble de stress traumatique émotionnel, qui ne met pas nécessairement la vie en danger, mais qui rend sensible à ce qui met la vie des autres en danger. Par exemple, les opérateurs du service 911 affirment qu'ils ne voient pas nécessairement de situations traumatisantes, mais qu'ils les entendent chaque jour et parfois de 20 à 30 fois par quart de travail.

Pensez-vous qu'il y a une différence entre l'ESPT et l'ESPT secondaire ou trouble de stress traumatique émotionnel comme certains experts l'appellent et devrait-on tenir compte de cette distinction lorsqu'on traite les cas particuliers des militaires au Canada? J'inclus la GRC, parce que ses membres sont couverts par le même programme et que beaucoup d'entre ceux qui sont atteints par l'ESPT proviennent en fait des mêmes théâtres d'opération.

Dr Passey : C'est une question intéressante. D'ailleurs, le DSM-5 publié par l'American Psychiatric Association, contient désormais un critère définissant l'exposition traumatique comme une expérience répétée ou extrême exposant une personne aux détails bouleversants d'un événement traumatique. Cela s'applique par exemple aux agents de police qui sont exposés à répétition à des cas de violence faite aux enfants. J'y inclurais moi-même les répartiteurs, car ils assistent souvent en ligne à la mort de la personne qui les appelle et à qui ils demandent de tenir bon.

Ce n'est pas nécessairement une expérience personnelle, mais c'est une exposition constante. C'est en fait dans des zones de conflit comme la Yougoslavie ou le Rwanda, où les règles d'engagement empêchent une interaction pour arrêter le massacre, que les militaires peuvent subir les traumatismes les plus graves. Je me pose même des questions sur la légalité d'un tel état de choses quand la morale et l'éthique vous dictent d'intervenir, mais que vous devez vous contenter d'observer alors que vous avez été formé pour agir. C'est une situation très destructrice.

Le sénateur White : Selon vous, doit-on agir différemment pour traiter les personnes atteintes d'ESPT ou d'ESPT secondaire ou trouble de stress traumatique émotionnel? Ou suit-on le même processus?

Dr Passey : C'est difficile à dire, parce que tout le monde est différent. Chez certaines personnes, par exemple, on décèle beaucoup de peur. Chez d'autres, c'est de la colère. Il faut prendre en compte la perception de soi et l'idée que le patient se fait du bien et du mal et de la sécurité dans le monde. Lorsqu'elles ne sont pas en mesure d'agir ou de s'enfuir, beaucoup de personnes basculent dans des états dissociés. Elles n'éprouvent pas nécessairement de la colère ou de la peur; elles ne ressentent rien. Par conséquent, il faut personnaliser l'approche et le traitement pour que le patient puisse à nouveau ressentir la colère et la peur qui auraient dû être siennes et on peut à ce moment-là traiter cet aspect. Ce n'est pas tant la cause que la présentation; quelles sont les parties du cerveau qui sont touchées par le dysfonctionnement?

Le sénateur Enverga : C'était un excellent exposé. J'ai beaucoup appris.

Quel est le pourcentage de nos militaires qui souffrent d'ESPT quand ils reviennent de mission?

Dr Passey : Pardon?

Le sénateur Enverga : Quel est le pourcentage de nos militaires qui sont touchés par l'ESPT lorsqu'ils reviennent de mission?

Dr Passey : J'ai manqué les premiers mots.

Le vice-président : Quel est le pourcentage de militaires.

Dr Passey : Je dois vieillir; j'entends moins bien.

Tout dépend des recherches que l'on consulte, mais ce sont en général de 5 à 15 p. 100.

Le sénateur Enverga : C'est donc de 5 à 15 p. 100.

Dr Passey : Ce qui rend les choses difficiles en partie, c'est qu'il faut tenir compte de plusieurs aspects. Si la recherche n'est pas faite de façon anonyme, si le patient inscrit son nom sur le questionnaire qu'il remplit, cela pose problème, car il existe toujours un risque de stigmatisation dans l'armée. Les déclarations du militaire peuvent avoir une influence sur sa carrière; elles peuvent aussi influencer l'attitude des autres à son égard. Par conséquent, le patient ne dit pas nécessairement la vérité.

Les recherches effectuées aux États-Unis ont révélé un autre problème. Le dépistage réalisé au cours du premier mois ne va pas permettre de repérer une grande proportion de cas d'ESPT, car le trouble se manifeste trois mois, six mois après les faits. Il y a un certain délai. Dans les années 1990, j'ai pu observer chez nos casques bleus de retour de Yougoslavie, de Somalie ou du Rwanda, et cetera, qu'il s'écoulait souvent cinq ans avant qu'un patient souffrant d'ESPT se présente effectivement pour obtenir un traitement.

La stigmatisation est en partie responsable de cette attitude. Dans la recherche que j'ai effectuée, les patients atteints d'ESPT à qui je demandais d'évaluer leur santé émotionnelle ou psychologique, répondaient dans une proportion de 50 p. 100 que leur santé était excellente, ce qui veut dire qu'ils n'avaient pas conscience d'avoir un problème. Ce sont souvent les membres de la famille et les camarades militaires qui remarquent les changements et qui suggèrent au patient de consulter un médecin. La carrière du militaire est l'élément qui tient mieux le coup. La famille et les amis disparaîtront tous et le soldat ne se décidera pas à consulter tant que son conjoint ne le mettra pas au pied du mur en lui disant que s'il refuse, la relation sera finie. Ou alors, c'est lorsque sa carrière bât de l'aile et qu'il ne peut plus supporter ses fonctions, que le soldat se décide à consulter un médecin.

Voilà le problème avec les statistiques.

Le sénateur Enverga : Nos militaires sont formés pour utiliser la partie supérieure de leur cerveau plutôt que la partie inférieure, ou vice versa. Est-ce qu'il existe une étude montrant que l'on peut les réadapter lorsqu'ils reviennent de mission? Est-ce qu'il existe des sortes de critères qui permettent de dire « Si vous ressentez ceci, veuillez nous consulter ou demandez une formation ou un traitement médical »? Est-ce que nous développons ce type de mesure préventive?

Dr Passey : Permettez-moi de préciser tout d'abord qu'il existe des méthodes de dépistage qui s'appliquent à tous les militaires qui se rendent outre-mer ou qui en reviennent. Des séances d'information sont offertes également aux membres de la famille du militaire afin de les aider à déceler et surmonter les difficultés au moment de son retour. Je n'ai pas connaissance d'une procédure qui consiste à déprogrammer le cerveau.

Personnellement, j'ai été doublement programmé. À l'école de médecine, on nous habituait à ne pas éprouver d'émotion. Quand on travaille aux urgences. Il ne faut pas ressentir de la pitié pour la personne qu'on soigne. Si je veux pouvoir la soigner, je dois maîtriser mes émotions. Quand on ajoute à cela la formation militaire, on supprime en plus la peur. Chez les militaires, le cerveau est très bon pour cela.

Le problème, c'est qu'il n'existe aucun processus qui permet de rétablir les choses. Beaucoup de militaires sont très stricts. Ils n'éprouvent pas beaucoup d'empathie; ce ne sont pas des personnes qui aiment s'épancher. Là encore, je généralise, mais c'est vrai dans beaucoup de cas. Comment faire pour y remédier?

L'ESPT neutralise essentiellement la partie supérieure du cerveau et c'est la partie inférieure qui prend la direction des opérations. Le problème, c'est qu'elle ne ressent que de la peur et de la colère. Il n'y a pas nécessairement d'affection. Cette dimension a disparu.

J'aimerais bien qu'il existe une sorte de programme qui permettrait de rétablir l'équilibre naturel chez un soldat, afin qu'il puisse retrouver un mode de pensée civil.

Le sénateur Enverga : Est-ce qu'il y a des gens ou des groupes qui se penchent sur cette question? Est-ce que la déprogrammation fait l'objet d'études courantes?

Dr Passey : À ma connaissance, il n'y a rien de tel au Canada. Je sais que le Veterans' Transition Program mis sur pied par Marv Westwood s'efforce de faciliter la transition, mais il n'offre pas vraiment ce type d'approche. D'ailleurs, il ne traite pas non plus l'ESPT, il réunit plutôt les anciens militaires et les aide à faire la transition vers la vie civile.

Tout se passe au niveau du cerveau. J'ai travaillé pendant plusieurs années dans le secteur de la médecine d'urgence et j'ai décidé d'arrêter, car j'étais coupé de mes émotions. Quand je rentrais à la maison le soir, j'avais de la difficulté à retrouver mes émotions. Il n'y avait aucun programme qui pouvait m'aider. J'ai fini par décider de cesser cette activité.

Le sénateur Enverga : Est-ce que vous pensez qu'il faudrait effectuer une étude afin de trouver un moyen d'y remédier?

Dr Passey : Ce serait formidable. Je pense que ce serait très utile. Il existe peut-être quelque chose aux États-Unis, car ils sont beaucoup mieux financés que nous. Actuellement, je n'ai pas connaissance d'un tel programme. Pourtant, beaucoup se plaignent de cette lacune. Comment déprogrammer un soldat avant son retour à la vie civile?

Certains le font très bien. C'est tant mieux pour eux. Une personne qui a fait carrière dans l'armée ne retrouvera jamais la même chose à son retour dans la vie civile. Ce n'est jamais pareil. La confiance n'est plus là. Le lien avec l'entourage non plus. Si je pouvais rendre quelque chose aux soldats, je leur rendrais la confiance, pour qu'ils puissent redevenir la personne qu'ils étaient avant d'entrer dans l'armée. Cela ne veut pas dire que l'armée soit un mauvais endroit. Il y a beaucoup de bonnes choses dans l'armée, mais j'aimerais vraiment changer cet aspect.

Le sénateur Enverga : Je crois volontiers tous les anciens combattants qui disent souffrir d'ESPT, mais j'aimerais savoir s'il est facile de feindre les symptômes d'ESPT pour obtenir plus de soutien de la part du gouvernement. Est-il facile ou difficile de déjouer un praticien?

Dr Passey : En fait, n'importe qui peut prétendre être atteint d'ESPT. Il suffit de lire le livre et d'énumérer les symptômes : « Je fais des cauchemars, j'ai beaucoup de colère en moi, je ne peux pas me concentrer — j'ai du mal à dormir et, vous savez, je ne veux rencontrer personne, et cetera, et cetera » et on peut en rajouter.

Croyez-moi, je travaille dans ce domaine depuis 21 ans et au cours de ces 21 années, il y a trois personnes qui ont tenté de me berner, mais cela n'a pas duré longtemps. En moins de six mois, je les avais repérées. Il ne suffit pas de connaître les symptômes. Il faut savoir comment ils se présentent et il faut tenir compte aussi de la présence du problème émotionnel. Il existe des questionnaires qui permettent également de déceler ce genre de choses.

Parmi les intervenants très expérimentés, beaucoup le savent. Le patient se présente dans la pièce, vous le regardez dans les yeux, vous observez l'émotion, le degré de colère et de rage, les larmes qui montent aux yeux. Est-ce possible? Bien sûr. Est-ce probable? Pas vraiment.

Dans la réalité, j'ai rencontré, comme je l'ai dit, plus de 1 000 patients et trois d'entre eux ont essayé de frauder, mais je les ai repérés.

Le vice-président : Merci, sénateur Enverga.

Docteur Passey, certaines de vos déclarations sont tout à fait fascinantes. Il est sans doute troublant pour un civil d'essayer de comprendre les difficultés que vivent les patients atteints de TSO et d'ESPT en particulier.

Vous avez mentionné la déconnexion entre la partie supérieure et la partie inférieure du cerveau. Est-ce une séparation des zones synaptiques ou est-ce autre chose? Est-ce une séparation physique?

Dr Passey : C'est essentiellement une question d'évolution. Nous avons un cerveau reptilien et, au-dessus, un cerveau de mammifère. Les reptiles n'ont pas d'émotions; chez eux, tout est réflexe. Au-dessus, il y a le cerveau des mammifères. Par exemple, les chats et les chiens éprouvent certaines émotions. Ils peuvent s'attacher à leur maître. Ensuite, il y a nous, les humains et nos fonctions de décision qui font que nous sommes une espèce évoluée, grâce à la partie supérieure du cerveau. Cette division est artificielle et a pour but de simplifier les choses. Ainsi, on sépare le cerveau inférieur, centre des émotions, et le cerveau supérieur, plus rationnel, qui nous permet de penser, de résoudre des problèmes, d'adopter une conduite civilisée et politiquement correcte.

Une personne qui souffre d'ESPT perd le contrôle de ses émotions. C'est très déstabilisant pour des militaires qui ont toute leur vie contrôlé leurs émotions, de constater que maintenant ce sont les émotions qui les contrôlent.

Le vice-président : Est-ce que l'on explique tout ceci au patient au cours du traitement ou du processus d'aide?

Dr Passey : Cela fait partie du traitement, mais il ne suffit pas de le savoir pour régler le problème. Ce n'est qu'une partie du problème. Par exemple, mon patient qui était marqué par les véhicules blancs, ne réagissait pas uniquement à ce type de stimulus. La chemise blanche de sa conjointe pouvait aussi déclencher chez lui une réaction d'angoisse. Une fois qu'on le sait, il est possible d'exposer le patient à un tel stimulus, afin de le désensibiliser, mais tout le monde ne peut pas le faire.

Il existe différents moyens d'obtenir une meilleure connexion entre le cerveau supérieur et le cerveau inférieur. Dans une certaine mesure, la médication permet au cerveau supérieur de reprendre un peu plus de contrôle. Elle permet d'atténuer l'intensité des émotions. Nous avons à notre disposition divers médicaments qui permettent d'obtenir ces résultats.

Le régime alimentaire et l'exercice sont aussi des éléments importants du traitement. Nous savons que l'exercice physique permet de restaurer certains secteurs du cerveau que la thérapie verbale et la médication peuvent améliorer. Il y a de nouveaux domaines comme le neurofeedback qui semblent pouvoir améliorer les réseaux. Nous essayons d'utiliser la neuroplasticité. Lorsque les réseaux ont été endommagés, nous tentons de les reconstituer et de les renforcer afin que le patient puisse reprendre le contrôle.

C'est un processus. Mais, dans la réalité, si le stress est suffisamment fort, assez fort pour rappeler le traumatisme, la partie inférieure du cerveau reprend le contrôle.

Le vice-président : Peut-on dire qu'il existe des traitements qui fonctionnent pour certains et que le reste des patients doivent se contenter de gérer l'ESPT?

Dr Passey : Je pense que tous les patients peuvent bénéficier du traitement. Ce que nous ignorons au début du traitement, c'est quels sont les progrès que fera le patient et quelle sera la rapidité de la guérison. Je dis généralement à mes patients : « Nous ferons le bilan dans six mois, voire un an. » Certains de mes patients se sentent mieux au bout de 20 semaines et peuvent reprendre leurs activités quotidiennes. Par contre, j'ai suivi d'autres personnes pendant 10 ans; elles avaient atteint un certain plateau et n'évoluaient plus. Dans le cas de tels patients, à moins de disposer de nouvelles stratégies de traitement, nous n'obtiendrons probablement pas de meilleurs résultats.

Cela étant dit, il m'est arrivé d'obtenir d'assez bons résultats avec un ancien combattant autochtone, mais il lui manquait la dimension spirituelle que nous n'abordons pas normalement. Le fait de prendre contact avec les aînés de son peuple lui a permis d'atteindre un autre niveau.

J'ai traité d'autres patients qu'il était impossible de faire sortir de chez eux, malgré la médication et malgré la thérapie verbale. Je leur ai fourni un chien d'assistance et cela a suffi pour les faire sortir. Ils se rendaient au centre commercial, au cinéma et pouvaient même prendre l'avion. Le chien d'assistance est un moyen intéressant, car il monte la garde. Souvent, cela permet au patient de se sentir un peu plus en sécurité.

J'ai un autre patient qui se fait réveiller par son chien lorsqu'il fait un cauchemar. Cet ancien combattant n'a plus peur de dormir, car il sait que son chien arrêtera les cauchemars que lui était incapable d'interrompre auparavant.

Le vice-président : C'est fascinant. Je suis certain que le ministère de la Défense nationale participe au traitement offert par Anciens Combattants Canada. Une certaine forme de prévention est également une option. Que pensez-vous de la prévention?

Dr Passey : La prévention dépend du niveau d'entraînement du soldat et de son unité. Plus l'unité et le soldat sont entraînés, plus ils sont résilients. Quand les chefs sont compétents, pas seulement sur le plan militaire, mais qu'ils savent également comment soutenir leurs soldats ainsi que les membres de leurs familles lorsque les soldats partent en mission — tout cela compte beaucoup.

Il faut aussi que la formation soit réaliste. Je ne sais pas si elle continue à le faire, mais la police néo-zélandaise avait l'habitude de faire visiter un abattoir à ses nouvelles recrues, afin que les agents puissent être mis en présence du sang et en sentir l'odeur. Les nouveaux agents se rendaient aussi à la morgue, et cetera. C'était pour les préparer à leur travail d'agent de police, pour qu'ils soient un peu plus résilients et que ce ne soit pas un trop grand choc pour eux lorsqu'ils se retrouvent sur une scène de suicide ou de meurtre.

C'est une façon de faire de la prévention. Par ailleurs, on découvre peu à peu qu'il existe certaines prédispositions génétiques à l'ESPT. Cela ne signifie pas nécessairement qu'une personne qui a des prédispositions va être atteinte, mais elle sera un peu plus vulnérable. À l'avenir, les tests de dépistage pourront peut-être en tenir compte.

Voilà le genre de mesures que je peux voir. La formation réaliste est essentielle. J'ai mentionné également le degré de soutien.

Le sénateur Roméo Dallaire (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je prends le relais.

Dr Passey : C'est un grand plaisir de vous revoir, monsieur.

Le président : Merci. Merci sénateur Wells.

Dr Passey : Le sénateur Wells a posé une question sur la prévention et la résilience face à l'ESPT. J'ai parlé du renforcement du moral et de la compétence au cours de la formation. J'ai mentionné un peu plus tôt également l'autre dimension importante, à savoir le degré de soutien que reçoivent le soldat et sa famille. Tous les niveaux sont concernés, pas seulement les Forces canadiennes, mais également la collectivité, le gouvernement et Anciens Combattants Canada. Tous ces éléments peuvent avoir une incidence au niveau du développement et de la gravité de l'ESPT.

Le sénateur Wells : Vous avez dit que c'est la carrière qui résiste le plus longtemps. Souvent, c'est la famille qui est la première victime. Il me semble qu'il y a d'autres victimes que le militaire lui-même. Pouvez-vous nous en parler un peu?

Dr Passey : C'est tout à fait vrai. À notre clinique de Colombie-Britannique, nous faisons beaucoup de soutien psychologique et de thérapie de couple et nous offrons également des services aux membres de la famille, comme les enfants. L'impact est énorme. Lorsque l'ESPT atteint son niveau le plus grave, la capacité du patient à entrer en relation avec sa conjointe, avec les membres de sa famille, la capacité à vivre ses émotions, à faire preuve d'empathie, à être heureux et aimant — toutes ces dimensions-là — si elles ne sont pas inhibées, peuvent être totalement détruites. Encore une fois, le taux de divorce est deux fois plus élevé que dans le reste de la population dans le cas d'un divorce unique, et trois fois plus élevé dans le cas des divorces multiples.

Les individus atteints d'ESPT ont énormément de difficultés à entretenir des relations avec des amis, avec leur famille ou avec leur conjoint — même avec leurs parents. Toutes ces différentes personnes sont touchées et cela a des répercussions en cascade sur la société elle-même. Je n'ai pas parlé des milliards de dollars que ce trouble coûte à la société, mais je peux vous dire qu'il a des répercussions bien au-delà des patients eux-mêmes.

Le sénateur Wells : Merci, docteur Passey.

Le président : C'est très intéressant; merci. Sénateur White, c'est votre deuxième tour. La parole est à vous.

Le sénateur White : Merci encore pour vos réponses. Elles sont très utiles. Certaines unités très spécialisées de l'armée affichent des taux très bas d'ESPT. Pourtant, si l'on fie au travail qu'elles font, on s'attendrait à ce que les taux soient beaucoup plus élevés. Je vous en parle, parce que ces informations m'ont été fournies par ces unités; je ne sais pas si vous partagerez le même avis. Certains aspects des interventions sont les mêmes.

Dr Passey : Oui.

Le sénateur White : Les équipes tactiques d'intervention d'urgence affichent des taux bien plus faibles d'ESPT que beaucoup d'autres unités. Certains disent que la différence tient au fait que ces unités font des interventions multiples dans des circonstances différentes plutôt que de vivre un seul événement traumatique un vendredi soir à 2 heures du matin quand il faut faire face à une prise d'otages par un malfaiteur armé. Il est possible que l'impact ne soit pas aussi grand dans certaines circonstances. Certains affirment que c'est l'atmosphère d'équipe qui joue ici un rôle. C'est-à-dire qu'au lieu d'être seul, ce sont 12 personnes qui répondent ensemble à l'appel.

Quel est votre point de vue? Pensez-vous que certaines personnes réagissent mieux que d'autres? Est-ce que les choses sont différentes lorsqu'on est en groupe? Cela tient-il à l'activité qui suit l'appel et qui donne lieu par la suite à un compte rendu de mission de trois heures, plutôt qu'un compte rendu de 30 secondes en route vers la prochaine intervention? Ou encore, est-ce que tous ces éléments sont importants?

Dr Passey : C'est intéressant, parce que plusieurs de ces personnes me consultent. Là encore, ce sont des domaines spécialisés. J'ai accompagné des membres de la Deuxième Force opérationnelle interarmées lorsque je suis allé au Rwanda. En leur parlant, j'ai découvert qu'une partie de leurs difficultés tenait au fait qu'ils ne pouvaient pas se confier, car ils risquaient d'être écartés de l'équipe.

Les taux sont-ils plus faibles dans ces unités spécialisées? Je dirais que c'est probablement le cas tant que les membres de ces unités sont actifs. Ce qui est trompeur, c'est que les personnes atteintes d'ESPT sont tout à fait capables d'exercer leurs fonctions. Il est très rare qu'une personne atteinte d'ESPT soit écartée d'une mission. Le problème, c'est quand ces intervenants se retrouvent chez eux, oisifs, et qu'ils ont à nouveau le temps de penser et d'écouter leurs émotions.

J'aimerais vérifier, parce qu'il n'existe pas de statistiques, en particulier dans la police, la GRC, par exemple. Personne ne s'en occupe. J'aimerais vérifier cette dimension, parce que nous accueillons un grand nombre d'agents de la GRC. En fait, notre clinique en accueille plus que de véritables anciens combattants.

Ce qui se passe probablement, c'est qu'ils reçoivent une bonne formation, qu'ils ont de bons chefs, un bon moral et un milieu qui leur offre un soutien solide. Une chose que je peux dire au sujet des membres de l'équipe de réponse immédiate que j'ai rencontrés, c'est que les officiers les encouragent beaucoup et qu'ils sont très heureux de les reprendre dans leur équipe.

Cela étant dit, j'ai entendu dire qu'en Alberta, tous les membres de l'équipe de réponse immédiate qui sont victimes d'ESPT sont écartés du groupe. Par conséquent, les conditions ne sont pas partout les mêmes, mais je pense que les membres des unités spécialisées où le moral est bon, qui reçoivent une excellente formation et un bon encouragement, sont moins susceptibles d'être atteints d'ESPT. J'aimerais pouvoir examiner ces gens-là dans cinq ou 10 ans, en particulier une fois qu'ils auront quitté l'armée ou la GRC, car c'est à ce moment-là qu'ils sont les plus vulnérables.

Le sénateur White : Suis-je autorisé à poser une question supplémentaire?

Le président : Oui.

Le sénateur White : Merci beaucoup. Vous voyez, il ne se rappelle plus combien de questions j'ai posées. Tant mieux pour moi. Merci beaucoup pour votre excellente réponse. J'ai travaillé au sein d'équipes de réponse immédiate et j'en ai supervisé. Lorsque j'étais chef de police à Ottawa, j'avais des équipes tactiques. Dans ces unités spécialisées, les cas d'ESPT ou de troubles similaires étaient comparativement bien moins nombreux. Je peux comprendre que la fréquence des interventions puisse avoir une influence. D'autre part, un certain nombre de mes officiers ont servi à titre de réservistes en Afghanistan et ailleurs et un certain nombre d'entre eux, jusqu'à 80, ont servi en Afghanistan dans la police civile, avec la GRC. Les chiffres étaient très faibles également chez ceux qui étaient de retour au pays et nous étions là-bas depuis sept ans — lorsque j'y étais moi-même. J'essaie de comprendre. Peut-être que vous connaissez la réponse. Quand ils reviennent, ils retournent à la vie civile immédiatement et ils travaillent comme employés du gouvernement du Canada, plutôt que de continuer à travailler, en uniforme, dans les rues, dans une atmosphère d'équipe et dans un rôle centré sur la tâche à accomplir, comme au cours de la mission qu'ils viennent de terminer. Est- ce qu'il faudrait réadapter peu à peu le personnel au moment de son retour en lui confiant des activités centrées sur la tâche à accomplir, plutôt que de modifier cette activité? Quand j'ai quitté mon uniforme, il m'a fallu six mois pour m'en remettre et pourtant, je ne rencontrais pas toutes ces difficultés. Je ne revenais pas d'Afghanistan. Par conséquent, est- ce qu'il serait utile de proposer une transition graduelle à ces membres du personnel afin qu'ils s'habituent à exercer des rôles moins centrés sur la tâche à accomplir?

Dr Passey : C'est vraiment une très bonne question.

Le sénateur White : Prenez-en note, parce que c'est ma dernière question.

Dr Passey : Pour un grand nombre des membres de l'armée et de la GRC que je rencontre, le fait de rester actifs et de garder le rythme s'est avéré une bonne façon de surmonter leurs difficultés. Les gens qui réagissent de cette manière, je n'en entends pas parler pendant cinq ou sept ans, jusqu'à ce qu'ils éprouvent éventuellement des difficultés. Toutefois, il faut bien comprendre que probablement 85 p. 100 des personnes qui sont exposées à des situations traumatiques dans l'armée ou dans la police, ne vont pas nécessairement souffrir d'un syndrome post-traumatique. Par conséquent, nous avons affaire à une petite portion qui constitue malgré tout une tranche importante. Que pouvons- nous faire? C'est difficile à dire, parce que l'on ne peut pas empêcher une personne de demeurer active dans les forces armées ou la police, si c'est pour elle une façon de réagir, si c'est sa façon de s'en sortir. J'ai rencontré des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, parce que j'en ai évalué et traité beaucoup au moment de leur départ en retraite, lorsqu'ils n'étaient plus occupés 12 heures ou peut-être même 16 heures par jour. Une fois en retraite, ils se retrouvent avec énormément de temps libre et tout ce qu'ils ont vécu refait peu à peu surface.

Je sais que l'armée a mis en place une sorte de rapatriement progressif au Canada, dans le but de remédier à ce genre de choses. En réalité, c'est un bon programme, mais il ne donne pas vraiment de bons résultats.

Le sénateur White : Trois semaines en Allemagne.

Dr Passey : Oui.

Le sénateur White : Merci beaucoup.

Le président : Je ne vais pas donner la parole tout de suite au sénateur Wells, puisque nous avons du temps avant le second tour. J'avais pris contact avec les responsables du Marine Corps des États-Unis, lorsqu'ils ont constaté l'apparition de problèmes d'alcool et de drogue qu'ils n'avaient jamais connus auparavant parmi leurs officiers. Je leur ai expliqué qu'en fait un officier du Marine Corps est déjà un bourreau de travail et que ces gens-là n'hésitent pas à donner leur maximum, allant littéralement jusqu'à se tuer à la tâche. Ils ont eu tellement de problèmes que tout le système s'est effondré. C'est très bien tant que ça fonctionne, mais ça peut aller jusqu'à l'autodestruction.

Dans le cadre de votre travail, est-ce que vous constatez une différence d'impact au niveau de ce type de blessure chez les officiers par rapport à leurs subalternes, par rapport au personnel de rang inférieur chargé de la mise en œuvre et des opérations tactiques?

Dr Passey : Vous posez tous d'excellentes questions. Les recherches que j'avais faites en 1993 auprès de casques bleus revenant de Yougoslavie avaient révélé un taux plus faible d'ESPT parmi les officiers. Je l'ai expliqué en partie par le fait qu'en réalité le caporal et le soldat se trouvent pour la plupart en première ligne. J'ai pensé que c'était assez logique. Dans le cas de l'Afghanistan, je crois que c'est vraiment différent, car les soldats du Marine Corps ne sont pas exposés de la même manière. En fait, le Marine Corps inclut dans ses pertes les suicides qui se produiront après la mission. Par conséquent, au moment du déploiement des troupes, on sait déjà combien il y aura de suicides parmi les milliers de soldats qui sont déployés, une fois qu'ils seront de retour au pays. Toutes sortes de tentatives ont été faites en vue de repérer et de traiter les individus vulnérables ou de leur offrir différentes stratégies d'adaptation. En fait, l'armée américaine utilisait par exemple le yoga. Qui aurait pensé que le yoga aurait pu servir avant et pendant le déploiement et après le retour des troupes? L'idée, c'est de pouvoir se détendre et d'arrêter la course folle. Le taux d'adrénaline est très élevé chez les personnes qui travaillent énormément. Ajouter l'ESPT là-dessus et l'adrénaline devient un véritable geyser. C'est la porte ouverte à toutes sortes de troubles — maladies cardiaques, hypertension, cancer et autres.

Je pense que nous devons peut-être trouver d'autres façons novatrices d'offrir de l'aide à nos troupes, en particulier aux officiers et aux sous-officiers supérieurs. Si je le dis, c'est parce que ce sont des leaders. Si nous pouvons les convaincre d'offrir un entraînement à la résilience ou d'autres stratégies d'adaptation, le reste des troupes suivra. Je n'ai pas de réponse à offrir, car je suis tellement occupé par les évaluations et les traitements. Il faut vraiment s'intéresser de près à la prévention.

Le président : Des recherches se penchent sur l'impact de l'ESPT ainsi que sur ses causes chez les commandants par rapport aux subordonnés et, d'après les observations, il semble qu'il faudra avoir recours à des méthodes de traitement différentes, puisque la genèse du problème est différente, comme vous l'avez expliqué. Merci.

Le sénateur Wells : Merci encore, docteur Passey. Pouvez-vous nous parler de votre personnel? Votre personnel accueille des patients qui ont de graves problèmes qui menacent leur vie et sont même fatals dans bien des cas. Pouvez- vous nous dire comment votre personnel gère ce type de situation à votre clinique?

Dr Passey : Notre personnel est un peu différent de celui qu'on trouve dans les cliniques TSO du réseau — tout au moins, c'est ce que l'on nous a dit. Nous avons une attitude très collégiale et axée sur l'encouragement. Nous proposons une atmosphère d'autonomie en matière de santé, quelle que soit la forme que cela puisse prendre. Hier, nous avons eu une journée de réflexion. C'est très difficile et je dois vous dire que la situation est aggravée en partie par la modification du processus de règlement et d'appel des demandes à Anciens Combattants Canada depuis deux ans environ. Jusqu'à présent, aucune de mes évaluations n'avait été rejetée, mais maintenant — c'est très intéressant —, certaines demandes sont rejetées. On nous dit même qu'il n'existe aucune preuve médicale ou militaire permettant de relier ce trouble au service à l'armée. Pourtant, lorsque je consulte le dossier médical militaire, je peux trouver une dizaine d'annotations indiquant que le stress vécu par le patient a causé ces symptômes et mené à ce diagnostic.

Le travail ne nous fait pas peur. Je ferais n'importe quoi pour aider un ancien combattant, faire son évaluation et lui offrir un traitement, mais la paperasse nous tue, sans parler des rejets de demandes. Je ne sais pas ce qui se passe, je ne comprends pas pourquoi, mais nous avons constaté un changement. Cela fait 21 ans maintenant que je fais ce travail et, au cours des deux dernières années, nous avons eu toutes sortes de refus.

L'autre problème que rencontrent les cliniques TSO, c'est qu'elles sont financées par les autorités de la santé. Vous devez savoir que les autorités de la santé n'accordent pas beaucoup d'importance aux psychologues. Elles les paient moins que les travailleurs sociaux et que les infirmières, ou à peu près la même chose. Or, un bon psychologue peut gagner trois ou quatre fois plus en pratique privée que dans une clinique TSO. Les professionnels que nous engageons sortent tout droit de l'école. Il y a aussi un grand roulement du personnel, mais pas à notre clinique pour le moment. Je peux vous dire qu'il faut actuellement environ deux ans pour former ces nouvelles recrues avant qu'elles soient en mesure d'offrir le service que doit prodiguer à mon avis un psychologue, bien que cela ne relève pas de mes fonctions. Je suis convaincu que les psychologues traitent les dossiers des anciens combattants avec compétence. Nous faisons face à de véritables problèmes en matière de recrutement et de maintien des effectifs.

Le travail est difficile, d'autant plus si vous êtes payé quatre fois moins qu'un autre professionnel qui travaille dans le secteur privé à la porte d'à côté. Cela étant dit, notre clinique peut se vanter d'avoir d'excellents professionnels, mais il a fallu mettre le temps pour bâtir cette équipe. Je me croise les doigts en espérant que nous ne les perdrons pas.

Le sénateur Wells : C'est important pour nous de savoir tout ça — extrêmement important. Après le retour des militaires au Canada, les familles sont en première ligne et directement exposées. Vous et votre équipe sont indispensables pour leur offrir les soins nécessaires. Merci pour cela.

Le sénateur Enverga : Comment évaluez-vous le soutien que le gouvernement a accordé à nos anciens combattants en matière d'ESPT? Comment comparer ces soins à ceux que l'on offre aux membres de la GRC et aux autres intervenants que nous avons?

Dr Passey : Oh là là, votre question ressemble à un champ de mine. Le gouvernement a fait beaucoup de progrès depuis que j'ai commencé. Il s'est efforcé d'innover et d'offrir de nouveaux programmes. Certains éléments du système donnent d'assez bons résultats, contrairement à d'autres. Si vous n'êtes pas particulièrement malade et que vous souhaitez poursuivre vos études, le système est excellent, à condition de savoir comment y naviguer. Le problème, c'est que les gens qui viennent me consulter ne sont pas bien préparés pour cela. Permettez-moi de vous donner quelques exemples afin d'illustrer les problèmes.

J'avais un patient que j'ai traité pendant deux ans. Finalement, il s'est avéré qu'il était assez bien pour retourner aux études. Il avait trouvé un programme qui lui permettrait de décrocher un emploi bien payé une fois qu'il aurait terminé ses études au British Columbia Institute of Technology. Pour s'inscrire au programme, ACC lui demandait d'obtenir l'approbation de CanVet. Il avait déjà déposé sa demande et il lui restait trois mois avant le début des études. Comme il ne recevait pas l'autorisation de CanVet, ses options étaient d'attendre une année, retard qui aurait été désastreux pour lui sur le plan clinique, ou de payer de sa poche. Je lui avais conseillé de payer de sa propre poche s'il avait de l'argent, et que nous tenterions plus tard d'obtenir un remboursement. Le patient a terminé son programme d'études et il a maintenant un emploi. Il travaillait déjà depuis deux mois quand CanVet a donné sa réponse : « Je pense que nous n'aurons pas à faire une évaluation autre que celle qui a déjà été faite; en conséquence, nous allons payer vos études. » Si cet ancien combattant n'avait pas eu l'argent nécessaire, il n'aurait pas pu faire les études souhaitées. C'est un cas parmi tant d'autres.

On m'a dit aussi que CanVet obtient de très bons résultats dans certains domaines; mais il y a des problèmes. On s'attend à ce que les anciens combattants fassent des demandes. Je peux vous dire tout de suite que beaucoup de mes patients ne peuvent même pas ouvrir leur courrier, surtout quand il vient d'Anciens Combattants Canada. En effet, la simple vue de l'enveloppe déclenche tous leurs symptômes. Parfois, ils arrivent avec toute une pile de courrier et je dois en quelque sorte les aider à ouvrir les lettres. Il y a des problèmes de transition entre la vie de militaire et celle d'ancien combattant, et des problèmes au niveau du paiement forfaitaire.

Le sénateur Dallaire et moi-même avons d'ailleurs siégé à un comité. J'avais souhaité la mise en place d'un système mixte offrant une allocation mensuelle, mais également un paiement forfaitaire qui aurait permis par exemple à un ancien combattant gravement blessé d'effectuer un versement initial pour l'achat d'une maison ou autre, tout en continuant de disposer de l'allocation mensuelle. Je connais des anciens combattants qui ont tout dépensé leur paiement forfaitaire.

Le sénateur Enverga : Selon vous, le niveau de soutien que reçoivent les anciens combattants est-il bon, mauvais ou très bon?

Dr Passey : Tout dépend de quel aspect des programmes il est question. Certains gestionnaires de cas sont excellents, mais d'autres feraient franchement mieux de travailler pour Revenu Canada. Ils n'ont absolument aucune empathie. Dans le cas de la Nouvelle Charte des anciens combattants, certaines dispositions sont excellentes, mais il y a aussi de graves lacunes.

À Anciens Combattants Canada, certains fonctionnaires sont excellents, alors que d'autres sont désespérants. Le problème avec Anciens Combattants Canada, je vais vous le dire : il n'y a aucun programme d'assurance de la qualité. Cela veut dire qu'une personne qui est arbitre ou membre d'un comité d'appel, peut répéter la même erreur continuellement, rejeter la demande d'un ancien combattant, sans qu'il n'y ait aucune conséquence et qu'il ne soit astreint à aucune obligation de rendre compte ni aucune responsabilité. C'est la même chose pour les personnes en première ligne — les gestionnaires de cas. J'ai eu affaire à des gens qui manquaient tout à fait de respect, non seulement envers un ancien combattant, mais à mon égard, quand je prenais sa défense. Cette personne continue à traiter des cas alors qu'elle devrait à mon avis changer d'emploi.

Je souhaiterais la mise en place d'un programme d'assurance de la qualité dont les enquêteurs seraient en fait des anciens combattants. Ce programme relèverait de l'ombudsman et aurait la capacité de faire évoluer Anciens Combattants Canada de l'intérieur. Cela donnerait une voix aux anciens combattants et les responsabiliserait. Dans l'état actuel des choses, le système est très paternaliste. Un ancien combattant ne peut pas retourner aux études avant d'avoir eu l'aval d'un détenteur de diplôme collégial ou universitaire. En revanche, si ces fonctionnaires décident que la sécurité des technologies de l'information n'est pas une voie très lucrative, ils refuseront de financer des études dans ce domaine. Pas de chance pour l'ancien combattant. En fait, les anciens combattants sont moins bien traités que la population civile.

Le président : Merci, docteur Passey. Vous nous avez dit et nous avons compris, hélas, que les personnes qui vivent un état de stress post-traumatique ne peuvent tout simplement pas poursuivre normalement leur carrière. Il leur est impossible de faire face à des décisions normales, parce qu'elles ne peuvent littéralement pas les comprendre, ni retenir ce qu'elles ont lu. En fait, le simple fait de prendre connaissance d'un document peut provoquer un traumatisme que nous ne voulons certes pas causer.

Il est important de mettre en place un système pour leur venir en aide. C'est pourquoi je crois que l'autostigmatisation est une erreur horrible, car la blessure vous empêche d'obtenir de l'aide ou vous amène à la refuser.

Dr Passey : Oui.

Le président : Merci d'être venu d'aussi loin que la Colombie-Britannique. J'espère que mes collègues auront bénéficié du témoignage de quelqu'un qui connaît bien cette situation de l'intérieur et de l'extérieur. J'aimerais souligner que notre témoin est un pionnier et qu'il a contribué à faire en sorte que la blessure de stress opérationnel soit perçue comme une blessure honorable et non pas comme une maladie ou une faiblesse, comme certains le pensent encore. Merci pour votre franchise et votre excellent témoignage.

Dr Passey : Merci.

Le président : Je suis désolé d'être arrivé en retard, mais je suis parvenu à obtenir le budget dont nous avons besoin pour l'automne prochain. C'est parfait.

Le sénateur Wells : Monsieur le président, avant que vous donniez le coup de marteau, j'aimerais signaler, pour le compte rendu et pendant que la séance est encore télédiffusée, que c'est peut-être la dernière fois que vous présidez notre sous-comité. Je ne sais pas quels sont les plans immédiats que vous avez pour la semaine prochaine.

Le président : C'est exact.

Le sénateur Wells : Je veux dire que ce fut un plaisir, et parfois un défi de vous servir.

Le sénateur White : Vous avez fait de l'excellent travail.

Le sénateur Wells : Sénateur, vous avez servi le comité avec compétence, le Sénat avec distinction et le pays avec honneur, et pour cela vous devez être remercié.

Le président : Très bien. Merci beaucoup. J'aime beaucoup votre nouvelle coupe de cheveux — ça vous va très bien.

Merci.

(La séance est levée.)


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