Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 8 - Témoignages du 12 mai 2016


OTTAWA, le jeudi 12 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 2, afin de poursuivre son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Paul J. Massicotte (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Je m'appelle Paul Massicotte et je représente la province de Québec au Sénat. J'assume aujourd'hui, la vice-présidence du comité. Le président du comité, le sénateur Neufeld, regrette de ne pouvoir être présent cette semaine.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du public ici présents, ainsi qu'à tous les téléspectateurs. Je tiens à rappeler que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles peuvent être visionnées en web diffusion à l'adresse www.sen.parl.gc.ca. Vous trouverez aussi des renseignements sur l'horaire de la comparution des témoins sous l'onglet Comités du Sénat. J'invite maintenant les sénateurs à se présenter, en commençant par mon collègue à ma droite.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Bonjour, je m'appelle Pierrette Ringuette, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Denis Patterson du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Mockler : Bonjour, je m'appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Johnson : Janice Johnson du Manitoba.

[Français]

Le vice-président : J'aimerais également vous présenter notre personnel, en commençant par notre greffière, Marcy Zlotnick, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

Nous en sommes à notre neuvième réunion sur l'étude des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Il s'agit d'une transition qui est nécessaire pour atteindre les objectifs annoncés par le gouvernement du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

C'est avec plaisir que nous accueillons les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Par vidéoconférence, en direct de la Colombie-Britannique, l'Association of Major Power Customers représentée par Brian Wallace, conseiller juridique, Carlo Dal Monte, directeur, Division de l'énergie, société Catalyst Paper, et Karina Brino, présidente-directrice générale, Mining Association of BC.

Je vous remercie tous les trois d'avoir accepté de témoigner devant notre comité aujourd'hui. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire et, par la suite, nous passerons à une période de questions. Monsieur Wallace, vous avez la parole.

[Traduction]

Brian Wallace, conseiller juridique, Association of Major Power Customers of BC : Merci. Je vais vous présenter notre exposé préliminaire, après quoi nous pourrons tous répondre à vos questions. Nous vous avons fait parvenir un document PowerPoint qui résume nos observations. Est-ce que vous l'avez reçu?

Le vice-président : Oui, nous l'avons.

M. Wallace : Merci beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous en sommes ravis.

L'Association of Major Power Customers of BC (AMPC) est une association regroupant les entreprises des secteurs foresterie, pâtes et papier, électrochimique et minier qui sont actives dans l'industrie de l'exploitation des ressources en Colombie-Britannique. Les membres de notre association consomment 20 p. 100 de la charge totale de BC Hydro. L'électricité, l'un des sujets à l'étude pour votre comité, est donc un élément très important, autant pour nous que pour BC Hydro, je présume.

Il est généralement reconnu que les industries que nous représentons consomment beaucoup d'énergie et sont exposées à la concurrence. Je vous en dirai davantage à ce sujet tout à l'heure. Au fil des ans, ces industries ont pris des mesures pour réduire leurs émissions de carbone, et elles continuent de mettre en œuvre des initiatives en ce sens.

Je viens de vous dire que ces industries consomment beaucoup d'énergie. La diapositive 3 indique la place qu'occupe l'électricité en proportion des coûts totaux d'exploitation. Dans l'industrie électrochimique, cette proportion se situe entre 50 et 70 p. 100. L'électricité représente jusqu'à 30 p. 100 des frais totaux d'exploitation des entreprises de production mécanisée de pâtes et papier. Dans le secteur minier, la proportion est de 15 p. 100. Il s'agit donc de coûts considérables qui ne manquent pas de préoccuper nos membres. Ce sont des industries exposées à la concurrence qui doivent composer avec les cours mondiaux des produits de base. Comme vous le savez sans doute, les prix de ces produits sont actuellement faibles sur les marchés internationaux, ce qui a entraîné une interruption des activités de production à plusieurs endroits sur la planète.

Il est normalement impossible de transférer aux consommateurs les coûts reliés à l'établissement d'un prix pour le carbone si les concurrents à l'échelle internationale n'ont pas à composer avec des coûts semblables. Autrement dit, il faut que les conditions soient les mêmes pour tous. Lorsque les entreprises de nos industries n'arrivent plus à soutenir la concurrence, elles doivent fermer leurs portes ou déménager leurs activités de production. C'est ce qui est arrivé récemment et la situation demeure préoccupante. De nombreuses mines ont cessé leurs activités en Colombie- Britannique. Une usine de papier a fermé ses portes, et une usine de pâte thermomécanique a reporté indéfiniment son redémarrage à l'issue de travaux de réaménagement importants et coûteux.

La province de la Colombie-Britannique et BC Hydro ont réagi aux difficultés que connaissent actuellement les entreprises de ces industries. Ainsi, des mesures législatives ont été adoptées pour permettre à certaines sociétés minières de bénéficier d'un délai pouvant atteindre cinq ans pour le paiement de leurs factures à BC Hydro. Cette dernière a mis en œuvre un programme de 100 millions de dollars pour inciter les producteurs de pâte mécanique à réduire leur consommation énergétique.

L'industrie a multiplié les efforts pour réduire ses émissions de carbone et a obtenu des résultats impressionnants. À titre d'exemple, le secteur foresterie, pâtes et papier a diminué son niveau absolu d'émissions de carbone de 62 p. 100 depuis 1990, et réduit de 57 p. 100 son intensité carbonique depuis la même année.

On note également des baisses dans le secteur électrochimique. Dans l'industrie chimique, les émissions de gaz à effet de serre ont ainsi chuté de 65 p. 100 depuis 1992.

Il y a eu également des réductions importantes dans le secteur minier, mais nous ne pouvons pas vous communiquer les résultats obtenus qui sont toujours en cours d'évaluation.

J'aimerais traiter brièvement des raisons de notre présence ici. Je dirais qu'elles s'articulent en trois volets. Premièrement, nous souhaitons vous présenter le point de vue des clients industriels de la Colombie-Britannique. À notre avis, les éléments à considérer peuvent varier d'un endroit à l'autre. Deuxièmement, nous voulons vous servir une mise en garde quant aux augmentations de coût non essentielles — et j'insiste sur cet aspect — et aux conséquences involontaires d'une politique gouvernementale visant la réduction des émissions de carbone. Troisièmement, nous désirons vous confirmer que l'AMPC est favorable à une intervention stratégique réfléchie et pertinente à long terme.

Nous vous invitons à prendre en considération les trois facteurs suivants. Il faut d'abord que les programmes fédéraux soient mis en œuvre en tenant compte des programmes provinciaux existants. L'industrie ne peut pas se permettre une accumulation des coûts. Il faut ensuite envisager les conséquences néfastes, y compris une hausse possible des émissions de gaz à effet de serre, que peuvent avoir les différentes formules d'établissement d'un prix pour le carbone. Il convient enfin de porter une attention particulière aux plans et aux prétentions quant à l'absence d'incidence sur les revenus.

Il n'est pas possible d'analyser la politique énergétique en Colombie-Britannique sans disposer de quelques notions de base sur BC Hydro et son importance pour ses clients. BC Hydro est en mesure d'offrir de grandes quantités d'électricité propre à un prix qui a toujours été plus bas que celui exigé par bien d'autres sociétés semblables. Malheureusement, les hausses importantes qui se sont succédé au fil des ans ont entraîné l'érosion, voire l'élimination, de l'avantage concurrentiel dont jouissaient les entreprises de la province à cet égard. Les tarifs industriels de BC Hydro se rapprochent désormais de ceux s'appliquant dans les endroits où se sont installés nos concurrents au sein de l'industrie.

En outre, de nombreux facteurs exercent une forte pression à la hausse sur les tarifs. Il y a notamment le vieillissement des installations. En moyenne, les centrales hydroélectriques de la Colombie-Britannique sont en place depuis 45 ans. Alors que la valeur approximative des usines et des équipements existants se chiffre à 20 milliards de dollars, les dépenses en immobilisations prévues pour de nouvelles installations au cours des trois prochaines années s'élèvent à 8 milliards de dollars.

Des achats en grande quantité d'énergie renouvelable auprès de producteurs indépendants au cours des dernières années commencent à peine à porter pleinement fruit au sein du réseau provincial.

Parmi les nouvelles installations planifiées, notons la plus importante, soit le barrage du Site C à un coût prévu d'environ 9 milliards de dollars.

De plus, il y a actuellement des comptes de reports réglementaires dont les soldes devront être récupérés à hauteur d'environ 5,5 milliards de dollars via l'établissement des tarifs à venir.

Enfin, la hausse possible des risques liés à l'endettement et aux taux d'intérêt est le dernier élément pouvant faire grimper les tarifs.

Il importe également de bien comprendre les impacts de la taxe sur le carbone pour les clients de la Colombie- Britannique. Cette taxe provinciale est actuellement fixée à 30 $ la tonne. Si l'on ramène le tout à une réalité que nous sommes peut-être plus nombreux à pouvoir saisir, cela revient à 1,49 $ le gigajoule de gaz naturel. Ce montant est plus élevé que le prix en vigueur pour le gaz naturel à la Station 2 dans le nord-est de la Colombie-Britannique, où il est d'environ 1 $. Nous avons donc une taxe qui nous donne un prix de près de 50 p. 100 supérieur à celui du marché.

La taxe sur le carbone est une taxe à la consommation qui doit être payée, que l'on réalise des profits ou non. Elle influe directement sur le bilan des entreprises. Il s'agit de montants importants qui viennent grossir les frais d'exploitation. En 2015, les entreprises du secteur forestier ont payé un total de 108 millions de dollars en taxe sur le carbone. Nous n'avons pas encore de chiffres pour l'ensemble du secteur minier, mais l'impact de la taxe y est également considérable. Une entreprise minière a ainsi indiqué avoir versé plus de 50 millions de dollars pour une année au titre de différentes exploitations. Dans l'industrie électrochimique, c'est un total approximatif de 1,5 million de dollars qui a été payé en un an.

Il n'est pas rare que nos membres se voient transférer la taxe sur le carbone par leurs fournisseurs, mais ils ne peuvent habituellement pas en faire de même avec leurs propres clients, car ils doivent soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.

Depuis de nombreuses années, la Colombie-Britannique est un chef de file dans la réduction des gaz à effet de serre, et je suis d'ailleurs persuadé que les membres du comité sont au fait de certains des efforts qui ont été déployés en ce sens. Du point de vue de l'électricité, le gouvernement provincial a imposé à BC Hydro une exigence minimale de 93 p. 100 au titre de la production d'énergie propre. Je crois que l'on se situe actuellement à hauteur d'environ 95 à 97 p. 100 à ce chapitre.

En plus des centrales hydroélectriques que nous connaissons bien, BC Hydro a pris différentes autres mesures. Ainsi, on a acheté en 2015 plus de 14 millions de mégawattheures d'électricité auprès de producteurs indépendants. Ces achats ont été faits à un coût élevé. On a en effet payé plus de 90 $ le mégawattheure à ces producteurs, comparativement à un prix projeté de 35 $ le mégawattheure sur le marché le plus près aux États-Unis, le Mid-C. La prime totale payée pour ces achats dépasse les 750 millions de dollars par année.

BC Hydro mise sur Power Smart, un programme de conservation et d'efficacité énergétique de calibre mondial, en plus de continuer à investir dans son infrastructure d'énergie propre.

Nous voulons qu'il soit bien clair dans vos esprits que la Colombie-Britannique en fait déjà beaucoup, surtout dans le secteur de l'électricité.

J'aimerais vous parler de nos préoccupations quant aux risques de conséquences involontaires d'une hausse des prix du carbone.

Lorsqu'une usine de la Colombie-Britannique ferme ses portes ou réduit sa production, il y a fort à parier qu'une autre située ailleurs va prendre le relais. Nous avons eu droit à un exemple en ce sens avec le transfert de production attribuable au prix de l'électricité dans l'industrie électrochimique en Alberta. Le ralentissement survenu dans cette province s'est traduit par une hausse de la production dans le sud-est des États-Unis. C'est un déplacement de la production qui était clair et facilement observable.

La plupart des gouvernements d'Amérique du Nord ont adopté des normes exigeant un minimum d'énergie propre au sein de leur portefeuille d'énergie renouvelable. Ces normes sont toutefois généralement beaucoup moins exigeantes que le minimum de 93 p. 100 imposé à BC Hydro.

Si la production actuellement réalisée en Colombie-Britannique devait déménager dans un emplacement moins vert, l'intensité des émissions de gaz à effet de serre risquerait d'être multipliée par 10 ou plus. Permettez-moi de vous donner un bref exemple à ce sujet. Disons que la production de BC Hydro se répartit en 93 p. 100 d'énergie propre et 7 p. 100 de gaz naturel et qu'elle est de 30 p. 100 d'énergie propre et 70 p. 100 de gaz naturel dans un État ou une province qui nous livre concurrence, ce qui demeure tout de même assez bien du point de vue écologique. S'il y avait déplacement de la production de la Colombie-Britannique vers cet autre endroit, l'intensité des émissions de gaz à effet pourrait être multipliée par 10. Et si l'autre endroit en question utilise le charbon, l'augmentation serait encore plus grande.

Lorsqu'on établit les prix du carbone, il faut donc faire bien attention de ne pas aller à l'encontre des résultats visés en minant la capacité concurrentielle des industries locales.

J'aimerais maintenant vous dire un mot de la nécessité d'éviter les incidences sur les revenus. Nous sommes persuadés que les taxes sur le carbone ne devraient pas influer sur les recettes du gouvernement, mais plutôt viser des résultats liés aux émissions de gaz à effet de serre. Les revenus tirés de ces taxes devraient donc servir au financement de mesures visant la réduction des émissions. On pourrait notamment se servir de ces fonds pour investir aux fins de la diminution des gaz à effet de serre, réduire le coût de l'électricité propre et rendre l'électricité plus attrayante pour les consommateurs. Dans ce dernier cas, il y a par exemple la possibilité de financer la suppression de la taxe de vente provinciale en Colombie-Britannique. On pourrait aussi faciliter le remplacement du diesel par le gaz naturel liquéfié ou par des carburants renouvelables dans les camions et les autres véhicules. Certaines de ces mesures ont déjà été mises en œuvre ailleurs dans le monde à des degrés plus ou moins avancés.

Voici maintenant un résumé de nos recommandations.

Premièrement, toute mesure fédérale d'établissement d'un prix pour le carbone doit être prise en tenant bien compte de ce qui existe déjà à ce chapitre à l'échelon provincial. Il ne faut pas que les mesures fédérales et provinciales se superposent.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait reconnaître les coûts associés aux normes en vigueur pour la production d'énergie renouvelable par les services publics d'électricité, mais ne pas participer à la fixation de ces coûts. Les gouvernements provinciaux sont en effet mieux placés pour gérer les ressources et les répercussions à l'échelle locale.

Troisièmement, les revenus tirés d'une taxe sur le carbone devraient servir en priorité à la mise en œuvre de mesures visant la réduction des gaz à effet de serre ainsi qu'à l'aide apportée aux entreprises et aux particuliers qui doivent s'adapter à la transition vers une économie à faible intensité de carbone.

Voilà qui conclut nos observations préliminaires. C'est avec plaisir que nous répondrons à toutes les questions des membres du comité.

Le vice-président : Est-ce que M. Dal Monte ou Mme Brino souhaiterait ajouter quelque chose?

Carlo Dal Monte, directeur, Division de l'énergie, Société Catalyst Paper, Association of Major Power Customers of BC : Tout va bien pour moi, merci.

Le vice-président : Nous allons donc passer aux questions.

Sénatrice Johnson.

La sénatrice Johnson : Bonjour à tous. Le gouvernement de la Colombie-Britannique estime que la demande provinciale d'énergie augmentera de 40 p. 100 dans les 20 prochaines années. C'est sans compter la forte possibilité que s'ajoutent de nouveaux clients dans les industries de l'exploitation minière, du gaz de schiste, des pipelines et du gaz naturel liquéfié, ce qui intensifierait la pression sur les tarifs. Comment les tarifs industriels d'électricité appliqués en Colombie-Britannique se comparent-ils à ceux observés ailleurs?

M. Wallace : Je vais commencer, et mes collègues voudront peut-être ajouter quelque chose.

M. Dal Monte pourra sans doute vous fournir de plus amples détails, mais selon les informations à notre disposition, nos taux industriels seraient actuellement comparables à ceux de nos concurrents. Cependant, nos tarifs intérieurs sont soumis à de plus fortes pressions et augmentent plus rapidement que ceux d'autres provinces ou États.

M. Dal Monte : Je pense que c'est assez juste. Nous notons une forme de compression dans les régions généralement reconnues pour les faibles coûts de leur énergie. Ainsi, la Colombie-Britannique se situe maintenant dans la moyenne.

Karina Brino, présidente-directrice générale, Mining Association of BC, Association of Major Power Customers of BC : La situation est assez similaire dans le secteur minier. Les coûts de l'électricité ont augmenté considérablement depuis la mise en œuvre du plan décennal. Nous essayons notamment de faire comprendre au gouvernement provincial que les coûts d'exploitation d'une entreprise en Colombie-Britannique nous placent assurément, en raison de la hausse des tarifs d'électricité ainsi que de la taxe sur le carbone, dans une position désavantageuse par rapport à nos concurrents.

La sénatrice Johnson : Merci.

J'ai une question concernant la situation en Allemagne, car nous en avons traité lors de nos audiences de la semaine dernière. L'État fédéral allemand a choisi de maintenir les tarifs industriels d'électricité à un bas niveau et d'augmenter les tarifs résidentiels afin d'aider à payer la transition du pays vers un mode de production plus vert et de préserver des emplois dans le secteur manufacturier.

Croyez-vous qu'une politique du genre serait bonne pour la Colombie-Britannique ou d'autres provinces? Je suppose que vous êtes au courant de ce qui est arrivé dimanche dernier en Allemagne où l'on a commencé à payer les gens pour qu'ils n'utilisent pas l'électricité.

M. Wallace : Je crois que les Allemands ont été forcés d'agir ainsi pour assurer la survie de leur industrie. Ils ne pouvaient pas hausser leurs tarifs au niveau rendu nécessaire par leurs politiques en matière de taxation et d'énergie verte. Ils n'avaient donc tout simplement pas d'autres solutions.

Cet exemple montre bien que l'on ne peut pas prendre des mesures fiscales et écologiques en perdant de vue les réalités du marché ou les actions menées par nos concurrents. C'est encore une fois le concept des conditions égales pour tous qui prévaut.

La sénatrice Johnson : Je vois.

Y a-t-il d'autres observations?

Mme Brino : C'est justement l'équilibre que recherche l'industrie minière. Il est important pour nous de comprendre que nous devons soutenir la concurrence sur les marchés internationaux, si bien que nos coûts d'exploitation sont un facteur prépondérant quand vient le temps de décider où on va investir.

Le vice-président : Permettez-moi de vous demander une précision relativement à votre exposé. Vous avez parlé de l'industrie électrochimique. Pourriez-vous nous donner des exemples afin que les gens qui nous regardent puissent mieux voir de quoi il s'agit exactement?

M. Dal Monte : En Colombie-Britannique, les entreprises de cette industrie s'emploient surtout à produire du chlorate de sodium. Il s'agit de faire passer un courant électrique dans une solution de saumure pour que le processus électrochimique génère du chlorate de sodium ou de l'hydroxyde de sodium.

Le vice-président : Pourquoi en parlez-vous dans votre exposé? S'agit-il d'un coût important pour vos producteurs? Est-ce un élément majeur de votre économie?

M. Dal Monte : Il y a un nombre assez considérable d'usines en Colombie-Britannique. Je crois qu'il y a trois usines de chlorate de sodium. C'est un secteur relativement important dans notre province. Il y a également de grandes usines au Manitoba et au Québec. Je crois que le Canada est le premier exportateur de chlorate de sodium au monde.

Le vice-président : Et ce secteur aurait payé annuellement 1,5 million de dollars en taxes sur le carbone au cours des dernières années?

M. Dal Monte : Oui.

Le vice-président : Ce n'est pas rien, de toute évidence.

M. Wallace : C'est l'estimation que l'on nous a fournie.

Le vice-président : Il en est peut-être question ici en raison de cette proportion assez étonnante de 57 p. 100 des coûts de l'électricité, mais je me réjouis de constater que ce n'est pas une composante majeure de votre PIB.

J'ai une autre question pour vous. Vous avez indiqué avoir réduit vos émissions de carbone depuis 1990. Bien des choses se sont produites depuis cette année-là. Bon nombre de ces réductions sont sans doute le fruit d'avancées technologiques. Sauriez-vous dans quelle mesure les émissions ont pu diminuer depuis 2005, par exemple?

M. Dal Monte : Oui, nous avons ces données et nous pouvons vous les fournir. J'ai d'ailleurs sous les yeux un graphique à ce sujet. La majorité des changements se sont toutefois produits avant 2005. Dans le secteur de la foresterie, la plupart des avancées technologiques ont été antérieures à 2005. C'est surtout que l'on a cessé d'utiliser le mazout dans les chaudières pour recourir davantage à la biomasse et au gaz naturel.

Le sénateur MacDonald : Comment vos membres peuvent-ils en arriver à améliorer leur consommation d'énergie? Quels secteurs offrent les meilleures possibilités d'amélioration en Colombie-Britannique dans votre industrie?

M. Wallace : Je veux m'assurer de bien comprendre la question. Vous voulez savoir quelles sont les meilleures occasions d'amélioration pour l'avenir?

Le sénateur MacDonald : Oui.

M. Wallace : Je vais laisser à mes collègues le soin de vous répondre.

M. Dal Monte : Je crois que c'est différent pour chaque industrie. Nous représentons des secteurs très variés qui vont des usines de papier jusqu'à l'électrochimique en passant par les mines. Chacun a des outils technologiques qui lui sont propres.

Dans le contexte des tarifs échelonnés, divers investissements ont été consentis par des entreprises qui souhaitaient réduire leur consommation électrique. Je ne pourrais toutefois pas vous citer une technologie en particulier qui pourrait permettre des économies dans tous les secteurs.

Le sénateur MacDonald : Dans l'est du pays, nous avons toujours eu l'impression que l'énergie, et l'hydroélectricité tout particulièrement, était l'un des plus grands avantages dont bénéficiait la Colombie-Britannique. Il semblerait que cet avantage soit en train de s'estomper. Comment vos tarifs d'électricité se comparent-ils à ceux d'autres provinces comme l'Alberta et le Québec?

M. Dal Monte : L'électricité a toujours été moins chère au Québec. Chaque année, Hydro-Québec effectue d'ailleurs une analyse comparative des tarifs d'électricité. C'est au Manitoba que les tarifs industriels sont les plus bas au Canada, le Québec arrivant au deuxième rang. La Colombie-Britannique se classe généralement en troisième ou en quatrième place. Nous avons pu constater cette année une baisse des tarifs en Alberta. Ainsi, l'électricité était moins chère l'an dernier en Alberta qu'en Colombie-Britannique.

Le sénateur MacDonald : Croyez-vous que les dirigeants de votre province ont bien réagi à l'égard des préoccupations que vous avez soulevées et de la hausse des tarifs?

Mme Brino : Je dirais que oui.

M. Dal Monte : Moi également. Nous avons d'ailleurs parlé dans notre exposé du programme pour les producteurs de pâte mécanique.

Mme Brino : C'est aussi le cas dans le secteur minier.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup d'être des nôtres même s'il est très tôt chez vous ce matin.

Vous avez indiqué dans votre exposé que vos actifs sont vieillissants. Je présume que vous faisiez ainsi référence à l'âge moyen des centrales hydroélectriques qui est de 45 ans. J'aimerais savoir quels sont vos plans relativement à cette infrastructure vieillissante, comment vos membres composent avec cette situation et quels investissements futurs sont prévus. Je n'ai pas les données sous les yeux, mais je crois que des investissements importants seront consentis dans les installations hydroélectriques en Colombie-Britannique. Il est possible que je me trompe à ce sujet, mais j'aimerais que vous puissiez nous en dire plus long.

M. Wallace : Comme nous l'avons indiqué, BC Hydro prend actuellement différentes dispositions pour la rénovation de larges segments de son réseau de transmission et de son réseau électrique. Les barrages eux-mêmes vont sans doute tenir le coup encore un bon moment. Les turbines vont avoir besoin de réparations. Comme je l'ai noté dans ma déclaration préliminaire, BC Hydro prévoit investir 8 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. C'est un investissement de grande envergure. Le processus est enclenché depuis quelques années et se poursuivra pendant un certain temps encore. Pour nos membres, tout cela va se répercuter sur les tarifs. C'est à ce niveau que les pressions les plus fortes vont s'exercer.

Nous avons bénéficié de tarifs peu élevés pendant de nombreuses années, mais nous nous retrouvons maintenant sur le même pied que nos concurrents. Nous craignons toutefois de voir les tarifs continuer de grimper, ce qui nous priverait non seulement de notre avantage concurrentiel, mais nous ferait aussi perdre du terrain par rapport à nos concurrents.

La sénatrice Seidman : J'essaie de comprendre tout cela dans le contexte de la loi sur l'offre et la demande. Si vous améliorez vos installations tout en essayant d'accroître l'efficience de l'approvisionnement, voire la qualité même de l'approvisionnement, n'en résultera-t-il pas une baisse des tarifs, malgré les énormes investissements à consentir, et éventuellement des gains d'efficience et au chapitre de l'utilisation?

M. Wallace : Je ne croirais pas, mais il est agréable de l'envisager et nous aimerions bien que ce soit le cas.

BC Hydro et le gouvernement visent des gains d'efficience, mais il faut mettre en parallèle les coûts engagés aujourd'hui, et les sommes payées au départ pour ces installations qui ont perdu beaucoup de leur valeur. À titre d'exemple, la valeur totale des centrales et de l'équipement de BC Hydro s'élève à environ 20 milliards de dollars. Si l'on ajoute à l'équation le nouveau grand barrage du Site C qui fait la manchette en ce moment, on augmente d'environ 10 p. 100, si je ne m'abuse, la capacité de production d'électricité du réseau actuel, mais les coûts grimpent de 50 p. 100, ce qui fait que les coûts unitaires vont obligatoirement augmenter.

La sénatrice Seidman : Il est bien certain que ce n'est guère réjouissant. Avez-vous des suggestions pour améliorer les perspectives?

M. Wallace : Il faut simplement s'assurer de ne pas ajouter des coûts qui ne sont pas essentiels. Les tarifs d'électricité vont augmenter rapidement de toute manière. Les signaux de prix sont déjà très clairs en Colombie-Britannique. Le tarif industriel comporte deux paliers. Les premiers 90 p. 100 sont vendus à un taux inférieur, mais le segment supérieur de 10 p. 100 permet aux consommateurs de savoir beaucoup mieux à quoi s'attendre pour ce qui est des prix élevés.

Dans votre examen des mesures prévues, nous vous prions de demeurer vigilants en réfléchissant bien à la situation qui prévaut. Comme des coûts supplémentaires ne sont pas nécessairement essentiels et pourraient être très dommageables, la prudence s'impose.

Le sénateur Patterson : Merci pour ces réponses.

On nous dit souvent que la Colombie-Britannique est l'un des premiers modèles à suivre pour l'établissement d'un prix du carbone sans incidence sur les revenus. Vous nous indiquez toutefois que, malgré l'impressionnante réduction des émissions, les taxes sur le carbone sont prélevées en Colombie-Britannique sans égard à la rentabilité et sans tenir compte de ce qui se fait chez vos concurrents.

Vous nous avez dit que de nombreuses mines ont cessé leurs activités et qu'une usine à papier a fermé ses portes. Je ne sais pas ce que vous entendez par une usine PTM, mais peut-être que vous pourrez nous l'expliquer. En tout cas, cette usine a reporté son redémarrage.

J'aimerais d'abord que nous parlions de ces impacts que vous avez signalés. Nous savons que les prix des produits de base sur les marchés mondiaux ont porté un dur coup à l'industrie minière partout sur la planète, mais je crois que vous avez laissé entendre que les nombreuses mines qui ont mis fin à leurs opérations ont également été affectées par le coût de l'énergie en Colombie-Britannique, et que ce fut la même chose pour les usines de papier. Pouvez-vous nous dire si ce sont les coûts énergétiques qui ont poussé ces entreprises à cesser leurs activités, ou si cette décision était surtout attribuable aux prix des produits de base?

Mme Brino : Merci pour la question, sénateur. J'aimerais faire avec vous un bref survol de ce qui s'est passé dans le secteur minier au cours des cinq dernières années.

Il est vrai que les prix des produits de base ont chuté; ils n'ont pas cessé de le faire depuis cinq ans. Nous sommes principalement des producteurs de charbon métallurgique et de cuivre, et les prix de ces deux produits ont diminué graduellement au cours des cinq dernières années.

À l'époque où certaines de ces exploitations ont débuté leurs activités, les prix étaient certes à un niveau bien supérieur. Il faut ajouter à cela une hausse récente des coûts de l'électricité, surtout en Colombie-Britannique. Nos coûts de main-d'œuvre ont également augmenté. C'est donc l'effet combiné de la baisse des prix et de l'accroissement de nos frais d'exploitation. Et voilà maintenant que la taxe sur le carbone vient exercer une pression supplémentaire considérable sur nos activités en Colombie-Britannique tout particulièrement.

Je pense que l'on peut affirmer que le gouvernement de la Colombie-Britannique a pris en compte la situation que connaît actuellement l'industrie. Quelqu'un a demandé tout à l'heure si le gouvernement était conscient de la nature des pressions qui s'exercent sur nous, et nous estimons que les échanges à ce sujet sont pertinents.

L'exigence voulant que la taxe sur le carbone n'ait pas d'incidence sur les revenus s'applique en fait au gouvernement; elle ne concerne pas l'industrie. Pour nous, c'est un coût additionnel.

Le sénateur Patterson : Dans vos recommandations à l'intention de notre comité, qui devra lui-même adresser les siennes au gouvernement fédéral, vous indiquez que les mesures d'établissement d'un prix du carbone par le fédéral ne doivent pas ajouter au fardeau que représentent déjà le prix et les taxes sur le carbone établis par une province. Je pense que vous voulez nous faire savoir que vous faites déjà votre large part en Colombie-Britannique, et qu'il ne serait pas productif, bien au contraire, car cela risquerait de faire augmenter les émissions de carbone, de vouloir juxtaposer un régime fédéral quelconque à celui de la province. Est-ce que je vous ai bien compris?

Mme Brino : L'industrie minière a indiqué qu'elle n'était contre l'idée d'un prix sur le carbone. Nous avons déjà un programme bien établi en Colombie-Britannique. Comme je viens de le dire, s'il n'y a pas d'incidence sur les revenus du gouvernement, il y en a sur les nôtres. En l'espèce, nous disons simplement au gouvernement fédéral qu'il convient de prendre en considération la situation particulière des industries à forte intensité d'émissions qui sont exposées à la concurrence, à l'instar d'autres pays qui prennent des mesures pour protéger ces secteurs.

Nous croyons pouvoir demeurer un moteur économique important pour notre province, mais nous devons pour ce faire préserver notre capacité concurrentielle. Nous demandons au gouvernement fédéral de regarder ce que font les différents gouvernements, et celui de la Colombie-Britannique dans notre cas, pour s'assurer que nous faisons notre part pour la réduction des émissions, tout en tirant des enseignements des mesures qui sont prises ailleurs dans le monde. Comment pouvons-nous au Canada nous inspirer des expériences de chacun, et notamment des actions menées en Colombie-Britannique, de manière à pouvoir prendre à l'échelle nationale les mesures les plus efficaces possible pour réduire les émissions sans nécessairement nuire du même coup à l'économie?

M. Wallace : Je veux insister sur le fait que nous nous inquiétons surtout du risque de superposition des mesures fédérales. Si le gouvernement fédéral devait imposer une taxe sur le carbone de 20 $ la tonne partout au pays, nous ne manquerions pas de faire valoir que nous payons déjà 30 $ la tonne. Il faut tenir compte de la situation dans les différentes provinces.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'incidence sur les revenus, les produits de la taxe sur le carbone doivent être investis dans des mesures permettant de réduire les émissions. Il faut espérer que les revenus tirés de la taxe pourront aider les entreprises ciblées à se débarrasser des technologies déficientes et à réduire leurs coûts dans le cadre de plans qui leur permettront de s'acquitter de la taxe sans mettre en péril leur rentabilité.

Le sénateur Patterson : Vous dites donc qu'il faudrait laisser aux provinces le soin d'établir un prix sur le carbone?

M. Wallace : Non, je crois que nous vous suggérons simplement de tenir compte des programmes déjà existants dans les provinces. Il y a de grandes variations actuellement. Nous payons 30 $ la tonne alors que les entreprises n'ont rien à payer dans bien d'autres provinces. Si le gouvernement fédéral veut établir un prix sur le carbone, il doit tenir compte des taxes déjà existantes.

Le vice-président : J'aurais une question de suivi à ce sujet.

Pour se faire une meilleure idée de ce que représente cette taxe sur le carbone de 30 $ la tonne, pourriez-vous nous dire à quelle proportion des revenus d'une entreprise minière type cela correspond?

Mme Brino : Sénateur, nous ne pouvons pas vous fournir de chiffres précis à ce sujet à ce moment-ci. Nous avons tenté d'obtenir ces renseignements auprès de nos membres. Comme nous l'avons indiqué précédemment, l'une de nos entreprises qui a plusieurs sites d'exploitation en Colombie-Britannique paie environ 50 millions de dollars par année. Pour une autre, ce serait un ratio différent et un autre pourcentage.

Nous pouvons nous engager à vous transmettre cette information dès que nous l'aurons obtenue. Je n'ai rien à ce sujet pour l'instant.

Le vice-président : Ce client paie à lui seul 50 millions de dollars par année en taxe sur le CO2? Est-ce bien ce que vous nous dites?

Mme Brino : En taxe sur le carbone.

Le vice-président : Quelle proportion cela représente...

M. Wallace : C'est un total de 50 millions de dollars pour cinq exploitations, si je ne m'abuse.

Le vice-président : Quels sont les revenus totaux de cette entreprise?

M. Wallace : Nous n'avons pas cette information.

Le vice-président : Vous avez aussi indiqué que les tarifs non concurrentiels de BC Hydro font en sorte que des entreprises déplacent leurs activités vers le sud-est des États-Unis. Où déménagent-elles exactement? Où se situe cette menace?

M. Wallace : Tout dépend de l'industrie. Nous vous avons donné l'exemple du secteur électrochimique où la production s'effectuait en Alberta. Les entreprises ont réduit leurs activités, et c'est le sud-est des États-Unis qui a compensé pour cette baisse de production. Je n'ai toutefois pas de détails précis à ce sujet.

Le vice-président : Vous avez aussi fait référence à une comparaison des tarifs d'électricité des grandes villes nord- américaines effectuée par Hydro-Québec en date du 1er avril 2015. On y trouve non seulement les tarifs résidentiels, mais aussi ceux pour les clients de grande puissance. Vous nous avez dit très clairement que la hausse des tarifs d'électricité en Colombie-Britannique est supérieure à l'inflation, et je comprends très bien la situation. Mais vous savez tout comme moi que les tarifs de votre province, même s'ils sont peut-être supérieurs à ceux du Manitoba, du Québec et de l'Alberta, demeurent de 10 à 20 fois moins élevés que ceux des villes américaines qui figurent sur cette liste. Dans bien des cas, les tarifs sont nettement supérieurs; parfois même dans une proportion de 100 p. 100.

Je peux comprendre en quoi cette augmentation peut vous affecter. Tout le monde est touché lorsque les coûts grimpent, mais tout semble indiquer que vous conservez un avantage concurrentiel important par rapport à la plupart de vos compétiteurs. Est-ce bien le cas?

M. Dal Monte : Dans le secteur de la réduction en pâte mécanique, les usines sont concentrées dans les régions où les coûts énergétiques sont faibles. On retrouve donc généralement ces usines en Colombie-Britannique, au Québec et dans l'État de Washington, soit dans les régions où l'on a accès à l'hydroélectricité, et donc à des tarifs relativement bas.

Comme nos concurrents sont regroupés dans ces secteurs où les coûts sont faibles, c'est avec eux que nous établissons des comparaisons.

Le vice-président : Seattle est à 8,20 cents le kilowatt. Vous êtes à 7,04 cents. Portland est à 8,05. Il y a donc encore un écart de 15 p. 100 en votre faveur.

J'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose. Nous avons reçu la semaine dernière des témoins de l'Alberta. Je suis conscient que la hausse des coûts est préoccupante pour tout le monde. Chacun veut conserver l'avantage concurrentiel que lui procurent des tarifs inférieurs. Ces témoins nous ont dit que l'importation d'hydroélectricité en Alberta créerait des conditions inéquitables. Pourtant, les tarifs indiqués pour les grands clients industriels sont de 6,97 cents à Edmonton et de 4,76 cents à Calgary. C'est plutôt étonnant quand on sait qu'il n'y a pas beaucoup d'hydroélectricité et que l'on mise principalement sur le charbon et le gaz naturel.

Comment expliquez-vous que, malgré cet avantage concurrentiel, on fait valoir qu'il serait injuste de laisser les producteurs de la Colombie-Britannique ou du Manitoba vendre de l'électricité en Alberta, et que les producteurs albertains en paieraient le prix?

M. Wallace : Les tarifs sont actuellement bas en Alberta, cela ne fait aucun doute, mais ils ont toujours été plus élevés. Cette province a un système fondé sur le prix du marché qui est unique au Canada. Suivant ce système, les marchés ont tendance à perdre de la vigueur en cas d'excédents, et à connaître une hausse lorsqu'il y a pénurie.

En conséquence, je ne suis pas certain que la conjoncture actuelle en Alberta soit telle qu'elle puisse permettre de décider de construire ou de déménager une usine.

Pour ce qui est de l'importation d'hydroélectricité, je ne crois pas que nous puissions nous prononcer à ce sujet.

M. Dal Monte : J'aurais une observation à vous faire concernant la comparaison effectuée par Hydro Québec. En examinant la situation dans les États américains, nous avons pu constater que bon nombre d'entre eux ont accès au marché de gros de l'électricité. L'analyse d'Hydro Québec porte sur les tarifs industriels pour ces services publics, mais il faudrait abattre un boulot considérable pour recueillir des données détaillées sur les différentes usines. Il est donc plus difficile d'établir des comparaisons à ce niveau.

Le vice-président : La nécessité d'offrir des conditions égales à tous est votre autre message important, et je suis tout à fait à même de le comprendre. En l'absence de telles conditions, il vous est impossible de transférer les coûts à vos clients, notamment pour ce qui est de toutes ces taxes additionnelles.

Mais comment y arriver? Vous nous avez dit que si les États-Unis n'imposent pas une taxe sur le carbone de même nature et du même montant, ce sera injuste pour vous. Cela entraînerait une réaffectation des ressources limitées au sein de notre économie. Voilà autant d'arguments tout à fait valables.

Mais que feriez-vous si vous deviez composer avec cette réalité à titre de premier ministre du Canada en sachant que c'est toute la planète qui souffrira si vous ne parvenez pas à contrôler vos émissions de carbone et de tous les autres gaz? Est-ce que vous vous résigneriez à faire exactement ce que les États-Unis font en éliminant les centrales au charbon par voie réglementaire? Les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'on le voudrait. Comment solutionneriez-vous ce dilemme si vous étiez premier ministre du Canada?

M. Wallace : Je vais essayer de vous répondre en espérant que cela inspirera mes collègues, même si je suis conscient que c'est une question bien difficile touchant un enjeu délicat.

Nous soutenons qu'il ne faut pas perdre de vue ces facteurs commerciaux. Pour utiliser un exemple extrême, le premier ministre ne pourrait pas augmenter les taxes sur le carbone pour les porter à 1 000 $ et détruire ainsi toute notre industrie. Cela sonnerait le glas de l'industrie et des emplois dans notre province qui perdrait toutes ses activités de production au profit de ces régions qui produisent à faible coût de l'énergie moins propre que celle de la Colombie- Britannique avec sa norme minimale de 93 p. 100. En outre, cela ne permettrait pas non plus d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre au bénéfice de la planète.

Il est difficile de parvenir à un juste équilibre, mais il faut être bien conscient de la situation. Les conséquences sont tout à fait concrètes. Il serait assez paradoxal de faire grimper les émissions de gaz à effet de serre en les multipliant parfois, comme dans l'exemple que nous avons donné, par dix alors que l'on donne l'apparence d'endosser des principes écologiques. Si la production est déplacée dans une région où l'on utilise encore le charbon pour produire de l'énergie, le facteur multiplicateur pourrait être de 60, 70 ou 100.

Ce n'est pas chose facile, mais c'est un travail qui doit être fait, sans quoi nous allons en subir les conséquences et les émissions de gaz à effet de serre vont s'accroître.

Le vice-président : On croirait entendre un politicien en pleine campagne électorale qui fait toutes sortes de promesses sans vraiment répondre aux questions. Pouvez-vous nous dire ce que vous feriez si vous étiez à la tête du pays?

M. Wallace : Il faut déterminer comment la situation évolue dans les États ou les provinces avec lesquels on est en concurrence. Vous n'êtes pas tenus de prendre des mesures équivalentes, mais vous devez évaluer les conséquences de toute décision en ce sens.

Le vice-président : Est-ce que nos autres témoins voudraient répondre? Personne d'autre ne veut jouer au premier ministre l'espace de cinq minutes?

M. Wallace : Nous allons laisser cela aux bons soins de nos avocats.

La sénatrice Ringuette : Il y a une chose qui me laisse perplexe. Vous semblez laisser entendre aujourd'hui, que les entreprises de pâtes et papier et les sociétés minières de la Colombie-Britannique se sont installées dans cette province en raison des coûts de l'électricité. J'ai toujours pensé que c'était en raison de la présence des ressources naturelles. Je serais également portée à croire que le choix de l'emplacement de ces usines a été dicté par les coûts relativement élevés du transport. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le coût de l'électricité utilisé pour la production est un facteur important à considérer par rapport aux coûts de transport qu'il faudrait assumer si l'industrie n'était pas en Colombie- Britannique?

Je comprends bien les arguments que vous soulevez quant au coût de l'hydroélectricité en Colombie-Britannique et aux enjeux concurrentiels notamment — même si c'est peut-être moins le cas pour le secteur électrochimique — mais les industries de pâtes et papier et des mines installent leurs usines de transformation à proximité des ressources, peu importe les coûts à payer pour l'électricité.

Je suis du Nouveau-Brunswick, et je peux vous dire que nos usines de pâtes et papier sont situées à proximité des ressources. C'est la même chose dans le secteur minier, sans égard aux coûts de l'électricité.

J'arrive difficilement à comprendre votre argumentation suivant laquelle ces industries quitteraient la Colombie- Britannique si le prix de l'hydroélectricité continuait de grimper.

M. Dal Monte : Je peux vous parler uniquement de la situation dans l'industrie de la production mécanisée de pâtes et papier. Vous avez raison de dire que nos usines se sont installées en Colombie-Britannique parce qu'elles y trouvaient du bois. L'industrie des pâtes et papier a vu le jour chez nous pour traiter les résidus des scieries. Le sciage du bois est la base de l'industrie forestière de la province, mais la forme cylindrique des arbres fait en sorte qu'environ 50 p. 100 du bois se retrouve sous forme de copeaux.

Dans notre industrie, il y a deux façons de procéder. Il y a d'abord la méthode chimique qui exige moins d'énergie, mais fait perdre environ la moitié de la fibre. Il y a aussi l'approche mécanique qui nécessite beaucoup plus d'énergie, mais permet de conserver une proportion beaucoup plus élevée de la fibre.

Étant donné que les coûts énergétiques ont toujours été faibles en Colombie-Britannique en raison de la présence de toutes nos ressources hydroélectriques, l'industrie a opté pour la méthode mécanique, surtout sur l'île de Vancouver et près du littoral. Comme plusieurs usines de pâtes mécaniques ont été construites, le secteur est beaucoup plus sensible aux fluctuations des tarifs d'électricité.

La fibre est la principale matière première dans notre industrie de la pâte mécanique et du papier. C'est d'ailleurs ce qui explique notre présence en Colombie-Britannique. Dans notre province, il a été convenu dès le départ d'opter pour le processus mécanique, plutôt que pour la méthode électrochimique.

Par ailleurs, s'il n'est pas nécessairement logique que nous exportions nos produits vers la côte Est de l'Amérique du Nord, nous avons tout intérêt à le faire sur le littoral pacifique. Nous exportons donc vers l'Amérique du Sud et l'Asie. Il y a ainsi un avantage à être situé près des côtes.

Le vice-président : Nous n'avons pas d'autres questions. Messieurs Wallace et Dal Monte et madame Brino, nous vous remercions vivement de votre disponibilité et des informations que vous avez pu nous transmettre. Nous vous en sommes très reconnaissants et nous en tiendrons assurément compte au moment de la rédaction de notre rapport.

(La séance est levée.)

Haut de page