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VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 7 - Témoignages du 8 octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 8 octobre 2014

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 4, pour poursuivre son étude sur les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les blessures de stress opérationnel et les autres problèmes de santé mentale des anciens combattants.

[Traduction]

Dans le cadre de notre étude sur les blessures de stress opérationnel, que l'on désigne parfois par le sigle BSO, — comme l'état de stress post-traumatique, lui aussi désigné par un sigle, l'ESPT, et les autres problèmes de santé mentale dont sont atteints les anciens combattants du Canada —, nous allons entendre le témoignage de Mme Bronwen Evans, qui est la directrice générale d'un excellent organisme qui recueille des fonds pour venir en aide aux militaires et à leurs proches. Mme Evans va sûrement nous en dire plus dans sa déclaration.

Nous avons entendu beaucoup de bien du travail que fait votre organisme, La patrie gravée sur le cœur, et c'est un plaisir de vous accueillir aujourd'hui. Je crois savoir que vous souhaitez faire une déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs pourront vous poser des questions.

Bronwen Evans, directrice générale, La patrie gravée sur le cœur : C'est un plaisir pour moi d'être ici. Merci à vous de vous intéresser de la sorte à un sujet qui, comme vous l'aurez deviné, me tient particulièrement à cœur. Je fais partie de cet organisme depuis le tout premier jour.

Je vous ai fait parvenir un document qui vous explique brièvement l'historique de La patrie gravée sur le cœur, sa mission et sa vision. Je n'irai pas dans les détails pour le moment, sinon pour dire que nous existons depuis environ six ans et que, jusqu'à maintenant, nous avons recueilli quelque chose comme 20 millions de dollars. Nous ne gérons aucun programme en tant que tel. Nous recueillons des fonds, que nous remettons aux organismes caritatifs les mieux placés pour gérer les programmes adaptés à leur milieu. De notre côté, nous ne nous occupons d'aucun programme; nous nous contentons de recueillir des fonds et de les remettre ensuite à ces organismes caritatifs.

Outre la santé mentale, nous œuvrons aussi dans les domaines de la réadaptation et de la santé physique. Nous pourrions par exemple aider financièrement un soldat blessé à qui il manquerait un ou plusieurs membres à transformer son véhicule ou son domicile. Nous finançons aussi des programmes de ski adapté afin de permettre aux militaires blessés de continuer à pratiquer leur passe-temps favori, ou de s'intéresser à un nouveau hobby, afin qu'ils se sentent valorisés.

Nous remettons aussi de l'argent à ce que nous appelons des « soutiens familiaux ». Il peut par exemple s'agir de cours de rattrapage pour les enfants de militaires, car il n'est pas rare que les nombreux déménagements d'une base à l'autre leur fassent prendre du retard scolaire. Nous venons aussi en aide aux familles d'enfants ayant des besoins spéciaux. Je ne sais pas si vous le saviez, mais si une famille dont l'enfant est autiste reçoit de l'argent de l'État en Alberta, elle se retrouvera au bas de la liste d'attente lorsqu'elle déménagera en Ontario. Disons qu'elle a plus de chance de déménager de nouveau que de se retrouver assez haut sur la liste pour recommencer à recevoir de l'aide. De nombreuses familles doivent contracter un deuxième prêt hypothécaire pour subvenir à leurs besoins. Souvent, l'âge est crucial pour l'efficacité du traitement. Par exemple, si l'enfant ne va pas en orthophonie à un certain âge, ça ne donne rien de l'y envoyer plus tard. Nous consacrons environ un demi-million de dollars par année à ces familles ainsi qu'à diverses autres choses, comme des services de garde en cas d'urgence.

Vous m'avez demandé de parler plus précisément des programmes qui sont offerts mais qui ne sont pas financés par le gouvernement. Alors, j'ai pensé vous présenter quelques-uns de ceux que nous avons financés au fil des ans. Dans bien des cas, il s'agit de partenariats qui durent depuis des années et de programmes dont nous sommes fiers parce qu'ils produisent de bons résultats. La plupart des commentaires que nous recevons proviennent d'anciens combattants qui nous disent à quel point tel ou tel programme a pu les aider. Ça aussi, c'est important.

En fait, les programmes financés par le gouvernement sont en général plus classiques, comme le suivi psychiatrique ou les consultations psychologiques, alors qu'il existe d'autres types de programmes qui donnent d'aussi bons résultats, même s'ils ne reposent pas sur des fondements scientifiques aussi rigoureux que les plus traditionnels. Or, les solutions universelles ne conviennent pas à tout le monde, surtout pas à ceux qui sont en état de stress post-traumatique. Autrement dit, nous finançons les programmes qui ne le sont généralement pas par le gouvernement.

Je pense entre autres au programme Outward Bound. Vous le connaissez peut-être; sinon, vous en trouverez la description dans le document. Le volet pour anciens combattants est entièrement financé par notre organisme. Aussi bien dire que, sans nous, ce programme n'existerait pas. Nous avons parlé à de nombreux anciens combattants qui y ont participé, autant avant qu'après leur expérience. Ce programme est parfait pour les anciens combattants aux prises avec des problèmes de santé mentale, mais qui ne sont pas encore prêts à recourir aux services de soutien communautaires, comme un psychiatre, un psychologue ou les Alcooliques anonymes.

Ce programme leur fait faire des activités de plein air en compagnie de leurs pairs, ce qui leur permet de rencontrer d'autres gens dans une situation semblable à la leur et de parler de ce qu'ils vivent. À partir de là, ils commencent à se sentir normaux, donc plus à l'aise, et quand ils ont fini le programme, ils sont prêts à faire les démarches pour obtenir de l'aide. Outward Bound les aide d'ailleurs à s'y retrouver.

Les commentaires sur ce programme sont fantastiques. En fait, certains participants ont aussi pris part aux expéditions que nous avons organisées dans l'Himalaya ou au pôle Nord; nous les connaissons donc très bien. Bref, c'est un programme merveilleux, financé en totalité par des dons de charité; aucun financement de l'État.

Le Programme de transition des vétérans figure aussi parmi les programmes auxquels nous avons remis de l'argent au cours des trois dernières années. Créé à l'Université de la Colombie-Britannique, ce programme de soutien par les pairs prévoit aussi un suivi médical. Si on le compare à Outward Bound pour les anciens combattants, où les participants ne font l'objet d'aucun suivi médical, celui-ci offre des traitements légèrement plus traditionnels. Les résultats sont d'ailleurs évalués de manière plus classique, plus rigoureuse.

Là aussi, les résultats sont excellents. Nous finançons dorénavant des programmes un peu partout au pays, et pas juste en Colombie-Britannique. Nous en avons dans l'Atlantique, en Ontario et au Québec.

Je crois qu'Anciens Combattants Canada verse aussi de l'argent à ce programme. Si je ne m'abuse, si une personne a rempli tous les formulaires et que le ministère reconnaît qu'il y a un besoin, il va payer pour cette personne-là. Bref, nous payons pour les participants qui ne sont techniquement pas des clients du ministère, si vous me suivez.

L'Opération entrepreneur du prince, qui a vu le jour à l'Université Memorial, fait aussi partie des organismes que nous finançons. Pour dire les choses simplement, c'est comme un programme accéléré de maîtrise en administration des affaires pour les anciens combattants qui souhaitent se lancer en affaires. L'argent que nous fournissons est destiné aux soldats qui souffrent de problèmes de santé mentale, comme l'état de stress post-traumatique.

Comme vous le savez, pour les anciens combattants, la transition peut être parsemée d'embûches. Nous avons collaboré à la rédaction d'un rapport que nous soumettrons sous peu au ministre des Anciens Combattants, et dans lequel nous présentons les obstacles systémiques qui empêchent les anciens combattants de faire la transition vers un emploi civil valorisant. Je dis « valorisant », parce que, bien souvent, les anciens combattants qui quittent la vie militaire se retrouvent à faire des boulots qui n'ont rien à voir avec leurs compétences. C'est un gros morceau.

La santé mentale fait justement partie des obstacles que nous avons recensés. Si un soldat a des problèmes de santé mentale, il aura souvent plus de mal à trouver un emploi valorisant.

L'Opération entrepreneur du prince aide ces gens-là à lancer leur propre entreprise. Ils se font enseigner par des professeurs et ils reçoivent l'aide de mentors. Pour la personne qui souffre d'une maladie mentale, ça peut aider d'avoir sa propre entreprise, parce qu'elle doit alors gérer elle-même son horaire tout en bénéficiant d'une certaine marge de manœuvre. Nous finançons ce programme depuis trois ans.

Notre plus récent partenariat a été conclu avec l'Université du Sud de la Californie. Je ne sais pas si vous connaissez le traitement de l'état de stress post-traumatique par la réalité virtuelle, mais ça consiste en gros à exposer, dans un environnement contrôlé, les soldats au traumatisme qui est à l'origine de leur état. À la longue, ils vont y être désensibilisés. Les résultats montrent que c'est très efficace.

L'Université du Sud de la Californie, en collaboration avec l'armée américaine, a mis au point un environnement de réalité virtuelle permettant de stimuler l'ouïe, la vue et l'odorat. Les travaux menés aux États-Unis se sont révélés très efficaces.

Le ministère de la Défense nationale a voulu offrir ce traitement, développé aux États-Unis, à des soldats canadiens. Les résultats ont été quelque peu décevants, parce que, comme l'environnement était entièrement américanisé — les blindés, les uniformes —, il n'était pas aussi crédible aux yeux des soldats canadiens.

Nous allons financer ce programme durant deux ou trois mois. Nous avons déjà remis de l'argent à l'Université du Sud de la Californie pour qu'elle canadianise la technologie et fasse en sorte qu'elle corresponde à ce qu'ont vécu nos soldats en Afghanistan, avec les bons blindés et les bons uniformes. Quand ce sera fait, le ministère de la Défense nationale pourra obtenir les licences nécessaires pour utiliser cette technologie dans ses cliniques un peu partout au pays et traiter les soldats en état de stress post-traumatique.

J'imagine que c'est le genre de programme que le gouvernement aurait fini par financer, mais nous avons décidé d'aller de l'avant malgré tout, parce que le gouvernement aurait sans doute eu l'obligation de lancer un long processus d'appel d'offres. Pour avoir parlé aux spécialistes de la santé, nous savons que l'Université du Sud de la Californie aurait sans doute remporté la mise de toute façon, mais en ce qui nous concerne, plus vite les cliniciens auront accès à cette technologie, et plus nous pourrons prévenir de suicides. Alors pourquoi attendre? C'est pourquoi nous avons décidé d'aller de l'avant.

Ça fait le tour des principaux programmes que nous avons financés et des partenariats que nous avons conclus au fil des ans.

Nous finançons aussi une vaste gamme de programmes communautaires, principalement par l'entremise des Centres de ressources pour les familles des militaires, qui sont présents sur chacune des bases militaires du pays. Vous trouverez sur la dernière page du document le nom de quelques-uns des programmes à qui nous sommes venus en aide de cette façon.

Bon nombre d'entre eux s'adressent aux proches des militaires. Le ministère offre du soutien de nature plus traditionnelle ou de la thérapie aux militaires eux-mêmes, mais les proches, eux, ont seulement droit aux soins de santé; alors pour tout ce qui est couvert par les régimes provinciaux, ils doivent s'adresser aux établissements de santé provinciaux. Bref, ils doivent s'en remettre au système, alors que ça pourrait aller beaucoup plus vite s'ils étaient pris en charge par le fédéral.

Pourtant, nous avons constaté que les conjoints et les enfants dont le parent ou l'époux souffre d'une blessure de stress opérationnel ou est en état de stress post-traumatique ont énormément besoin de soutien et de conseils eux aussi. Nous remettons de l'argent à un certain nombre de programmes de prévention du suicide qui enseignent aux proches à reconnaître les symptômes de l'état de stress post-traumatique ou les signes d'une personne suicidaire.

Nous aimerions financer davantage de programmes destinés à la santé mentale des enfants de militaires. C'est plutôt difficile. Nous avons constaté qu'il y a toutes sortes de programmes un peu partout au pays et qu'ils font presque tous affaire avec les Centres de ressources pour les familles des militaires, mais à notre connaissance, aucune recherche n'a encore été menée pour déterminer les pratiques exemplaires de l'un ou de l'autre. Nous aimerions créer un groupe de spécialistes au cours des prochains mois pour étudier la question plus en profondeur.

Nous ne voulons pas réinventer la roue. Si nous pouvons nous inspirer d'un programme existant, comme ceux qu'offrent le Centre de toxicomanie et de santé mentale, l'hôpital Royal d'Ottawa ou les Centres de ressources pour les familles des militaires, pourquoi pas? Quoi conserver? Qui mobiliser? Que faire pour étendre ces programmes au reste du pays?

Nous avons annoncé dernièrement que nous allions aider financièrement l'organisme Paws Fur Thought, qui entraîne des chiens d'assistance pour les militaires en état de stress post-traumatique. Comme je le disais, les solutions universelles sont loin d'être une panacée. Il n'y a pas de solution unique qui convient à tous ceux qui sont en état de stress post-traumatique, mais je dois dire que, si on se fie au témoignage des anciens combattants qui ont pu compter sur un chien d'assistance, c'est clair que ces bêtes ont eu une influence énorme sur eux : ils sortaient en public au lieu de rester enfermés chez eux, ce qui est aussi un avantage pour le conjoint ou la conjointe et améliore la qualité de vie et le quotidien de toute la famille.

Pour ce qui est des difficultés et des obstacles, on nous dit sans cesse que, même si le ministère de la Défense nationale et les Centres de ressources pour les familles des militaires offrent d'excellents programmes en santé mentale, les soldats ont peur de se faire juger s'ils y ont recours, que ce soit par l'entremise des centres de ressources ou dans le cadre de programmes gouvernementaux plus traditionnels. Même les proches hésitent à s'adresser aux centres de ressources parce qu'ils vivent des moments difficiles à la maison et sentent que leur mari ou leur femme est peut-être en état de stress post-traumatique, car ils ont l'impression de le trahir et craignent qu'en agissant ainsi, ils pourraient compromettre sa carrière. C'est un problème, et je crois que ça montre qu'il faut continuer d'offrir des services et des programmes à l'extérieur du gouvernement.

On nous dit aussi que les réservistes, parce qu'ils ne vivent pas sur une base, ne connaissent pas les programmes dont ils pourraient se prévaloir. La semaine dernière, nous assistions à un colloque, ici à Ottawa. Le sénateur Day était là, lui aussi. Un couple a pris la parole. Le mari, qui fait partie de la réserve, est allé en Afghanistan. Quand il est revenu, il était en état avancé de stress post-traumatique. Sa femme ne connaissait rien au milieu militaire, sinon que son mari devait se présenter à son régiment tous les mardis pour l'entraînement. Ils n'avaient aucune idée à qui s'adresser et ne connaissaient pas les ressources qui s'offraient à eux.

Lorsqu'on vit dans une base ou qu'on fait partie de la Force régulière, l'information au sujet des programmes nous est mieux communiquée que lorsqu'on appartient aux forces de réserve. Selon moi, ce n'est pas tant que les programmes de santé mentale destinés aux réservistes sont insuffisants; je crois plutôt qu'il s'agit d'un problème de communication : il faut mieux informer les réservistes au sujet des programmes existants. L'armée a beaucoup de mal à se doter de l'infrastructure nécessaire pour diffuser cette information.

Nous avons remarqué une autre source de problèmes : le transfert du ministère de la Défense nationale à celui des Anciens Combattants. Une fois libéré de l'armée, on devient pour ainsi dire un client des Anciens Combattants; les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ne sont plus responsables de nous fournir de l'appui en matière de santé mentale. D'après ce que nous ont dit certains anciens combattants, devenir un client du ministère des Anciens Combattants est un processus assez compliqué, qui comporte beaucoup de paperasse.

Par ailleurs, un trouble de stress post-traumatique prend souvent des années avant de se manifester. Au moment de la libération du ministère de la Défense nationale, on peut penser que tout va bien et qu'il n'est pas nécessaire de s'adresser au ministère des Anciens Combattants. Des années plus tard, on se trouve aux prises avec des problèmes, sans savoir vers qui se tourner.

Il y a une dernière chose, une lacune, sur laquelle je souhaite revenir. Comme je l'ai dit, il n'existe pas de solution qui convient à tout le monde. Étant donné la stigmatisation dont font l'objet les soldats et les anciens combattants lorsqu'ils demandent de l'aide au gouvernement, il faudrait peut-être offrir des programmes non gouvernementaux, comme la plupart de ceux que nous finançons, et reconnaître leur importance.

Je crois que c'est à peu près tout.

Le président : Merci beaucoup, madame Evans. Nous ferons traduire le texte de votre présentation et nous le distribuerons à tous les membres du comité. Il sera mis au dossier. Nous vous remercions de nous avoir remis ce document.

La Bibliothèque du Parlement a également rédigé une étude pour nous renseigner sur la situation; le document a été distribué dans les deux langues officielles. Les honorables sénateurs ont eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil.

Nous allons maintenant passer aux questions. La sénatrice Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, est la vice-présidente du sous-comité.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie de votre présentation, qui est très éclairante. Elle trace une voie à suivre, ce qui correspond à ma façon d'aborder les choses. En effet, j'aime me concentrer sur les mesures à prendre pour améliorer la situation.

Ces dernières années, avez-vous remarqué un changement dans l'attitude du public et son degré de sensibilisation par rapport à l'état de stress post-traumatique? Pensez-vous qu'il faille en faire plus à cet égard?

Mme Evans : Je dirais qu'en général, les gens sont beaucoup plus sensibilisés et j'ose croire que les préjugés entourant la santé mentale ont diminué, en partie grâce à des campagnes comme « Cause pour la cause » lancée par Bell. On est davantage sensibilisé depuis la fin de la mission en Afghanistan. En effet, les gens parlent des séquelles qu'elle a laissées et il est question de l'état de stress post-traumatique beaucoup plus souvent que par le passé.

Nous faisons aussi des efforts considérables pour appuyer les soldats qui souhaitent faire la transition vers un emploi civil. Il arrive que les employeurs aient des réticences, parce qu'ils présument qu'un militaire qui a servi en Afghanistan et vu des choses atroces est forcément atteint d'un trouble de stress post-traumatique ou d'un problème de santé mentale qui l'empêchera de s'acclimater à son milieu de travail. Il nous reste beaucoup de chemin à faire de ce côté-là.

La sénatrice Stewart Olsen : Je remarque que vous faites souvent référence aux anciens combattants de l'Afghanistan. Dans mes conversations avec les anciens combattants, j'ai constaté que bon nombre de ceux qui ont servi en Bosnie et dans d'autres théâtres d'opérations ont été durement atteints. Certains d'entre eux ont attendu jusqu'à maintenant pour se faire traiter, soit parce que leur trouble n'était pas reconnu auparavant, soit parce qu'ils n'étaient pas à l'aise de demander de l'aide. Avez-vous des clients, des gens à qui vous venez en aide, qui ont servi dans ces régions?

Mme Evans : Certainement. En fait, nous tâchons actuellement d'établir un financement pour l'Hôpital Sainte-Anne, un établissement d'Anciens Combattants Canada situé à Montréal, dont la plupart des clients ont servi en Corée et en Bosnie. C'est le seul hôpital au Canada qui offre un programme de traitement en résidence aux anciens combattants atteints d'un trouble de stress post-traumatique.

Je n'aurais sans doute pas dû limiter mes remarques aux anciens combattants de l'Afghanistan, car nous ne faisons pas cette distinction.

Le financement que nous offrons aux Centres de ressources pour les familles militaires est principalement axé sur les anciens combattants et les membres actifs de la mission en Afghanistan, parce que ce sont des membres actifs que nous finançons dans ces centres.

La sénatrice Stewart Olsen : Beaucoup d'anciens combattants avec qui j'ai travaillé hésitent à se faire traiter dans les centres de services, qui ont été transférés d'Anciens Combattants Canada à Service Canada. Je m'intéresse maintenant aux hôpitaux pour anciens combattants, dont l'un d'entre eux est situé à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Je suis d'avis qu'il faut établir des cliniques dans ces endroits plutôt que dans les installations de Service Canada. Selon moi, cela faciliterait la vie des gens et favoriserait le soutien entre les pairs. Avez-vous entendu de tels échos dans votre travail? Il est question de l'endroit où l'on obtient le traitement et, encore une fois, des préjugés liés aux mots « maladie mentale ».

Mme Evans : Comme je l'ai mentionné, je crois qu'il est important que les sources d'appui pour les anciens combattants soient ancrées dans la collectivité, ce qui implique, entre autres, de sensibiliser les médecins de famille. L'institut Vanier fait beaucoup de travail à cet égard. Il faut aussi sensibiliser les conseillers dans les écoles, qui ne connaissent peut-être pas très bien les symptômes du trouble de stress post-traumatique et les sources d'anxiété et de stress propres à la vie militaire. Selon moi, un important travail de sensibilisation et d'éducation reste à faire.

Auparavant, la plupart des enfants issus de familles militaires fréquentaient des écoles où 80 p. 100 des enfants appartenaient eux aussi à une famille militaire. Ce n'est plus le cas, ce qui comporte des bons et des mauvais côtés. L'un des désavantages est le fait que le soutien par les pairs n'est plus le même. De plus, les enseignants, les conseillers et les directeurs ne sont plus autant sensibilisés aux facteurs de stress présents dans la vie des familles militaires. Selon moi, il est important que la collectivité comprenne plus de sources d'appui qui sont au fait de ce genre de difficulté.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Voilà qui est très éclairant.

Le sénateur White : Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. J'ai deux questions à vous poser : une longue et une courte.

Je sais qu'on s'est intéressé aux programmes pour les survivants de maladies, comme la maladie mentale et le cancer, qui ont eu beaucoup de succès, en particulier ceux qui comportent des volets d'accompagnement et de défense des droits. Il existe à Ottawa un centre de survie du cancer axé sur le coaching auprès des gens qui composent avec le cancer. Je sais qu'il existe quelque chose de semblable dans l'armée. Votre organisation a-t-elle participé à des initiatives de coaching ou à des études sur le succès du coaching et de la défense des droits des gens atteints de troubles mentaux, en particulier chez les militaires?

Mme Evans : Vous parlez de coaching exercé par une personne qui souffre ou qui a souffert d'un trouble de stress post-traumatique et qui a survécu?

Le sénateur White : Disons qu'à mon retour de l'Afghanistan, je constate que j'ai un problème. Si on compte sur des fonctionnaires pour faire comprendre le système, cela impliquerait qu'ils l'expliquent à un millier de personnes. Qu'ils ne représentent aucune d'entre elles ou qu'ils les représentent toutes, les alternatives sont presque tout aussi mauvaises l'une que l'autre. Il est important d'avoir quelqu'un, un employé ou un bénévole, sur qui on peut compter pour nous guider et nous aider à composer avec le système entourant la maladie mentale, les problèmes propres au trouble de stress post-traumatique et nos difficultés.

Mme Evans : Il existe un organisme de bienfaisance dont c'est justement la mission. Il a été fondé par une personne souffrant d'un trouble de stress post-traumatique assez grave. Je vais vous donner son nom dans un instant. L'organisme en question fait presque exactement ce que vous décrivez, grâce à un réseau national de bénévoles qui connaissent les ressources disponibles dans les collectivités. On communique avec l'organisme par le biais de son site web. Chris Dupree est le fondateur de cette organisation.

Le sénateur White : Mais aucun des organismes gouvernementaux ou des autres organisations avec lesquelles vous collaborez ne fournit ce genre de soutien de manière substantielle.

Mme Evans : Nous appuyons le Fonds pour les familles des militaires, un organisme de bienfaisance géré par le ministère de la Défense nationale, qui considère comme nécessaire d'avoir quelqu'un pour coordonner les appuis fournis aux personnes et guider celles-ci en quelque sorte. On nous a demandé du financement pour embaucher un employé qui assumerait cette fonction à temps plein dans tous les centres de ressources pour les familles militaires. Nous doutons que payer une personne à temps plein dans chaque centre représente une utilisation optimale des ressources. Selon nous, il existe une meilleure solution.

Un besoin a été déterminé. Il s'agit maintenant de trouver un moyen d'y répondre qui soit abordable et adaptable, et qui permet d'aider le plus grand nombre de gens possible.

Le sénateur White : Passons maintenant à ma deuxième question. Durant ma carrière, j'ai eu l'occasion d'observer des façons proactives et réactives d'aborder le trouble de stress post-traumatique. Par mesures proactives, j'entends faire en sorte que les membres du personnel comprennent que plusieurs d'entre eux en seront atteints, qu'ils sachent reconnaître les signes avant-coureurs et le besoin d'intervenir avant l'apparition du trouble, et les aider à détecter les situations potentiellement risquées avant que le danger se présente.

Avez-vous travaillé sur des mesures proactives? En passant, j'ai visité votre site Internet et j'ai pu constater l'excellent travail que vous accomplissez. Vos efforts ont-ils surtout été consacrés à des mesures correctives visant à remettre les gens sur pied, plutôt qu'à des façons de prévenir le trouble à la source?

Mme Evans : Bon nombre des programmes communautaires que nous finançons sont proactifs, dans la mesure où on y enseigne aux proches et au personnel des centres de ressources pour les familles des militaires comment reconnaître les signes de la maladie mentale. Ils sont proactifs, en ce sens qu'ils indiquent comment détecter la maladie à un stade précoce et intervenir avant qu'elle ne s'aggrave trop. Nous finançons un certain nombre de programmes de ce genre.

Le gouvernement finance un programme d'entraînement à la résilience auquel tous les soldats assistent avant d'être déployés. Est-ce que ce programme prépare vraiment les militaires pour ce qu'ils vivront une fois rendus là-bas? C'est une autre question. Peut-on vraiment être préparé à vivre une telle expérience? Je l'ignore. Je pense au capitaine de l'équipe de soldats qui a pris part à une expédition au pôle Nord. Il a écrit une thèse de doctorat sur le sujet. D'après lui, l'entraînement physique offert aux soldats est excellent, mais nous pourrions en faire bien davantage pour mieux les préparer à ce qui les attend.

Le sénateur White : L'acquisition d'outils psychologiques.

Mme Evans : Oui. Le gouvernement fait certaines choses et offre des programmes, mais notre organisation n'a financé aucun de ces programmes de prédéploiement.

Le sénateur White : Merci et, encore une fois, je vous félicite de votre travail.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, madame Evans. Ceci est très intéressant et votre organisation fait un travail formidable.

Je me pose des questions concernant le financement. Il est clair que certaines de vos initiatives ne seraient jamais mises sur pied par le gouvernement — le programme Outward Bound pour les anciens combattants est sans doute un exemple — bien que l'on pourrait faire valoir que le gouvernement devrait prendre tous les moyens possibles. Il me semble que vous financez également des programmes que le gouvernement devrait offrir.

J'aimerais d'abord savoir si vous recevez du financement de la part du gouvernement. J'aimerais également savoir si vous croyez que le gouvernement devrait investir davantage dans ces programmes. Souhaiteriez-vous qu'il le fasse?

Mme Evans : À quel programme faites-vous référence? Y a-t-il des programmes précis...

Le sénateur Mitchell : J'ai cru comprendre que vous offrez des services de psychiatrie et de psychologie.

Mme Evans : Je suis désolée pour ce malentendu, nous ne finançons pas ces services. Si un soldat ou un membre de sa famille consulte un psychologue ou un psychiatre, ces services sont couverts par l'assurance-santé de l'Ontario. Nous ne prenons pas ces coûts en charge. Nous ne finançons pas ce qui est déjà couvert par le système public de soins de santé.

Le sénateur Mitchell : Y a-t-il des services que vous financez qui, selon vous, devraient être financés davantage par le ministère des Anciens Combattants ou par les Forces armées canadiennes?

Mme Evans : C'est une question difficile. Pour répondre à votre première question, nous ne recevons aucun financement de la part du gouvernement.

Notre organisation a beaucoup réfléchi à la question que vous venez de poser. Au départ, nous avons créé La patrie gravée sur le cœur pour créer un lien entre le monde civil et le monde militaire. Nous avons constaté que de nombreuses personnes n'avaient jamais rencontré de soldat en uniforme. Si, comme moi, vous vivez à Toronto, vous ne voyez jamais de soldats en uniforme dans la ville, cela ne fait absolument pas partie du quotidien. Tout ce que les gens savaient à propos des soldats en Afghanistan, ils l'avaient appris dans les nouvelles.

Nous voulions rappeler à la population en général que les soldats font des sacrifices, tout comme les membres de leurs familles, et, surtout, nous voulions établir un lien entre ces deux mondes. Nous avions l'impression que la population devait donner une forme de soutien aux soldats et à leurs familles. Ainsi, nous croyons que si le gouvernement faisait tout ce qu'il peut, nous n'aurions pas à créer ce lien entre le monde militaire ou le monde civil — ce lien est d'une importance primordiale à notre avis.

Je vous répondrais que le gouvernement peut toujours en faire plus. Le gouvernement pourrait consacrer plus de ressources dans tous les domaines, que ce soit les services de santé en général ou l'éducation, pour ne citer que ces deux-là.

Notre organisation a choisi de ne pas se concentrer sur le lobbyisme auprès du gouvernement. Cela peut être parfois très exaspérant, c'est pourquoi nous préférons mettre l'accent sur l'aide que nous pouvons offrir et sur ce que nous pouvons ajouter aux programmes existants.

Le sénateur Mitchell : C'est excellent.

Vous avez parlé de stigmatisation, et je crois que ce phénomène se produit aussi à la GRC. Vous avez dit que de nombreuses familles et même certains membres du personnel militaire sont craintifs à l'idée de se présenter dans les centres de ressources pour les militaires et pour les familles. En raison de la stigmatisation, ils ont peur de dire qu'ils ont un problème.

Est-ce seulement une perception ou y a-t-il vraiment une stigmatisation? Les personnes qui cherchent de l'aide sont-elles véritablement pénalisées par l'organisation? Cela m'amène à un autre point : les services offerts ailleurs qu'au sein de la structure gouvernementale sont d'une grande qualité, comme vous l'avez déjà dit, et peut-être qu'ils devraient être financés par le gouvernement.

Mme Evans : La stigmatisation en ce qui concerne la santé mentale est encore très grande, il n'y a aucun doute là-dessus, tant au sein des Forces armées que dans la société en général. Le phénomène est amplifié au sein du monde militaire parce qu'on s'attend à ce que les membres du personnel soient forts — cela fait partie de leur travail, et c'est souvent la raison pour laquelle ils ont choisi cet emploi. À titre de comparaison, si vous travaillez dans une banque et que vous êtes atteint d'une maladie mentale, les gens n'auront pas l'impression que vous avez failli à votre devoir.

Je ne sais pas si l'on peut véritablement changer les choses, mais c'est l'un des obstacles auxquels le personnel militaire se heurte. En effet, si un militaire souffre de problèmes de santé mentale et qu'il a recours aux services d'aide qui sont à sa disposition — par exemple, si un militaire actif suit une thérapie offerte par les Forces armées —, le psychiatre ou le docteur doit informer l'organisation s'il est d'avis que son patient n'est pas apte à servir. La personne peut alors se demander si cette décision est subjective. Il n'y a pas moyen de le savoir, et cela peut être un obstacle. Il faut tenter d'éliminer la stigmatisation et se concentrer sur les faits.

De plus, les familles de militaires cherchent à faire preuve de la résilience qui est attendue de leur part. Ainsi, le fait de dire : « Je vis des moments très difficiles » va à l'encontre du sentiment qu'elles croient devoir ressentir. Les membres des familles ont alors des pensées comme : « Je fais aussi partie de cette organisation, je dois servir mon pays, mais je ne sais pas comment gérer tout cela », ou « On va dire que je dénonce mon partenaire ». Je crois donc que oui, la stigmatisation est amplifiée dans le monde militaire, et c'est pourquoi il est important selon moi d'offrir des ressources à l'extérieur des forces armées.

La sénatrice Frum : J'aimerais revenir sur ce que le sénateur Mitchell a demandé. Je suis fière d'avoir participé au premier gala de la fondation La patrie gravée sur le cœur, qui a eu lieu à Toronto en 2009. Je me rappelle que, lorsqu'on m'a demandé d'y participer, j'ai posé la même question : pourquoi cherche-t-on du financement auprès du secteur privé? N'est-ce pas au gouvernement de s'occuper de cette question? On m'a donné une réponse qui m'a convaincue et qui m'a aidée à convaincre d'autres personnes de soutenir cette cause : les besoins sont grands, et bien que l'aide gouvernementale soit nécessaire, les contributions du secteur privé sont aussi importantes. Nous n'en ferons jamais assez pour les hommes et les femmes des forces armées. Plus nous les aiderons, mieux ils se porteront : voilà la mission de La patrie gravée sur le cœur.

J'aimerais mieux comprendre certains éléments dont vous avez déjà parlé. Lorsque vous choisissez de verser des fonds à un service en particulier, ou lorsque vous décidez de créer un programme, dans quelle mesure consultez-vous les Forces armées canadiennes, le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada? Dans quelle mesure vos initiatives sont-elles faites de façon concertée, et quelle proportion de ces initiatives est réalisée de façon à satisfaire votre organisation?

Mme Evans : Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Défense nationale. Nous voulons nous assurer que nous ne finançons pas des services qu'il finance déjà, surtout lorsque nous recevons des demandes présentées par les Centres de ressources pour les familles des militaires. Il arrive que ces centres présentent des demandes pour des services qui devraient être financés par le gouvernement, mais ils ne le savent pas. Par conséquent, avant de verser des fonds à un Centre de ressources pour les familles des militaires pour quelque raison que ce soit, nous communiquons avec le ministère de la Défense nationale afin qu'il puisse étudier la demande.

Pour ce qui est du financement des programmes de santé mentale, nous travaillons en étroite collaboration avec les Services de santé. Nous discutons de tous les programmes que nous finançons avec le psychiatre militaire en chef, puisque celui-ci est un véritable expert du domaine. Il peut faire des recommandations comme : « C'est une bonne organisation, je la connais. »

Par exemple, nous avons examiné dernièrement une demande d'un Centre de ressources pour les familles des militaires qui portait sur deux programmes différents de financement de services de counseling pour les familles. Le psychiatre militaire en chef nous a aidés grâce à des commentaires comme : « Je choisirais cette organisation pour la raison suivante ». Il nous a expliqué qu'un programme qui comporte des séances de thérapie de couple hebdomadaires est plus efficace qu'un programme de thérapie qui dure seulement une fin de semaine, et que nous devrions favoriser les séances hebdomadaires.

Nous entretenons des liens très étroits avec le ministère de la Défense nationale. Il y a environ un an, nous avons conclu un protocole d'entente officiel avec ce ministère. Cela nous a permis d'établir une marche à suivre afin de nous assurer que tous les renseignements sont transmis aux bonnes personnes et que ces personnes en prennent connaissance.

Le président : Les Forces armées seraient prêtes à adopter le même programme dans tous les Centres de ressources pour les familles des militaires du pays. Parmi les demandes qui vous sont envoyées par les centres de ressources à titre individuel, envisageriez-vous de financer une seule entité indépendante en raison des ressources dont elle dispose, et, peut-être, de défis propres à cet endroit?

Mme Evans : C'est une question intéressante, qui fait l'objet de débats depuis un certain temps entre les Centres de ressources pour les familles des militaires et le ministère de la Défense nationale. En effet, des discussions au sujet des services offerts par les différents centres du pays sont en cours.

Le ministère de la Défense nationale verse aux Centres de ressources pour les familles des militaires les fonds nécessaires pour financer les services de base qu'ils doivent offrir selon leur mandat. Cependant, chacun des centres a le statut d'organisme de bienfaisance et possède son propre conseil d'administration. Les centres doivent amasser des fonds pour financer les programmes; ces fonds s'ajoutent à ceux qui sont versés par le gouvernement.

Cela comporte quelques défis. Comme vous pouvez l'imaginer, il peut y avoir des écarts importants entre les programmes offerts dans les différents Centres de ressources pour les familles des militaires, que ce soit en raison de leur situation géographique, de leur directeur général, ou parce que les membres du conseil d'administration sont meilleurs que d'autres pour récolter des fonds. Ces écarts peuvent être très difficiles pour les familles qui déménagent d'une base militaire à une autre : elles ne savent pas à quoi s'attendre. Elles peuvent vivre sur une base militaire où il y a de nombreux excellents programmes pour aider leurs enfants ou des services de counseling familial, et ensuite se retrouver sur une base militaire où l'offre n'est pas aussi grande.

Les Centres de ressources pour les familles des militaires, par l'intermédiaire du ministère de la Défense nationale, ont discuté de la possibilité de centraliser un peu plus leurs services, de façon à ce que les familles qui déménagent d'une base militaire à une autre puissent bénéficier d'une expérience et d'un soutien similaires.

La centralisation n'aurait pas que des avantages cependant, puisque les besoins varient d'une collectivité à l'autre. Nous ne voulons pas enlever à un centre la capacité d'offrir des programmes qui sont propres à sa collectivité. Dans certains cas, il peut s'agir également de mesures de soutien. Par exemple, un Centre de ressources pour les familles des militaires qui se trouve au Québec aura besoin de fonds pour offrir de la formation en langue seconde, il s'agit d'un programme propre à une région donnée. Les Centres de ressources pour les familles des militaires qui se trouvent en région éloignée n'auront pas les mêmes préoccupations qu'un centre qui se trouve à Ottawa.

C'est un véritable casse-tête, il est difficile de trouver la bonne façon de procéder à une forme de centralisation. Comme je crois l'avoir dit plus tôt au sénateur Day, nous avons établi avec l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans un partenariat qui nous tient à cœur, et nous espérons que ce partenariat aura une influence sur le processus en cours. Nous verserons bientôt à cette organisation un montant important afin de contribuer au financement de celle-ci. Dans le cadre de ce partenariat, nous aimerions évaluer les programmes que nous finançons par l'intermédiaire des Centres de ressources pour les familles des militaires. Cela nous permettra d'établir des critères d'admissibilité pour les organisations qui demandent du financement : grâce à ces critères, nous adopterons, à l'échelle du pays, des pratiques exemplaires liées aux programmes que nous finançons. Voilà comment nous comptons contribuer au règlement de cette question.

Le président : Je suis content d'apprendre que le travail effectué auprès des militaires et de leurs familles fait l'objet d'une évaluation. Le ministre des Anciens Combattants et l'ombudsman des vétérans en particulier m'ont fait part d'un très grand nombre de programmes qui ont été lancés à différents endroits. L'institut que vous venez de mentionner, qui a son siège à l'Université Queen's, regroupe maintenant 32 institutions partout au Canada, ce qui montre bien à quel point cette cause prend de l'ampleur. En tant que comité du Sénat, je présume que nous devons trouver quel rôle nous aurons à jouer. Je suis certain que vous êtes dans la même situation, puisque vous recevez probablement de plus en plus de demandes de différents groupes qui souhaitent obtenir du financement, puisque votre organisation est de plus en plus connue.

Mme Evans : C'est là où nous en sommes, en effet. L'un des problèmes que nous devons régler à l'heure actuelle est le suivant : certains programmes ne pourraient pas exister sans le financement que nous leur offrons. Notre objectif consiste à amasser plus de fonds, parce que les fonds pour l'année à venir ont déjà été attribués. Si nous ne finançons plus le programme Outward Bound pour les anciens combattants, celui-ci n'existera plus. Le Programme de transition des vétérans ne pourra pas se développer. Les Centres de ressources pour les familles des militaires devront éliminer les programmes que nous financions. Pour le moment, les besoins dépassent de loin nos capacités de financement.

Le président : Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet du rapport que, d'après ce que vous avez dit, vous comptez présenter au ministre? Je présume que vous faisiez référence au ministre de la Défense nationale ou au ministre des Anciens Combattants.

Mme Evans : Il est bien question du ministre des Anciens Combattants.

Le président : Vous avez parlé d'obstacles systémiques pouvant nuire au retour à la vie civile.

Mme Evans : Lorsque le ministre Blaney était à la tête du ministère des Anciens Combattants, il nous a demandé de mettre sur pied un Conseil sur la transition des vétérans, qui regroupait des représentants d'entreprises canadiennes et d'organismes de bienfaisance comme le nôtre, ainsi que des représentants du ministère de la Défense nationale. Notre mandat consistait à examiner les obstacles auxquels les anciens combattants font face durant leur transition vers un emploi civil.

Nous avons publié la version provisoire de notre rapport il y a un an. À l'époque, le ministre Fantino est devenu ministre des Anciens Combattants. Il nous a demandé de formuler des recommandations sur les moyens concrets à prendre, à partir de notre recommandation initiale. Ces recommandations sont contenues dans le rapport que nous nous apprêtons à lui présenter.

Nos recommandations traitent entre autres de la question de l'aide à fournir aux malades et aux blessés en matière d'emploi, et il existe un programme dans ce domaine. C'est même un programme sur lequel votre sous-comité devrait certainement se pencher. Il se nomme Prospect et est offert à Edmonton, à l'Unité interarmées de soutien du personnel, où sont regroupés les soldats jugés inaptes à travailler dans les forces armées. Certains finissent par reprendre leur métier de militaire, après avoir reçu du soutien psychologique et d'autres formes d'aide. D'autres font la transition et se trouvent un emploi ailleurs. Ils reçoivent quand même un chèque de paye du ministère de la Défense nationale. On cherche à les aider à se faire un plan pour l'avenir.

Le programme Prospect est mis en œuvre là-bas en étroite collaboration avec la population des militaires malades ou blessés, et le taux de placement sur le marché du travail est de 85 p. 100. C'est un programme remarquable. Nous venons tout juste de dire aux responsables que nous leur fournirons de l'argent pour maintenir leur programme à Edmonton. À l'origine, ils étaient financés par le ministère de la Défense nationale, mais ce financement est maintenant terminé. Nous avons l'intention de collaborer avec eux pour étendre ce programme à l'ensemble du pays.

Le président : Excellent. Nous prendrons le temps de nous intéresser davantage à ce programme.

Mme Evans : Je vous fournis avec joie les coordonnées du directeur du programme là-bas.

Le président : Lorsque ce rapport sera publié, après avoir été au départ réservé au ministre, nous serions certainement heureux d'être dans votre liste de diffusion.

Mme Evans : Je pense qu'il sera effectivement publié.

La sénatrice Stewart Olsen : Je ne voudrais pas vous prendre au dépourvu, mais si vous aviez à choisir une priorité parmi vos suggestions concernant l'aide à fournir en milieu civil, quelle serait-elle?

Mme Evans : Dans le domaine de la santé mentale?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui.

Mme Evans : Parmi les programmes qui se sont montrés efficaces selon nos normes se trouvent les programmes d'aide entre pairs, dont les résultats sont formidables. Nous consacrons beaucoup d'argent à ces programmes et nous constatons qu'ils donnent d'excellents résultats.

Je ne sais pas si la question des familles qui sont touchées par le trouble de stress post-traumatique et de ce que nous faisons pour les aider fait partie du mandat de votre sous-comité, mais c'est une question qui mérite notre attention. Actuellement, le financement que le gouvernement accorde est insuffisant pour tenir compte de cette réalité, alors je pense qu'il faudrait déterminer ce qui doit être fait à cet égard et à qui devrait être destinées les éventuelles sommes d'argent.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.

Le sénateur Mitchell : Vous arrive-t-il de rencontrer des militaires qui souffrent du trouble de stress post-traumatique sans avoir été au combat? Peut-on souffrir de ce trouble en raison de la nature du travail à accomplir ou de la structure militaire, ou est-ce toujours un problème qui résulte de la participation aux combats?

Mme Evans : Non, ce n'est pas toujours le cas. J'ai à l'esprit le cas d'un militaire qui s'occupait du rapatriement. Il n'était pas en Afghanistan, mais il voyait les corps qui revenaient au pays. Il n'avait pas été affecté directement par les combats.

Nous voyons aussi des conjointes qui sont des victimes secondaires du trouble de stress post-traumatique. Elles vivent avec un militaire qui a été déployé, qui est violent, qui fait de terribles cauchemars avec de la violence et qui n'est tout simplement plus le même. Des enfants peuvent également être des victimes secondaires du trouble de stress post-traumatique.

Le président : A-t-on fait des comparaisons avec ce qui se fait pour les premiers intervenants qui sont également victimes de ce trouble, comme les pompiers, les policiers et les autres personnes exposées à des situations traumatisantes? Il peut arriver qu'ils souffrent du trouble de stress post-traumatique non pas parce qu'ils ont été blessés eux-mêmes, mais parce qu'ils ont été témoins de souffrances terribles. Avez-vous obtenu des données qui ont été recueillies sur ces cas? Je pense aux hôpitaux et aux soins tertiaires fournis par les urgences dans les hôpitaux. Les intervenants ayant vécu de telles situations sont obligés d'apprendre à vivre avec le souvenir qu'ils en gardent. Les connaissances acquises dans ces autres milieux pourraient-elles être applicables aux militaires?

Mme Evans : Je suis certaine que des données existent. À ce que je sache, nous n'avons financé aucune recherche. Toutefois, nous versons de l'argent directement à l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, qui a peut-être financé des études dans ce domaine. J'imagine que les Services de santé du ministère de la Défense nationale ont des liens avec les autres acteurs de ce milieu, mais, pour notre part, nous n'avons pas exploré ce qui se fait ailleurs.

Le président : Merci.

Comme le Sénat commence à siéger sous peu, aucun autre sénateur n'est en mesure de rester plus longuement. Par conséquent, au nom du sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense nous vous remercions beaucoup, madame Evans, et nous remercions du fait même le personnel, les bénévoles et les donateurs de True Patriot Love. Vous accomplissez un travail formidable pour les soldats, les anciens combattants et leurs familles. Nous vous en remercions énormément.

Mme Evans : Tout le plaisir est pour moi.

(La séance est levée.)


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