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VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 11 - Témoignages du 22 avril 2015


OTTAWA, le mercredi 22 avril 2015

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à midi, pour étudier les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense étudie les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel — parfois appelées BSO — comme l'état de stress post-traumatique.

Aujourd'hui nous avons le grand plaisir d'accueillir, à titre de témoins, les représentants d'Anciens Combattants Canada. M. David Pedlar est directeur de la Direction de la recherche des Études sur la vie après le service (EVAS) du Secteur des politiques, communications et commémoration. Il est accompagné du Dr Jim Thompson, qui est conseiller de la recherche médicale.

M. Pedlar nous a fait parvenir un document, que vous devriez trouver devant vous. Je vais maintenant donner la parole à M. Pedlar pour lui permettre de nous présenter son document. Ensuite, nous passerons aux questions.

Monsieur Pedlar, la parole est à vous.

David Pedlar, directeur Direction de la recherche, Études sur la vie après le service (EVAS), Secteur des politiques, communications et commémoration, Anciens Combattants Canada : Merci, monsieur. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de témoigner aujourd'hui. En fait, nous sommes venus au comité en 2012 pour vous présenter les résultats du premier cycle des Études sur la vie après le service. Ces résultats découlaient de renseignements que nous avions obtenus d'anciens combattants de partout au Canada en 2010.

Aujourd'hui, nous passerons du temps avec vous et nous vous présenterons les résultats du deuxième cycle de cette étude, qui proviennent de renseignements recueillis en 2013. Nous nous concentrerons sur les résultats de la de recherche en santé mentale, car c'est le thème de votre étude. Voici la bonne nouvelle : nous avons maintenant une compréhension de plus en plus complète de la santé mentale des anciens combattants, ce qui nous aidera à orienter les efforts en matière de politiques et de programmes.

Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Jim Thompson, qui est conseiller de la recherche médicale. Il a dirigé nos travaux de recherche en santé mentale à titre d'expert technique. Il compte de nombreuses années d'une expérience inestimable en milieu clinique, ce qui sera utile à la discussion. Il se chargera donc de ce bref exposé.

En ce qui concerne notre expertise, notez que nous sommes chercheurs et que nous visons actuellement à comprendre la santé mentale chez les anciens combattants au Canada du point de vue de cette population. J'ai été informé qu'il y aura bientôt une autre séance du comité sénatorial au cours de laquelle des experts en la matière viendront vous parler du sujet très important que sont les efforts considérables d'ACC en matière de prestation des services à cet égard.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, le Dr Jim Thompson, pour lui permettre de présenter le document.

Dr Jim Thompson, conseiller de la recherche médicale, Anciens Combattants Canada : Comme mon collègue l'a indiqué, nous sommes heureux de faire rapport sur les analyses plus poussées de l'étude de 2010 et de vous présenter les conclusions de l'étude de 2013, qui visait à en savoir plus sur les vétérans de la Force régulière et dans laquelle étaient inclus pour la première fois les vétérans de la Force de réserve. C'était la diapositive 2.

Je suis maintenant rendu à la diapositive 3, où vous trouverez un aperçu du programme de recherche Études sur la vie après le service.

La diapositive 4 porte sur trois constatations générales de cette étude. Soulignons d'entrée de jeu que la plupart des anciens combattants s'en tirent bien, même une bonne partie de ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale. On peut en déduire que l'idée selon laquelle les vétérans des Forces armées canadiennes sont mal en point est un mythe.

Toutefois, un nombre considérable de vétérans souffre de problèmes de santé mentale, et les réservistes qui ont été déployés se comparent davantage aux vétérans de la Force régulière. Cela démontre, d'une part, qu'il y a assez de données axées sur la population pour justifier l'attention qu'accorde le ministère des Anciens Combattants à la santé mentale et aux anciens combattants et, d'autre part, que les réservistes qui ont été déployés semblent avoir besoin d'autant d'aide que les vétérans de la Force régulière.

La troisième constatation, c'est que les réservistes non déployés sont beaucoup plus jeunes et ne diffèrent pas beaucoup des jeunes Canadiens de la population générale.

Nous sommes maintenant à la diapositive 5. Tous les anciens combattants peuvent souffrir de troubles de santé mentale, mais nous avons cerné des sous-groupes où les troubles de santé mentale avec diagnostic sont plus prévalents. On trouve sur cette diapositive un portrait très semblable à celui que nous obtenons pour d'autres aspects du bien-être que nous avons étudiés, comme les difficultés d'adaptation à la vie civile, la qualité de vie, l'invalidité et les pensées suicidaires.

Les problèmes de santé mentale sont plus fréquents chez les anciens officiers subalternes et militaires du rang, qui présentent aussi les plus hauts taux de libération pour des raisons médicales, de problèmes de santé physique chronique, d'invalidité, de difficultés d'adaptation à la vie civile et de pensées suicidaires.

Sur la diapositive suivante, on montre les taux de prévalence...

Le président : Docteur Thompson, vous allez un peu trop vite; pourriez-vous parler plus lentement pour nous permettre de suivre? Je sais que vous connaissez bien le sujet, mais ce n'est pas notre cas.

Merci.

Dr Thompson : Très bien.

Sur cette diapositive, on présente les taux de prévalence de problèmes chroniques de santé mentale et physique chez les vétérans de la Force régulière libérés entre 1998 et 2012. Les problèmes de santé mentale sont en rouge, à gauche, tandis que les problèmes de santé physique sont en bleu, à droite. On voit également dans ce tableau une comparaison avec la population canadienne en général. Ce sont les barres beiges qu'on voit sur cette diapositive.

Les taux relatifs aux trois problèmes chroniques de santé mentale étaient considérablement plus élevés chez les vétérans de la Force régulière — plus du double que ceux de la population générale —, mais c'était aussi le cas des taux de prévalence des affections physiques chroniques graves comme l'arthrite, les problèmes lombaires, les problèmes de l'ouïe et d'autres problèmes physiques auxquels sont associés des symptômes de stress pouvant mener à des troubles de santé mentale.

Pour Anciens Combattants Canada et d'autres organismes qui offrent des services aux anciens combattants des Forces armées canadiennes, cela signifie plusieurs choses. Premièrement, ces données soulignent l'importance de l'amélioration continue des services liés à la santé mentale. Deuxièmement, traiter les problèmes de santé physique chronique et les problèmes de santé mentale est important, et j'en parlerai davantage dans une minute. Troisièmement, même si Anciens Combattants Canada doit fréquemment s'occuper de personnes qui présentent des troubles musculosquelettiques avec douleurs chroniques ou des problèmes de santé mentale, d'anciens combattants ayant des problèmes physiques très diversifiés sont devenus des clients d'Anciens Combattants Canada après avoir passé les tests d'établissement du lien avec le service; cela touche tant le Programme de prestations d'invalidité que le Programme de réadaptation.

À la diapositive 7, on trouve plus de détails sur la concurrence de problèmes de santé mentale et physique chez les nouveaux vétérans canadiens. Le quart des vétérans présente un problème de santé mentale, mais plus de 90 p. 100 des vétérans qui ont un problème de santé mentale diagnostiqué avaient aussi un problème de santé physique. Dans notre analyse des données de l'étude, nous avons découvert que la concurrence de problèmes de santé mentale et physique avait un effet disproportionné sur la qualité de vie, l'invalidité et les pensées suicidaires au sein de cette population comparativement aux personnes qui sont aux prises avec l'une ou l'autre de ces affections. Il s'agit d'un aspect très important qu'il convient de se rappeler lorsqu'il est question de problèmes de santé mentale.

Les constatations liées à la santé physique permettent de tirer trois conclusions principales. Premièrement, il s'agit habituellement, dans le système de soins de santé, des patients qui présentent les problèmes les plus complexes en matière de santé et de bien-être. Deuxièmement, les services visant à traiter ces deux types de problèmes doivent être offerts par l'intermédiaire d'équipes multidisciplinaires axées sur la collaboration. Troisièmement, nous devons faire preuve de prudence à l'égard de pratiques où les problèmes de santé mentale ou physique sont traités séparément.

Deux importantes constatations sont présentées à la diapositive suivante. La première, c'est que parmi les 25 p. 100 ayant reçu un diagnostic de maladie mentale, environ le tiers affichait actuellement une faible détresse psychologique. Cela signifie que les personnes qui ont reçu un diagnostic n'ont pas toutes besoin de mesures de soutien intensives.

Le deuxième, c'est que dans cette population, parmi les 13 p. 100 qui affichaient une détresse psychologique modérée ou sévère, 15 p. 100 n'ont pas été diagnostiqués ou n'ont pas signalé souffrir d'un trouble quelconque. Cela sous-entend qu'il y a probablement un manque quant à la nécessité de reconnaître le problème et d'obtenir un diagnostic, comme c'est le cas dans la population générale. L'incapacité à reconnaître la nécessité d'obtenir de l'aide pour des problèmes de santé mentale est un problème courant, mais il existe également des obstacles possibles à la reconnaissance, à l'obtention d'un diagnostic et à l'obtention de soins.

La diapositive suivante traite de l'emploi. Le travail est un facteur important de la santé et du bien-être. Par conséquent, les constatations liées à l'emploi revêtent une grande importance. Parmi les 24 p. 100 des vétérans de la Force régulière qui présentent un problème de santé mentale, un peu plus de la moitié avait un emploi, les autres étant répartis dans les trois groupes de personnes sans emploi. La plupart des anciens combattants avaient un emploi; c'est ce groupe qui est représenté en bleu sur cette diapositive. Parmi ceux qui avaient un emploi, environ le huitième, ou 17 p. 100, avait reçu un diagnostic de maladie mentale.

Toutefois, la prévalence de problèmes de maladie mentale était plus élevée au sein des trois groupes de personnes qui ne travaillent pas, soit 30 p. 100 des personnes de la catégorie « sans emploi », en rouge; 36 p. 100 dans la catégorie « pas d'emploi, ne cherche pas » — dont une bonne partie n'est pas à la retraite —, en vert; enfin, 79 p. 100 du plus petit groupe, la catégorie des personnes incapables de travailler pour diverses raisons.

La première des trois principales conclusions qu'on peut en tirer, c'est qu'à l'instar de tous les autres Canadiens, les anciens combattants qui souffrent de problèmes de maladie mentale sont employables. Deuxièmement, certaines des personnes qui présentent des problèmes de maladie mentale et qui ont un emploi ont peut-être besoin de mesures d'aide pour conserver leur emploi. Troisièmement, les problèmes de santé mentale touchent davantage les personnes sans emploi, ce qui indique qu'il faut améliorer la mobilisation de la main-d'œuvre à l'égard des personnes qui présentent des problèmes de santé mentale.

La diapositive suivante traite de l'invalidité. Le taux plus élevé de problèmes de santé physique et mentale chez les anciens combattants se traduit par un taux plus élevé d'invalidité, qu'on appelle, dans nos études des « limitations d'activité ». Par exemple, dans le diagramme à barres que vous voyez à gauche, le taux de limitation d'activité au travail pour des raisons de santé chez les vétérans qui occupent un emploi est presque trois fois plus élevé chez les vétérans de la Force régulière que dans l'ensemble de la population canadienne.

Dans le tableau de droite, celui avec les flèches rouges, les risques de limitations d'activités liées à la santé dans les quatre principaux domaines de la vie sont beaucoup plus élevés chez les personnes qui souffrent à la fois de problèmes de santé mentale et physique que chez ceux qui présentent l'un ou l'autre type de problème.

Dans ce cas, deux principales conclusions s'imposent : l'importance de l'aide aux travailleurs qui souffrent de problèmes de santé mentale et l'importance de l'accès aux services de réadaptation mentale et physique.

Sur la diapositive suivante, on voit que près de la moitié des anciens combattants de la Force régulière des Forces armées canadiennes ont reçu un diagnostic de problème de santé mentale, comparativement à 10 p. 100 chez ceux qui ne sont pas clients. Cela s'explique par le fait que la majorité des anciens combattants qui présentent des problèmes de santé complexes participent déjà aux programmes d'ACC. À titre d'exemple, 71 p. 100 de ceux qui souffrent de troubles de l'humeur, de troubles anxieux ou de TSPT sont des clients d'ACC; ce pourcentage est de 82 p. 100 chez ceux qui souffrent de douleurs chroniques et 73 p. 100 chez ceux qui présentent une comorbidité, c'est-à-dire les personnes qui ont à la fois des problèmes physiques et mentaux. Les exemples sont nombreux. On peut en conclure que les problèmes de santé mentale sont omniprésents au sein de la population cible des anciens combattants qui cherchent de l'aide auprès du ministère et que le personnel de première ligne du ministère s'occupe des anciens combattants aux prises avec les problèmes de santé et d'invalidité les plus complexes.

Passons à la diapositive suivante. Depuis les déploiements difficiles des années 1990, qui ont mis les questions liées aux problèmes de santé mentale chez les anciens combattants à l'avant-plan, le ministère des Anciens Combattants, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont collaboré à la création d'une multitude de programmes et de services d'appui psychosocial. Les programmes énumérés sur la diapositive sont les principaux programmes et services mis en place par le ministère des Anciens Combattants depuis l'an 2000.

Sur la diapositive suivante, on indique que les problèmes de santé mentale plus tard dans la vie découlent d'une prédisposition génétique, d'expériences antérieures — comme des expériences négatives vécues durant l'enfance —, de facteurs de stress professionnel, de facteurs de stress socio-économiques, de l'état de santé physique et de l'accès à des traitements adéquats tout au long de la vie. Nous commençons maintenant à centrer nos recherches sur la troisième case, en rose, la période qui suit la libération, pendant laquelle les militaires et leur famille traversent la période la plus difficile de la transition vers la vie civile.

C'est ce que l'on voit sur la diapositive suivante; on souligne que nous en savons bien peu sur la courte période comprise entre les quelques mois qui précèdent la libération et deux ans après. C'est là-dessus que nous centrons nos recherches menées en collaboration avec le MDN et les Forces canadiennes.

À la dernière diapositive, nous présentons les prochaines étapes. Il s'agit des étapes que la Direction de la recherche d'Anciens Combattants Canada s'emploie à préparer en collaboration avec ses partenaires de recherche, d'autres ministères et les universités. La première consiste à effectuer une analyse plus approfondie des résultats découlant de l'Étude sur la vie après le service militaire de 2013. La deuxième étape est le lancement de deux nouvelles études sur la santé mentale des militaires actifs et de leurs familles pour la période comprise entre les quelques mois qui précèdent la libération et deux ans après. La troisième étape, ce sont les études longitudinales sur la vie après le service qui auront lieu en 2016 et 2019.

Le président : Merci, docteur. J'ai deux ou trois points à soulever avant de passer aux questions des sénateurs.

Premièrement, vous avez tiré diverses conclusions au fil de votre exposé, mais ces conclusions ne figurent pas dans le document que vous nous avez envoyé. Aurons-nous accès à un rapport qui nous permettra d'étudier certains points que vous avez soulevés et d'y réfléchir?

M. Pedlar : Aucun rapport n'a été préparé, monsieur, mais si cela vous convient, c'est avec plaisir que nous vous fournirons nos notes d'allocution.

Le président : Ce serait bien, car cela nous serait utile pour consulter la transcription. Nous avons parcouru le document assez rapidement, et je n'ai pu écrire toutes les conclusions que vous avez tirées à chacune de ces pages. Cela nous serait utile.

M. Pedlar : Nous sommes heureux de vous le donner immédiatement, monsieur.

Le président : Merci; nous le distribuerons à tous les sénateurs.

Je vais commencer par la vice-présidente du comité, la sénatrice Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de cet excellent exposé. À l'instar du président, j'aimerais avoir vos conclusions. J'ai votre aperçu, mais il me manque des informations. Premièrement, utiliserez-vous les résultats de cette étude?

M. Pedlar : Les résultats de l'étude ont été intégrés à tous les aspects des politiques et la prestation de services. Cela signifie que nous participons activement au processus d'élaboration des politiques et des programmes en matière de santé mentale. Donc, toutes ces informations sont utilisées.

La sénatrice Stewart Olsen : Donc, vous dites que ces informations ont été intégrées?

M. Pedlar : C'est exact.

La sénatrice Stewart Olsen : En regardant cela, je me dis que c'est un portrait plutôt avantageux. Je dois dire que ce n'est pas ce que j'entends de nombreux anciens combattants. J'ai manqué la première partie, et je vous présente mes excuses. Avez-vous donné un chiffre sur le nombre de participants à l'étude?

Dr Thompson : Oui. L'étude était fondée sur un échantillon d'environ 3 000 personnes. Je n'ai pas le chiffre exact en tête, mais nous avons des rapports préliminaires dans lesquels cet échantillonnage est expliqué. L'étude a été préparée en collaboration avec Statistique Canada de façon à nous assurer de la représentativité statistique de l'échantillon des populations étudiées.

La sénatrice Stewart Olsen : En ce qui concerne ces 3 000 personnes, y a-t-il eu un effort concerté pour assurer la représentativité des divers services déployés, soit de l'Armée de terre, de la Marine et de la Force aérienne? Je dois connaître la méthodologie de l'étude.

Dr Thompson : L'idée, c'était que les échantillons représentent surtout la Force régulière et la Force de réserve, mais qu'ils soient également assez grands pour nous permettre d'étudier des facteurs tels l'unité de service, le sexe, l'âge et toutes les mesures liées au bien-être et les caractéristiques militaires et sociales-démocrates que nous avons mesurées dans le cadre du sondage. L'idée, c'était d'avoir un échantillon assez important pour commencer à examiner certains de ces liens, et c'est ce que nous faisons.

La sénatrice Stewart Olsen : Cela ne fait peut-être pas partie de votre sondage, mais les anciens combattants et les réservistes qui reviennent sont ceux qui ont servi en Bosnie et en Afrique et qui sont nombreux à présenter, maintenant, différents degrés de blessures et de stress post-traumatique, sur les plans mental et physique. Je présume que ces éléments ont fait partie du sondage, mais avez-vous divisé les militaires selon la catégorie de service ou la présence sur le théâtre des opérations?

Dr Thompson : Dans le sondage de 2010, nous avons vérifié s'ils avaient été déployés à l'extérieur du Canada pendant 30 jours ou plus, par exemple.

La sénatrice Stewart Olsen : Et l'endroit où ils avaient été déployés?

Dr Thompson : Nous avons eu de la difficulté à obtenir des détails sur l'endroit où ils avaient été déployés en raison des limites que présentaient les données auxquelles nous avions accès à l'époque. Certains renseignements très précis sur le lieu exact du déploiement sont soit en traitement, soit non disponibles pour le moment en raison de la nature des données.

M. Pedlar : Il est important de souligner qu'environ 90 p. 100 des répondants au sondage ont dit que nous pouvions lier leurs renseignements à nos données internes provenant du MDN ou d'Anciens Combattants, ce qui nous permettrait, si les données sur le déploiement sont accessibles, d'établir des liens avec les groupes déployés. Nous ne l'avons pas encore fait, mais il se peut que nous le fassions, selon la qualité des données sur le déploiement qui sont accessibles.

Le président : Docteur Thompson, pourriez-vous nous dire si le sondage de 2010 aborde les mêmes questions, ou les avez-vous reformulées pour le sondage de 2013? Je vois où les anciens combattants de la Force régulière ont été libérés pendant la même période, c'est-à-dire de 1998 à 2012. Quelle est la différence entre les deux sondages en ce qui a trait à la Force régulière?

Dr Thompson : Je vous remercie de souligner ce point. Sur cette diapositive, pour 2010, on devrait lire « anciens combattants de la Force régulière libérés de 1998 à 2007 ». Ensuite, en 2013, nous avons été en mesure de prolonger cette période jusqu'à 2012. En effet, en 2013, nous avions également les anciens combattants de la Force de réserve.

Les questions des deux sondages se ressemblaient beaucoup, mais en nous fondant sur ce que nous avions appris dans le premier sondage, nous avons été en mesure de préciser certaines questions dans le deuxième.

Le président : En 2013, vous aviez les données de 2007 à 2012, ou êtes-vous remonté à 1998?

Dr Thompson : C'était de 1998 à 2012. Le premier sondage couvrait la période de 1998 à 2007, et ensuite pour la Force régulière, en 2013, cette période s'étendait de 1998 à 2012. Cela nous a permis de faire deux choses. Tout d'abord, le deuxième sondage nous a fourni une deuxième mesure qui nous a permis d'établir des comparaisons avec le premier sondage, et nous avons pu confirmer que les résultats étaient similaires. Cela nous a également permis de couvrir cinq années supplémentaires, soit de 2007 à 2012.

Le président : Merci.

La parole est maintenant au sénateur Lang, du Yukon; il est président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Le sénateur Lang : J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je leur suis reconnaissant des renseignements qu'ils nous ont fournis. J'ai plusieurs questions.

Dans votre exposé, vous avez parlé des membres de classe C qui ont été déployés avec la Force de réserve sans soutien, ou vous avez mentionné qu'il n'y en avait aucun. Pourriez-vous éclaircir ce point?

Dr Thompson : En fait, lorsque nous avons comparé les anciens combattants de la Force régulière aux réservistes de classe C déployés et aux réservistes de classes A et B non déployés, les réservistes de classe C déployés ressemblaient plus aux anciens combattants de la Force régulière sur le plan de la santé et du bien-être qu'à ceux des classes A et B. Les réservistes des classes A et B ressemblaient plus aux autres jeunes Canadiens de la population générale.

M. Pedlar : Autrement dit, il était plus probable qu'ils souffrent de troubles de santé mentale et physique comparativement à la population générale.

Le sénateur Lang : S'ils avaient été déployés.

M. Pedlar : C'est exact, monsieur.

Le sénateur Lang : J'ai également remarqué que les anciens combattants de classe C de la Force de réserve qui avaient été déployés n'avaient pas accès à certains des programmes, contrairement à ceux d'autres catégories. Est-ce exact?

Dr Thompson : Je suis désolé, mais je ne connais pas suffisamment les critères d'admissibilité et les enjeux liés aux réservistes comparativement aux militaires de la Force régulière. Je n'ai pas étudié ce domaine de façon approfondie.

Le sénateur Lang : J'aimerais le signaler, car je crois qu'il s'agit d'un élément que nous devrions examiner pour veiller à ce que tout le monde soit traité...

Le président : C'est un enjeu qui a été mentionné à plusieurs reprises, j'en conviens.

Le sénateur Lang : Ayant travaillé assez longtemps pour un gouvernement régional — dans mon cas, le gouvernement du Yukon — comme les provinces ou les territoires, et compte tenu des programmes régionaux offerts par la province de Québec ou par la province du Nouveau-Brunswick ou par le gouvernement du Yukon dans les territoires, établissez-vous des liens entre les programmes offerts à la population générale, ce qui comprend les anciens combattants, et les autres programmes précis qui sont exécutés par l'entremise du gouvernement fédéral? Est-il plus rentable, dans certains cas, de partager les coûts avec la province ou le territoire pour administrer un programme, afin qu'il soit exécuté de façon plus efficace et qu'il fournisse peut-être plus d'avantages? La réalité, c'est que dans la plupart des cas, ils ont les services et les installations nécessaires.

M. Pedlar : Je crois que la réponse, c'est qu'en raison des quelque 30 minutes dont nous disposons pour parler aux anciens combattants dans le cadre d'un sondage comme celui-là, le sondage ressemble plus à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Il examine différents éléments liés à la santé et au bien-être. Il se penche sur certaines questions liées à l'utilisation des services à un très haut niveau, mais pas au niveau précis qui permettrait d'établir des comparaisons entre le fédéral et les provinces. Il s'ensuit que les comparaisons détaillées dépassent probablement le cadre du sondage.

Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre cette discussion. À l'avenir, croyez-vous qu'il serait utile de poser cette question aux anciens combattants auprès desquels vous menez ce sondage pour vérifier où ils ont accès à certains de ces services et la mesure dans laquelle ils sont satisfaits des services offerts?

M. Pedlar : C'est une question qui mériterait sans doute d'être approfondie. Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur outil pour étudier la question de la prestation des services. Il pourrait y avoir d'autres façons d'établir des liens avec les provinces. Par exemple, des provinces ont des bases de données sur l'utilisation des services. Vous pourriez peut-être identifier les anciens combattants au sein de ces populations. On mène certains travaux en ce sens en Ontario. Ce serait probablement une façon plus précise d'être en mesure de recueillir ces renseignements.

Lorsqu'on pose des questions sur les services de santé aux anciens combattants, ils peuvent nous fournir de très longues listes de services qu'ils pourraient utiliser, et je crois donc qu'il faudrait déterminer la méthode la plus efficace dans ce cas-là. Je ne suis pas sûr que le sondage soit la meilleure façon de procéder, mais il serait utile d'explorer comment nous pourrions y arriver.

Le sénateur White : Je vous remercie d'être ici. J'ai quelques brèves questions. Je vous remercie des renseignements que vous avez fournis. Vous les avez présentés très rapidement.

J'essaie de déterminer si vous avez établi une corrélation avec la toxicomanie, surtout en ce qui concerne les troubles de santé mentale concomitants, c'est-à-dire si vous avez recueilli des renseignements à cet égard ou si vous avez tout simplement omis de les indiquer, car je n'ai pas pu les trouver.

Dr Thompson : Ce sondage n'incluait pas de détails sur la toxicomanie. Lors de la conception des sondages en collaboration avec Statistique Canada, comme M. Pedlar l'a souligné, il était important d'inclure des renseignements sur un large éventail de questions liées à la santé et au bien-être, ce qui signifie qu'on a dû éliminer certains modules.

Le module sur la toxicomanie, par exemple, est très long et requiert beaucoup de temps, et on nous a conseillés sur les endroits où trouver ces renseignements. Par exemple, les dépendances sont visées dans les sondages sur la santé mentale qui ont été menés à deux reprises dans la population générale du Canada dans le cadre de l'enquête sur la santé mentale, et l'un d'entre eux a été mené aussi récemment qu'en 2012.

Nous n'avons pas de données sur la toxicomanie. Nous avons seulement des données sur la consommation d'alcool et le tabagisme, mais pas en ce qui concerne la toxicomanie ou le mauvais usage de ces substances.

Le sénateur White : Dans la population générale, il y a un lien très étroit entre la santé mentale et la toxicomanie, et un grand nombre de personnes se demandent quel problème est apparu en premier, un peu comme la question de l'œuf ou la poule, je présume. Envisage-t-on de mener un examen de suivi visant la santé mentale auprès de ceux qui ont signalé un trouble de santé mentale, afin de tenter de déterminer s'il y a une corrélation entre les causes des maladies mentales et la toxicomanie?

Dr Thompson : L'autre chose, c'est que nous examinons des études internationales et des études menées dans d'autres populations, civiles et militaires, car une grande partie des connaissances recueillies peuvent être appliquées aux anciens combattants du Canada. Il y a donc de nombreuses questions importantes et très pertinentes auxquelles nous pouvons trouver des réponses en étudiant des recherches menées dans d'autres populations.

Le lien avec la toxicomanie est très bien établi.

M. Pedlar : J'aimerais ajouter que nous planifions également deux autres cycles dans le cadre de cette étude, l'un en 2016 et l'autre en 2019. Lorsque nous mènerons ces travaux, nous accepterons les commentaires, comme ceux que nous entendons aujourd'hui, sur les enjeux sur lesquels nous devrions nous concentrer, et vos conseils seront pris en compte, sénateur.

Le sénateur White : Merci beaucoup.

Ma deuxième question est liée à une réponse précédente. Comment nous comparons-nous à d'autres pays semblables — et je pense à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande, et peut-être au Royaume-Uni dans une moindre mesure, mais à certains autres pays d'Europe — qui ont fourni des efforts similaires aux nôtres, et qui ont déployé à peu près le même nombre de personnes dans des endroits similaires, ou dans certains cas, aux mêmes endroits? Où en sommes-nous comparativement à ces pays en ce qui concerne les résultats?

Dr Thompson : Au cours de la dernière année, nous nous sommes penchés sur la question et nous avons tenté de comparer les résultats d'études menées dans d'autres pays avec les résultats de nos Études sur la vie après le service. Les méthodologies utilisées dans toutes les études sont un peu différentes, et cela rend les comparaisons difficiles. Par exemple, notre approche était en quelque sorte unique, car elle se concentrait sur tous les anciens combattants qui vivaient dans la population générale. D'autres études ont seulement examiné des anciens combattants qui reviennent de déploiements particuliers ou les ont examinés après leur déploiement, et pour cette raison, il est difficile d'établir des comparaisons avec d'autres pays.

Certains documents publiés par le Royaume-Uni et les États-Unis au cours de la dernière année laissent croire que des troubles de santé pourraient également être plus fréquents chez leurs anciens combattants que dans la population en général.

M. Pedlar : En général, par exemple aux États-Unis, nous observons davantage de troubles musculosquelettiques. Ils sont généralement plus présents, c'est-à-dire que leur nombre est deux fois plus élevé chez les militaires américains ainsi que chez les militaires canadiens, par exemple.

Toutefois, lorsqu'on prépare ces études, il faut prendre des décisions sur la façon dont on établira des comparaisons. La décision que nous avons prise, en partie en raison de l'accessibilité, c'est d'effectuer une comparaison avec la population générale. Cela nous permet de vérifier si l'état de santé des anciens combattants est similaire à celui des autres Canadiens ou s'il est différent. C'est très utile lorsque nous essayons de déterminer si nous devrions traiter les anciens combattants de façon différente lorsqu'il s'agit de la prestation des services. Nous nous sommes donc concentrés sur les comparaisons avec les autres Canadiens.

Le sénateur White : Je suis d'accord.

Selon moi, une grande partie de ces travaux mèneront, on peut l'espérer, à l'adoption de meilleures pratiques exemplaires. En ce qui concerne les travaux de 2016 et de 2019, avons-nous pensé à communiquer avec certains de ces autres pays pour vérifier s'ils souhaitent mener des recherches identiques en même temps, afin que nous puissions faire des comparaisons? Par exemple, si l'Australie a un taux de troubles mentaux beaucoup moins élevé chez les militaires qui reviennent des mêmes endroits que les nôtres, c'est peut-être parce que ce pays applique une mesure avant ou après le déploiement qui nous aiderait également à résoudre ces problèmes. Envisageons-nous une telle initiative?

M. Pedlar : Tout d'abord, je pense qu'il y a un réseau de l'OTAN — dont font partie les Forces armées canadiennes — composé de groupes qui collaborent pour tenter de rendre les mesures plus uniformes, afin de permettre les comparaisons. Ces dernières seraient probablement menées dans le cadre d'études sur les militaires en service.

Nous sommes également en communication avec nos alliés. Il existe un groupe de cadres supérieurs. Je préside le comité de recherche qui couvre cinq pays, et nous nous concentrons notamment sur les efforts en vue de l'uniformisation des mesures. Si nous pouvions y arriver, même avec un ou deux pays, par exemple les États-Unis et l'Australie, et même avec une ou deux mesures liées à la santé mentale, ce serait un très grand pas en avant. Donc, oui, nous étudions cette possibilité.

Le sénateur White : Je vous remercie beaucoup de votre réponse et des travaux que vous menez. Je vous suis reconnaissant du temps que vous nous accordez aujourd'hui.

Le président : Est-ce que l'OTAN ne serait pas un endroit où l'on pourrait tenter d'obtenir cette uniformité des mesures dont vous avez parlé et qui est importante pour tirer des conclusions fondées sur des comparaisons?

M. Pedlar : Oui, nous souhaitons certainement nous fonder sur les travaux du réseau de l'OTAN. Par exemple, autrefois, des groupes représentant des populations libérées — comme le nôtre, qui représente les anciens combattants — ne faisaient pas partie de ces réseaux. Récemment, nous nous sommes joints à un projet sur la transition du service militaire à la vie civile, et nous collaborons étroitement avec nos collègues des Forces canadiennes et d'autres pays, et nous constatons qu'il y a maintenant une meilleure fusion ou communication entre le réseau de l'OTAN et le réseau des anciens combattants, comme cela devrait être le cas, évidemment.

Le président : Pourriez-vous nous préciser qui mène l'étude à laquelle, comme vous venez de l'indiquer, vous vous êtes joints?

M. Pedlar : Cette étude est menée par les États-Unis. Elle est dirigée par une personne très connue, c'est-à-dire le Dr Carl Castro, de l'Université de Southern California, qui a servi pendant 31 ans dans l'armée américaine. Les personnes responsables d'établir le mandat de cette étude se sont rencontrées pour la première fois en Europe il y a une ou deux semaines, et je crois que ce mandat visera les pratiques exemplaires en matière de transition du service militaire à la vie civile, même si le rapport initial n'est pas encore officiellement terminé. Le projet doit être approuvé par l'OTAN une fois le mandat établi, et il devrait débuter au cours de l'été ou de l'automne, et il s'échelonnera probablement sur deux ans.

Le président : Vous pourriez donc vous pencher sur des enjeux tels l'impact de la durée du déploiement en effectuant une comparaison entre différentes armées et différentes politiques, ce que vous ne pouvez pas faire en ce moment.

M. Pedlar : Le Dr Thompson a beaucoup lu sur ce sujet.

Dr Thompson : Ce type de renseignements a fait l'objet — et c'est toujours le cas — d'examens approfondis. Nous collaborons et discutons constamment avec nos collègues d'autres pays. Ce matin, j'ai envoyé un courriel à un collègue de l'USDA, aux États-Unis, au sujet d'une question de recherche similaire à celle que vous venez de soulever. De nombreuses tentatives sont menées pour tenter de comprendre les différences, mais il y a des différences importantes entre les armées et les cultures, et cela complique également les comparaisons.

Nous travaillons avec nos homologues étrangers, car il existe des différences entre les forces armées de chaque pays, la culture et les ententes relatives à l'administration des vétérans. Ces différences font ressortir d'importantes disparités quant à la compréhension des effets. Il est donc difficile de faire des comparaisons directes. Chaque pays s'efforce de trouver des réponses à ces questions pour le bien de leurs militaires et vétérans.

Par exemple, les épidémiologistes des Forces canadiennes ont fait du très bon travail pour analyser l'impact du nombre de déploiements et de la durée des déploiements sur les militaires déployés dans le cadre de la mission en Afghanistan et ont publié les résultats de leurs analyses. Ce que nous tentons de faire avec notre recherche sur la transition, c'est d'établir un lien entre ces résultats et nos constatations relativement aux taux de problèmes de santé chez les vétérans, soit les militaires libérés. C'est la raison pour laquelle nous nous intéressons autant à ce qui se produit lors de cette période de transition. Nous voulons dégager les liens qu'il pourrait y avoir.

Dans chaque pays, les chercheurs tentent de comprendre ces questions. Parallèlement, nous communiquons avec nos collègues pour trouver une façon de comparer nos informations entre pays.

Le président : Dois-je comprendre que toutes vos études portent sur l'après-service ou la transition et non sur le service actif?

Dr Thompson : C'est exact. Jusqu'à maintenant, l'initiative Études sur la vie après le service s'est concentrée sur l'après-service. Nous interrogeons des vétérans libérés au cours des 15 dernières années. Les Forces canadiennes ont mené beaucoup d'analyses sur les militaires actifs. Le nouveau programme de recherche auquel nous faisons référence se concentre sur la période entourant la libération, soit quelques mois avant et jusqu'à deux ans après, car nous devons avoir une meilleure compréhension de ce qui se produit au cours de cette période.

Le président : J'aurais une dernière question sur le sujet. Les efforts des Forces canadiennes ont été publiés dès le début — je crois que c'est à l'époque où le général Hillier était le chef d'état-major de la Défense. Je parle ici de cette période de détente pour les militaires déployés. Ces hommes et femmes étaient impatients de rentrer chez eux, mais ils croyaient également qu'il serait important pour eux de disposer d'une période d'ajustement. Donc, pendant environ une semaine, si je ne m'abuse, ils sont allés se détendre sur une île dans la Méditerranée, loin de l'intensité du conflit en Afghanistan, avant de rentrer chez eux. Connaissez-vous ce programme?

Dr Thompson : Oui, certainement. Je suis au courant également du dépistage post-déploiement qui a eu lieu auprès de ces militaires dans le cadre de ce programme pour identifier les problèmes de santé possibles qui auraient pu apparaître avant leur retour au Canada. Mes collègues ont participé à ce programme et l'ont analysé, mais je ne suis pas vraiment au courant des résultats.

Le président : C'était une décision politique, mais j'imagine que des études ont été faites avant de prendre cette décision. Ces études ont-elles été réalisées par la Défense nationale? A-t-on effectué une analyse du programme par la suite pour évaluer son utilité?

Dr Thompson : Puisque tout a été réalisé par le MDN et les Forces canadiennes, je ne saurais vous dire.

M. Pedlar : Selon ce que j'ai appris, c'est le Dr Mark Zamorski, du ministère de la Défense, qui a dirigé ces travaux pendant plusieurs années. C'est la seule personne que je connaisse qui pourrait vous en dire davantage sur le sujet.

Le président : Merci.

Votre diapositive intitulée « Déterminants de la santé mentale des vétérans : perspective axée sur le parcours de vie » est très instructive. Selon cette diapositive, ce sont les déterminants pendant la transition vers la vie civile, la troisième boîte, que vous voulez étudier, mais ce sont les déterminants avant le service qui figurent dans la première boîte.

Nous aimerions savoir si des activités sont menées au Canada ou ailleurs en appui au processus de sélection pour déterminer si un candidat devrait être accepté au sein des Forces armées et qui sont les plus aptes à être déployés. Y a-t- il des facteurs qui pourraient nous indiquer si une personne est susceptible de développer des problèmes de santé mentale ou est capable de composer avec le stress et le traumatisme inévitables en situation de guerre?

Dr Thompson : Encore une fois, il faudrait poser la question à mes collègues du MDN et des Forces canadiennes qui étudient cette question. D'ailleurs, ils ne sont pas les premiers à le faire. Les recherches sur cette question datent d'avant la Seconde Guerre mondiale et se sont intensifiées pendant ce conflit. À l'époque, on a tenté de dépister ces gens, mais on s'est rendu compte plus tard que certains ont tout de même été recrutés en raison du conflit qui se prolongeait. Les résultats de cette expérience ont été publiés à maintes reprises. Ce genre d'outil de dépistage est difficile à créer.

Les Forces canadiennes ont beaucoup travaillé sur la résilience. Elles ont des programmes pour accroître la résilience psychologique des membres en service actif dans le but de prévenir les problèmes de santé mentale.

M. Pedlar : J'aimerais ajouter une chose. Le Dr Jitender Sareen, de l'Université du Manitoba, a fait des recherches sur les déterminants avant le service, probablement pas à des fins de décisions politiques entourant le moment du déploiement — ce genre de décision revient davantage aux Forces armées canadiennes —, mais plutôt pour déterminer si une personne est plus susceptible de développer des problèmes de santé mentale. Il a notamment analysé les conséquences futures de traumatismes subis dans la petite enfance. Il est très compétent et ferait probablement un bon témoin.

Le président : Nous connaissons bien ses travaux. Merci. Si vous avez autre chose à nous partager sur des études en cours, n'hésitez pas à communiquer avec nous. Tous ces renseignements nous sont très utiles.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aimerais revenir au déploiement, car j'aurais aimé avoir plus d'information, notamment en ce qui concerne les problèmes de santé mentale, car c'est peut-être un peu plus facile. Je me questionne au sujet des agents de la paix. Si vous connaissez les régions où des militaires sont déployés, vous savez qu'il y a aussi des agents de la paix. Le principe selon lequel un vétéran est un vétéran est très important pour les vétérans. Les blessures et les problèmes de santé mentale ne surviennent pas seulement dans les théâtres d'opérations actifs; les agents de la paix aussi sont touchés. J'aimerais savoir si vous avez l'intention de mener une étude sur le sujet?

Aussi, je regardais vos statistiques sur la prévalence d'affections chroniques. Étrangement, j'ai souvent entendu dire que les blessures musculosquelettiques sont des blessures chroniques. Pourtant, elles ne figurent pas dans votre tableau. Sont-elles regroupées sous « Arthrite », « Problèmes de dos » et « Douleur chronique »? Beaucoup de vétérans ont subi des blessures aux genoux et aux épaules, peu importe le genre de déploiement. J'aimerais savoir où figurent ces blessures dans votre tableau?

Dr Thompson : Je vais répondre aux deux questions. D'abord, le déploiement.

Comme je l'ai souligné, en 2010, nous avions des données qui nous indiquaient si les militaires avaient été déployés pendant 30 jours à l'étranger. C'est un élément dont nous avons tenu compte dans toutes nos analyses, notamment sur les idées suicidaires et l'invalidité. Fait intéressant, après ajustement pour les troubles de santé, le déploiement n'était plus un facteur. Pour nous, c'était un signe. C'est ce qui ressort également des recherches menées aux États-Unis, notamment, et au Royaume-Uni. Ce n'est pas nécessairement une question de déploiement; c'est une question de problèmes de santé mentale. Comme vous l'avez souligné, les militaires qui ne sont pas déployés peuvent eux aussi développer des problèmes de santé mentale.

D'un autre côté, nous savons que le déploiement augmente les risques. Les Forces canadiennes ont mené une très bonne étude sur les problèmes de santé mentale chez les militaires déployés dans le cadre de la mission en Afghanistan. Elles ont découvert, par exemple, que l'incidence cumulative de troubles de santé mentale attribuables aux déploiements, selon les cliniciens, était beaucoup plus élevée chez les militaires déployés dans des régions où la menace était élevée que chez ceux déployés dans des régions où la menace était faible, mais que des membres des deux groupes avaient eu des problèmes de santé mentale. Des militaires qui ne sont pas déployés peuvent aussi avoir des problèmes de santé mentale.

Donc, les résultats globaux montrent que ce n'est pas une question de déploiement en tant que tel; c'est si une personne a développé des problèmes de santé mentale. C'est la question la plus fondamentale, mais il ne fait aucun doute que certains déploiements sont associés à une plus grande possibilité de développer des problèmes de santé mentale.

Concernant votre deuxième question, les blessures musculosquelettiques...

La sénatrice Stewart Olsen : Je suis désolée de vous interrompre, mais j'aimerais avoir une précision : ce n'est pas une question de déploiement, mais vous dites que ce l'est. Êtes-vous en train de dire que votre étude ne portait pas sur le déploiement ou que vos résultats ne concernent pas le déploiement?

Dr Thompson : L'important, c'est de comprendre que d'un point de vue clinique, il est faux de croire qu'un membre actif ou un vétéran pourrait ne pas développer de problème de santé mentale simplement parce qu'il n'a pas été déployé. Il pourrait très bien, comme n'importe qui, développer des problèmes de santé mentale.

C'est une réponse embrouillée. Regardons cela d'un autre angle. Oui, ceux qui sont déployés dans des régions où la menace est élevée sont plus susceptibles de développer des problèmes de santé, y compris des problèmes de santé mentale, mais ceux qui ne sont pas déployés peuvent développer, eux aussi, des problèmes de santé mentale.

Est-ce que c'est plus clair?

La sénatrice Stewart Olsen : Oui. Je suis d'accord avec vous, mais là où je voulais en venir, c'est que dans le cadre de la transition de membre actif à vétéran, il serait peut-être important de se pencher sur la question du déploiement afin de prévenir certaines blessures qui pourraient ne pas surgir pendant de la transition. C'est ce que je voulais dire. Je crois que c'est important.

Dr Thompson : Juste pour préciser davantage, le type de service d'un militaire peut être un déterminant de problèmes de santé mentale, mais la cause de ces problèmes est complexe. D'ailleurs, les chercheurs dans le domaine parlent de la tarte causale. Plusieurs éléments peuvent entrer en ligne de compte dans le cas de problèmes de santé mentale, dont les expériences vécues dans la petite enfance, la constitution génétique, le déploiement, les facteurs de stress existants, l'après-service, les problèmes sociaux, les problèmes de couples ou les problèmes économiques. C'est le genre de facteurs qui composent cette tarte causale du développement de problèmes de santé mentale.

M. Pedlar : Au sujet de nos priorités en matière de déploiement, nous nous concentrons pour le moment sur la mission en Afghanistan, car nous avons l'occasion de bien faire les choses dans ce dossier. Il est plus difficile de retourner en arrière et d'analyser les données relatives aux déploiements des années 1990, car la collecte de données à l'époque était inadéquate. Donc, en tant que directeur, ma priorité est de faire en sorte que nous maîtrisons la question des déploiements en Afghanistan, et ce, pour le reste de ce siècle.

La sénatrice Stewart Olsen : D'accord. Merci. Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de la tarte causale. Ça revient aussi à ce que disait le sénateur Day. Le dépistage permet de déceler certaines choses.

Pardonnez-moi. Allez-y avec votre réponse à ma deuxième question.

Dr Thompson : Oui, donc, au sujet de votre deuxième question, dans le cas de la population en question, les problèmes de dos et l'arthrite sont des indicateurs de troubles musculosquelettiques. Ces deux problèmes figurent sur cette liste utilisée depuis de nombreuses années partout dans le monde, car il s'agit des deux affections les plus communes et qui ont le plus gros impact sur la population sondée. Mais, comme vous le dites, et vous avez raison, il y a de nombreux autres problèmes de santé physique et, à Anciens Combattants, cette association a été utilisée pour l'admissibilité à des prestations liées à toutes sortes de troubles musculosquelettiques. C'est simplement que ces deux-là sont les plus communs.

La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends.

Dr Thompson : On ne peut pas poser toutes les questions. Vous avez raison de dire que les troubles musculosquelettiques font partie des affections chroniques, au même titre que d'autres troubles chroniques douloureux.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir à votre exposé et obtenir des précisions. Vous avez dit que, de façon générale, le mythe selon lequel les vétérans sont tous durement touchés d'une façon ou d'une autre n'est effectivement qu'un mythe et vous avez fait référence à des commentaires formulés à ce sujet. Je veux simplement m'assurer de bien comprendre. J'ai l'impression que ce que vous dites, c'est que les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui sont réels, mais pas aussi importants que certains voudraient nous le laisser croire. Est-ce que c'est ce que vous dites?

M. Pedlar : Jim pourra répondre également à cette question.

Il faut garder les choses en perspective. Malgré les défis auxquels la population concernée est confrontée, la plupart disent qu'ils se portent bien et que la transition vers la vie civile n'a pas été difficile ou qu'elle a été facile. Ça, c'est une chose.

C'est important de le savoir, car en lisant les journaux, on pourrait croire que ce n'est pas le cas, que les vétérans sont affligés. Cette image n'aide en rien les vétérans qui se cherchent un emploi et les nombreux vétérans pour qui la transition s'est bien passée.

D'un autre côté, les recherches montrent que les vétérans ont un taux de problèmes de santé physique et mentale plus élevé que les autres Canadiens. Cela est également vrai.

Le sénateur Lang : À ce sujet, je crois qu'il est très important que ce message soit véhiculé. Je suis d'accord avec vous, dans une certaine mesure, qu'une telle image générale n'aide pas les vétérans qui ont réussi à faire la transition et à s'adapter à la vie civile. Parallèlement, il faut reconnaître que de nombreux autres ont éprouvé des difficultés.

Quel est le pourcentage, environ? Est-ce 80 p. 100 qui ont réussi la transition contre 20 p. 100 qui ont eu des difficultés? Avez-vous ces statistiques?

M. Pedlar : Dans les deux sondages, nous posons une question sur l'adaptation à la vie civile. Dans les deux cas, les résultats sont très similaires, soit qu'environ le quart des répondants ont eu de la difficulté ou beaucoup de difficulté à faire la transition vers la vie civile. Environ 60 ou 65 p. 100 n'ont eu aucune difficulté ou la transition a été relativement facile. Puis, il y a les autres, ceux pour qui la transition a été plus ou moins difficile. Donc, environ le quart des répondants ont eu de la difficulté ou beaucoup de difficulté. C'est constant dans les deux études.

Le sénateur Lang : Avez-vous analysé ou avez-vous l'intention d'analyser le taux de réussite des programmes qui ont été mis sur pied? Vos sondages et vos discussions avec ceux qui ont accès à ces sondages vous ont-ils permis de déterminer l'efficacité des programmes?

Dr Thompson : Ce genre d'études nous permet de dresser un portrait transversal à un moment donné, donc elles ne nous permettent pas de tirer des conclusions sur les relations causales entre les facteurs. C'est la première chose.

De plus, ces études n'ont pas été conçues pour analyser des programmes en particulier. Dave voudra peut-être vous expliquer un peu ce que je veux dire par là.

M. Pedlar : Il y a deux éléments à souligner. D'abord, la première étude portait sur les membres de la Force régulière, alors que la deuxième portait sur les membres de la Force régulière et ceux de la Force de réserve. Dans la prochaine version de cette étude, nous allons suivre ces personnes dans le temps. Elle deviendra alors ce qu'on appelle une étude longitudinale. Elle va nous permettre d'évaluer la situation des gens et ce qui leur est arrivé entre un moment A et un moment B. Nous pourrions étudier encore davantage ce genre de questions, mais nous n'avons pas encore de projets établis en ce sens.

Le président : Messieurs, avant de nous quitter, j'aimerais que vous mettiez en contexte l'annonce faite en décembre 2014. En effet, le MDN a annoncé que les Forces armées canadiennes établiraient, au sein du Groupe des Services de santé du Canada, un centre d'excellence national en matière de santé mentale chez les militaires et les vétérans. Savez- vous si le Centre d'excellence national en matière de santé mentale chez les militaires et les vétérans a été établi et jouez- vous un rôle dans ce projet?

M. Pedlar : Je ne sais pas s'il a déjà été établi. Je vous répondrai que oui, nous jouons un rôle dans ce projet. Le directeur adjoint ou le vice-président du centre devrait être un employé d'Anciens Combattants Canada. Nous allons participer à la gouvernance du centre, mais je ne sais pas encore exactement quelle forme cette participation va prendre. Quoi qu'il en soit, j'ai eu des discussions à ce sujet avec les Forces armées canadiennes avant et après Noël.

Le président : Pourriez-vous nous tenir au courant du moment où Anciens Combattants et les Forces armées canadiennes vont commencer leur coopération concernant ce centre d'excellence?

M. Pedlar : Oui, monsieur, sans faute.

Le président : Il est indiqué qu'il va y avoir une collaboration avec les experts scientifiques et les universités pour que les connaissances acquises dans le cadre de recherches cliniques de pointe se traduisent rapidement par des soins cliniques. J'ai l'impression qu'une bonne partie de votre travail devrait alimenter les travaux du centre d'excellence. Nous aimerions savoir quand vous vous attendez à ce que cela se concrétise.

M. Pedlar : Nous serons ravis de répondre à cette question, monsieur.

Le président : C'était tout le temps dont nous disposions pour la séance d'aujourd'hui.

Monsieur Pedlar et docteur Thompson, je vous remercie infiniment d'être venus nous expliquer votre travail de recherche. Nous vous remercions également de tout votre travail, dont les résultats vont aider les anciens combattants du Canada.

M. Pedlar : Merci, monsieur.

(La séance est levée.)


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