Aller au contenu
VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 11 - Témoignages du 6 mai 2015


OTTAWA, le mercredi 6 mai 2015

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à midi, pour poursuivre son étude sur les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous continuons aujourd'hui notre étude sur les blessures de stress opérationnel et autres problèmes de santé mentale des anciens combattants.

[Traduction]

La séance d'aujourd'hui portera sur la Gendarmerie royale du Canada et nous permettra d'avoir une vue d'ensemble des programmes et des services en matière de santé mentale offerts aux membres actifs et à la retraite de la GRC.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui Daniel Dubeau, sous-commissaire et dirigeant principal des Ressources humaines; Gilles Moreau, commissaire adjoint, assistant dirigeant principal des RH et directeur général, Programmes et services relatifs à l'effectif des RH, et Sylvie Châteauvert, directrice générale, Direction générale de la santé et sécurité au travail, qui représentent tous la GRC.

Je suis également heureux de souhaiter la bienvenue au sergent d'état-major Abe Townsend, de l'exécutif national, et au sergent Brian Sauvé, représentant des relations fonctionnelles (RRF) et président du comité RRF santé et sécurité de travail, lesquels sont chargés du Programme des représentants des relations fonctionnelles à la GRC.

Je crois comprendre qu'il y aura un représentant pour chacun des deux groupes que nous recevons cet après-midi. Veuillez présenter une brève déclaration préliminaire, puis nous passerons à une période de discussion et de questions.

Nous allons commencer par M. Dubeau.

Daniel Dubeau, sous-commissaire, dirigeant principal des Ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Monsieur le président, membres du comité, je souhaite vous remercier de l'attention continue que vous portez aux blessures de stress opérationnel qui touchent les membres actifs et à la retraite de la GRC.

Comme cela a été dit, je suis le sous-commissaire Dubeau, dirigeant principal des Ressources humaines à la GRC. Pour ce qui est des collègues qui m'accompagnent, je suis ici avec Gilles Moreau. Il détient de nombreux titres, entre autres celui de défenseur en matière de santé mentale au sein de l'organisation; il est donc aujourd'hui ici à ce titre. Sylvie Châteauvert, pour sa part, dirige notre programme de santé et sécurité au travail; elle pourra donc répondre à vos questions concernant les services que nous offrons.

J'aimerais aussi saluer mes collègues, le sergent Brian Sauvé et le sergent d'état-major Abe Townsend. Nous travaillons avec eux en étroite collaboration dans le cadre du programme.

[Français]

La GRC s'engage à appuyer un effectif qui est pleinement mobilisé et en santé afin de faire du Canada un pays sécuritaire et sûr. Les fonctions policières peuvent exercer sur nos membres beaucoup de pression et de stress, qui peuvent notamment être causés par des instants traumatisants, un état de vigilance constant, la complexité accrue des enquêtes policières ou la responsabilité d'atteindre un équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle et de respecter ses engagements familiaux.

[Traduction]

Ainsi, à mesure que nous allons de l'avant, la GRC explore les outils qui sont nécessaires pour accroître la capacité d'adaptation de nos membres, fournir du soutien efficace en temps opportun à ceux qui en ont besoin et favoriser un milieu de travail sain pour tous nos employés.

Pendant que nous explorons de nouveaux outils et systèmes de soutien pour l'avenir, de nombreux programmes et services en matière de santé mentale sont déjà offerts à nos employés.

[Français]

Tous les employés de la GRC et les membres de leur famille ont accès, 24 heures sur 24, tous les jours, aux Services d'aide aux employés par l'entremise de Santé Canada. Ce service confidentiel offre accès à un service de consultation jusqu'à huit heures par incident, pour traiter un nombre illimité de problèmes professionnels ou personnels.

[Traduction]

La GRC a mis en place un système de soutien par les pairs pour les employés, lequel assure un lien avec les Services d'aide aux employés ainsi qu'à d'autres ressources internes qui comprennent, sans s'y limiter, nos services de santé au travail, notre système de gestion informelle des conflits, nos représentants des relations de travail, nos agents négociateurs et nos aumôniers.

Toutefois, comme nous le savons, nous pouvons en faire davantage pour améliorer la santé et le bien-être de nos employés. Par conséquent, en 2014, la GRC a lancé une stratégie quinquennale en matière de santé mentale dans le but d'aborder la question de la stigmatisation, de maintenir et de favoriser la santé mentale des employés et d'améliorer continuellement la façon dont la GRC traite des enjeux liés à la santé mentale.

Les membres de la GRC actifs et anciens qui souffrent d'une blessure de stress opérationnel ont accès à des services d'évaluation, de traitement et de soutien dans les cliniques de traitement des blessures de stress opérationnel d'Anciens Combattants Canada. Le ministère de la Défense nationale offre des services semblables aux membres de la GRC par l'entremise d'un réseau de cliniques que l'on appelle les centres de soutien pour trauma et stress opérationnel. Anciens Combattants Canada gère tous les avantages médicaux, y compris le service de consultation psychologique et l'accès aux cliniques BSO pour les anciens membres de la GRC qui reçoivent des prestations en raison d'une BSO.

Comme le prévoit le Régime de soins de santé au travail de la GRC, les membres actifs en période de crise psychologique ou qui doivent suivre une thérapie en raison d'une toxicomanie ou d'un autre problème peuvent recevoir des services de psychothérapie offerts par des psychologues agréés par un organisme de réglementation provincial ou territorial. Ces services peuvent être prodigués par d'autres professionnels de la santé mentale lorsque le psychologue de la GRC le juge approprié.

[Français]

Les soins de santé au travail sont des avantages supplémentaires que la GRC peut offrir afin de minimiser les contraintes et les restrictions ayant une incidence sur l'aptitude d'un membre à remplir ses fonctions et d'optimiser l'employabilité.

[Traduction]

Les Services de santé au travail de la GRC offrent un certain nombre de services de soutien, y compris des services psychologiques confidentiels dans le cadre du programme d'infiltration antidrogue, des services liés à la prévention du suicide et des évaluations rétrospectives, des entrevues d'évaluation psychologique au sujet d'une tentative de suicide, des évaluations psychologiques et des séances de débreffage, des activités de prévention, des services de consultation ou de thérapie à court terme et des services de soutien psychologique individuels ou en groupe en lien avec des incidents traumatisants.

Parmi les services de soutien que la GRC offre à ses membres actifs ou anciens, on compte aussi :

[Français]

En vertu de son Régime de soins de santé complémentaire, la GRC donne aux membres accès à un service de consultation individuelle, en groupe, en famille ou en couple, offert par un psychologue approuvé.

[Traduction]

À leur retraite, les anciens membres ont la possibilité de participer au Régime de soins de santé de la fonction publique, qui comprend la prestation de services psychologiques. De plus, tous les anciens membres de la GRC, ainsi que les membres de leur famille, ont accès à des services de consultation à court terme par l'entremise des services d'aide d'Anciens Combattants Canada.

Merci de nous permettre de témoigner aujourd'hui et de participer à vos discussions au sujet des blessures de stress opérationnel. Nous avons hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Townsend, allez-y.

Sergent d'état-major Abe Townsend, exécutif national, Programme des représentants des relations fonctionnelles à la GRC : Monsieur le président, honorables membres et distingués invités, bonjour. Merci de me donner la chance de comparaître devant votre comité aujourd'hui au nom des 23 000 membres de la GRC qui sont à l'œuvre partout au Canada et dans le monde.

Depuis 34 ans, je sers les Canadiens en tant que membre de la GRC, dont les 10 derniers à titre de représentant élu. Je suis maintenant membre de l'Exécutif national du Programme des représentants des relations fonctionnelles, le programme non syndical qui représente tous les membres de la GRC. Je suis ici aujourd'hui avec Brian Sauvé. Comme cela a été dit, il est le président du Comité de santé et de sécurité des RRF. Je lui laisse la parole.

Sergent Brian Sauvé, représentant des relations fonctionnelles et président du comité RRF santé et sécurité au travail, Programme des représentants des relations fonctionnelles à la GRC : Monsieur le président, membres du comité et invités, bonjour.

Bien que nous soyons membres réguliers de la GRC, nous nous adressons à vous aujourd'hui à titre de représentants élus des relations fonctionnelles, au nom de tous les membres de la GRC, pour défendre les dossiers qui leur tiennent à cœur. J'occupe ce rôle depuis 2011.

Au nom de tous les membres, nous tenons également à remercier le ministère des Anciens Combattants, qui offre des services depuis plus de 60 ans aux membres actifs et anciens de la Gendarmerie royale du Canada.

Essentiellement, je suis responsable de représenter au quotidien les membres qui m'ont élu. On parle d'environ 1 600 membres, réguliers et civils, dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique.

Toutefois, le programme des RRF m'a aussi élu pour représenter tous les membres de l'organisation en tant que président du comité RRF santé et sécurité de travail. Le comité de la santé promeut et défend les enjeux nationaux et locaux touchant les membres. Parmi les questions dont traite le comité qui sont pertinentes à la discussion d'aujourd'hui, on compte le partenariat de la GRC et d'Anciens Combattants Canada, la santé mentale au sein de la GRC et le suicide au sein de la GRC.

La santé mentale au sein de la GRC et dans l'ensemble du Canada est devenue une question d'actualité au cours des quelques dernières années. Je crois qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, autant pour nos membres et notre organisation que pour le pays en entier.

Durant de nombreuses années, le programme des RRF a fait valoir auprès de la direction de la GRC le besoin de porter davantage attention à la santé mentale de nos membres, ainsi que de prévoir les ressources et les programmes nécessaires pour surmonter les défis que celle-ci présente.

J'ai été heureux d'apprendre la mise sur pied d'une stratégie quinquennale en matière de santé mentale au sein de la GRC et de jouer un rôle dans son élaboration et sa mise en œuvre continue.

L'objectif principal de la stratégie est de réduire ou d'éliminer la stigmatisation relative à la santé mentale. Les blessures de stress opérationnel et l'état de stress post-traumatique sont une réalité pour nos membres. Plus nous pouvons en faire pour atténuer le risque et enseigner la résilience, plus notre organisation sera forte.

Comme vous le savez, les problèmes de santé mentale, et non seulement les blessures de stress opérationnel et l'état de stress post-traumatique, sont des problèmes avec lesquels il est difficile de composer; il est également difficile pour les personnes qui en souffrent de demander de l'aide et de se faire traiter en raison de leurs craintes, qu'elles soient réelles ou perçues, de donner une impression de faiblesse, de se faire imposer des contraintes à l'emploi ou d'éprouver un sentiment d'aliénation à l'égard de leurs collègues ou de l'organisation. Tout cela est dû à la stigmatisation des problèmes de santé mentale.

En qualité de représentant des relations fonctionnelles, je peux parler directement des répercussions qu'ont les événements traumatisants, majeurs et mineurs, sur nos membres. Au cours des deux derniers mois seulement, j'ai aidé pas moins de huit membres qui se sont trouvés dans une situation de force meurtrière. J'arrive normalement sur place dans l'heure suivant les coups de feu et j'offre de l'aide aux membres de façon continue, que ce soit de façon quotidienne, mensuelle, hebdomadaire ou annuelle.

Je peux confirmer que tous les membres touchés par une telle situation ne seront plus jamais comme avant l'incident. La plupart d'entre eux auront une carrière enrichissante et serviront le Canada avec succès au sein de la GRC, mais ils seront changés à tout jamais. Ils auront tous besoin de soins et de soutien.

J'ai pris part à certaines initiatives dans le cadre de notre partenariat avec Anciens Combattants Canada qui, je crois, ont aidé à réduire la stigmatisation à l'égard de blessures de stress opérationnel, dont le lancement de l'application Connexion TSO pour les téléphones intelligents. Les membres, et même les membres du public, peuvent télécharger cette application à partir de la page web d'Anciens Combattants Canada et en apprendre davantage sur la résilience, trouver une clinique de traitement des blessures de stress opérationnel ou faire une autoévaluation.

En plus de lancer l'application Connexion TSO, au début de 2014, la GRC a élargi le Programme des entrevues de transition offert par Anciens Combattants Canada pour l'offrir aux membres qui prennent leur retraite ou qui quittent l'organisation. Lors de l'entrevue de transition, les membres peuvent découvrir les avantages et les services que leur offre Anciens Combattants Canada à la suite de leur service au sein de l'organisation.

Je crois qu'il faut en faire plus, et, actuellement, un certain nombre d'initiatives sont envisagées par la GRC, comme une version adaptée aux policiers du programme En route vers la préparation mentale, ou le programme RVPM, des Forces armées canadiennes, ainsi que le cours des premiers soins en santé mentale de la Commission de la santé mentale du Canada.

Pour l'avenir, je crois que nous pouvons renforcer notre partenariat avec Anciens Combattants Canada en mettant l'accent sur la sensibilisation et l'éducation à l'égard des avantages importants et des services dont peuvent profiter les membres de la GRC. À cette fin, l'agent de liaison de la GRC auprès d'Anciens Combattants Canada participe activement à des activités d'information et de sensibilisation auprès de nos membres.

Pour conclure, nous vous remercions de votre travail. Il suffit de jeter un coup œil aux grands titres pour réaliser que la violence contre les policiers n'est pas en baisse. Tous les jours, nos membres font face à des incidents majeurs et mineurs causant un stress opérationnel. La majorité de ces incidents ne font pas la manchette, mais ils ont tous un effet immédiat ou cumulatif, non seulement sur la personne, mais sur ses collègues et sa famille.

Le travail que vous effectuez ici est très important pour nos membres, et nous sommes prêts à répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.

Le président : Merci, monsieur Sauvé et monsieur Dubeau, de vos commentaires. Nous avons un certain nombre de documents que nous allons vouloir conserver qui décrivent les différents programmes en place. Vous en avez survolé un nombre passablement élevé.

Avant que je passe à la liste des sénateurs qui souhaitent poser une question, pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail votre relation avec Anciens Combattants Canada? La GRC transfère-t-elle des fonds à Anciens Combattants pour les services qu'il rend? Les services sont-ils uniquement cliniques, ou y a-t-il des activités de recherche, des activités conjointes?

M. Dubeau : Je vais demander à Mme Châteauvert de répondre à la question. C'est elle qui entretient un contact direct avec ACC.

Sylvie Châteauvert, directrice générale, Direction générale de la santé et sécurité au travail, Gendarmerie royale du Canada : En ce qui a trait aux pensions d'invalidité gérées par ACC, c'est une subvention et une contribution de 144 millions de dollars dont la GRC a le privilège de profiter. C'est le fonds dédié. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est qu'en 2014, le nombre de prestataires qui souffraient de BSO ou de l'ESPT s'élevait à 3 095. Ces personnes ont été diagnostiquées et reçoivent des prestations en raison d'un ESPT ou d'une BSO. Parmi ces 3 095 personnes, 1 200 sont toujours en service.

Dans ce contexte, pendant que nous travaillons avec nos partenaires, avec ACC et le MDN et les FAC, il y a aussi un comité directeur auquel siège le DPRH et grâce auquel nous avons l'occasion de mettre en commun des pratiques exemplaires et de mettre à profit certains des services afin que nous puissions continuer à évoluer et à apprendre les uns des autres dans le but de favoriser l'atteinte de nos objectifs communs.

Le président : Merci. Ces informations sont utiles, et nous allons laisser la parole à des sénateurs qui voudront peut- être donner suite à vos propos, ou peut-être y donnerai-je suite plus tard.

Le sénateur White : Merci à vous tous d'être ici.

Nous sommes conscients de la pression que subit la GRC en ce qui concerne de nouvelles tâches ou la charge de travail accrue liée à la lutte contre le terrorisme. J'aimerais savoir si nous avons constaté une augmentation du nombre de demandes d'aide au cours des 18 derniers mois, particulièrement sur le plan de la santé mentale, puisque la pression associée à l'emploi commence à s'accroître.

Je crois que vous avez tous vécu des situations où les tâches se multiplient, et où le mal de tête s'intensifie, bien souvent. Si nous n'avons pas constaté d'augmentation, faut-il s'y attendre et agissons-nous de façon proactive à cet égard?

M. Dubeau : Avons-nous constaté un alourdissement de la charge de travail? Je ne peux pas le dire. Je ne peux pas dire s'il y a un lien de causalité entre l'attention accrue à la sécurité nationale et l'un de nos emplois. Nous avons vu une augmentation des demandes à cause des programmes d'information, qui ont contribué à éliminer la stigmatisation et qui ont fait en sorte que nos membres demandent de l'aide. On en entend plus parler au sein de notre organisation.

Cette semaine, c'est la Semaine de la santé mentale. De nombreuses activités ont lieu, et bon nombre de nos membres prennent la parole et s'informent au sujet de nos services dans le but de demander de l'aide. Je crois que c'est la raison pour laquelle vous constatez une augmentation dans les chiffres d'ACC. Même au sein de l'organisation, grâce à la réduction de la stigmatisation, contrairement au moment où j'ai rejoint l'organisation il y a 30 ans et que personne n'en parlait, il est de plus en plus acceptable d'en parler. Nous surveillons cela.

Dans le cadre de notre stratégie, nous nous penchons sur les façons dont nous pouvons tenter de repérer les indicateurs et tenter de prévenir les problèmes. Nous avons fait différentes choses. Nous avons effectué un projet de recherche au Nouveau-Brunswick qui se penchait sur la population du Nouveau-Brunswick. Au moment de mettre en œuvre notre programme RVPM, En route vers la préparation mentale, nous avons surveillé cela pour voir si nous pouvions cerner des facteurs de risque.

En collaboration avec l'Université de Regina, nous sommes en train de nous demander s'il serait possible de passer à l'étape de la recherche de manière à ce que nous puissions commencer à cerner ces facteurs de risque.

Il sera très difficile de faire de la prévention tant que ces facteurs n'auront pas été circonscrits de façon exacte. Nous menons une foule d'activités d'éducation. Je pense que quelques outils d'autoévaluation seront rendus accessibles cette semaine. Nous avons fourni aux membres de notre direction les trousses d'outils qui les habiliteront à parler de santé mentale.

Le programme de soutien par les pairs est un élément essentiel pour nous. Nous aimons dire qu'il s'agit d'un programme qui permet aux membres de veiller les uns sur les autres. Si quelqu'un remarque qu'un de ses collègues semble ne pas être dans son assiette, il pourrait être utile qu'il s'enquière de son état. Même s'il est mal à l'aise à l'idée de le faire, il devrait lui poser des questions pour savoir si quelque chose s'est passé dans sa vie et, le cas échéant, lui tendre une main secourable afin de l'aider à traverser cette épreuve. Vous avez raison de dire que le travail de policier est difficile, et nous devons nous assurer que chaque policier l'exerce en toute sécurité.

Le sénateur White : Je comprends cela, et peut-être que les choses changeront au cours des deux prochaines années, à mesure que cette pression continue de s'exercer.

Ma deuxième question est la suivante : est-il vrai que seuls les agents à la retraite de la GRC qui touchent une pension d'invalidité d'Anciens Combattants Canada peuvent accéder à une clinique BSO d'ACC?

M. Dubeau : Je crois que oui.

Le sénateur White : C'est ce qui est indiqué. Est-ce que cela vaut également pour les militaires à la retraite? Je ne pense pas que ce soit le cas.

M. Dubeau : Je suis incapable de répondre à cette question, sénateur. Je ne connais pas la nature exacte du programme destiné aux militaires.

Le sénateur White : Je ne crois pas que cela s'applique aux militaires. On me somme de dire qu'un agent de la GRC qui prend sa retraite et qui décide qu'il a besoin d'aide sera contraint de présenter une demande de pension, procédure qui peut exiger de 18 à 24 mois. Cette personne n'a peut-être pas besoin d'une pension. Il se peut qu'elle ait seulement besoin d'une aide.

Cela est plus préoccupant, car je ne savais pas qu'on devait toucher une pension d'invalidité de façon à pouvoir recevoir de l'aide d'une clinique BSO.

J'aimerais savoir s'il vous serait possible de me transmettre des documents expliquant la raison d'être de cette procédure, vu que je ne pense pas avoir jamais pris conscience du fait qu'il allait en être ainsi. En fait, lorsque nous avons reçu ici le général Natynczyk, je lui ai posé une question concernant la procédure à suivre afin d'obtenir de l'aide, et il m'a répondu que toute personne qui se présentait à un bureau obtiendrait de l'aide, pour autant qu'elle a la qualité de membre à la retraite. Je ne lui ai pas demandé de préciser si cette personne devait toucher une pension d'invalidité, mais je ne crois pas qu'il ait évoqué une nécessité de ce genre.

Si cela ne vous ennuie pas, monsieur le sous-commissaire, j'aimerais que vous me transmettiez des documents expliquant pourquoi il a été établi qu'une personne devait être prestataire d'une pension d'invalidité de façon à pouvoir accéder à cette aide.

M. Dubeau : Bien sûr, sénateur.

Le sénateur White : Merci.

Le président : À ce sujet, j'aimerais confirmer que nous avons bel et bien compris que les membres de la GRC sont assujettis à un critère différent selon lequel les membres à la retraite doivent toucher une pension afin de pouvoir accéder aux cliniques.

Le sénateur White : Non pas une simple pension, mais une pension d'invalidité. Il s'agit d'une pension totalement distincte.

Le président : C'est exact. Ce critère ne s'applique pas aux anciens membres des forces armées.

Durant nos travaux préparatoires, nous avons appris que les blessures de stress opérationnel, surtout le trouble de stress post-traumatique, se manifestent parfois un certain nombre d'années après qu'une personne a pris sa retraite. Ce sont ces membres à la retraite qui nous intéressent ici. Qu'adviendra-t-il de ces gens s'ils ne touchent pas une pension d'invalidité?

M. Dubeau : Même après qu'ils ont pris leur retraite, ils peuvent présenter une demande de pension à ACC. Ils peuvent toujours le faire. Après qu'ils ont pris leur retraite, ils peuvent présenter cette demande à n'importe quel moment.

Je pense qu'il faut déterminer que le trouble en question est lié aux fonctions pour qu'une personne puisse accéder à nos cliniques BSO.

Je pense que Sylvie a quelques précisions à fournir.

Mme Châteauvert : Pour distinguer les cliniques BSO et les centres de traumatologie du MDN, je soulignerai que les cliniques BSO sont, par définition, des cliniques d'ACC. Au sein de la GRC, l'aiguillage des membres actifs vers les cliniques BSO relève des médecins-chefs, c'est-à-dire des médecins de notre organisation. Un membre actif peut accéder à ces cliniques si un médecin formule une recommandation à cet effet.

En ce qui concerne les membres à la retraite, en règle générale, seuls ceux qui touchent la pension en question peuvent accéder aux cliniques. Toutefois, si une personne se présente à une clinique, nous entrons en contact avec un agent de liaison d'ACC. À ma connaissance, il n'est jamais arrivé qu'une personne qui avait besoin d'aide ait dû rebrousser chemin. Nous devons parfois revenir aux modalités du processus, mais à notre connaissance, personne ne s'est vu refuser l'accès aux cliniques.

Le sénateur White : Je vous crois, et je ne m'attendais à rien de moins, mais je suis préoccupé par le fait que nous ne... Je suis désolé. Il se pourrait que je me trouve aujourd'hui à Iqaluit avec le sergent d'état-major Townsend et que, dans le cadre de mes fonctions, je subisse un stress et que je doive accéder automatiquement à une clinique, tout comme cela pourrait arriver à un officier militaire qui se trouverait à Edmonton. Je croyais qu'une personne qui touchait une pension avait automatiquement accès aux cliniques.

Je pourrais poser la question, mais je connais la réponse. Je crois que le traitement d'une demande de pension d'ACC exige de 18 à 27 mois, et qu'aucun membre de la GRC ne s'est vu accorder cette pension à l'issue d'une première demande. Si j'ai bien compris, aucune première demande n'a jamais été approuvée. Est-ce exact, monsieur le commissaire adjoint? Je suis certain que ces chiffres ne sont pas loin de la vérité.

J'estime qu'il est injuste d'affirmer qu'un agent à la retraite devrait obtenir cela. Cela n'est pas votre problème. J'avancerais que c'est à nous qu'il revient de trouver une solution. Je pense toutefois que, par souci d'équité, une personne qui travaille auprès du sergent d'état-major Townsend mérite de recevoir le plus grand soutien possible.

Le président : Souhaitez-vous vous défendre relativement à ce qui a été mentionné à propos d'Iqaluit?

M. Townsend : Au fil des ans, j'ai défendu le sénateur White sur de nombreuses tribunes. À présent, il est votre collègue, et c'est à vous qu'incombera cette tâche.

En ce qui concerne la question, je vous dirai que le travail consistant à définir notre relation avec le ministère des Anciens Combattants est un processus qui est en cours. En fait, on me dit qu'on est en train de faire cela en ce moment même.

Il y a de cela quatre ou cinq ans, on a mené un projet pilote d'entrevues de transition, et cela a été extrêmement profitable pour nos membres, vu qu'il s'agissait d'un processus externe qui les a en quelque sorte placés face à eux- mêmes. Cela leur a permis de faire une prise de conscience au moment où ils quittaient l'organisation. On leur disait : « En passant, voici ce à quoi vous avez droit. Voici les programmes auxquels vous êtes admissibles. » Il s'agissait d'un exercice de transition vers une retraite saine. Ces gens se sont à tout le moins vu fournir les renseignements pertinents.

Au moment de définir la forme que prendra notre relation dans l'avenir, il s'agit peut-être là d'une pratique exemplaire que nous pourrions emprunter à l'armée, mais je suis certain que cela aura un coût, et c'est très bien ainsi. Nos membres servent le pays de façon honorable, et j'avancerais qu'il s'agit là d'un coût que les Canadiens sont disposés à assumer.

Le sénateur Lang : Dans les notes qui nous ont été fournies, il est question d'un tableau fourni en pièce jointe concernant le nombre de personnes ayant pris part aux divers programmes. Avez-vous une copie de ce tableau entre les mains? Voyez-vous de quoi je parle?

M. Dubeau : Je n'ai pas ce tableau dans mes notes, sénateur. Je ne sais pas quel document vous avez sous les yeux.

Le sénateur Lang : Sous la rubrique « Prévalence des TSO au sein de la GRC », il est indiqué que le nombre de membres actifs qui ont suivi un traitement pour un traumatisme lié au stress opérationnel est passé de 52 en 2010 à 239 en 2014. Le nombre de membres actifs qui reçoivent une pension...

M. Dubeau : Il s'agit là de notes différentes. Nous disposons de ces tableaux.

Le sénateur Lang : Pourriez-vous nous les transmettre?

M. Dubeau : Oui.

Le sénateur Lang : Cela m'amène aux statistiques. Je ne tiens pas nécessairement à me lancer dans une guerre de chiffres, mais ceux qui nous ont été fournis indiquent assurément une hausse du recours aux services.

On mentionne que le nombre est passé de 455 à 1 014 de 2008 à 2014. Afin que nous comprenions bien les chiffres auxquels nous avons affaire, j'aimerais que vous nous précisiez s'il s'agit là de nombres annuels ou de nombres totaux. Là où je veux en venir, c'est qu'on a l'impression que la moyenne annuelle était de 455, et que, tout d'un coup, en 2014, elle est passée à 1 000.

Mme Châteauvert : Si vous le permettez, monsieur, j'aimerais savoir si vous parlez de ceux qui ont reçu un diagnostic de TSPT ou de ceux qui accèdent aux cliniques BSO.

Le sénateur Lang : Un certain nombre de catégories est indiqué. Le nombre de membres actifs touchant une pension ou une indemnité pour TSPT est passé de 455 en 2008 à 1 014 en 2014. Ce nombre — 1 014 — est-il le nombre total de personnes atteintes d'un TSPT qui reçoivent une pension?

M. Dubeau : Je crois qu'il s'agit là de nombres cumulatifs. Il s'agit donc d'un total.

Mme Châteauvert : Exact.

M. Dubeau : Le nombre est de 400 au cours d'une année, et l'année suivante, il est de 500. Ces 500 cas ne sont pas de nouveaux cas. On ne fait qu'additionner.

Le sénateur Lang : Il est question de 400, puis de 500 autres.

M. Dubeau : Oui.

Le sénateur Lang : De 2008 à 2014, le nombre de cas de blessures de stress opérationnel est passé de 93 à 203. Voici à quoi je veux en venir : dispose-t-on actuellement des services et des ressources nécessaires pour faire face à cette hausse du nombre de personnes cherchant à accéder aux services d'ACC? Vous avez évoqué le montant de 144 millions de dollars. Est-ce qu'il couvre adéquatement tous les membres qui présentent des demandes de services?

Mme Châteauvert : De toute évidence, nous fonctionnons dans les limites imposées par le montant des subventions et contributions qui nous ont été octroyées. Cela dit, la GRC n'a pas uniquement recours à des activités menées à l'externe. Partout au pays, elle dispose à l'interne de ressources divisionnaires dotées de professionnels de la médecine. Il s'agit d'une démarche multidisciplinaire. Nous disposons d'un certain nombre de psychologues qui travaillent en première ligne. Nous affectons un montant de 2,2 millions de dollars à ces seules ressources que représentent nos psychologues.

Ainsi, nous menons une foule d'activités à l'interne avant que nous n'ayons à recourir aux services supplémentaires fournis à l'externe par les cliniques et d'autres partenaires.

En matière de soins de santé, les dépenses de la GRC s'élèvent à 60 millions de dollars. De ce montant, une somme de 5,5 millions de dollars est affectée aux troubles de santé mentale exigeant un traitement et une évaluation médicale.

Le sénateur Lang : Je tente de comprendre comment les choses fonctionnent entre ACC et la GRC. Lorsqu'on examine les relations entre ACC et le MDN, il est fort possible qu'on constate un certain nombre de chevauchements de services. Voilà à quoi je veux en venir. Si l'on dispose, d'une part, de 60 millions de dollars, et que, d'une autre, nous disposons de 144 millions de dollars de plus... Est-ce que j'ai bien compris?

M. Dubeau : Sénateur, il s'agit de deux choses distinctes. Le montant de 60 millions de dollars est celui que dépense à l'interne notre organisation pour les soins de santé. Ces fonds sont utilisés à d'autres fins. Ils peuvent servir, entre autres, à la fourniture de services psychologiques.

Je pense que votre question initiale était celle de savoir si ACC dispose de ressources suffisantes pour composer avec l'afflux de demandes soumises par nos membres. Je vous dirai que nous communiquons constamment avec ACC. Nous avons conclu avec ACC un protocole d'entente visant la fourniture de services. Nous procédons à des rajustements chaque fois que c'est nécessaire.

Selon ce que je peux observer et d'après ce que me disent les gens du ministère, je ne suis pas en mesure d'affirmer qu'ACC ne dispose pas des ressources pour faire face à la demande. Nous avons récemment procédé à une évaluation des subventions et contributions versées à notre organisation — ce montant se chiffre actuellement à 144 millions de dollars —, et les résultats ont été très positifs. Il s'est révélé que nous faisions une bonne utilisation de l'argent et que nous étions en mesure de composer avec la demande. À ce que je sache, aucun membre ne s'est plaint du fait que les choses traînaient en longueur et qu'il était impossible d'accéder aux services.

Si cela s'était produit, je suis certain que mes collègues m'en auraient parlé. Notre association des anciens nous le ferait immédiatement savoir. Voilà pourquoi nous disposons d'un agent de liaison d'ACC à Charlottetown. Nous tenons à être présents sur le terrain de manière à ce que nous puissions prendre rapidement des mesures si nous apprenons que le nombre de ressources est insuffisant et que les dossiers s'empilent sur un bureau.

Le comité directeur dont je suis membre, et qui est également composé de gens d'Anciens Combattants et de nos collègues de la Défense nationale, a été constitué de manière à ce que nous puissions discuter de ces questions et veiller à ce que tous les services requis soient fournis. Si nous devons procéder à des rajustements, nous discutons évidemment avec les gens d'ACC des mesures que nous devons prendre pour faire en sorte que nos membres aient accès aux services dont ils ont besoin.

M. Sauvé : Pour ce qui est des membres, je vous dirai que, pour autant que je sache, ils n'ont que des commentaires positifs à formuler au sujet des cliniques BSO et de leurs interactions avec Anciens Combattants Canada. Bien sûr, il arrive qu'il y ait des retards, que du temps s'écoule entre le dépôt d'une demande et le versement d'une pension et que les relations initiales avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) posent des difficultés. De ce point de vue, j'avancerais que les ressources au sein des cliniques BSO... Je me rends régulièrement à la clinique située sur West Broadway, à Vancouver. Je crois comprendre que vous avez entendu le témoignage du Dr Passey, qui fournit des services de psychiatrie à cet endroit. Les membres peuvent se présenter à une clinique et accéder à un traitement en attendant qu'ACC traite leur demande de pension.

J'avancerais que la difficulté tient aux ressources internes de la GRC. Il s'agit là d'un débat plus vaste qui concerne le fait d'attirer des psychologues chargés d'aiguiller les membres vers les cliniques BSO. À l'heure actuelle, seul un médecin-chef de la GRC peut diriger un membre vers ces cliniques.

Nous éprouvons de la difficulté à attirer un nombre suffisant de professionnels de la santé au sein de la GRC, surtout dans ma province, la Colombie-Britannique. Cela a pour effet d'occasionner un certain arriéré à l'interne en ce qui a trait à l'accès des membres aux cliniques. Il s'agit là d'un débat plus vaste, et je ne suis pas certain qu'il soit du ressort du comité.

Le sénateur Lang : Nous parlons de prévention, et cela nous ramène au recrutement de personnes au sein de la GRC. Certaines personnes sont mieux à même que d'autres de composer avec le stress. Je pense qu'il s'agit d'un fait établi. Comme nous savons que les membres des forces armées, et, en l'occurrence, de la GRC subiront dans l'avenir un stress accru — le niveau de stress ne va malheureusement pas diminuer —, j'aimerais que vous nous indiquiez les mesures que nous prenons pour nous assurer que les jeunes recrues font l'objet d'une évaluation psychologique complète et adéquate et que nous faisons notre possible pour qu'elles soient en mesure de supporter quelques-unes des pressions quotidiennes auxquelles elles doivent faire face, et ainsi réduire au minimum le nombre de personnes qui pourraient avoir besoin d'une aide.

M. Dubeau : En fait, sénateur, notre processus de recrutement comporte une évaluation psychologique. Je crois que le test que nous utilisons est le MMPI — j'utilise le sigle puisque je ne connais pas son nom au long. Chaque recrue doit subir ce test. Des psychologues examinent les résultats pour s'assurer que les candidats répondent à nos critères. Il s'agit là d'une mesure de présélection que nous prenons.

À leur arrivée à la Division Dépôt, nous discutons. Une séance d'évaluation de la santé mentale a lieu à cet endroit. Nous mobilisons actuellement le personnel de notre centre de formation pour nous assurer que les recrues sont prises en charge et qu'elles comprennent ce qu'est la santé mentale. On remet l'accent là-dessus tout au long de la formation. Elles doivent comprendre qu'elles peuvent demander de l'aide. Nous élaborons et tentons d'établir un service d'aide immédiatement, afin que, au moment où les recrues sortent de la Division Dépôt, elles comprennent qu'elles ont accès à des services et qu'elles n'hésitent pas à faire appel à ces services.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, je ne veux pas m'attarder sur cette question, mais je veux l'approfondir. Sommes-nous à l'aise avec le nombre d'examens auxquels nous soumettons les recrues afin de nous assurer que celles qui sont jugées non aptes sont désignées comme telles, qu'on ne les laisse pas suivre le processus, revêtir l'uniforme pour ensuite les placer dans une situation qui les affectera ainsi que le grand public pour le reste de leur vie? Dans le cadre du recrutement, y a-t-il un grand nombre de situations où une personne est refusée parce qu'elle ne pourra pas composer avec le stress lié à l'emploi une fois qu'elle aura terminé ces examens?

M. Dubeau : À l'intérieur du processus de recrutement, oui. Oui, il est possible d'être éliminé à la présélection du point de vue de l'aspect psychologique. On peut être éliminé à la présélection si on ne répond pas aux normes. Cela ne veut pas dire qu'on est une mauvaise personne.

Le sénateur Lang : Ce n'est pas du tout ce que je dis.

M. Dubeau : Des indicateurs susciteraient des préoccupations de notre part.

Le sénateur Lang : Selon lesquelles la personne ne pourra composer avec l'emploi?

M. Dubeau : Exact. Nous évaluons cet aspect.

Gilles Moreau, commissaire adjoint, assistant dirigeant principal des RH et directeur général, Programmes et services relatifs à l'effectif des RH, Gendarmerie royale du Canada : L'examen administré ne vise pas à déterminer si la personne est capable de composer ou non avec le stress. Il s'agit de voir si sa santé psychologique lui permet d'être un agent de police. Il vise non pas à déterminer si elle est prédisposée au TSPT ou à une BSO ou si elle pourra composer avec l'emploi, mais plutôt si elle est en bonne santé au moment où elle commence à travailler pour l'organisation.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup à chacun de vous d'être présents ici. Il s'agit d'une question très importante, et vous la prenez manifestement très au sérieux. Le Sénat travaille sur le TSPT à la GRC depuis un certain temps, et certes, moi aussi. Une grande partie de ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est ce qui arrive une fois qu'une personne est atteinte, et je sais que vous êtes très soucieux d'éviter ce trouble au départ.

Le Programme de respect en milieu de travail, nous dit-on, fait partie des programmes mis en place dans le passé. Monsieur le sous-commissaire, pourriez-vous nous donner une idée de l'étape de sa mise en œuvre à laquelle vous êtes, de la façon dont vous l'évaluez, de son incidence, et ainsi de suite?

M. Dubeau : Je vais vous en donner un aperçu. Je ne pourrai peut-être pas vous donner de détails, car je n'étais pas préparé à répondre à cette question aujourd'hui.

Le Programme de respect en milieu de travail a été mis en œuvre il y a environ trois ans à la suite de problèmes culturels au sein de l'organisation et de comportements inappropriés. Il découlait de notre évaluation de l'égalité entre les sexes et du respect et de notre plan d'action. Nous avons exécuté ce plan d'action. Nous avions une trentaine de points à l'ordre du jour, et nous les avons mis à exécution.

Nous avons réalisé la plupart d'entre eux. Certaines parties de ces éléments ont été prévues dans le projet de loi C-42. La loi sur la responsabilisation de la GRC permettait la mise en place de tout un tas de nouveaux systèmes de RH qui touchent le harcèlement, le code de déontologie, la professionnalisation de l'organisation et les attentes.

Ce programme est entré en vigueur en novembre, et les systèmes sont maintenant en fonction. Nos agents de la responsabilité professionnelle sont chargés de son fonctionnement. Selon les premières indications, il semble donner les résultats escomptés. Nous avons lancé un système interne informel de gestion des conflits, et nous disposons de praticiens dans ce domaine.

Le processus relatif au harcèlement a été modifié considérablement. Nous avons une nouvelle politique en matière de harcèlement qui est très claire. Nous avons centralisé les signalements — faute d'un meilleur terme — à l'extérieur de la chaîne de commandement, où, si une personne estime ne pas être traitée de façon appropriée ou être traitée de façon inappropriée, par exemple, si elle fait l'objet de commentaires déplacés — il pourrait s'agir d'un de ses supérieurs —, il est vraiment possible de le signaler. Tout cela a été mis en place.

Ce qui reste — et nous avons toujours su que cela poserait problème —, c'est le recrutement de candidates. Cela a toujours constitué un défi, et nous continuons de travailler là-dessus. Nous travaillons sur une nouvelle campagne publicitaire. Nous tenons encore certains événements de recrutement ciblant très précisément les femmes qui souhaitent se joindre à la gendarmerie. Nous tentons de le souligner.

Toutes les divisions, tous les commandants divisionnaires, ont mis en place un programme de respect en milieu de travail. Nous avons eu des programmes nationaux. Les divisions avaient la permission de les adapter en fonction de leurs besoins. Il ne se passait peut-être pas la même chose en Colombie-Britannique qu'à Terre-Neuve, alors nous avons accordé une grande marge de manœuvre à nos commandants divisionnaires pour leur permettre d'intégrer ce dont ils avaient besoin. Nombre d'entre eux ont réalisé des sondages, ont établi ce qu'il en était, le contexte, puis ont ciblé des programmes très précis.

Par exemple, je sais que, en Colombie-Britannique, on a affecté des conseillers en matière de respect en milieu de travail dans les districts, et il s'agissait presque de soutien par les pairs. Brian peut vous en parler, puisqu'il vient de cette province. C'est ce qu'on a fait. Nous avons offert plus d'éducation et de formation. Tout cela a été intégré.

Nous mesurons le succès de la façon suivante : nous regardons la santé de notre organisation et déterminons si nous réglons plus rapidement nos plaintes liées au harcèlement. Nous espérons que, grâce à notre nouveau système, les griefs seront réglés plus rapidement à mesure que nous les recevons. Rien n'est pire que d'entrer un grief dans le système et qu'il s'éternise, alors nous nous penchons sur ce problème.

Dans le cas de notre système interne de gestion des conflits, nous surveillons les paramètres suivants : combien de gens l'utilisent? Fonctionne-t-il bien? Pouvons-nous l'améliorer?

Vous avez vu que notre réseau de soutien par les pairs est ressorti de ce système. Nous nous sommes dit que nous avions besoin de soutien par les pairs au moment où nous passions aux Services d'aide aux employés de Santé Canada, car il s'agissait d'un changement de culture pour notre organisation. Nos membres sont habitués à un programme interne. Nous menons une campagne à ce sujet pour leur dire qu'il s'agit d'un système confidentiel et professionnel et qu'ils peuvent donc y faire appel. C'est toujours malheureux de voir ces problèmes, mais au moins les chiffres augmentent. Les gens demandent de l'aide. Les familles s'adressent aux services et obtiennent l'aide dont elles ont besoin. C'est ce que nous voulons faire : donner aux gens l'espoir et l'aide dont ils ont besoin pour voir que nous pouvons traverser cette épreuve ensemble.

Le sénateur Mitchell : Faites-vous une distinction, ou bien êtes-vous capable de faire une distinction ou d'évaluer les diverses causes du TSPT ou de BSO? Il est clair que, si une personne patrouille dans une région rurale et qu'elle a vu beaucoup d'accidents et de scènes horribles, il s'agira d'une raison pour laquelle elle pourrait être atteinte du syndrome de stress post-traumatique. On peut imaginer que, si on subit un harcèlement sexuel, ce sera une autre raison. Beaucoup d'éléments de preuve indiquent qu'il s'agit d'une raison. Votre organisation est-elle capable d'établir et de surveiller ces distinctions? Les processus sont-ils différents lorsqu'il s'agit de traiter les blessures causées par des raisons différentes?

Mme Châteauvert : À la Division J, nous avons mis à l'essai le RVPM, En route vers la réparation mentale. Au Nouveau-Brunswick, pardonnez-moi. Nous voulions offrir un atelier fondé sur des données probantes. Une étude a été menée par Julie Devlin, qui est titulaire d'un doctorat en psychologie, recherche. Elle a travaillé avec notre médecin- chef ainsi qu'avec l'Université du Nouveau-Brunswick.

L'étude portait sur la prévalence des BSO dans les divisions, un peu comme un cliché pour nous donner une idée de la situation à l'échelle nationale. L'étude visait à cerner les facteurs de risque et à trouver comment les atténuer afin de prendre une longueur d'avance et d'empêcher l'apparition de BSO.

L'équipe de recherche a pu cerner, dans une certaine mesure, des facteurs de protection sur lesquels nous pouvions travailler et que nous pouvions vraiment améliorer. L'un des exemples était le soutien par les pairs, le fait de savoir qu'on peut compter sur un membre, avoir un collègue sur qui s'appuyer.

Le résultat de l'étude a montré que, grâce à l'atelier, grâce à la recherche, nous pouvions accroître la résilience. Cela illustre un peu la prévention par des stratégies d'autogestion et le fait de fournir des mécanismes permettant d'atténuer les effets du travail stressant, en tenant compte du stress à la maison, alors de la combinaison des deux.

La matière du cours visait également à permettre l'acquisition d'habiletés d'adaptation et ce degré de conscience de soi. En tant qu'organisation axée sur la collaboration, nous avons mis au point un outil d'autoévaluation, ce qui vient rejoindre un peu l'application dont nous avons parlé un peu plus tôt, mais aussi d'un document qui aide les membres à se rappeler dans quel état ils sont et à savoir où et comment obtenir de l'aide.

On a fait un peu de travail dans ce contexte afin de nous aider à mesure que nous continuons de mettre en œuvre notre stratégie et d'élaborer des plans d'action annuels pour établir des étapes concrètes, les activités et le travail qui doivent avoir lieu si nous devons faire avancer notre cause vers l'atteinte de nos buts.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup.

Le terme « pair » a été utilisé à deux reprises. D'ailleurs, vous venez tout juste d'employer le terme « soutien par les pairs ». Je sais que le colonel Stéphane Grenier avait mis en œuvre dans l'armée un programme de soutien par les pairs qui s'est avéré extrêmement fructueux pour ce qui est de compléter les autres formes de traitement. Comparativement aux Britanniques et aux Américains qui n'ont pas de tel programme, c'est très clair.

À un certain moment, il m'a dit ou nous a dit, au comité, que les responsables de son programme avaient abordé ceux du programme de la GRC à un certain nombre d'occasions et qu'ils avaient fait part d'un certain intérêt, mais qu'il n'y avait jamais eu de suite. Êtes-vous en train de dire que, maintenant, vous avez vraiment un programme de soutien par les pairs, où, si une personne souffre de TSPT, on lui attribue un mentor ou une personne qui la soutienne? Le soutien par les pairs, c'est différent. Avez-vous envisagé le soutien par les pairs dans ce contexte?

Mme Châteauvert : Simplement pour clarifier les choses, nous avons les Services d'aide aux employés. Ces services sont offerts à l'organisation dans son ensemble, et ce, par l'entremise de Santé Canada.

Nous avons établi ce que nous appelons notre réseau de soutien par les pairs comme un intermédiaire afin de nous assurer que les employés font appel à ces services. Il s'agit d'un système de soutien interne visant à aider les employés à obtenir l'aide nécessaire, tout en étant conscients du fait que la crainte et l'inconfort liés au fait de demander de l'aide à l'extérieur de l'organisation faisaient partie de la culture de l'organisation. Le réseau de soutien par les pairs visait à faciliter cette transition afin que les employés reçoivent l'aide appropriée dont ils avaient besoin.

Nos statistiques révèlent qu'il y a peut-être eu un certain scepticisme, au début, mais nous avons vu une évolution. Nous avons vu nos chiffres doubler au chapitre des personnes qui veulent sortir de l'ombre et avoir recours aux Services d'aide aux employés.

En ce qui concerne les services militaires de soutien par les pairs que vous mentionnez, j'ai également eu le privilège de travailler pour le vice-chef d'état-major de la Défense. J'ai travaillé au MDN avant d'arriver à cette direction générale de la GRC. Je connais les programmes qui sont en place. On les appelle communément le programme de SSVSO, qui est davantage un programme externe de soutien par les pairs.

Nous sommes certainement conscients des avantages liés à ce programme. Même si aucune disposition officielle n'a été prise à ce jour, la GRC a eu le privilège d'utiliser le programme de SSVSO. Nous entretenons actuellement un dialogue et travaillons avec le MDN afin de prendre des dispositions plus officielles pour que nous puissions le promouvoir davantage, puisque, en fin de compte, le but est de déstigmatiser les problèmes de santé mentale et de veiller à ce que les membres obtiennent l'aide dont ils ont besoin.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie tous sincèrement de votre présence aujourd'hui.

Un de mes anciens collègues et amis a été militaire; il a subi un traitement du stress post-traumatique pendant de nombreuses années. Il a dit que, pour lui, le point tournant avait été lorsqu'on s'était concentré sur le fait qu'il avait servi avec honneur; il avait servi avec honneur, et il regardait l'événement, mais il ne se concentrait pas dessus; il allait de l'avant et s'attardait à l'avenir; le rétroviseur était petit, et le pare-brise, énorme; nous allions de l'avant; et il était le vainqueur, pas la victime.

Pourriez-vous nous en dire plus sur la formation que vous avez reçue, ou bien si vous avez quoi que ce soit de semblable à cela à la GRC, afin que les gens aillent de l'avant, ressentent des sentiments positifs à leur propre égard et se sentent respectés? En ce moment, il y a beaucoup de pression qui vient du public, qu'il soit question de l'armée, de la GRC, des infirmières, des enseignants ou des sénateurs, et le public se concentre sur les quelques événements peu reluisants et pas suffisamment sur les bons aspects... le fait de servir avec honneur et intégrité.

Mme Châteauvert : Dans ce contexte-là, il y a deux volets. Dans le cadre de notre travail visant à retirer le stigmate et à encourager les membres à sortir de l'ombre, nous avons reçu une série de témoignages de membres qui sont venus raconter leur histoire. Nous avons créé une vidéo au sujet de l'un de ceux qui se sont manifestés. Il a raconté son histoire et comment l'organisation, ses collègues et le système l'avaient appuyé. Il a été capable de s'en sortir. Cela a eu un effet d'entraînement très positif pour d'autres qui sont sortis de l'ombre. Nous avons pris soin de les présélectionner afin de nous assurer que le fait de raconter leur histoire n'allait pas déclencher une rechute, mais un certain nombre se sont manifestés, et cela a encouragé le dialogue. De ce point de vue, ces témoignages ont été utiles.

Pour ce qui est d'une formation officielle, depuis deux ans, la GRC offre une version révisée du cours Gestion du stress à la suite d'un incident critique. Il s'agit d'une formation en ligne, alors elle est accessible dans l'ensemble de la GRC, partout au pays. Dans le contexte de la poursuite de notre travail lié à la formation, à l'éducation, on génère évidemment beaucoup de sensibilisation partout dans l'organisation. Nous fournissons beaucoup de fiches d'information. Nous saisissons toutes les occasions possibles pour nous éduquer.

De plus, le programme En route vers la réparation mentale fait partie d'un projet pilote adapté aux fins de la GRC, vu qu'il est souvent mentionné que les organisations sont très semblables. Ayant moi-même travaillé pour les deux — je ne suis pas un membre —, je peux dire qu'elles sont très différentes. Dans ce contexte, le travail continue.

Le but ultime, c'est de pouvoir mettre en œuvre cet atelier afin que les employés de partout au pays puissent profiter de cette formation supplémentaire, qui leur procurera des outils utiles qui permettent de comprendre ce que l'on ressent; comment on se sent; pour savoir qu'on n'est pas seul et qu'il y a des gens à qui on peut faire appel, sur qui on peut s'appuyer et à qui on peut raconter son histoire et, au bout du compte, pour obtenir l'aide dont on a besoin. Les intervenants des Services de santé divisionnaires font preuve de vigilance tout en étant actifs.

Je peux dire que, lorsqu'il y a des incidents et des occurrences, nous tendons tout de suite la main pour nous assurer d'offrir le soutien qui est requis à l'échelon local. À l'échelon des divisions, les chefs sont très engagés et participent aux efforts déployés. Cette conversation a lieu en ce moment même. La santé mentale est à l'ordre du jour des comités de santé et de sécurité au travail, des comités divisionnaires des commandants et d'autres comités.

M. Sauvé : Ce n'est pas pour vous contredire, parce que nous devons tous collaborer dans l'organisation afin de faire avancer les intérêts et les enjeux, mais en ce qui concerne le programme en ligne Gestion du stress à la suite d'incidents critiques, c'est un cours d'une heure. Il m'a fallu environ 15 minutes pour le terminer. Il ne va pas en profondeur. Cela fait l'objet d'un examen. Nous avons soulevé cela et examinons actuellement la question.

En ce qui a trait à votre question, monsieur Mitchell, Stéphane Grenier est un homme fantastique. Je l'ai rencontré et je connais bien son travail. Nous avons mis de l'avant, il y a environ cinq ans, le réseau de soutien pour les victimes des blessures de stress opérationnel, ou SSVSO, afin que la GRC l'examine. Nous sommes heureux que les membres, selon leurs dires, envisagent d'y recourir.

Il y a cinq ans, on se préoccupait précisément du fait que le mentor, peut-être un membre de la famille ou quelqu'un qui souffrait d'une blessure de stress opérationnel, se trouvait à l'extérieur de l'organisation; des lacunes au chapitre de ce qui figurerait sur le dossier de santé d'une personne; de la situation opérationnelle de cette personne et du fait de savoir si elle pourrait encore être un membre actif et un membre en service de l'organisation. Nous parlons de personnes qui portent des armes, et nous sommes donc préoccupés en ce qui concerne la sécurité publique et la sécurité de ces personnes. Je ne l'oublie pas.

En ce qui concerne les séances d'information sur le traumatisme, si l'on peut dire, après un incident de police grave ou un incident critique, nous devons parfois mettre de l'avant le fait que la GRC, ce que vous voyez ici à Ottawa ou à Calgary, est un bâtiment principal de la Direction générale, où l'on retrouve beaucoup de gens qui sont centralisés. Mais notre organisation est extrêmement diversifiée sur le plan géographique. La majorité de nos services de police sont offerts dans des collectivités éloignées qui sont difficiles d'accès. Encore une fois, en tant que représentant des relations fonctionnelles pour la Colombie-Britannique traitant avec le commandant divisionnaire de la Colombie- Britannique, je peux dire que nous avons eu de graves problèmes en ce qui concerne les séances d'information sur le traumatisme dans le nord de la province, surtout parce que nous n'avions pas suffisamment de psychologues formés dans ce domaine et disponibles pour travailler dans ces régions éloignées. Même si le chef de service veut tenir et mener une telle séance d'information dans les délais impartis, les ressources externes ne sont pas là.

Le mérite revient à notre commandant et à un certain nombre de commandants divisionnaires dans les divisions contractantes. Grâce à eux, le transport de la force pour les psychologues formés en séances d'information sur le traumatisme qui sont prêts à voyager a été rendu possible. C'est une bonne chose.

Il existe un certain nombre de défis, mais, de mon point de vue, nous devons aussi garder à l'avant-plan le fait que nous sommes une organisation extrêmement grande sur le plan géographique; il y a, par exemple, tous ces petits endroits auxquels vous ne pensez pas régulièrement : Fort Nelson; Fort Chipewyan; Fort Smith; Churchill et Pukatawagan. Donc, pour continuer, le programme de soutien par les pairs est essentiellement une plaque tournante. Il s'agit d'un aiguillage vers les Services d'aide aux employés de Santé Canada. Dans l'organisation, on offre des services côte à côte avec les fonctionnaires, les civils ou les membres réguliers. Le programme en est encore à une phase de croissance. Je reste optimiste, mais prudent, ayant fait partie du programme d'élaboration, quant au fait qu'il sera une réussite. Il va évoluer.

Cela dit, abordons la Stratégie en matière de santé mentale, qui permet de réduire les stigmates, du point de vue des travailleurs — parce que j'aimerais beaucoup venir à la table, soulever une question et être en mesure de la régler demain. Mais je suis aussi entièrement conscient du fait que nous parlons de la GRC. Nous parlons d'une organisation fédérale, et il faut du temps pour apporter des changements.

La première année de la mise en œuvre de la Stratégie en matière de santé mentale a été pour moi une réussite relative. J'ai traité avec des membres qui sont libres et qui sont maintenant prêts à rendre des comptes à Ottawa de façon confidentielle, chose dont je n'ai jamais entendu parler pendant mes trois premières années en poste. Il y avait un certain sentiment de crainte. Cela veut donc dire que le Programme pour le respect en milieu de travail fonctionne, d'une certaine façon. Cela va être une évolution. Il faudra un ombudsman équitable, comme nous, pour surveiller le programme et s'assurer qu'il suit son cours et est efficace. Mais ces mesures vont dans la bonne direction.

La sénatrice Beyak : Voici la deuxième partie de ma question : en tant que femme, j'ai bien sûr à cœur tous les cas de minorités, mais je suis préoccupée. Christy Blatchford a écrit un superbe article la semaine dernière à la suite de la parution du rapport sur le harcèlement sexuel chez les militaires. Elle a dit que nous pouvons compter sur 100 000 militaires incroyables. S'il y a quelques pommes pourries, nous nous en occuperons. Nous avons 23 000 agents incroyables de la GRC. S'il y a quelques pommes pourries, nous nous en occuperons. Certains enseignants ne sont pas parfaits, nous traiterons avec eux. Il y a beaucoup de bons enseignants et d'infirmières incroyables; or tous ne sont pas dans des maisons de soins infirmiers à tabasser des personnes âgées.

Avez-vous une stratégie de riposte, un plan de communications pour dire aux gens à quel point vous êtes incroyables? Nous aussi, en tant que sénateurs, nous en avons certainement besoin.

Je répète toujours que ce sont quelques pommes pourries qui semblent obtenir toute l'attention médiatique ces jours-ci. Cela démoralise les Canadiens, nos forces, tout le monde. Je pense que nous avons besoin de stratégies de riposte. Je me suis demandé si vous aviez songé à dire régulièrement aux gens à quel point vous êtes formidables.

M. Dubeau : Sans que ce soit de façon intéressée, nous essayons régulièrement de dire aux Canadiens ce que nous faisons. Je ne crois pas que nous nous vantions d'être les meilleurs ni que nous ayons tout réglé, parce que nous savons que nous avons beaucoup de choses à changer. C'est une évolution constante, et la société évolue.

Nous avons bel et bien des stratégies. Malheureusement, les stratégies que nous avons ne sont peut-être pas ce que les médias souhaitent entendre. C'est toujours là que ça devient un problème.

Il en va autrement dans différentes régions. Par exemple, nos commandants divisionnaires en Colombie-Britannique trouvent des nouvelles sur eux-mêmes sur leur site web. Je pense que leur bulletin s'appelle « Rétablissons les faits ». Nous affichons des choses, mais nous avons une société et des médias libres et démocratiques, comme ils devraient l'être, qui choisissent ou non de fournir les détails que nous leur donnons.

M. Moreau a été actif, en tant que champion, en ce qu'il a participé à des entrevues pour parler de cela. Beaucoup de gens en ont parlé. Malheureusement, le message n'est pas toujours compris.

Vous avez raison : ça peut être démoralisant pour nos gens. À l'interne, nous disons à nos gens qu'ils servent avec honneur. Lorsque certains de nos membres commettent des erreurs, nous devons les aider. Si les erreurs ont été flagrantes, nous devons nous en occuper. Je pense que le projet de loi C-42 nous a amenés dans la bonne direction, parce qu'il nous a amenés à nous dire : « Nous allons nous en occuper. » Nous prenons au sérieux le fait de servir avec honneur. Nous avons des employés honorables qui servent les Canadiens fièrement, peu importe leur catégorie, parce qu'il y a trois catégories dans nos forces.

Je pense que je vais m'arrêter ici avant de commencer à pleurer... Je suis désolé.

M. Townsend : En tant que représentants des travailleurs, nous avons suivi de près pendant plus de 10 ans, année après année, l'opinion du public à l'égard de tous nos membres. Peu importe ce que les médias peuvent dire sur les bons et les mauvais coups, les Canadiens ont toujours un niveau d'appréciation élevé à l'égard de nos membres. C'est ce que nous disons à nos membres lorsque nous les visitons et communiquons avec eux.

Les médias ont leur rôle à jouer dans le monde, et le public canadien a son opinion. Souvent, les deux ne se correspondent pas, et nous rappelons ce fait à nos membres. C'est ce que j'ai fait au cours des 10 dernières années. D'année en année, de façon générale, le public a une opinion très positive de nos membres.

Le président : Pourriez-vous préciser un point soulevé par le sergent Sauvé au sujet du fait que la Stratégie en matière de santé mentale n'est qu'un programme quinquennal? Cela laisse supposer qu'après cinq ans, tout sera parfait. J'aurais tendance à penser qu'une stratégie devrait être continue, qu'elle devrait être une initiative vivante.

M. Dubeau : Je vais laisser M. Moreau répondre à cette question.

M. Moreau : On a fixé la stratégie à cinq ans dans un souci d'être réalistes. Contrairement à une stratégie en matière de santé mentale qui durerait à vie, nous avons envisagé une stratégie sur cinq ans, parce que nous commencions, en tant qu'organisation, à parler d'un plan d'action sur un an. Nous avons terminé notre première année et lançons la deuxième année du plan d'action.

Bien sûr, le plan d'action évolue en même temps que la stratégie, tandis que nous allons de l'avant et prévoyons éliminer les stigmates au cours des cinq prochaines années. L'objectif, à la fin des cinq ans, est de se pencher sur des choses autres que les stigmates, et la stratégie va continuer d'exister.

La santé mentale est présente dans notre vie, que ce soit à la GRC, partout au Canada ou ailleurs dans le monde, et elle sera toujours là dans cinq ans. Nous continuerons de faire cela. Ce ne sera pas moi; ce sera quelqu'un d'autre. Cependant, elle continuera d'exister. Nous n'avons pas le choix; nous devons nous assurer d'être mentalement et physiquement sains afin de pouvoir servir les Canadiens.

Mme Châteauvert : Le but ultime est de revoir la stratégie et de la définir en fonction des exigences. Cela fait partie d'un système de gestion de la santé et de la sécurité, où nous visons une amélioration continue. À la lumière de ce que nous aurons appris d'ici là, elle devra être redéfinie conformément à la vision et aux besoins qui prévaudront à ce moment-là.

Le président : Cinq ans.

Mme Châteauvert : Un plan d'action.

M. Dubeau : Des champions divisionnaires et un comité consultatif national y participent. Nous avons passé en revue le plan d'action pour ce qui est de voir ce que nous avons fait cette année, de repérer les lacunes et de trouver comment nous adapter annuellement. Si nous faisons fausse route, nous n'attendrons pas cinq ans, mais changerons de route.

Le président : Je suis ravi d'entendre cela.

M. Dubeau : Nous parlons d'une stratégie de haut niveau, mais les plans d'action sont annuels et reflètent les réalités que nous connaissons aujourd'hui, parce que nous apprenons davantage de choses au sujet des blessures de stress opérationnel. De nouveaux facteurs de risque apparaissent constamment, et nous tentons de les intégrer. Nos collègues au MDN ont fait un excellent travail là-dessus. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux et examinons ce qu'ils ont fait.

Hier, nous sommes allés avec nos champions en santé mentale à un souper de remise de prix. Nos collègues militaires y étaient aussi. C'était un événement incroyable. Ils sont nos frères et nos sœurs d'armes. Nous avons beaucoup de choses en commun avec eux, même si nos rôles sont différents. Notre travail diffère totalement, mais nous apprenons beaucoup d'eux et avons beaucoup de choses en commun avec eux. C'est une relation qui fonctionne très bien.

Le président : Il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais un certain nombre de sénateurs ont exprimé un intérêt à passer à la deuxième ronde, celle des questions et des réponses brèves et percutantes. Peut-être pourriez-vous faire un suivi rapide sur ces questions. Si vous devez y revenir et réfléchir davantage, veuillez écrire au comité, et cela fera aussi l'affaire.

Le sénateur White : La GRC a-t-elle besoin d'un ombudsman pour ses membres?

M. Dubeau : En ce moment, je travaille avec l'organisation que nous avons. Nous avons un programme des relations fonctionnelles. Je pense qu'on y fait du très bon travail.

M. Townsend : En fait, les anciens combattants ont un ombudsman. Nous adoptons l'ombudsman des anciens combattants.

Le sénateur White : Je pose la question, parce que la GRC offre des services dans plus de 800 collectivités, depuis les plus isolées aux plus peuplées, dans chaque province et territoire. Dans toutes les provinces, sauf en Ontario et au Québec, il s'agit du service de police provincial. Je parle d'un ombudsman pour la Défense nationale et les Forces canadiennes qui représenterait les intérêts d'un ancien membre, d'un ancien employé, d'un ancien employé des fonds non publics, d'une personne qui présente une demande et d'un membre de la famille immédiate. Je ne remets pas en doute le soutien que vous apportez aux membres assermentés et aux membres civils. Je ne remets pas non plus en doute ce que les représentants syndicaux fournissent à leurs groupes. Puisque la GRC est si diversifiée, comptant des représentants dans plus de 100 pays de quelque façon que ce soit et assurant cinq différentes fonctions des services de police, je pense que c'est une organisation du pays qui pourrait avoir besoin d'un ombudsman pour aider ses employés et rendre des comptes directement à un ministre.

M. Townsend : Si vous me permettez de répondre rapidement, l'ombudsman des anciens combattants s'occupe de nos membres, qui sont des clients. Comme nous redéfinissons notre relation avec les anciens combattants afin d'englober un mandat qui pourrait être plus large, cela peut être un point d'accès pour nos membres à la retraite et nos membres en service, ainsi que notre famille, puisque cela concerne des questions de santé et, tout particulièrement, des questions de santé mentale.

Le président : Serait-il pertinent que le mandat des anciens combattants soit élargi pour qu'il puisse comprendre toutes les questions de vos anciens membres, comme c'est le cas pour les militaires?

M. Townsend : Je le crois bien.

Le président : Nous mettrons cela sur notre liste.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir aux questions précédentes que j'ai adressées à M. Moreau. Je regarde les statistiques. En ce moment, selon ce que je comprends, 5 p. 100 des membres actuels de la GRC présentent un certain type d'invalidité causée par un trouble de stress post-traumatique. À l'heure actuelle, plus de 1 000 personnes sur 23 000 suivent des programmes. Ce sont celles qui reçoivent des prestations. Il y en a encore 2 000, pratiquement 10 p. 100 de l'effectif actuel — peut-être que j'inverse les chiffres.

M. Dubeau : Il y a 1 200 membres en service, et les 2 000 autres sont à la retraite.

Le sénateur Lang : Là où je veux en venir, c'est qu'il s'agit d'un nombre important. Cela doit évidemment être une source de préoccupation, à savoir pourquoi il y en a tant et quels sont les effets.

Lorsque j'ai posé des questions sur le recrutement des futurs membres de la force, M. Moreau a dit que, dans les évaluations psychologiques, rien ne permettait de savoir si une personne pouvait composer avec le TSPT ou avec ce genre de stress. Cela a attiré mon attention. À la lumière des chiffres que vous avez, de l'expérience que vous avez, il me semble que la force devrait se pencher sur sa méthode d'évaluation psychologique et voir comment elle peut la réviser afin de s'assurer que nous ne plaçons pas des personnes dans une situation avec laquelle elles ne pourront composer ni dans un poste avec lequel elles ne pourront composer.

La question est la suivante : Changez-vous en ce moment la façon dont nous menons les évaluations psychologiques pour voir si nous pouvons repérer cela?

M. Moreau : En ce moment, nous n'avons pas de capacités de recherche pour le faire ni pour examiner cela. Ce point pourrait faire l'objet d'un examen dans l'avenir.

Actuellement, notre but principal est d'embaucher des gens qui sont en santé, sur les plans tant physique que psychologique. Le fait qu'ils seront exposés à des situations stressantes est un acquis. S'ils sont en santé, nous devons envisager d'élaborer de meilleurs programmes de renforcement de la résilience afin qu'ils soient plus résilients. Toutefois, si ces personnes sont exposées à des situations stressantes, les services doivent être offerts sur-le-champ pour qu'elles puissent recevoir le traitement et être en mesure de rester au travail ou de revenir au travail après une période où elles auraient souffert de problèmes de santé mentale.

Le sénateur Lang : Cela va naturellement de soi. Ce dont je parle, c'est du recrutement initial et de la désignation.

Cela m'amène à ma prochaine question. Dans d'autres pays, procède-t-on à différents types d'évaluations psychologiques pour repérer cela et peut-être éviter qu'une personne soit recrutée et peut-être permettre qu'elle soit placée dans une différente partie de l'organisation où elle ne serait pas mise dans cette situation?

M. Dubeau : Je ne saurais dire. Il me faudrait parler avec nos psychologues, parce que vous nous demandez ce que les autres pays font. Nous aurions besoin de vous revenir à ce sujet par écrit, si nous le pouvons.

Le président : Sénateur Mitchell, vous avez une minute et demie pour que votre question figure dans le compte rendu.

Le sénateur Mitchell : Je vais prendre 10 secondes pour faire un commentaire percutant, puis 10 secondes pour poser une question percutante.

Je crois que l'objectif d'embaucher plus de femmes doit être applaudi. Cela me semble évident, et tout le monde le sait, mais je veux renforcer le fait que, si elles sont mises dans une même situation où la culture n'a pas changé et qu'il y a du harcèlement, le problème ne sera pas réglé. J'encourage votre travail à cet égard.

Ma question percutante concerne l'empêchement à gravir les échelons si vous êtes désigné à un certain moment comme ayant un TSPT. C'est une question de stigmatisation. Si on vous a désigné comme tel, si vous avez eu un TSPT et avez reçu un traitement, est-il vrai que cela ne vous empêche pas de continuer de gravir les échelons?

M. Dubeau : De mon point de vue, non, cela n'empêche rien, si vous reconnaissez le trouble et recevez un traitement — nous avons 1 200 membres qui servent et qui travaillent en ce moment, et nombre d'entre eux obtiennent des promotions. Ce n'est pas quelque chose que nous étiquetons. Les dossiers de santé sont très confidentiels.

Notre préoccupation concerne davantage certaines équipes spécialisées. C'est à ce sujet que vous entendrez peut-être certains de nos membres, particulièrement dans nos groupes tactiques d'intervention, dire qu'ils sont craintifs — je suis chargé du programme canin, et je sais donc que nos maîtres-chiens craignent toujours de dire « J'ai un genou fragile », parce qu'ils aiment tellement leur emploi. Nous leur disons : « Non, vous devez nous le dire. Vous avez une fonction importante. Il s'agit de la sécurité publique. Dites-le-nous. Nous allons vous aider et faire tout ce que nous pouvons pour nous en occuper. » Malheureusement, avec mon corps vieillissant, je ne peux pas faire ce que je faisais à 20 ans, et je ne peux donc plus faire partie de ces équipes, pas plus que je le voudrais.

C'est vraiment une question de fierté. Nous espérons dissiper ces obstacles, et nous en voyons l'issue. Nous sommes en mesure de montrer que, lorsqu'ils viennent à nous, leur carrière n'est pas freinée. Nous allons les aider. Nous voulons les aider. Nous avons besoin d'eux en tant qu'agents de police pleinement fonctionnels. C'est ce que nous voulons. C'est ce que veulent les Canadiens. Nous croyons en eux, comme vous l'avez dit.

M. Sauvé : Les 1 200 membres ont reçu le diagnostic de blessure de stress opérationnel. Ils n'ont pas tous un TSPT, qui est une de ces BSO. Il pourrait s'agir de troubles d'anxiété, de boulimie, d'alcoolisme et de l'une ou l'autre de ces choses. Je ne suis pas clinicien, mais ce n'est qu'une partie de ce que j'ai pu saisir en cours de route.

Je dirais que ces 1 200 membres ne sont probablement pas freinés pour ce qui est d'obtenir une promotion. Cependant, en fonction du profil professionnel d'un nouvel emploi et de ce qu'ils peuvent choisir comme promotion, leurs choix de carrière sont probablement limités. Le défi que je vois, c'est que les gens craignent de se manifester, parce qu'ils croient que leur carrière sera limitée s'ils s'affichent et disent qu'ils ont besoin d'aide.

Le programme En route vers la préparation mentale est, à mon avis, fantastique. Il a été élaboré pour nous. Toutefois, il devrait s'apparenter à celui des Forces canadiennes, qui est continu tout au long de la carrière et n'est pas un produit livrable unique.

M. Townsend : Nous continuons d'utiliser l'expression « Si un membre fait face à un événement. » Je pense qu'on devrait plutôt penser que « chaque membre va faire face à un événement de stress opérationnel ou à un événement de stress post-traumatique. » J'en suis certain, qu'il s'agisse d'un événement interne que vous connaissez ou d'un événement externe dont tout le monde est au courant. Cela va arriver. Il s'agit de services de police. C'est un sport de contact. Cela va arriver.

Le président : Au nom du Sous-comité des anciens combattants, nous aimerions remercier la GRC et les représentants des relations fonctionnelles à la GRC d'être ici. Nous apprécions beaucoup et soutenons pleinement le travail que vous faites. Nous tenons à ce que vous le sachiez et en fassiez part aux membres.

Merci beaucoup, et nous sommes impatients de vous revoir.

(La séance est levée.)


Haut de page