Aller au contenu
VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule 11 - Témoignages du 13 mai 2015


OTTAWA, le mercredi 13 mai 2015

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à midi, pour étudier les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints les membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes, y compris les blessures de stress opérationnel (BSO) comme l'état de stress post-traumatique.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables collègues, nous poursuivons aujourd'hui notre étude des répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints les membres actifs et à la retraite des Forces armées canadiennes. Cela comprend les blessures de stress opérationnel (BSO), un terme général qui englobe l'état de stress post-traumatique dont bien des gens ont entendu parler. Voilà déjà un certain nombre de semaines que nous avons amorcé cette étude.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui deux témoins du ministère des Anciens Combattants, à savoir M. Michel Doiron, sous-ministre adjoint, Secteur de la prestation des services; et M. David Ross, gestionnaire par intérim, coordonnateur clinique national. Nous avons grand hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.

Nous avons prévu un peu plus d'une heure pour cette séance. Monsieur Doiron, vous avez la parole.

Michel Doiron, sous-ministre adjoint, Secteur de la prestation des services, Anciens Combattants Canada : Merci, monsieur le président. Je m'appelle Michel Doiron et je suis sous-ministre adjoint du secteur de la prestation des services à Anciens Combattants Canada. Je ne vais vous parler que très brièvement pour laisser à M. Ross tout le temps de vous présenter notre réseau de cliniques dont nous pourrons discuter après coup.

Je suis donc accompagné de David Ross, un psychologue clinicien travaillant pour ACC qui est responsable de notre réseau de cliniques pour les blessures de stress opérationnel. C'est lui qui va vous présenter un aperçu de nos services.

Nous sommes ravis d'être des vôtres aujourd'hui pour vous parler des différentes mesures prises par Anciens Combattants Canada dans les domaines de la santé mentale et de l'état de stress post-traumatique.

ACC appuie votre étude sur la santé mentale. Tout ce que nous pouvons apprendre de plus ne pourra être que bénéfique. Sans plus tarder, je laisse la parole à M. Ross pour qu'il vous présente son exposé et que nous ayons plus de temps pour les questions.

Le président : Je vous signale que tous les membres du comité ont reçu une copie de votre document.

David Ross, gestionnaire par intérim, coordonnateur clinique national, Anciens Combattants Canada : Excellent. Pour que vous sachiez un peu mieux à qui vous avez affaire, disons que j'ai obtenu mon doctorat en psychologie clinique de l'Université McGill en 1987. J'ai surtout travaillé au Québec dans les domaines de la santé mentale et des dépendances depuis maintenant près de 30 ans. Je suis arrivé à Anciens Combattants Canada en 2008 à titre de coordonnateur clinique national et j'ai été nommé gestionnaire par intérim il y a environ un an. C'est donc là où j'en suis actuellement.

Le président : Travaillez-vous à Sainte-Anne-de-Bellevue?

M. Ross : Oui.

Le président : Nous avons visité vos installations il y a quelques années déjà. Nous serions dus pour une nouvelle visite un de ces jours.

M. Ross : Vous serez certes les bienvenus. Je veux vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité pour l'intérêt que vous portez à ces questions et l'énergie que vous mettez dans cette étude afin de mieux comprendre les défis auxquels nous sommes confrontés et les possibilités qui s'offrent à nous. Je vais prendre quelques minutes pour vous présenter ces diapositives qui vous donneront un aperçu de notre situation, du réseau que nous gérons et de quelques-unes des perspectives qui s'ouvrent devant nous. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

Regardons la première diapositive. Comme chacun sait, les Canadiennes et les Canadiens qui portent l'uniforme ont servi au cours des dernières années dans le cadre d'opérations de maintien de la paix et d'autres missions internationales particulièrement intenses et dangereuses. Cela a entraîné une augmentation constante des besoins en matière de soins en santé mentale.

Le nombre de vétérans des Forces canadiennes qui reçoivent des services est maintenant supérieur à celui des anciens combattants ayant servi en temps de guerre. Le traitement des vétérans de l'ère moderne aux prises avec ces problèmes de santé mentale exige dans tous les cas une approche complexe, perfectionnée et fondée sur des données probantes. Les données scientifiques doivent donc nous servir de base, mais il faut adapter les traitements en fonction des besoins de chacun.

Il y a eu augmentation globale de la clientèle d'ACC ayant obtenu des prestations d'invalidité en raison d'un problème de santé mentale. Ce graphique illustre bien la hausse progressive, mais constante, enregistrée depuis les premières collectes de données en 2002.

Les cliniques BSO s'inscrivent dans un continuum de services et de mesures de soutien en santé mentale. Je vais vous en faire pour l'instant un bref résumé, mais je pourrai vous fournir plus de détails tout à l'heure, si la chose vous intéresse. Je fais partie de la petite équipe chargée d'appuyer le travail, de guider les activités et de gérer le rendement du Réseau national pour les blessures de stress opérationnel (RNBSO). La clinique de traitement en résidence et la clinique de gestion de la douleur sont toutes deux situées à l'hôpital Sainte-Anne. Anciens Combattants Canada est en lien avec de nombreux programmes internes spécialisés de traitement au sein des collectivités vers lesquels nous aiguillons nos clients. Je crois que la plupart des gens ont entendu parler de l'application Connexion PSO pour iPhone ou Android qui vise simplement à mieux faire connaître nos services et à les rendre plus accessibles.

ACC offre des services de gestion de cas pour les clients dont les problèmes de santé sont complexes. On peut aussi faire appel à des gestionnaires de soins cliniques pendant une période limitée pour offrir un soutien particulièrement intensif aux personnes qui en ont besoin. Il y a également des fournisseurs communautaires de services en santé mentale. Je crois qu'il y en a actuellement plus de 4 000 qui sont inscrits auprès de la Croix-Bleue. Le Soutien social aux victimes de stress opérationnel (SSVSO) est assuré par un réseau de pairs. Le Service d'aide d'ACC offre actuellement un accès facile aux soins pour les membres de la famille. Il y a également Coach ESTT Canada, une version de l'application américaine PTSD Coach, qui vise à appuyer les démarches autonomes de changement. L'application guide les anciens combattants dans leur processus d'adaptation et les aide à mesurer les progrès réalisés. Les programmes Service de pastorale et Premiers soins en santé mentale viennent tout juste de prendre leur envol. Ces programmes qui ont produit d'excellents résultats, tant aux États-Unis qu'en Australie, permettent d'enseigner assez rapidement à un groupe la façon de reconnaître, et non pas de diagnostiquer, des signes de détresse; de procéder à l'intervention initiale; et d'apporter le soutien voulu si des soins plus poussés s'imposent. C'est une démarche initiale particulièrement bénéfique, car il faut vraiment privilégier un processus par étape pour le soutien en santé mentale. Ce n'est pas nécessairement une bonne idée de sortir l'artillerie lourde dès le départ. La plupart des gens aux prises avec des problèmes de santé mentale sont capables de s'en sortir par eux-mêmes, pour autant qu'ils aient accès aux options et aux mesures de soutien adéquates.

Parlons maintenant du réseau des cliniques BSO. Nous comptons maintenant 10 cliniques, et il y en aura bientôt une onzième. On en retrouve un peu partout au pays, de Vancouver jusqu'à Sainte-Anne, en passant par Calgary, Edmonton, Winnipeg, London et Ottawa. Il y a des cliniques pour les clients externes et les patients hospitalisés — une à Québec et l'autre à Fredericton. Entre l'ouverture des premières cliniques en 2002 et le troisième trimestre de cette année, un total de plus de 10 600 clients nous ont été référés. Nous nous réjouissons de l'utilisation que l'on fait de nos services, mais nous mettons les bouchées doubles pour les rendre encore plus accessibles. J'y reviendrai d'ailleurs dans un instant.

J'aimerais vous donner quelques précisions au sujet de nos cliniques. À la diapositive suivante, vous pouvez voir à quel moment les différentes cliniques ont ouvert leurs portes, ce qui vous donne une idée du déploiement de nos services. Je veux surtout souligner qu'il s'agit véritablement d'un processus pancanadien. C'est en effet un partenariat fondé sur une entente à l'amiable entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux concernés. Nous finançons entièrement les cliniques. C'est la province qui se charge de les doter en professionnels de la santé qui gèrent le fonctionnement de la clinique. Pourquoi donc? C'est ce que nous avons décidé après mûre réflexion il y a longtemps déjà.

Ce sont des cliniques ultraspécialisées. Pour qu'elles puissent offrir des soins à ceux qui en ont le plus besoin, il fallait qu'elles soient bien intégrées au réseau local de soins de santé. Si l'on s'était contenté de les ajouter à ce réseau, il aurait été beaucoup plus difficile de nouer les liens nécessaires pour aiguiller les patients et développer ces relations informelles qui sont primordiales pour que les choses fonctionnent vraiment. Nous avons donc décidé dès le départ, pour le meilleur et pour le pire, d'adopter cette démarche qui a rapporté des dividendes à bien des égards.

Nous avons récemment ouvert des cliniques satellites. Comme vous pouvez le voir à la diapositive suivante, elles sont installées à Victoria, à Kelowna, dans le Grand Toronto, à Hamilton, à Pembroke, à Brockville, sur la Rive-Sud de Montréal, à Chicoutimi et à St. John's (Terre-Neuve). Elles sont toutes bien sûr reliées à une clinique principale et leur nombre d'employés peut varier. Il s'agit d'offrir en collaboration des soins multidisciplinaires via Télésanté aux personnes qui visiteront ces cliniques satellites. Nous nous réjouissons surtout du fait que ces cliniques nous permettent de rendre nos services beaucoup plus accessibles. Plus on se rapproche des gens, plus ils sont susceptibles de nous rendre visite.

J'aimerais maintenant vous dire quelques mots de l'étendue de nos services pour les blessures de stress opérationnel. Cette diapositive dresse la liste de nos principaux services : évaluation et traitement individuellement, en couple, en famille ou en groupe; soins en personne et souvent via Télésanté, au choix du vétéran; soins externes; soins en établissement pour la stabilisation et la réadaptation. Nos services sont centrés sur la famille. Nous nous efforçons de travailler en étroite collaboration avec le réseau SSVSO et les groupes de soutien par les pairs, car la concertation produit de meilleurs résultats. Ces ressources sont particulièrement utiles lorsqu'il s'agit de rejoindre les gens qui ont le plus besoin de nos services, car ce sont souvent ceux qui sont le moins susceptibles de visiter l'une de nos cliniques s'ils ne sont pas accompagnés d'une personne digne de confiance.

Nous avons donc recours à une approche multidisciplinaire. Nous savons depuis longtemps déjà qu'aucune profession ne détient le monopole de la vérité en santé mentale et que nous arriverons mieux à offrir toute la gamme des soins nécessaires au large éventail de clients qui ont besoin de nos services si nous travaillons en équipe, en reconnaissant les points forts et les faiblesses de chacun, et en mettant en commun nos connaissances et nos compétences. C'est justement le modèle qui sert de base à ces cliniques.

Nos services sont fondés sur des données probantes. Comme c'est une notion qui risque de revenir souvent sur le tapis, j'aimerais vous dire ce que nous entendons exactement par là. Cela signifie que les outils ou les procédures d'évaluation que nous utilisons tout comme les traitements que nous offrons aux anciens combattants font d'abord l'objet d'essais auprès de groupes constitués aléatoirement. Nous sommes très conscients du fait qu'il n'est pas possible d'effectuer de tels essais contrôlés aléatoires à l'égard de toutes les combinaisons possibles de clients et de services. Nous avons donc établi un ensemble de règles qui nous servent de précautions supplémentaires lorsque nous ne pouvons pas compter sur des données probantes. Il faut surtout retenir que nous voulons vraiment nous en tenir à cette démarche scientifique, car l'expérience nous a démontré qu'il importe plus que jamais d'éviter de s'en éloigner et de s'assurer tout au moins d'amorcer les interventions sur la base des données scientifiques disponibles, surtout auprès des clients les plus vulnérables.

Enfin, pour revenir à l'étendue de nos services, nous mettons tout en œuvre pour sensibiliser les gens et transférer nos connaissances aux fournisseurs de soins locaux.

Je voudrais aussi souligner brièvement à quel point il est important de pouvoir miser sur des évaluations fondées sur des données probantes, un des piliers de notre réseau. Sans cela, nos plans de traitement ne seraient pas à la hauteur — à données douteuses, résultats douteux. Il importe d'élaborer le plan de traitement de façon claire en concertation avec le client. Il faut aussi articuler ce plan autour d'interventions qui ont fait leurs preuves. Malgré tout, le succès n'est jamais garanti. Il faut greffer à la démarche un suivi constant des résultats. Par exemple, si votre médecin vous diagnostique un problème d'hypertension primaire, il vous demandera de faire vérifier fréquemment votre tension artérielle. Il recevra les résultats et vous également. C'est ainsi que l'on peut savoir si le traitement fonctionne.

Nous avons conçu le Système de surveillance des résultats signalés par le client (SSRSC) qui est l'équivalent pour la santé mentale d'une vérification des signes vitaux. Il s'agit de repérer les troubles et les dysfonctionnements qui sont communs à tous les diagnostics possibles en fonction de l'âge et du sexe, notamment. C'est un outil qui permet généralement de savoir si l'état d'une personne est stable, s'améliore ou se détériore. Il peut être utilisé au début de chaque rencontre et le médecin et son patient ont immédiatement accès aux résultats. C'est un mécanisme de vérification dont l'on se sert habituellement dans les cinq premières minutes d'une rencontre. Il a été démontré que le système parvenait plus efficacement que les médecins à détecter les patients dont l'état risque de se détériorer ou qui pourraient renoncer au traitement.

Les médecins ont bien des qualités, mais ils ne sont pas nécessairement les plus clairvoyants lorsqu'il s'agit de repérer les patients dont ils pourraient perdre la trace ou dont l'état pourrait s'aggraver pendant le traitement. Lorsque ce système est utilisé à bon escient, il permet vraiment d'améliorer les résultats obtenus auprès des patients les plus vulnérables, et ce, sans égard aux effets thérapeutiques différentiels ou aux traitements utilisés. C'est une mesure distincte qui permet une évaluation différente. Nous nous en servons également pour la gestion du rendement. À la fin du premier trimestre, nous allons commencer à rendre compte de nos résultats quant au traitement des patients. Il a fallu quatre ans pour mettre ce système en œuvre et deux autres années pour en assurer le bon fonctionnement, mais tout baigne maintenant dans l'huile.

Je vais conclure ainsi mes observations en vous remerciant de votre attention et de votre intérêt.

Le président : Merci beaucoup. Nous sommes heureux que vous ayez pu nous expliquer aussi clairement le fonctionnement de votre réseau.

À la page 4 de votre document, vous présentez le continuum des services et des mesures de soutien en santé mentale. Dois-je comprendre que tous les services énumérés relèvent d'Anciens Combattants Canada ou y en a-t-il qui sont offerts en partenariat par d'autres organisations?

M. Ross : Soit que le ministère est directement responsable, ou soit qu'il agisse à titre de partenaire ou qu'il apporte sa contribution financière. À titre d'exemple, l'application Connexion TSO a été conçue par la clinique BSO de l'Hôpital Royal Ottawa en collaboration avec nous.

Le président : Est-ce que le ministère a accès à cette application?

M. Ross : Oui. Elle est disponible dans tout le pays. On peut même se la procurer via la boutique en ligne d'Apple.

Le président : Nous cherchons à déterminer les mesures de soutien auxquelles les anciens combattants ont accès. Un vétéran qui passe par le réseau aurait-il accès à l'ensemble de ces services et de ces mesures de soutien par l'entremise d'Anciens Combattants Canada?

M. Ross : Oui.

Le président : Doivent-ils être référés par une autre organisation?

M. Ross : Non, ce serait par ACC.

M. Doiron : Ce serait par l'entremise du ministère qui offre aussi d'autres services en matière de santé mentale qui ne figurent pas sur cette liste. Comme David l'a mentionné, nous pouvons compter sur le terrain sur plus de 4 000 entrepreneurs auxquels nous avons recours pour dispenser des soins spécialisés en santé mentale. Nous nous efforçons de faire une utilisation optimale des réseaux provinciaux de la santé, et les cliniques BSO illustrent bien cette approche. Le gouvernement du Canada paie la totalité des coûts de ces cliniques qui sont gérées par la province. Les anciens combattants, qui sont sous notre responsabilité, peuvent visiter n'importe laquelle de ces cliniques pour y trouver le soutien de leurs pairs. Nous collaborons avec nos amis des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale afin d'optimiser l'efficacité de nos réseaux respectifs. S'il n'y a pas de clinique à proximité et qu'aucune aide n'est disponible, même par l'entremise de Télésanté, nous avons partout au pays des ressources vers lesquelles nous pouvons diriger l'ancien combattant.

Le président : Vous avez des mesures intéressantes à promouvoir, et nous aimerions en faire état dans notre rapport. S'il y a d'autres services dont vous n'avez pas parlé ou qui ne sont pas énumérés, vous pouvez nous en faire part par écrit afin que nous puissions en tenir compte également.

Nous passons maintenant aux questions des honorables sénateurs en débutant avec la vice-présidente du comité, la sénatrice Stewart Olsen du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : À la lumière des différents témoignages que nous entendons, nous pouvons constater que les ministères des Anciens Combattants et de la Défense nationale commencent à intégrer de plus en plus de services en vue de favoriser une meilleure transition, ce qui est très rassurant pour ceux qui passent au statut d'ancien combattant. Pourriez-vous me dire où on en est rendu dans ces efforts?

M. Doiron : En fait, cette intégration ne vise pas uniquement la santé mentale, mais bien l'ensemble des services. J'assure la coprésidence du comité de transition de nos deux organisations en compagnie du lieutenant-général David Millar, qui a comparu devant votre comité. Nous cherchons par tous les moyens à faciliter la transition. Nous savons que lorsqu'un militaire quitte les forces où sa vie a été structurée pendant toutes ces années, il doit notamment trouver un médecin de famille dans sa province. Nous essayons de combler ce « fossé » dont vous avez sans doute entendu le ministre parler. Nous mettons tout en œuvre pour harmoniser nos services de gestion de cas avec ceux des Forces armées canadiennes.

Nous prenons aussi des mesures touchant les dossiers médicaux. Lorsqu'un ancien combattant demande des prestations d'invalidité, le ministère a besoin plus souvent qu'autrement de son dossier médical. Selon le temps écoulé depuis que le client a quitté les forces armées, son dossier médical peut avoir été conservé par celles-ci ou avoir été transféré à Bibliothèque et Archives Canada. Nous avons investi à ce chapitre de manière à obtenir plus rapidement les dossiers médicaux et pouvoir rendre une décision sans tarder.

Nous collaborons en outre avec les Forces armées canadiennes pour essayer de déterminer les cas dans lesquels le dossier médical n'est pas nécessaire. C'est ce que nous appelons la prise de décisions fondée sur des données probantes, et nous y avons largement recours pour l'état de stress post-traumatique.

Nous prenons aussi en considération les codes opérationnels des militaires. Ce n'est sans doute pas le terme approprié, mais c'est celui qui me vient à l'esprit. Je crois que l'on utilise un terme plus précis pour désigner ce concept, mais c'est un genre de classification. Que fait un pilote? Que fait un soldat d'infanterie au quotidien? Nous enregistrons ces informations dans notre système. Ainsi, lorsqu'un client nous indique que ses genoux ne sont plus fonctionnels, nous pouvons conclure que c'est sans doute normal en sachant qu'il était parachutiste et qu'il a fait un millier de sauts. Afin d'accélérer nos services en évitant d'avoir à réinventer la roue, nous collaborons de près avec les Forces armées canadiennes pour veiller à utiliser les mêmes codes et les mêmes termes.

Pour ce qui est de la santé mentale, l'ESPT, un volet repose sur des données probantes, c'est-à-dire que si une personne a servi dans une zone de service spécial, une ZSS, et qu'elle a un diagnostic clinique, nous éliminons deux ou trois étapes du processus. Nous n'avons pas à consulter le dossier médical couvrant 30 ans de service. Nous essayons donc d'accélérer le processus pour que la personne ait accès plus rapidement aux services.

Comme nous l'avons indiqué dans l'une de nos présentations au Conseil du Trésor, nous ajoutons 15 pairs conseillers au réseau, et c'est au MDN. Certains militaires se sentent à l'aise de parler avec un militaire. De plus, nous utilisons une partie de nos ressources pour faire connaître le réseau, car nous constatons que beaucoup de services sont offerts, mais que des gens ignorent leur existence et ne recourent donc pas à certains services.

Voilà quelques exemples de notre travail de collaboration avec nos partenaires des FC. Les membres du personnel des cliniques collaborent également avec d'autres genres de cliniques, et je crois que les cliniques pour blessures liées au stress opérationnel utilisent le SSRSC.

M. Ross : En fait, ils travaillent là-dessus.

M. Doiron : Nous aurons donc les mêmes données. Nous utiliserons les mêmes points de données pour faire avancer les connaissances et la technologie.

La sénatrice Stewart Olsen : Il semble que les choses se passent bien, et je suis ravie de l'entendre. Une chose que j'ai constatée par de nombreux témoignages, c'est qu'il semble y avoir un changement d'attitude également au sein des ministères, le MDN et ACC, qui fait en sorte que lorsqu'un ancien combattant se présente devant un comité, comme aux États-Unis, on le croit sur parole et on ne lui dit pas « vous devez le prouver ». Il peut commencer un traitement immédiatement. Il n'a pas à attendre que vous obteniez son dossier, par exemple. Est-ce exact? Ou bien est-ce que les choses progressent?

M. Doiron : Les choses progressent. Il faut dire que selon les dispositions, il est toujours obligatoire de montrer que son état est lié au service. Cet indicateur clair existe toujours. Cela dit, c'est l'ancien combattant qui a le bénéfice du doute, si je peux m'exprimer ainsi. C'est ce que nous voyons de plus en plus dans nos comités. À l'interne, parce qu'il y a les processus d'arbitrage, les cliniques et les bureaux, nous travaillons très fort avec nos arbitres et nos infirmières pour accepter ces éléments.

Il faut que ce soit fondé sur des données probantes, n'est-ce pas? Dans l'exemple que j'ai donné concernant l'ESPT, si la personne a servi dans une ZSS, si elle a participé à des missions en Afghanistan, qu'elle s'adresse à nous et qu'un clinicien nous dit « mon client souffre de l'ESPT », auparavant, nous aurions demandé son dossier médical. Il faut attendre six à neuf semaines avant d'obtenir les dossiers médicaux et qu'une évaluation complète soit effectuée. Maintenant, nous regardons les états de service. Nous constatons alors qu'effectivement, la personne a participé à des missions en Afghanistan, et un médecin ou un clinicien nous dit que la personne souffre de l'ESPT. À moins qu'il y ait quelque chose de vraiment bizarre, généralement, cela va. Il s'agit de lui donner le bénéfice du doute et d'éliminer quelques étapes, car c'est très clair. Non seulement David me le dit, mais de toute évidence, en permettant à la personne de suivre un traitement le plus vite possible, les chances de voir son état s'améliorer augmentent. S'il me faut 16 semaines pour faire l'évaluation, c'est une chose. Parfois, les gens attendent deux ou trois ans après leur service avant de consulter. Nous essayons de faciliter le processus. De toute évidence, un changement d'attitude s'opère dans tous les volets, pas seulement dans la santé mentale. Je sais que les différents comités en tiennent compte. La preuve, c'est que le taux d'approbation de premier niveau est passé de 70 à 79 p. 100. Cela signifie que lorsqu'une personne fait une demande d'indemnité d'invalidité, le taux d'approbation après la première demande a augmenté de 9 p. 100, ce qui indique que les choses changent.

La sénatrice Stewart Olsen : En ce qui concerne la télésanté, en discutant avec bon nombre de membres des Forces armées qui sont maintenant à la retraite, j'ai constaté que l'idée de parler à une caméra les rend mal à l'aise. Les choses s'améliorent-elles à cet égard? Que pensez-vous de ce type d'entretien?

M. Doiron : Cela varie selon les générations. C'est vraiment une question de génération. Certaines personnes n'aimeront jamais parler devant un écran, peu importe l'âge qu'elles ont, mais les jeunes sont habitués d'utiliser Face Time, par exemple. Cette façon de procéder leur pose moins de problèmes. Ils ne se sentent pas tous à l'aise de parler à un écran, mais ils l'utilisent davantage. Vous avez peut-être plus de données à ce sujet.

M. Ross : C'est intéressant, car nous avons essayé de mettre en place des services de télésanté. Nous avons commencé en 2008. Quelques années plus tard, nous avons pris du recul pour déterminer comment se passaient les choses. Nous avons retenu des leçons. Premièrement, nous avons exploré la documentation, qui indique toujours que les résultats de ce processus équivalent à ceux des rencontres en personne, mais d'un autre côté, il est tout à fait vrai qu'il y a des gens qui trouvent cela étrange.

Nous avons décidé de procéder de la façon suivante : nous offrons des services de télésanté, mais nous nous faisons également un devoir d'inviter les gens à une rencontre en personne, de sorte qu'ils puissent se faire une idée de nous et de l'évaluation. Si c'est plus simple pour eux de terminer l'évaluation en utilisant le service de télésanté, c'est très bien. S'ils veulent commencer le traitement en personne, ils réalisent parfois qu'ils ne veulent pas vraiment conduire durant quatre heures en pleine tempête de neige. D'un côté, ils ne veulent pas manquer leur séance. Ils ont donc le choix. D'après notre expérience, plus les gens l'utilisent, plus ils sont à l'aise. Tant que la connexion est fiable, et il faut dire que selon la technologie et la région du Canada dans laquelle la personne habite, cela peut constituer un problème. Il ne faudrait pas qu'il y ait des problèmes de connexion quand on essaie d'appeler la personne.

Cela dit, plus les gens l'utilisent, plus ils semblent s'y habituer, surtout si autrement ils doivent attendre longtemps ou s'ils n'ont pas accès aux services.

M. Doiron : C'est également l'une des raisons pour lesquelles nous avons les satellites. Nous envoyons un psychologue ou un professionnel de la santé mentale à un endroit une journée par semaine, ou par mois, selon la région, ou peut-être trois jours par semaine. Puisqu'une certaine proportion de gens a de la difficulté à utiliser la technologie, nous essayons de leur donner toutes les options possibles. Dans certaines provinces, cela fonctionne bien, et pour certaines technologies, les choses ne fonctionnent pas toujours aussi bien.

Le sénateur White : Je vous remercie tous les deux de votre présence et de prendre le temps de comparaître devant nous. En regardant votre présentation PowerPoint, j'ai été très ravi de voir la photo dans l'en-tête. Elle comprend un agent de la GRC. Je vais poser des questions qui concernent la GRC, car ces derniers mois, j'ai appris que les membres de la GRC n'ont pas tout à fait accès aux mêmes services que les militaires à la retraite. En fait, la semaine dernière, j'ai su qu'ils n'ont pas accès, par exemple — officiellement — aux cliniques BSO à moins qu'ils reçoivent une pension d'invalidité. Je pense qu'il faut au moins 18 mois pour qu'une pension d'invalidité soit approuvée et qu'elle n'est jamais approuvée du premier coup, d'après ce qu'ont dit des organisations d'anciens de la GRC. Jamais n'a-t-on approuvé leur demande d'accès à une clinique BSO du premier coup, et je crois comprendre que vous leur ouvrez parfois la porte.

J'essaie de déterminer combien d'agents de la GRC ont accès aux cliniques BSO et combien d'entre eux y ont accès sans avoir obtenu d'approbation officielle — c'est-à-dire qu'ils y ont accès parce que vous êtes gentils, et je suis sûr que c'est le cas —, de sorte que nous puissions faire des recommandations pour que la situation change.

M. Doiron : Nous devons faire une distinction entre les anciens membres de la GRC et les membres qui sont encore en service.

Le sénateur White : Je parle des retraités.

M. Doiron : Il y a une différence. Ceux qui sont encore en service ont accès à nos services, mais le processus qu'ils doivent suivre est différent. M. Ross pourrait parler de la situation des anciens.

M. Ross : Nous avons le mandat d'aider les gens qui nous sont envoyés. Nous ne sommes vraiment pas autorisés à accepter les gens qui se présentent simplement à nous. Dans le cas d'un retraité, c'est ACC, normalement un gestionnaire de cas, qui nous l'enverrait. Habituellement, dans ce cas, la personne est dirigée vers nous pour une évaluation. Si l'on constate très rapidement qu'une intervention est nécessaire, nous communiquons tout de suite avec le gestionnaire de cas et nous lui demandons de nous autoriser à commencer le traitement qui, encore une fois, est une aide distincte. Malheureusement, nous ne sommes pas autorisés à prendre ces décisions. Cependant, nous avons de bons liens avec les gestionnaires de cas. Dans ces situations, le fait que nous pouvons simplement les appeler et les consulter rapidement est très pratique.

M. Doiron : Nous avons conclu un protocole d'entente avec la GRC. Pour les anciens militaires, c'est notre mandat. C'est dans les dispositions; c'est clair. Cela fonctionne tout de même par envoi, mais c'est couvert par nos budgets. Qu'il s'agisse d'une personne ou de 1 000 personnes, les fonds sont là. Pour ce qui est de la GRC, c'est couvert par son budget. Nous lui envoyons la facture.

Le sénateur White : C'est un service contractuel, alors.

M. Doiron : Oui. Nous avons conclu un protocole d'entente avec les forces pour fournir les services, et il faut que les clients nous soient envoyés. L'entente est différente pour ce qui est de leur façon de fonctionner. Quant aux services qu'ils reçoivent, ce sont les mêmes.

Le sénateur White : Je comprends. Supposons que je suis un agent de la GRC à la retraite. Demain, si un médecin m'envoie chez vous, rien ne garantit que j'aurais accès aux services, même si je suis un ancien membre de la GRC, sauf si je reçois une pension d'invalidité pour une blessure liée au stress opérationnel, n'est-ce pas?

M. Ross : Oui.

Le sénateur White : Je veux seulement m'assurer que nous offrons le même service aux membres de la GRC à la retraite qu'aux anciens combattants.

M. Ross : En un mot, oui. Un médecin en milieu communautaire ne peut pas nous envoyer de patient directement. Nous ne pouvons prendre que des gens qui nous sont envoyés par AAC ou nos partenaires du protocole d'entente selon les limites établies, et c'est le partenaire du protocole d'entente qui les détermine à ce moment-là.

Le sénateur White : Si la personne n'a pas de pension d'invalidité, qui sait?

Le président : Je n'ai pas compris votre dernière réponse. Essaie-t-on de changer les choses à cet égard?

M. Doiron : Peut-être pas cela exactement, mais nous menons présentement des discussions avec la GRC au sujet du protocole d'entente, des services que nous offrons et de la façon dont nous les offrons. Je ne peux pas anticiper ce que contiendra la version finale, car je l'ignore, mais nous parlons de la santé mentale et d'autres services avec eux. Ils ont accès à d'autres services que nous offrons. Avoir l'indemnité d'invalidité est le déclencheur.

Le président : En tant que membres d'un comité sénatorial, nous cherchons toujours des occasions de contribuer à faire changer les choses. Si vous croyez qu'il y a certains aspects pour lesquels il serait utile que le comité agisse, veuillez nous l'indiquer.

Le sénateur White : Je me réjouis du service que vous fournissez et je comprends vraiment votre situation. Ce qui me pose problème, c'est que des agents de la GRC travaillent dans 800 collectivités où il n'y a pas de base militaire. Il est déjà difficile pour eux d'obtenir de l'aide une fois qu'ils sont à la retraite. À leur retraite, la plupart vivent dans la dernière région où ils ont été affectés, ou bien ils retournent d'où ils viennent, du Cap-Breton ou de Terre-Neuve. J'essaie de déterminer comment nous pouvons leur faciliter la vie. Le processus relatif à la pension d'invalidité est difficile et je ne suis pas en train de dire qu'il devrait en être autrement. Il y a une raison pour laquelle il est difficile, et c'est que nous voulons nous assurer que l'on parle vraiment d'invalidités. Toutefois, compte tenu du temps que cela prend, le processus à suivre pour obtenir de l'aide n'est peut-être pas la solution si tout ce que la personne veut, c'est obtenir de l'aide. Monsieur le président, je suis d'avis que nous devrions recommander que ces gens aient droit au même accès, peu importe qui reçoit la facture — elle peut être envoyée à qui vous voulez. C'est bien beau le paiement, mais il est essentiel que les agents de la GRC à la retraite aient accès aux mêmes services que reçoivent les militaires à la retraite pour faire en sorte qu'ils reçoivent les soins après leur service.

Le président : Sénateur White, vous soulevez un bon point, et les témoins ont également dit tout à l'heure que plus on commence le traitement rapidement, plus il y a de chances qu'on obtienne les résultats souhaités.

Le sénateur White : Certainement.

La sénatrice Stewart Olsen : À ce sujet, je déplore un peu que les membres de la GRC doivent demander des prestations d'invalidité. C'est très préoccupant, car souvent, le processus est long et la personne ne recevra pas de traitement avant un bon bout de temps. Vous n'êtes probablement pas sans savoir qu'une personne qui souffre de stress post-traumatique, par exemple, peut bien demander de l'aide sans nécessairement se considérer comme une personne invalide. Cela me préoccupe un peu. Croyez-vous que nous devrions recommander un changement sur ce plan également?

M. Doiron : Nous ne devons pas oublier que les Canadiens ont accès au système de soins de santé de leur province et qu'ils ont accès à des services de santé mentale. Bien qu'ils n'aient pas accès à une clinique BSO, ils ont accès à des services de santé mentale. Je le dis souvent aux anciens combattants lorsqu'ils disent qu'ils ne peuvent pas se rendre dans une clinique BSO. La plupart des collectivités de notre grande nation comptent des psychologues et des psychiatres. Je comprends que c'est difficile.

À Fredericton, au Nouveau-Brunswick, chez nous, il est très difficile de recruter des professionnels de la santé mentale et de les maintenir en poste. Nous pourrions énumérer toutes les raisons, mais c'est une réalité à laquelle nous faisons face. Je crois que ce n'est pas différent, mais si la personne voit un professionnel qui ne travaille pas dans une clinique BSO, mais qu'il y a une petite enseigne sur la porte et qu'il est autorisé à exercer, nous paierons pour ces services. La GRC a accès au même service.

Je crois que l'attrait des cliniques TSO, c'est l'aspect de spécialisation. Ils ont servi dans 800 collectivités, mais bon nombre d'agents de la GRC ont également servi aux côtés de nos collègues militaires lors de différentes missions en Afghanistan. Je ne me souviens plus du nombre, mais un agent de la GRC du Nouveau-Brunswick est mort en service en Haïti. Ils sont au cœur de l'action. Ce serait toujours une bonne chose de faire tout ce que nous pouvons pour nos collègues de la GRC.

La sénatrice Stewart Olsen : Je pense que nous devrions envisager de recommander quelque chose en ce sens, monsieur le président.

Le président : Nos scribes de la Bibliothèque du Parlement ont déjà pris cela en note comme aspect important à examiner.

Il y a un parallèle à établir par rapport à cette situation. Ceux d'entre vous qui ont eu affaire au ministère des Anciens Combattants se rappelleront que pour avoir accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, le PAAC, les anciens combattants traditionnels devaient avoir une invalidité. Ils ne voulaient pas avoir la pension d'invalidité; ils voulaient avoir accès au PAAC, mais la Légion et d'autres conseillers les aidaient à déclarer une invalidité quelconque. Cela n'avait aucun sens. Un exemple typique est la perte de l'ouïe — 5 ou 10 p. 100 des cas —; ils pouvaient ensuite avoir accès au PAAC. En raison de ces règlements, offrir aux anciens combattants un accès au PAAC était plus coûteux pour le trésor public. Nous avons travaillé fort pour modifier cela.

Le sénateur White : Je sais que dans certains cas, des agents de la GRC ne prennent pas leur retraite parce qu'ils ont actuellement accès aux services, tandis qu'ils n'y auront plus droit dès qu'ils partiront à la retraite, contrairement aux militaires. Ce n'est pas seulement plus coûteux; cela représente une somme supplémentaire de 100 000 $ pour une personne qui est en congé de maladie ou une personne qui a une incapacité partielle et qui ne veut plus occuper son poste. Les programmes offerts sont formidables et je tiens sincèrement à vous féliciter des progrès énormes que vous avez réalisés. Je le pense vraiment. Je parle à beaucoup de gens du COMFOSCAN, en particulier, et ils insistent sur l'importance des programmes. Cependant, le comité estime qu'il est essentiel de s'assurer que tous les membres actifs des autres organismes fédéraux, y compris la GRC, sont couverts. Merci d'être venu ici aujourd'hui.

Le président : On parle d'une couverture équitable.

Le sénateur White : Absolument.

Le président : Je pense que c'est un bon point; c'était une bonne discussion.

La sénatrice Beyak : Je ne siège au comité qu'à titre de membre substitut; je n'assiste pas à toutes les réunions. J'ai un ami qui a pris sa retraite des forces armées et qui a constaté d'importants progrès par rapport à son traitement lorsqu'on a commencé à se concentrer sur l'avenir plutôt que sur le passé, lorsqu'on a cessé de se concentrer sur ce qui lui était arrivé et qu'on a regardé de l'avant. Pourriez-vous nous parler davantage de l'adoption d'une mentalité de vainqueur plutôt que d'une mentalité de victime?

M. Ross : L'idée, encore une fois, est de se concentrer sur les preuves. Il y a actuellement des recherches à l'échelle internationale qui visent à mieux comprendre ce qui fonctionne. Nous sommes en 2015; nous savons que pour la plupart des problèmes de santé mentale, offrir un soutien non ciblé entraînera probablement une amélioration, dans une certaine mesure. Notre défi consiste à être plus efficace, à aider les gens à se rétablir plus rapidement.

L'un des éléments clés est de mettre l'accent sur l'adaptation et la compétence. Voilà pourquoi, si vous regardez les traitements fondés sur des données probantes, vous verrez que tous comportent un volet d'enseignement qui consiste à travailler avec les gens de façon à ce qu'ils puissent acquérir graduellement des compétences qu'ils n'avaient pas au début. On parle dans ce cas d'une courte période, soit 12 à 16 semaines, environ. Il s'agit de leur apprendre à prendre soin d'eux-mêmes, à maîtriser certains des symptômes qui, autrement, pourraient les confiner dans un espace de plus en plus restreint.

Cependant, cette approche s'écarte largement de la pratique habituelle de la psychothérapie, qui tend à être axée sur un modèle analytique plus ancien. Je ne veux pas manquer de respect envers qui que ce soit; je parle uniquement des soins fondés sur des données probantes offerts dans les TSO. Si vous regardez les soins qui donnent de bons résultats assez rapidement, vous verrez qu'ils sont axés sur le renforcement de la confiance en soi.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

Le président : Pourriez-vous nous parler des réservistes? On pense en particulier à la mission en Afghanistan. Les réservistes ont été mobilisés et ont offert les mêmes services que les membres de la Force régulière. Après la mission, ils sont revenus au Canada et sont retournés à leur emploi au civil, mais pas nécessairement dans une collectivité à proximité d'une base importante. Donc, il ne leur est pas aussi facile que les gens de la base de Gagetown de se rendre à Fredericton.

Prêtez-vous attention aux réservistes pour vous assurer qu'ils obtiennent les mêmes soins en santé mentale que les membres de la Force régulière? Sinon, quels sont les services nécessaires qui ne sont pas offerts actuellement et pour lesquels nous pourrions faire des recommandations?

M. Doiron : C'est une excellente question, parce que les réservistes représentent quelque 25 p. 100 des forces qui ont été déployées en Afghanistan. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais c'est ce qui me vient à l'esprit. Je pourrais me tromper légèrement, mais c'est un pourcentage de cet ordre.

Nous avons consacré beaucoup d'efforts aux réservistes ces dernières années. Cela comporte son lot de difficultés, car les réservistes s'enrôlent dans les forces, ils y servent, puis ils retournent dans leur collectivité et disparaissent.

Les services leur sont accessibles et nous les prenons en charge s'ils ont reçu un diagnostic. Lorsqu'ils se manifestent, cela ne nous pose pas problème. Je pense que la principale difficulté est de les inciter à se manifester et à leur offrir des services dans leurs collectivités respectives, comme vous l'avez indiqué.

Je suis originaire du Nord du Nouveau-Brunswick. Je connais le 1 RNBR d'Edmundston, car mon père y a servi à titre de réserviste. Je connais beaucoup de jeunes qui ont servi dans les Forces canadiennes. Ils sont allés en Afghanistan pour toutes sortes de raisons. Nous travaillons en collaboration avec les hauts dirigeants des Forces armées canadiennes pour nous assurer que les réservistes sont au courant que les services existent. Nous sommes prêts à les accueillir.

Ils peuvent avoir accès à ces services de diverses façons, mais ils doivent se manifester. Je pense que notre principale difficulté est de les inciter à le faire. Donc, même si les réservistes ne relèvent pas de lui, le lieutenant-général Millar a fait preuve d'une grande ouverture et nous a été d'un très grand soutien. Il y a eu un message général des Forces canadiennes. Je n'oserais peut-être pas employer le terme « directive », car je ne suis pas certain que c'est ce qu'il a fait, mais il a envoyé un message très clair aux cadres supérieurs de la Force de réserve. J'ai rencontré certains de ces cadres supérieurs pour m'assurer de leur collaboration.

Notre autre difficulté est liée à l'entrevue de transition obligatoire pour les militaires à temps plein. Cela signifie que nous menons une entrevue de transition avec les militaires actifs, avant leur départ. Les modifications que nous apportons visent notamment à améliorer cette entrevue.

Dans le cas des réservistes, le problème auquel nous sommes confrontés, c'est qu'ils s'enrôlent, ils viennent le jeudi et le samedi soir, puis ils décident qu'ils ne veulent plus se présenter le jeudi soir. Ils apportent leur matériel et s'en vont. Nous n'avons pas l'occasion de mener une entrevue de transition. La directive est qu'ils doivent avoir une entrevue de transition, mais que peut-on faire lorsqu'une personne décide qu'elle quitte la réserve, qu'elle remet son matériel, puis qu'elle disparaît?

Nous collaborons étroitement avec les FAC pour nous assurer d'offrir des services. Nos points de services sont ouverts, mais notre grande difficulté est de nous assurer que les réservistes sont au courant.

Nous offrons à tous les réservistes blessés dont nous connaissons l'identité les mêmes services que nous offrons aux militaires à temps plein. Lorsqu'ils se manifestent, cela ne pose pas problème, mais je pense que la lacune, s'il y en a une — et je crois que c'est le cas —, est de leur faire savoir que les services sont offerts. Nous offrons le service de télé-soins. Nous leur offrirons tous les services possibles dans la collectivité où ils se trouvent. Nous paierons les consultations auprès d'un psychologue de leur collectivité, comme nous le ferions pour un membre de la Force régulière. Nous espérons simplement qu'ils se manifesteront.

Le président : Il y a quelque temps, l'ombudsman des vétérans nous indiquait que beaucoup de réservistes et certains membres de la Force régulière qui ont pris leur retraite ont un mauvais état de santé physique et mentale et vivent dans la rue. Ces gens n'auront pas accès à ces renseignements. Souvent, l'état de stress post-traumatique se manifeste plusieurs années après l'événement. Comment communiquez-vous avec ces gens? Prenez-vous des mesures proactives pour essayer de les sortir de la rue?

M. Doiron : Absolument. Est-ce suffisant? Cela dit, nous faisons beaucoup de choses à cet égard.

En ce qui concerne les sans-abri, il est intéressant de souligner que mon sous-ministre — que vous connaissez probablement, pour la plupart — s'est promené dans les rues d'Ottawa un dimanche matin, il y a deux ou trois semaines, et il a trouvé neuf anciens combattants sans abri.

Le président : Neuf à Ottawa?

M. Doiron : Nous étions au courant de leur existence, mais ils étaient toujours dans la rue. Nous collaborons avec les organismes d'intervention en itinérance. Nous collaborons avec EDSC, qui a un projet pour les sans-abri. D'ailleurs, nous procédons actuellement à l'évaluation d'un projet pour les sans-abri que nous menons en collaboration avec EDSC. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Légions, qui ont lancé une initiative de lutte contre l'itinérance. Nous avons établi un partenariat avec VETS Canada. Cet organisme a des gens sur le terrain, des militaires ou des agents de la GRC à la retraite. Ils patrouillent dans les parcs et les rues de notre grand pays pour identifier les gens.

Actuellement, dans beaucoup de refuges pour sans-abri, les responsables demandent aux gens qui se présentent s'ils ont servi dans les forces. Les personnes qui ont indiqué avoir servi sont aiguillées vers nous, à l'un de nos divers points de service, pour que nous puissions faire un suivi. Ceux qui ont indiqué avoir servi ne l'ont pas tous vraiment fait, mais au moins, nous faisons un suivi. VETS Canada et la Légion — pour ne nommer que ceux qui me viennent à l'esprit — peuvent aussi communiquer avec nous.

Nous avons aussi distribué des affiches pour informer les gens de l'existence des services. L'objectif est d'essayer de savoir, autant que possible, si certains itinérants sont d'anciens militaires. Ceux que nous trouvons ont alors accès à divers programmes, qu'ils soient offerts par nous, les FAC ou la Légion. Nous travaillons de façon concertée pour essayer de sortir ces gens de la rue.

Ce n'est pas tâche facile, parce qu'il y a beaucoup de problèmes de santé mentale, de toxicomanie et de santé physique. Nous avons observé que cela touche également des gens qui reçoivent une pension et qui, pour diverses raisons, sont toujours sans-abri. Il existe toutefois divers mécanismes pour essayer de les identifier et de les inciter à participer aux divers programmes.

Le président : Bien. L'effort supplémentaire vaut la peine. Vous devrez manifestement fournir un effort supplémentaire et trouver des personnes aux compétences particulières pour intervenir auprès de ces gens.

M. Doiron : Sans aucun doute. Voilà pourquoi nous avons établi un partenariat avec un groupe comme VETS Canada. Il s'agit d'un organisme de bénévoles, mais nous lui offrons du financement. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour aller sur le terrain, pour aller là où les gens se trouvent. VETS Canada a un réseau national. Ces gens sont sur le terrain et collaborent avec divers services de police.

L'automne dernier, nous avons aussi envoyé une lettre à tous les chefs de police du Canada, car souvent, les policiers qui travaillent dans les diverses collectivités connaissent les sans-abri. Ils les voient et sont sensibilisés à la situation. Ils peuvent donc aussi leur demander s'ils ont servi et, le cas échéant, ils leur donnent un numéro de téléphone à composer pour joindre des gens qui pourront les aider à accéder aux programmes.

Nous faisons vraiment beaucoup d'efforts de ce côté. Nous n'en parlons pas beaucoup, mais nous sommes sur le terrain avec nos partenaires.

Le président : Je vous félicite et vous encourage à poursuivre ces activités.

Le sénateur White : Je ne sais pas si vous connaissez Common Ground, à New York. Il s'agit d'un formidable programme pour sans-abri qui existe depuis deux décennies, mais qui, depuis cinq ou six ans, est axé principalement sur la population de sans-abri qui connaît la plus forte croissance à New York, celle des anciens combattants, souvent très jeunes. Pour être honnête, contrairement à notre définition, on considère comme un ancien combattant une personne qui a servi de quatre à six ans et non de 20 à 24 ans. L'organisme s'appelle Common Ground. Si vous faites une recherche, vous verrez qu'il a un formidable site web et un excellent programme.

Ma question sur la santé mentale porte en particulier sur les conjointes des soldats. Il se trouve que quelqu'un m'a envoyé un rapport sur la santé des familles de nos soldats. Je me demande si, en matière de santé mentale, certains services sont axés sur les conjointes et les problèmes auxquels elles sont confrontées, d'après ce que je sais.

M. Doiron : Je vais laisser David parler de la clinique TSO, mais je dirais d'abord que le ministère a élargi ses services aux familles et aux enfants et non seulement aux conjointes. David a mentionné le numéro sans frais, la ligne d'aide téléphonique d'ACC.

Dans la foulée du rapport du BVG, nous avons augmenté de 8 à 20 le nombre de séances payées par le ministère qui sont accessibles, sans conditions, aux membres de la famille.

Nous encourageons la famille à assister à l'entrevue de transition, parce que le soldat pourrait nous dire que tout va bien. Lorsqu'on parle à la conjointe ou qu'on observe sa réaction, il arrive qu'on se rende compte que tout ne va pas aussi bien que ce que le soldat veut le laisser entendre. Nous encourageons les gens à participer à l'entrevue transition ou à se présenter à la clinique TSO.

Il revient à l'ancien combattant de décider s'il veut être accompagné de sa conjointe ou non, mais la ligne d'aide téléphonique sans frais a été précisément conçue pour permettre aux conjointes et non seulement aux anciens combattants d'appeler pour recevoir de l'aide. Avoir à composer avec une personne qui souffre de problèmes de santé mentale est difficile et entraîne des problèmes connexes, mais souvent, divers autres problèmes pourraient aussi entrer en jeu.

Je sais aussi, même si ce n'est pas de façon détaillée, que les Forces canadiennes offrent beaucoup de services aux conjointes et aux familles. Toutefois, je ne les connais pas tous en détail.

M. Ross : La semaine dernière, j'ai rencontré tous les gestionnaires des cliniques et nous avons organisé une table ronde. J'ai posé des questions extrêmement précises sur les activités que nous menons et j'ai voulu savoir si elles sont adéquates.

J'ai vérifié que toutes nos cliniques procèdent à un examen préalable et offrent des services de thérapie conjugale. Certaines de nos cliniques offrent aussi des services d'aide aux adolescents. C'est une question de personnel. Si nous n'offrons pas ce service, nous collaborons avec le réseau local pour nous assurer qu'il est offert.

Il arrive que la clinique TSO ne soit pas nécessairement l'endroit indiqué, en particulier lorsqu'on a affaire à de jeunes enfants. Toutefois, il nous incombe de nous renseigner à ce sujet. Il est de notre responsabilité d'accompagner les gens et, si nécessaire, d'offrir le service.

L'importance de la famille ne fait aucun doute. Lorsqu'on parle de TSO, d'autres problèmes ou d'autres aspects liés à la santé mentale comme le jeu compulsif... Si vous regardez les données sur cet aspect précis, vous verrez que pour chaque joueur compulsif que les effets négatifs touchent jusqu'à cinq membres de la famille, cinq proches. Donc, la famille peut aider et elle est touchée. Cela met en évidence l'importance de votre question. Merci de l'avoir posée.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai une question sur l'aiguillage. Je crois comprendre que les gens doivent être aiguillés vers vos services et que, en général, cela relève d'un gestionnaire de cas. Quelles sont les étapes que doit suivre un client d'ACC — un ancien combattant à la retraite — ou un ancien membre de la GRC pour être aiguillé vers vos services par un gestionnaire de cas?

M. Doiron : Nous faisons une évaluation des risques.

La sénatrice Stewart Olsen : Qui s'en charge?

M. Doiron : ACC.

La sénatrice Stewart Olsen : Qui doivent-ils appeler?

M. Doiron : Ils peuvent composer notre numéro sans frais. Je ne parle pas du numéro de la ligne d'aide téléphonique d'ACC dont j'ai parlé plus tôt, mais du numéro de ce que nous appelons le Centre national d'appels. Ils n'ont qu'à dire qu'ils ont besoin d'aide, par exemple. L'analyste discutera avec eux, procédera à une évaluation et les aiguillera vers un de nos bureaux. Là, ils rencontreront probablement un agent des services aux clients plutôt qu'un gestionnaire de cas. Nous disposons de divers outils. Nous entrons les informations dans nos outils d'évaluation afin de déterminer les risques.

Si la personne présente des risques moyens ou élevés, on va lui assigner un gestionnaire de cas. Le gestionnaire de cas va ensuite préparer un plan pour elle.

Il n'est pas seulement question de santé mentale. Cela s'applique à tout type de maladie. Une grande proportion des anciens combattants suivis par un gestionnaire de cas — ils sont environ 7 000 en ce moment, et le nombre continue d'augmenter — souffrent effectivement de problèmes de santé mentale.

Le gestionnaire de cas prépare donc un plan. Est-il plus indiqué d'aiguiller l'ancien combattant vers la clinique TSO, une clinique de prise en charge de la douleur? Quelle est la source du problème? Avant d'aller à la clinique TSO, faut-il d'abord régler un autre problème de santé? La personne a-t-elle besoin d'une réadaptation psychosociale? Une évaluation complète est effectuée et un plan est établi.

La sénatrice Stewart Olsen : À partir du moment où la personne téléphone à la ligne 1-800, sur quelle période s'échelonne le processus?

M. Doiron : En ce moment, cela peut prendre entre 45 et 60 jours. Le BVG a déterminé que c'était trop long. Notre ministre a annoncé il y a quelques semaines que nous allions changer le ratio, car nous avions — et avons toujours — un ratio de 1 pour 40, soit un gestionnaire de cas pour 40 anciens combattants.

Ce ratio ne tenait pas compte de toute la complexité et de l'intensité que suppose la gestion de cas quand il s'agit de clients souffrant de problèmes de santé mentale. On doit composer avec des questions comme l'itinérance et toutes sortes de choses qui ne demandaient pas tant d'efforts auparavant. Aujourd'hui, c'est tout un défi.

Le gouvernement du Canada a accepté de réduire le ratio à 30 pour 1 maximum, ce qui améliorera beaucoup la situation. Nous voulons vraiment réduire les délais. La norme pour avoir un plan de gestion est de 45 jours, mais nous voulons accélérer grandement le processus.

La sénatrice Stewart Olsen : C'est le temps qu'il faut compter depuis l'appel initial jusqu'à l'établissement du plan.

M. Doiron : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : Qu'en est-il à la GRC? Qui doivent-ils appeler?

M. Doiron : C'est le même numéro.

Le président : Si vous deviez mettre sur pied une organisation chargée de réunir toute l'expertise voulue et d'offrir tous les programmes requis en santé mentale, serait-il sensé de diviser l'organisation en fonction des différents groupes — membres réguliers des forces armées, vétérans de la GRC et anciens combattants des forces armées —, ou serait-il préférable de réunir toute cette expertise sous un même toit?

M. Doiron : Personnellement, je crois qu'il vaudrait mieux tout garder ensemble. Nous pouvons apprendre les uns des autres.

Il y a environ un an, j'ai rencontré nos partenaires à New York, le Groupe des cinq — la Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis —, pour discuter du dossier de la santé mentale. Nous savons maintenant que nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés. David en a d'ailleurs glissé un mot tout à l'heure. Les États- Unis ont un nombre effarant de soldats qui ont servi dans l'armée et ont participé à beaucoup plus de conflits que le Canada, mais nous essayons de tirer des leçons de l'expérience des autres.

À mon avis, plus il y aura de cohésion, mieux ce sera. Je pense que nous pouvons apprendre des autres et ainsi gagner en efficacité.

Nous échangeons beaucoup avec nos collègues des Forces armées canadiennes. Elle n'est pas ici aujourd'hui, mais ma directrice générale des services de santé — notre médecin général — est retraitée de la médecine. Elle a été directrice générale des Politiques de santé; elle s'appelle Cyd Courchesne. Elle devait être des nôtres, mais avec le changement au calendrier, elle n'a pas pu se libérer. Elle travaille de très près avec le dirigeant de l'organisation, et pas seulement pour les questions de santé mentale, mais pour tout ce qui touche la santé.

Si je devais imaginer l'organisation idéale, il n'y aurait pas de frontière. La transition devrait se faire tout naturellement pour les clients, qu'ils aient besoin de services en santé mentale ou quelque service que ce soit.

Souvent, les soldats savent qu'ils vont partir dans six mois, un an ou trois ans. Nos collègues des Forces canadiennes travaillent avec eux durant cette période. Grâce aux pouvoirs que nous confère la nouvelle loi, nous allons pouvoir travailler en amont. Le champ de compétence d'Anciens Combattants Canada se limite aux anciens combattants. Avec la nouvelle loi, nous pourrons commencer à travailler avec les clients bien avant qu'ils ne soient considérés comme des anciens combattants. Cela signifie que dans les centres intégrés de soutien du personnel (CISP) et les unités interarmées de soutien du personnel (UISP), il n'y aura rien pour distinguer les clients, mis à part l'uniforme. Les intervenants travaillent dans le même immeuble. Vous avez peut-être vu celui d'Halifax. C'est un magnifique immeuble. Un soldat qu'on envoie là-bas peut obtenir l'aide d'Anciens Combattants ou des forces armées. Je dépeins les choses peut-être plus simplement qu'elles ne le sont en réalité, mais il reste que tout se passe dans le même immeuble.

Selon moi, nous devrions viser un modèle homogène qui nous permet d'apprendre les uns des autres. Nous n'avons pas parlé d'emploi, mais pour un membre qui compte 35 années de service et qui est sur le point de prendre sa retraite, il suffit de nous assurer qu'il a accès à des soins de santé. Si par contre le membre a dans la trentaine et qu'il compte 12 ans de service, il faut se demander s'il a un autre emploi qui l'attend. Nous savons que le fait de travailler améliore grandement l'état mental d'une personne. Nous savons aussi que les sous-officiers subalternes ont plus de mal à faire la transition que les officiers. Nous connaissons également la situation des sous-officiers subalternes dans les armes de combat. Je crois que M. Pedlar est venu vous parler récemment de l'Enquête sur la vie après le service militaire, qui a mis au jour cette réalité. Il s'agit de travailler avec ces personnes pour s'assurer qu'elles savent à quoi s'attendre quand viendra le temps de remettre leur uniforme, qu'elles connaissent les services à leur disposition et qu'elles ont une idée de ce que l'avenir leur réserve.

C'est un sujet qui me passionne.

Le président : Il est important pour nous de penser à l'avenir, mais aussi d'évaluer la situation présente.

Je me demandais si vous aviez vu le reportage ce week-end sur notre ancien sergent d'armes, qui a reçu un diplôme honorifique de l'Université Mount Allison, au Nouveau-Brunswick?

M. Doiron : Je l'ai vu.

Le président : Il a évidemment vécu une période stressante après le malheureux incident qui s'est produit sur la Colline du Parlement le 22 octobre. Cela nous amène à penser aux fonctionnaires non traditionnels, comme le sergent d'armes, les agents des services frontaliers qui sont maintenant armés, les agents du SCRS et le travail qu'ils font. Comme leur rôle est appelé à changer considérablement, envisage-t-on d'offrir des services en santé mentale à ces personnes?

M. Doiron : C'est une excellente question, car c'est quelque chose qui me préoccupe. Mon premier emploi au gouvernement était aux douanes. J'étais inspecteur et j'ai participé à des opérations antidrogues, et je connais ces gens- là. Vous avez oublié un ministère, où on recense le plus de problèmes en ce moment, et c'est le Service correctionnel du Canada. Ce ministère a communiqué avec moi pour savoir si nous pouvions lui donner accès aux cliniques TSO, mais ce n'est pas possible. Je n'ai pas le mandat qu'il faut, ni les ressources humaines et financières nécessaires.

Loin de moi l'intention de vous dire quoi faire, mais je pense que l'ensemble du gouvernement devrait se pencher sur la question, parce que nos agents des services correctionnels sont loin d'avoir la vie facile. À la GRC, au moins, il y a moyen d'être en liaison, mais pour l'ASFC, surtout depuis les incidents armés... il y a eu des fusillades sur la côte Ouest et différents incidents. Je pense que c'est un signe que nous faisons quelque chose de bien, parce qu'il y a 20, 25, 30 ans, personne ne parlait de la santé mentale, n'est-ce pas? C'était un sujet tabou, il ne fallait pas en parler. Au fil des ans, on a commencé à aborder le sujet de l'épuisement professionnel et de la dépression. C'est devenu un enjeu public. Il y a toutes sortes d'initiatives de nos jours, comme la journée Cause pour la cause de Bell. Les gens sont plus sensibles à la problématique et les stigmates ne sont plus aussi marqués qu'ils l'étaient. Je ne veux pas dire qu'ils sont en train de disparaître, parce que je ne suis pas convaincu que ce soit le cas. Les gens ont moins peur de parler de leurs problèmes de santé mentale.

La Commission de la santé mentale du Canada indique que 20 p. 100 des Canadiens vont un jour être aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ce n'est pas que l'affaire d'Anciens Combattants et de la GRC, et cela ne touche pas que les employés du gouvernement du Canada. Nous avons un problème, mais quand on regarde ce qui se passe ailleurs, il y a lieu de se demander comment maximiser les ressources et veiller à ce que tout le monde bénéficie des mêmes services. On a communiqué avec moi et nous avons pu fournir de l'aide à certaines des personnes qui étaient là en ce jour malheureux d'octobre. Anciens Combattants Canada a offert ses services. Nous avons aussi aidé à Moncton dans la foulée de ces terribles incidents. Nous avions du personnel sur le terrain, mais le problème existe et nous devons trouver comment y remédier.

Le président : Merci pour vos commentaires à ce sujet. Je cède la parole au sénateur White pour une dernière question.

Le sénateur White : Je suis heureux que vous ayez parlé de l'ASFC. Dans la dernière décennie, elle est passée d'agence de perception à service de police, en quelque sorte. Je suis d'accord avec vous. Pour en avoir discuté avec le commissaire Head, je sais à quelles difficultés se bute le Service correctionnel du Canada. Je comprends votre position, mais pensez-vous qu'adopter une approche pangouvernementale face à cette problématique pourrait nous aider à trouver des solutions à long terme?

M. Doiron : Je crois bien.

Le sénateur White : Très bien.

Le président : Merci beaucoup. Puisqu'il n'y a pas d'autre question et que le temps file — nous devons être à la Chambre du Sénat dans 15 minutes —, au nom du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, je vous remercie d'avoir été des nôtres et d'avoir répondu si franchement à nos questions. Cela nous sera très utile.

Sur ce, la séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page