Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants
Fascicule 10 - Témoignages du 25 février 2015
OTTAWA, le mercredi 25 février 2015
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 11 h 59, pour poursuivre son étude du projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (accès élargi à l'embauche pour certains militaires et anciens militaires des Forces canadiennes).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Aujourd'hui, nous continuons notre étude du projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (accès élargi à l'embauche pour certains militaires et anciens militaires des Forces canadiennes).
[Traduction]
Aujourd'hui, nous sommes très heureux d'accueillir l'honorable Erin O'Toole, C.P., député, le nouveau ministre des Anciens Combattants.
Monsieur le ministre, c'est la première fois que le comité — du moins, celui du Sénat — a l'occasion, de vous féliciter de votre nomination. Nous avons été ravis d'apprendre votre nomination, et nous nous réjouissons à l'idée de travailler avec vous.
L'honorable Erin O'Toole, C.P., député, ministre des Anciens Combattants : Merci beaucoup, sénateur Day.
Le président : Je vais présenter ceux qui vous accompagnent, notamment monsieur W.J. Natynczyk, général à la retraite, qui est le nouveau sous-ministre. Nous avons aussi été très contents d'apprendre votre nomination à ce poste, et nous avons hâte de travailler avec vous, monsieur Natynczyk.
Nous accueillons aussi Mme Maureen Sinnott, directrice générale des Finances et chef par intérim des Finances. Madame Sinnott, je crois que nous nous sommes déjà rencontrés, vous et moi. Bienvenue.
Enfin, nous souhaitons la bienvenue à M. Bernard Butler, sous-ministre adjoint délégué par intérim des Politiques, Communications et Commémoration. Vous avez plus d'adjectifs accolés à votre titre que n'importe qui d'autre. Notre comité décerne un prix dans ces cas. Comme vous le savez, les commémorations sont très importantes pour nous.
Monsieur le ministre O'Toole, je vous cède la parole. Notre étude porte principalement sur le projet de loi C-27, mais vous êtes le ministre.
M. O'Toole : Merci beaucoup, sénateur Day.
[Français]
Honorables sénateurs, je suis heureux de faire ma première apparition officielle devant le comité en tant que ministre des Anciens Combattants.
[Traduction]
C'est un honneur pour moi de comparaître devant le comité aujourd'hui parce que nous éprouvons la même passion de servir les hommes et les femmes qui ont servi le Canada. Sénateur Day, je suis particulièrement heureux de vous voir. Vous et moi, nous représentons bien le Collège militaire royal du Canada ici aujourd'hui. Je vous remercie de votre service tant comme militaire que comme sénateur au Parlement du Canada.
Si vous me le permettez, mesdames et messieurs, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous dire pourquoi il est si important pour moi d'occuper le poste de ministre des Anciens Combattants, sur le plan personnel et en tant que parlementaire. À l'âge de 18 ans, j'ai commencé mes études au Collège militaire royal et je me suis engagé dans les Forces canadiennes. Ce que j'ai vécu pendant ces années a transformé ma vie. J'ai été très fier de servir aux côtés d'hommes et de femmes exceptionnels d'un bout à l'autre du Canada pendant mes 12 années dans les forces armées. J'ai ensuite fait la transition à la vie civile, comme tous les anciens combattants le font. Il est d'une importance critique non seulement d'étudier et de comprendre cette transition — qui est essentiellement l'objet de votre étude —, mais aussi de l'améliorer et de veiller à ce que de plus en plus d'hommes et de femmes puissent effectuer une transition harmonieuse après avoir servi comme militaire, que cela ait été pendant quelques années ou 40 années de service. Souvent, la transition peut être décourageante.
Comme beaucoup d'autres jeunes Canadiens, je me suis engagé dans l'armée à l'âge de 18 ans et je n'ai pas rédigé d'autre curriculum vitae avant de solliciter un poste d'avocat. Plus vous servez longtemps comme militaire, plus vous perdez l'habitude de faire une demande d'emploi, d'aller à une entrevue et de faire toutes les démarches de ce genre. Nous encourageons nos hommes et nos femmes à servir le Canada à l'étranger avec distinction et courage, mais souvent la transition à la vie civile peut les rendre mal à l'aise parce que c'est nouveau. La transition a aussi des répercussions sur les membres de la famille des militaires, sur l'endroit où ils vont décider de vivre et, bien sûr, sur leur santé, qui est au cœur de nos priorités.
Ma transition s'est faite en douceur. Après avoir choisi ma deuxième carrière, j'ai passé beaucoup de temps à essayer d'aider mes compagnons d'armes qui étaient encore dans l'armée en travaillant avec la fondation La patrie gravée sur le cœur, la Légion, le conseil d'administration du Collège militaire royal et des groupes formidables d'un bout à l'autre du pays comme Wounded Warriors et BCIT. Avant de devenir député, j'ai eu le bonheur de travailler avec beaucoup des témoins formidables qui ont comparu dans le cadre de votre étude. En lisant votre rapport, cela m'a rappelé combien de Canadiens — qu'ils aient été militaires ou non — favorisent la mise en œuvre du programme Embauchez un vétéran et aident les militaires à faire la transition à une nouvelle vie après le service militaire, notamment certains anciens combattants qui sont malades ou blessés. Je suis très content de voir que vous avez entendu le témoignage de représentants de notre ministère, qui est très fier de servir les anciens combattants, et aussi de représentants de groupes d'un bout à l'autre du pays, qui font un travail exceptionnel. En tant que ministre, j'ai été très rassuré de voir leurs témoignages figurer dans le rapport.
Si vous me le permettez, sénateur Day, j'aimerais aborder quelques-unes des parties importantes de votre rapport, que j'ai particulièrement aimées. Le gouvernement salue les mérites du rapport et souscrit parfaitement à l'esprit de vos recommandations. Comme vous le faites remarquer tout au long du rapport, bon nombre des efforts de modernisation en vue de faciliter la transition des militaires à la vie civile sont des initiatives du gouvernement, et nous sommes résolus à continuer d'améliorer les services offerts afin que la transition des militaires et de leur famille à la vie civile se fasse en douceur.
J'aimerais commencer par parler de l'Enquête sur la vie après le service, du fait qu'il s'agit du premier domaine thématique de vos recommandations. C'est l'occasion idéale pour nous de continuer à travailler à l'Enquête sur la vie après le service, qui a commencé en 2010 quand des experts de Statistique Canada ont fait une enquête auprès des anciens combattants. En fait, leur approche était de loin supérieure à celle de l'ancienne enquête sur la satisfaction de la clientèle dont il a été question dans les actualités cette semaine et qui a été critiquée, à juste titre, pour n'avoir pas posé assez de questions pointues aux groupes qui devraient faire l'objet d'une attention toute particulière pendant la transition.
J'aimerais que la portée de la prochaine Enquête sur la vie après le service soit étendue de manière à poser des questions très pointues à deux groupes en particulier qui, selon votre rapport, ont besoin d'une attention particulière — d'ailleurs j'ai déjà donné des consignes au ministère à ce sujet. Le premier groupe de militaires qu'il faudrait aider en priorité est celui des malades et des blessés, dont vous avez parlé à la page 14 de votre rapport. Ces personnes ont une incidence plus élevée de chômage après leur carrière dans les Forces canadiennes. Nous devons obtenir des données plus précises concernant ces personnes pour améliorer les programmes de réadaptation professionnelle.
Comme vous l'avez mentionné dans votre rapport, le gouvernement a porté à 75 000 $ par ancien combattant le financement des programmes de réadaptation professionnelle et de formation. Par conséquent, nous augmentons le nombre d'occasions pour les anciens combattants de faire une bonne transition vers une carrière civile. Cependant, il est clair qu'il faudrait commencer par analyser les problèmes des quelque 1 200 militaires qui sont libérés des Forces armées canadiennes chaque année pour des raisons médicales. J'ai demandé que l'Enquête sur la vie après le service fasse des recherches plus poussées sur ce sous-groupe. Parmi les quelque 5 000 militaires qui sont libérés chaque année, 1 200 forment un groupe de cas graves que nous devons apprendre à mieux connaître pour pouvoir peaufiner certains de nos programmes afin de les aider davantage.
L'autre groupe de militaires qu'il faudrait aider en priorité et dont il a aussi été question à plusieurs reprises dans votre rapport — et je reconnais l'importance des commentaires d'Andrea Siu, de la Légion royale canadienne —, est celui des anciennes combattantes qui ont été libérées. Nous n'avons pas beaucoup de données à leur sujet, malgré le fait que, depuis 25 ans, de plus en plus de femmes servent avec distinction au sein des Forces armées canadiennes. Il faudrait mieux comprendre les problèmes auxquelles elles sont confrontées au moment de la transition et pourquoi elles affichent une incidence plus élevée de chômage que les autres anciens combattants. Il faudrait recueillir plus de données pour pouvoir prendre des décisions plus éclairées sur le plan des politiques gouvernementales.
Dans l'ensemble, c'était agréable de voir dans votre rapport que les anciens combattants ont un taux de chômage moins élevé que celui de l'ensemble de la population. Cependant, j'aimerais obtenir davantage de données sur ces deux sous-groupes d'anciens combattants, les anciens combattants libérés pour des raisons médicales et les anciennes combattantes. L'Enquête sur la vie après le service offre l'occasion idéale pour Statistique Canada et le ministère d'apporter leur expertise à l'analyse de ces sous-groupes en particulier. En fait, M. Stoffer et d'autres qui ont critiqué l'enquête sur la satisfaction de la clientèle dans le passé trouveraient que cette approche est une bonne façon d'obtenir des données importantes sur un groupe très important.
Je vais parler de deux recommandations, bien que j'estime que tout le rapport est très approfondi et qu'il pourra nous aider à atteindre l'excellence sur le plan des services. La deuxième reconnaît que les ministères de la Défense nationale et des Anciens Combattants, qui fonctionnent en quelque sorte comme deux entités distinctes depuis 50 ans, ont fait de grands progrès au cours des cinq dernières années sur le plan de la collaboration. Dans l'énoncé de mission 20/20 d'Anciens Combattants, que je peaufine et dont je fais part aux groupes d'anciens combattants et aux intervenants, et qui demande à tous les employés de tous les échelons du ministère d'axer leurs efforts sur les anciens combattants et leurs familles, le deuxième principe consiste à faire en sorte que la transition à la vie civile soit harmonieuse. Il est bon que votre deuxième recommandation et plusieurs autres par la suite portent sur ce sujet. Nous allons continuer d'axer nos efforts sur le programme de transition des Forces armées canadiennes et le regroupement des services offerts par les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada. À mon avis, les deux ministères ont fait de grands progrès pour mieux collaborer. Même dans votre rapport, vous mentionnez que plus de choses pourraient être faites avant de libérer un militaire.
Mesdames et messieurs les sénateurs, vous serez sûrement heureux d'apprendre que, au cours des premiers mois de mon mandat, j'ai accordé beaucoup d'importance à ce dossier pour combler ce fossé. En fait, depuis que je travaille avec le sous-ministre, le général Natynczyk, je suis très encouragé du travail effectué pour renforcer la collaboration à long terme entre la Défense nationale et Anciens Combattants. Le lieutenant-général Millar, chef du personnel militaire, prend part à des séances de travail visant à combler ce fossé. Nous réalisons des progrès, mais nous nous efforçons d'en accomplir davantage. Voilà pourquoi j'ai souligné l'importance de régler les problèmes des anciens combattants qui ont été libérés pour des raisons médicales. En moyenne, un ancien combattant sert dans les Forces canadiennes entre trois et cinq ans après l'événement déclencheur, après l'apparition du problème médical, avant d'être libéré. Nous devons mieux utiliser ces trois à cinq ans, et notre ministère prend déjà d'importantes mesures pour faire cela. De telles mesures sont au cœur de vos recommandations. Nous aspirons au jour où, dès qu'un Conseil médical de révision des carrières sera saisi du dossier d'un homme ou d'une femme en raison d'une blessure, le ministère des Anciens Combattants prendra part immédiatement au bien-être du militaire et à la planification de son avenir. L'objectif est son rétablissement et son retour au travail au sein des Forces armées canadiennes, et c'est bien ce à quoi aspire tout militaire blessé au cours de son service actif. Il souhaite retourner à son poste, aux côtés de ses compagnons d'armes. S'il le fait, Anciens Combattants ouvre un dossier et commence à collaborer avec le ministère de la Défense nationale.
Toutefois, s'il ne retourne pas à son poste et qu'on envisage de le libérer pour des raisons médicales, il faudrait prévoir une évaluation de l'invalidité et une réadaptation professionnelle qui commencerait avant sa libération par le RARM et Anciens Combattants. Mettons en place plus de ressources pour aider les militaires pendant ce temps. Depuis quelques années, le gouvernement renforce les Unités interarmées de soutien au personnel autour des bases pour que les hommes et femmes blessés fassent partie d'une UISP. Profitons de ce temps où le ou la militaire touche un plein salaire et est encore en affectation dans un milieu où sa famille se sent à l'aise. C'est un domaine qui me tient particulièrement à cœur. J'ai été heureux de voir qu'il en a été question dans votre rapport et que le ministre Kenney et la haute direction des Forces armées canadiennes ont aussi choisi d'en faire une priorité.
La dernière chose que j'aimerais souligner brièvement, c'est une autre initiative du gouvernement à avoir donné de bons résultats, soit le Conseil sur la transition des vétérans. Je suis fier de dire que j'y ai siégé en tant que membre de la fondation La patrie gravée sur le cœur avant d'avoir été élu comme député. À l'époque, j'ai salué la démarche du ministre des Anciens Combattants de l'époque, M. Steven Blaney, qui a tendu la main aux hauts dirigeants du secteur privé pour tenter de renforcer la culture des anciens combattants au Canada. Votre rapport met beaucoup d'accent sur les bons résultats obtenus aux États-Unis à cet égard et sur les groupes canadiens extraordinaires qui déploient des efforts dans ce sens, comme la Compagnie Canada et leur programme d'embauche de militaires, Wounded Warriors et une partie de leur travail auprès d'employeurs, la fondation La patrie gravée sur le cœur et d'autres initiatives dans des sociétés comme la Banque Royale, McDonald et Home Depot. Il est encourageant de voir toutes ces initiatives. Nous devons favoriser une culture qui en fait plus dans ce sens. L'étude réalisée par la firme Navigator dont il est question à la page 29 de votre rapport a souligné le faible nombre d'anciens combattants qui ont ensuite obtenu un emploi dans une grande société au Canada, statistique que Jaime Watt a citée devant le comité : seulement 4 p. 100 des employeurs interrogés ont indiqué souhaiter élaborer et mettre en œuvre une initiative d'embauche d'anciens combattants dans leur entreprise. À Anciens Combattants Canada, aux Forces armées canadiennes et au gouvernement du Canada, nous devons tous faire des progrès à cet égard. Nous avons donné le ton avec le projet de loi sur l'embauche des anciens combattants et la priorité d'embauche des anciens combattants blessés à la fonction publique.
Voilà un endroit où les organismes à but non lucratif, le secteur privé et le gouvernement peuvent collaborer en vue de renforcer la culture des anciens combattants, comme je l'ai dit à la Chambre à maintes reprises, pour montrer qu'il ne s'agit pas seulement d'altruisme. Ce n'est pas seulement la chose à faire parce que ces hommes et femmes ont servi notre pays. Il s'agit d'une bonne chose pour l'entreprise qui les embauche parce que ce sont des personnes qui, ayant fait partie de la structure régimentaire de l'armée, sont par nature très loyales à l'organisation, ce qui est appréciable à une époque où il coûte cher aux entreprises de réembaucher et de former du personnel pour des postes faisant l'objet d'un roulement élevé du personnel. Quand les entreprises comprennent qu'elles embauchent des hommes et des femmes qui ont des talents exceptionnels, un bon esprit d'équipe et une capacité extraordinaire de travailler sous pression et en équipe, qui ont fait des études supérieures et ont reçu une formation avancée, elles comprennent que c'est non seulement la bonne chose à faire, mais c'est aussi une très bonne décision sur le plan des affaires. J'ai été très heureux de voir que vous avez parlé en longueur de cette question dans votre rapport. À mon avis, vous verrez plus d'entreprises prendre de telles décisions au cours de mon mandat en tant que ministre.
Je vous remercie de mener cette étude et d'avoir rédigé ce rapport. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président : Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces compliments et aussi d'avoir examiné soigneusement notre rapport. Nous avons fait comparaître d'excellents témoins, et ce rapport reflète les témoignages que nous avons recueillis.
En ce qui concerne le projet de loi C-27, dont nous traiterons au cours des deux ou trois prochaines séances et que nous renverrons ensuite au Sénat, nous avons entendu les deux ombudsmans la semaine dernière, celui des vétérans et celui de la Défense nationale. Les deux s'entendaient sur un aspect, et vous pourriez peut-être nous en parler. Vous avez abordé la question de la transition des anciens combattants et du temps qui s'écoule après avoir subi une blessure. Avant que ces gens ne quittent l'armée et délaissent l'uniforme, il faut déterminer si leur blessure ou leur maladie est attribuable au service — à une activité pendant le service. Les deux ombudsmans estimaient qu'on devrait procéder à cette évaluation durant cette période — c'est-à-dire à la suite de la blessure mais avant la libération pour raisons médicales —, étant donné que la loi actuelle prévoit que cette évaluation soit menée par Anciens Combattants Canada. On a laissé entendre que le ministère des Anciens Combattants n'interviendrait pas tant que la personne n'était pas libérée de son service militaire et, par conséquent, il y aurait un problème de délai. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
M. O'Toole : Certainement, sénateur. Je vous remercie pour cette question. J'espérais qu'on me la pose.
Nous sommes dans une excellente position, car l'ombudsman de la Défense nationale et l'ombudsman des vétérans, M. Parent, sont deux défenseurs passionnés avec qui je collabore étroitement. L'ombudsman de la Défense nationale vient du Bureau de l'ombudsman des vétérans. C'est un aspect que tous les deux souhaitent améliorer.
Vous remarquerez, sénateur, qu'il s'agit du deuxième point soulevé dans mon exposé que j'ai préparé à la lumière de votre rapport. J'espère sincèrement que la proposition de l'ombudsman de la Défense nationale n'aura pas lieu d'être grâce à une meilleure collaboration au cours de la période de trois à cinq ans précédant la libération pour raisons médicales des anciens combattants.
Je peux comprendre pourquoi il a fait cette suggestion. Puisque la personne s'est blessée alors qu'elle était en service, il estime qu'elle doit être confiée au MDN. À Anciens Combattants Canada, nous avons cette expertise, et maintenant que nous allons collaborer beaucoup plus tôt dans la vie militaire des futurs anciens combattants, nous allons éliminer les retards et les frustrations dont a parlé l'ombudsman.
Je comprends son point de vue, mais pourquoi est-ce qu'on voudrait mettre sur pied un deuxième organisme d'examen parallèle alors qu'on a déjà cette expertise à Anciens Combattants Canada? Le problème, c'est que par le passé, on ne profitait pas du temps à notre disposition lorsque les membres actifs se trouvaient à l'Unité interarmées de soutien du personnel. Lorsqu'ils subissaient une blessure, nous espérions tous, comme je l'ai dit, qu'ils se rétablissent ou qu'ils soient redéployés et retournent au sein de leur unité. Toutefois, si ce n'est pas le cas et qu'ACC prend les choses en main, à la suite de la blessure ou avant l'audience devant le Conseil médical de révision des carrières, le ministère pourrait mener une évaluation, entreprendre la réadaptation médicale et professionnelle et offrir du soutien à la famille, et ce, pendant qu'ils font encore partie des FAC, de sorte qu'au moment où ils accrocheraient leur uniforme, toutes les questions seraient réglées. C'est mon engagement.
Le président : Merci beaucoup. Je crois qu'il est très important de le mentionner.
Je vais maintenant céder la parole à la vice-présidente du comité, l'honorable sénatrice Stewart Olsen, du Nouveau- Brunswick.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Je suis ravie qu'on veuille aider nos anciens combattants pendant cette période de transition. C'est l'une des parties les plus importantes. L'ombudsman m'en avait parlé il y a quelques années déjà. C'est un problème qui persiste, et je considère qu'il est temps d'y remédier. Ce projet de loi nous aidera énormément à cet égard.
Nous avons discuté avec des représentants de la Commission de la fonction publique du Canada lors de notre dernière séance. La Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit ce que vous avez inclus dans ce projet de loi sur l'embauche des anciens combattants. Envisagez-vous de l'appliquer aux sociétés d'État et aux autres organismes qui ne sont pas visés par cette loi, de manière à accroître considérablement les possibilités d'emploi pour nos anciens combattants?
M. O'Toole : Merci, sénatrice, pour votre question. Nous nous sommes entretenus sur le dossier à plusieurs reprises. Je sais à quel point ces questions vous passionnent et je vous en remercie.
Le projet de loi C-27 et la culture que nous tentons de créer, à la fois dans le secteur privé et au gouvernement, constituent une première étape. Grâce à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, les anciens combattants qui bénéficient d'une priorité d'embauche auront accès à des milliers d'offres d'emploi. Je prends soin de signaler que ce ne sont pas tous les emplois qui conviendront à un ancien combattant libéré pour des raisons médicales. Nous voulons nous assurer que les personnes possèdent les compétences et qualifications adéquates, mais il faut également tenir compte des questions géographiques. Le membre peut être en Ontario lorsqu'il quitte l'armée, mais il peut décider de retourner dans le Canada atlantique ou dans l'Ouest, là où il s'est enrôlé. Par conséquent, le soutien familial, l'emplacement géographique et d'autres facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer si ces personnes cadrent bien avec les emplois offerts.
Le gouvernement doit continuer d'élargir les possibilités d'emploi pour les anciens combattants. Ce projet de loi représente donc un bon point de départ. Il y a eu des échanges avec d'autres ministères et sociétés d'État pour qu'ils adoptent l'esprit de ce projet de loi. Au fur et à mesure de sa mise en œuvre et à la suite des recommandations du comité visant à assurer une meilleure coordination des possibilités offertes aux anciens combattants, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, vous verrez de plus en plus d'organismes et de ministères aligner leurs programmes d'embauche sur les besoins des anciens combattants.
D'après un sondage mené par le Conseil sur la transition des vétérans, que j'ai examiné car j'appuie le conseil depuis ses débuts, les services de ressources humaines de nombreuses entreprises canadiennes, par exemple, ne savaient rien à propos de la formation militaire. J'utilisais souvent l'exemple des entreprises qui ne connaissent pas la différence entre un caporal et un colonel ou un uniforme bleu pâle et un uniforme vert. Par conséquent, avant de me présenter au poste de député, lorsque j'étais au sein de la fondation True Patriot Love, j'ai organisé une conférence intitulée « Du champ de bataille à la salle de conférence », en collaboration avec un autre groupe d'anciens combattants appelé Treble Victor, et d'autres groupes dans ce domaine. Le but de cette conférence n'était pas seulement de mettre en valeur nos femmes et nos hommes exceptionnels et de renseigner les entreprises à leur sujet; nous voulions des dirigeants des RH.
On comptait davantage sur la présence du vice-président des ressources humaines que du président de l'entreprise, parce que les responsables des RH sont ceux qui veillent à ce qu'on accorde autant de valeur à l'expérience militaire qu'à n'importe quelle expérience acquise dans un autre milieu.
Je veux qu'on sensibilise davantage le grand public à la culture des vétérans. C'est une question qui me passionne depuis longtemps. La Loi sur l'emploi dans la fonction publique est un très bon début, tout comme la création d'un bassin de milliers d'emplois. Je pense que vous constaterez vous-mêmes les progrès au fil du temps.
Le sénateur White : Merci beaucoup, messieurs, de vous être libérés pour discuter avec nous aujourd'hui.
Quand je regarde le projet de loi sur l'embauche des anciens combattants, je me réjouis notamment du fait que les anciens combattants se verront accorder la priorité. Je pense que ce sera bénéfique, autant pour eux que pour nous.
Toutefois, ayant travaillé au sein d'organismes gouvernementaux qui ne sont pas visés par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, j'essaie de voir où est la place de la GRC et des autres organismes dans tout cela. Je pense qu'il y a d'excellentes possibilités d'emploi pour ces anciens combattants dans ces organismes. J'essaie de voir comment on peut les rejoindre, particulièrement la GRC. Elle est présente dans 800 collectivités partout au pays, et il se peut que des vétérans n'aient pas accès à d'autres possibilités d'emploi dans le secteur public.
M. O'Toole : Merci, sénateur White. Je tiens à signaler, monsieur le président, qu'avant de devenir sénateur à Ottawa, M. White dirigeait le service de police régional de Durham, en Ontario, qui est la région que j'ai la chance de représenter. Je suis heureux d'être devenu son collègue en tant que député.
C'est une très bonne question. Je pense que notre intention, au fil des ans, est de nous assurer que les membres malades et blessés de notre corps policier national, ainsi que leurs familles, peuvent jouir des mêmes possibilités. C'est l'une des choses dont je parle dans le cadre de mes tables rondes à titre de ministre. Même si je suis ministre des Anciens Combattants, j'administre également les programmes à l'intention des membres de la GRC, et c'est un aspect important de mon rôle.
Ce qui est bien, c'est que l'expérience du ministère de la Défense nationale et du ministère des Anciens Combattants sur des questions telles que le syndrome de stress opérationnel est également pertinente à la GRC, aux corps policiers et aux services en uniforme en général. Chose certaine, nous veillons à offrir les mêmes possibilités à ces gens qui ont servi dans l'armée et dans la GRC.
Le sénateur White : Merci, monsieur le ministre. Je pense que je n'ai toutefois pas été clair. Je m'inquiète des anciens combattants qui n'ont pas la possibilité de travailler au sein des organismes qui ne sont pas visés par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. J'ai donné la GRC en exemple. Ma deuxième question portait sur les services offerts aux anciens membres de la GRC. Je vous remercie d'avoir anticipé ma question.
Je suis préoccupé par les organismes qui ne sont pas assujettis à la loi, comme l'ASFC, si je ne me trompe pas.
Il y a plusieurs sociétés d'État et organismes qui pourraient offrir de belles occasions à ces anciens combattants puisqu'ils ont des bureaux dans les provinces et les territoires. Allons-nous inclure ces organismes et ces sociétés d'État, étant donné qu'ils ne relèvent ni de cette loi ni de ce projet de loi?
Général (à la retraite) W. J. Natynczyk, sous-ministre, Anciens Combattants Canada : Si j'ai bien compris, les trois principales organisations qui ne sont pas visées par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique sont l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Parcs Canada et l'ARC. À ma connaissance, ces trois organisations ont indiqué qu'elles respecteraient l'esprit de la loi sur l'embauche des anciens combattants, même si elles ne relèvent pas de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. J'ai communiqué récemment avec mes homologues de ces trois organisations, et ils m'ont bel et bien confirmé qu'ils se conformeraient à l'esprit de la loi, ce qui est important, puisque de nombreux anciens combattants se trouvent à l'extérieur de la capitale nationale, comme vous le savez, et ces trois organisations comptent un grand nombre d'employés d'un bout à l'autre du pays. Ces jeunes soldats, marins et aviateurs, hommes et femmes, de partout au pays, auraient donc accès à de nombreuses possibilités d'emploi au sein de ces organisations.
Le sénateur White : Monsieur le président, étant donné qu'il a répondu à deux questions alors que je ne lui en avais posé qu'une seule, pourrais-je lui en poser une autre, si c'est possible?
Le président : Sur le même sujet?
Le sénateur White : Absolument. En fait, la question est très semblable.
Merci, général. Ma prochaine question — et je l'ai posée la semaine dernière également — est la suivante : Comme vous le savez, un grand nombre de nos anciens combattants retournent à Old Crow, au Yukon, ou à New Waterford sur l'île du Cap-Breton, où on ne retrouve pas les mêmes possibilités. Avez-vous songé à demander aux provinces et aux territoires d'adopter des lois semblables, comme nous l'avons vu après la Deuxième Guerre mondiale, pour nous assurer qu'on offre le maximum de possibilités d'embauche à ces hommes et à ces femmes?
M. O'Toole : Merci, sénateur. Cette question est très pertinente. Même si je ne connais pas précisément les lois provinciales qui pourraient s'apparenter au projet de loi C-27 — et je vais laisser les membres de mon équipe répondre à cette question —, j'ai été ravi de voir, au cours des cinq à dix dernières années, d'autres ministères, représentants ou parlementaires provinciaux créer des bureaux des affaires militaires. Je sais que c'est le cas notamment de la Nouvelle- Écosse, du Nouveau-Brunswick, et de l'Alberta, si je ne me trompe pas, où c'est un représentant élu qui est responsable de la communauté militaire. Même si la défense nationale relève de la compétence fédérale, on reconnaît dans ces provinces le rôle important que jouent ces familles dans la communauté, non seulement en tant qu'employeurs, compte tenu de l'incidence sur l'emploi du ministère de la Défense nationale, mais aussi le fait que les collectivités comme Fredericton, Edmonton et Winnipeg comptent une forte population de militaires et d'anciens combattants. Bon nombre d'entre eux s'y sont installés, car c'était la ville de leur dernière affectation.
Les provinces travaillent sur ces initiatives générales. Nous pourrions faire rapport au comité pour lui dire si oui ou non il y a des priorités d'embauche semblables au niveau provincial ou si mes fonctionnaires sont au courant de telles mesures législatives. Je pense qu'il pourrait y en avoir dans l'avenir.
Bernard Butler, sous-ministre adjoint associé par intérim, Politiques, Communications et Commémoration, Anciens Combattants Canada : Merci, monsieur le ministre. Vous soulevez un excellent point, et je peux vous dire qu'à ce jour, dans le cadre des initiatives que le ministre a considérées comme les trois piliers de l'excellence du service, les initiatives axées sur les anciens combattants et la réduction des écarts, on a certainement envisagé la possibilité de discuter avec les provinces sur des questions comme l'emploi, dans le contexte de la transition. On ne l'a pas fait de façon officielle, mais on a quand même tenu des discussions dans le cadre des débats sur le projet de loi C-27, au niveau fédéral, pour le gouvernement du Canada et l'exemple qu'il donne. Cela figure certainement sur notre liste de choses à faire, c'est-à- dire de voir ce que font les provinces et s'il n'y aurait pas de nouvelles possibilités à exploiter. Voilà où nous en sommes pour l'instant, mais c'est une question très importante que vous soulevez, sénateur.
Le sénateur Lang : Je tiens moi aussi à souhaiter la bienvenue au ministre O'Toole dans ses nouvelles attributions. Je vous écoute depuis plus de 10 minutes, et je vous assure que personne ne peut vous reprocher de ne pas connaître votre dossier. Nous vous en sommes reconnaissants. J'apprécie également le fait que vous ayez pris le temps non seulement de lire, mais aussi d'étudier le rapport du comité car, comme le président l'a dit, il nous a fallu beaucoup de temps et d'efforts pour recueillir les témoignages des témoins et en arriver à des recommandations que je considère très réalistes.
Cela dit, j'aimerais donner suite à deux questions, si vous me permettez. Tout d'abord, j'aimerais revenir à la question soulevée par le sénateur White et la sénatrice Stewart Olsen au sujet de l'accroissement des responsabilités du gouvernement fédéral aux fins de l'embauche des anciens combattants, qu'ils soient blessés ou autrement inaptes, en ce qui a trait à la priorité qui leur est accordée pour ces postes. Il ne s'agit pas uniquement des trois organisations dont a parlé le général Natynczyk. Il y a également des entreprises, un grand nombre d'entreprises, en fait, et je recommanderais fortement qu'elles soient visées par cette loi, d'une façon ou d'une autre. C'est bien de dire qu'elles vont respecter l'esprit de la loi, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'elles vont le faire en réalité.
Ensuite, en ce qui concerne les provinces, le sénateur Mitchell et moi avons tous deux siégé aux assemblées provinciales et territoriales. Je pense que tous les gouvernements provinciaux, quelle que soit leur allégeance politique, seraient heureux d'adopter des mesures législatives semblables à ce qui est proposé dans ce projet de loi. Ainsi, on offrirait davantage de possibilités d'emploi à ces anciens combattants qui décident de retourner au Yukon, au Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve, parce que les provinces, comme nous le savons, assument plus de responsabilités au sein des communautés que le gouvernement fédéral, et elles auraient une bonne relation de travail avec le gouvernement du Canada. Par conséquent, je recommanderais fortement que ce soit fait.
Je reviens encore à ce que vous disiez dans votre exposé au sujet de la réadaptation et de l'éducation ainsi que des niveaux de compétence; c'est un autre outil que nous devrions utiliser dans nos provinces et dans nos universités. Encore une fois, c'est aux provinces et aux universités que cette responsabilité incombe. Si nous allons de l'avant, nous pouvons contribuer à la mise en commun de nos ressources à l'échelle fédérale, provinciale et territoriale, ce qui aiderait les personnes qui ont besoin de mettre leurs compétences à niveau. C'est une autre chose que je recommande fortement. Si le fédéral offre son aide, je ne pense pas qu'une seule province ou un seul territoire refuserait de conclure des ententes et de travailler avec ces anciens combattants pour leur garantir les possibilités que nous leur souhaitons.
Pour conclure, monsieur le président, j'ajouterais ce que je dis depuis que je fais partie du comité, et c'est que nous dépassons nettement les 4 milliards de dollars et que nous nous approchons des 5 milliards de dollars par année concernant la contribution du contribuable au ministère des Anciens Combattants. Le contribuable paie donc un montant élevé pour veiller à ce qu'on prenne soin des anciens combattants. En même temps, il y a des critiques dont certaines sont justifiées alors que d'autres ne le sont peut-être pas. Je pense que c'est 37 programmes qui relevaient d'une manière ou d'une autre du ministère des Anciens Combattants. Franchement, je m'y suis perdu quand je me suis penché là-dessus. Quand je suis passé du numéro 10 au numéro 11, je n'ai pas pu voir ce qui conviendrait à une personne en particulier. Je voulais souligner cela, de votre point de vue et de celui du ministère.
M. O'Toole : Merci, sénateur. Il y a trois éléments. Vous avez dit que vous aviez deux questions, mais vous en avez glissé une troisième. Ils sont à ce point efficaces, monsieur le président.
La première portait sur l'expansion de l'embauche prioritaire. Je dois ajouter que la semaine dernière, j'ai eu un échange de lettres avec le premier ministre McNeil, en Nouvelle-Écosse. C'est la raison pour laquelle j'ai souligné que la Nouvelle-Écosse fait partie des provinces qui désignent un député provincial responsable des affaires militaires dans le but d'étendre la portée de ce qu'ils ont créé à l'échelon provincial, et je suis enthousiaste à l'idée de travailler à cela avec son gouvernement. Son frère a déjà été chef de police dans la région d'Halifax, alors je pense que sa famille sait très bien ce que signifie porter l'uniforme.
Vous avez entre autres demandé si nous devrions légiférer sur les niveaux d'emploi dans le secteur privé. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je vais vous dire où je pense que cela pourrait mieux convenir.
Le Canada n'a pas de culture axée sur l'embauche des anciens combattants, et ce, principalement parce que contrairement à nos amis du sud et à mon collègue le secrétaire McDonald, qui sert 22 millions d'anciens combattants, nous avons une population d'environ 700 000 anciens combattants. Nous n'avons pas autant de programmes, au sein des entreprises, dont le but est de faire du recrutement parmi les militaires. Il y a, dans l'armée américaine, beaucoup d'engagements de courte durée et de roulement, alors que nous avons environ 5 000 membres libérés des Forces canadiennes par année, dont 1 200 le sont pour des raisons médicales. C'est donc une population moins nombreuse, mais probablement encore plus instruite et mieux formée.
Nous devons instaurer cette culture, car elle n'existait pas il y a 25 ans. Je pense que le sénateur Day serait d'accord. Quand il a quitté les Forces canadiennes, il n'y avait pas les mêmes programmes de recrutement que des entreprises comme la Banque Royale offrent aujourd'hui. Nous faisons de grands progrès.
Nous pouvons accomplir beaucoup plus de travail avec les provinces, et non seulement pour l'embauche prioritaire, mais aussi pour la formation. L'Alberta, en particulier, a connu des pénuries de main-d'œuvre, et des entreprises comme TransCanada Pipelines ont manifesté la volonté sincère d'embaucher plus d'anciens combattants, au vu des avantages que cela comporte.
Le CN, qui a participé au Conseil sur la transition des vétérans et comparu devant le comité, s'est engagé à embaucher d'anciens combattants. La BCIT, qui a comparu devant le comité, le fait en Colombie-Britannique.
La recommandation 8 de votre rapport est excellente, car je pense que là où le gouvernement peut jouer un rôle, c'est dans la coordination de tous les efforts, les efforts des provinces, du gouvernement fédéral, conformément au projet de loi C-27 — l'attention que nous portons à cela —, mais aussi dans le soutien du travail de La Compagnie Canada, de Wounded Warriors, de Treble Victor et de tous ces groupes sans but lucratif.
Pouvons-nous mieux coordonner cela de sorte que l'ancien combattant qui se met à la recherche d'un emploi à sa sortie des Forces canadiennes puisse tout avoir à portée de la main plutôt que de devoir fouiller pour trouver? Le général Millar, chef du personnel militaire des Forces canadiennes, comprend cela, tout comme le général Natynczyk.
Les hommes et femmes qui quittent les Forces canadiennes n'attendent pas qu'il ne leur reste que 30 jours en uniforme pour se mettre à penser à leur transition. Ils peuvent se poser des questions. « Est-ce ma dernière affectation? Est-ce que j'en suis à mes trois dernières années? Je vais aboutir à Ottawa, au quartier général de la Défense nationale, ou à Shilo. Serai-je affecté ailleurs, après cela? » Ils se demandent toujours : « Qu'est-ce qui est le mieux pour ma famille? Ma carrière est-elle valorisante? »
Il leur faut des outils pour quand ils vont se pencher là-dessus, habituellement un an ou deux avant leur départ, qu'ils aient été blessés ou pas, parce que s'ils ont été blessés, ils portent toujours l'uniforme pour trois à cinq ans. Nous devons avoir une meilleure façon d'organiser la bonne volonté qu'on voit maintenant apparaître dans le secteur privé et au sein des gouvernements provinciaux.
Je dirais une dernière chose au sujet de la question du budget et de l'investissement dans ce domaine. Le ministère consacre en moyenne 700 millions de dollars de plus que le dernier gouvernement. Comme je l'ai dit à l'occasion de bon nombre de mes tables rondes, nous consacrons l'argent à des choses différentes, et ce, de manières différentes, car à la suite de notre intervention en Afghanistan, où nous avions de 30 000 à 40 000 personnes pendant 12 ans, nous avons toujours d'anciens combattants traditionnels qui sont maintenant nonagénaires, ce qui est remarquable. M. Côté, ici à Ottawa, a 101 ans. Il me battrait probablement au tir au poignet. Mais nous avons aussi d'anciens combattants qui en sont à la fin de la vingtaine et qui ont été blessés gravement au combat. Ils ont peut-être besoin de services différents, mais ils voudront certainement obtenir leurs services de manières différentes.
Même avec les programmes d'emploi, nous devons reconnaître que les possibilités changent et évoluent. Alors nous dépensons davantage, mais nous devons dépenser différemment. Nous devons dépenser l'argent judicieusement pour répondre aux besoins de cette nouvelle cohorte d'anciens combattants de la guerre du Golfe et de l'Afghanistan, lesquels ont des attentes différentes quant à la façon de se prévaloir des services des Anciens Combattants.
Le sénateur Lang : J'aimerais faire une précision pour le compte rendu, si je me suis mal exprimé. Je n'ai pas dit qu'il fallait légiférer sur le secteur privé. Je disais que les gouvernements provinciaux et territoriaux devaient reconnaître que nous devons travailler avec le secteur privé. Je ne voudrais certainement pas qu'on légifère sur le secteur privé.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le ministre, de votre excellente présentation et de votre passion pour votre travail.
Je suis ravi de voir le général de nouveau. Je tiens à souligner l'excellent service qu'il rend au pays depuis de très nombreuses années.
J'aimerais entrer dans certains détails. Le premier, c'est que l'ESPT ferait manifestement partie des raisons médicales. Est-ce qu'il y a une sorte de priorité — il ne devrait pas y en avoir — pour un ESPT causé par une affectation en Afghanistan par rapport à un ESPT causé par une situation au Canada, ou est-ce que tout le monde est traité de la même manière? Une personne souffre d'un ESPT, peu importe la raison.
M. O'Toole : C'est une excellente question. Quand je parle de membres libérés pour des raisons médicales ou de membres blessés, et quand je rencontre des groupes, je parle toujours des blessures physiques et mentales subies pendant le service militaire. Nous nous améliorons sur ce plan, en tant que pays, mais c'est aussi un domaine où les besoins augmentent.
Vous dites dans votre propre rapport que 13 p. 100 des membres ayant participé à la mission en Afghanistan souffrent d'un traumatisme lié au stress opérationnel. Il y a 8 p. 100 de cas d'ESPT — un diagnostic psychiatrique —, mais il peut y avoir de l'anxiété, de la dépression, tout un éventail de traumatismes liés au stress opérationnel. Les anciens combattants ayant subi de telles blessures pendant le service sont admissibles aux programmes.
Comme certains de vos témoins l'ont dit, nous devons non seulement travailler à prévenir la stigmatisation des personnes de sorte qu'elles se manifestent pour obtenir de l'aide, car il y a énormément d'aide pour ces personnes si elles le font, mais aussi s'efforcer de mettre fin aux préjugés qui existent dans une certaine mesure dans le secteur privé et selon lesquels une personne ayant subi un traumatisme lié au stress opérationnel risque de ne pas pouvoir travailler plus tard. Les hommes et les femmes peuvent s'en remettre, peuvent être réaffectés et peuvent gérer très efficacement leurs symptômes.
Je pense qu'au cours des 10 dernières années, la société canadienne en est venue à parler plus rationnellement des problèmes de santé mentale en général. C'est un domaine où je pense que les Forces canadiennes ont mené la discussion et ont essayé de faire tomber les obstacles à la discussion sur les blessures mentales subies pendant le service.
Si vous me le permettez, sénateur, je parle très régulièrement de mon prédécesseur à la Chambre et dans mes discours. Il y a 100 ans, il était le député de la région de l'Ontario que je représente. Il est mort à la suite de son service au cours de la Première Guerre mondiale. Il a été réélu en 1917 alors qu'il se battait en France, mais nous n'avons qu'une statue dans l'édifice du Centre, laquelle est dédiée à George Baker, mort durant la Première Guerre mondiale. Et selon l'histoire, il est le seul député mort en service. En réalité, il y en a eu deux. L'autre, Sam Sharpe, s'est enlevé la vie. Il représentait ma région, il y a 100 ans.
Je relate cette histoire pour montrer que nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis l'époque de Sam Sharpe, un personnage important de l'histoire dont on ne parlait pas au pays à cause de sa fin triste et tragique.
Nous avons maintenant un réseau qui comptera, d'ici la fin de l'année, 26 ou 27 cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Nous investissons de l'argent, mais surtout, nous commençons à mieux nous attaquer à ce problème grâce à l'adoption du programme « En route vers la préparation mentale » par les Forces canadiennes et à la sensibilisation du général Lawson et d'autres membres des Forces qui encouragent une culture dans laquelle les gens iraient chercher du soutien. Je suis ravi à l'idée de travailler avec votre ancien collègue, le sénateur Dallaire, et avec d'autres personnes à faire tomber ces préjugés. Cela aidera les employeurs à reconnaître qu'une personne qui a subi un traumatisme lié au stress opérationnel peut avoir obtenu un traitement et constituer un atout formidable pour l'entreprise. Il faut faire tomber ces obstacles.
Gén Natynczyk : Je veux confirmer ce que le ministre a dit et ajouter quelques petites choses. Ce qui est essentiel, c'est que les hommes et les femmes des Forces canadiennes se manifestent, contrairement à ce que faisaient les générations passées, s'ils souffrent ou ont souffert d'un problème de santé mentale. Ce qui est difficile pour nous, c'est de déterminer s'il s'agit d'un problème préexistant ou d'un problème causé par le service, et cela répond à votre question.
Ce qui est formidable, c'est que nous avons ce dialogue en ce moment au Canada et que cela encourage ceux et celles qui taisaient leur situation à finalement se manifester. Nous nous attaquons aux préjugés. Il est essentiel que nous le fassions. C'est une question de leadership, et non une question d'ordre médical.
Quand je visite nos bureaux d'Anciens Combattants, je suis ravi d'entendre que, pour la première fois, des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, de la guerre de Corée et des événements des années 1950, 1960 et 1970 se manifestent et demandent de l'aide. Selon la recherche que nous avons à Anciens Combattants, nous constatons avec intérêt qu'en gros, 50 p. 100 de ceux qui demandent de l'aide le font à compter de la deuxième année suivant leur libération et que cela peut aller jusqu'à 60 ou 70 ans après leur libération. Ce sont pour la plupart des cas de problèmes de santé mentale. La proportion est plus faible chez ceux qui portent encore l'uniforme. La plus forte proportion se manifeste après coup.
Le sénateur Mitchell : Nous devrions peut-être placer une plaque pour Sam Sharpe à côté de...
M. O'Toole : J'ai comme projet de le faire. Je suis heureux d'avoir un nouvel allié.
Le sénateur Mitchell : J'encourage cela. Le général a mentionné le leadership, et je ne veux pas critiquer, mais monsieur le ministre, vous avez dressé une belle liste de caractéristiques et de traits de caractère que les membres des Forces canadiennes apportent à un employeur, en négligeant toutefois de mentionner le leadership. C'est l'un des rares endroits où vous apprenez vraiment à faire preuve de leadership. La formation au leadership au sein des Forces est exceptionnelle, et cela m'a toujours impressionné. Nous avons besoin de cela dans les entreprises et au gouvernement.
Ma deuxième question porte sur ce dont le sénateur White a parlé, soit la GRC. D'après mes observations, je pense que l'armée a fait de grands progrès que la GRC n'a pas faits en matière d'ESPT. Je pense qu'ils essaient, mais ce n'est pas la même chose. J'ai remarqué que les membres de la GRC qui sont libérés pour des raisons médicales ont une priorité 4, plutôt qu'une priorité 1 — je me trompe peut-être.
Monsieur le ministre, général, je me demande si vous et votre personnel êtes en contact direct avec le commissaire Paulson et la GRC concernant les trois à cinq ans qui doivent s'écouler avant que certains de leurs membres puissent partir pour des raisons médicales et parce qu'ils sont atteints de l'ESPT. Cela n'est pas négligeable, à la GRC. Je me demande s'il est possible de recourir aux mêmes méthodes et démarches à la GRC que dans les Forces.
M. O'Toole : Je vais laisser le général Natynczyk parler dans un petit moment, car je pense pouvoir parler de cela. Il est particulièrement bien positionné pour parler de cela. Je crois comprendre que la GRC se penche sur le programme « En route vers la préparation mentale » que les Forces canadiennes ont adopté, ainsi que sur certaines des compétences en santé mentale qui se trouvent au sein des Forces canadiennes. C'est judicieux, et certains des importants corps de police à l'échelle du pays s'intéressent, ou devraient s'intéresser à la démarche adoptée par les forces canadiennes à ce sujet, car c'est perçu comme un élément de préparation opérationnelle. On s'assure de répondre aux besoins en santé mentale de nos hommes et de nos femmes.
Souvent, si les problèmes sont décelés rapidement, les personnes peuvent avoir de la formation et de l'éducation avant leur affectation, ou avant le déclenchement ou la crise. Même pendant les 12 années en Afghanistan, les Forces canadiennes ont toujours peaufiné leur instruction préalable au déploiement sur la santé mentale et le stress opérationnel ainsi que leur instruction post-déploiement et leur instruction de décompression, de sorte que les hommes et les femmes soient bien équipés avant et bien soutenus après, et qu'ils évoluent dans un environnement où ils sont encouragés à se manifester et à aller chercher de l'aide, tout comme s'ils avaient subi une blessure physique.
Le général peut vous parler de cela bien mieux que moi.
Gén Natynczyk : Je vous remercie beaucoup de cette question.
C'est toujours intéressant. Nous sommes les deux nouveaux, et nous profitons de la sagesse de Bernard Butler et de Maureen Sinnott si nous nous égarons un peu trop.
La loi en vertu de laquelle le ministre et le ministère fonctionnent se concentre sur les Forces canadiennes, et le ministère des Anciens Combattants est un fournisseur de service pour la Gendarmerie royale du Canada. Vous savez mieux que moi qu'il y a plusieurs années, la Gendarmerie royale du Canada a décidé de demeurer assujettie à la Loi sur les pensions plutôt que de passer à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Nous les incluons dans nos discussions sur la planification stratégique et les politiques et essayons de leur donner des options pour aller de l'avant. J'ai rencontré le commissaire de la GRC et j'ai invité son adjoint responsable des ressources humaines à participer à toutes nos séances de planification. Je leur ai dit que nous sommes là pour leur donner tous les services qu'ils souhaitent. Cependant, c'est au leadership de la GRC de déterminer ses façons d'agir et les types de services que nous pouvons leur fournir.
En ce qui concerne la GRC, ce qui me préoccupait quand j'étais chef d'état-major de la Défense, c'est qu'elle nous chipait nos bons hommes, particulièrement au sein de la police militaire. J'entendais la GRC, la police provinciale de l'Ontario et les forces du Québec vanter la qualité des militaires et souhaiter leur offrir du travail. Pour ce qui est de donner du soutien à la GRC, ses membres peuvent se prévaloir de l'initiative.
Le sénateur Mitchell : Profitent-ils de cette initiative? Je sais qu'on leur a offert cette possibilité il y a plusieurs années, dans le cadre du programme de mentorat de la GRC du lieutenant-colonel Stéphane Grenier, et que personne ne s'en est prévalu. Ils ont apparemment dit qu'ils le feraient, mais ils ont changé d'idée.
Gén Natynczyk : Je peux vous dire que la GRC utilise nos cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, où nous leur offrons des services. Les bureaux d'Anciens Combattants Canada leur proposent toute la gamme de services.
Le président : Deux sénateurs ont exprimé le souhait de participer au deuxième tour, qui donne lieu à de brefs échanges de questions et de réponses, comme nous le savons tous.
La sénatrice Stewart Olsen : J'ai une brève question. La GRC a-t-elle accès aux cliniques spécialisées que nous avons établies au pays à l'intention des militaires?
M. O'Toole : Oui, le général a indiqué que les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, y compris les cliniques satellites et certaines de celles que nous avons agrandies, leur sont accessibles. En ce qui concerne cette stratégie et le réseau de cliniques, nous espérons assurer la dispersion géographique des cliniques en collaborant avec les Forces armées canadiennes, qui en exploitent quelques-unes, et avec Anciens Combattants Canada pour servir les populations comptant un nombre élevé de familles et d'anciens combattants des Forces canadiennes. Nous voulons que cette dispersion géographique nous permette de couvrir aussi les familles qui retournent à la maison après le service, comme je l'ai souligné plus tôt dans mon exposé. Ce que nous voulons, c'est en arriver au point où près de 80 p. 100 de la population canadienne vit à une heure de route de ces cliniques.
Souvenez-vous que la première clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel a ouvert ses portes au cours de ma dernière année au sein des Forces armées canadiennes, en 2002. Même ces cliniques de soutien de la santé mentale officielles sont relativement nouvelles au Canada, et elles prennent rapidement de l'expansion. Comme le général l'a indiqué, à mesure que nous réalisons des progrès au chapitre de la stigmatisation, plus de gens se manifestent, et pas seulement immédiatement après leur libération.
Le général a raison; je suis ravi de rencontrer des anciens combattants de la guerre de Corée qui ont souffert en silence pendant des décennies et comprendre qu'il existe maintenant un environnement et des ressources pour eux. C'est une bonne chose, car il nous déplairait de penser qu'ils continuent de souffrir parce qu'ils répriment certains de leurs problèmes.
Le président : Votre question était brève et succincte. Merci, sénatrice Stewart Olsen.
Le sénateur White : Vous vous attendez à ce que je fasse de même.
Général, j'apprécie votre commentaire concernant la GRC. Étant retraité de la GRC, je dois dire que la relation entre la GRC, Anciens Combattants Canada et le retraité est encore difficile. Lors du dépôt initial de ce projet de loi, j'ai reçu près d'une centaine de courriels d'anciens agents de la GRC qui demandaient : « Anciens Combattants Canada va-t-il enfin s'occuper de nous? Nous n'en sommes pas exactement sûrs. » Il n'y a pas vraiment de représentant de la GRC que nous pourrions joindre en cas de problème. En fait, si j'avais dû déterminer si je souffrais d'une blessure liée au stress opérationnel après avoir pris ma retraite, j'ignore ce que j'aurais fait, pour être franc. Ce dossier ne relève pas du commissaire ou du sous-ministre adjoint délégué. Je pense qu'il revient peut-être au ministère de tenter de comprendre ce qu'il faut faire pour éclaircir les choses.
La GRC compte actuellement 30 000 employés, dont 22 000 seraient admissibles à l'aide d'Anciens Combattants Canada après leur départ à la retraite. Mais que doivent-ils faire? Je pense que c'est clair pour les militaires, car je crois qu'ils comprennent les démarches à prendre. Ce n'est pas aussi clair pour moi. J'ai une carte qui m'indique qui joindre à Anciens Combattants Canada, mais j'ai composé ce numéro après mon départ à la retraite et je me suis fait répondre : « Nous ne sommes pas vraiment certains de savoir quel soutien nous pourrions vous offrir. Vous devriez communiquer avec la division locale de la GRC. » Mais là, on m'a répondu : « Nous n'avons aucune idée de ce dont ils parlent. »
Je pense que nous devons tenir une discussion dans l'avenir dans un autre contexte. À mon avis, ce projet de loi est très utile pour ce que nous voulons faire. Je pense qu'il serait utile de discuter davantage des liens entre les retraités de la GRC et Anciens Combattants Canada, et ce, tant pour les anciens combattants eux-mêmes que pour le ministère.
Merci de témoigner aujourd'hui. J'espère que vous passez une belle journée. Je dois formuler mon idée pour en faire une question.
Le président : Qu'en pensez-vous?
Le sénateur White : Oui, qu'en pensez-vous?
Gén Natynczyk : Puis-je juste faire une observation? Monsieur le président, sénateur, en cas de doute, appelez l'excellent sergent d'état-major de la GRC, qui fait partie de mon effectif à Charlottetown. Il y a un agent de liaison permanent dans mon organisation. Quand nous avons tenu notre réunion stratégique le 5 décembre, le commissaire adjoint aux RH, Dan Dubeau, était présent. Dans toutes les régions du pays, des agents de la GRC, qu'ils soient en service ou retraités, se rendent dans les bureaux d'Anciens Combattants Canada pour se prévaloir de toute la gamme de services qui y sont offerts.
J'ai rencontré les dirigeants de l'Association des anciens de la GRC et je leur ai indiqué que nous sommes là pour les aider. La porte est ouverte, et je l'ai indiqué au commissaire également. J'ai parlé à M. Guy Parent, notre ombudsman. Il discute lui aussi avec la haute direction de la GRC. Nous leur ouvrons grand les bras, disant que la porte est ouverte. Nous sommes là pour les servir, peu importe ce dont ils ont besoin.
Le président : Pour en revenir brièvement au projet de loi C-27, puisque nous serons appelés à nous prononcer à ce sujet dans un avenir pas si distant, l'ombudsman et d'autres parties ont soulevé quelques questions, en ce qui concerne notamment l'attribution au service, le motif de libération et la blessure. Au chapitre de l'attribution, vous avez déjà indiqué que vous espérez une meilleure collaboration avec la Défense nationale pour que nous puissions commencer l'évaluation pendant que l'intéressé porte encore l'uniforme. Est-il possible de faire de même pour l'évaluation des avantages financiers et de l'admissibilité à la fonction publique? Existe-t-il aussi des processus d'évaluation qui peuvent être mis en œuvre pendant que la personne porte encore l'uniforme?
M. O'Toole : Excellente question. La réponse est oui, c'est notre objectif. Pendant la période de trois à cinq dont j'ai parlé dans mon exposé, au cours de laquelle le membre des Forces armées canadiennes continue de porter l'uniforme et de recevoir son salaire en attendant son rétablissement ou une décision sur sa carrière militaire, nous entendons sincèrement régler la question de la demande de prestations d'invalidité et de l'évaluation, mais aussi mettre le client en rapports plus tôt avec Anciens Combattants Canada. Là, tout peut être examiné, comme l'admissibilité à l'embauche prioritaire et les options qui s'offrent au chapitre du recyclage et de la réadaptation, qui sont maintenant plus nombreuses. Il faut commencer à évaluer cela pendant que la personne est encore à l'unité interarmées de soutien au personnel et en uniforme.
Une des choses importantes au sujet de laquelle nous avons agi rapidement après le dépôt du rapport du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes sur la Nouvelle Carte des anciens combattants, laquelle faisait, je crois, l'objet de la première et plus importante recommandation, c'est la politique du gouvernement fédéral, qui veut maintenant qu'aucun membre ne soit libéré des Forces armées canadiennes avant que sa situation médicale ne soit stabilisée et qu'un agent de gestion de cas d'Anciens Combattants Canada n'ait communiqué avec lui et entamé le processus. Notre objectif, en travaillant en collaboration très rapidement avec les Forces armées canadiennes et le chef du personnel militaire, est de veiller à ce qu'on intervienne très rapidement après la blessure liée au service pour pouvoir utiliser ce temps afin de travailler au plan de transition avec la personne concernée.
Je dis très régulièrement dans mes exposés que la réussite a trois facettes. Votre rapport traite aussi de la question, mais j'en intègre le contenu aux trois que j'aime utiliser. Pour ceux qui quittent les Forces armées canadiennes, la réussite comprend trois facettes : la santé — et nous nous assurons qu'ils sont médicalement stables et que toutes les questions sont réglées —, le bien-être de la famille et la réorientation de carrière. Si une de ces trois facettes ne va pas bien, cela a une incidence sur les deux autres. Si la réorientation de carrière est problématique, cela peut causer du stress au sein de la famille. Il en va de même pour la santé. Il est arrivé par le passé que des gens partent avant qu'on ne connaisse toute l'étendue de leurs blessures. En pareil cas, nous ne pouvons établir de plan adéquat en ce qui concerne la santé et la réhabilitation professionnelle.
Si vous me permettez une remarque, sénateur Day, j'avais noté deux des statistiques dont j'espérais parler dans mon exposé, mais je n'ai pu les trouver dans ma copie annotée de votre rapport quand j'ai parlé de l'Étude sur la vie après le service et de l'attention accordée aux femmes. Ce qui m'a frappé dans votre rapport, c'est le fait que les anciennes combattantes voient leur revenu diminuer de 30 p. 100 au cours de leurs trois premières années suivant leur libération. Voilà qui montre pourquoi il faut effectuer des recherches plus approfondies concernant les personnes libérées pour raisons médicales qui ont un taux de chômage plus élevé et les femmes qui n'ont peut-être pas les résultats que nous voudrions qu'elles obtiennent.
Le président : Merci. Je pense qu'il nous serait utile que vous formuliez des commentaires sur certains autres points qui ont été soulevés, notamment au sujet du survivant d'un ancien combattant, dont la définition n'a pas changé. Dans ce cas précis, l'ancien combattant est considéré comme étant quelqu'un qui a pris part à la guerre de Corée ou la Seconde Guerre mondiale. Son survivant est son épouse, qui a probablement plus de 70 ans maintenant. Pourtant, nous lui accordons la priorité ou la préférence au chapitre de l'emploi, mais pas aux survivants d'autres anciens combattants. Le présent projet de loi élargit la définition d'« ancien combattant » afin d'accorder la priorité à ceux qui ont cumulé trois ans de service et qui ont fait l'objet d'une libération honorable. Est-ce en raison d'un oubli qu'on n'a pas modifié la définition de « survivant », ou est-ce que j'interprète mal la mesure législative?
M. O'Toole : Je ferai un bref commentaire à ce sujet avant de céder la parole à M. Butler. La Nouvelle Charte des anciens combattants a apporté des améliorations concernant la famille des anciens combattants, à laquelle le gouvernement accorde une attention particulière. Je traite régulièrement de la question. Vous remarquerez que votre propre étude indique de façon assez détaillée que la réadaptation professionnelle et la mise à niveau de l'éducation peuvent être transférées au survivant. Il s'agit d'une forme de reconnaissance inhérente qui permet à la famille de se prévaloir de la réadaptation professionnelle ou d'autres avantages.
La famille a participé de façon plus active. Cette modification vise à permettre à la famille de bénéficier d'une augmentation substantielle des services de counseling psychologique, car nous savons que les blessures liées au stress opérationnel d'un ancien combattant peuvent avoir des répercussions sur elle. Si le bien-être de la famille n'est pas assuré dans le cadre de la transition en trois volets, la transition de l'ancien combattant s'en ressentira.
Pour ce qui est des périodes choisies dans la mesure législative, la période de cinq ans prévue dans le projet de loi C- 27 a été fixée en fonction de la période de cinq ans accordée pour la réadaptation professionnelle lors de la transition afin de permettre au membre de se prévaloir de la mise à niveau de l'éducation et de se recycler pour se qualifier dans le cadre d'une occasion d'emploi au gouvernement. Nous voulions que la même approche s'applique au survivant. C'est précisément pour cela.
Le président : Seriez-vous disposé à apporter un amendement pour inclure les survivants des anciens combattants de l'ère moderne également?
M. O'Toole : Nous ajouterions que l'objectif de ce programme d'embauche consiste à caser une personne ayant acquis des compétences et des services exceptionnels au sein des Forces armées canadiennes dans un poste connexe. Nous voulions, dans une certaine mesure, offrir cette possibilité à la famille également, mais le militaire actif conserve la priorité en raison du service et de la formation faite au sein des Forces armées canadiennes. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est peut-être la raison pour laquelle il y a une légère différence.
La priorité est réellement accordée aux militaires actifs, puisqu'ils ont servi le gouvernement fédéral en accomplissant ce qui est peut-être la forme la plus élevée de service, c'est-à-dire en assumant la responsabilité illimitée qui va de pair avec le port de l'uniforme. C'est probablement pourquoi le seuil est légèrement différent pour le survivant qui n'a pas fait de service militaire.
Le président : Monsieur Butler, alliez-vous ajouter quelque chose?
M. Butler : Non, je confirmerais simplement les propos du ministre. Je ne dirais certainement pas qu'un oubli a été commis à l'époque.
Le président : Il serait peut-être préférable d'enlever la disposition accordant la préférence au survivant. Quand on sait que le survivant a plus de 80 ans, cette disposition n'est guère appropriée. Mais c'est une remarque que d'autres ont également formulée, et je voulais simplement vous en faire part pour que vous puissiez y réfléchir.
Pour en revenir à la période de cinq ans prévue pour déterminer si l'ancien combattant est admissible à un emploi à la fonction publique, le projet de loi prévoit une autre période de cinq ans une fois que la personne concernée a été jugée admissible. Certains se demandent pourquoi cette période se limite à cinq ans. Est-ce parce que la Commission de la fonction publique voulait que cette période d'admissibilité ait une durée limitée? Pourquoi offrir la deuxième période de cinq ans? Pourquoi n'y aurait-il pas de limite de temps quand les intéressés sont prêts à l'emploi?
M. O'Toole : Merci, sénateur. Je n'étais pas ministre à l'époque où ce projet de loi a été élaboré, mais j'en ai probablement parlé plus que tout autre député à la Chambre. Voici ce que je puis vous dire : la période de cinq ans a, comme je vous l'ai indiqué, été offerte pour tenter de permettre aux anciens combattants de profiter des occasions de réadaptation et de recyclage qui leur sont proposées. Je pense que l'objectif de la transition, qui transparaît tout au long de votre rapport, et de la Nouvelle Charte des anciens combattants, consiste en fait à favoriser cette transition.
Je pense que la période a été prolongée parce que lorsque l'ancien combattant fait sa réadaptation professionnelle, sa formation ou son éducation postsecondaire potentielle, il peut décider ensuite de travailler pour le ministère des Finances. Il découvrira peut-être que le processus de réadaptation lui-même l'oriente vers une nouvelle carrière. Nous voulons favoriser une transition rapide et sans heurt, car plus les anciens combattants connaissent de succès au cours de leurs premières années à l'extérieur de l'armée, plus susceptibles ils sont de connaître un bien-être généralisé. L'objectif a toujours consisté à encourager la transition professionnelle dès le départ; la prolongation de la période a été prévue parce que la formation peut les mener à de nouvelles possibilités de carrière, et nous voulons nous assurer qu'ils puissent toujours se prévaloir de la priorité d'embauche.
Vouliez-vous ajouter quelque chose de précis?
Gén Natynczyk : Je voulais simplement formuler quelques remarques pour appuyer les propos du ministre. Sachez, pour l'anecdote, que je connais de nombreux soldats qui ont subi des blessures des plus sérieuses, et ce qui était le plus difficile pour eux, c'est qu'ils ne voulaient pas quitter leur unité pendant des années. Nous avons essayé de les encourager à fréquenter l'école et à emprunter diverses voies, mais il était si important pour eux de faire partie de leur escadron, de leur navire ou de leur famille qu'ils ne voulaient pas partir. Il est difficile de les encourager à partir quand ils ont tant sacrifié.
Je suis extrêmement heureux d'avoir vu certains d'entre eux, au cours des dernières années, se sentir capables de passer à autre chose environ cinq ans après avoir subi leur blessure. Nombre de leurs pairs ont repris le cours de leur vie et font autre chose, et ils sont prêts à faire de même. Les propos qu'on me tient sur ces cinq ans me rassurent à cet égard.
De plus, au cours de cette deuxième période de cinq ans, il faut qu'ils occupent un poste, que ce soit au sein de la fonction publique ou de l'industrie, car c'est important pour leur santé. Si leurs blessures physiques ou mentales les en empêchent, il importe alors que leur partenaire ou leur conjoint puisse se prévaloir de cette occasion de faire une contribution au sein de la famille. Voilà pourquoi les dispositions proposées me conviennent tout à fait.
Le président : Cinq ans et cinq ans. Merci beaucoup. La sonnerie retentit.
Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir comparu devant nous. Nous avons tenu une excellente discussion qui nous sera très utile. Monsieur Natynczyk, merci, et bonne chance à vous deux. Je suis certain que Mme Sinnott et M. Butler vous surveilleront de près.
La séance est maintenant terminée. Merci.
(La séance est levée.)