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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 8 - Témoignages du 29 octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2014

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 12, pour poursuivre son étude sur les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les blessures de stress opérationnel et les autres problèmes de santé mentale des anciens combattants.

[Traduction]

La séance d'aujourd'hui porte plus précisément sur les programmes de santé mentale, les services et le soutien offerts par l'entremise de l'Unité interarmées de soutien du personnel, des centres intégrés de soutien du personnel, des centres de ressources pour les familles des militaires et des centres de soutien pour trauma et stress opérationnels. Nous devrions épingler ces appellations à un mur, car nous ne pourrons plus vous suivre lorsque vous commencerez à employer des acronymes.

Nous allons entendre trois représentants de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes : le colonel Gerry Blais, directeur, Gestion de soutien aux blessés et Unité interarmées de soutien du personnel; le colonel Russell Mann, directeur, Services aux familles des militaires; et la lieutenant-colonel Alexandra Heber, MD, FRCPC, chef de Section, programmes cliniques, Direction de la santé mentale, Service de santé des Forces canadiennes.

Je crois comprendre que vous avez chacun certains renseignements généraux à nous présenter pour nous aider à comprendre ces services de soutien. Nous allons commencer par le colonel Blais. Ce sera ensuite au tour du colonel Mann et, enfin, de la lieutenant-colonel Heber.

Avant de vous donner la parole, le sénateur While, la sénatrice Stewart Olsen et moi aimerions souhaiter la bienvenue à des invités spéciaux. Je vais demander à la sénatrice Stewart Olsen, la vice-présidente du comité, de nous dire de qui il s'agit.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, sénateur. Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue aujourd'hui à des participants du programme Compagnons courageux, qui sont ici avec leurs chiens d'assistance pour appuyer l'adoption de normes visant l'utilisation de ces animaux dans le traitement du stress post-traumatique. Je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. Nous sommes très heureux qu'ils aient pu se joindre à nous aujourd'hui. Merci.

Le président : Merci. Nous sommes très heureux de vous compter parmi nous. Bien; commençons.

[Français]

Colonel Gerry Blais, directeur, Gestion de soutien aux blessés et Unité interarmées de soutien au personnel, Défense nationale et Forces armées canadiennes : Monsieur le président et membres du comité, j'ai le grand plaisir de vous parler des programmes et des services offerts au personnel des Forces armées canadiennes et à leurs familles, lorsqu'ils guérissent de blessures liées au stress opérationnel. Le colonel Russ Mann, directeur des services aux familles des militaires, et le lieutenant-colonel Alex Heber, psychiatre hautement respectée de la Direction de la santé mentale, se joignent à moi aujourd'hui.

[Traduction]

Quand un membre des Forces armées canadiennes subit une blessure physique ou mentale ou qu'il souffre d'une maladie qui le rend inapte à assumer ses fonctions habituelles, il est admis au programme Prendre soin des nôtres, qui comprend trois étapes : le rétablissement, la réadaptation et la réintégration. Le programme est axé sur la compassion, est adapté aux besoins du militaire et n'a pas d'échéance fixe, puisque le temps de guérison d'une maladie ou d'une blessure est variable.

Ce sont principalement nos professionnels de la santé qui s'occupent du rétablissement et de la réadaptation physique et mentale, tandis que le militaire, le personnel médical et la chaîne de commandement se partagent la responsabilité à l'étape de la réintégration. L'Unité interarmées de soutien du personnel et son réseau de 24 centres intégrés de soutien du personnel, qui comptent 177 employés civils et 199 employés en uniforme, sont au cœur de l'étape de la réintégration. Les centres emploient aussi des spécialistes du soutien familial, spirituel, social et financier ainsi que des gestionnaires de cas des services de santé des Forces armées canadiennes de même que des membres du personnel d'Anciens Combattants Canada, qui sont tous regroupés à un seul endroit. Cette collaboration facilite grandement la prestation de soins approfondis aux militaires et aux membres de leur famille.

La famille est essentielle à la réussite de chacune des trois étapes. Elle partage la douleur et les souffrances du militaire ou de l'ancien combattant, peu importe la gravité de son problème physique ou mental. Afin de s'assurer qu'ils font partie du processus, qu'ils sont bien informés et qu'ils ont accès à du soutien, les membres de la famille peuvent toujours accompagner leur être cher à ses rendez-vous et à ses rencontres. Les centres intégrés de soutien du personnel recourent également aux services d'un officier de liaison avec les familles, un travailleur social qui collabore de façon harmonieuse avec le centre de ressources pour les familles des militaires local afin de s'assurer qu'elles connaissent l'ensemble des programmes et des services disponibles et qu'elles y ont accès.

[Français]

Le programme Sans limites offre accès à de l'équipement, à de l'instruction et à des activités, y compris au mentorat par des membres expérimentés de l'équipe, des athlètes, des entraîneurs et des instructeurs de calibre mondial. Il vise précisément à assurer que les membres du personnel qui sont malades et blessés continuent d'avoir un mode de vie sain et actif. La participation au programme est à la hausse, et les résultats sont réellement encourageants dans le cas de blessures physiques et mentales.

[Traduction]

L'aide accordée par le Programme de soutien social aux victimes de blessures de stress opérationnel complète les soins cliniques fournis par les professionnels de la santé mentale des Forces armées canadiennes, notamment les soins offerts à ceux qui souffrent d'une blessure psychologique ou d'une maladie mentale. Un groupe de militaires et d'anciens combattants qui avaient été déployés dans des théâtres d'opérations ont réalisé les avantages que peut procurer le fait de raconter leur expérience et ont mis sur pied un réseau de soutien mutuel. Depuis ce temps, le SSBSO est devenu un programme bien établi qui est géré en partenariat avec le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada et qui comprend un volet axé sur les membres des familles qui vivent avec une personne souffrant des suites d'un traumatisme lié au stress opérationnel. Les services sont offerts par 54 pairs présélectionnés et employés à titre de fonctionnaires ainsi que par un solide réseau de bénévoles qualifiés. Chaque membre du réseau possède une expérience directe et une connaissance pratique des traumatismes liés au stress opérationnel et sait ce que cela représente de vivre avec une personne qui en souffre.

[Français]

Dans le cas des personnes dont les soins transitent de nos services vers ceux d'Anciens Combattants Canada, nous offrons un vaste éventail de programmes et de services pour répondre à leurs besoins précis en termes de recyclage et de perfectionnement professionnel, et d'encadrement pendant leur carrière.

Nous offrons aussi des possibilités d'emploi par l'entremise d'une variété de partenariats avec le secteur privé et les organismes de bienfaisance enregistrés qui comprennent les notions liées au placement professionnel, au perfectionnement des compétences en entrepreneuriat et au franchisage.

Malheureusement, le temps ne me permet pas de décrire l'étendue et la portée des programmes en place qui peuvent aider les personnes malades et blessées, mais je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci, colonel Blais.

[Traduction]

Colonel Russell Mann, directeur, Services aux familles des militaires, Défense nationale et Forces armées canadiennes : Chers membres du comité, mesdames et messieurs, bonjour. Je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour vous éclairer sur le Programme de services aux familles des militaires et sur le rôle des officiers de liaison avec les familles.

Nous savons que la majorité des familles vont bien, qu'elles sont prospères, mais un grand nombre d'entre elles connaissent encore des difficultés malgré les programmes et les services mis à leur disposition. Le recours à des officiers de liaison avec les familles a été instauré en 2008 pour remédier aux besoins changeants et complexes des familles des militaires. Ces travailleurs sociaux, qui sont employés par les centres de ressources pour les familles des militaires, mais qui exercent leurs activités dans les centres de soutien intégré du personnel, s'occupent des familles des militaires malades et blessés tout au long de leur processus de rétablissement, de réadaptation et de réintégration.

Nous savons que les problèmes de santé mentale n'affectent pas uniquement la personne qui en souffre. C'est pourquoi les officiers de liaison s'efforcent d'appuyer l'équipe des CSIP en fournissant régulièrement des soins, des services et du soutien aux familles des membres des Forces armées canadiennes qui sont aux prises avec une maladie ou une blessure ou qui ont des besoins particuliers, ou aux familles des militaires qui sont morts en service. Ils offrent entre autres des services de consultation en cas de crise, des services de sensibilisation et d'éducation de la collectivité ainsi que des services de consultation et d'encadrement à l'intention des membres d'une famille qui sont malades ou blessés. À l'heure actuelle, 32 officiers de liaison avec les familles travaillent à 28 endroits différents au Canada.

Durant l'exercice financier de 2013-2014, un total de 1 585 familles a bénéficié de leurs services. Le programme a coûté 2,7 millions de dollars au ministère. Depuis 2008, le nombre de familles qui a recours aux services d'un officier de liaison a augmenté pour atteindre le nombre actuel.

Malgré la fin des grandes opérations de combat en Afghanistan, les officiers de liaison continuent de travailler auprès de familles de militaires qui sont aux prises avec des relations familiales difficiles, des blessures physiques, des problèmes de santé mentale, des périodes de deuil et des difficultés de transition qui sont parfois accompagnés de problèmes financiers liés à l'emploi. Un grand nombre de prestataires de services locaux dirigent les familles vers des officiers de liaison. Il s'agit du médecin-chef d'une base ou d'une escadre, de l'aumônier d'une base ou d'un membre du personnel du Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces prestataires sont chargés d'offrir différents soins de santé mentale — sur les plans médical, spirituel, psychiatrique, psychologique ou social — aux familles des militaires et aux enfants à charge.

Un parent, un partenaire ou un enfant blessé constitue une grande menace pour l'unité des familles de militaires, même les plus résistantes. L'officier de liaison est une ressource essentielle pour aider à présenter, à promouvoir et à faciliter des démarches éprouvées qui peuvent favoriser la croissance de ces familles et leur retour à la normale.

Lieutenant-Colonel Alexandra Heber, psychiatre et chef de section des programmes cliniques, Direction de la santé mentale, Service de santé des Forces canadiennes : Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître et de tout le bon travail que vous faites en examinant les soins offerts aux membres des Forces armées canadiennes, à nos anciens combattants et à leurs familles.

Pour mettre mes commentaires d'aujourd'hui en contexte, j'aimerais vous parler un peu de mon expérience. Je travaille dans le domaine des soins de santé et de la santé mentale depuis près de 40 ans. J'ai d'abord été infirmière, et je suis maintenant psychiatre. J'ai accepté en 2003 un poste de psychiatre civile à la clinique de santé mentale des Forces canadiennes à Ottawa. Trois ans plus tard, j'ai décidé d'endosser l'uniforme.

Ma décision de me joindre aux Forces armées canadiennes était en partie motivée par mon désir d'être déployée en Afghanistan, et je m'y suis rendue en 2009. Ce fut le point culminant de ma carrière militaire. Je considère par ailleurs que les 11 dernières années, que j'ai passées au service de nos militaires, comme civile puis comme militaire moi-même, constituent le plus grand privilège qui m'a été donné dans toute ma vie professionnelle.

Avant d'aller travailler à notre principale clinique de santé mentale il y a un an, j'ai occupé pendant 10 ans les fonctions de chef des soins cliniques en santé mentale au centre de soins pour trauma et stress opérationnels, ici à Ottawa. J'ai donc travaillé au sein des systèmes de santé civil et militaire, et je dois vous dire que je suis chaque jour impressionnée par l'accessibilité et la qualité des soins offerts ainsi que par la collaboration et la communication entre les différentes sections dans le système de santé militaire. Je peux vous assurer qu'il n'y a rien de comparable dans le monde civil au Canada.

Par exemple, je n'ai jamais eu de rapports étroits avec les médecins de famille de mes patients dans le milieu civil, rapports dont je profite dans les Forces armées canadiennes. À la clinique d'Ottawa, les médecins de famille ont leur bureau un étage au-dessus des services de santé mentale, et je vois souvent un de mes cliniciens monter ou un médecin de famille descendre pour discuter d'un patient commun. Ce sont des relations de travail très étroites.

L'objectif de tous les professionnels des 26 cliniques de santé mentale des Forces canadiennes situées un peu partout au Canada est de permettre aux militaires de reprendre leurs activités à plein temps, dans la mesure du possible. Pour y arriver, nous devons leur offrir le meilleur traitement suivant leur état. Nous travaillons donc au sein d'équipes multidisciplinaires pouvant inclure des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux, des infirmiers en santé mentale, des conseillers en toxicomanie, des pharmaciens et des aumôniers spécialisés. Chaque membre apporte à l'équipe une expérience et un ensemble de compétences particulières permettant d'améliorer les soins offerts à nos patients.

J'aimerais mettre 1' accent un instant sur les centres de soutien pour trauma et stress opérationnels. Ces cliniques spécialisées dans le traitement des troubles de stress post-traumatique et des autres blessures liées au stress opérationnel ont été mises sur pied en 1999 par ordre du général Roméo Dallaire afin de répondre aux besoins en santé mentale des militaires à la suite des déploiements difficiles des années 1990 au Rwanda, en Somalie et en Bosnie.

Nous avons aujourd'hui plus de sept de ces centres au Canada, et chacun joue un rôle régional en plus d'assumer une fonction de sensibilisation pour coordonner et appuyer tous les efforts de réadaptation et de réintégration. Le personnel y travaille donc en étroite collaboration avec les employés des centres intégrés de soutien au personnel, dont le colonel Blais vous a déjà parlé.

Les centres de soutien pour trauma et stress opérationnels emploient des équipes multidisciplinaires composées de cliniciens hautement qualifiés, souples et créatifs qui procèdent à une évaluation, offrent un diagnostic et supervisent le traitement de militaires souffrant de troubles de santé mentale à la suite d'un déploiement. Le personnel des centres voit également à éliminer tout obstacle qui existe dans la prestation des soins. Par exemple, il y a de nombreuses années, nous avons commencé à soigner les conjoints ou les membres de leur famille « pour le bien du militaire », même si nous n'avons pas de mandat direct à cette fin selon la Loi sur la défense nationale. Nous offrons donc des thérapies aux couples et aux familles, de même que du soutien et de l'information sur les blessures liées au stress opérationnel aux conjoints et aux parents de nos patients.

De plus, au centre de soutien d'Ottawa, nous demandons à chaque militaire devant être évalué d'inviter son conjoint ou sa conjointe à l'entrevue. C'est ce que nous faisons depuis de nombreuses années. Nous incluons ainsi la famille dans le traitement dès le début du processus.

Nous avons également établi des partenariats avec de nombreuses organisations ne relevant pas des Forces armées canadiennes, y compris les cliniques pour blessures liées au stress opérationnel du ministère des Anciens Combattants qui se trouvent un peu partout au pays. Ici, à Ottawa, nous collaborons étroitement avec la clinique pour blessures liées au stress opérationnel qui se trouve à l'Hôpital Royal.

Lorsque les militaires se préparent à quitter les Forces armées canadiennes, nous les aiguillons souvent vers cette clinique quelques mois avant leur départ pour qu'ils puissent rencontrer les médecins et les thérapeutes qui prendront la relève. Des organisations homologues dont la culture est semblable à la nôtre, notamment la police provinciale, la GRC et, récemment, le Service des incendies d'Ottawa, nous demandent d'ailleurs souvent de leur enseigner notre approche en ce qui a trait au stress opérationnel, au suicide et à la gestion des questions de santé mentale en milieu de travail.

En médecine, on dit souvent que nos patients sont nos meilleurs enseignants. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui pour vous transmettre à mon tour ce que mes patients m'ont appris.

Le président : Merci beaucoup, colonel Heber. Nous vous remercions des explications que vous nous avez tous fournies. Avant de donner la parole aux sénateurs, et j'ai la liste de ceux qui aimeraient participer à la discussion, pouvez-vous nous dire où vous vous trouvez dans la hiérarchie militaire?

LCol Heber : Je suis psychiatre de formation. Je travaille à la Direction de la santé mentale, qui supervise les soins de santé mentale partout au pays, de même que la recherche et la formation qui s'y rattachent. Mon travail consiste à superviser les soins cliniques d'un bout à l'autre du pays.

Le président : S'agit-il des centres de soutien pour trauma et stress opérationnels?

LCol Heber : Nous avons 26 cliniques de santé mentale au Canada. Leurs tailles varient. Une clinique qui emploie 40 professionnels, comme celle d'Ottawa, est considérée comme grande. Les grandes cliniques comprennent des centres spécialisés de soutien pour trauma et stress opérationnels, qui ont commencé à être créés en 1999. Ces centres donnent une partie des soins.

Mon travail consiste à superviser l'ensemble des soins de santé mentale offerts au sein de ma direction. De toute évidence, les militaires ne souffrent pas seulement de stress post-traumatique à la suite d'un déploiement. Comme le grand public, ils peuvent aussi souffrir de dépression et d'anxiété. Ils peuvent avoir toutes sortes de problèmes, comme des problèmes de couple, pour lesquels ils doivent consulter quelqu'un. Nous offrons donc tous ces services.

Le président : Relevez-vous des Services de santé des Forces canadiennes?

LCol Heber : En effet. Je fais partie des Services de santé des Forces canadiennes, ce qui signifie que je rends des comptes à mon patron, qui rend des comptes au médecin-chef.

Le président : Je vois.

Col Blais : En tant que commandant de l'Unité interarmées de soutien au personnel, je relève directement du chef du personnel militaire, qui lui relève du chef d'état-major de la Défense. Nos interactions sont très étroites. C'est d'ailleurs une chose qui tient à cœur aux officiers supérieurs, et la raison pour laquelle ils ont établi une structure aussi étroite.

Col Mann : Les Services aux familles des militaires font partie des Services de bien-être et moral des Forces canadiennes, dont le commodore Mark Watson est le directeur général. M. Watson relève directement du chef du personnel militaire, le lieutenant-général David Millar.

Le président : En fin de compte, vous relevez tous les deux du chef du personnel militaire. Je vais commencer par la vice-présidente du sous-comité, la sénatrice Olsen.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d'être ici; nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. J'ai des questions plutôt différentes. Quelle est la durée de la période de transition? Je sais que vous aidez des militaires lorsqu'ils quittent les forces armées. Quelle est la durée de la période de transition qui précède leur prise en charge par le ministère des Anciens Combattants? Les services que vous avez décrits sont-ils interrompus?

Col Blais : C'est une bonne question, une question d'actualité. Les services de transition sont la priorité de mon organisation; nous voulons bien faire les choses. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, chaque cas est différent, et il n'y a pas de moment précis où nous dirigeons un militaire vers le ministère des Anciens Combattants. Lorsqu'une personne consulte son médecin, si la blessure est assez grave, on lui attribue une catégorie médicale temporaire, qui est révisée aux six mois. On peut établir une série de catégories temporaires jusqu'à ce que l'état de santé se stabilise. À ce moment, on attribue une catégorie permanente. Cela peut prendre jusqu'à trois ans avant qu'une catégorie permanente soit établie.

Lorsque la catégorie est déterminée, la liste des contraintes à l'emploi est envoyée au directeur de l'administration des carrières militaires, qui décide, en fonction des normes d'universalité du service, si la personne peut demeurer dans son groupe professionnel actuel, si elle doit être affectée à d'autres fonctions, le cas échéant, ou si la seule option possible est la libération. À partir de là, selon la situation, on peut accorder à la personne jusqu'à trois autres années pour achever la transition, afin que tous les soins nécessaires soient en place.

En ce qui concerne le pont entre nous et Anciens Combattants Canada, les Centres intégrés de soutien du personnel du ministère des Anciens Combattants travaillent directement avec nos employés. Dans les six mois suivant la libération du militaire, des informations liées à son dossier peuvent être transmises par les gestionnaires de cas des Services de santé des Forces canadiennes aux gestionnaires de cas du ministère des Anciens Combattants. Nous nous assurons que la transition se déroule le plus harmonieusement possible.

La sénatrice Stewart Olsen : Les officiers de liaison avec les familles dont vous avez parlé travaillent à 28 endroits au pays. Est-ce principalement en milieu urbain ou en milieu rural?

Col Blais : On peut les trouver partout où il y a un établissement des Forces canadiennes.

La sénatrice Stewart Olsen : Ils travaillent dans les bases.

Col Blais : Exactement.

La sénatrice Stewart Olsen : Selon vous, la prestation de services dans les régions rurales pose-t-elle problème?

Col Blais : Parlez-vous des services de soins de santé ou des services administratifs?

La sénatrice Stewart Olsen : Des soins de santé, en particulier les soins de santé mentale, car c'est la question sur laquelle nous nous penchons.

Lcol Heber : Partout où des militaires sont en poste, il y a des services de santé et, par conséquent, des services de santé mentale. Comme je l'ai déjà dit, nous avons 26 cliniques de santé mentale un peu partout au pays. Leur taille peut varier; dans les petites cliniques, il peut y avoir un ou deux travailleurs sociaux, et dans les grandes, entre 30 et 40 cliniciens. Tout dépend de la taille de la base ou du détachement. Même là où nous n'avons pas ce type de ressources en santé mentale, il y a un médecin de famille ou un médecin militaire généraliste qui est formé, comme les médecins de famille dans la collectivité, pour diagnostiquer et traiter les troubles de santé mentale. Lorsqu'une aide est nécessaire, il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire.

J'ai mentionné les CSTSO. Dans les petites bases, les médecins peuvent envoyer leurs patients à un CSTSO pour une évaluation et des recommandations au sujet des soins appropriés. Nous pouvons aussi utiliser les services de fournisseurs dans la collectivité. Si nous n'avons pas suffisamment de personnel à l'interne pour rencontrer les patients, nous pouvons payer des fournisseurs ou des psychologues dans la collectivité afin qu'ils fournissent des services de thérapie.

La sénatrice Stewart Olsen : À ce propos, quelle place l'ancien combattant occupe-t-il dans tout cela? Vous parlez des militaires en service actif qui travaillent dans les bases, mais quelle est la place des anciens combattants? En ont-ils une? Peuvent-ils utiliser les services offerts sur la base? Comment cela fonctionne-t-il?

Lcol Heber : Il y a environ cinq ans, Anciens Combattants Canada a mis sur pied neuf ou dix cliniques de traitement des TSO au pays. Ce sont nos cliniques sœurs. Le ministère a créé ces cliniques pour répondre aux besoins des anciens combattants, en particulier, comme l'a dit le colonel Blais, ceux qui étaient aux prises avec beaucoup de problèmes. C'est la raison pour laquelle nous avons formé des partenariats très étroits avec ces cliniques. Plus particulièrement, nous veillons à mettre en contact les personnes ayant des problèmes complexes avec quelqu'un de la clinique de traitement des TSO alors que nous leur fournissons encore des soins. Vous avez raison, c'est différent des services militaires; en fait, la prestation des services est principalement assurée par les régimes provinciaux de soins de santé, mais Anciens Combattants Canada finance ces cliniques.

Le président : C'est une information utile.

Le sénateur White : Je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui.

J'ai deux questions. Les psychologues parlent souvent des séances d'élaboration d'outils psychologiques pouvant être offertes avant le déploiement et permettant aux psychologues de déterminer quelles personnes ne devraient pas être envoyées en déploiement. Que font les forces armées actuellement sur le plan de l'élaboration d'outils psychologiques avant le déploiement?

Lcol Heber : Il y a un programme qui a été élaboré et qui est aussi offert à ma direction; on l'appelle En route vers la préparation mentale. Ce programme était initialement une formation sur la santé mentale offerte avant le déploiement, mais il a été élargi. Nous nous rendons compte que nous ne devrions pas attendre à la veille du déploiement pour enseigner aux militaires des méthodes qui leur permettra de se calmer, de savoir quoi faire lorsqu'ils sont très stressés et de déceler les problèmes pour lesquels ils pourraient avoir besoin d'aide.

Le programme En route vers la préparation mentale et cet ensemble de formations sont offerts dans nos cours de leadership; cela veut dire que les militaires y ont accès de leur entrée dans les forces armées jusqu'à leur libération. Les dirigeants peuvent également aider à détecter les situations où des militaires sont aux prises avec certains problèmes.

Le sénateur White : Pourriez-vous nous faire parvenir des documents d'information relativement à ce programme, afin que les membres du comité puissent les consulter?

Lcol Heber : Certainement.

Le président : Veuillez les envoyer à la greffière.

Le sénateur White : Ce n'était pas ma deuxième question, monsieur le président.

Le président : C'était simplement un commentaire amical.

Le sénateur White : Ma deuxième question porte sur le mécanisme d'encadrement. Lorsqu'il est question de maladie — j'omettrai le mot « mentale » —, il existe des mécanismes d'encadrement très efficaces, par exemple pour les patients atteints de cancer. Pour bien des gens, le mot « stigmatisation » signifie être laissés seuls. Cette stigmatisation s'amplifie, car on est seul. Elle s'amplifie lorsqu'on doit s'absenter du travail pour une journée, par exemple, si on vit à Petawawa et qu'on a un rendez-vous médical à l'hôpital Royal Ottawa. Les forces armées ont-elles mis en place un réel programme d'encadrement? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous le décrire et nous dire à quoi ressemblerait une journée d'encadrement? Dans la négative, pourquoi?

Lcol Heber : Vous allez devoir me dire ce que vous entendez par programme d'encadrement.

Le sénateur White : Voici un exemple de ce que serait le mécanisme d'encadrement. On constate qu'un militaire connaît des difficultés après un déploiement. Il vient de revenir au pays et il a besoin d'aide et d'un traitement. On lui explique comment cela fonctionne. Quelqu'un pourrait lui dire : « Je peux te conduire au Royal Ottawa, et voici ce qui va se passer à ton arrivée. » Au Centre de survie du cancer, ici à Ottawa, la préposée à l'accueil est travailleuse sociale de formation et ne s'adresse pas aux gens comme une préposée ordinaire. Il s'agit d'aider les gens qui sont déjà confrontés à d'autres problèmes à s'y retrouver.

Col Blais : C'est une excellente question. Je suis fier de dire que nous nous sommes attaqués à ce problème sur deux fronts. Lorsqu'il est reconnu qu'une personne mettra plus de six mois à se rétablir de sa maladie ou de sa blessure, cette personne est mutée à l'Unité interarmées de soutien du personnel, dont j'ai le privilège d'être le commandant et qui compte un peu plus de 2 000 militaires. Une équipe est chargée de s'occuper des militaires à leur arrivée. Nous avons des fonctionnaires qui s'occupent du volet des services, et des militaires qui forment la chaîne de commandement. Ce service leur est offert au cas où ils auraient besoin, par exemple, de rendez-vous ou d'autres services administratifs.

Il y a également le Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel. Il s'agit du soutien par les pairs, des personnes ayant déjà participé à des missions et ayant elles-mêmes souffert de problèmes de santé mentale. Après leur libération des forces et leur rétablissement, elles nous fournissent un certificat médical attestant qu'elles sont bien rétablies. Elles suivent ensuite une formation qui leur permet d'offrir du soutien aux militaires, de les diriger, de les écouter et de s'assurer qu'ils obtiennent l'aide dont ils ont besoin.

Le sénateur White : J'ai entendu dire que c'est là où les militaires ont la possibilité d'être jumelés avec quelqu'un. Est-ce bien cela?

Col Blais : Oui.

Le sénateur White : Ils sont jumelés avec une personne. Quelqu'un s'occupe spécialement d'eux, et c'est toujours la même personne.

Col Blais : Exactement. C'est une relation individuelle.

Le sénateur White : Pourriez-vous nous fournir des renseignements à ce sujet également?

Col Blais : Certainement.

Le président : Cela nous serait utile. Nous tentons de comprendre tous ces programmes. C'est parfois difficile pour quelqu'un qui ne porte pas l'uniforme et qui n'entend pas beaucoup parler de ces questions. J'imagine qu'un militaire qui se consacre à son travail et qui se rend compte qu'il a besoin d'aide ne sait peut-être pas à qui s'adresser. Nous espérons que vous pourrez nous aider à comprendre qu'il ne sera pas laissé à lui-même et qu'il saura où trouver de l'aide.

Le sénateur Enverga : Nous nous penchons sur les blessures de stress des anciens combattants canadiens. Est-ce que vous collaborez avec d'autres pays, comme les États-Unis, l'Australie ou le Royaume-Uni? Comment compareriez-vous leurs services par rapport aux nôtres?

Lcol Heber : À bien des égards, nous faisons souvent l'envie de nos alliés sur le plan des services de santé. Au risque de paraître un peu prétentieux, quand nous prenons part aux réunions des groupes d'experts de l'OTAN, des gens examinent les initiatives novatrices que nous avons mises en place, comme le Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel, et la façon dont nous offrons nos services de santé, en collaboration avec le ministère des Anciens Combattants, en veillant à ce que les patients soient pris en charge. Nous faisons bonne figure.

Col Blais : Nous avons reçu la visite d'un certain nombre de nos alliés et nous sommes aussi allés les visiter. Je dirais que nous sommes l'un des chefs de file sur le plan de la prestation de services à nos militaires et des ressources que nous y consacrons afin qu'ils obtiennent l'aide dont ils ont besoin.

Le sénateur Enverga : C'est très bien. On dirait que nous sommes en tête de peloton. Y a-t-il d'autres recommandations? Y a-t-il autre chose que nous devrions faire pour nos militaires?

Col Blais : De notre point de vue, je pense que nous fournissons des services dans la plupart voire la totalité des domaines requis. Nous tentons d'améliorer nos services. Nous tentons de collaborer encore plus étroitement avec le ministère des Anciens Combattants afin que lorsque les militaires quittent les Forces canadiennes, ils puissent avoir accès sans délai aux services du ministère des Anciens Combattants. Nous tentons d'harmoniser le plus possible les programmes afin que les normes relatives aux soins ne varient pas d'une organisation à l'autre.

Le sénateur Enverga : Ils seront prêts à faire face au monde réel?

Col Blais : Exactement.

Lcol Heber : Il y a un autre programme pour lequel nous collaborons étroitement avec le ministère des Anciens Combattants et son réseau de cliniques de traitement des TSO. Nous mettons en place un système de mesure des résultats relativement aux thérapies et aux traitements. Le patient remplit un questionnaire chaque fois qu'il se présente. L'information est ensuite analysée et transmise à son fournisseur de soins et à son clinicien. On vérifie les progrès réalisés au cours du traitement. Le clinicien et le patient s'assurent ensuite ensemble que les résultats correspondent aux objectifs.

Nous avons des cliniciens très compétents. Ils ont reçu beaucoup de formation. Nous mettons maintenant en place un système de suivi afin de vérifier si nous obtenons les résultats que nous souhaitons. Le ministère des Anciens Combattants a d'abord travaillé à ce système avec l'entreprise qui l'a mis au point. Il nous aide maintenant à le mettre en place. D'ici la fin de 2015, il sera utilisé dans toutes nos cliniques au Canada.

Le sénateur Enverga : Lorsque les militaires ont terminé un programme et qu'ils sont prêts, leur nom est-il ajouté à une base de données, afin qu'ils puissent obtenir un emploi dans le monde extérieur?

Col Blais : Nous avons un programme de transition. Nous collaborons avec un grand organisme caritatif, la Compagnie Canada. Il y a le Programme d'aide à la transition de carrière pour les militaires : plus de 200 employeurs du secteur privé, qui sont membres du programme, affichent leurs offres d'emploi sur le site. Les militaires peuvent aussi y afficher leur CV et chercher activement un emploi. Les entreprises peuvent consulter les CV, et nous mettons les militaires en contact avec les employeurs afin qu'ils trouvent un emploi.

Le sénateur Enverga : Existe-t-il un mécanisme de suivi?

Col Blais : Oui. Nous avons établi un partenariat dans cette démarche avec Anciens Combattants Canada, dont trois membres du personnel sont intégrés; nous travaillons donc ensemble à ce programme.

Le président : Je vous remercie de votre participation.

Col Mann : J'aimerais ajouter qu'il y a une dimension familiale à la continuité qui est non clinique, mais qui est très importante, d'après nos recherches. Elle s'applique aux fournisseurs de soins, aux conjoints et aux partenaires des militaires souffrant de BSO ou de SPT. Les questions liées à l'emploi et au revenu du ménage deviennent la principale préoccupation des familles, et notre plus récent sondage sur la qualité de vie indique que le revenu déclaré du ménage et l'emploi du conjoint sont importants.

Nous avons un réseau de 32 centres de ressources pour les familles dans les bases du pays. Ce sont des organismes sans but lucratif, mais le directeur des Services aux familles des militaires est en mesure de fournir l'essentiel du financement et les programmes nationaux. La fin de semaine dernière, nous avons rencontré les directeurs exécutifs, à Cornwall, pour leur dire que nous devons en faire davantage sur le plan de l'aide à l'emploi et que nous devons mettre en place un réseau d'employeurs, un peu comme on l'a fait dans le Programme d'aide à la transition de carrière pour les militaires, pour deux cohortes. Il y a le déménagement des familles; c'est notre mode de vie militaire. Mais lorsqu'il est question de transition, sénateur, on vise en fait à modifier les facteurs liés au revenu du ménage grâce au perfectionnement scolaire et aux bonnes relations avec les employeurs dans les secteurs qui conviennent très bien aux compétences et à l'expérience du conjoint.

Cette option est sous-exploitée. Nos recherches démontrent que nos conjoints pourraient contribuer davantage au revenu du ménage, et nous entendons agir en ce sens, mais nous entendons le faire pendant la transition, en cherchant à collaborer avec le ministère des Anciens Combattants.

Pour ce qui est de l'autre point, les Centres de ressources pour les familles des militaires offrent toute une gamme de services, et nous nous employons, avec Anciens Combattants Canada, à trouver des moyens d'étendre ces services, afin qu'ils ne soient pas seulement offerts aux familles des anciens combattants, mais aussi aux anciens combattants eux-mêmes durant leur transition. Nous sommes résolus à rendre ces services plus accessibles aux vétérans de notre communauté militaire.

Le président : Nous avons reçu une représentante de l'Université Queen, Mme Alice Aiken, qui nous a parlé des recherches qui sont effectuées à l'Université par 32 organismes, si je me souviens bien du nombre, sur les anciens combattants, leurs familles et le personnel militaire. On y effectue de la recherche, parfois clinique, parfois fondamentale, qui va vous aider, de même que tous les organismes que vous représentez, dans la prestation des services que vous offrez.

Comment faites-vous pour vous tenir au courant de toutes les recherches en cours, et pour vous assurer d'utiliser les meilleures pratiques exemplaires qui soient? Vous travaillez dans un domaine qui évolue rapidement.

Lcol Heber : C'est vrai. Tout d'abord, l'ICRSMV, l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, l'organisation dont Alice vous a parlé, s'occupe des recherches sur la santé, et cela touche tant la santé mentale que la santé physique. Les responsables organisent une rencontre tous les ans. Si on veut établir un partenariat avec des chercheurs, on peut financer l'ICRSMV pour qu'il leur confie la tâche de se pencher sur un sujet qui nous intéresse.

Nous avons aussi des partenaires dans d'autres universités qui, par l'entremise de l'ICRSMV, veulent faire de la recherche, mais nous avons aussi nos propres membres. Par exemple, quelques collègues psychiatres et moi avons entrepris une recherche sur les médicaments utilisés pour traiter les cauchemars liés au TSPT. Ce que nous nous efforçons de faire dans le domaine des soins de santé, c'est de choisir des sujets cliniques, c'est-à-dire des problèmes qu'ont nos patients, que nous voyons.

Encore une fois, au sein de la Direction de la santé mentale, nous avons une équipe de recherche en santé mentale dont le travail consiste à orienter la recherche et à déterminer les questions pour lesquelles nous avons besoin de réponses. Nous faisons un exposé chaque année à la rencontre annuelle de l'ICRSMV.

Le président : Faites-vous quelque chose avant l'apparition des symptômes, peut-être même avant le déploiement des militaires, pour aider les Forces armées à repérer d'éventuels points faibles ou un élément pour lequel les soldats auraient besoin de plus de conseils avant de se retrouver en zone de combat ou dans une situation traumatisante, afin qu'ils soient mieux préparés à y faire face? Faites-vous quelque chose pour améliorer les pratiques à cet égard?

Lcol Heber : Encore une fois, le programme dont j'ai parlé dans ma réponse au sénateur White porte sur cela. Le programme En route vers la préparation mentale vise essentiellement à préparer nos soldats au combat, aux situations stressantes, et aussi à préparer les membres et les dirigeants à reconnaître les premiers symptômes. Nous voulons intervenir le plus tôt possible. Le programme aide aussi à réduire la stigmatisation. Encore une fois, nous voulons que les gens sachent que la santé mentale est une question qui doit tous nous préoccuper, au même titre que la santé physique. Nous voulons qu'au lieu de tomber dans les préjugés, la personne qui commence à avoir des troubles de sommeil, à souffrir d'anxiété, à avoir peur de sortir de chez elle, qu'elle se dise « J'ai déjà entendu parler de ces symptômes et je devrais consulter pour avoir de l'aide et régler mon problème ». C'est notre objectif.

Le président : Comment informez-vous les gens des endroits où ils peuvent aller pour consulter et éviter de tomber dans les préjugés?

Lcol Heber : Le programme d'information En route vers la préparation mentale fait partie de la formation offerte aux militaires tout au long de leur carrière. Chaque fois qu'une personne est promue, elle doit suivre des cours et la formation en santé mentale en fait partie. Nous voulons que nos dirigeants aient de solides connaissances, si on veut, en santé mentale et qu'ils sachent repérer les gens qui commencent à ressentir des problèmes. Les gens sont donc informés dans le cadre des cours qui sont donnés afin que nous soyons certains de joindre tout le monde.

Le président : Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous aimeriez ajouter quelque chose, messieurs?

Col Blais : L'autre façon d'informer les gens, c'est par l'entremise de l'Unité interarmées de soutien du personnel. Tous les centres intégrés de soutien du personnel ont un coordonnateur responsable de la sensibilisation qui rencontre toutes les unités une fois tous les deux ans. Toutes les unités des Forces canadiennes sont rencontrées, y compris les unités de la Force de réserve. Elles sont informées des programmes et services qui sont à leur disposition.

Col Mann : C'est sensiblement la même chose du côté des Centres de ressources pour les familles des militaires. Encore une fois, nous nous occupons principalement des questions non cliniques. Nous disons que ce sont les conjoints et les partenaires qui font la force de nos militaires, et il y a une raison à cela. Lorsque tout va bien à la maison, les militaires sont concentrés sur la mission au moment du déploiement. Nous travaillons donc main dans la main avec les services de santé du programme En route vers la préparation mentale, mais en mettant l'accent sur l'aide aux familles avant et après le déploiement.

Les centres de ressources familiales assurent la prestation des services en collaboration avec les professionnels de la santé qui travaillent sur les bases et dans les autres installations partout au pays. Ils ont un mandat de soutien auprès des familles pendant que les membres sont déployés pour s'assurer qu'elles tiennent le coup, qu'elles restent unies, et qu'elles ont accès aux services en lien direct avec le déploiement, notamment le soutien aux blessés, la garde des enfants, les services de répit, les services de garde d'urgence, l'aide à l'emploi et les conseils d'une travailleuse sociale. C'est ainsi que nous pouvons voir venir les choses et commencer à sensibiliser les familles et à leur offrir du soutien avant même que les membres se préparent à partir.

Le président : Nous avons accueilli un groupe de cadets du Collège militaire royal. Puis-je présumer que les connaissances dont vous parlez seront transférées aux futurs dirigeants et commandants des Forces armées très tôt, soit lorsqu'ils sont encore au collège?

Col Blais : Tout à fait. On commence à les sensibiliser dès qu'ils reçoivent la formation de base des officiers.

Le président : Je suis heureux de l'entendre.

Col Mann : Notre équipe des services aux familles travaille aussi en collaboration avec les cellules de recrutement pour leur fournir de l'information de base sur le mode de vie militaire et sur ce à quoi les recrues doivent s'attendre. Les centres de recrutement que nous avons approchés à ce jour ont été enchantés de cette initiative. Nous avons donc l'intention de poursuivre nos efforts pour les joindre tous.

Le président : Il sera intéressant pour nous d'entendre le point de vue des responsables du recrutement sur l'information qu'ils reçoivent de vous et qu'ils transmettent ensuite. Nous allons faire du suivi sur ce point. Je vous remercie d'avoir porté le tout à notre attention.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous en sommes à la deuxième série de questions. Il nous reste un peu de temps pour les questions complémentaires que les membres ont parfois. Il doit s'agir de questions courtes et pointues qui appellent aussi des réponses courtes et pointues pour que nous puissions passer à autre chose. Je vais commencer par la sénatrice Stewart Olsen du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aurais simplement un point de clarification. Vous avez mentionné deux choses, les officiers de liaison avec les familles et les centres de ressources pour les familles. Y a-t-il une différence entre les deux ou s'agit-il de la même chose?

Col Mann : Les centres de ressources pour les familles des militaires sont des organisations de bienfaisance à but non lucratif et sont un produit dérivé du mandat que nous a confié le gouvernement du Canada il y a environ 23 ans. Nous avons le Programme de services aux familles, financé par le gouvernement fédéral, qui reçoit un budget de 27 millions de dollars pour ses 32 centres. Certains de ces centres embauchent un officier de liaison avec les familles, parfois plus, selon la demande. Valcartier, par exemple, en a deux. Ils travaillent dans les locaux du Centre intégré de soutien du personnel, car nous croyons au concept de guichet unique pour les membres et les familles qui sont aux prises avec un problème de TSPT ou de stress opérationnel, ou qui sont affectés au Centre intégré de soutien du personnel. Nous rendons le tout le plus simple possible pour que l'officier de liaison avec les familles puisse nouer des liens avec les membres de la famille qui accompagnent le membre, ou informer le membre des services qui sont offerts à sa famille. Les officiers de liaison font partie intégrante du Centre de ressources pour les familles des militaires, mais ils travaillent dans les locaux d'une autre unité, afin qu'ils puissent tisser des liens avec les familles qui arrivent au centre.

La sénatrice Stewart Olsen : Qu'en est-il des membres en service actif qui souffrent du TSPT? Est-ce qu'on les encourage à garder auprès d'eux leur chien d'assistance? L'armée est-elle en faveur de cela? Si ce n'est pas le cas, pourquoi pas?

Col Blais : Il y a deux éléments en jeu ici. Il y a l'élément santé, et il y a l'élément administration et carrière. Lorsque le traitement est en cours, si le médecin croit qu'un animal aiderait la personne à faire des progrès, il le mentionnera, et il mentionnera aussi en même temps les limitations d'emploi. Si un médecin confirme que la personne a besoin d'un animal ou que cela lui serait bénéfique, nous recevrons alors l'information, et si la personne a un chien accrédité, le chien peut l'accompagner au travail.

Le président : Ce sont des chiens qui aident les soldats blessés de différentes façons. Avez-vous dit que ces chiens sont fournis dans le cadre du programme offert par les forces armées?

Col Blais : Non, sénateur, je n'ai pas mentionné cela.

Le président : Je ne pensais pas que vous l'ayez fait.

Col Blais : Nous permettons qu'un animal accompagne une personne au travail, mais nous ne payons pas pour l'animal comme tel.

Le président : Est-ce pour des raisons budgétaires ou pour d'autres raisons?

Col Blais : Des recherches sont en cours. Anciens Combattants Canada mène actuellement des recherches sur l'utilité des chiens d'assistance. Nos services de santé sont très centrés sur la science. Il n'y a pas encore assez de recherches sur la question, et je ne veux pas répondre au nom du colonel Heber. Je vais vous laisser répondre à la question.

Lcol Heber : J'aimerais ajouter quelques points. Au sujet des chiens d'assistance, nous encourageons d'abord les membres qui ont des symptômes à venir consulter afin que nous puissions procéder à une évaluation en bonne et due forme et trouver le bon traitement pour eux. Il faut d'abord vérifier certains éléments.

Premièrement, s'agit-il bien du trouble de stress post-traumatique? Dans ce cas, le traitement sera quelque peu différent de celui d'une personne qui souffre d'une grave dépression ou d'une autre maladie mentale. Nous voulons nous assurer de traiter la bonne maladie.

Lorsqu'un membre obtient un chien d'assistance, cela signifie par conséquent qu'il ne fera pas carrière au sein de l'armée, car c'est incompatible avec le principe de l'universalité du service. C'est pourquoi je dis que nous encourageons les membres à venir nous consulter d'abord. Si un membre songe à se procurer un chien d'assistance, il devrait d'abord venir nous voir pour discuter des raisons. Quels problèmes éprouvez-vous? Êtes-vous déjà en traitement? Si vous n'êtes pas en traitement, commençons par là et voyons comment vont les choses. Dans certains cas, le TSPT se transforme malheureusement en maladie chronique, et la personne a alors besoin d'aide pour surmonter cette incapacité, si on veut. Très souvent, dans ce cas, un chien d'assistance lui sera très utile.

Ce que nous voulons éviter, c'est que des personnes mettent en péril leur carrière en ne voulant pas en parler et se faire traiter, parce qu'elles ont, en fait, de bonnes chances de se rétablir et de pouvoir demeurer au sein de l'armée si elles se font traiter.

Comme je l'ai mentionné à la sénatrice Stewart Olsen il y a quelques minutes, je travaille avec de nombreux organismes de chiens d'assistance au Canada et avec l'Office des normes générales du Canada, qui se rencontrent aujourd'hui pour entamer le processus d'établissement de normes nationales pour les organismes de chiens d'assistance et leur entraînement, et c'est une des causes dans lesquelles je me suis beaucoup impliquée personnellement. Ce qui est important pour nous également, c'est le processus d'examen des gens qui vont obtenir un chien d'assistance. Si un membre en service actif veut obtenir un chien, il est vraiment important qu'il passe par un processus d'examen pour savoir s'il est en traitement. A-t-il besoin d'autre chose avant qu'on envisage cette option?

Le président : Merci. C'est bon à savoir.

Le sénateur Enverga : Nous avons des services hors pair. Quel est le taux de succès? Y en a-t-il un? Combien de personnes vont s'en sortir et combien vont devoir revenir vous voir après leur sortie? Avez-vous des statistiques à ce sujet?

Col Blais : Voulez-vous dire côté santé? Par exemple, nous avons un programme de retour au travail, dès qu'une personne est affectée à l'Unité interarmées de soutien du personnel. Le médecin et la personne concernée discutent alors de sa date de retour au travail et de ce qu'elle peut faire. Les recommandations nous sont ensuite envoyées. Nous collaborons avec le médecin et la personne pour lui trouver un poste qui lui convient, au sein de l'armée ou, dans certains cas, au sein de la communauté. Il peut s'agir dans un premier temps d'aller au gym trois heures par semaine, des jours différents, pour finir par y aller cinq jours complets par semaine. Notre but est toujours de les voir réintégrer pleinement leur unité.

En ce moment, le taux de succès de notre programme de retour au travail, soit la réintégration complète des gens au sein de leur unité, est d'environ 35 p. 100.

Le sénateur Enverga : Il est de 35 p. cent.

Col Blais : Oui.

Lcol Heber : Je peux vous donner des statistiques sur le traitement du TSPT et ses résultats. Une fois de plus, je veux situer le tout en contexte.

Les données proviennent d'une étude menée à Gagetown auprès d'un groupement tactique d'infanterie composé de 792 soldats. Les soldats avaient été déployés en 2007 et ont consulté plus tard pour se faire soigner. C'est une des études que nous avons qui portent sur les résultats du traitement.

Encore une fois, il est important de se rappeler qu'il s'agit d'un groupement tactique d'infanterie. Le taux de TSPT au sein du groupement était probablement le plus élevé chez les membres déployés. Nous déployons des soldats dans toutes sortes de fonctions, mais dans le cas de ce groupement, bien sûr, les membres étaient déployés à l'extérieur du périmètre de sécurité, soit sur la ligne de front. Ce sont ceux qui risquent le plus d'être traumatisés.

Au sein de ce groupe, 45 p. 100 des gens qui ont été traités et suivis par la suite s'en sont sortis, se sont rétablis complètement, et ont été en mesure de reprendre le service à temps plein.

Un autre 28 p. 100 ont vu leur condition s'améliorer — ils ne se sont pas rétablis totalement, mais leur condition s'est améliorée — et ont pu reprendre en partie le service. Dans ce cas, les gens continuent d'être traités et le temps nous dira s'ils finiront par se rétablir totalement ou s'ils continueront d'avoir des symptômes ou une forme quelconque d'incapacité.

Enfin, environ 27 p. 100 ont vu leur condition s'améliorer, mais très peu. Dans ce cas, ce que nous faisons, nous continuons à les traiter pour maximiser leur qualité de vie et nous collaborons avec les CISP pour coordonner la transition la plus facile possible à la vie civile.

J'aimerais ajouter quelque chose, si vous le permettez, au sujet du 45 p. 100. Je le répète, près de la moitié des gens ont pu reprendre toutes leurs fonctions, se sont rétablis complètement, ce qui pour moi est un taux fantastique, en particulier parce qu'il s'agissait de gens qui se trouvaient concrètement sur la ligne de front.

Lorsque quelqu'un se rétablit complètement, une chose que je fais, en tant que son psychiatre, c'est de m'asseoir avec la personne — et c'est ce que fera un autre professionnel de la santé — pour savoir si elle souhaite continuer : voici vos choix et vous devez décider ce que vous voulez faire de votre vie.

Nous savons aussi que même lorsque les gens se sont rétablis pleinement, ceux qui subissent un nouveau traumatisme sont plus à risque de développer à nouveau les symptômes. Nous voulons que nos membres soient bien conscients des risques s'ils décident de rester dans l'armée pour y poursuivre leur carrière. Nous abordons donc toujours la question avec eux.

Le sénateur Enverga : Combien de temps dure le traitement en moyenne?

Lcol Heber : C'est difficile à dire. Une personne peut avoir besoin de 12 séances de psychothérapie, et une autre, d'être médicamentée pendant trois à six mois, ou pendant quelques années.

Le sénateur White : Merci beaucoup. Je pense que l'information nous sera en fait très utile. J'ai une question au sujet des professionnels en santé comportementale. J'aimerais savoir si nous avons des psychiatres et des psychologues qui sont déployés avec nos soldats. Si ce n'est pas le cas, pourquoi? Est-ce que cela a donné des résultats?

Je sais qu'aux États-Unis, à Fort Drum et ailleurs, cela a donné des résultats spectaculaires, à ce qu'on dit. Ma première question est donc : faisons-nous cela? Et ma deuxième : est-ce que cela donne de bons résultats?

Lcol Heber : Je ne me rappelle pas exactement en quelle année, mais quand nos soldats ont été stationnés dans la région de Kandahar, nous avons commencé à déployer une équipe en santé mentale. Lorsque nous avons acquis le statut de nation dirigeante de l'unité de rôle 3, nous étions essentiellement l'équipe de santé mentale pour tous les pays de l'OTAN. Après avoir cédé ce statut aux Américains, nous avons continué de déployer une équipe en santé mentale pour soigner principalement les soldats canadiens, mais aussi les autres au besoin. L'équipe était formée d'un psychiatre, et habituellement d'une à trois travailleuses sociales ou infirmières en santé mentale.

Le sénateur White : Est-ce que cela donne des résultats?

Lcol Heber : Je ne peux pas vous citer de recherches à ce sujet. Très honnêtement, je ne suis pas au courant des recherches menées à Fort Drum. Je sais toutefois qu'il est très difficile de mener des recherches sur la question, parce que le groupe est difficile à contrôler. Personnellement, est-ce que je pense que cela a donné des résultats? J'en suis convaincue, tout à fait.

Nous savons depuis la Première Guerre mondiale qu'il est bénéfique pour les soldats de déployer des experts en santé mentale au front. Nous pouvons les mettre à contribution plus rapidement, nous pouvons nous attaquer aux symptômes des soldats plus rapidement pour les contrôler, et c'est ce qui est le plus important pour les militaires. La dernière chose qu'ils souhaitent, c'est d'être rapatriés.

Le sénateur White : Cent ans plus tard, je présume que nous avons appris la leçon. Merci.

Lcol Heber : C'est ce que nous avons appris.

[Français]

Le président : Colonel Blais, vous avez mentionné le programme Sans limites.

[Traduction]

En anglais, on parle du Soldier On Program. Nous aimerions en savoir plus sur la formation qui est donnée sur l'utilisation de l'équipement et sur la source des fonds. Auriez-vous de l'information par écrit que vous pourriez nous faire suivre, ou en 30 secondes, pouvez-vous nous dire tout ce que nous voulons savoir à ce sujet?

Col Blais : Je pense que cela peut prendre un peu de temps, monsieur le président, mais je peux certainement vous fournir l'information par écrit.

Le président : Cela nous serait très utile.

Au nom du Sous-comité des Anciens Combattants, j'aimerais vous remercier de votre présence et de votre travail auprès de nos soldats et de leurs familles.

(La séance est levée.)


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