Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 58 - Témoignages du 27 février 2019


OTTAWA, le mercredi 27 février 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 16, pour son étude sur les relations étrangères et le commerce international en général.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous sommes le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Avant de présenter nos invités, je vais demander aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Housakos : Leo Housakos, du Québec.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

La présidente : Et je suis Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan. Je préside le comité.

Le comité est autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général. Dans le cadre de ce mandat, le comité va entendre aujourd’hui des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada.

En 2016 et 2017, le comité a accueilli des témoins pour discuter de la situation politique et de la crise économique croissante au Venezuela. Deux rapports ont été publiés, l’un en juin 2016 et l’autre en juillet 2017, ce qui a mené au dépôt au Sénat, le 20 mars 2018, d’une réponse du gouvernement. Nous avons pris le temps de nous tenir au courant de l’évolution de la situation au Venezuela. Nous avons entendu un certain nombre de témoins jusqu’ici, et je suis heureuse qu’Affaires mondiales Canada ait si rapidement donné suite à notre demande.

C’est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à Michael Grant, sous-ministre adjoint pour les Amériques; Cheryl Urban, directrice générale, Amérique du Sud et Affaires interaméricaines; et, enfin, Patricia Atkinson, chef, Groupe de travail sur le Venezuela, Relations avec l’Amérique du Sud. Tous sont d’Affaires mondiales Canada.

Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Nous comprenons qu’il y aura un seul exposé, après quoi vous serez disponibles pour répondre aux questions. Je crois que ce n’est pas la première fois que vous témoignez, donc vous connaissez déjà la procédure au Sénat.

Bienvenue au comité. Monsieur Grant, la parole est à vous.

[Français]

Michael Grant, sous-ministre adjoint pour les Amériques, Affaires mondiales Canada : Merci, madame la présidente. Je suis ravi d’avoir l’occasion de discuter de la situation au Venezuela, qui évolue rapidement, et de la réponse du Canada.

Comme vous le savez, la situation au Venezuela a considérablement évolué depuis juin 2017, c’est-à-dire depuis la dernière comparution d’Affaires mondiales Canada devant ce comité pour parler de cette question. Depuis le début de l’année en particulier, nous avons été témoins de changements sans précédent par rapport à la situation.

[Traduction]

Le 10 janvier, Nicolas Maduro a prêté serment pour un deuxième mandat. Il importe d’examiner les événements qui ont mené à cela. En avril 2013, Maduro a été élu à la présidence du pays pour un premier mandat. Cette élection avait suscité quelques inquiétudes de la part de la communauté internationale, mais elle avait été jugée libre et juste. Ce premier mandat a pris fin le 10 janvier. Toutefois, en décembre 2015, après que les partis de l’opposition aient pris le contrôle de l’Assemblée nationale, Maduro a mis en œuvre un certain nombre de mesures qui ont mené à la situation actuelle. Essentiellement, il a manipulé la Cour suprême afin qu’elle retire tout pouvoir à l’Assemblée nationale, puis il a créé l’Assemblée nationale constituante, une assemblée législative parallèle, qui a commencé à adopter des lois. Maduro s’est ensuite servi de l’Assemblée nationale constituante pour déclencher des élections anticipées en mai 2018, élections que le Canada a jugé ni libres, ni justes, ni légitimes.

Le 10 janvier, lorsqu’il a prêté serment pour un prétendu deuxième mandat, cela a en réalité marqué la fin de sa légitimité à ce poste. Le 15 janvier, les partis de l’opposition se sont entendus à l’Assemblée nationale sur quatre points : premièrement, le fait que Maduro avait usurpé le pouvoir; deuxièmement, l’importance d’offrir une amnistie et des garanties fournies aux forces militaires qui contribuent à la transition pacifique et démocratique; troisièmement, la nécessité de solliciter le soutien de la communauté internationale pour geler les actifs du régime à l’étranger; et enfin, quatrièmement, le besoin de recevoir une aide humanitaire.

Le 23 janvier, Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale, a été nommé président intérimaire du Venezuela, conformément aux articles de la constitution du pays qui prévoient, si le poste de président devient vacant, la désignation du chef de l’Assemblée nationale au poste de président intérimaire afin qu’il puisse déclencher de nouvelles élections présidentielles. Plus de 50 pays, dont le Canada et la plupart des partenaires du Groupe de Lima, l’Équateur, l’Australie, le Japon et la majorité des membres de l’Union européenne ont reconnu publiquement la légitimité de M. Guaido à titre de président intérimaire du Venezuela.

Les manifestations de soutien de la population à regard de M. Guaido après qu’il ait accepté le rôle de président intérimaire ont été impressionnantes. Dans un élan d’unité qui témoigne d’un désir de changement, des milliers de gens se sont rués dans la rue pour s’opposer à la dictature de Maduro. Malheureusement, le régime continue de faire preuve d’intransigeance et Maduro conserve son emprise sur pratiquement tous les niveaux de pouvoir. Quelques militaires et représentants diplomatiques ont abandonné le régime, mais ils sont loin d’être majoritaires.

En même temps, on remarque une instabilité et des répercussions humanitaires toujours plus importantes. Selon Amnistie internationale, en date de la semaine dernière, 41 personnes avaient perdu la vie et plus de 900 autres avaient été détenues de manière arbitraire depuis le 23 janvier. Les violents conflits survenus au cours de la fin de semaine dernière alors que le régime tentait d’empêcher l’entrée de l’aide au pays ont entraîné une hausse du nombre de victimes.

Sur le plan économique, l’hyperinflation, qui a maintenant atteint 2 000 000 p. 100, devrait totaliser 10 000 000 p. 100 en 2019. De graves pénuries alimentaires et une hyperinflation sans précédent font en sorte qu’il est dorénavant impossible pour de nombreux Vénézuéliens de se procurer des biens essentiels, comme de la nourriture, et l’effondrement du système de santé nuit à leur bien-être. Plus de 3,3 millions de personnes se sont enfuies du Venezuela depuis 2015, et plusieurs habitent maintenant dans des pays voisins comme la Colombie, l’Équateur et le Pérou, qui font preuve d’une générosité remarquable malgré les répercussions importantes sur leurs propres citoyens. À elle seule, la Colombie a accueilli plus d’un million de Vénézuéliens. Les Nations Unies estiment que, si la situation perdure, la population de réfugiés et de migrants du Venezuela à l’extérieur du pays pourrait s’élever à 5,3 millions de personnes d’ici la fin de 2019.

Bien qu’il soit difficile d’établir des statistiques exactes en raison d’un accès insuffisant, des rapports crédibles estiment que 90 p. 100 de la population du Venezuela se trouve maintenant sous le seuil de la pauvreté. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation, en novembre 2018, environ 3,7 millions de personnes étaient mal nourries au Venezuela, soit environ 11,7 p. 100 de la population; le Venezuela compte donc le plus haut taux de malnutrition de tous les pays de la région. On note par ailleurs une recrudescence de maladies évitables et traitables comme la rougeole, la diphtérie et la tuberculose, à la fois au sein du pays et chez les migrants. Les maladies chroniques sont également moins bien traitées.

Un nombre très limité d’organisations humanitaires peuvent exercer leurs activités au Venezuela et elles doivent se conformer à certaines restrictions. Le régime de Maduro continue de nier l’existence d’une crise.

Le 23 février, le président intérimaire Juan Guaido a rallié les Vénézuéliens pour s’opposer aux mesures du régime de Maduro visant à empêcher des tonnes de matériel de secours d’entrer au pays. Des centaines de milliers de bénévoles devaient apporter des biens de première nécessité au pays; malheureusement, cet effort n’a pas obtenu le succès escompté, puisque le régime a fermé la frontière terrestre avec le Brésil et la frontière maritime avec les îles néerlandaises d’Aruba, de Bonaire et de Curaçao, en plus de bloquer les points d’entrée le long de la frontière colombienne.

En raison des attaques perpétrées par les forces du régime, des pertes civiles ont été signalées au sein de la population autochtone du Venezuela près de la frontière brésilienne et chez les Vénézuéliens et les Colombiens qui désiraient transférer de l’aide à la frontière colombienne. Le Canada a condamné ces attaques et le refus continu d’accorder un accès au personnel humanitaire, et a demandé la tenue d’une enquête.

[Français]

Depuis que la dictature s’est installée au Venezuela, le Canada a assumé activement un rôle de chef de file dans les efforts régionaux et mondiaux visant à rétablir la démocratie constitutionnelle et le respect des droits de la personne au Venezuela. Il a, de plus, joué un rôle déterminant pour maintenir une réponse internationale forte et coordonnée dans le but de remédier à la crise.

Le Canada était présent lors de la création du Groupe de Lima, en août 2017, et a assisté à toutes les rencontres de groupe jusqu’à maintenant. Le Canada a organisé des rencontres ministérielles de groupe, en octobre 2017 et le 4 février de cette année.

Le gouvernement intérimaire du Venezuela de Juan Guaido a participé à la récente rencontre du Groupe de Lima à Ottawa, qui a permis d’élargir le consensus sur le Venezuela grâce à des partenaires internationaux qui étaient également présents.

Le Canada a également publié la Déclaration d’Ottawa pour le Venezuela, un document qui réitère le soutien à la démocratie au Venezuela et qui a reçu l’appui de 19 pays, notamment la République tchèque, l’Équateur, la Géorgie, le Kosovo, Israël, la Pologne, le Royaume-Uni, les États-Unis et les partenaires du Groupe de Lima.

Le Groupe de Lima s’est réuni à Bogota, le 25 février, et la ministre Freeland a assisté à la rencontre. Cette rencontre a permis de poursuivre sur la même lancée qu’à Ottawa et de condamner les événements de la fin de semaine précédente, tout en transmettant le message clair au régime de Maduro qu’il doit renoncer au pouvoir.

Le groupe a demandé fermement à la communauté internationale de se joindre aux efforts en vue de rétablir la démocratie et aux acteurs internationaux, comme la Cour pénale internationale, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Conseil des droits de l’homme et le secrétaire général des Nations Unies, et de réagir à la situation qui se détériore au Venezuela.

Le Groupe de Lima a également exhorté les forces armées et le système judiciaire du Venezuela à reconnaître l’autorité légitime du président intérimaire Guaido et a réitéré son engagement envers une transition démocratique pacifique menée par des citoyens du Venezuela, dans le respect du droit international et sans recours à la force.

[Traduction]

Au cours des 18 derniers mois, le Canada a également imposé des sanctions ciblées à 70 représentants et citoyens du Venezuela liés au régime de Maduro qui sont responsables de l’affaiblissement de la démocratie, de graves atteintes aux droits de la personne reconnus à l’échelle internationale et de corruption importante, ou qui en sont complices.

En mai 2018, en réponse aux élections présidentielles frauduleuses, le Canada a officiellement limité ses rapports diplomatiques avec le Venezuela, en restreignant la collaboration avec des représentants du Venezuela, en interdisant la coopération militaire bilatérale, en conservant l’interdiction du soutien du Canada à la candidature de Vénézuéliens désirant siéger à des organisations multilatérales ou internationales, et en interdisant la coopération militaire bilatérale officielle.

En septembre 2018, en collaboration avec l’Argentine, le Chili, la Colombie, le Paraguay et le Pérou, le Canada a renvoyé la situation du Venezuela à la Cour pénale internationale. En raison d’allégations crédibles à savoir que de graves crimes internationaux avaient été commis au Venezuela, le Canada a posé un geste historique; pour la première fois, des États ont demandé à un tribunal d’examiner le dossier d’un autre État.

En même temps, le Canada a assumé un rôle de chef de file dans ses efforts pour régler la situation au Venezuela par l’entremise de forums internationaux auxquels ont participé l’Organisation des États américains et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Le 4 février 2019, le Canada a annoncé qu’il verserait près de 53 millions de dollars à une intervention intégrée visant à stabiliser la situation, à offrir de l’aide humanitaire et à déployer des efforts au chapitre du développement pour appuyer les personnes touchées par la crise au Venezuela, portant ainsi notre contribution totale jusqu’à maintenant à plus de 55 millions de dollars. Ce montant comprend une enveloppe de 16 millions réservée à l’aide humanitaire pour aider les organisations humanitaires d’expérience à fournir de l’aide vitale, comme de la nourriture, des soins de santé, de l’eau et des services sanitaires, à des populations vulnérables ou touchées par la crise, notamment dans les collectivités ayant accueilli des Vénézuéliens au sein du pays et dans les pays voisins.

Le Canada a indiqué clairement que le rétablissement pacifique de la démocratie et la reconstruction du pays devaient être dirigés par les Vénézuéliens. Cependant, la communauté internationale, le Groupe de Lima et le Canada continueront de les appuyer comme au début de la crise afin d’assurer une transition pacifique vers la démocratie, dans le respect de la constitution du Venezuela.

Si l’on se tourne vers l’avenir, nous devons planifier le dur labeur qui suivra la transition pour que les Vénézuéliens puissent reprendre dans les plus brefs délais le chemin de la prospérité économique. Je vous remercie, honorables sénateurs.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Bienvenue, et merci de votre très intéressante présentation. Ma question porte sur les 53 millions de dollars que le Canada a accordés pour le déploiement de l’aide humanitaire au Venezuela lors de la réunion tenue il y a quelques semaines à Ottawa.

On a lu que, de cette somme, seulement 2,6 millions de dollars seront versés à des organismes vénézuéliens d’aide humanitaire, et que la majorité des fonds seront versés au Pérou et à la Colombie pour les aider à gérer le flux migratoire en provenance du Venezuela.

Ma question a deux volets. Premièrement, pourquoi une si faible proportion des fonds a-t-elle été versée directement aux organisations humanitaires vénézuéliennes? De plus, considérant le fait que le président Maduro refuse l’aide humanitaire internationale, j’aimerais savoir quelle est l’approche du Canada vis-à-vis du financement des deux pays les plus rapprochés du Venezuela.

M. Grant : Merci beaucoup. Je vais commencer par votre deuxième question.

Il est clair que les besoins sont réels, tant en Colombie et au Pérou qu’en Équateur. Il y a maintenant plus de 3 millions de Vénézuéliens dans ces pays, et le stress qui pèse sur leur système est vraiment important. Il est nécessaire d’aider les Vénézuéliens là-bas ainsi que les pays qui reçoivent les migrants. Cette assistance est apportée aux Vénézuéliens dans ces pays.

La sénatrice Saint-Germain : Avez-vous signé une entente avec la Colombie et le Pérou à cet effet, afin de garantir que les fonds iront réellement à des ressortissants vénézuéliens?

M. Grant : Dans ces pays, comme au Venezuela, nous avons un accord avec les organisations internationales.

La sénatrice Saint-Germain : Ce n’est donc pas de pays à pays, mais par l’intermédiaire des ONG?

M. Grant : Exactement. Toutefois, il est clair que ces fonds sont utilisés pour les besoins identifiés dans ces pays. Ce n’est pas exactement un accord, mais nous travaillons ensemble.

La sénatrice Saint-Germain : D’accord.

M. Grant : En ce qui concerne la proportion de l’aide accordée au Venezuela, il est très difficile, à l’heure actuelle, de trouver des organisations avec qui on peut travailler au Venezuela. On a une expérience avec les ONG locales, mais on n’a pas les conditions nécessaires pour faciliter l’utilisation de ces fonds. Même les organisations internationales — les Nations Unies et ses organisations, par exemple — ne sont pas aussi présentes au Venezuela qu’elles le sont dans d’autres pays qui font face à la même situation. C’est la raison pour laquelle la proportion est différente.

La sénatrice Saint-Germain : Une différence importante. Merci.

M. Grant : De rien.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Merci. J’aimerais soulever un point concernant l’armée, si vous le permettez.

D’après ce que nous avons vu et entendu, avant qu’il soit possible de renverser Maduro, l’armée devra l’abandonner. Je simplifie peut-être beaucoup les choses.

Cela dit, si c’est le cas, et comme l’armée joue clairement un rôle important dans le maintien au pouvoir de Maduro, vous avez mentionné qu’on a offert l’amnistie pour les cas possibles de corruption et de violation des droits de la personne aux militaires qui se rangent du côté de Guaido. L’armée joue un rôle très important dans l’industrie pétrolière du Venezuela. Elle est responsable des importations et des exportations ainsi que des marchés pour les projets de logement public et elle possède des commissions responsables des services pétroliers et miniers.

Les militaires sont très bien placés et ont de nombreuses ressources. Avec une telle richesse contrôlée par l’armée, quelle serait la motivation des généraux supérieurs de déserter pour se rallier à M. Guaido?

M. Grant : C’est une excellente question, et c’est une question que les gens qui comme nous suivent, analysent et tentent de comprendre la situation au Venezuela se posent souvent.

Sans vouloir trop lire dans les événements de la fin de semaine dernière, je crois que l’on s’attendait à un plus grand nombre de désertions que ce qui s’est produit. Je crois que M. Guaido et l’Assemblée nationale s’attendaient à ce que beaucoup plus désertent.

Une des choses que le Canada et d’autres intervenants ont faite a été de tenter de cibler l’entourage de Maduro, y compris des militaires hauts gradés, au moyen de sanctions très claires. Vous soulevez un excellent point lorsque vous dites que ceux qui ont profité de la corruption du régime sont réticents à abandonner Maduro.

Ceux qui ont déserté ont toutefois déclaré très clairement que l’armée penche de plus en plus du côté de M. Guaido et que, bien que le nombre de désertions se soit amélioré, il y a un fort pourcentage de soldats qui n’appuient pas Maduro, mais ceux-ci vivent dans la peur, tout comme la population du Venezuela.

Nous avons vu, le 23 janvier et aussi le 23 février, les deux plus grands jours de manifestations, que les militaires comme tels n’ont pas confronté les citoyens. Il y a eu des manifestations sur lesquelles l’armée a fermé les yeux et qu’elle a laissées se dérouler sans intervenir. Malheureusement, les militaires ne sont pas les seuls à avoir des armes au Venezuela. Des troupes d’assaut sans uniforme appelées colectivos ont commis des actes violents et assassiné des gens. Ces troupes semblent être les exécutants du régime.

Vous demandez ce qui motive certains à rester du côté de Maduro. La peur est selon moi la principale motivation. Il ne fait aucun doute que certaines personnes haut placées ont retiré un avantage économique de la situation, mais la vaste majorité des militaires s’inquiètent simplement de ce qui arrivera à leur famille s’ils désertent.

La sénatrice Bovey : Quand cette peur se transformera-t-elle en peur de ne pas être partis?

M. Grant : C’est une très bonne question, et c’est aussi une question que nous posons à tous les Vénézuéliens. Nous avons vu beaucoup de courage pour ce qui est de manifester dans les rues et d’appuyer ouvertement la constitution et la démocratie. Cela n’a pas jusqu’ici suffi à changer la situation, mais la détermination est ferme.

Le président intérimaire Guaido était présent à la réunion du Groupe de Lima qui a eu lieu récemment et il a indiqué clairement que, bien que le 23 février les actions du régime de Maduro aient empêché de recevoir de l’aide, il continuera de tenter d’apporter des vivres et des médicaments aux Vénézuéliens et il continuera de diriger. Je crois que nous verrons de plus en plus de gens l’appuyer dans les rues du Venezuela.

La présidente : Vous avez parlé des colectivos. On me dit qu’ils sont actuellement très actifs contre les membres de l’Assemblée nationale. Êtes-vous au courant de cela? Tout d’abord, est-ce vrai? Deuxièmement, est-ce que cela signifie qu’un désespoir s’installe au sein du régime de Maduro? Il y aurait des gangs, des groupes ou des bandes d’individus fidèles à Maduro qui attaquent des membres de l’Assemblée nationale, ou du moins qui les menacent. Est-ce le signe d’un certain désespoir?

M. Grant : Nous avons été témoins, au cours des dernières années, d’un certain nombre d’actions menées contre des acteurs politiques au Venezuela. Certains ont été tués, et bon nombre sont actuellement en prison ou en détention à domicile. Au cours des dernières semaines, nous avons aussi vu des actions commises contre M. Guaido. Lui et d’autres ont été détenus dans l’Assemblée nationale.

Nous avons été informés qu’aujourd’hui, des individus armés se seraient présentés à l’Assemblée nationale pour troubler les travaux. Juste avant de venir ici, j’ai lu sur WhatsApp un message qui provenait indirectement d’un membre de l’Assemblée nationale et qui disait que c’était en train de se produire et que l’Assemblée nationale tentait de poursuivre ses travaux. Je ne sais pas comment la situation évolue actuellement, mais c’est extrêmement troublant.

Le fait que ces bandes de colectivos et de voyous armés de Maduro mènent toujours leurs activités si librement est vraiment préoccupant. Nous avons vu au cours des derniers jours, particulièrement lors des tentatives d’apporter de l’aide, qu’ils ne reculeront devant rien pour arriver à leurs fins. C’est extrêmement troublant. Je pense, à mesure que nous progressons et que le soutien de la communauté internationale s’accroît pour Juan Guaido, que nous devons continuer à dénoncer ces actions. Le Canada l’a fait et continuera de le faire auprès des Nations Unies. Cela a joué un grand rôle dans la décision d’alerter la Cour pénale internationale quant à la situation au Venezuela. Il faut attirer l’attention sur ce qui se passe.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence cet après-midi. Il s’agit d’une situation triste et très grave, dans laquelle des vies sont menacées. J’aimerais que vous nous parliez un peu de la façon dont le Canada gère le respect de ses ententes internationales relatives à la souveraineté du Venezuela?

Plusieurs ententes nous limitent. Le Canada est très impliqué avec Lima. Le Canada a dit clairement qu’il ne voulait pas s’impliquer militairement. D’un autre côté, Mike Pence, aux États-Unis, fait souvent référence à des sanctions. Les États-Unis demandent aux Nations Unies de jouer un plus grand rôle.

Trouvez-vous que le Canada gère ou respecte ses ententes, malgré tout? Quelle serait la solution à envisager? On envisage évidemment une solution démocratique, mais comment parvenir à cet objectif?

M. Grant : Je crois que la solution est simple : c’est la Constitution du Venezuela. De toute évidence, s’il n’y a pas de président, comme c’était le cas le 10 janvier, il y a une piste. L’Assemblée nationale exerce l’autorité présidentielle. Le président de l’Assemblée nationale est le président par intérim. Le seul but de ce gouvernement est de gérer des élections. C’est le mandat de Juan Guaido. C’est compliqué, parce que, en tant que président par intérim, il ne dispose pas de toutes les mesures gouvernementales requises pour déclencher des élections. Il est nécessaire que la communauté internationale maintienne son appui au gouvernement légitime et son désaccord face au régime de Maduro. La seule solution repose sur la démocratie et les élections.

Le sénateur Massicotte : Au départ, vous dites que c’est évident, que c’est clair que le président n’existe pas et que le président devrait être le président de l’Assemblée nationale. On se base sur quelle entente internationale pour déterminer que le président intérimaire ne fait pas bien son travail? Sur quelle entente internationale se base-t-on pour imposer notre opinion?

M. Grant : Sur la Constitution du Venezuela de 1999 et sur l’autorité de l’Assemblée nationale du Venezuela.

Le sénateur Massicotte : Je ne comprends pas. La déclaration selon laquelle l’élection du président n’était pas conforme aux règles acceptables est basée sur quelles ententes internationales? Notre opinion est-elle supérieure à une autre?

M. Grant : Ce n’est pas seulement l’opinion de la communauté internationale, mais celle du Venezuela lui-même. C’est l’Assemblée nationale, l’autorité légitime du Venezuela. Elle dit clairement que les élections de 2018 n’étaient pas légitimes, que le mandat du président Maduro s’est terminé le 10 janvier dernier. Son mandat a commencé en 2013. C’est tout à fait clair, selon la Constitution du Venezuela.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que le peuple a décidé. Selon ma compréhension des ententes internationales, il faut que ce soit le gouvernement comme tel qui nous invite à nous impliquer dans son pays, pas l’Assemblée nationale. Il n’est pas établi que le peuple parle. Pourquoi dites-vous que le peuple a parlé? Y a-t-il eu des élections légitimes par intérim? Non, on les voit dans les rues, mais...

M. Grant : Il y a eu des élections légitimes en 2015 à l’Assemblée nationale, où l’opposition de Maduro a été élue. Maduro a entamé des démarches pour changer illégalement le système du Venezuela avec une nouvelle législature, l’l’Assemblée nationale constituante , qui était un parlement parallèle à l’Assemblée nationale, mais les élections en 2015 et la Constitution de 1999 sont claires. Si un président n’est pas élu de façon légitime, les pouvoirs vont directement à l’Assemblée nationale et la présidence par intérim va au président de l’Assemblée nationale.

Le sénateur Massicotte : Vous savez que plusieurs pays affirment le contraire. On a tenu une réunion à ce sujet la semaine dernière. Les quatre témoins disaient clairement qu’il faudrait mettre en place un plan de succession rentable, que le président fasse une sortie honorable — et non le mettre en prison — et que les États-Unis ne doivent pas menacer d’attaquer. Cependant, depuis deux jours, on fait des menaces militaires. Même le nouveau président réclame l’implication des États-Unis. On dirait que la stratégie n’est pas cohérente. Même les militaires ont peur d’être punis. Entre-temps, il faut trouver une porte de sortie honorable. Y a-t-il quelque chose que je manque?

M. Grant : Je ne peux pas parler pour les États-Unis, mais la position du Canada est claire. Il y a une transition démocratique pacifique. C’est ce dont on a besoin. Maintenant, le Venezuela fait partie du Groupe de Lima, même sous le gouvernement de Juan Guaido. De plus, la déclaration du Groupe de Lima, il y a deux jours, était claire. On veut un processus pacifique, une transition pacifique démocratique sans recours à la force. Le Venezuela, le gouvernement de Guaido, est d’accord avec cette position. Alors, je ne peux pas parler de la position des États-Unis, mais c’est la position du Canada, du Groupe de Lima et du gouvernement de Juan Guaido.

Le sénateur Massicotte : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Merci à vous et aux membres de votre équipe, monsieur Grant, d’être ici aujourd’hui. Mon collègue, le sénateur Massicotte, a soulevé un point intéressant sur lequel j’aimerais revenir. Essentiellement, j’ai deux questions, que je poserai l’une après l’autre.

La première concerne la dynamique régionale. Par le passé, il y a eu d’autres initiatives régionales dans cet hémisphère. Je pense notamment au Groupe de Contadora, qui œuvrait dans les années 1980 à promouvoir la paix en Amérique centrale. Bien sûr, il y a l’organisation régionale, l’Organisation des États américains. Toutefois, lorsque le Groupe de Lima a été créé, les États-Unis jouaient un rôle plutôt secondaire, puis soudainement ce n’est plus vraiment le cas. Bien sûr, il y a une longue histoire entre ce pays et l’Amérique latine, la population le sait, et Nicolas Maduro utilise cela pour faire valoir ses positions ultranationalistes.

Les États-Unis et le Mexique travaillent fort, en parallèle, en vue d’une médiation, mais il semble que ce n’est pas tout le monde qui appuie le Groupe de Lima, et qu’il pourrait y avoir un peu d’hésitation en ce moment.

J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Je sais que vous étiez à Bogota avec la ministre. C’était ma première question.

La deuxième concerne la phase de reconstruction. Cette semaine, j’ai assisté à une rencontre de CARICOM où j’ai parlé à un certain nombre de représentants des Caraïbes.

On s’inquiète beaucoup du fait que, tandis que le Venezuela progresse vers un processus de transition, PetroCaribe, qui permettait au Venezuela d’exporter du pétrole subventionné vers plusieurs de ces pays, puisse cesser d’exister. Cela a aussi une incidence sur la dynamique au sein de l’Organisation des États américains. Je me demande si le Canada utilise tous ses leviers diplomatiques pour préparer à la reconstruction et à la transition, comme la Banque interaméricaine de développement et la Banque mondiale, où des crédits seront nécessaires, et même en fournissant de l’assistance technique, surtout dans le secteur pétrolier.

Bien sûr, il y a aussi une diaspora très importante, composée de Vénézuéliens qui sont partis tôt et qui ne sont pas partis à pied, contrairement à ceux qui se sont installés en Colombie et au Pérou, mais qui ont pris l’avion jusqu’à Miami pour y déménager.

Je me demande donc si beaucoup de planification est faite en ce qui a trait à cela.

M. Grant : Merci, sénateur.

Tout d’abord, pour ce qui est des dynamiques régionales, j’aimerais faire quelques remarques. En ce qui concerne le Venezuela, il y a eu, au cours des huit dernières années, un certain nombre de tentatives en vue d’engager le dialogue, pour trouver une solution et avancer. Certaines ont été menées par des acteurs de la région, et d’autres par des intervenants étrangers. Toutes ces tentatives de dialogue ont été bafouées par le régime de Maduro, qui ne s’en est servi que pour gagner du temps et ainsi de suite.

Je crois que l’émergence du Groupe de Lima représente à la fois une frustration quant au fait qu’aucune de ces tentatives n’ait fonctionné, et également une certaine frustration quant au fait que l’organisme principal, l’organisme multilatéral de la région, l’Organisation des États américains, n’a jamais vraiment pris de position claire.

C’est peut-être aussi la première fois de l’histoire que nous voyons un groupe des principaux pays d’une région s’unir très clairement pour intervenir contre un autre pays de la même région. Comme vous le savez sans doute, il s’agit d’une région qui s’enorgueillit du fait qu’elle règle ses propres problèmes, et il s’agit d’une évolution historique du Groupe de Lima.

Je crois qu’une des choses qui a permis au Groupe de Lima de très clairement tracer la voie, et qui a permis à la communauté internationale de se rallier derrière lui — j’aborderai dans quelques instants certains des processus que vous avez mentionnés — est qu’il est dirigé par des intervenants de la région. Le Canada a joué, selon moi, un rôle très important, non seulement en tant que membre régional, mais aussi comme intervenant multilatéral clé. Que ce soit au sein de l’Organisation des États américains ou des Nations Unies, nous avons contribué notre expérience à ce groupe, et je crois que les autres membres nous en sont reconnaissants.

Selon moi, le fait que les États-Unis ne fassent pas partie du Groupe de Lima est tout à fait intentionnel, et c’était un choix délibéré. Étant donné l’histoire dans cette partie du monde, certains pays de la région membres du Groupe de Lima ont indiqué très clairement que pour que le groupe soit efficace, les États-Unis ne devaient pas en faire partie. L’apport du Canada est toutefois très utile pour eux.

Pour ce qui est des autres processus ou points de vue dans la région, la Déclaration d’Ottawa pour le Venezuela résume vraiment nos positions. Nous appuyons la volonté du peuple vénézuélien de suivre sa propre constitution démocratique. Nous croyons que nous devons fournir de l’aide humanitaire, que les droits de la personne doivent être respectés, et que la communauté internationale a un rôle à jouer dans la reconstruction du Venezuela lorsque le processus de transition sera entamé.

Je crois que ces principes bénéficient d’un appui solide de la part de la communauté internationale. Il y a peut-être toutefois une légère différence d’opinions, par exemple, si l’on compare à l’initiative de l’Union européenne, le Groupe de contact. En fait, ce groupe développe les mêmes principes. De notre côté, nous indiquons clairement que la constitution doit être suivie et que la démocratie doit être respectée. Nous croyons que Maduro n’a plus aucune légitimité et que le processus doit se poursuivre sans lui. Les Européens quant à eux ne sont pas autant entrés dans les détails. En toute franchise, je crois qu’il est un peu dommage qu’ils n’aient pas été jusqu’à préciser ce qu’ils voulaient dire par « respecter la démocratie ».

Pour l’essentiel, nos objectifs restent exactement les mêmes. Nous demeurons en contact étroit avec les Européens, comme le Groupe de Lima le fait avec d’autres acteurs, y compris le Mexique. La ministre Freeland s’est entretenue avec son homologue hier, après la réunion du Groupe de Lima. Il y a aussi les États-Unis, qui sont un intervenant important dans ce dossier, et une liste croissante d’autres pays. Le Japon a récemment annoncé qu’il appuyait Juan Guaido comme étant l’autorité légitime.

C’est très important en ce moment pour ce qui est de témoigner du soutien politique pour M. Guaido et de l’opposition à Maduro, mais ce sera encore plus crucial lorsque nous arriverons à l’étape de la reconstruction, que vous avez mentionnée. Le Canada a déjà engagé le dialogue avec la Banque interaméricaine de développement, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale afin d’élaborer des plans pour cela, et nous devons être prêts à montrer notre engagement à l’égard de la reconstruction du Venezuela de façon matérielle.

La rencontre du 4 février du Groupe de Lima a inclus une séance donnée par un universitaire travaillant sur un plan qui a été adopté par l’Assemblée nationale comme plan de reconstruction pour le Venezuela. C’est un plan très complet, et les institutions financières internationales l’étudient actuellement. Celles-ci devront fournir des ressources considérables lorsqu’il sera temps de passer à la reconstruction. Cela touche plus que le Venezuela. Vous avez tout à fait raison de souligner que des pays dépendent du pétrole vénézuélien bon marché depuis un certain nombre d’années et que le Canada a de bonnes relations dans l’ensemble des Caraïbes. Nous avons entretenu un dialogue très étroit avec nos partenaires tout au long du processus. Deux pays des Caraïbes sont membres du Groupe de Lima, Sainte-Lucie et la Guyane. Nous croyons qu’il est important que leurs voix soient entendues tandis que nous allons de l’avant avec la reconstruction.

La sénatrice Coyle : Merci pour votre exposé, monsieur Grant, et merci aussi d’avoir fait le point sur la situation après la fin de semaine difficile qui vient de passer. Les choses ne se sont pas déroulées comme les gens auraient souhaité cette fin de semaine, mais qui aurait pu le prédire? Cela dit, les choses n’ont pas bien été. Vous avez décrit de façon très claire la situation au Venezuela et dans les pays voisins où des réfugiés se trouvent maintenant, et aussi la volonté du Canada — que nous pouvons tous approuver, je crois — d’aider à rétablir la démocratie de façon pacifique et conforme à la constitution du Venezuela.

La semaine dernière, nous avons reçu d’autres témoins. J’aimerais vous citer le témoignage de l’un d’eux, M. Donald Kingsbury. Je le citerai directement :

Enfin, le présent ressemble au passé en ce que la majorité des Vénézuéliens ne s’identifient ni comme étant chavistes ni comme partisans de l’opposition. Comme l’a souligné M. Hetland, la majorité veut que Nicolas Maduro parte, mais cela ne se traduit pas toujours ni même souvent par un appui inconditionnel pour l’opposition, ni avant ni après l’annonce de Juan Guaido qu’il assumait la présidence [...]

Nous avons aussi entendu le témoignage de l’ancien ambassadeur Rowswell, qui nous a également dit que certains sondages avaient été effectués pour tâter le terrain par rapport à divers groupes au Venezuela. J’aimerais connaître votre réponse à ce que M. Kingsbury nous a dit et ce qu’est la situation actuelle d’après ce que vous avez constaté au pays.

M. Grant : Nous ne menons pas vraiment d’études sur l’appui de la population au Venezuela. Ce que l’on observe et notre analyse nous portent toutefois à croire qu’il y a un appui grandissant pour que l’Assemblée nationale, qui est dirigée par Juan Guaido, le président intérimaire actuel, mène le Venezuela vers des élections libres et justes. Je crois qu’il s’agit là de l’essence de ce qu’appuient le Canada et le Groupe de Lima.

Il est intéressant de regarder comment Juan Guaido est devenu président intérimaire du pays. Bien qu’il fait selon moi du bon travail pour ce qui est de communiquer avec les Vénézuéliens et le reste du monde, il a été nommé président intérimaire uniquement parce qu’il présidait l’Assemblée nationale. M. Guaido est devenu président de l’Assemblée nationale le 5 janvier. En vertu du système de l’Assemblée nationale, une rotation se fait entre les principaux partis politiques. C’était le tour de son parti, et comme il était le chef du parti, il est devenu président de l’Assemblée nationale. Cela s’est produit le 5 janvier. Le 10 janvier, le régime légitime de Maduro a pris fin, on a dû s’en remettre à la constitution du Venezuela, et les dispositions de la constitution ont fait que M. Guaido est devenu président.

Je ne crois pas que le Venezuela se rallie tant derrière une personne que simplement pour la légitimité et la démocratie. Les Vénézuéliens veulent des élections libres. Essentiellement, ils veulent retrouver leur liberté. C’est un sentiment qui s’accroît de façon assez claire, que l’on pense à la taille des manifestations ou, bien franchement, aux actions de Maduro et de ses sbires. Il ne fait aucun doute qu’ils voient eux aussi que le soutien pour le président intérimaire, pour l’Assemblée nationale et pour le pouvoir légitime s’accroît.

La sénatrice Coyle : En ce qui concerne les actions de Maduro et ses sbires, dont vous avez parlé, vous dites que la communauté internationale constate un changement dans leur approche parce qu’ils se trouvent acculés au pied du mur, c’est bien cela? C’est ce que vous dites?

M. Grant : Nous avons observé un certain nombre d’actes répréhensibles de la part du régime de Maduro au cours des dernières années. En fait, ce qui a poussé le Canada et d’autres pays à alerter la Cour pénale internationale a été une étude menée par l’Organisation des États américains qui a été publiée le printemps dernier. Un certain nombre d’actes ont précédé ceux dont nous venons tout juste d’être témoins.

Je crois que ce que nous avons observé la fin de semaine dernière montre clairement que le régime de Maduro remarque un soutien croissant pour M. Guaido et l’Assemblée nationale, et que c’est ce qui a poussé le régime à littéralement brûler la nourriture et les médicaments qui étaient destinés aux gens affamés et malades du Venezuela.

La présidente : C’est peut-être provocateur, mais vous avez dit qu’il n’y avait aucun rôle pour M. Maduro. N’est-ce pas là la légère différence de point de vue entre le groupe européen et le Groupe de Lima, en ce que le premier dit ne pas vouloir émettre d’hypothèses sur les partis qui entreront dans l’équation, car il souhaite qu’il s’agisse d’une transaction pacifique? Le Groupe de Lima parle de « transactions pacifiques » et de « transfert de pouvoir », mais affirme qu’il n’y a aucun rôle pour M. Maduro. L’une des difficultés pour M. Maduro est par conséquent de savoir quelle est la sortie si vous avez déjà affirmé que vous saisiriez la Cour pénale internationale de l’affaire. Cela me rappelle beaucoup la situation au Zimbabwe, avec le président Mugabe et l’armée. Un facteur important était ce qui allait se passer pour lui s’il cédait le pouvoir. La même chose est en train de se produire en ce moment même avec le président Béchir au Soudan. Un facteur important ici est la Cour pénale internationale; devrait-on la dessaisir de l’affaire? Des intervenants européens semblent mettre de côté la justice au profit de la paix. C’est donc toujours cet éternel dialogue.

Le Groupe de Lima est-il ouvert à une négociation pacifique qui donnerait une porte de sortie à Maduro, et qui serait menée non pas par le Groupe de Lima, mais par l’Assemblée nationale et le peuple du Venezuela?

M. Grant : Merci, sénatrice. Le Groupe de Lima a indiqué très clairement qu’il doit s’agir d’une transition démocratique pacifique dirigée exclusivement par le peuple vénézuélien. Selon la constitution du Venezuela, la seule autorité légitime en ce moment est l’Assemblée nationale.

Le Groupe de contact européen — dont j’ai décrit plus tôt la légère divergence sur les principes — et la grande majorité des pays de l’Union européenne disent reconnaître Juan Guaido comme étant la seule autorité légitime au Venezuela.

Vous soulevez la question du rôle de Maduro. Cette décision revient au peuple vénézuélien. Elle revient à l’Assemblée nationale. La constitution du Venezuela dit qu’il devrait y avoir un gouvernement intérimaire pour diriger le pays vers des élections. Nous espérons tous que ces élections seront bien gérées et qu’elles seront libres et justes. Le résultat de ces élections sera déterminé par les Vénézuéliens. C’est le processus que nous devrions épauler.

La présidente : Je suppose que mon argument — car deux autres membres souhaitent intervenir, et il reste cinq minutes — est que le message doit être très clair. Vous avez présenté les choses de la façon dont le souhaite, je crois, le Groupe de Lima. Vous dites qu’il n’y a pas de rôle pour Maduro et que selon les règles, l’Assemblée nationale détient l’autorité légitime légale, mais que ce qui suivra dépendra de la population. Je crois qu’il s’agit simplement d’une différence quant à la façon de communiquer le message.

Il nous reste quatre minutes.

Le sénateur Boehm : Il y a un acteur important dont nous n’avons pas parlé aujourd’hui, et c’est Cuba. Plus tôt cette semaine, nous avons rencontré des parlementaires mexicains et eu une bonne discussion sur le Venezuela, la doctrine Estrada et toutes ces choses dans le cadre de notre relation avec le Mexique. Le Mexique et le Canada sont dans une position unique.

Nous avons de bonnes relations avec Cuba. Nous ne nous sommes jamais séparés d’eux, d’un point de vue diplomatique. Ne devrait-il pas y avoir — ou peut-être qu’il y en a déjà — des discussions en coulisse avec les Cubains, étant donné leur forte présence sur le plan de la sécurité et du renseignement au Venezuela — et dans tous les aspects du pays —, et aussi certaines assurances potentielles? Si nous examinons les stratégies de sortie, ou s’ils cherchent une porte de sortie pour M. Maduro, serait-il possible d’arriver à une entente? Je ne fais qu’émettre des hypothèses, mais si cela fonctionne, ce serait un cas de diplomatie de coulisse classique.

M. Grant : Merci, sénateur.

Oui, ces discussions devraient avoir lieu, et elles ont lieu. En fait, si l’on jette un coup d’œil à la dernière déclaration du Groupe de Lima — certainement dans la dernière, je crois, celle du 4 janvier, et peut-être que cela a aussi été répété le 4 février —, le Groupe de Lima croit en l’importance d’un dialogue avec tous les acteurs. En tant que groupe et en tant que membres individuels, nous communiquons régulièrement avec les Européens, les Américains et les Cubains. Nous avons aussi indiqué clairement — bien que ce ne soit pas dans la déclaration — que nous croyons que nous devrions aussi collaborer avec d’autres intervenants, comme la Russie et la Chine.

En ce qui concerne Cuba, le Canada a en effet une relation productive avec ce pays. Nous avons récemment tenu nos consultations annuelles avec de hauts fonctionnaires, et je peux affirmer clairement qu’il a été question du Venezuela et que nous avons cherché à partager nos points de vue et à trouver une solution commune.

Y sommes-nous parvenus? Non. Nous nous sommes heurtés à un désaccord fondamental. Aujourd’hui, nous avons parlé de façon très claire de la position du Canada, mais celle de Cuba est différente. Cela dit, Cuba est un acteur important dans la région, et un acteur important dans ce dossier. Il y a quelques domaines dans lesquels certaines positions et approches adoptées par Cuba nous préoccupent. Nous avons toutefois une relation suffisamment mature pour lui faire part de cela de façon très claire, et c’est ce que nous faisons.

La présidente : Je vous remercie, monsieur Grant, madame Urban et madame Atkinson, de votre exposé. Je dois dire que notre comité entend beaucoup d’exposés d’Affaires mondiales Canada. La façon dont vous avez structuré celui que vous avez fait aujourd’hui a été très utile, tant pour les sénateurs que pour ceux qui nous écoutent et qui ont besoin d’en savoir plus sur la situation. Vous avez fourni un peu de contexte historique et fait le point sur la situation, et cela a répondu à beaucoup de questions qu’avaient ceux d’entre nous qui suivent ce qui se passe au Venezuela. Nous poursuivrons l’étude de ce dossier, qui nous préoccupe grandement. Cela se passe dans notre hémisphère.

Nous sommes heureux que vous ayez pu répondre à la plupart de nos questions et que la position du gouvernement et d’Affaires mondiales Canada soit la même que la nôtre : on examine la situation, on cherche une façon d’appuyer le retour d’un gouvernement légitime au Venezuela et on tente de résoudre la situation actuelle de façon pacifique. On ne peut qu’espérer.

Nous vous remercions d’avoir contribué à nos travaux, et nous espérons que vous continuerez de présenter de tels exposés.

Nous passons maintenant à M. Dubé, qui se joint à nous par vidéoconférence. La dernière fois, nous n’avions pas été en mesure d’entrer en contact avec lui. Nous espérons que cela fonctionnera aujourd’hui et que, si tout va bien, il sera possible de terminer avant l’heure habituelle.

Merci encore à nos témoins.

Honorables sénateurs, nous poursuivons la discussion sur la situation au Venezuela que nous avions entamée pendant la première partie de la réunion d’aujourd’hui. Le comité tient à être mis au courant des plus récents développements là-bas et à connaître les obstacles que doivent surmonter les Vénézuéliens ainsi que les répercussions sur le reste de la région.

Notre prochain témoin devait comparaître la semaine dernière par vidéoconférence à partir de la Colombie, mais en raison de difficultés techniques, la communication a dû être interrompue. Nous allons nous reprendre ce matin, dans l’espoir que la connexion tiendra bon.

Je souhaite donc de nouveau la bienvenue à Sébastien Dubé, qui est professeur au Département de science politique et de relations internationales à l’Universidad del Norte de Barranquilla, en Colombie. Il s’adressera à nous par vidéoconférence.

Soyez le bienvenu au comité, monsieur Dubé. J’espère que vous nous entendez bien — et que nous pourrons vous entendre nous aussi —, car la dernière fois, les interprètes avaient du mal à vous entendre. Encore une fois, bienvenue. Nous allons commencer par vous.

[Français]

Sébastien Dubé, professeur, Département de science politique et de relations internationales, Universidad del Norte - Barranquilla, Colombia, à titre personnel : Bonjour, madame la présidente, merci beaucoup.

Je pense que, à la suite des événements des derniers jours, il y a lieu de revoir les perspectives quant aux probabilités d’un changement de régime au Venezuela et quant aux risques pour la politique étrangère canadienne. Je tiens aussi à préciser qu’en ce moment, Juan Guaido se trouve hors du Venezuela. Il était ici, en Colombie, pour la rencontre du Groupe de Lima. Hier, il a annoncé qu’il rentrerait aujourd’hui au Venezuela. Par contre, au cours des dernières heures, il a annoncé qu’il se rendrait au Brésil pour une réunion de deux jours. Il faudra voir s’il tentera de retourner à Caracas vendredi. Il faudra voir si les autorités tentent de l’empêcher de rentrer au Venezuela ou si elles procèdent à son arrestation. Si c’est le cas, tout le contexte actuel pourrait se modifier de manière draconienne.

Aujourd’hui, le portrait est plus sombre pour les partisans d’un changement de régime et les partisans de la tenue d’élections libres au Venezuela. L’objectif de la politique étrangère canadienne, qui est alignée sur le Groupe de Lima, me semble plus éloigné en ce moment qu’elle ne l’était il y a une semaine à peine.

Quel est le bilan maintenant, cinq semaines après la déclaration du 23 janvier de Guaido? D’abord, je perçois une certaine stagnation dans les avancées de l’opposition et je crois que le rapport de force entre Maduro et Guaido semble revenir en faveur du président, Nicolas Maduro. Il y a un mois à peine, un avenir à court terme sans Nicolas Maduro était envisageable, mais cela me semble être beaucoup moins le cas aujourd’hui. Cette stagnation s’observe de différentes façons.

Tout d’abord, les progrès de l’opposition sont mitigés, malgré la tentative de coup de force politique et diplomatique de samedi dernier, et on n’assiste pas à un affaiblissement notable du régime; il n’y a pas de signe de fracture au sein des dirigeants politiques et militaires. Il n’y a pas de vague de défection en cours et aussi, ce qui est considérable, il n’y a pas eu de soulèvement populaire, malgré l’indignation que pouvait provoquer l’échec de l’opposition à faire entrer des aliments au pays samedi dernier.

Cela dit, le pouvoir de Maduro demeure entier. C’est un régime qui reste très fort politiquement en matière de contrôle politique, mais qui est toujours aussi fragile socialement. Cette situation a cinq grandes conséquences.

Premièrement, on voit toujours un rejet de toutes les demandes d’ouverture de négociation et de tenue de nouvelles élections de la part de Nicolas Maduro. Je ne pense pas que Nicolas Maduro acceptera de tenir des élections qu’il ne pourra jamais gagner. Il a tout à perdre avec la tenue d’élections libres et transparentes, donc ce scénario est fort improbable.

Deuxièmement, il n’y a aucune volonté réelle de négocier et le dialogue entre M. Guaido et Nicolas Maduro n’est pas envisageable, ni pour le régime ni pour l’opposition. Le rapport de force de Guaido est en baisse et ne peut remonter qu’avec des menaces d’intervention, ce qui est aussi une stratégie risquée. Par ailleurs, depuis hier, Nicolas Maduro parle de négocier non pas avec Guaido, mais directement avec le président américain. Il y a là une stratégie de déviation du débat de la part de Maduro, qui vise à isoler encore plus Juan Guaido. Donc, le scénario d’une solution négociée, à mon sens, entre le régime et l’opposition, est tout aussi improbable.

Troisièmement, l’offre d’amnistie de Guaido aux militaires est insuffisante et sans réelle garantie. Donc, elle ne convainc toujours pas les militaires hauts gradés et, à mon avis, un coup d’État militaire devient plus probable, même si c’est très complexe, qu’une série de défections individuelles qui affaibliraient Maduro.

Quatrièmement, le cul-de-sac politique fait que le scénario d’une intervention prend davantage d’importance, tout en demeurant fort improbable.

Cinquièmement, pour Maduro, le défi consiste à gagner du temps, espérer un essoufflement de l’opposition et son éventuel déchirement à cause de possibles divisions internes, et une autre partie du défi consiste à maintenir une stabilité sociale avec l’aide de la Russie, de la Chine et de la Turquie. C’est une stratégie qui l’a bien servi depuis 2014 et ses alliés peuvent aussi soutirer le maximum du régime Maduro.

J’ajouterais finalement que le gouvernement Maduro semble être en mesure malgré tout d’affronter de nouvelles sanctions, du moins à court terme, et le scénario d’une possible intervention militaire, à mon avis, viendra sans doute diviser le Groupe de Lima au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

En conséquence, je pense qu’une radicalisation du conflit est à prévoir avec, d’une part, une augmentation de la répression contre Guaido et l’Assemblée nationale, et, d’autre part, avec la radicalisation de l’opposition, des fractures à prévoir entre modérés et radicaux et, socialement, une augmentation du mécontentement de la population.

Cela dit, pour la politique étrangère canadienne, je pense qu’il faudrait peut-être revenir à l’essentiel et définir quel est le premier objectif du Canada au Venezuela soit, dans un premier temps, celui d’une transition démocratique avec des élections libres à court terme ou, comme deuxième option à privilégier, une amélioration des conditions sociales dans le pays.

En terminant, je crois que le Canada doit maintenir une position de rejet de toute intervention militaire; maintenir une position d’appui à l’organisation de nouvelles élections libres et transparentes, même si c’est un scénario très difficile; appuyer l’organisation de missions humanitaires dirigées par des organisations internationales qui peuvent assurer la transparence et la neutralité politique; penser à une stratégie à moyen et à long terme dans le but d’éviter une transformation du régime vénézuélien qui pourrait ressembler à une cubanisation du régime; et, enfin, prévoir quelle pourrait être la réaction du gouvernement si de la répression est exercée contre Juan Guaido et l’Assemblée nationale au cours des prochains jours et des prochaines semaines. Merci.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie.

Le sénateur Dean : Peut-être avez-vous déjà répondu à ma question dans votre exposé, mais j’aimerais savoir ce qui vous empêche de dormir la nuit. Vous avez déjà nommé une série de choses, mais, dans l’immédiat, qu’est-ce qui vous inquiète le plus?

[Français]

M. Dubé : Je pense que l’histoire latino-américaine nous dit que, dans les cas d’incapacité de négocier, les radicaux des deux côtés de la table peuvent prendre de plus en plus d’importance.

Je pense que toute la stratégie de l’opposition de positionner Juan Guaido comme président de l’Assemblée nationale était de projeter une image de modération, une image de réforme plus que de rupture. Or, la réponse du régime Maduro consiste à ne pas vouloir négocier avec la position plus modérée et je crains que la position de Juan Guaido ne s’affaiblisse au sein même de l’opposition vénézuélienne et que l’on assiste à une escalade de tensions avec une augmentation des tensions sociales.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Dubé.

Vous parlez d’intervention et d’opérations militaires et vous dites que, selon vous, il y a une probabilité plus importante que celle que l’on prévoyait, disons, il y a deux ou trois semaines.

Parlez-vous d’un coup d’État militaire qui vise à mettre Maduro de côté, ou croyez-vous que cela se fera sous le règne de Maduro?

M. Dubé : Ce sont les deux scénarios les plus envisageables dans le cas où il n’y a absolument aucune possibilité de négocier. Dans le premier cas, à ce moment-ci, l’option d’un coup d’État militaire est plus probable, je crois, mais je ne la vois pas à court terme. Il y a certainement un mécontentement très fort au sein des forces armées, des hauts gradés, et le contrôle du pouvoir est extrêmement efficace pour éliminer toute forme de dissidence visible. L’autre partie du problème, c’est que les offres de garantie et d’amnistie viennent du président de l’Assemblée nationale. Il n’y a aucune garantie; si vous êtes un militaire haut gradé qui gravite autour de Maduro, vous pouvez négocier avec Juan Guaido, mais vous n’avez aucune garantie que, en cas d’élections libres, Juan Guaido sera candidat et que l’éventuel gouvernement élu respectera ses engagements d’amnistie. Il est alors très difficile, selon moi, de convaincre les hauts gradés militaires de lâcher Maduro.

Quant à une intervention militaire de l’extérieur, je la vois aujourd’hui encore peu probable, parce qu’aucun pays latino-américain n’a intérêt à ce que cela se produise, et je vois difficilement aujourd’hui le président des États-Unis être en mesure de justifier une menace à la sécurité nationale de la part du Venezuela. À moins qu’il y ait vraiment une provocation majeure de la part du Venezuela, par exemple par l’attaque d’un bateau transportant de l’aide humanitaire qui partirait de Porto Rico, ce scénario est peu probable.

Le sénateur Massicotte : Malgré cela, dans le cas d’un coup d’État, vous pensez que les États-Unis resteraient passifs et ne feraient pas d’intervention si un changement de gouvernement survenait?

M. Dubé : Je pense qu’il y a toute une stratégie de politique interne évidemment dans le cas de la position du président Trump. Je pense que, au cours des les derniers jours, on a peut-être vu un rapprochement. La déclaration du Groupe de Lima est très claire et rejette toute forme d’intervention extérieure, toute forme d’intervention militaire. Cependant, en même temps, M. Guaido se réunit avec Mike Pence et laisse toutes les options ouvertes.

Je crains que l’opposition vénézuélienne ne se radicalise à cause de l’absence de progrès et devienne de plus en plus ouvertement favorable à une intervention militaire. Là, on pourrait peut-être voir une intervention militaire, mais sans l’appui de l’OEA et sans l’appui des pays latino-américains.

Le sénateur Massicotte : J’aimerais obtenir une précision. Vous connaissez mieux le Venezuela que nous. On fait souvent référence à la Constitution, qui dit clairement que le président de l’Assemblée nationale devient président en l’absence d’élections justes et équitables. Le Venezuela a quand même deux parlements, l’un contrôlé par le chef de l’opposition et l’autre contrôlé par Maduro. La Constitution dit-elle clairement que c’est le président de l’Assemblée nationale qui devient président, et pas nécessairement le président de l’autre Chambre?

M. Dubé : Ma lecture de l’article 233 de la Constitution est un peu différente. L’article 233 de la Constitution vénézuélienne dit que, en cas de décès du président, en cas de démission ou en cas d’incapacité physique ou mentale du président, la Cour suprême décrète la vacance et c’est le vice-président qui devient président intérimaire. À l’intérieur d’une période de 30 jours, il doit convoquer une nouvelle élection présidentielle. La seule possibilité constitutionnelle que le président de l’Assemblée nationale a de devenir président intérimaire, c’est en cas d’abandon du pouvoir entre l’élection présidentielle et l’assermentation. Dans les faits, ma lecture de la Constitution est que le président Guaido de l’Assemblée nationale n’a pas le droit constitutionnel, dans ce cas, de se proclamer président. Par contre, l’autre partie du problème est que vous avez un président exécutif qui ne respecte pas la Constitution depuis un certain nombre d’années. Légalement, une lecture stricte de la Constitution n’autorise pas, selon moi, la proclamation de Juan Guaido. Par contre, on est à l’extérieur du cadre constitutionnel depuis un certain temps, et Juan Guaido est l’autorité politique la plus légitime puisqu’il a été élu par ses pairs de l’Assemblée nationale, qui est la dernière instance à avoir été élue selon un scrutin véritablement libre et transparent au Venezuela.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Saint-Germain : Merci beaucoup, monsieur Dubé. Votre témoignage est intéressant et original, car vous nous amenez sur certaines pistes qui n’entraient pas nécessairement dans notre perspective de Nord-Américains. J’interprète un peu certains de vos propos, alors je ne doute pas que, au besoin, vous allez exercer une certaine censure sur les miens. Si je comprends bien ce que vous dites, l’action du Groupe de Lima et, éventuellement, la limite du flux des réfugiés vénézuéliens vers les pays voisins en Amérique du Sud pourrait faire en sorte que Maduro, qui reçoit par ailleurs l’appui de la Russie et de la Chine et qui a toujours un fort appui de l’armée vénézuélienne, puisse se maintenir en poste plus longtemps grâce à cet appui.

En d’autres termes, en ce qui a trait à cet équilibre des pays, qui sont beaucoup plus des pays communistes ou des pays de l’ancien bloc communiste et qui sont très puissants, leurs relations avec les États-Unis — parce qu’il persiste encore des relations très importantes, notamment entre les États-Unis et la Chine — pourraient faire partie d’une équation qui sert à maintenir le président Maduro au pouvoir?

[Traduction]

La présidente : La vidéoconférence a pris fin, sénatrice Saint-Germain. Vous paraissez bien à l’écran, en tout cas.

La sénatrice Saint-Germain : J’ai besoin d’une réponse. Je viens tout juste de terminer ma question.

La présidente : Vous étiez en train de parler de cela quand les interruptions ont commencé, juste au moment où le sénateur Dean posait sa question. Votre question allait dans le même sens, selon moi. Nous allons tenter de rétablir la connexion. Je ne pourrais pas dire quand votre image est apparue à l’écran. On me dit que c’est à ce moment-là que M. Dubé a été coupé.

La sénatrice Saint-Germain : J’aimerais mieux que ce soit lui à l’écran, parce que nous voulons entendre sa réponse.

La présidente : C’est la connexion Internet, et le problème viendrait de la Colombie et non d’ici, à ce qu’on nous dit.

La communication est rétablie.

La sénatrice Saint-Germain était en train de vous poser une question. Pourriez-vous la répéter, madame la sénatrice?

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Cela dépend de ce que vous avez entendu, mais je vais résumer, parce que je ne veux pas qu’on vous perde. Votre réponse est importante. Dans l’ensemble des enjeux, dans l’échiquier international, on a des réflexes nord-américains face au Venezuela. Avec le Groupe de Lima, on examine les enjeux qui sont liés aux relations entre les États-Unis, le Canada, le Mexique et Cuba. Cependant, vous avez amené un autre axe sur cet échiquier, qui est celui des pays communistes qui sont alignés, notamment Cuba, la Chine et la Russie surtout. J’interprète un peu, et n’hésitez pas à me corriger. Au fond, vous indiquez que, avec l’aide humanitaire de ces pays, le flux migratoire pourrait, grâce à l’aide du Canada et du Groupe de Lima, être mieux contrôlée. Donc, l’enjeu de mitiger ou de limiter les flux migratoires, qui est un enjeu important pour les autres pays, devrait avoir été relativement bien géré. On attend, au cours des prochains mois, des élections dans les pays limitrophes. Est-ce que nous ne sous-estimons pas l’importance de l’appui de la Chine, de la Russie, le lien entre les États-Unis et la Russie, notamment, et de Cuba pour garder au pouvoir le régime Maduro?

M. Dubé : Oui, je suis tout à fait convaincu que le régime Maduro, avec toute la logique des sanctions contre le régime et contre les hauts dirigeants, survit grâce à l’appui de Cuba, de la Chine, de la Russie et de la Turquie. Il y a tout un processus d’exploitation minière légal ou illégal de l’or vers la Turquie pour compenser le manque d’entrées de liquidités et d’entrées de dollars au Venezuela à cause des sanctions américaines, notamment contre la pétrolière PDVSA.

Le rôle de la Russie est essentiellement politique. La Russie a vendu beaucoup d’armements au régime de Nicolas Maduro, mais c’est une alliée strictement géopolitique. Quant à la Chine, elle a investi énormément d’argent au Venezuela dans l’industrie pétrolière pour le développement d’infrastructures, mais je pense que la Chine est un acteur qui peut changer d’allégeance si Juan Guaido et l’opposition convainquent la Chine. C’est un peu ce que Guaido a tenté de faire, il y a deux semaines. Il a tenté de convaincre la Chine qu’un gouvernement démocratique libre et élu de façon transparente serait mieux en mesure de respecter ses engagements financiers envers la Chine que le régime Maduro, qui est pratiquement en faillite. Effectivement, il faut connaître ces facteurs clés pour comprendre la situation. Les principales préoccupations des pays latino-américains et des pays sud-américains consistent à freiner les flux migratoires. On peut vivre avec un régime divergent qui dérange dans la mesure où on n’a pas à affronter une autre vague d’immigration majeure.

La sénatrice Saint-Germain : Quels sont les enseignements pour le Canada, qui est très lié au Groupe de Lima? Y a-t-il d’autres alternatives parallèles que vous recommanderiez pour le Canada dans le contexte?

M. Dubé : Je pense que la tentative de l’Union européenne de se positionner était intéressante, mais elle a été carrément rejetée du revers de la main par Juan Guaido et l’opposition. Il faut comprendre qu’on est dans un cul-de-sac, étant donné que, au cours des quatre dernières années, toute une série de tentatives de négociations ont échoué. Quand l’Union européenne arrive avec la proposition d’analyses et de négociations, l’opposition vénézuélienne dit que c’est complètement impossible, toutes les tentatives, toute la bonne foi que nous avons démontrées envers le régime n’a mené à rien. C’est pourquoi on est dans une logique différente. Si le Canada observe un changement de ton de la part de l’opposition vénézuélienne et un rapprochement vis-à-vis une demande d’intervention militaire, des États-Unis ou d’ailleurs, il faudrait que le Canada se positionne, parce qu’il se trouvera dans un dilemme entre le changement de régime que l’on souhaite, mais aussi la forme sous laquelle on provoquerait ce changement.

La sénatrice Saint-Germain : Merci encore pour cette perspective originale. Merci.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup. C’était très intéressant. J’ai une question qui concerne le Mexique.

[Traduction]

Les témoins que nous avons entendus la semaine dernière ont laissé entendre que le Mexique pourrait jouer un rôle accru, que le président mexicain cherchait évidemment à demeurer neutre, mais qu’il avait aussi offert de servir de médiateur. Je me demande toutefois s’il n’est pas trop tard pour la médiation. Vu la situation actuelle, que pensez-vous de la position du Mexique? Son intervention pourrait-elle contribuer à dénouer la crise ou estimez-vous au contraire qu’il est trop tard?

[Français]

M. Dubé : Malheureusement, je ne crois pas que le président Lopez Obrador ait la volonté politique de le faire. Il y a une certaine proximité idéologique, mais je pense que l’élément clé, c’est qu’on a un gouvernement de gauche au Mexique élu démocratiquement pour la première fois de l’histoire et un président qui a un très vaste programme de réformes et qui compte sur tous les appuis du Congrès.

La question vénézuélienne provoque énormément de division au sein des partis politiques et des coalitions de gauche en Amérique latine, et je pense que la décision de Lopez Obrador s’explique beaucoup plus par une dynamique de politique interne que par des principes de politique étrangère. Il est vrai que le Mexique a une tradition de non-ingérence. Toutefois, on peut aussi dire que tendre la main pour faciliter un processus de négociation, c’est une forme de participation dans le débat actuel.

La sénatrice Bovey : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Dubé. J’ai deux questions pour vous. J’aimerais que vous nous en disiez plus sur les scénarios que le Canada doit étudier, selon vous. Si je vous ai bien compris, vous en avez évoqué trois, mais il y en a peut-être plus. Dans la mesure où, comme vous le décrivez, le Venezuela se trouve actuellement dans une impasse, le Canada participerait-il à une éventuelle intervention militaire? Il s’agit du scénario numéro un.

Passons au scénario numéro deux : le Canada continue à pousser pour une transition démocratique pacifique en collaboration avec ses partenaires du Groupe de Lima.

Finalement, il y a le scénario où — même si on conçoit mal comment une telle chose pourrait se produire, et quand — nous nous contentons d’une embellie sociale, sans transition politique.

Voici ma première question : ai-je bien résumé les trois scénarios que le Canada devrait envisager, selon vous?

[Français]

M. Dubé : C’est dans le contexte où je m’attends à une augmentation de la répression contre Juan Guaido et contre l’Assemblée nationale au cours des prochains jours, dans l’optique où on assiste à une radicalisation de l’opposition. Cette stratégie de polarisation extrême est celle de Hugo Chavez et de Nicolas Maduro depuis plusieurs années et elle a toujours bien servi le régime. Si on doit assister à une radicalisation de l’opposition, et donc à une opposition qui s’éloigne de plus en plus de ce discours modéré et de l’appel à des élections libres pour passer à un discours beaucoup plus interventionniste, c’est ce qui constitue l’essentiel de mes préoccupations pour la politique étrangère canadienne. Alors que l’objectif du pays est une transition démocratique vers des élections libres, une intervention nous met devant un dilemme, parce que le régime Maduro ne peut pas continuer à se comporter de cette façon, mais une intervention ne nous garantit pas non plus la possibilité d’une transition pacifique rapide vers une démocratie.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : J’ai une question complémentaire. La situation étant ce qu’elle est, nous espérons toujours, il va sans dire, que quelque chose fasse en sorte que le cours des événements prenne la direction que nous souhaitons tous, c’est-à-dire une sortie de crise pour Maduro et le peuple vénézuélien — même si une telle chose semble difficilement imaginable —, et que les conditions soient réunies pour la tenue d’élections légitimes et une transition pacifique vers la démocratie.

Je ne me souviens plus de son nom, mais la semaine dernière, un des témoins a laissé entendre que le Vatican pourrait avoir son rôle à jouer. Est-ce une possibilité? J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Cela dit, y a-t-il d’autres facteurs moins draconiens qui, à votre avis, pourraient nous sortir de l’impasse?

[Français]

M. Dubé : Je ne suis pas certain que le Vatican ait toujours l’intention de vouloir jouer un rôle de médiation, parce que les différentes tentatives ont échoué au cours des dernières années et que le pape a envoyé une lettre assez agressive à Nicolas Maduro il y a environ un mois. La porte de sortie la plus démocratique, la plus constitutionnelle ou institutionnelle, serait de rappeler à Nicolas Maduro que la Constitution vénézuélienne donne le droit à la population de demander un référendum révocatoire à mi-mandat. Cela pourrait être une sortie digne. Par contre, je ne crois pas que l’opposition vénézuélienne actuelle ait la patience, pas plus que la population, d’ailleurs, d’attendre trois ans avant d’avoir cette possibilité.

La sénatrice Coyle : Merci bien.

[Traduction]

Le sénateur Greene : Merci beaucoup. J’aimerais vous poser une question sur le soutien dont jouit M. Guaido à l’Assemblée nationale. Si j’ai bien compris, cette dernière compte de multiples partis, et M. Guaido en est le président simplement parce que c’était le tour de son parti d’occuper ce poste.

Qu’en est-il de son parti? Détient-il la majorité? S’il est minoritaire, s’agit-il d’une minorité importante? Combien de personnes au sein de l’Assemblée nationale pourraient faire concurrence à M. Guaido? Y en a-t-il qui aimeraient être à sa place? Le soutien dont il jouit est-il solide? Peut-il compter sur l’appui de la totalité de ses collègues? De la moitié?

La sénatrice Coyle : À l’Assemblée nationale?

Le sénateur Greene : Oui, à l’Assemblée nationale.

[Français]

M. Dubé : Au sein de l’Assemblée nationale actuelle et au sein de l’opposition, il y a une unité derrière Guaido aujourd’hui. Plus que de penser sur le plan des partis politiques, il faut examiner les différents leaders de l’opposition, et Juan Guaido est celui qui a réussi à canaliser les forces d’opposition derrière lui.

Par contre, l’opposition vénézuélienne est une coalition de plusieurs partis de centre-gauche, mais pas « chavistes », et d’autres beaucoup plus à droite. Le seul élément qui unit l’opposition, c’est le rejet du régime de Nicolas Maduro. Je ne sais pas si vous m’entendez.

[Traduction]

La présidente : Nous vous entendons toujours. Pouvez-vous continuer? Nous ne vous voyons pas, mais nous vous entendons. Ce sont vos explications les plus importantes.

[Français]

M. Dubé : Juan Guaido a l’appui de l’opposition aujourd’hui; il est le leader, disons « libre », qui a le plus de capacité de mobilisation. C’est lui qui a obtenu le plus d’appuis internationaux, le plus de reconnaissance internationale. Il a donc tout un avantage politique qu’aucun autre leader de l’opposition n’a en ce moment. Toutefois, ma crainte, c’est qu’il soit emprisonné vendredi au moment de rentrer au Venezuela à nouveau, parce que le régime Maduro ne lui avait pas permis de sortir du Venezuela et il est sorti quand même. Il faudra donc voir ce qui va arriver avec lui. S’il y a une radicalisation, s’il y a plus de répression, je crains que les courants plus radicaux au sein de l’opposition, qui sont plus proches des États-Unis et plus favorables à une intervention ou à un coup d’État, ne prennent le dessus sur Juan Guaido.

[Traduction]

La présidente : Sénateur Dean, votre question était très importante, mais la réponse a été interrompue.

Certaines parties de la réponse ont été perdues à cause de la connexion. Pourriez-vous répéter votre question, sénateur Dean? Nous pourrons mettre fin à la séance après la réponse de M. Dubé.

Le sénateur Dean : Merci. Avant toute chose, monsieur Dubé, je tiens à vous remercier moi aussi pour les détails éclairants que vous nous donnez aujourd’hui. Je vous repose la même question que tout à l’heure, parce que nous avons perdu une partie de la traduction. J’aimerais que vous nous disiez ce qui vous empêche de dormir la nuit. Vous aviez commencé à répondre, et votre réponse semblait extrêmement complète, alors j’aimerais que vous la répétiez.

[Français]

M. Dubé : Je crains deux choses. Je crains qu’il y ait une escalade de tension entre l’opposition et le gouvernement. Je ne crains pas un scénario de guerre civile au Venezuela; je pense qu’il peut y avoir une augmentation du mécontentement populaire et une vague de répression plus forte, mais je ne crois pas en un scénario réel de guerre civile.

L’autre élément qui m’empêche de bien dormir, je vous dirais, ce sont les effets des flux migratoires dans les autres pays latino-américains et les possibilités de violence et de comportements xénophobes envers les immigrants vénézuéliens en Colombie, au Pérou, en Équateur, au Chili, en Argentine et au Brésil.

[Traduction]

La présidente : Monsieur Dubé, merci infiniment d’avoir tenu bon et d’avoir accepté notre invitation. Votre témoignage nous sera extrêmement utile, entre autres parce qu’il permet de voir les choses sous un autre angle. Il ajoute certainement une nouvelle dimension à notre étude. Merci encore d’avoir fait une première tentative la semaine dernière et nous sommes ravis d’avoir pu entendre votre voix par Internet.

S’il y a quoi que ce soit d’autre dont vous souhaitez nous faire part, vous pourrez le faire par écrit en vous adressant à la greffière. Merci encore une fois d’avoir bien voulu faire une seconde tentative, mais surtout de nous avoir donné votre point de vue. Merci beaucoup.

La sénatrice Saint-Germain : Madame la présidente, je tiens à dire que, aujourd’hui, j’ai fait une chose que je n’avais jamais faite auparavant. J’ai écouté l’interprétation orale du témoignage du professeur Dubé, en anglais et en français.

[Français]

Je tiens à féliciter les interprètes pour la qualité de leur interprétation. J’ai été impressionnée et je crois qu’on ne le souligne pas assez souvent. Le sujet était particulièrement complexe aujourd’hui.

[Traduction]

Bravo à vous tous pour votre travail très professionnel.

La présidente : Merci, sénatrice Saint-Germain. J’ai été très préoccupée par la connexion de téléconférence avec la Colombie, mais vous avez souligné les outils nécessaires que nous utilisons ici, au Sénat : nos services de traduction et d’interprétation. Je crois que le comité fait écho à vos observations. Je ne sais pas si le professeur Dubé est encore présent. Votre détermination a aussi été la bienvenue.

Merci à vous tous.

(La séance est levée.)

Haut de page