Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 12 - Témoignages du 3 novembre 2016
OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général (sujet : accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux : perspectives pour le Canada).
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Chers sénateurs, le comité de direction vient de se réunir, ce pour quoi nous avons quelques minutes de retard. Nous pensons recevoir la version définitive de notre rapport sur le commerce après la séance d'aujourd'hui. Vous pouvez vous attendre à ce que nous nous attaquions aux recommandations et au rapport lui-même peu de temps après notre retour.
Nous avons également terminé d'entendre les témoins à propos de l'Argentine, et ce rapport est lui aussi en préparation. Nous l'attendons prochainement.
Je vous préviens que vous devrez lire les ébauches et vous pencher sur les recommandations que vous souhaitez proposer ou non dans le cadre de notre étude.
Je remercie nos témoins de leur patience compte tenu de notre petit retard. Bonjour.
Notre comité est autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général. En vertu de ce mandat, le comité a entendu de nombreux témoins sur la question des accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux : les perspectives pour le Canada.
Au nom du comité, je souhaite la bienvenue à Todd Evans, économiste principal d'Exportation et développement Canada, qui est à Ottawa en personne; à Ross Hornby, vice-président des relations gouvernementales et politiques à GE Canada, et ancien ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne; et à Dan Breznitz, président des études sur l'innovation et codirecteur du Laboratoire en politique d'innovation, à l'École Munk des affaires internationales de l'Université de Toronto, qui témoigne par vidéoconférence.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. À moins que vous en ayez convenu autrement, je vais vous donner la parole dans l'ordre que je vous ai présentés. Nous allons donc commencer par M. Evans. Nous avons trois intervenants. Je vous demande de nous faire vos exposés, puis de laisser suffisamment de temps pour les questions, étant donné que j'ai déjà une liste d'intervenants.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Evans. Veuillez commencer.
Todd Evans, économiste principal, Exportation et développement Canada : Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie infiniment d'avoir invité Exportation et développement Canada, ou EDC, à comparaître aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de l'intérêt que vous portez à notre travail, plus particulièrement auprès des exportateurs canadiens et concernant notre point de vue sur le commerce international et les avantages qu'il apporte au Canada.
Comme beaucoup d'entre vous le savent probablement, EDC est une société d'État dont la mission est d'aider les entreprises canadiennes à prendre de l'ampleur et à réussir à l'échelle internationale, en offrant une assurance financière et des conseils d'experts à celles qui souhaitent s'implanter à l'étranger. Nous sommes une société d'État autonome, et nous ne recevons aucun financement annuel du gouvernement canadien.
En 2015, EDC a versé 500 millions de dollars en dividendes au gouvernement du Canada. Cette année-là, quelque 7 400 entreprises canadiennes ont eu recours à nos services pour un commerce international à hauteur de plus de 104 milliards de dollars au pays. De ce nombre, environ 6 000 PME ont reçu l'aide d'EDC pour des exportations et des investissements étrangers de plus de 15 milliards de dollars.
J'aimerais aujourd'hui parler brièvement des occasions qui s'offrent aux exportateurs canadiens, des avantages du commerce pour le Canada, et de la façon dont EDC aide les exportateurs dans un environnement mondial de plus en plus difficile.
Pour ce qui est des possibilités qui s'offriront aux exportateurs canadiens à moyen terme, nous sommes d'avis que les ententes commerciales comme l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG, améliorent l'accès aux marchés existants et ouvrent de nouveaux marchés. Nous nous attendons à une croissance des marchés émergents, principalement soutenue par la classe moyenne grandissante et les revenus à la hausse. Ces facteurs stimulent la demande pour toutes sortes de produits et de services aux consommateurs, que de nombreuses entreprises canadiennes peuvent offrir.
Les débouchés à l'horizon se trouvent notamment du côté des services financiers, des services de santé, de l'ingénierie, de la construction, de l'éducation et des loisirs. Soit dit en passant, les services représentent désormais une industrie d'exportation de 100 milliards de dollars au Canada. C'est plus que les secteurs de l'automobile et de l'énergie. Nous voyons aussi des possibilités du côté des technologies de pointe, des technologies propres, des énergies propres et des produits à grande valeur ajoutée en général.
Il est également possible de miser sur les chaînes d'approvisionnement mondiales ou les chaînes de valeur mondiales, comme on les appelle souvent.
Une autre belle occasion s'offre à de nombreuses entreprises, plus particulièrement aux petites entreprises, qui peuvent se servir des États-Unis comme d'un tremplin vers les marchés internationaux. C'est vraiment important pour les petits exportateurs.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, les avantages du commerce international sont connus et bien documentés. Je ne vais pas trop m'y attarder, mais je tiens très brièvement à préciser que nous savons que les entreprises exportatrices sont plus productives. Elles versent également des salaires plus élevés, en moyenne. Les entreprises qui ont des opérations à l'étranger sont aussi bien mieux placées pour soutenir la concurrence. Au sein d'une chaîne de valeur et une chaîne d'approvisionnement mondiales, les opérations domestiques et les filiales étrangères ne sont pas incompatibles. Il existe selon nous une relation complémentaire entre les opérations intérieures et étrangères.
Les entreprises qui ont un tel rayonnement international et une telle expérience en exportation, de même que des connaissances et de l'expérience quant aux ressources, rivalisent mieux sur les marchés mondiaux. C'est une sorte de cercle vertueux. Plus une entreprise exporte et étend ses activités à l'extérieur du Canada, plus elle acquiert l'expérience et les connaissances lui permettant de mieux exporter.
En ce qui concerne les chaînes de valeur mondiales, le secteur est généralement beaucoup plus durable. Ces relations sont normalement à l'abri des ralentissements économiques et moins vulnérables aux fluctuations, surtout si des entreprises canadiennes font partie du groupe restreint de fournisseurs que nous appelons des « entreprises d'attache ». Une entreprise d'attache peut ressembler à General Electric, à Siemens, à Bombardier ou à Magna. Bien souvent, nous constatons que les entreprises échangent technologie, développement de produits et financement avec une entreprise d'attache, ce qui est fort avantageux pour les petites entités.
Ce qui est important pour nous, c'est d'essayer de comprendre comment les exportateurs canadiens peuvent saisir ces occasions. Pour mieux saisir, nous réalisons chaque année un sondage auprès de milliers d'exportateurs sur toutes sortes de questions. Nous recevons des commentaires directement grâce aux enquêtes, ainsi qu'en discutant avec de nombreux exportateurs, plus particulièrement des enjeux qui nous préoccupent sur les défis propres au marché, les obstacles à l'exportation et les outils dont les exportateurs ont besoin pour surmonter ces obstacles et faire croître leurs activités.
Une chose qui se démarque généralement est l'accès aux services financiers, au financement, au crédit commercial et à différents produits financiers dont les entrepreneurs ont besoin pour gérer leurs affaires. C'est très important. Mais deux choses l'emportent sur l'accès au crédit et au financement, en particulier ces dernières années. Il faut d'une part avoir accès à la connaissance du marché et à des informations sur l'accessibilité des marchés, les règles et règlements entourant les frontières, les règles douanières et ce genre de choses. D'autre part, il est très important pour les entreprises qui souhaitent s'implanter à l'étranger d'avoir des contacts sur le marché local. Pour les entreprises qui sont nouvelles et de petite taille, il est tout à fait crucial de créer cette base de connaissances et d'établir ces réseaux locaux, ce qu'elles n'ont souvent pas les moyens de faire compte tenu des coûts de démarrage très élevés pour une petite entreprise qui perce un marché étranger.
En plus, nous savons tous que le milieu des affaires est de plus en plus difficile et nécessite des services et des solutions financiers plus complexes. Les entreprises se livrent à toute une gamme d'activités, sans se concentrer uniquement sur les exportations. Au contraire, nous constatons que de nombreuses entreprises s'adonnent à un large éventail d'activités. Elles importent, exportent, investissent à l'étranger et établissent des opérations, des bureaux de vente, des activités de marketing et de logistique au pays et à l'étranger. Elles ont donc toutes sortes d'activités. À EDC, nous constatons que nous devons vraiment commencer à adapter nos services financiers à cette combinaison de demandes, et c'est là que nous jouons un rôle prépondérant.
En réponse à ce que nous entendons, EDC a commencé à adapter ses services pour s'assurer de soutenir pleinement les exportateurs qui s'adonnent pour la première fois à l'exportation, ou qui exportent depuis de nombreuses années. Comme je viens de le dire, nous bonifions nos produits financiers pour répondre aux besoins et aux demandes changeants des exportateurs et des investisseurs canadiens.
Une chose est selon moi tout aussi importante, voire plus importante : nous investissons dans notre connaissance du marché, ainsi que dans nos services de recherche et d'information pour les exportateurs canadiens. C'est un peu comme si nous les aidions à composer avec les coûts de démarrage élevés qui découlent de l'entrée sur de nouveaux marchés d'exportation. Nous avons mis sur pied une nouvelle équipe chargée du commerce mondial, qui a principalement pour tâche de nouer des relations entre les entreprises canadiennes et les acheteurs étrangers. Nous offrons donc une sorte de service supplémentaire aux exportateurs canadiens, qui s'ajoute à nos produits financiers.
Comme vous le savez tous, les entreprises canadiennes contribuent énormément à notre économie. On sait que lancer un produit ou un service sur un nouveau marché n'est pas une mince affaire, mais à EDC, nous sommes constamment émerveillés par le dévouement et le travail acharné des entreprises qui y parviennent.
C'est maintenant avec plaisir que je cède la parole à mes collègues ou aux sénateurs, et que je répondrai à vos questions. Je vous remercie.
Ross Hornby, vice-président, Relations gouvernementales et politiques, GE Canada, à titre personnel : Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité.
Je vais commencer par vous parler brièvement de GE Canada. Je crois que la greffière vous a distribué un petit document. Je vais ensuite aborder quelques points qui s'y trouvent et qui expliquent pourquoi les manufacturiers appuient les accords commerciaux.
GE Canada possède cinq usines de fabrication au pays. Nous fabriquons des pièces de moteurs à réaction à Bromont, au Québec, où se trouve également notre centre de recherche et développement en robotique, automatisation et instrumentation. Une importante chaîne d'approvisionnement formée de PME et de développeurs de logiciels dans le secteur de l'aéronautique au Québec alimente cette usine, dont la totalité de la production est exportée.
Nous avons un centre mondial de technologies des réseaux électriques intelligents à Markham, en Ontario, où nous nous occupons à la fois de la R-D relative à ces technologies et de la fabrication d'équipement pour les réseaux électriques intelligents. Les réseaux électriques intelligents désignent le matériel de surveillance qui permet de garder les lumières allumées lorsque la foudre frappe un transformateur ou qu'une ligne de transport d'énergie électrique est rompue. La technologie permet à l'électricité de contourner le problème, et stabilise le réseau. Si on intègre par exemple l'énergie éolienne au réseau, une source qui peut varier, le réseau finira par être stable pour les consommateurs.
À Peterborough, en Ontario, se trouve notre plus ancienne usine, qui a d'ailleurs été fondée par Thomas Edison lui-même, et qui fabrique de gros moteurs sur mesure. Il s'agit de moteurs gigantesques qui actionnent des technologies comme les pipelines. Nous avons par exemple le contrat pour la construction des moteurs de l'oléoduc Énergie Est, si le projet va de l'avant.
Nous sommes également en train de construire ce que nous appelons une usine brillante à Welland, en Ontario. Celle-ci fabriquera des moteurs à essence alternatifs qui peuvent servir à toute situation hors réseau où il faut générer de l'électricité, qu'il s'agisse d'une collectivité éloignée nordique, d'un champ de gaz dans le nord-est de la Colombie-Britannique, ou simplement d'une usine qui souhaite contrôler ses coûts d'électricité au moyen de l'écrêtement de la demande de pointe, qui consiste à produire sa propre électricité aux heures de pointe durant l'été plutôt que de se retirer du réseau. Cette usine est construite notamment en raison de notre relation avec EDC, ce qui est extrêmement précieux étant donné que nos clients à l'étranger obtiennent un financement à l'exportation d'EDC qui leur permet d'acheter notre équipement.
Encore une fois, 70 à 80 p. 100 de la production totale de ces usines est exportée.
Je voulais parler un peu de la raison pour laquelle les fabricants ont besoin du libre-échange. Le Canada a de nombreux avantages. Il possède un système d'immigration solide, ce qui est une bonne chose. Nous pouvons ainsi aller chercher les talents et les employés dont nous avons besoin. Nous avons une main-d'œuvre instruite. Aussi, l'impôt des sociétés est généralement faible par rapport à celui d'autres pays. Le Canada a donc de nombreux atouts. Mais l'une des choses que les gens oublient souvent, c'est que nous disposons en fait d'un très bon réseau d'accords de libre-échange dans le monde, qui est en croissance.
J'ai participé personnellement au lancement des négociations sur l'AECG avec l'Union européenne, et je suis extrêmement heureux de constater qu'il entrera enfin en vigueur provisoirement en 2017, probablement.
De quoi avons-nous besoin dans un accord commercial? Les gens disent souvent que l'AECG est un accord historique, ou que le Partenariat transpacifique, ou PTP, est un accord unique. Je tiens à souligner quelques-uns des éléments que les accords commerciaux doivent selon moi aborder.
Il est entendu que les accords suppriment les tarifs. Nous avons besoin de ces accès libres de tarifs afin d'échanger librement des biens et des services dans le monde, mais il existe d'autres obstacles non tarifaires au commerce que les accords commerciaux devraient également cibler et réduire.
Le premier dont je veux parler brièvement se rapporte à la circulation transfrontalière de données. Nous entrons de plus en plus dans un monde numérique, et les machines fonctionnent désormais grâce au numérique. Elles sont dotées d'écrans intégrés. Elles envoient des données lorsque vous vous déplacez en avion. Les moteurs communiquent constamment avec un centre de contrôle central qui analyse la consommation de carburant, la turbulence et tous les facteurs qui améliorent l'efficacité des moteurs.
Les données aboutissent dans le nuage, mais nous constatons une nationalisation d'Internet dans certains pays. Il y a des restrictions sur la circulation des données. Vous ne pourrez pas tirer profit de cette numérisation si le nuage ne peut pas traverser les frontières. Nous pensons donc que les accords commerciaux devraient aborder cette question de circulation transfrontalière des données.
Il nous faut également des mesures disciplinaires accrues pour la propriété intellectuelle et la protection commerciale dans le cadre des accords commerciaux. Si vous travaillez dans une grande entreprise mondiale comme GE, vous devez aussi protéger vos secrets commerciaux. Disons qu'un pays cherche essentiellement à voler ou à pirater votre propriété intellectuelle, il doit y avoir des mesures disciplinaires prévues à l'accord commercial pour que vous puissiez protéger votre propriété intellectuelle et votre avantage commercial, et récupérer les coûts élevés de développement de la technologie que vous exportez.
Nous devons également prévoir dans les accords commerciaux des mesures disciplinaires pour les entreprises commerciales d'État. Dans la mesure du possible, les accords commerciaux devraient égaliser les règles du jeu entre les entreprises publiques et le secteur privé. Comme vous le savez parfaitement, les entreprises commerciales d'État dominent le marché dans certains pays. Lorsque nous envisageons de conclure un accord commercial avec ces pays, nous devons essayer d'uniformiser les règles du jeu pour éviter qu'il n'y ait de mariages forcés entre une société canadienne ou internationale et une entreprise commerciale d'État, ce qui serait en quelque sorte le prix à payer pour s'adonner au commerce dans ce pays. L'accord commercial devrait donc régler cette question.
L'accord commercial devrait également traiter des marchés publics. Il s'agissait bien sûr d'un des éléments novateurs de l'AECG. En fait, cet accord étend la portée des mesures disciplinaires relatives aux marchés publics jusqu'à l'échelle infranationale, à savoir les États membres de l'Union européenne et les provinces canadiennes. Une société internationale qui fait des affaires dans un pays veut avoir accès non seulement aux marchés publics fédéraux ou nationaux, mais aussi aux achats infranationaux. Si vous prenez simplement l'exemple du Canada, les provinces font plus d'acquisitions que le gouvernement fédéral quand on pense au système de santé et au matériel de diagnostic, ou à d'autres volets.
En plus de l'accès au marché par l'entremise de l'élimination des droits, j'ai parlé du libre-échange des biens et services environnementaux même sans un accord de libre-échange. Nous sommes tous confrontés aux défis des changements climatiques. Nous avons tous des objectifs très différents à atteindre en vertu de l'Accord de Paris; or, de nombreux pays imposent des droits sur les éoliennes, les locomotives propres et les pièces des moteurs à réaction. Avant de conclure un accord économique et de libre-échange exhaustif, il faut réduire les droits sur les biens et services environnementaux afin de favoriser la transition vers une économie verte.
De plus, les accords commerciaux doivent viser la coopération en matière de réglementation. Il faut une meilleure harmonisation et une coopération accrue entre les autorités de réglementation dans les accords commerciaux. Par exemple, les appareils numériques pourraient être les mêmes partout dans le monde. On ne peut pas créer des appareils distincts pour chaque pays en raison de l'incohérence réglementaire dans le monde.
Enfin, il faut que les employés soient mobiles. Le Conseil de la croissance a abordé ce point dans le rapport qu'il a remis au ministre des Finances la semaine dernière. Les sociétés doivent pouvoir envoyer leurs employés partout dans le monde pour appuyer la libéralisation du commerce des services et la chaîne d'approvisionnement mondiale qui est de plus en plus importante alors que chaque pays participe à la production finale d'un produit. Ainsi, si on ne peut pas déplacer les gens et leur permettre de travailler partout dans le monde, ce sera très difficile.
Je ne parle pas du programme des travailleurs temporaires, mais bien de personnes hautement qualifiées qui se déplacent pour aider à finaliser la production d'un produit.
Je vais m'arrêter là.
La présidente : Merci, monsieur Hornby.
Dan Breznitz, président des études sur l'innovation et codirecteur du Laboratoire en politique d'innovation, École Munk des affaires internationales, Université de Toronto, à titre personnel : Merci. Madame la présidente, monsieur le vice-président, mesdames et messieurs les membres du comité, on m'a demandé de vous parler des accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux, et des perspectives pour le Canada.
Pour mieux comprendre les perspectives réelles des pays démocratiques comme le Canada en ce qui a trait aux soi-disant nouveaux accords commerciaux, nous devons d'abord comprendre en quoi consistent les grands changements que la production mondiale de biens et de services a connus, de même que leurs répercussions sur les gains tirés de l'innovation et du commerce. Il nous faut comprendre comment une société devient riche et continue de s'enrichir, et comprendre les répercussions des nouveaux régimes commerciaux. Ensuite, nous devons comprendre l'environnement de changement engendré par les accords commerciaux.
L'un des points suscitant le plus d'intérêt est le passage d'un environnement multilatéral à un mode régional ou bilatéral, où les nouveaux accords commerciaux sont considérés à titre de partenariats. Dans les faits, c'est une transition d'un système de libre-échange mondial à un système asymétrique de blocs régionaux d'échanges détournés où la protection des biens semble être le facteur clé.
Enfin, nous devons réfléchir au fait que de nombreuses négociations commerciales depuis la Seconde Guerre mondiale ont eu une incidence cumulative importante et très positive, et ont fait en sorte de réduire presque tous les droits de douane restants. Des échanges internationaux plus intégrés obligent plutôt la pénétration de marchés intrinsèquement nationaux par nature et étroitement liés à la vision qu'ont les citoyens de sociétés démocratiques de la société dans laquelle ils souhaitent vivre.
En outre, de nombreux nouveaux accords appuient ces intrusions dans les politiques nationales sous la forme de tribunaux d'arbitrage privés discutables...
La présidente : Excusez-moi, monsieur Breznitz, mais on vous entend mal. Je ne sais pas si c'est à cause d'un problème technique ou de l'emplacement de votre microphone. Parfois, si vous êtes trop près ou trop loin du microphone, le son est interrompu. Je ne sais pas si on peut corriger cela.
M. Breznitz : Je vais tenter de parler plus lentement. Est-ce que c'est mieux?
La présidente : Ce n'est pas votre débit d'élocution. C'est que nous n'entendons pas certains mots. Je ne sais pas si c'est à cause de l'orientation du microphone ou d'un autre élément technique. Nous éprouvons des difficultés avec notre système de vidéoconférence, malheureusement.
M. Breznitz : Je peux faire cela. Est-ce que c'est mieux?
La présidente : Essayons-le, mais ne vous approchez pas trop du microphone, parce qu'on aura d'autres problèmes. Essayons comme cela et voyons si cela fonctionne. Je vais tenter de ne pas vous interrompre. Le problème s'est empiré.
M. Breznitz : Le technicien va essayer de régler le problème. Est-ce que c'est mieux maintenant?
La présidente : Je l'espère. Vous pouvez reprendre votre exposé. J'espère que je n'aurai pas à vous interrompre de nouveau. Merci de réessayer.
M. Breznitz : Je vous remercie à nouveau de me recevoir.
L'un des points suscitant le plus d'intérêt est le passage d'un environnement multilatéral à un mode régional ou bilatéral, où les nouveaux accords commerciaux sont considérés à titre de partenariats. Dans les faits, c'est une transition d'un système de libre-échange mondial à un système asymétrique de blocs régionaux d'échanges détournés où la protection des biens semble être le facteur clé.
Enfin, nous devons réfléchir au fait que de nombreuses négociations commerciales depuis la Seconde Guerre mondiale ont eu une incidence cumulative importante et très positive, et ont fait en sorte de réduire presque tous les droits de douane restants. Des échanges internationaux plus intégrés obligent plutôt la pénétration de marchés intrinsèquement nationaux par nature et étroitement liés à la vision qu'ont les citoyens de sociétés démocratiques de la société dans laquelle ils souhaitent vivre.
En outre, de nombreux nouveaux accords appuient ces intrusions dans les politiques nationales sous la forme des tribunaux d'arbitrage privés discutables, les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, comme c'était le cas avec l'AECG, qui a failli être bloqué.
Bref, le nouveau contexte commercial nous force à nous demander pourquoi nous devrions chercher à conclure d'autres accords commerciaux ou partenariats; en quoi ces accords commerciaux peuvent nous aider concrètement à court et à long terme; et quels sont les risques géopolitiques et l'incidence négative de l'adoption de nouveaux accords commerciaux régionaux sur les pays qui en sont exclus et sur notre position dans le monde.
Enfin, et surtout, dans quelle mesure sommes-nous prêts à renoncer, au prix de gains commerciaux toujours plus faibles, à notre démocratie et à notre souveraineté constitutionnelle, c'est-à-dire à notre capacité d'utiliser nos processus démocratiques pour prendre des décisions sur la manière d'orienter et de réglementer notre propre société, fondées sur la suprématie juridique de nos constitutions.
La réalité de la production mondiale et de la création de valeurs a beaucoup changé, comme on vient de l'entendre, et nombre de nos théories éprouvées et de nos mécanismes d'intervention ne sont plus adéquats. Depuis les années 1970, la manière dont les entreprises créent de la valeur et s'organisent a connu une longue et complexe évolution. Cette évolution, d'abord lente, s'est ensuite accélérée. Le facteur le plus important est la fragmentation mondiale de la production et l'apparition d'un nouveau contexte commercial mondial dans lequel les pays se spécialisent dans certaines étapes particulières de la production, dans des industries distinctes.
Prenons l'exemple de l'industrie de l'électronique : la société Apple qui, auparavant, fabriquait ses propres produits en Californie, n'a aucunement participé à la fabrication de sa nouvelle gamme de produits. Chacun de ces produits est maintenant pensé, conçu et fabriqué par étapes, partout dans le monde. Même les composants et les sous-composants sont fabriqués en étapes distinctes. Ainsi, de toute évidence, il existe de nombreuses manières d'atteindre l'excellence en matière de croissance axée sur l'innovation. En effet, comme je l'ai démontré dans mes travaux antérieurs, la mondialisation accroît fortement le choix politique; elle ne le réduit pas.
Cependant, pour que chaque étape de production connaisse un succès durable, chaque pays doit perfectionner différentes capacités d'innovation et faire en sorte que les différents groupes d'institutions dont elles ont besoin les soutiennent, qu'il s'agisse de finances, de recherche ou de compétences, ou d'accords commerciaux qui permettent à une société d'augmenter sa productivité, ses profits et le nombre d'emplois. Les divers pays doivent adopter divers modèles, et ce nouveau système d'étapes spécialisées entraînera d'importants défis à long terme pour les dirigeants, qui tentent d'assurer une prospérité durable à tous leurs citoyens qui ont une expérience et des compétences variées.
Deuxièmement, l'évolution des technologies de l'information et des communications ainsi que la fragmentation de la production ont mené à la transformation algorithmique des services, c'est-à-dire la capacité de les reproduire et de les fournir de manière répétée, sans restrictions géographiques. Cela a une incidence très positive : nous connaissons maintenant une hausse de la productivité dans le secteur des services, chose que nous croyions impossible à atteindre. Cependant, cela fait aussi en sorte que la mondialisation des services se fragmente encore plus rapidement que les biens.
En outre, le marché de l'emploi connaît une plus grande incertitude et un plus grand mouvement; les emplois à vie d'il n'y a pas si longtemps peuvent maintenant être pourvus plus facilement ailleurs dans le monde, et avec une meilleure efficacité grâce à un logiciel ou à un mélange de capacités humaines et logicielles.
Par ailleurs, cela signifie également que pour tirer profit du commerce des services — et je suis d'accord avec l'autre témoin —, nous devons modifier les lois nationales au point où cela soulève des questions relatives à la souveraineté et aux limites du choix démocratique. C'est particulièrement vrai dans le cas des accords qui prévoient le recours à un mécanisme d'arbitrage pour le règlement des différends entre investisseurs et États, dont les démarches sont effectuées hors des systèmes judiciaires nationaux.
Le juge en chef John Roberts a fait part de sa crainte de voir ces tribunaux d'arbitrage l'emporter même sur la Constitution. Il a fait valoir qu'en acquiesçant aux mécanismes d'arbitrage, un État permettait à des arbitres du secteur privé d'examiner ses politiques publiques et dans les faits, d'annuler l'autorité de son système législatif, exécutif et judiciaire.
Les changements dans le système mondial de production nous ont déjà fait passer dans un monde où l'immatériel a beaucoup plus de valeur que le matériel. Par exemple, le droit de propriété intellectuelle — les brevets, le droit d'auteur et les marques de commerce — constitue aujourd'hui 80 p. 100 de la valeur des entreprises américaines; 78 p. 100 des exportations des États-Unis proviennent d'industries à forte teneur en propriété intellectuelle. Lorsque nous pensons au commerce, il ne faut absolument pas oublier que l'immatériel, comme le droit de propriété intellectuelle, est par définition une création humaine, qui accorde un droit négatif — un monopole — en échange d'un bien public. À ce titre, le débat entourant le genre de monopole et en échange de quel bien public évolue dans le cadre des processus de négociation politique — la démocratie à l'œuvre — sur une longue période.
Si nous voulons réellement profiter du commerce et de nos propres investissements dans l'innovation, il est essentiel de comprendre que les règles du commerce relatives à qui peut dicter l'utilisation du droit de propriété intellectuelle ne relèvent pas du secteur de la haute technologie. Pensons à nos agriculteurs. L'évolution constante de la définition d'une semence, de la personne qui en détient la propriété, de ce qu'est un tracteur et de qui en détient la propriété, a modifié les relations entre les agriculteurs et ceux qui étaient auparavant leurs fournisseurs; ou encore l'évolution d'une relation où un propriétaire d'entreprise indépendant avait le choix de faire l'acquisition de facteurs de production dont il a besoin, vers une relation de pouvoir où un cultivateur de soja ou de maïs est traité comme un travailleur contractuel sans tirer aucun profit des grandes entreprises de semences ni, si les tribunaux l'y avaient autorisé, des entreprises de machinerie comme John Deere. Au cours des dernières décennies, les changements dans le système mondial de commerce ont fait pencher le pouvoir et les profits vers les détenteurs de l'immatériel, comme le droit de propriété intellectuelle, au détriment des travailleurs, des propriétaires fonciers et d'autres ressources matérielles.
Ce qui est encore plus troublant, c'est que ce nouveau genre d'accords commerciaux crée un système statique et rigide plutôt que de promouvoir des organisations et des accords évolutifs et souples. Seuls ceux qui croient fermement au génie des bureaucrates penseraient que ces derniers sont en mesure d'établir des règles qui correspondront aux besoins du marché dans 10 ans ou dans 50 ans. Cela s'applique tout particulièrement à la propriété intellectuelle; par conséquent, les traités commerciaux conçus précisément dans le but de figer l'évolution des lois et des règles qui entourent le droit de propriété intellectuelle national et international sont fondés sur une confiance aveugle dans les pouvoirs omniscients presque divins des bureaucrates qui les négocient. Sinon, pourquoi une société saine d'esprit s'engagerait-elle dans l'équivalent d'une prison juridique?
En somme, les exigences stratégiques en matière de croissance ont changé, ce qui a entraîné l'apparition d'un nouveau modèle de croissance, en modifiant les exigences en matière de concurrence et de productivité. Nous devons actualiser notre compréhension à l'égard de ce qu'il faut aux entreprises pour être concurrentielles sur les marchés mondiaux, pour créer de la valeur et créer de l'emploi.
Deux choses sont importantes à comprendre : nos théories ne nous permettent pas de comprendre — et encore moins de prédire — quel serait le meilleur ensemble de politiques à adopter. En ce qui a trait au commerce, nous ne disposons d'aucun modèle adéquat qui nous permette de prédire dans quelle mesure un accord commercial accordera à chacun de ses signataires la possibilité de tirer profit de l'innovation, ou d'y perdre. Ensuite, nous devons comprendre que nos systèmes d'éducation actuels n'offrent pas aux Canadiens les outils dont ils ont besoin pour saisir les enjeux de la situation et prendre des décisions éclairées. Cela concerne autant les citoyens particuliers que les responsables des politiques.
Si tout cela n'est pas suffisant pour vous exhorter à repenser la raison et la manière d'aborder les nouveaux accords commerciaux, voilà aussi que nous sommes passés de la signature d'accords commerciaux multilatéraux à la signature d'accords commerciaux régionaux et bilatéraux. Nous sommes ainsi passés d'un système dont le but était de maximiser le libre-échange à un système qui détourne le commerce vers des blocs régionaux précis.
On peut, au mieux, faire valoir qu'en signant tous ces accords, nous créerons un élan normatif et un besoin de facto qui forceront les nations exclues à se joindre aux nouveaux accords, leur donnant ainsi un caractère multilatéral, mais selon nos termes.
Bref, ces accords commerciaux doivent être perçus comme des instruments de concurrence géopolitique; et à ce titre, ils entraînent des coûts. Nous avons peut-être accru le commerce avec certains pays, mais au détriment des échanges avec d'autres. Nous en favorisons peut-être certains, mais le prix à payer est d'en ignorer d'autres.
En outre, la signature de ces accords entre les nations les plus puissantes du monde fait en sorte de réduire au silence les pays les plus pauvres, les empêchant d'avoir leur mot à dire sur le nouveau système mondial de commerce qu'ils désireraient voir émerger. Il se peut que le Canada décide que cela en vaut la peine, mais il faudrait le reconnaître publiquement. Si, pour paraphraser le premier ministre Trudeau, nous sommes le Canada et nous sommes là pour apporter notre aide, alors la signature d'accords commerciaux, qui favorisent presque uniquement le commerce entre les nations déjà riches et puissantes et ne permettent qu'aux riches et puissants de dicter les règles du jeu, est une manière cynique de le faire.
Le libre-échange est essentiel à la croissance économique, et les règles qui le régissent décident en outre quelles sont les sociétés qui s'enrichiront et qui conserveront ces richesses, de même que la manière dont elles y parviendront; elles décident aussi quels sont les degrés d'inégalité que nous sommes prêts à accepter au profit d'une plus grande croissance. Une société démocratique doit s'efforcer de donner à tous ses citoyens l'éducation nécessaire pour qu'ils puissent comprendre ces choix. Elle devrait leur permettre de débattre de ces questions et d'avoir voix au chapitre à leur sujet. Dans les deux cas, nous y parvenons très mal.
Je vous remercie une de fois de plus et j'espère que vous avez pu m'entendre.
La présidente : Nous vous avons certainement entendu. Cela aurait été mieux sans les interruptions. Nous espérons que ces technologies continueront de s'améliorer. La vidéoconférence est une autre façon de communiquer, mais elle a ses défauts. C'est plus facile en personne. Nous vous voyons très bien, mais le son n'était pas tout à fait au point. Je suis certaine que la plupart des sénateurs ont saisi vos points. Sinon, ils pourront vous demander des explications.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de vos exposés. Monsieur Breznitz, ma question s'adresse à vous.
Dans un article de CBC News publié hier, vous avez dit que nous n'avions jamais établi une politique en matière d'innovation. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Breznitz : Bien sûr. Il faut comprendre que l'innovation ne vise pas l'invention. Elle prend les idées et en fait de nouveaux produits et services ou elle améliore les produits et services pour le même prix afin d'accroître la production et de faire des profits; cela signifie que les innovateurs sont des sociétés privées ou des entrepreneurs.
Le Canada possède d'excellentes politiques scientifiques, technologiques et d'excellentes politiques de recherche, mais il n'a jamais eu de bonne politique d'innovation centrée sur ces deux types d'innovateurs, pour leur donner le pouvoir d'innover, comme nos politiques scientifiques, technologiques ou les politiques de recherche actuelles, mais, en plus, les encourager à appliquer ces idées nouvelles sur le marché, ce qui favoriserait leur croissance et leur procurerait une position défendable sur les marchés mondiaux.
La sénatrice Ataullahjan : À quoi ressemblerait une politique d'innovation? Nous avons un ministre chargé de l'innovation. Je sais, c'est trop tôt. Quelle a été son efficacité?
M. Breznitz : Je ne peux pas juger de son efficacité. Ses fonctionnaires m'appellent de temps à autre pour parler des mesures qu'ils veulent mettre en œuvre. Quand ils nous auront fait connaître leurs choix, nous pourrons les questionner sur leur justesse, que je ne connais pas encore.
Sur ce terrain, le Canada est en retard d'au moins 20 ou 30 ans. Tous les autres pays qui ont réussi à ce jeu ont créé une structure qui leur permet de constamment éprouver leurs stratégies. Si l'objectif est de stimuler l'innovation chez des agents comme les PME canadiennes, mais qu'on ignore s'ils passeront à l'action, il faut alors préparer un cadre stratégique qui permettra de modifier à tout moment les stratégies à mesure que ces entreprises proposent de nouveaux produits. Nous n'avons pas ce cadre. Les pays qui ont réussi à axer leur croissance sur l'innovation en possèdent un et s'en servent depuis les années 1970.
La présidente : Encore une fois, il y a eu des coupures. Pourriez-vous dire ce que nous devrions imiter chez d'autres pays? Je vous le demande pour le compte rendu
M. Breznitz : Oui. Nous avons observé que d'autres pays, Finlande, Israël, États-Unis, ne ciblent pas seulement les innovateurs stratégiquement, mais, sachant que, par définition, l'innovation essaie de modifier les comportements des marchés, de produire des choses dont nous ignorons la nature, ils se sont donné un cadre qui leur permet de constamment expérimenter leur stratégie.
Si une idée nouvelle échoue, ils passent rapidement à la suivante. Si l'idée donne de bons résultats, ils augmentent rapidement leur capacité de production. Quand les marchés changent — par exemple, il apparaît soudainement une industrie des semi-conducteurs ou de la voiture autonome —, ils adaptent le rôle de l'État et ils modifient rapidement aussi les règlements. Pas nous. Les pays qui ont réussi, oui.
Le sénateur Housakos : Sur ce point, pouvez-vous dire quel est le pourcentage du commerce international qui provient de l'innovation chez les deux ou trois nations commerçantes les plus prospères?
M. Breznitz : Dans le cas d'Israël, il y a plus que de la simple innovation. La croissance de son PIB est attribuable à 70 p. 100 à de jeunes entreprises, pas seulement à l'innovation.
Le sénateur Housakos : Est-ce qu'Israël serait l'une des deux ou trois premières nations commerçantes du monde?
M. Breznitz : Non, mais il serait l'une des plus innovatrices. Dans le cas des États-Unis, que, je suppose, nous devrions aspirer à imiter, 78 p. 100 de toutes les exportations sont attribuables à la propriété intellectuelle ou à l'innovation.
Le sénateur Housakos : Soixante-dix-huit pour cent. Impressionnant!
La sénatrice Ataullahjan : Des témoins nous ont dit que les accords de libre-échange n'augmentaient pas nécessairement les échanges commerciaux, et ces accords semblent de plus en plus alimenter le scepticisme. Comment l'expliqueriez-vous? Comment cela devrait-il influer désormais sur les politiques de l'État comme les politiques commerciales et les politiques économiques?
La présidente : À qui le demandez-vous?
La sénatrice Ataullahjan : À tous, s'ils veulent s'essayer.
La présidente : Monsieur Evans ou Monsieur Hornby?
M. Evans : Je peux répondre. Je connais bien une partie de la recherche sur ces problèmes concernant les accords de libre-échange.
La conclusion d'un accord de libre-échange avec un marché étranger ne met pas en place automatiquement les opérations commerciales. L'État doit vraiment aider les entreprises à profiter de l'accord.
Dans certains cas, les entreprises ont pu profiter de l'accord de libre-échange, mais il faut vraiment aider nos entreprises, les sensibiliser aux avantages de l'accord commercial, leur faire prendre pied dans le marché, nouer des liens et leur communiquer beaucoup de ces connaissances.
Encore une fois, je pense que nous devons faire bien attention à ne pas nous attendre, du seul fait d'un accord conclu avec un marché étranger, à l'intensification de tous les échanges commerciaux. Une fois l'accord signé, il faut vraiment commencer le travail de terrain, si on veut en profiter.
M. Hornby : Je suis d'accord. Cela ouvre des portes, mais il faut aider les entreprises, particulièrement les PME, à les franchir, par divers programmes comme ceux qu'EDC, des organismes gouvernementaux et des associations commerciales ont créés pour former leurs membres à profiter des accords qui ouvrent les marchés.
M. Breznitz : Je suis tout à fait d'accord avec les deux autres témoins. Mais nous devrions aussi nous rappeler que nous vivons dans une société démocratique. Comme d'autres témoins l'ont dit, et moi aussi, ces nouveaux accords commerciaux violent certaines valeurs que, jusqu'ici, nous considérions comme ce pourquoi nous vivons en démocratie.
Nous avons fait du très mauvais travail pour expliquer aux gens, à nos citoyens, pourquoi ils devraient même y penser. Nous constatons aussi une augmentation des inégalités dans beaucoup de parties du monde, et nous sommes passés d'un accord commercial à un accord plurilatéral. Cela semble très bien. On essaie vraiment de développer les échanges commerciaux, de conclure des accords commerciaux particuliers, qui, par définition, pourraient libérer les échanges, mais ces accords détournent aussi les échanges. Même les économistes sont très prudents à l'égard de la croissance globale des échanges.
La sénatrice Eaton : Comment préparez-vous les gens à l'Accord économique et commercial global? Que faites-vous pour vos membres?
M. Evans : Pour cet accord, nous prévoyons deux ou trois mesures, mais cela s'applique à l'appui à donner aux échanges en général.
À EDC, nous avons récemment constitué une nouvelle équipe vouée au développement du commerce mondial, dont la principale tâche est de servir de trait d'union entre des entreprises canadiennes et leurs homologues de l'Union européenne. Nous avons aussi ouvert un bureau à Londres et nous en avons un à Düsseldorf. Nous avons donc des agents sur le terrain, en Europe, qui peuvent nouer ces liens. Nous allons collaborer avec Affaires mondiales Canada dans les mois qui viennent, pour réaliser une série...
La sénatrice Eaton : Puis-je vous interrompre un moment? Les mesures que vous appliquez, les avez-vous choisies parce qu'elles ont été efficaces aux États-Unis? Quand, par exemple, nous avons conclu l'ALENA avec les États-Unis et le Mexique, avez-vous pris des initiatives que vous répétez maintenant en Europe ou bien prenez-vous une initiative totalement nouvelle?
M. Evans : Pour l'Accord économique et commercial global, l'initiative est totalement nouvelle. L'ALENA et l'accord de libre-échange, qui remontent à 1988 et à 1994, s'inscrivaient dans des contextes commerciaux très différents. Beaucoup d'entreprises comprennent le marché américain beaucoup mieux que le marché européen et, comme les témoins d'aujourd'hui le disent, notre commerce est beaucoup plus complexe, non seulement avec l'Europe, mais avec les autres pays. Il englobe toute une gamme d'activités. La plupart pensent que commercer c'est exporter, mais, très souvent, beaucoup de nos exportateurs ont besoin d'intrants importés. Il y a toute une gamme de services d'appui. Ils doivent ouvrir un bureau à l'étranger.
Nous suivons en quelque sorte le même modèle. Nous avons des agents sur le terrain, en Europe, dont la tâche est de faciliter ces liens. Nous avons organisé une série de séminaires qui auront lieu dans tout le pays et dont l'objet est principalement de sensibiliser les gens d'affaires aux modalités de fonctionnement de l'Accord économique et commercial global et aux éventuels avantages de cet accord pour leur entreprise et leur secteur. Cette sensibilisation exigera beaucoup de travail. Comme je l'ai dit, il ne suffit pas de conclure une entente et d'ouvrir les portes. Il faut vraiment encourager nos entreprises, particulièrement les petites, et les aider à se mobiliser.
Je voudrais aussi faire observer qu'EDC a un programme conçu pour aider les petites entreprises à entrer dans les grandes chaînes logistiques avec ce que nous appelons les grandes entreprises d'attache, comme Ford, GM, General Electric, Siemens et Bombardier. Nous avons très peu de ces entreprises d'attache au Canada. Très souvent, nous devons donc chercher à l'extérieur du Canada. Un mécanisme financier conclu avec ces grandes entreprises est conçu pour les aider à se fournir chez des entreprises canadiennes.
La sénatrice Eaton : Dans votre exposé, vous avez parlé de profiter des chaînes de valeur mondiales. S'agit-il de trouver une grande entreprise d'attache, soit en Europe, soit aux États-Unis, et d'essayer de trouver une pièce que nous pouvons fabriquer ici? C'est ce que vous voulez dire?
M. Evans : Essentiellement. Nous aurons une facilité de crédit avec une grande multinationale étrangère. On trouve de nombreux exemples sur notre site web. Nous en avons avec Telefonica, les grands constructeurs d'automobiles et General Electric. Grâce à cette facilité, qui peut être très importante, 600 à 800 millions de dollars, ces entreprises s'approvisionneront chez des fournisseurs canadiens. Dans le cadre de cette initiative, pour encourager l'arrivée dans la chaîne de fournisseurs canadiens, nous organiserons des rencontres entre les grandes entreprises d'attache et les fournisseurs canadiens. À EDC, une autre équipe s'occupe d'analyser les compétences et les capacités des entreprises canadiennes pour s'assurer qu'elles pourront offrir le produit ou le service dont l'entreprise étrangère a besoin.
Ces rencontres de jumelage amènent ces entreprises à s'approvisionner au Canada. Depuis le début du programme, en 2003, chaque dollar investi dans ces facilités de crédit pour ces entreprises d'attache étrangères et intégrer les fournisseurs dans les chaînes logistiques étrangères procure en moyenne 1,40 $ d'achats chez des entreprises canadiennes, et la plupart de ces achats se font chez de petites entreprises. L'initiative est couronnée de réussite, c'est certain.
La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.
M. Evans : Il n'y a pas de quoi.
La sénatrice Eaton : Monsieur Breznitz, puis-je vous poser une petite question? Est-ce que certains secteurs canadiens se sont révélés meilleurs dans l'innovation entre le laboratoire et la table, en passant par la « vallée de la mort », comme nous le disons au Comité de l'agriculture où on produit toutes ces choses merveilleuses autour du campus de l'Université de Guelph, où ont lieu des innovations importantes? On y trouve maintenant une équipe de mercatique, qui, je pense, essaie d'obtenir des subventions de démarrage pour ces innovations. Je sais que, à l'hôpital St. Michael's de Toronto, à l'institut du savoir Li Ka Shing et au centre de recherche Keenan, on essaie aussi de trouver des moyens de commercialiser des nouveautés créées dans les laboratoires de recherche de l'hôpital St. Michael's.
Est-ce que certains secteurs sont meilleurs que d'autres ou sommes-nous vraiment nuls dans la plupart des secteurs?
M. Breznitz : En fait, certains secteurs excellent mieux que d'autres et, ce qui est assez intéressant, l'État y a joué un rôle moins effacé. L'agriculture est un exemple. Pour penser à une province différente, comme la Saskatchewan, songez un instant au canola et à sa création. C'est un parfait exemple de ce que les gouvernements du Canada et de la province ont constaté que le marché était prêt à accueillir. Le centre qu'il a créé, qui est encore à l'Université de Saskatoon, est très impressionnant.
À propos, c'est la même chose dans l'industrie pétrolière. Nous ne devons pas oublier que le dernier boom dans les sables pétrolifères de l'Alberta n'aurait pas eu lieu sans le lien entre le privé et le public qui permet au gouvernement d'accorder des crédits et d'autres subventions pour permettre la mise à l'essai des technologies. Ensuite, quand elles sont éprouvées, les entreprises privées sont disposées à participer davantage à la réalisation des projets.
Nous sommes aussi très bons en agriculture. Bien sûr, beaucoup de choses peuvent encore être améliorées. Nous excellons particulièrement dans les industries extractives et dans l'aérospatiale. Nous pourrions faire mieux en recherche médicale. Nous devrions être l'un des chefs de file mondiaux, compte tenu, particulièrement, de notre système national de santé. Je vous incite vivement à réfléchir à la façon dont nous pouvons profiter de l'existence de ce système pour vraiment préparer le terrain entre le laboratoire et le marché, ce qui permettrait aussi de comprimer les coûts actuels, qui sont essentiellement imputables à l'importation des éléments si nombreux dont nous avons besoin pour notre système médical.
La sénatrice Marshall : Pendant que vous parliez, je n'ai pas pu m'empêcher de songer à ce qui arrive aux États-Unis, les élections américaines et le protectionnisme. Je pensais alors à ce concept. M. Evans a dit que les États-Unis sont le tremplin pour les marchés internationaux, tandis que M. Hornby a dit qu'il existait un bon réseau d'accords de libre-échange, et je me disais que l'un des candidats voulait résilier l'ALENA. Ensuite j'ai entendu M. Breznitz parler des accords commerciaux à venir.
Pouvez-vous parler de la notion de protectionnisme? D'après vous, est-ce une éventualité qui pointe à l'horizon? Devrions-nous nous en inquiéter ou pensez-vous que c'est une petite anomalie passagère qui se manifeste en ce moment-ci des élections américaines? J'aimerais entendre ce qu'en pense chacun des témoins.
M. Hornby : Je pense que vous avez raison. Nous n'avons jamais vraiment vu une telle combinaison des forces du protectionnisme et de la réaction antimondialisation contre l'évolution économique des 20 dernières années et même plus. Les temps sont durs pour les partisans et les chantres du libre-échange.
Dans son témoignage, je pense que M. Evans a montré certains des avantages du libre-échange, et il est sûr que General Electric en est un fervent partisan. Beaucoup d'adversaires des accords de libre-échange aux États-Unis ou en Europe disent qu'ils ne sont pas contre les exportations. Tous aiment les exportations, mais ils détestent les importations. Vous vous souvenez des vieux débats sur la réciprocité au Canada? Les accords de libre-échange sont des accords de réciprocité. Il faut importer pour exporter, parce qu'il existe un élément fondamental de réciprocité dans tout accord commercial. Il faut vraiment comprendre la complexité de la situation. De plus, je ne suis pas sûr qu'on puisse revenir à une période qui précédait la mondialisation, parce que les chaînes logistiques sont mondialement intégrées. Il serait très difficile de les défaire.
Je sais que M. Evans a des données à ce sujet à EDC. Voyez les entreprises canadiennes qui exportent aux États-Unis grâce à ce que nous fabriquons chez General Electric au Canada ou vice versa, les petites entreprises américaines qui dépendent du commerce avec le Canada. L'État de l'Ohio commerce plus avec le Canada qu'avec tout autre État ou pays.
Beaucoup d'emplois dépendent du commerce international et de la libre circulation des marchandises d'un pays à l'autre, dans les deux sens. Je pense que les partisans des échanges commerciaux doivent simplement se manifester et essayer d'expliquer la complexité de ces chaînes logistiques et les bienfaits qu'elles réservent à tous.
La sénatrice Marshall : Vous représentez une grande entreprise. Est-ce quelque chose que vous entendez seulement du côté des États-Unis, ou est-ce que la tendance s'étend également à d'autres pays?
M. Hornby : Depuis la crise financière qui a secoué la planète il y a quelques années, nous assistons à une montée des visées protectionnistes. Au sein de l'Union européenne, l'AECG s'est heurté au mouvement antimondialisation de même qu'au protectionnisme local. Nous observons l'équivalent de la politique d'achat aux États-Unis dans d'autres pays comme la Chine et la Russie, parallèlement à des exigences de localisation et de contenu local un peu partout dans le monde.
Le fonctionnement d'une entreprise multinationale devient ainsi extrêmement complexe. Il faut faire des choix très minutieux quant aux endroits où l'on va investir, et ces décisions favorisent généralement les pays qui ont une économie de marché ouverte.
La sénatrice Marshall : Monsieur Evans, vous connaissez la situation d'un grand nombre d'entreprises. Que pourriez-vous nous dire au sujet du protectionnisme?
M. Evans : Pour revenir à ce que vous disiez tout à l'heure, nous croyons que c'est davantage qu'une simple tendance passagère. Même si Trump est battu mardi prochain, cette volonté ne va pas s'évanouir. Comme vous le savez sans doute fort bien, elle est bien ancrée des deux côtés du Congrès.
Non seulement aux États-Unis mais aussi à l'échelle planétaire, comme l'indiquait M. Hornby, nous pouvons constater une frustration du fait que certains sont laissés pour compte. Dans un contexte d'évolution technologique où l'on conclut toutes ces ententes commerciales, ces gens-là n'ont pas l'impression de faire partie de la nouvelle économie. Nous devons commencer à chercher des moyens de rendre les accords commerciaux davantage inclusifs de manière à atténuer ces impacts ou ce sentiment de frustration. Il faut en fait qu'il y ait moins de perdants et plus de gagnants.
Nous savons que les économies du Canada et des États-Unis sont très fortement intégrées. Nous avons compilé certains chiffres. Il y a au Canada deux millions et demi d'emplois qui sont liés aux exportations vers les États-Unis, ce qui est énorme. De l'autre côté de la frontière, ce sont 1,7 million d'emplois qui dépendent des exportations à destination du Canada. Les produits intermédiaires, les composantes, les matières premières et les services nécessaires pour alimenter les chaînes d'approvisionnement comptent pour 64 p. 100 de nos échanges commerciaux.
Nous sommes le principal marché d'exportation pour les États-Unis. Le Canada est le client le plus important de 35 États américains.
Heureusement, peu importe le résultat du scrutin de mardi prochain, il existe aux États-Unis des mécanismes régulateurs entre l'exécutif et le législatif. Il serait donc très difficile pour un seul des pouvoirs au sein de ce gouvernement d'instaurer une politique radicale quelconque.
Essayez d'imaginer une situation où une entreprise comme Ford ou GM devrait annoncer qu'elle ferme une usine au Michigan parce qu'elle ne peut plus importer de pièces en provenance de l'Ontario. Personne ne souhaite une chose semblable. Heureusement, il y a des mécanismes permettant de faire obstacle aux mesures radicales.
M. Breznitz : En fait, je suis encore plus préoccupé. Si vous analysez bien ce qui s'est produit en Grande-Bretagne avec le Brexit et les facteurs qui l'ont motivé, vous comprendrez exactement les raisons pour lesquelles nous favorisons autant les échanges commerciaux et nous souhaitons voir davantage d'immigration. À la base, le tout émanait d'une impression croissante d'iniquité et d'abandon. C'est un sentiment que nous devons absolument être capables de reconnaître, sans quoi les accords commerciaux vont entraîner de plus en plus de réactions politiques négatives.
Lorsque nous concluons un accord commercial, de nombreux citoyens s'inquiètent de nous voir accepter de modifier certaines choses qui, à leurs yeux, définissent notre identité nationale. C'est exactement ce qui s'est passé en Grande-Bretagne.
Soit dit en passant, il est particulièrement préoccupant de constater que ce sont les régions qui bénéficiaient le plus des liens avec l'Union européenne au pays de Galles et en Angleterre — Londres mis à part, bien évidemment — qui ont voté dans une plus forte majorité en faveur de la rupture de ces liens.
Si nous ne saisissons pas bien les conséquences politiques de ces accords commerciaux et de la façon dont les citoyens les perçoivent, nous allons sans doute nous heurter à de sérieuses embûches. Il s'ensuivra inévitablement une croissance plus faible.
Il fut une époque où la mondialisation atteignait presque les niveaux que nous observons actuellement. C'était juste avant la Seconde Guerre mondiale, et lorsque les choses ont commencé à se gâter, la situation a dégénéré très rapidement pour sombrer dans la violence et l'horreur pendant plusieurs années.
C'est selon moi un enjeu crucial. Si nous ne parvenons pas à bien comprendre ce qui est acceptable tant du point de vue commercial que politique, il y a des gens qui vont estimer ne pas avoir eu droit à leur juste part.
La sénatrice Cordy : Je vais vous poser mes deux questions d'entrée de jeu.
Je tiens d'abord à vous remercier tous les trois. Nous avons eu droit ce matin à une séance très instructive et fort intéressante.
On nous indiquait hier qu'un certain nombre de PME ne sont pas nécessairement au fait des avantages que peut leur procurer un accord commercial et ne savent pas trop comment en tirer parti. Est-ce le genre d'aide qu'Exportation et développement Canada peut apporter? Lorsque vous menez des sondages auprès des exportateurs, vous adressez-vous également à ceux qui n'exportent pas et devraient peut-être le faire en vue de leur faire comprendre qu'il y a peut-être un accord commercial pouvant leur permettre d'y arriver? Vous nous avez indiqué à quel point il était important de bien connaître les marchés, d'établir des contacts locaux et de maîtriser les aspects financiers pour connaître du succès en exportant ses produits.
Monsieur Evans, vous avez indiqué dans vos observations que les entreprises qui ont des bureaux à l'étranger ont de meilleures chances de réussir. Vous nous avez dit aussi que plus une entreprise exporte, plus elle acquiert une vaste connaissance des marchés. C'est sans doute tout à fait conforme à la réalité, mais cela nous ramène presque à la situation d'un diplômé universitaire à la recherche d'un premier emploi qui est bloqué par son manque d'expérience. Comment une petite entreprise peut-elle avoir un bureau à l'étranger et comment peut-on acquérir les connaissances requises lorsqu'on débute à peine?
M. Evans : Pour répondre à votre première question, disons que nous effectuons de nombreux sondages. Dans notre ventilation des données, nous essayons d'établir la distinction entre les entreprises bien établies sur les marchés d'exportation et celles qui y font leurs premiers pas.
Il y a environ un an, nous avons commencé à nous intéresser aux entreprises qui n'exportent pas encore leurs produits, mais qui seraient sans doute prêtes à le faire dans un avenir rapproché, soit d'ici un an ou deux. Nous avons identifié quelque 20 000 entreprises semblables au Canada, et nous faisons le nécessaire, grâce à certains des programmes dont je vous ai parlé, pour les mettre au fait des débouchés qui s'offrent à elles et des avantages qu'elles pourraient en tirer.
Bon nombre d'entreprises qui s'aventurent sur les marchés étrangers pour la première fois, surtout parmi les plus petites, peuvent vivre beaucoup d'incertitude et d'angoisse en raison des risques qu'elles courent ainsi. Dans notre rôle d'agence publique, nous sommes là pour les aider à gérer ces risques au moyen de nos différents produits. Certains entrepreneurs vont nous dire qu'ils ne peuvent pas exporter sur tel ou tel marché parce que c'est trop risqué. Nous pouvons alors leur offrir un large éventail de produits d'assurance, notamment à l'égard des comptes clients et des risques politiques.
Nous investissons considérablement afin d'ajouter à notre offre de services des produits permettant de mieux connaître les marchés et d'établir les contacts nécessaires, et nous croyons que cette aide sera très précieuse pour les entreprises cherchant à se faire une place sur ces nouveaux marchés.
Désolé, mais pourriez-vous me rappeler votre seconde question?
La sénatrice Cordy : Vous avez dit que plus on exporte, plus on acquiert une bonne connaissance des marchés. On peut plus facilement profiter des débouchés commerciaux lorsqu'on peut compter sur un bureau à l'étranger, mais quel est le point de départ pour en arriver jusque-là?
M. Evans : Nous considérons ce que nous appelons le parcours de l'exportateur. Bon nombre d'entreprises vont choisir d'y aller progressivement. Plusieurs visent d'abord le marché des États-Unis. C'est un marché où elles se sentent très à l'aise, car il ressemble beaucoup à celui du Canada et que les échanges sont très faciles entre le nord et le sud de la frontière.
Lorsque vient le temps de quitter l'Amérique du Nord, les entreprises ont souvent besoin d'un peu plus d'accompagnement. Nous constatons qu'elles sont nombreuses à chercher ainsi d'autres débouchés après avoir acquis de l'expérience aux États-Unis.
Depuis quelques années, nous voyons apparaître des entreprises ayant une vocation internationale dès leur création. Ce sont généralement des entreprises très novatrices misant grandement sur la technologie. Dès qu'elles commencent à exporter leurs produits, elles sont présentes sur plusieurs marchés nationaux à la fois. Tout cela est rendu possible par l'évolution des technologies et des communications. Nous avons repéré au Canada plusieurs de ces entreprises que nous essayons d'encourager. J'espère avoir bien répondu à votre question.
La sénatrice Poirier : Merci à tous les trois de votre présence aujourd'hui. Je suis d'accord avec la sénatrice Cordy; nous avons eu droit ce matin à une séance fort intéressante où nous avons appris beaucoup de choses. Quelques-unes de mes questions ont déjà été posées, mais il m'en reste une pour M. Hornby.
À la troisième page de votre document, vous indiquez que l'AECG, la première référence absolue en matière d'accords commerciaux, est meilleur et plus exhaustif que le PTP. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Pourquoi selon vous l'AECG serait-il meilleur que le PTP?
M. Hornby : Il est toujours très difficile de comparer les accords commerciaux, mais l'AECG est une entente qui est vraiment exhaustive. Pour bien répondre aux besoins des entreprises de fabrication, on y traite de toutes les mesures intérieures dont j'ai parlé dans mon exposé. L'AECG prévoit également une élimination très rapide des tarifs douaniers, à quelques exceptions près, alors que le PTP procède à cette élimination de manière un peu plus graduelle et est moins exhaustif dans son traitement des barrières non tarifaires. Je ne suis pas en train de dire que ce n'est pas un bon accord. C'est un excellent accord. De fait, nous souhaitons vivement que le Canada adhère au PTP, mais reste quand même que l'AECG est dans une classe à part. C'est vraiment un accord commercial de prochaine génération.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie. Il est aussi question de la nationalisation d'Internet à la deuxième page de votre document. Je sais que vous avez déjà traité de ce point, mais pourriez-vous nous fournir de plus amples détails? À votre avis, quelles sont les raisons qui motivent la nationalisation d'Internet et quelles pourraient être les répercussions pour les entreprises?
M. Hornby : Nous craignons en fait de ne plus être capables d'utiliser l'infonuagique pour assurer le fonctionnement optimal de toutes ces machines que l'on retrouve un peu partout dans le monde si des pays en viennent à imposer des restrictions quant à l'exportation des données. Certains pays d'Asie et du Moyen-Orient envisagent l'application d'exigences nationales pour l'entreposage des données de telle sorte qu'il faudrait avoir recours à un réseau d'infonuagique dans chaque pays pour assurer le fonctionnement optimal de ces machines. Ce serait tout simplement trop coûteux.
Pourquoi certains pays choisissent-ils cette option? Je crois que c'est une combinaison de facteurs. Il y a d'abord des inquiétudes quant à la sécurité. Les pays qui préconisent le plus la nationalisation d'Internet sont généralement des États autoritaires qui veulent exercer un contrôle national sur l'accès à Internet, y compris pour leurs propres entreprises. On perd ainsi les avantages et les économies d'échelle que permet un système planétaire comme celui dont nous bénéficions actuellement dans la plupart des pays du monde.
C'est une situation que nous jugeons préoccupante pour l'avenir. Nous essayons de faire comprendre aux pays en question les problèmes auxquels ils s'exposent du fait qu'ils risquent de prendre du retard en ne pouvant pas compter sur un fonctionnement efficient de leurs équipements.
La sénatrice Poirier : Quelle pourrait être la solution à ce problème?
M. Hornby : Je pense qu'il faut qu'Internet demeure très peu réglementé de telle sorte qu'il y ait libre circulation des données entre les pays. Grâce aux mesures efficaces mises en place pour la protection de la vie privée, en Europe et au Canada notamment, nous pouvons nous permettre actuellement une libre circulation des données, à quelques rares exceptions près.
Le sénateur Housakos : Je vous dirais d'entrée de jeu que j'estime que les accords commerciaux reposent essentiellement sur l'assurance que les pays partenaires ont une économie forte et en santé. C'est justement ce qui explique les succès obtenus grâce à notre accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous avons entamé ce processus dans les années 1990 alors que les États-Unis connaissaient une période de très forte croissance économique, et nous en avons énormément bénéficié. Je suis un peu plus sceptique dans la conjoncture actuelle. Nous nous apprêtons à conclure un accord semblable avec l'Europe alors même qu'il y a tout lieu de s'interroger sur la performance et les bases de son économie.
Cela étant dit, j'aurais une question pour nos témoins concernant les subventions versées dans les secteurs manufacturier et agricole. Ne convenez-vous pas avec moi qu'il devient de plus en plus difficile pour les entreprises canadiennes de livrer concurrence à celles de grandes économies comme l'Europe et les États-Unis qui ont une forte propension à subventionner leur secteur manufacturier de même que les différentes industries qu'elles souhaitaient mettre en valeur?
M. Breznitz a parlé de l'importance de l'innovation. Nous sommes tous d'accord pour dire que le Canada doit en faire davantage à ce niveau, mais il faut aussi dire que nous souffrons d'un manque de liquidités pour investir dans l'innovation par rapport à celles dont disposent quelques-unes de ces grandes économies.
Monsieur Breznitz, vous avez souligné à juste titre la qualité de nos travaux de recherche qui nous permettent de concevoir des soins novateurs et efficaces. Il y a toutefois certaines lacunes à corriger lorsque vient le temps d'offrir ces soins. La prestation des soins de santé commence à gruger des portions de plus en plus larges de notre budget. C'est un problème qui ne cesse de prendre de l'ampleur.
Dans ce contexte, j'aimerais également savoir si vous avez des idées novatrices quant à la façon dont nous pourrions financer l'innovation. Avec le temps, ce problème de liquidités se fait de plus en plus sentir pour le Canada.
M. Breznitz : J'aimerais d'abord apporter une précision que j'estime importante. Les pays qui connaissent le plus de succès avec leurs politiques d'innovation sont ceux qui envisagent ces politiques dans une perspective d'exportation. Regardez par exemple ce qui se passe avec Israël et la Finlande. Je peux vous donner un exemple concret. En Israël, pour obtenir une subvention du bureau des sciences, il faut qu'un groupe d'experts conclue que votre produit est apte à l'exportation. On veut appuyer les innovations qui contribuent à accroître le PIB et à stimuler la croissance économique. Cela confirme également ce que disaient mes collègues témoins à l'effet que les entreprises les plus novatrices sont également celles qui réussissent le mieux au chapitre des exportations. Tout cela forme un tout. Certaines entreprises débutent en misant sur l'innovation dans le secteur des technologies de l'information avant de se tourner vers les marchés internationaux. Lorsqu'elles commencent à faire de l'exportation, il arrive qu'elles soient exposées à de nouvelles demandes. Elles constatent alors qu'elles pourraient faire beaucoup d'argent en modifiant leurs produits en fonction des besoins de tel ou tel marché, et tout cela va de pair.
Cependant — et je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet —, bon nombre des politiques dont nous avons fait l'essai par le passé — ce que nous appelions les politiques industrielles ou d'innovation — ne seraient peut-être même plus légales aujourd'hui compte tenu des règles en matière de subventions s'appliquant maintenant aux accords commerciaux.
Il y a par ailleurs une question que nous évitons et qui concerne plus particulièrement le Canada. Si l'on considère la quantité de fonds publics investis par le gouvernement du Canada pour financer les activités privées de R-D, nous n'avons rien à envier aux autres pays. Nous accusons toutefois un retard pour ce qui est de l'utilisation de ces fonds pour stimuler la R-D au sein du secteur privé.
De deux choses l'une, soit la quasi-totalité des chefs d'entreprise et des entrepreneurs au Canada sont stupides, naïfs ou ne comprennent rien à rien, soit la conjoncture ne leur permet pas de croire qu'ils pourraient ainsi maximiser leurs profits. J'aurais tendance à croire que c'est plutôt la deuxième possibilité qui est la bonne. La plupart de ceux qui lancent et gèrent des entreprises savent très bien ce qu'ils font et souhaitent réaliser des bénéfices.
Il faut donc demander à ces gens-là pour quelles raisons ils croient qu'il ne serait pas judicieux pour eux d'investir davantage dans l'innovation. Est-ce simplement parce qu'ils ne l'ont jamais fait? Nous pourrions notamment avoir recours à des mesures semblables à nos programmes d'exportation en y intégrant une formation visant à favoriser l'esprit d'innovation. Il est aussi fort possible que le système en place au Canada fasse en sorte que l'innovation soit tout simplement trop risquée et que l'on puisse s'en passer tout en accroissant ses profits. Si tel est le cas, il faut trouver une façon de changer les choses.
M. Hornby : Est-ce que l'Union européenne est le marché que le Canada devrait cibler? Compte tenu de la croissance prévue au cours de la prochaine décennie, je dirais certes qu'il faut plutôt surtout viser l'Asie, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'appuie le PTP. Les pays avancés de l'OCDE vivent une période de faible croissance à long terme, et on s'attend à un ralentissement encore plus marqué au Canada, en Europe, aux États-Unis et au Japon en raison de différents facteurs principalement liés à des considérations démographiques. Nos sociétés sont vieillissantes, et les achats diminuent avec l'âge.
Il reste tout de même d'énormes quantités de richesse au sein de l'Union européenne, et il existe de grandes complémentarités avec le Canada. Il y a selon moi d'excellentes possibilités pour les entreprises canadiennes qui souhaitent s'en prévaloir.
J'aimerais juste ajouter un mot au sujet des subventions. Nous assistons souvent à une véritable guerre entre les gouvernements qui essaient d'attirer les investissements des entreprises multinationales ou même locales à grands coups d'incitatifs. À ce titre, il y a des discussions qui ont lieu et des mesures qui sont prises à l'OCDE concernant, par exemple, les subventions pour l'aviation, même si cela ne se traduit dans certains cas que par des accords de courtoisie entre les parties, sans application légale. Dans un monde idéal, les conditions seraient les mêmes pour tous, mais comme ce n'est pas le cas, le Canada n'a d'autre choix que de livrer cette « guerre de compétences » aux autres pays, si je puis m'exprimer ainsi. Si nous devions cesser les subventions, les mesures incitatives ou les allégements fiscaux que nous offrons actuellement, cela équivaudrait à un désarmement unilatéral, car les autres pays vont continuer d'utiliser ces moyens.
Il convient plutôt de veiller à ce que nos mesures incitatives soient judicieuses. Comme nous l'indiquions, il est notamment difficile d'assurer la commercialisation des innovations. Les gouvernements disposent de différents mécanismes permettant d'utiliser les fonds publics pour favoriser la mise en marché des technologies et des innovations. Parmi ces mécanismes, il y a les projets pilotes, mais on en réalise très peu au Canada. Cela est attribuable à différents problèmes, dont notamment le régime d'approvisionnement de nos gouvernements qui retiennent généralement la soumission la plus basse.
Il est possible qu'aux États-Unis, en Israël et dans d'autres pays certains fonds soient réservés pour les nouvelles technologies. En pareil cas, il faut toutefois que la population et, pour dire vrai, les parlementaires soient disposés à accepter les risques encourus, car certains des produits ainsi acquis sont voués à l'échec.
Nous devons faire preuve de plus de jugement dans la façon dont nous utilisons les fonds publics pour soutenir la mise en marché de nouvelles technologies.
La sénatrice Cools : Je me souviens, il y a de nombreuses années, que le Sénat avait acheté des logiciels de traitement de texte pour tous les sénateurs. Le problème, c'est que ces logiciels étaient obsolètes et sont rapidement tombés en désuétude. Mais, peu de temps après, les ordinateurs personnels ont fait leur apparition sur le marché.
J'aimerais remercier les témoins pour leurs témoignages très pertinents et réfléchis. J'aurais deux questions à poser à qui voudra bien y répondre. Si je ne m'abuse, c'est M. Breznitz qui a dit que les accords commerciaux entre les grandes puissances évincent les pays moins puissants. J'aimerais vous entendre à ce sujet, si possible.
Vous avez dit également que les accords commerciaux empiètent sur d'autres dimensions commerciales, sur la vie des gens et sur les droits. Je n'ai pas bien saisi le dernier mot, mais j'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire par là.
J'aimerais en apprendre davantage sur l'évincement des pays plus petits et plus pauvres et les aspects sur lesquels empiètent les accords commerciaux.
M. Evans : Je souscris à ces commentaires. Les petits pays exclus des accords commerciaux entre les grandes puissances ne participent pas à l'établissement des règles. Cela dit, certaines institutions, comme le G20, se chargent de faire entendre la voix des marchés émergents. N'oublions pas que le commerce a permis de sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté dans le monde. Toutefois, cela n'aide en rien celui qui a perdu son emploi lorsque l'usine pour laquelle il travaillait a fermé ses portes.
Les décideurs et organismes gouvernementaux auraient intérêt à adopter des politiques permettant aux exclus de participer davantage aux accords commerciaux. Au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années, plus de recherches seront menées sur la façon d'y arriver.
M. Hornby : J'ajouterais simplement que, dans un monde idéal, les négociations entourant des accords multilatéraux n'auraient lieu qu'au sein de l'OMC avec tous les pays, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Nous avons tenté, sans succès, à Doha, de conclure un accord multilatéral global. C'est la raison pour laquelle, selon moi, les pays se tournent désormais vers les accords régionaux. En tant que pays commerçant, le Canada doit conclure des accords régionaux. Il ne peut se permettre de faire autrement, puisque son PIB repose en grande partie sur le commerce.
Des efforts sont toujours en cours à l'échelle multilatérale et des travaux ont eu lieu pour conclure un accord sur la facilitation des échanges à l'OMC. Le comité voudra peut-être étudier ces documents.
La présidente : En fait, le projet de loi nous sera renvoyé bientôt, je l'espère. Il est à l'étude au Sénat.
M. Hornby : Concernant l'empiétement sur d'autres aspects de la vie, j'imagine que vous faites référence, par exemple, aux dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États qui sont devenues très controversées, notamment au cours des dernières semaines avec l'AECG.
La sénatrice Cools : Effectivement.
M. Hornby : Ces caractéristiques figurent depuis longtemps dans les accords commerciaux. Les sociétés canadiennes ont recours à ce mécanisme lorsqu'elles se croient victimes de discrimination de la part d'autres juridictions ou lorsqu'elles ne réussissent pas à obtenir les permis environnementaux ou autres permis nécessaires pour mener leurs activités, non pas en raison de risques réels pour l'environnement, mais plutôt pour des raisons politiques, selon elles.
Ce mécanisme fonctionne dans les deux sens. Le Canada n'est pas toujours visé par ces plaintes. Parfois, des sociétés canadiennes utilisent ce mécanisme à l'étranger. Elles considèrent qu'il s'agit d'un outil utile pour protéger leurs investissements.
La présidente : Monsieur Breznitz, vous avez déjà abordé ces questions, mais peut-être auriez-vous quelque chose à ajouter?
M. Breznitz : Cela va au-delà des points soulevés par les autres témoins. Lorsque nous traitons de choses simples, et les données ont déjà été abordées, nous créons un malaise incroyable chez les citoyens qui se demandent quelles données les concernant se trouvent où. C'est de savoir où se trouvent vos données à un certain moment.
Vous parlez également de protection environnementale. Certains pays préfèrent adopter des règlements différents en matière de protection environnementale. Certains accords commerciaux expliquent clairement la marche à suivre dans ce domaine.
C'est la même chose en ce qui concerne, par exemple, le TPI. Certains ne sont pas à l'aise avec le PTP, car il obligera le Canada à modifier sa législation interne, considérée par des spécialistes comme étant supérieure à la législation américaine, pour qu'elle soit comparable à la législation américaine. On ne retrouve pas ce genre de demande dans les accords commerciaux traditionnels. Qu'elles soient justifiées ou non, c'est une tout autre question. Mais ce genre de demande crée un malaise politique.
Concernant les tribunaux d'arbitrage, je suis d'accord avec vous lorsqu'il s'agit d'un pays ayant un système judiciaire douteux, mais lorsqu'une société américaine poursuit le Canada ou l'inverse et qu'un tribunal d'arbitrage ne tient pas compte de notre législation interne et des avancées réalisées en matière de droit au cours des 200 dernières années sous prétexte que la législation canadienne n'est pas à la hauteur, je trouve cela un peu étrange.
La présidente : Cela me donne envie d'aller plus en profondeur sur le sujet, mais je crois que ce sera pour une prochaine discussion sur les accords commerciaux.
Comme vous pouvez le constater par les questions et l'intérêt des sénateurs, vos trois témoignages ont été très pertinents pour notre étude. Ils ont été provocateurs, instructifs et certainement utiles. Nous terminons notre étude sur le commerce avec trois excellents témoins. J'espère que vous êtes impatients de lire notre rapport et que celui-ci fera écho à vos propos. Merci d'être venus.
Monsieur Evans, à la lumière de l'orientation de la discussion d'aujourd'hui, je ne vous ai pas posé cette question, mais elle nous a été soulevée. Pourquoi EDC met-elle autant de temps à pénétrer dans un pays, alors que d'autres promoteurs y parviennent dès qu'un pays ouvre ses frontières? J'ai en tête notre visite récente en Argentine. Je vous laisse avec cette question; vous voudrez peut-être y répondre. Merci pour vos commentaires sur les questions plus globales touchant EDC. Merci à tous les témoins.
Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)