Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et
du commerce international
Fascicule no 49 - Témoignages du 20 septembre 2018
OTTAWA, le jeudi 20 septembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Le comité a été autorisé par le Sénat à étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.
Nous allons poursuivre notre étude aujourd’hui conformément à ce mandat mais, avant de le faire, je demanderais aux sénateurs de se présenter.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.
Le sénateur Greene : Stephen Greene, Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, Ontario.
La présidente : Et je m’appelle Raynell Andreychuk. Je suis présidente du comité et sénatrice de la Saskatchewan.
Le sénateur Massicotte : Pourrais-je prendre une minute pour faire une suggestion? Pour donner suite aux témoins du Venezuela que nous avons entendus hier, en dépassant notre objectif, je pense que nous devrions inviter le chargé d’affaires du Venezuela à exposer les points de vue de son gouvernement. Notre invitation sera probablement refusée mais, à mon avis, il est important de leur donner, dans les semaines à venir, la chance d’expliquer leurs points de vue, si nous le pouvons.
La présidente : Je pensais que cela faisait partie des décisions que le comité de direction prendrait. Habituellement, c’est la façon dont nous…
Le sénateur Massicotte : Si cela nous permet d’atteindre le même objectif, je n’y vois pas d’inconvénient.
La présidente : Oui. Merci.
C’est avec plaisir que nous accueillons aujourd’hui la Commission internationale du théâtre francophone, représentée par Guylaine Normandin, directrice du programme Appuyer la pratique artistique. C’est un nouveau titre qu’elle vient de recevoir et qui diffère légèrement de celui que le Conseil des arts du Canada nous a fourni à l’origine. Nous recevons également M. Sylvain Cornuau, secrétaire général de la Commission internationale du théâtre francophone, et Jayne Watson, chef de la direction de la Fondation du Centre national des Arts, au Centre national des Arts.
Je crois que certains de nos invités ont déjà témoigné devant des comités auparavant. Vous connaissez donc notre procédure. De toute façon, nous aimerions entendre d’abord vos exposés. Ensuite, les sénateurs aimeraient vous poser des questions. Je vais simplement vous faire passer dans l’ordre où vous apparaissez dans notre programme. Je vais donc céder la parole à Mme Normandin afin qu’elle fasse le premier exposé.
[Français]
La présidente : Bienvenue.
Guylaine Normandin, directrice, Appuyer la pratique artistique (Conseil des arts du Canada), Commission internationale du théâtre francophone : Merci beaucoup, madame la présidente. J’aimerais remercier le comité de me donner l’occasion d’être ici aujourd’hui pour parler de l’incidence des arts et de la culture sur la politique étrangère canadienne et la diplomatie publique, et plus particulièrement de la Commission internationale du théâtre francophone, ou CITF, un réseau unique qui réunit les principaux États membres de la Francophonie pour faire avancer le théâtre francophone dans le monde.
[Traduction]
Jusqu’à vendredi dernier, j’étais directrice de deux programmes du Conseil des arts du Canada, qui appuient les tournées, les échanges d’artistes et les organismes voués aux arts partout au Canada et dans le monde, connus tout simplement sous les noms de Rayonner au Canada et Rayonner à l’international. Dans ce rôle, j’étais responsable de la participation du Canada à la CITF.
[Français]
Avant d’aborder la CITF, j’aimerais prendre quelques instants pour expliquer le rôle que jouent les subventions du Conseil des arts du Canada dans l’écosystème international de promotion des arts. Le programme Rayonner à l’international est le principal mécanisme qu’utilise le Conseil des arts du Canada pour faire valoir les artistes canadiens et leurs œuvres sur la scène internationale. Il s’agit-là d’un des principaux engagements de notre plan stratégique.
[Traduction]
Le programme fournit des subventions aux artistes, aux professionnels des arts, aux groupes et aux organismes pour les aider à accroître leur visibilité internationale, à entreprendre une exploration artistique ou des échanges avec des collègues étrangers, ainsi qu’à soutenir leur accès à des marchés artistiques nouveaux et existants dans un contexte mondial.
Les décisions de financement sont fondées sur des évaluations par des pairs et les critères du programme liés à l’incidence, la pertinence et la faisabilité du projet. En d’autres mots, bien que les activités financées puissent contribuer grandement à promouvoir le Canada à l’étranger, ce financement est lié à des objectifs de développement artistique et de marchés, et non à des objectifs diplomatiques particuliers.
[Français]
En plus du programme Rayonner à l’international, le Conseil des arts du Canada participe à un éventail de partenariats internationaux et d’activités stratégiques, notamment la Commission internationale du théâtre francophone, ou CITF. La CITF est à la fois un réseau et un organisme subventionnaire. Elle est gérée conjointement par les principaux États membres de la Francophonie dans le but de faire connaître les pratiques et les écrits théâtraux contemporains en langue française, promouvoir les échanges, la collaboration et les réalisations conjointes chez les professionnels du théâtre dans tous les pays de la communauté francophone, et favoriser la circulation des prestations théâtrales produites dans ces pays.
[Traduction]
La CITF a été fondée en 1987 grâce à un accord officiel conclu entre la France, la Belgique, le Québec et le Canada. Sa principale activité est une réunion annuelle au cours de laquelle des demandes de financement de projets provenant de l’ensemble de la Francophonie sont évaluées à des fins de financement par les membres. Les membres peuvent également organiser des délégations spéciales en vue de leur participation à des événements internationaux qui font l’éloge de la culture francophone.
Le travail de la CITF peut également faire avancer des enjeux liés au développement à l’échelle mondiale au moyen du théâtre. Par exemple, la CITF a récemment adopté une position ferme à propos de l’équité entre les sexes et s’emploie à contribuer à cette équité dans le secteur du théâtre à l’échelle internationale.
[Français]
La composition de la CITF est déterminée par ses membres fondateurs, à savoir le Canada, le Québec, la France et la Belgique francophone. À l’heure actuelle, l’Organisation internationale de la Francophonie, le Luxembourg et le canton du Valais, en Suisse sont des membres associés. De nouveaux membres pourraient s’ajouter dans les années à venir, notamment en provenance du continent africain.
La participation du Canada est assujettie aux politiques de Patrimoine canadien, mais est coordonnée par le Conseil des arts du Canada, qui contribue au réseau et en administre les fonds. Le secrétaire général de la CITF, dont le mandat peut aller jusqu’à quatre ans, est actuellement assuré par le Conseil des arts du Canada depuis juillet 2015. Le secrétaire général, M. Cornuau, est avec moi.
Le Canada contribue financièrement à la CITF avec un budget de subvention de 90 000 $ annuellement. Des sommes supplémentaires sont accordées à des initiatives telles que des délégations, pépinières artistiques et autres missions exploratoires ou de réseautage.
[Traduction]
La CITF est dotée de deux coprésidents, qui sont actuellement Dominick Parenteau-Lebeuf, du Canada, et Benoît Bradel, de la France. Chaque pays participant fournit un représentant gouvernemental ainsi qu’un expert issu de la communauté artistique. En ce moment, l’experte du Canada en matière d’arts est Geneviève Pelletier, directrice artistique et générale du Théâtre Cercle Molière à Winnipeg, une compagnie théâtrale dédiée à la promotion du théâtre francophone au Manitoba. Ayant exercé ses activités de façon continue depuis 1925, c’est la troupe de théâtre la plus ancienne du Canada.
La CITF offre une aide financière dans le cadre de deux programmes, dont l’un appuie les coproductions et l’autre, les explorations artistiques qui peuvent aboutir ou non à une coproduction.
Grâce à sa structure multilatérale très particulière, la CITF a tiré parti de son effet de levier pour soutenir plus de 300 projets, dans lesquels de nombreux artistes canadiens jouent un rôle, afin de collaborer à des créations et des productions théâtrales à l’échelle internationale, d’enrichir leurs pratiques artistiques, de découvrir d’autres cultures francophones et d’élargir les auditoires tant au Canada qu’à l’étranger. En particulier, la CITF a permis à des artistes canadiens de se tailler une place au sein de marchés plus difficiles d’accès comme ceux de l’Afrique francophone.
[Français]
En 2018, la CITF a notamment soutenu les projets suivants : Par tes yeux, une collaboration entre une compagnie française, une compagnie camerounaise et un auteur canadien vivant à Montréal, Martin Bellemare; Je suis le contrepoids du monde, entre le Théâtre Le Clou, de Montréal, une compagnie française et un organisme belge; L’armoire, entre le Cercle Molière, de Winnipeg, une compagnie marocaine et une compagnie française; Faust augmenté, entre les Songes turbulents, de Montréal, le Théâtre du Trillium, d’Ottawa, et trois auteurs français; La traversée des continents, entre le Théâtre Motus, de Longueuil, une compagnie du Mali et une compagnie de Suisse; et, enfin, La petite fille et le corbeau, entre Tenon Mortaise, de Montréal, une compagnie française et un concepteur belge.
En 2018, 27 projets ont été évalués, 13 ont été soutenus et, parmi eux, 6 impliquaient des Canadiens. En septembre 2017, la CITF a organisé, en partenariat avec le Centre national des Arts, producteur des Zones théâtrales, une rencontre artistique internationale de créateurs, à Ottawa, pendant 12 jours. Cette pépinière, comme nous l’appelons à la CITF, était dirigée par Marcel Dubois, de Montréal, Khalid Tamer, de Marrakech, au Maroc, et Dominique Saint-Pierre, d’Ottawa. Les 18 participants venaient des communautés francophones du Canada, du Québec, de Belgique, de France, du Luxembourg, du Liban, du Sénégal, et de Mayotte.
Du point de vue de la diplomatie culturelle, l’engagement et le leadership du Canada au sein de la CITF renforcent la participation et la présence canadienne dans les pays de la Francophonie, créant par le fait même une riche tribune pour l’échange et l’établissement de liens au-delà des frontières. La CITF sera présente au prochain sommet de la Francophonie à Erevan, en Arménie, en octobre 2018.
[Traduction]
C’est avec plaisir que mon collègue, et secrétaire général de la CITF, Sylvain Cornuau, et moi répondrons à toutes les questions que vous pourriez avoir au sujet de la CITF et de sa contribution à la diplomatie culturelle. Merci beaucoup.
[Français]
Jayne Watson, chef de la direction, Fondation du Centre national des Arts, Centre national des Arts : Merci, madame la présidente. Je suis très heureuse d’être ici pour présenter au comité du Sénat les efforts du Centre national des Arts pour développer, promouvoir et faire rayonner les arts de la scène partout dans le monde.
[Traduction]
Permettez-moi de commencer par avancer une simple assertion. Les artistes canadiens sont sans doute le plus important produit d’exportation de notre pays, et ils symbolisent de plus en plus fréquemment le Canada pour le monde entier.
Je suis certaine que la plupart d’entre vous en ont fait l’expérience quand vous voyagiez à l’étranger et que vous demandiez aux gens ce qu’il connaissait à propos du Canada. Ils vous ont probablement dit qu’ils n’avaient jamais entendu parler de la plupart de nos politiciens — désolé — qu’ils ne pouvaient probablement pas nommer un très grand nombre de nos principaux hommes d’affaires ou même nos principaux joueurs de hockey, mais je soupçonne qu’ils vous ont dit que les personnes qui définissent réellement le Canada sont nos artistes. En fait, au cours d’une étude entreprise par le MIT il y a quelques années qui portait sur les personnes les plus célèbres de chaque pays du monde, on a constaté qu’il n’y avait qu’au Canada que les 10 personnes les plus célèbres étaient des artistes.
Pensez simplement à nos extraordinaires écrivains comme Alice Munro, dont les histoires intimes à propos de petites villes de l’Ontario ont mis en valeur son grand talent et ont fini par lui faire remporter le prix Nobel en 2014, ou les nombreux Canadiens qui font carrière dans les industries du cinéma et de la télévision, qui vont de Jean-Marc Vallée à Sandra Oh.
[Français]
Des vedettes de la musique pop comme Drake, Ruth B et Alessia Cara figurent souvent au sommet des palmarès. En musique classique, Yannick Nézet-Séguin détient un poste des plus prestigieux comme directeur musical du Metropolitan Opera de New York.
[Traduction]
Je sais qu’un représentant de son orchestre d’origine, l’Orchestre Métropolitain, a témoigné devant votre comité plus tôt ce printemps.
[Français]
Cet été, la production de Coriolanus de Robert Lepage, présentée au festival de Stratford, a été qualifiée d’exaltante par le New York Times.
[Traduction]
Si vous me permettez de faire une petite réclame, je vous dirai que Robert Lepage sera sur scène au Centre national des Arts le 3 octobre, pour seulement quatre représentations. Il interprétera le rôle du Marquis de Sade dans Quills, alors procurez-vous vos billets dès maintenant.
[Français]
De toute évidence, notre pays est riche en créativité. Bien souvent, ce sont nos artistes qui font connaître le Canada et mettent en valeur son esprit d’innovation et sa diversité. Ils aident à bâtir une image du pays qui va au-delà des beaux paysages et des ressources naturelles.
[Traduction]
Au Centre national des Arts, nous faisons activement la promotion des artistes canadiens du spectacle sur la scène internationale. Nous le faisons pour les aider à obtenir les auditoires et le succès qu’ils méritent.
Nous le faisons afin qu’ils puissent relater des histoires canadiennes aux publics étrangers. Comme l’ont dit Heather Reisman, PDG d’Indigo et Chapters, et l’ancien président, Barack Obama, « le monde a besoin d’autres pays comme le Canada ». Cependant, nous faisons également la promotion des artistes canadiens à l’étranger parce que nous croyons en la valeur de la diplomatie culturelle.
[Français]
Le CNA possède un des meilleurs orchestres du monde à quelques pas d’ici. Nos tournées régulières au Canada et ailleurs dans le monde ont pour but de faire rayonner la musique et les talents canadiens à l’extérieur de nos frontières.
[Traduction]
En 2013, la tournée de concerts et d’activités éducatives de l’orchestre du Centre national des Arts a contribué à façonner l’image du Canada en tant que puissance culturelle et nous a donné des occasions de faire preuve de diplomatie à l’échelle internationale. Lorsque David Johnston, le gouverneur général de l’époque, a assisté à l’un de nos concerts à Shanghai, il a déclaré : « Nous sommes tellement fiers de voir nos étoiles canadiennes donner un concert ici, en Chine. Quelle merveilleuse façon de tisser des liens entre les gens ».
Au cours de cette tournée en Chine, le compositeur albertain, John Estacio, nous a accompagnés. Nous avons interprété son œuvre Brio dans des villes des quatre coins de la Chine. Une image que je n’oublierai jamais, c’est le fait de voir littéralement des centaines de spectateurs chinois qui, après avoir été exposés pour la première fois à la musique de John, se sont précipités vers lui pour le rencontrer, prendre un égoportrait et obtenir son autographe, lors du concert.
[Français]
John a aussi donné des cours de composition et a travaillé avec des étudiants et des compositeurs chinois. J’ai moi-même eu la chance pendant cette tournée de donner quelques séminaires sur la collecte de fonds et la philanthropie à des étudiants chinois en administration des arts.
[Traduction]
En présentant le commanditaire Aimia, Rupert Duchesne, le président de la tournée, a mentionné que la tournée en Chine de l’orchestre du CNA visait à présenter quelque chose d’essentiellement canadien, à savoir l’orchestre national du Canada, à un marché comme la Chine. Il a déclaré : « Tous les pays ont des marques de commerce et, par le passé, celle du Canada était sa nature… le cliché des grands espaces. Il est extrêmement important de modifier cette perception afin que le Canada soit considéré comme un merveilleux centre culturel. »
En 2014, l’orchestre du Centre national des Arts a voyagé au Royaume-Uni dans le cadre d’une tournée qui marquait le centenaire du début de la Première Guerre mondiale. Avec son message de commémoration et de paix, la tournée a touché des milliers de spectateurs et de jeunes au moyen de merveilleux concerts et d’activités éducatives concrètes portant sur le rôle du Canada dans la Grande Guerre. Toutefois, cette tournée a également souligné les liens profonds qui unissent le Canada et le Royaume-Uni.
[Français]
En plus de faire des tournées, le CNA met les artistes canadiens en contact avec le monde en produisant du contenu numérique comme des émissions en direct, des balados et des vidéos qui attirent un auditoire international. En tant que leader des technologies d’enseignement à distance, le CNA offre régulièrement la chance aux jeunes artistes canadiens d’interagir avec des enseignants et des auditoires partout dans le monde.
[Traduction]
Le CNA commande également de nouvelles œuvres auprès de compositeurs canadiens, œuvres qu’il enregistre afin qu’elles puissent rejoindre un auditoire international. En 2017, dans le cadre des initiatives du 150e anniversaire du Canada, le CNA a commandé « RENCONTR3S », c’est-à-dire trois nouveaux ballets créés par trois chorégraphes canadiens et trois nouvelles pièces de musique créées par des compositeurs canadiens et dansées par trois troupes de ballet canadiennes. Étant donné que l’orchestre du CNA a enregistré la musique, ces troupes de ballet ont maintenant accès à ces œuvres et seront en mesure d’entreprendre des tournées internationales.
Enfin, le CNA partage ses ressources financières avec des créateurs canadiens qui souhaitent que leurs œuvres soient interprétées sur la scène internationale. Nous sommes dotés d’un nouveau Fonds national de création qui investira jusqu’à 3 millions de dollars par année dans de nouvelles œuvres créées par des artistes canadiens et des organismes voués aux arts des quatre coins du pays. Ce fonds découle d’une campagne nationale de financement que nous avons organisée et qui nous a permis de recueillir plus de 25 millions de dollars auprès de donateurs de toutes les régions du Canada en vue de permettre au Centre national des Arts de contribuer grandement à l’investissement dans la création.
[Français]
Ces fonds, qui proviennent entièrement de dons privés, aideront les artistes à créer des œuvres pleinement abouties qui enchanteront des auditoires d’ici et d’ailleurs. Nous sommes convaincus que les arts de la scène canadiens méritent le même genre de succès que d’autres formes d’art comme la littérature, le cinéma, la télévision et la musique populaire.
[Traduction]
Permettez-moi de conclure en mentionnant que, en 2019, le Centre national des Arts célébrera son 50e anniversaire à titre de foyer pour les arts de la scène. En mai prochain, l’orchestre du CNA fera une tournée européenne composée de neuf concerts et de dizaines d’activités éducatives qui se dérouleront en Angleterre, en France, aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède. Cette tournée est financée entièrement par des dons privés.
L’une des pièces qui seront interprétées s’appelle « Réflexions sur la vie », une œuvre multimédia importante qui raconte l’histoire de quatre femmes canadiennes uniques en leur genre : Alice Munro, Amanda Todd, Roberta Bondar et Rita Joe. Je ne peux imaginer une meilleure façon de représenter le Canada dans le monde qu’en relatant l’histoire de ces quatre femmes canadiennes extraordinaires et des contributions remarquables que chacune d’elles a apportées à son pays. Les œuvres orchestrales portant sur ces femmes ont été créées par les merveilleux compositeurs canadiens suivants : Nicole Lizée, Jocelyn Morlock, Zosha di Castri et John Estacio. En fait, grâce à son œuvre intitulée « My Name is Amanda Todd », Jocelyn a remporté cette année le Juno pour la composition classique de l’année.
[Français]
Les artistes canadiens sont les meilleurs ambassadeurs de notre pays. Ils méritent d’être vus et entendus partout dans le monde grâce au rôle qu’ils jouent en matière de diplomatie culturelle. Le CNA est fier d’aider à rendre le tout possible. Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : Vos exposés ont engendré une liste de sénateurs qui souhaitent vous poser des questions. Nous commencerons par donner la parole à la sénatrice Saint-Germain.
La sénatrice Saint-Germain : J’ai deux questions à vous poser.
[Français]
Ma première question s’adresse à Mme Normandin et à M. Cornuau.
Dans un premier temps, je vais déclarer un conflit d’intérêts. Je le fais en mon nom et au nom du sénateur Cormier. En 1987, je représentais le gouvernement du Québec dans la négociation concernant l’entente multilatérale qui a créé le CITF. Le sénateur Cormier était le représentant du milieu artistique. Je suis heureuse et en même temps étonnée de la longue vie du CITF, et je vous en félicite parce qu’à l’époque, on ne pensait pas que cela irait aussi loin.
L’objectif du CITF rejoint une préoccupation de ce comité, c’est-à-dire de faire cohabiter une forme de dualité. Les gouvernements ont le rôle de favoriser, dans la diplomatie canadienne, la promotion des arts et de la culture. En même temps, nous souhaitons que ce ne soit pas un rôle de subvention presque constant sans que les artistes eux-mêmes puissent profiter du levier de la subvention pour percer les marchés commerciaux.
Alors j’aimerais savoir, un peu plus de 30 ans après la création du CITF, jusqu’où vous pouvez nous donner des exemples qui démontrent que ce soutien financier a aussi permis de déborder de simples échanges et a permis des percées dans le réseau commercial du théâtre international.
Mme Normandin : C’est une excellente question. Ce n’est pas facile de recueillir ces données d’une façon systématique, parce que souvent, les échanges qui se font durant les projets CITF vont avoir des impacts immédiats, mais aussi à beaucoup plus long terme. Donc, le fait de suivre chacun des projets ou chacun des artistes sur une période de 10, 20, 30 ans est assez complexe. Il y a aussi le fait que la notion de marché commercial dans le secteur des arts de la scène est un peu particulière, de sorte que les tournées qui découlent de ces projets vont permettre à ces organismes d’obtenir des cachets et de faire des tournées par la suite. Parfois, on soutient toutes les étapes ainsi que les tournées subséquentes, mais ce sont des subventions de projet, ce qui fait que, pour être capable de répondre à votre question, il faudrait faire des études de cas. Je vous dirais que c’est peut-être un point où l’aspect purement économique n’est pas celui que l’on recueille en premier.
Sylvain Cornuau, secrétaire général, Commission internationale du théâtre francophone : Au niveau des échanges, si on enlève l’aspect financier, il y a des artistes qui arrivent à être en contact avec plus de gens ou alors qui arrivent à rejoindre des publics différents.
C’est peut-être difficile à évaluer, mais je vais prendre un exemple tout simple : le Cercle Molière, à Winnipeg. Il y a quelques années, la directrice artistique a fait une pépinière de la CITF au Maroc, à Marrakech. Elle avait en tête que les nombreux nouveaux arrivants à Winnipeg pourraient être un public à développer. Elle a rencontré une artiste sénégalaise au Maroc qu’elle a accueillie avec son spectacle deux ans plus tard, à Winnipeg. Donc, elle a inscrit, pendant deux semaines, ce spectacle dans sa programmation. Cela a été un gros succès qui lui a permis de rejoindre un public qui n’était peut-être pas le public traditionnel du Cercle Molière. Comment cela se chiffre-t-il? Il est difficile de répondre. Voilà un exemple très précis du développement d’un nouveau public grâce à sa participation à la CITF.
Elle a aussi rencontré au Maroc un artiste marocain qui vit en France et ils ont décidé de coproduire un spectacle qui s’appelle L’armoire, dont la première est prévue dans deux semaines, à Winnipeg. Évidemment, en tant que coproductrice, le Cercle Molière a mis de l’argent, le Canada a mis de l’argent via la CITF, via aussi des programmes du Conseil des arts du Canada, mais le Maroc et la France aussi. Les artistes sont venus en résidence à Winnipeg, ce qui a permis de produire des retombées économiques. Comment, sur 300 projets en 30 ans, arriverait-on à réellement chiffrer l’impact commercial? Cela est un enjeu.
La sénatrice Saint-Germain : Madame Watson, merci pour votre présentation.
J’ai noté que, en 2016-2017, la Fondation du Centre national des Arts a amassé 12,4 millions de dollars auprès de 6 600 mécènes, une somme considérable. Je note aussi que 7,7 millions ont été redistribués pour soutenir, enrichir et élargir la programmation artistique et éducative. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les critères qui vous ont amenés à distribuer ces millions de dollars?
Mme Watson : Merci de la question.
[Traduction]
Lorsque nous organisons une campagne de financement, la première chose dont nous parlons, bien entendu, ce sont les priorités stratégiques du Centre national des Arts. Si nous savons que l’orchestre souhaite faire une tournée en Chine, par exemple, je visiterai les donneurs et leur dirai : « Nous envisageons de faire une tournée en Chine. Aimeriez-vous nous aider à cet égard? » Les priorités stratégiques du Centre national des Arts, qui comprennent les concerts, la création et l’apprentissage, déterminent ce que, dans le domaine des campagnes de financement, nous appelons l’argument à présenter à un donateur pour obtenir son appui.
La différence que vous avez mentionnée, sénatrice, en ce qui concerne les sommes que nous avons recueillies et les sommes que nous avons accordées au CNA, est parfois liée au fait que les dons faits pendant une année donnée ne visent peut-être pas un projet à venir. Par exemple, nous ferons une tournée en Europe l’année prochaine, et seulement quatre donateurs financent la totalité de la tournée. Certains donateurs ont versé leurs dons d’un seul coup, mais le CNA n’a pas besoin de cet argent cette année parce que la tournée n’aura pas lieu avant l’année prochaine. Alors, nous retenons, en effet, ces fonds. Cela contribue en partie à la différence qui existe entre les montants.
Pour recueillir des fonds pour un hôpital ou un établissement d’enseignement postsecondaire, vous utilisez les priorités stratégiques et actuelles de l’organisation pour tenter de susciter l’enthousiasme d’un donateur à l’égard de la façon de faire aboutir le projet. Parfois, un donateur vous dit : « J’aime le travail de ce dramaturge et, si jamais vous avez l’intention de produire une pièce de théâtre qu’il a écrite, pourrais-je contribuer à ce projet? » Nous nous réjouissons de l’enthousiasme de nos donateurs à cet égard, mais notre première obligation est de nous concentrer sur les priorités de l’organisme, soit le Centre national des Arts dans le cas présent. Voilà l’élément moteur des conversations concernant les activités de financement.
[Français]
Le sénateur Dawson : Robert Lepage fera jouer prochainement sa pièce Marquis de Sade. Cela m’amène à la malheureuse controverse de l’été dernier concernant ses pièces SLĀV et Kanata, où il a reçu très peu d’appui lorsqu’il a été accusé d’appropriation culturelle. Je pense bien que, s’il fait jouer Marquis de Sade, les masochistes diront peut-être qu’ils devraient être invités à la pièce et qu’ils manifesteront devant votre salle. Cela vous ferait un peu de promotion.
J’ai trouvé malheureux que l’industrie ne lui ait pas manifesté son soutien, pas plus que les politiciens canadiens, qui font la promotion de M. Lepage régulièrement — et j’en suis un —, et que personne n’ait dit : « Écoutez, c’est ridicule. » Notre objectif, comme comité, c’est justement de faire la promotion des Canadiens à l’étranger, et il est inévitable qu’on fasse de l’appropriation, de temps en temps, de thématiques — le marquis de Sade en est un bon exemple — qui ne sont pas d’origine très canadienne, mais dont on se sert comme outil pour faire la promotion de Canadiens et de Canadiennes.
Ma question est celle-ci : que faisons-nous, comme politiciens, comme comité, pour nous assurer que le gouvernement canadien va venir en aide aux artistes dans ce type de circonstances? C’était l’été, c’est passé, il y aurait peut-être eu des questions au Sénat s’il avait siégé à ce moment-là, mais je trouve malheureux qu’on ne lui soit pas venu en aide. Que pouvez-vous nous recommander pour qu’on puisse s’assurer, lors de ce genre de controverses, qu’on trouve une façon de soutenir nos grands comédiens et nos grands artistes canadiens?
[Traduction]
Mme Watson : C’est de bonne guerre. Cette discussion est de nature diplomatique, car il s’agit d’une question très épineuse. Je peux vous en parler parce qu’elle est du domaine public.
[Français]
En fait, la directrice artistique du théâtre français au Centre national des Arts, Brigitte Haentjens, avait écrit une lettre ouverte en soutien à M. Lepage.
[Traduction]
Elle s’exprimait en sa qualité d’artiste, et non en tant que représentante du Centre national des Arts.
[Français]
Elle a la même opinion que vous, si je comprends bien, sénateur Dawson, quant au fait que M. Lepage a le droit de faire ses propres créations.
[Traduction]
Ce n’est pas un point de vue partagé par tous les membres de la communauté artistique canadienne. Nous avons entendu bon nombre d’opinions différentes à ce sujet.
Je ne sais pas ce que les politiciens peuvent faire à cet égard. Je crois qu’il est sain de soulever ces questions, de discuter des arts et de débattre de ces questions. Parfois, une situation négative fait réagir les gens d’une façon plus généralisée. Je croyais que l’un des événements les plus intéressants de l’année en cours était la controverse suscitée par la vente potentielle de la peinture de Chagall. Quand obtenons-nous que des reportages importants soient publiés dans le journal The Globe and Mail ou Le Devoir et que, si Natalie Blondil, Marc Mayer et…
[Français]
... tout le monde qui parle au sujet de ce dossier?
[Traduction]
Parfois, une situation négative déclenche un dialogue et une discussion. Je ne crois pas qu’il soit mauvais que nous ayons une discussion générale dans les médias à propos de l’appropriation culturelle et du fait d’avoir voix au chapitre. Je m’exprime maintenant à titre personnel.
Pendant des milliers d’années, les artistes autochtones n’étaient pas assis à la table des négociations, comme il convenait. Nous, les employés du Centre national des Arts, avons créé un nouveau service.
[Français]
Il s’agit d’un théâtre autochtone, qui commencera en septembre 2019.
[Traduction]
Comble de l’ironie, en 1969, le CNA a lancé sa première pièce de théâtre. Elle était intitulée Ecstasy of Rita Joe et écrite par un merveilleux dramaturge de l’Ouest canadien, George Ryga. Je pense qu’un seul acteur autochtone jouait dans la pièce de théâtre. Bien entendu, cela n’arriverait jamais aujourd’hui. Je crois qu’on doit donc rééquilibrer les choses.
Je vais m’arrêter ici, car je ne veux pas me mettre davantage dans le pétrin.
Le sénateur Dawson : Ce n’était pas mon objectif.
Le sénateur Oh : Je remercie les témoins, dont les deux organisations ont accompli un excellent travail sur le plan de la diplomatie culturelle. Comme vous l’avez souligné, les artistes constituent les meilleurs ambassadeurs d’un pays. Je passe en marchant devant le CNA chaque soir. Il est magnifique. Il se transforme en un théâtre et un centre superbe.
Pouvez-vous nous dire combien de spectacles étrangers que vous présentez au CNA chaque année et combien de spectacles canadiens vous exportez en Chine, en Europe et dans d’autres régions du monde?
Félicitation pour vos voyages en Chine l’an dernier.
Mme Watson : Merci, sénateur.
Je devrais commencer ma réponse en disant que les responsables du CNA sont très reconnaissants à l’égard de deux gouvernements successifs, soit celui de l’ancien premier ministre Stephen Harper et le présent gouvernement de Justin Trudeau, du soutien formidable qu’ils ont apporté au rajeunissement architectural du CNA. Nous avons un nouvel édifice magnifique et avons modernisé notre équipement datant de 50 ans pour le rendre digne du XXIe siècle grâce au soutien de deux gouvernements; nous leur en sommes donc très reconnaissants. Je vous encourage tous à venir visiter notre nouvel édifice, qui est superbe, accueillant et transparent.
Sénateurs, les compagnies étrangères que nous accueillons tendent à donner des spectacles de danse et de musique en raison du problème de langue. Nous ne recevons pas beaucoup de compagnies de théâtre chinoises, mais nous accueillons des orchestres de Beijing. Le Centre national des Arts s’apprête à renouveler un protocole d’entente avec le Centre national des arts de la scène, son équivalent à Beijing, afin que l’orchestre du CNA joue en Chine et que celui du Centre national des arts de la scène se produise ici. Nous sommes allés en Chine en 2013 et les Chinois sont venus ici en 2014. Nous ferons de nouveau un tel échange.
Nous invitons des compagnies comme le ballet de Shanghaï, ainsi qu’un grand nombre de compagnies étrangères comme Grupo Corpo du Brésil, Akram Khan du Royaume-Uni et l’American Ballet Theatre. De nombreuses compagnies de danse viennent chaque année au Centre national des Arts.
À cela s’ajoute une tradition de coproduction et de tournées.
[Français]
C’est le cas particulièrement avec le théâtre français, que ce soit avec des compagnies qui se trouvent à Paris, en Belgique ou dans d’autres pays de la Francophonie. Il y a beaucoup de projets qui partent en tournée, avec l’aide du CITF également.
[Traduction]
Cela varie d’une année à l’autre. Une année, nous pouvons accueillir une demi-douzaine de compagnies étrangères, alors que nous en recevons deux douzaines l’année suivante et une douzaine l’autre année. Tout dépend de la programmation. Certaines compagnies sont réservées des années d’avance. Si on veut faire venir le ballet du Kirov de Russie, sachez qu’il est réservé des années d’avance.
Nous offrons une programmation très variée. Je vous donnerai tous mes cartes professionnelles. Nous voulons que vous veniez voir les artistes canadiens et étrangers sur nos scènes.
[Français]
Le sénateur Cormier : Puisqu’il est de mise de déclarer nos possibles conflits d’intérêts, je voudrais rappeler que le CNA était mon employeur avant mon arrivée au Sénat. J’ai présidé également la Commission internationale du théâtre francophone; je voulais le préciser de nouveau, et donc, évidemment, je connais bien le travail de l’un et l’autre organisme.
J’aurais deux questions, principalement sur la question de la réciprocité. Comment, par exemple en diplomatie culturelle, développe-t-on l’importance de la réciprocité? Quel rôle joue la réciprocité, à votre avis, dans le succès que peut avoir le Canada dans le domaine de sa diplomatie culturelle?
Pouvez-vous nous donner des exemples, qui peuvent être des exemples parfois plus flamboyants pour le CNA, mais qui peuvent être, du côté de la CITF, de petits exemples de petits projets qui sont toutefois structurants, car ils présentent une réciprocité? Pouvez-vous nous parler davantage de cela, pour qu’on puisse bien comprendre le rôle de la réciprocité dans la diplomatie culturelle?
Et ma deuxième question est la suivante : à l’intérieur du Canada, qui gère la question de la diplomatie culturelle, ce fameux cadre de collaboration qui existe, je crois, entre le Conseil des arts du Canada, Patrimoine canadien et Affaires mondiales Canada, si je ne m’abuse? Comment fonctionne ce cadre? Qu’est-ce qui devrait être amélioré pour que la diplomatie culturelle soit prise en charge d’une façon conséquente dans notre pays?
Mme Watson : La deuxième question sera probablement mieux traitée par Guylaine et Sylvain. En ce qui concerne la question de la réciprocité, comme je l’ai mentionné pour les orchestres, nous avons l’occasion d’engager des échanges avec eux. Par exemple, lorsque nous sommes allés en Chine, nous avions établi des liens avec des orchestres et des universités, également sur des questions d’éducation. Nous entretenons ces liens du côté éducatif. Pour les visites de l’orchestre, comme je l’ai mentionné, l’orchestre homologue à celui du CNA à Beijing est venu chez nous et nous allons renouveler l’expérience en 2020. Donc, concernant la question de la réciprocité, dans le monde de la musique classique, cela se passe ainsi.
Je ne sais pas si cela répond à votre question. Ce sont des relations personnelles qu’on établit quand on se rend dans ces pays, c’est une occasion de parler de projets créatifs. Cela commence avec les relations personnelles, je crois.
Le sénateur Cormier : J’aimerais poser une question complémentaire avant que vous répondiez.
Je cherche à savoir s’il est plus important, dans la stratégie du CNA sur le plan international, de projeter le Canada vers l’extérieur au moyen de tournées vers l’extérieur. Est-ce que la question de faire venir des organisations artistiques de l’extérieur est aussi importante? Est-ce que cela fait partie de votre stratégie?
Mme Watson : Je pense que si on avait à qualifier une stratégie plus importante qu’une autre, il est plus important pour nous de projeter les artistes canadiens sur le plan national. Il est également important d’inviter d’autres artistes au Canada, mais notre but premier, en ce qui a trait au rayonnement des artistes, est de projeter les artistes canadiens sur le plan national.
M. Cornuau : Merci, c’est une très bonne question. D’habitude, quand on est accueilli chez quelqu’un et que cela se passe bien, on aime l’accueillir chez nous ensuite.
Le Conseil des arts du Canada compte des programmes qui vont dans les deux sens pour soutenir les artistes et les infrastructures comme les festivals, les compagnies, les lieux au Canada pour, bien entendu, se projeter vers l’international, mais aussi pour accueillir l’autre; nous avons notamment pour cela la composante Tournées d’artistes étrangers du programme Rayonner au Canada. Je pense que c’est fondamental à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, je pense qu’il est important que les citoyens canadiens aient une ouverture sur le monde, sur des esthétiques différentes et sur ce qui se passe, que ce soit en Asie, en Europe ou en Amérique du Sud. On compte beaucoup de mécanismes au Conseil des arts du Canada pour arriver à augmenter ces échanges, tels des partenariats avec le Sud, avec l’Asie ou avec la France.
Pour la CITF, le but est de réellement permettre à des artistes du monde entier de se rencontrer et ensuite de s’inviter de façon réciproque. Il en résulte de très belles histoires d’artistes étrangers qui sont venus au Canada. Je pense, par exemple, à un chorégraphe tchadien venu à Caraquet pour travailler avec la compagnie Satellite Théâtre qui, à son tour, est allée là-bas dans les camps de réfugiés au Tchad. Il résultera de cette collaboration un spectacle qui n’est pas encore créé, mais qui devrait pouvoir être présenté dans les deux pays. On a eu aussi un projet avec une compagnie de théâtre de Longueuil, Théâtre Motus. Ce qui a été intéressant dans leur cas, c’est qu’ils ont fait deux projets avec le Mali qui ont débouché sur la présence d’artistes maliens à Montréal et en tournée au Québec et sur la présence de cette compagnie, Théâtre Motus, au Mali et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, comme le Burkina Faso et le Sénégal.
Dans le cadre de cette réciprocité, on veut mettre de l’avant les échanges artistiques. Si les artistes veulent se retrouver sur un pied d’égalité dans la création et vraiment aller loin dans leur processus créatif, ils ont besoin de voir qui est l’autre, dans quel contexte l’autre crée et que l’autre vienne chez nous pour voir dans quel contexte on crée et ce que, ensemble, on veut dire, ainsi que savoir quelle œuvre sort d’une sorte de métissage et de cette rencontre. Je ne sais pas si cela répond un petit peu à votre question.
Le sénateur Cormier : Et pour la deuxième question?
Mme Normandin : Oui. J’aimerais renchérir sur ce que Sylvain a déjà mentionné en disant d’abord que, pour nous, la réciprocité est clé dans la diplomatie culturelle, parce que la relation doit être à deux sens. Se projeter uniquement à l’extérieur n’est pas suffisant. Il ne faut pas négliger l’effet transformateur de la rencontre, pas seulement pour le reste du monde, mais aussi pour les citoyens et pour les artistes canadiens.
Je suis vraiment contente que la question de la coordination fédérale autour de la diplomatie culturelle soit posée puisque, pendant plusieurs années, l’investissement du gouvernement canadien dans les arts et la culture à l’étranger a été sensiblement ralenti. Depuis quelques années, soit depuis l’arrivée de ce nouveau gouvernement, nous avons entendu notre premier ministre dire : « Canada is back » sur la scène internationale. Cette coordination fait appel à plusieurs intervenants; le Conseil des arts du Canada n’est pas le seul intervenant dans ce dossier. Les ministères des Affaires mondiales et du Patrimoine canadien jouent aussi un rôle très important. C’est un retour dans ce dossier, notamment pour Affaires mondiales Canada et Patrimoine canadien, car le Conseil des arts du Canada, lui, était resté plus ou moins présent. Avec maintenant trois joueurs dans un dossier commun, il était vraiment essentiel de créer un cadre de collaboration, d’une part pour atteindre une cohérence fédérale dans ce dossier et pour être en mesure de coordonner nos interventions afin de pouvoir les maximiser, d’autre part.
Il y a des responsabilités premières pour chacune des trois entités. Au Conseil des arts, il est certain que notre préoccupation principale a trait aux artistes et aux organismes artistiques, soit le développement de l’art, les échanges, et cetera.
Pour Patrimoine canadien, les aspects de l’exportation et de l’industrie culturelle sont plus prioritaires; pour Affaires mondiales Canada, c’est évidemment la diplomatie culturelle qui est prioritaire. Cependant, dans la vraie vie, il y a peu ou pas d’initiatives qui sont uniquement diplomatiques, commerciales ou artistiques. Il y a toujours un peu des trois, ce qui fait en sorte que, sur beaucoup de projets, nous allons collaborer, comme pour la Foire du livre de Francfort en 2020, dont le Canada sera l’invité d’honneur. C’est un projet vraiment très important et substantiel, qui nécessitera des efforts coordonnés et concertés.
Ce cadre permettra, à mon avis, de relancer plus rapidement cette action à l’échelle internationale qui, ces dernières années, était peut-être moins présente. Je ne sais pas si vous voulez plus de détails, ou peut-être que Sylvain voudrait ajouter quelque chose.
M. Cornuau : En fait, toute une dimension de cela est aussi simple qu’un échange d’information. On a donc mis en place des canaux pour que, régulièrement, sur une base presque journalière, on puisse communiquer avec Affaires mondiales Canada ou Patrimoine canadien pour échanger de l’information à tous les niveaux. Puis, prochainement, à la mi-novembre, on va profiter de la venue d’une vingtaine d’attachés culturels à Montréal, donc des ambassades du Canada à l’étranger, pour les rencontrer et discuter avec eux, ainsi que répondre à leurs questions sur le travail du Conseil des arts du Canada et sur les projets artistiques dans le monde.
Il faut savoir que, au Conseil des arts, une des chances qu’on a, c’est que les artistes déposent leurs projets bien à l’avance. Souvent, on sait un an d’avance où les artistes vont aller. Il s’agit là d’une information extrêmement précieuse pour Affaires mondiales Canada et même Patrimoine canadien, qui peuvent parfois se joindre à des projets ou alors convoquer leur personnel à l’étranger afin d’apporter un soutien complémentaire. Rien que ce canal d’information est important, en plus des partenariats stratégiques qu’on peut mettre en place ensemble et avec des fonds; parfois, on est obligé d’être plusieurs pour pouvoir mener à bien des projets qui sont coûteux.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Merci à tous du travail que vous accomplissez dans le domaine des arts et de la culture au Canada. John Ralston Saul, qui était ici hier, nous a parlé de l’image culturelle du Canada, une image que vous contribuez certainement tous à créer.
Pour donner suite à la question du sénateur Cormier, je dirais que nous étudions l’impact et l’utilisation de la culture et des arts canadiens dans le domaine de la politique étrangère et de la diplomatie; quand nous rédigerons notre rapport, comment présenter les choses? Quelle est la chose la plus importante à faire savoir aux Canadiens à propos de cet impact? Les activités ne se limitent pas à envoyer nos artistes dans un autre pays ou à accueillir des artistes étrangers. Comment les arts et la culture ouvrent-ils la porte à d’autres avenues diplomatiques?
Mme Normandin : Une facette ou un élément important, c’est le fait que l’ouverture du monde aux Canadiens contribue aussi à l’ouverture des Canadiens au monde au pays.
À l’heure actuelle, le contexte est multiculturel au Canada et comprend un grand nombre d’approches et de points de vue. Ce genre de diplomatie constitue un élément très positif qui favorise la compréhension mutuelle afin de réaliser des progrès sur le plan du multiculturalisme. C’est une facette que je considère importante.
Mme Watson : Je pense qu’il importe vraiment d’utiliser tous les outils à notre disposition quand nous agissons à l’échelle internationale. Je voudrais souligner le travail de nos ambassades et consulats et remercier ces derniers. Ceux avec lesquels j’ai eu le privilège de travailler quand nous avons réalisé des projets à l’étranger sont formidables; ils disposent sur place d’excellents employés qui nous ouvrent des portes. Le fait d’intégrer la culture dans notre approche à l’égard des questions d’ordre mondial nous permet d’ouvrir des portes en douceur. La culture agit comme un brise-glace et nous donne l’occasion de rencontrer des gens que nous ne côtoierions normalement pas. On voit qu’un artiste a le pouvoir d’attirer les gens à des activités.
Quand nous étions en Chine à l’époque où Pinchas Zukerman, un des plus grands violonistes du monde, était notre directeur musical, nous pouvions attirer un grand nombre de gens d’affaires intéressants. En Chine, quelque 10 millions de personnes apprennent à jouer du piano et 15 millions jouent du violon; on observe donc un intérêt substantiel à l’endroit de la musique classique en Chine. Des partenaires d’affaires, comme Aimia et une multitude d’entreprises canadiennes, voulaient s’associer à cette tournée, car ils savaient que cela leur permettrait d’entamer en douceur des discussions d’affaires, de réunir des gens et d’utiliser les arts comme une plateforme pour tisser des liens d’affaires. Nos consulats et ambassades, les attachés culturels, les ambassadeurs et le consul général accomplissent un travail extraordinaire en faisant rayonner le Canada. Je suis enchantée qu’on mette un accent accru sur la diplomatie culturelle depuis quelques années, comme Mme Normandin l’a souligné, car je pense que c’est une manière efficace de faire passer le message du Canada.
La sénatrice Cordy : Je voudrais vous interroger à propos de la CITF. Je viens de Nouvelle-Écosse, où habite une importante population acadienne. Je voudrais savoir comment vous travaillez avec cette population et celle du Québec. Je présume que vous le faites, puisque le sénateur Cormier a joué un rôle très important à cet égard, mais pourriez-vous simplement m’expliquer, à moi qui n’en sais pas beaucoup à ce sujet, comment cela fonctionne?
M. Cornuau : Merci de me poser la question. Voici ce qu’il en est.
[Français]
Je pense que la CITF est encore un secret trop bien gardé. En fait, j’encouragerais tout le monde à devenir l’ambassadeur de ce dispositif très intéressant et quand même assez simple auprès de sa population, afin de faire connaître cette possibilité aux artistes.
Quant au niveau très précis des artistes acadiens, une fois passé ce besoin de faire connaître la CITF, je pense qu’il faut aussi que les artistes aient cette volonté ou cette envie de rencontrer le monde. À la CITF, il est souvent possible d’organiser ce qu’on appelle des « pépinières » afin que ces artistes, avant de créer un projet avec l’autre, aillent simplement le rencontrer.
Nous sommes toujours à la recherche de plateformes. Que ce soit le Conseil des arts ou la CITF, parce que ces deux organismes sont extrêmement liés, quelles sont les plateformes les plus appropriées dans le monde pour que les artistes se rencontrent? Pour ce qui est de la Francophonie, nous avons identifié un très grand festival qui a lieu à Limoges, en France. Il y a aussi Les Récréâtrales, à Ouagadougou, le Festival du théâtre des Réalités, au Mali, ou l’événement des Zones théâtrales, à Ottawa. Nous essayons d’encourager les artistes de partout au Canada à s’intéresser à nos programmes et à nous solliciter, autant que nous les sollicitons, pour rejoindre ces plateformes, faire partie de nos délégations et aller rencontrer le monde, car, une fois qu’ils auront les projets, nous aurons les mécanismes en place pour les soutenir. Cependant, il faut créer cette première étincelle.
Comment un artiste acadien, tout d’un coup, rencontre-t-il la Francophonie internationale? Je pense que c’est l’une des questions clés. Il existe donc plusieurs plateformes et c’est sur celles-là que nous voulons travailler : le Conseil des arts du Canada ou la CITF.
Je vous encourage vraiment, par l’intermédiaire de vos réseaux, à leur dire que ces plateformes existent. Nous pouvons aller à la rencontre des artistes et tenir des sessions d’information, mais il est très important que cette information provienne de plusieurs canaux afin que les artistes sachent qu’ils peuvent créer des projets à l’international.
[Traduction]
Mme Normandin : Je me permets d’ajouter qu’au fil des ans nous avons coordonné notre sélection d’artistes participant aux délégations afin de les préparer et de leur donner l’occasion de rencontrer des artistes étrangers. Nous avons coordonné nos démarches avec le Conseil des arts du gouvernement du Québec. Nous ne choisissons pas que des artistes francophones de l’extérieur du Québec, mais cela figure parmi nos priorités et ce sont les premiers que nous incluons dans notre délégation. Ainsi, que ce soit en Acadie, dans les Prairies ou à Vancouver, nous déployons un effort coordonné pour veiller à ne pas envoyer que des artistes de Montréal, bien que nous les aimions beaucoup.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci d’être parmi nous ce matin, c’est très important. Comme l’a bien spécifié le sénateur Cormier, le but de l’étude n’est pas d’accorder de l’importance à la culture, puisque nous savons déjà que la culture est importante pour les Canadiens et les Canadiennes. Le but est plutôt de savoir comment se servir de la culture afin de mieux poursuivre les intérêts du Canada comme pays, pour ses affaires étrangères. C’est vraiment là l’optique. Est-ce qu’il y a quelque chose que nous pourrions améliorer?Évidemment, nous pourrions dépenser plus d’argent, mais est-ce qu’il existe une solution facile qui ferait en sorte que le Canada bénéficie davantage de ses artistes à l’extérieur? En d’autres mots, que devrions-nous améliorer ou faire différemment?
Mme Normandin : S’il existe une solution facile, je ne la connais pas. Vous posez une excellente question.
Nous revenons sur la carte, si je puis dire. Je crois que nous devons mieux recueillir les données et que nous devons y avoir accès plus facilement. Comme mon collègue l’a indiqué plus tôt lors de notre conversation préparatoire, l’histoire est en train de s’écrire sans nous. Nous ne connaissons pas toute la portée de nos interventions, parce que nous n’avons pas nécessairement les outils requis pour recueillir des données qui nous permettraient de savoir exactement ce qui se passe. Nous n’avons pas non plus de mécanisme commun avec nos partenaires fédéraux. Nous pouvons recueillir nos propres données, mais est-ce que les autres institutions fédérales utilisent les mêmes mécanismes?
C’est l’un des projets en cours dans le cadre de la collaboration actuelle entre Affaires mondiales Canada, Patrimoine canadien et le Conseil des arts du Canada. Si nous avions accès plus facilement à ces données, nous serions davantage en mesure de déterminer où se trouvent les trous ou les fossés afin de savoir où il faut augmenter notre action.
De plus, nous serions en mesure de mieux promouvoir ce que nous faisons, et ce, de façon concertée. Il existe aujourd’hui des outils de promotion extraordinaires comme les médias sociaux, qui sont un outil très puissant et facile d’accès. À mon avis, cet aspect est le premier sur lequel nous devrions travailler davantage. Si je puis me permettre une expression quotidienne et vernaculaire, la plupart du temps, on ne se « pète pas assez les bretelles ».
M. Cornuau : J’aimerais ajouter un commentaire. Nous avons parlé de la Chine un peu plus tôt. En 2017, le Conseil des arts du Canada a soutenu 400 représentations de théâtre canadien en Chine. Si nous ajoutons à cela la musique et les arts visuels, nous nous situons à 1 000 représentations. Cela signifie que chaque jour, en Chine, il y a quelque part une, voire deux ou trois représentations d’artistes canadiens. Et ici, il ne s’agit que d’un exemple.
Malheureusement, on n’a pas en ce moment, ni au Conseil des arts ni dans les autres institutions comme Patrimoine canadien et Affaires mondiales Canada, un système de collecte de données qui nous permettrait d’extraire cela autrement qu’à la main. C’est quelque chose qu’on a fait à la main avec des collègues. En matière de diplomatie culturelle, ce sont des données qui pourraient vous servir et qui pourraient servir nos ambassades. On n’est pas assez au courant de ce qui se passe.
Ce qui est très important dans les relations internationales, notamment dans le milieu culturel, c’est la stabilité. Un des enjeux est aussi d’arriver à stabiliser un certain niveau de soutien, mais aussi à stabiliser des équipes en place, à avoir des experts à l’étranger, à avoir des experts chez nous et à les garder. Je pense que c’est extrêmement important pour éviter de refaire tous les 5 ou 10 ans le même travail, qui mène à une sorte de stagnation. Il faut essayer de mettre en place des outils, de les garder, de les stabiliser, parce que toutes les relations internationales se développent dans le temps.
Mme Watson : En ce qui concerne la question de la diplomatie — je pense que Mme Clarkson est venue témoigner devant le comité —, Mme Clarkson était réputée pour ses visites d’État et elle était très impliquée dans la culture.
[Traduction]
C’est presque comme quand nous utilisions Équipe Canada. Quand M. Chrétien était premier ministre, Équipe Canada ne se contentait pas d’agir dans le domaine des affaires, mais adoptait également une approche culturelle à cet égard. Je pense qu’il est très efficace de jumeler les deux facettes, que ce soit à l’occasion d’une visite d’État du gouverneur général ou d’un voyage d’un ministre à l’étranger. Il faut toujours s’assurer de faire remarquer que si une compagnie de théâtre canadienne se trouve à Beijing à ce moment-là, il conviendrait de l’inviter à la réception organisée à l’intention du ministre et inversement afin d’encourager le monde culturel à faire partie de la donne.
Notre pays doit diversifier ses avenues commerciales. Très ouverts sur le monde, nous exportons beaucoup. Les exportations sont essentielles à notre prospérité, mais nous devons aussi exporter nos artistes et faire en sorte que les arts fassent partie de l’équation. Pour ce qui est des propositions d’ordre pratique, donc, je dirais qu’il faut s’assurer que la culture fasse toujours partie des voyages de ministres et des visites d’État.
[Français]
Le sénateur Massicotte : C’est un peu comme une entreprise quand on parle de l’image. C’est une expression qui parle de nos valeurs, de notre population. Cela devient notre marque de commerce. Les artistes qui se rendent à l’extérieur nous définissent, ce qui peut être très favorable pour le Canada pour ce qui est de la confiance, de la sophistication, de l’innovation. Cela peut même aider les affaires.
Cependant, la grande majorité de nos artistes, comme le faisait remarquer le témoin hier, ne sont pas nécessairement connus en tant que Canadiens, particulièrement du côté anglophone. Nous avons de grands artistes et les gens ne savent pas toujours qu’ils sont Canadiens. On perd une très belle occasion, parce que ces artistes pourraient servir de porte-parole afin de promouvoir notre image. À votre avis, est-ce important de faire des efforts, de changer le contexte, de faire la promotion de nos artistes à l’échelle internationale pour que le monde entier sache que nos artistes sont Canadiens? Est-ce important dans ce sens-là?
[Traduction]
Mme Watson : La plupart des gens savent que Drake est Canadien, ou au moins qu’il est originaire de Toronto. Il a fort bien su établir l’image des « Six ». J’ignore si quelqu’un suit cette affaire. Il est un ardent amateur des Raptors. Je pense qu’il agit à titre d’ambassadeur non officiel de la ville de Toronto. Il est donc certainement un Canadien connu.
Les gens savent-ils que Coeur de pirate vient du Québec? C’est une grande vedette en France.
Il faut faire connaître la nationalité canadienne de nos artistes à la moindre occasion, que soit par l’entremise des ambassades ou des consulats. Il faut demander aux gens, même dans le cadre d’une sorte de campagne dans les médias sociaux, s’ils savent qu’Arcade Fire est un groupe canadien. Saviez-vous qu’Ed Burtynsky est Canadien? Cet artiste a remporté le plus important prix de la photographie du monde. Une exposition de ces œuvres commence d’ailleurs la semaine prochaine au Musée des beaux-arts. Allez voir son travail; c’est fantastique.
Je pense donc que c’est une excellente idée de faire savoir que certains des meilleurs artistes du monde sont Canadiens. Franchement, même au Canada, nous devons effectuer un meilleur travail à cet égard. Bien souvent, il y a deux solitudes.
Voici une histoire formidable. Le Centre national des Arts est très fier de produire chaque année le Gala des Prix du gouverneur général pour les arts de la scène, activité pour laquelle la fondation recueille d’ailleurs des fonds. Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire avant mon époque, à l’occasion d’un des premiers galas, une initiative lancée par l’ancien gouverneur général Ramon John Hnatyshyn, qui a instauré les Prix du gouverneur général pour les arts de la scène. Leonard Cohen et Gilles Vigneault avaient été sélectionnés ou avaient remporté un prix lors d’un des premiers galas, mais ils ne s’étaient jamais rencontrés. Je ne peux croire que ces deux artistes ne s’étaient jamais croisés. Or, ils se sont rencontrés au CNA à l’occasion de ce gala.
Il faut donc rompre les solitudes et abattre les obstacles pour que nous comprenions qui sont nos grands artistes, qu’ils soient anglophones, francophones ou autochtones.
[Français]
Mme Normandin : Je crois que c’est très important, parce que cela ouvre des portes à d’autres artistes canadiens. Par exemple, une initiative a été lancée il y a deux ans dans le cadre du Festival Fringe d’Édimbourg, où le Canada est présent dans un lieu. C’est un festival qui présente plus de 3 000 spectacles. On peut facilement s’y perdre. C’est une jungle. À la suite du succès d’un spectacle en particulier, il y a eu une initiative unique où le Canada a présenté cinq spectacles. Le lieu s’appelle le CanadaHub. C’est la deuxième année que cette initiative a lieu. En deux ans seulement, la fréquentation a doublé, le nombre de programmateurs étrangers qui viennent voir les spectacles pour ensuite les emmener en tournée a augmenté énormément. Des représentants de nombreux pays téléphonent aux producteurs parce qu’ils s’intéressent vivement à notre modèle. On travaille également avec nos collègues de Canada House et d’Affaires mondiales Canada, non seulement pour promouvoir le CanadaHub, mais aussi tous les artistes canadiens qui sont présents à Édimbourg durant le mois d’août, où se tiennent 6 des 11 festivals d’Édimbourg.
Je pense que cela montre l’importance de travailler à l’identification, parce que l’artiste pourrait ne pas être connu. Il y a de l’émergence. Les artistes commencent de plus en plus jeunes à voyager partout dans le monde. Il y a 20 ans, c’était les artistes qui avaient atteint une certaine maturité et renommée qui voyageaient à l’étranger. Aujourd’hui, ils ne sont pas sortis de l’école et ils sont déjà branchés partout dans le monde, ce qui est extraordinaire. Cela ouvre des portes et favorise l’émergence de nos artistes.
M. Cornuau : Le CanadaHub est l’une des principales initiatives du Conseil des arts du Canada avec d’autres partenaires. Étant donné qu’on en est le maître d’œuvre, une des conditions qu’on a données au producteur, qui est le directeur artistique, c’est que, chaque année dans la programmation, il y ait des artistes de cinq provinces différentes du Canada. C’est aussi donner la possibilité à des artistes variés du Canada d’être présents dans un lieu qui démontre la diversité artistique au Canada. Cela a été très fort à Édimbourg.
Sur une jolie note, un des spectacles qui a été présenté à Édimbourg a été vu par l’actrice américaine Jodie Foster. Elle a présenté elle-même, avec ses propres fonds, un spectacle aux États-Unis qui s’intitule Mouthpiece, de la compagnie Quote UnQuote Collective. Un film a été présenté au Toronto International Film Festival il y a quelques jours. Ce sont là de belles histoires. Tout le monde sait que ce spectacle est canadien.
J’aimerais également apporter une précision quant à la notion d’« artiste connu » par rapport à celle d’« artiste moins connu ». Parmi les 400 représentations de théâtre dont j’ai parlé et qui ont eu lieu en Chine en 2017, environ 300 viennent de compagnies de théâtre jeune public. En fait, cela veut dire qu’il y a plus de 20 000 enfants en Chine qui auront vu un spectacle jeune public canadien. Je vous assure que les enfants savent que ces artistes sont du Canada. La première chose que leur dit leur enseignante, lorsqu’ils vont voir le spectacle, c’est : « On va voir un spectacle qui vient du Canada. »
Il ne faut pas sous-estimer non plus tout le travail que font les artistes enfance/jeunesse au Canada. Ces spectacles tournent énormément à l’étranger. Ils sont moins connus, car ils ne sont peut-être pas aussi glamour que ceux d’autres artistes. Toutefois, ils touchent directement la jeunesse, et celle-ci entend parler du Canada à un très jeune âge. Je crois qu’il est important de soulever ce point en termes de diplomatie culturelle.
[Traduction]
Mme Normandin : Je dirais en passant à la sénatrice Cordy que le CanadaHub a connu un immense succès avec un spectacle qui fait encore le tour du monde, et c’est la pièce Old Stock, de la 2b Theatre Company d’Halifax.
[Français]
Le sénateur Housakos : Merci pour votre présence aujourd’hui. Vous avez dit que le milieu culturel a la capacité d’apporter une grande contribution à la diplomatie. Présentement, le gouvernement du Canada fait face à un très grand défi avec un de ses plus grands partenaires, soit les États-Unis. Concrètement, que pourrait faire le milieu culturel canadien pour aider le gouvernement à améliorer sa relation avec les États-Unis?
Mme Normandin : Il n’est pas facile pour les artistes canadiens de tourner aux États-Unis. Il y a de grands enjeux pour ce qui est de l’obtention de permis et des coûts qui y sont reliés. Je crois que les artistes pourraient être des ambassadeurs extraordinaires. Cependant, les conditions ne sont pas favorables en ce moment pour permettre aux artistes d’exercer toute l’action dont ils sont capables.
[Traduction]
Mme Watson : Je pense qu’il faut agir avec douceur et déployer une offensive de charme. Employons tous les moyens à notre disposition. Le Canada compte de formidables talents. Le président des États-Unis aime les vedettes, alors mettons-les de l’avant, amenons-les avec nous et aidons-les à faire partie de notre offensive. C’est à cela que servent les dîners d’État et les activités semblables. Je pense qu’on peut difficilement attendre d’un pauvre artiste qu’il débloque à lui seul les négociations commerciales en cours, mais je suppose que cela ne peut pas faire de mal d’essayer. La ministre Freeland fait peut-être jouer de la musique de Drake en arrière-plan pour adoucir les mœurs.
Je ne pense pas avoir la réponse que vous cherchez avec cette question, sénateur. Je suis désolée.
Le sénateur Housakos : Je comprends qu’il n’existe probablement pas de réponse facile, mais est-il juste de dire que le milieu culturel convient qu’il doit exister un solide point d’entrée vers le plus vaste marché du monde si nous voulons continuer de faire prospérer et croître nos communautés culturelles? Est-il juste d’affirmer que le gouvernement ou le secteur privé et le milieu culturel doivent collaborer étroitement afin de trouver un moyen de pénétrer le marché culturel et économique le plus important du monde?
Mme Watson : Absolument.
La présidente : On s’entend là-dessus.
La sénatrice Ataullahjan : Merci de votre exposé.
J’aimerais parler du rôle des médias sociaux. Nous entendons parler sans cesse de Drake et de la façon dont il a renommé Toronto « The 6 », et c’est ainsi que les jeunes parlent maintenant de la ville, sur Instagram et ailleurs. Lorsqu’il mentionne quelqu’un, comme un certain conseiller municipal sur Twitter, cette personne devient une célébrité mondiale.
Avez-vous pensé à exploiter ce potentiel à l’aide de certains de ces artistes très populaires auprès des jeunes, pour que la jeune génération s’intéresse à certains aspects de l’art qui pourraient la laisser indifférente?
Mme Watson : Je suis frappée d’étonnement tous les quatre ans pendant les Jeux olympiques — ou est-ce maintenant tous les deux ans? Je ne me rappelle plus. Quand ils ont eu lieu ici, je me rappelle que CBC faisait jouer un formidable roulement de tambour avant de raconter l’histoire des athlètes. C’était diffusé sur de multiples médias : la radio, la télévision et Internet. Nous devons peut-être en faire autant pour nos artistes. Il est formidable d’entendre parler tous les quatre ans d’un skeletoneur, d’un skieur alpin et des patineurs, et nous devons en faire autant pour nos artistes afin qu’ils soient mieux connus. Je suis certaine qu’il existe des gens plus ingénieux que moi qui peuvent penser à des façons de promouvoir les talents canadiens au moyen des médias sociaux. « Saviez-vous que » — insérer le nom — « est Canadien? » Et il ne faut pas se limiter au contexte national, mais le faire aussi dans un contexte mondial pour faire en sorte que ces noms soient entendus.
Mme Normandin : Le Conseil des arts du Canada a lancé, à l’aide de son nouveau budget, le fonds Stratégie numérique. L’un des éléments de ce fonds porte sur la littératie numérique, car même si la jeune génération est très douée avec la technologie, nous avons remarqué que le secteur culturel, le domaine artistique, ne s’est pas encore engagé dans l’avenue numérique et accuse un peu de retard. Espérons que le soutien offert par ce fonds permettra au milieu artistique de progresser sur le plan numérique en lui apprenant à se servir de la technologie et à mieux l’utiliser pour qu’il soit un peu plus facile de sensibiliser les gens aux arts et à la culture du Canada, tant au pays qu’à l’étranger.
La présidente : Nous avons un petit peu de temps pour une deuxième série de questions.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Je m’intéresse à la Fondation du Centre national des Arts et à votre travail, surtout au soutien pour la Fiducie nationale pour la jeunesse et l’éducation. J’ai été enseignante dans ma vie précédente, et il me semblait que chaque fois qu’un conseil scolaire ou une province effectuait des compressions, les programmes de musique et d’arts visuels étaient malheureusement touchés en premier. Je me demande si vous pouvez me dire quel genre de mesures prennent les gens de la Fiducie nationale pour la jeunesse et l’éducation. Ils disent qu’ils mettent les jeunes de partout au Canada en contact avec les arts.
Mme Watson : Merci de poser la question. Le Centre national des Arts a commencé il y a probablement près de 50 ans. Pendant environ les 20 premières années de notre histoire, nous mettions l’accent sur la performance et, au cours des 10 dernières années environ, nous nous sommes concentrés sur l’éducation, en assurant d’y accorder le plus d’attention possible. À titre d’exemple, lors de la tournée d’un orchestre, nous ne nous contentons pas de nous rendre dans une ville, d’y donner un concert et de rentrer à la maison. Nous nous rendons sur place et nous travaillons.
L’année dernière, nous avons fait la tournée du Canada, y compris des arrêts en Nouvelle-Écosse. Nous avons un riche programme d’éducation pendant ces tournées. L’un des spectacles les plus formidables que nous avons faits est celui à Eskasoni. Nous avons conduit l’orchestre du CNA à la réserve qui s’y trouve — celle de feue la grande poétesse Rita Joe, l’une des femmes que nous avons présentées dans cette œuvre multimédia intitulée « Réflexions sur la vie ». Nous nous sommes donc rendu à Eskasoni où nous avons travaillé les deux ou trois semaines précédentes avec la collectivité locale, pour discuter de l’histoire de Rita Joe afin qu’ils donnent leur propre avis sur le projet en cours, et nous y avons découvert des gens au talent formidable. Le point culminant fut le concert. Comme Eskasoni n’a pas de salle de concert, nous avons joué à l’aréna. On a tout vidé et installé l’orchestre, et toute la collectivité est venue. Certaines personnes ont versé des larmes parce qu’elles ont senti que nous avions écouté son histoire et que nous lui avons rendu justice. Ce fut donc un moment extraordinaire.
La Fiducie nationale pour la jeunesse et l’éducation est un outil de financement utilisé par le Centre national des Arts pour financier des programmes d’enseignement des arts partout au Canada. Par exemple, en ce moment dans les quatre provinces du Canada atlantique, et cela n’a commencé que l’année dernière, nous avons le programme Vive la musique, que nous mettons actuellement en œuvre au Nunavut, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Nous payons des musiciens pour qu’ils y enseignent leur art, principalement dans des classes de collectivités éloignées et rurales où il n’y a pas de programmes de musique. Nous contribuons ainsi à l’enseignement des arts et de la musique dans les classes.
Ce n’est pas une panacée. C’est un grand pays. Nous aimerions pouvoir en faire plus. Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas encore présents à l’échelle nationale. C’est dans le Nord que nous sommes présents depuis le plus longtemps. Nous sommes effectivement très engagés dans de nombreuses collectivités du Nord grâce à notre programme au Nunavut, qui fonctionne très bien. Et comme je l’ai dit, nous venons tout juste de le mettre en œuvre au Canada atlantique l’année dernière. Nous sommes très fiers du programme Vive la musique qui est mis en œuvre dans différentes régions d’un bout à l’autre du Canada.
Nous déployons également des efforts à l’échelle locale, à Ottawa. De toute évidence, nous avons le théâtre pour jeunes publics, ainsi que des concerts et ce genre de choses. C’est ainsi que nous les finançons. Les donateurs nous aident à rendre cela possible.
[Français]
Le sénateur Cormier : Mon commentaire fait suite à la question du sénateur Massicotte, à savoir comment la culture peut servir la diplomatie. Vous avez parlé, par exemple, des événements d’Édimbourg. Ce sont des événements culturels importants où se produisent beaucoup d’artistes. On cherche à voir comment les arts et la culture peuvent contribuer à la diplomatie.
Seriez-vous d’accord pour dire que le gouvernement du Canada et le milieu des affaires pourraient être plus « opportunistes »? Ils pourraient profiter de ces événements pour amener des artistes, mais aussi des gens d’affaires et des représentants du gouvernement à des rencontres qui permettraient au Canada de travailler à des niveaux autres que culturels.
Par exemple, l’Acadie est présente au Festival interceltique de Lorient. Il s’agit d’un important festival musical qui se déroule en France. La province du Nouveau-Brunswick se sert de cet événement culturel pour tenir notamment des rencontres diplomatiques et d’affaires. Seriez-vous d’accord pour dire que, dans une stratégie de diplomatie culturelle, on doit s’assurer non seulement que les artistes fassent leur travail, mais également que les gouvernements et le milieu économique profitent de cette stratégie culturelle pour faire des affaires?
Mme Normandin : Je suis tout à fait d’accord. Il y a d’autres petits exemples où des missions commerciales organisées par le ministère du Patrimoine canadien ont récemment commencé à inclure les arts de la scène. Je crois que la voie de l’avenir consiste à travailler ensemble plutôt que chacun dans son coin. Travailler en silo peut être profitable à très court terme, mais à long terme la diversité des intervenants qui se promènent un peu partout dans le monde fait en sorte que les réseaux qu’on peut tisser sont beaucoup plus larges, de même que les synergies et l’effet de groupe. Quand on arrive quelque part tout seul et que l’on ne connaît personne, c’est plus difficile. Quand on arrive en groupe et qu’on porte tous le même t-shirt, si je puis m’exprimer ainsi, l’effet est beaucoup plus percutant et multiplicateur.
M. Cornuau : Il faut aussi communiquer davantage ce que l’on fait. Après quoi, le milieu des affaires et de la politique pourra saisir la balle au bon, plutôt que simplement, après une initiative politique ou du milieu des affaires, faire en sorte que des artistes, tout d’un coup, se joignent à une délégation. Il faut qu’on puisse dire, à un moment donné, qu’il y a une concentration d’artistes canadiens qui se trouve à un endroit donné, et demander pourquoi le milieu des affaires ou de la politique n’y sont pas. Il reste peut-être un travail à faire pour promouvoir davantage ce que l’on fait.
Certains pays sont passés maîtres dans l’art de promouvoir leur présence à l’étranger. Je pense à de plus petits pays très isolés. L’Australie est très présente dans toutes sortes d’événements et met de l’avant ce qu’elle fait. On pourrait s’en inspirer pour être beaucoup plus présent et valoriser davantage ce qui se fait déjà.
Le sénateur Cormier : Pour conclure, je remercie de nouveau la CITF. Le théâtre est un art de dialogue citoyen. Je me tourne vers le sénateur Dawson et la question très pertinente qu’il a posée. Vous savez que le spectacle Kanata de Robert Lepage sera finalement présenté au Théâtre du Soleil, sous la direction d’Ariane Mnouchkine. Les artistes intègrent, dans ce spectacle, une réflexion sur la grande question posée par cette dynamique.
Vive le théâtre! Merci de votre contribution.
[Traduction]
La présidente : Je ne vais pas commenter la direction dans laquelle vous vous engagez. Je vais plutôt remercier nos témoins de leur contribution.
Nous avons abordé de nombreux sujets, et il y en a un auquel nous devons accorder de l’attention selon moi en tant que comité et peut-être au sein de la communauté artistique et culturelle. Nous avons consacré des décennies à la création d’œuvres d’art, de musique et ainsi de suite, et nous avons canalisé des gens au moyen de ce que nous considérions comme des techniques modernes, soit les voyages internationaux et ainsi de suite. Toutefois, de nos jours, les jeunes trouvent leur place à l’échelle internationale et nationale en utilisant tous les nouveaux moyens numériques. Ils ne se tournent plus vers leurs pairs. Ils créent parfois en vase clos, et ils connaissent néanmoins un succès instantané dans des coins inhabituels de la planète et à l’échelle internationale.
Je ne pense donc pas que nous ayons étudié en profondeur la voie dans laquelle nous nous engageons lorsque nous parlons d’internationalisme, et cela réside vraiment dans le numérique. Les concepts de la créativité sont très différents pour les jeunes.
Je vous prie de nous faire part des autres réflexions que vous pourriez avoir, de toute contribution quant à la façon d’aborder la question au-delà de la seule compétence sur le plan numérique, ce que nous voulons tous parce que nous avons grandi dans un monde différent. Quand je m’adresse aux très jeunes, je constate que leurs expressions et leurs objectifs diffèrent grandement des miens. Certains ont 5 ans, et d’autres 25, et je ne suis toujours pas du même monde.
Je pense que c’est un des défis auxquels vous et moi devons faire face. Par conséquent, tout ce que vous pouvez ajouter à ce que vous nous avez dit aujourd’hui serait extrêmement utile.
Merci de votre présence, de vos connaissances, de votre expérience et de votre travail.
Mme Normandin : Merci beaucoup.
Je vais vous laisser quelques livres sur la CITF qui ont été rédigés il y a 10 ans pour le 20e anniversaire de l’organisme. Il n’y a que des versions françaises. Nous pouvons vous faire parvenir d’autres exemplaires si vous le souhaitez.
La présidente : Merci.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je vais juste discuter un moment avec le sénateur Massicotte, mon nouveau vice-président.
(La séance est levée.)