Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 13 - Témoignages du 20 octobre 2016
OTTAWA, le mardi 20 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 28, pour son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis le sénateur Neufeld et je représente la province de l'Alberta; je suis président du comité.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont avec nous et à ceux qui nous regardent à la télévision, un peu partout au pays. J'aimerais rappeler aux téléspectateurs que les audiences de notre comité sont ouvertes au public et qu'elles sont également diffusées sur le site web du Sénat. Vous pouvez également trouver de plus amples informations sur le calendrier des témoins, sur ce site web, sous la rubrique des comités du Sénat.
Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter. Je vais commencer en présentant mon collègue de droite, le sous-président, le sénateur Paul Massicotte.
Le sénateur Massicotte : Bonjour.
Le sénateur Lang : Sénateur Dan Lang, du Yukon.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le sénateur McIntyre : Sénateur McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
Le président : J'aimerais également présenter les membres de notre personnel en commençant par la greffière, à ma gauche, Lynn Gordon, et notre second greffier, Maxime Fortin, de même que les deux analystes de la Bibliothèque du Parlement qui se trouvent à ma droite, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Nous tenons aujourd'hui notre 18e séance de notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, conformément aux cibles annoncées par le gouvernement du Canada touchant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pour la première partie de notre séance, j'ai le plaisir d'accueillir Robin Campbell, président de l'Association charbonnière canadienne. Merci de vous être joint à nous, monsieur Campbell. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire; nous passerons ensuite aux questions. Vous avez la parole, monsieur.
Robin Campbell, président, Association charbonnière canadienne : Merci, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici, et je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à votre comité. Ce travail est très important pour l'avenir du Canada. En ce qui concerne la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, nous avons bien des choses à examiner avant d'être certains de faire ce que nous devons faire pour tous les Canadiens.
Vous avez devant vous des diapositives. Je ne vais pas les lire une par une. Ce document est fourni davantage à des fins d'information, et j'espère qu'il sera une source de questions. Je crois qu'il y a quelques questions importantes à poser, et nous avons quelques réponses, pour l'avenir, car nous voulons faire notre part, compte tenu de ce qui se passe dans le monde.
L'Association charbonnière canadienne est une organisation mutuelle. Nous croyons que nous devons défendre les intérêts des membres et les appuyer, et notre vision est axée sur la mise en valeur, la croissance et la promotion de l'industrie du charbon, une industrie sûre, viable sur le plan économique et responsable sur les plans environnemental et social.
Je suis mineur de charbon, et je crois que j'ai bouclé la boucle. Je suis un mineur de la quatrième génération. Ma famille a travaillé dans les mines en Nouvelle-Écosse, à Glace Bay, et j'ai moi-même travaillé dans les gisements de charbon en Alberta. J'ai ensuite fait de la politique pendant sept ans, au sein du gouvernement de l'Alberta. J'ai été ministre des Relations avec les Autochtones, ministre de l'Environnement et du Développement durable des ressources ainsi que ministre des Finances et président du Conseil du Trésor. Je suis revenu aujourd'hui à mon point de départ, à titre de président de l'Association charbonnière du Canada.
Je comprends cette industrie, l'impact qu'elle a sur toutes les collectivités du Canada et l'importance qu'elle revêt lorsqu'on cherche une source d'énergie sûre et durable, dont notre pays a besoin pour poursuivre sa croissance et dont le monde continuera toujours d'avoir besoin.
Pour le moment, il est important de savoir que le charbon existe en abondance, dans le monde. Les réserves connues, à l'échelle du monde, s'élèvent à 986 milliards de tonnes. Cela concerne tant le charbon métallurgique que le charbon thermique.
Dans les diapositives, vous pourrez lire que le charbon métallurgique, qui est aussi appelé le charbon cokéfiable, est utilisé pour la fabrication de l'acier. Malheureusement, tout le charbon cokéfiable que le Canada produit est exporté, par exemple en Corée, au Japon et en Chine, et nous exportions pendant un certain temps du charbon au Brésil et en Espagne, aussi.
Il y a ensuite le charbon thermique, qui sert à la production d'énergie. La plus grande partie du charbon thermique canadien est consommée ici. Nous en consommons ici même, au Canada.
Nous pourrons encore utiliser du charbon pendant des années et des années. À l'heure actuelle, à l'échelle du monde, 41 p. 100 de l'électricité mondiale est fournie par le charbon; de plus, 1,2 milliard de personnes n'avaient pas d'électricité en 2013. Encore une fois, il y a une diapositive qui présente une liste des pays selon que leur population a ou non accès à l'électricité.
L'électricité et l'énergie nous donnent entre autres choses une certaine qualité de vie, en permettant la réfrigération, le chauffage, la sécurité et l'accès à l'information. Quand nous examinons la situation des pays en voie de développement, nous constatons qu'Internet a fait du monde un très petit endroit. Ce que je veux dire par là, c'est qu'une personne, peu importe où elle se trouve dans le monde, n'a qu'à appuyer sur un bouton pour voir ce qui se passe au Canada. Des gens de partout dans le monde voient quel mode de vie offre l'Amérique du Nord, et surtout le Canada, et ils veulent eux aussi jouir de ce mode de vie-là. Pour ce faire, ils ont besoin de deux choses : une infrastructure et l'énergie nécessaire pour construire cette infrastructure.
Comme je l'ai dit plus tôt, les réserves de charbon sont actuellement abondantes, dans le monde, et les pays en consomment toujours davantage afin de réaliser leur vision. Selon l'Agence internationale de l'énergie, à l'heure actuelle, le charbon est la deuxième source d'énergie en importance et conservera ce rang jusqu'en 2030; puis le charbon occupera le troisième rang jusqu'en 2040. Les pays en voie de développement vont continuer à consommer du charbon, et la question que nous devons nous poser est celle-ci : quelles sont leurs normes environnementales?
Le Canada, notamment, impose des normes élevées à ces industries. Les règlements sur l'exploitation minière, partout au pays, sont assujettis aux normes les plus strictes du monde. Permettez-moi de prendre l'Alberta pour exemple et d'affirmer que son organisme de réglementation de l'énergie est connu partout dans le monde. Les gens viennent de partout pour voir comment il fonctionne, comment il met en œuvre ses règlements et les fait respecter pour s'assurer que nous prenons soin de l'environnement même en exploitant les ressources naturelles du pays.
Il est important de savoir que le charbon conservera sa place dans le bouquet énergétique mondial pendant encore des décennies, et que le Canada ne pourra rien y changer. Ce qu'il peut faire, ce serait de trouver le moyen, grâce à la technologie, de mettre en place une économie à faibles émissions de carbone. Tous les pays du monde mettent au point des systèmes technologiques permettant d'utiliser le charbon de façon plus efficiente en produisant moins d'émissions.
Ici même au Canada, en Saskatchewan, la centrale CSC de Boundary Dam utilise une solution de captage et de stockage du carbone, le CSC. Certains membres de votre comité auront peut-être visité la centrale de Boundary Dam, il y a quelques semaines, et je sais que deux ministres fédéraux — Mme McKenna et M. Carr —, qui se trouvaient tous deux en Saskatchewan, ont visité ces installations et ont apprécié ce qu'ils y ont vu; ces installations sont un flambeau. C'est une solution faite au Canada et, même si la technologie coûte cher, au départ, il est important de se rendre compte que les choses vont continuer ainsi partout dans le monde.
Toujours en Alberta, dans le domaine des sables bitumineux, Shell a construit une usine de captage et de stockage du carbone et, cette année, a franchi le cap du premier million de tonnes de carbone retiré de l'atmosphère. Encore une fois, il s'agit de la récupération assistée des hydrocarbures, ce qui lui procure le moyen de stocker le carbone dans des puits, ce qui était impossible par les moyens conventionnels, et d'en tirer de nouveau des ressources. Cela sera important à l'avenir.
Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu trop peu d'investissement dans la technologie du charbon, et les intervenants du secteur estiment qu'il est temps que cela change. La technologie du CSC a été reconnue par le gouvernement fédéral du Canada, à Paris, mais aussi dans le cadre de l'entente des « trois amigos » qui lie le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Le Canada peut devenir un chef de file mondial, et nous pouvons exporter nos équipements à l'étranger. C'est ainsi que nous contrôlons nos émissions, sur notre territoire, et nous pourrons en favoriser la réduction à l'étranger.
Si nous exportions notre charbon, plutôt que de le consommer ici, nous perdrions le contrôle de nos émissions; de plus, nous ne savons pas comment le consomment les pays qui l'importent. Il n'existe pas de solution miracle au problème des changements climatiques, mais le CSC et la technologie du charbon font partie de la solution, tout comme l'équilibre à établir entre l'économie et l'environnement, à l'avenir.
Nous devons prendre notre temps, faire les recherches nécessaires et investir, et les transitions, en matière d'énergie, doivent être planifiées avec soin. Il est facile de dire que nous allons fermer les mines de charbon. Pourtant, en Alberta, par exemple, le charbon produit 6 200 mégawatts d'électricité, soit 51 p. 100 de la capacité de la province. Je sais que le Nouveau-Brunswick dépend du charbon et que la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan dépendent du charbon. Par quoi pourrait-on le remplacer, s'il fallait le remplacer un jour?
Le dernier point que j'aimerais soulever est le plus important à mes yeux. Nous avons beau discuter des changements climatiques et de notre vision d'un avenir à faibles émissions de carbone, nous n'avons toujours pas mis de visage humain sur ce dossier. Pour moi, cela est très important. Je pense aux collectivités rurales du pays qui dépendent de l'industrie charbonnière, laquelle fournit des emplois et offre une infrastructure assurant leur prospérité, mais personne ne réfléchit à ce qui arrivera à ces collectivités une fois que les mines auront été fermées.
Dans la plupart des mines, nous portons attention aux aspects thermiques, ce que nous appelons la production d'électricité à l'entrée de la mine. Les mines sont en effet situées tout près des centrales, de façon à ce que l'on puisse transporter le charbon de la mine à la centrale par camion, et c'est ce qui en fait une opération très efficiente, rentable et productive.
Je me trouvais à Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, au mois de septembre, pour une réunion du conseil d'administration du nouveau projet de la mine Donkin, à Glace Bay.
C'était la première fois que j'y retournais après environ 20 ans. Ma famille vient de Glace Bay. Je suis un mineur de la quatrième génération. Quand je pense à l'aspect qu'avait Glace Bay lorsque j'étais un petit garçon, il y avait environ 20 000 habitants dans cette collectivité, très dynamique. Quand vous avez sept ou huit ans, tout à l'air plus grand. Mais les gens étaient fiers d'être mineurs et fiers de leur collectivité.
Aujourd'hui, il n'y a plus rien à y voir. J'ai parcouru la rue où se trouvait autrefois la maison de mes grands-parents, et il n'y a plus rien. Il n'y a plus aucun espoir pour les habitants. L'ouverture de la mine Donkin redonne l'espoir aux habitants de la Nouvelle-Écosse, qui pourraient y trouver un emploi bien rémunéré. En moyenne, au Canada, un mineur de charbon fait 96 000 $ par année. Ce n'est pas rien. Ce sont des dollars bien réels, qui seront dépensés dans la collectivité. Ce sont aussi des dollars imposables.
Je pense aux collectivités rurales du pays; comme je vis en Alberta, je pense à des collectivités comme Hanna, Forestburg et Warburg, des collectivités où les gens se sont installés il y a quatre, cinq ou six générations. Ils n'ont pas toujours travaillé dans les mines de charbon. Il y en a beaucoup qui ont été agriculteurs. Mais les mines de charbon du centre de l'Alberta et du centre de la Saskatchewan permettent à ces gens de continuer d'exploiter leur petite ferme, ce qu'ils ne peuvent pas faire seuls. Le revenu tiré du charbon les soutient; ils peuvent donc continuer à exploiter leur ferme et profiter de cette vie rurale qu'ils apprécient. Et nous pouvons penser à l'avenir.
Le département de l'Énergie des États-Unis a publié en août 2016, sous forme de note d'information, un rapport intitulé Carbon Capture, Utilization and Storage, ou CUSC — nous parlons, nous, de CSC, captage et stockage du carbone —, qui portait sur les changements climatiques, les obstacles économiques et la sécurité énergétique.
Voici comment s'ouvre le résumé :
Les technologies permettant le captage, l'utilisation et le stockage du carbone (CUSC) ouvrent une voie nouvelle qui répond au besoin urgent des États-Unis et du reste du monde, qui cherchent des sources d'énergie propre abordables, sûres, durables et fiables. Aux États-Unis, les centrales alimentées par des combustibles fossiles sont responsables de 30 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays, et elles seront pendant encore des décennies la principale source de l'énergie consommée dans le monde. Nous avons besoin des technologies de CUSC si nous voulons atteindre nos objectifs d'atténuation des changements climatiques au coût le plus bas possible pour la société, mais avant qu'elles puissent être largement utilisées, il faudra continuer à les améliorer de façon qu'elles coûtent moins cher et aient un meilleur rendement. De plus, les principales sources d'énergie consommée dans le secteur industriel, comptent pour 21 p. 100 des émissions de GES totales des États- Unis, ne pourront réellement être décarbonisées sans les technologies de CUSC. Il sera essentiel de pouvoir compter sur une combinaison d'incitatifs fiscaux et d'activités de recherche, développement, démonstration et déploiement (RDDD) si l'on veut développer les nouvelles technologies de captage du carbone et réduire le coût du captage.
Il est important de savoir que notre voisin, l'un de nos principaux partenaires commerciaux, se tourne vers les technologies de captage et de stockage du carbone et qu'il a pris une avance, sur cette courbe d'apprentissage, occupant la place que nous devrions occuper.
Si nous ne pouvons pas compter sur les technologies de CUSC, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat affirme qu'il ne sera pas possible de réaliser les scénarios limitant à deux degrés l'augmentation globale de la température et que les coûts des mesures d'atténuation augmenteraient de 138 p. 100.
Les mesures incitatives axées sur les technologies de CUSC et le budget de 2017 du président américain prévoient par exemple un crédit d'impôt remboursable pour les investissements dans des projets d'infrastructure de CUSC, un crédit d'impôt remboursable sur une période de 20 ans pour la séquestration du carbone, à raison de 10 $ la tonne métrique pour la récupération assistée des hydrocarbures, la RAH, et de 50 $ la tonne métrique pour la séquestration dans un aquifère salin.
Même si l'on parle beaucoup, aux États-Unis, de fermer les centrales au charbon, le pays s'intéresse à la technologie de CUSC et est prêt à fournir les crédits nécessaires pour que ces projets et ces technologies deviennent réalité.
En Saskatchewan, au mois de février de l'année en cours, l'organisme SaskPower et l'entreprise BHP Billiton, l'un des plus grands producteurs de charbon du monde, ont créé en Saskatchewan un centre d'information sur le captage et le stockage du carbone. L'entreprise va investir 20 millions de dollars pour mettre à profit les activités de recherche de pointe sur le CSC menées en Saskatchewan.
Nous pensons que c'est très important et que le moment est bien choisi. Nous pensons que nous pourrions faire la même chose partout au Canada. Nous devrions nous intéresser à la recherche et à la technologie, parce que c'est l'avenir et que c'est ainsi que nous trouverons les réponses à nos questions. Nous devrions travailler de concert avec nos universités et tirer profit de notre capital intellectuel, de façon qu'il demeure au Canada. Le Canada compte quelques-unes des meilleures universités du monde, mais les universitaires quittent le pays parce que nous ne leur offrons pas de débouchés.
Si je pense à la situation d'ensemble du charbon et à ce qui se passe dans le monde, je me dis que si le Canada réagissait assez vite, il pourrait devenir le chef de file de l'économie à faibles émissions de carbone et vendre partout dans le monde les produits de sa recherche et ses technologies, et il pourrait créer des emplois ici, au Canada, comme à l'étranger, en faisant sa part pour réduire le volume des émissions des centrales au charbon du monde entier.
Je vais m'arrêter ici; je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci beaucoup de cet exposé.
Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Campbell. Comme vous l'avez dit, nous devons accepter le fait que, au cours des 20 à 30 prochaines années, le besoin en charbon va augmenter, malgré que les changements climatiques présentent un défi majeur. Mais, comme vous l'avez souligné, les changements climatiques ne sont pas négociables. Nous devons atteindre notre cible, car les conséquences pour notre société sont importantes comparativement aux coûts de ces objectifs.
Vous soulignez avec raison que le dilemme, c'est que le charbon est la façon la moins chère de produire de l'énergie. Mais vous ne tenez pas compte du coût le plus important associé à notre objectif, c'est-à-dire le coût du captage du carbone. Si vous tenez compte de tous les coûts de la production du charbon, y compris les coûts sociaux, c'est-à-dire, les coûts du carbone, est-ce que le charbon est toujours compétitif?
Nous entendons toutes sortes d'hypothèses, mais combien coûte le captage du carbone avec les technologies de CSC, si vous me permettez de m'exprimer ainsi? Même en Saskatchewan, on entend le chiffre de 100 $ la tonne. Est-ce que ce serait plutôt 125 $ ou 150 $? Disons que le coût est de 100 $ la tonne. S'il nous faut cette technologie pour atteindre notre objectif, comment est-ce que cela se répercutera sur le coût de la production d'électricité au charbon, est-ce que ce coût sera toujours compétitif?
M. Campbell : C'est une question intéressante, et il est important de comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges.
Pensez au charbon en tant que tel et au CSC; il coûte cher, aujourd'hui, cela ne fait aucun doute, et c'est parce que c'est une nouvelle technologie. La Saskatchewan a fait cavalier seul et elle a fait ce qu'elle avait à faire. Mais si vous envisagez les choses globalement, il n'y a rien qui n'entraîne pas de conséquences. Qu'il s'agisse du charbon, de l'énergie éolienne ou solaire ou encore du gaz naturel, ils ont tous leur revers de la médaille.
Par exemple, prenez l'énergie éolienne, il faut du charbon pour construire les turbines. Ces turbines sont composées à 70 p. 100 d'acier. Vous avez besoin de charbon et de minerai de fer pour le fabriquer. Quel est le volume des émissions des usines de coke qui servent à fabriquer cet acier et quels sont ensuite les coûts du transport pour expédier l'acier nécessaire à la construction des turbines et le coût du transport de ces turbines? Nous ne prenons pas tous ces coûts-là en considération. Nous nous préoccupons seulement des émissions sortant des cheminées.
Tout le monde dit que le gaz naturel est un combustible propre. Oui, ça l'est, si nous tenons compte des émissions sortant des cheminées. Si nous tenons compte de l'empreinte carbone totale, quels en sont les coûts, de façon prospective?
Selon moi, si vous envisagez les choses globalement, le charbon soutient n'importe quelle concurrence, dans la mesure où les conditions sont égales pour tous. Si vous imposez une taxe sur le carbone seulement sur le charbon, mais pas sur les autres ressources, il ne sera plus compétitif.
Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord avec vous; les choses doivent être équitables. S'il faut imposer une taxe, il faudra qu'elle soit universelle. Mais permettez-moi de revenir à la question. Combien en coûte-t-il aujourd'hui pour produire de l'électricité, si l'on exclut le CSC? Est-il de 4 cents le kilowatt-heure?
M. Campbell : Oui, de 4 à 6 cents, dans ces eaux-là.
Le sénateur Massicotte : Si vous ajoutez une taxe de 100 $ sur le carbone, quel chiffre obtiendra-t-on?
M. Campbell : Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne suis pas un expert du CSC. L'un des problèmes de l'industrie du charbon, c'est que c'est une industrie minière. Nous n'exploitons pas les centrales. Si vous fermez une centrale au charbon, vous fermez des mines. C'est une préoccupation, pour nous, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous produisons le produit que les centrales consomment. Le travail qui doit être accompli doit être fait avec les centrales et avec les scientifiques, et il doit viser l'amélioration des coûts de cette réduction.
Par ailleurs, j'ai lu cette semaine un article selon lequel des scientifiques de l'Université de la Pennsylvanie, je crois, avaient trouvé le moyen de transformer le carbone en éthanol, lequel peut être utilisé comme combustible. Si la recherche se poursuit, nous constaterons une diminution des coûts. En Grande-Bretagne, toute nouvelle centrale au charbon devra permettre le captage et le stockage du carbone, et cela fera baisser les coûts étant donné que, au fil du temps, l'efficience sera de plus en plus grande.
Encore une fois, il faudra tenir compte du fait que les mesures que nous prenons pour lutter contre les changements climatiques ont un coût. Je ne crois pas que quiconque ait un doute à ce propos. Il s'agit de bien faire les recherches et de prendre notre temps, et il faut aussi établir un plan bien réfléchi quant aux mesures que nous devrons prendre pour lutter contre les changements climatiques.
Le sénateur Massicotte : Merci.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de cet exposé, monsieur Campbell.
J'ai pris connaissance des diapositives que vous avez distribuées; vous dites que la valeur totale de la production canadienne de charbon était de 3,1 milliards de dollars en 2015 et que le charbon arrive au cinquième rang des matières premières les plus précieuses au Canada.
M. Campbell : Oui.
La sénatrice Seidman : Comme nous envisageons, disons, une diminution progressive, votre exposé a établi très clairement qu'il y a encore dans le monde des pays qui devront continuer à consommer du charbon. Le Canada en produit énormément, et le charbon est important pour notre économie; alors, quelles seraient à votre avis, en premier lieu, les répercussions de cette diminution sur la situation du pays, dans une perspective économique? Ensuite, pensez- vous que, dans les faits, nous allons produire du charbon pour l'exporter afin d'approvisionner les régions du monde qui devront continuer à consommer du charbon?
M. Campbell : Je crois vraiment que la situation va changer, puisque, comme je l'ai dit dans mon exposé, la plus grande partie du charbon thermique que nous extrayons des mines du Canada est consommée ici, et que, dans certains cas, il coûte trop cher de l'exporter, l'infrastructure n'étant pas au rendez-vous. Il faudrait construire des chemins de fer.
Vous faites concurrence à de gros producteurs. L'Australie, par exemple, est l'un de nos plus importants compétiteurs. L'Australie produit des volumes considérables de charbon thermique, tout comme l'Afrique du Sud, et ces deux pays sont plus près des ports et des clients. Mais, dans le cas du charbon produit en Alberta et en Saskatchewan, les coûts d'expédition sont probablement trop élevés et nous interdisent de mettre le charbon thermique sur le marché.
Quant au charbon métallurgique, nous pouvons être compétitifs et, en Ontario et en Colombie-Britannique, toutes les mines de l'intérieur de la province sont aujourd'hui des mines de charbon métallurgique. Ces provinces exportent du charbon cokéfiable, mais, encore une fois, elles sont en concurrence avec l'Australie, l'Afrique du Sud et d'autres pays. Les États-Unis sont un grand exportateur de charbon métallurgique.
Nous observons quelque chose d'intéressant, aujourd'hui, et c'est que les États-Unis expédient le charbon en passant par le Canada, parce qu'ils n'arrivent pas à trouver de l'aide pour construire des terminaux charbonniers. Les Westshore Terminals, par exemple, s'occupent aujourd'hui des expéditions de charbon américain, et cela fait déjà un certain temps. Nous sommes d'avis que nous pourrions expédier le charbon canadien à partir de là. Il ne serait pas logique de dire que nous ne voulons pas exploiter des mines de charbon au Canada, mais que nous tolérons que les États-Unis envoient ici du charbon qui est expédié à partir de nos ports. À mon sens, cela est incompatible.
La sénatrice Seidman : Si nous ne pouvons pas être compétitifs, en ce qui concerne le charbon thermique, en particulier, vous pensez qu'il ne serait pas possible d'envisager de produire et d'exporter du charbon thermique. Alors, est-ce que cette activité sera progressivement abandonnée? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?
M. Campbell : En Nouvelle-Écosse, il est possible d'exporter, parce qu'il y a un port. Les mines se trouvent sur le littoral, et c'est pourquoi il est possible d'en exporter une partie.
Cependant, si je pense à la Saskatchewan et à l'Alberta, il faudrait régler quelques problèmes de logistique avant de savoir si une entreprise arriverait à faire un profit en exportant ce charbon-là. À l'heure actuelle, la plupart des mines ont été construites pour alimenter des centrales. N'oubliez pas que l'espérance de vie de bon nombre de ces centrales nous amène dans certains cas jusqu'en 2061. À Edmonton, par exemple, les centrales de Genesee 3 et de Keephills sont deux des centrales les plus propres du monde, et leur vie utile devrait aller jusqu'en 2061. Les emplois sont donc là, si le gouvernement leur accorde toute cette durée de vie.
La sénatrice Seidman : Encore une fois, dans vos diapositives, vous parlez de l'électricité, au Canada et dans les provinces, et vous présentez un diagramme de la production d'électricité en Alberta qui montre que le charbon produit 51 p. 100 de l'électricité de l'Alberta. Ce matin, justement, dans les journaux, il y avait un article disant très clairement que l'Alberta allait abandonner progressivement la production de charbon et qu'elle allait présenter un plan en ce sens. Vous avez beaucoup parlé de l'Alberta; pourriez-vous nous dire comment cela se passerait, selon vous? Quels en seront les impacts sur les emplois et sur l'économie? Comment envisagez-vous cette transition?
M. Campbell : Eh bien, voulez-vous parler spécifiquement de l'Alberta? En Alberta, je crois que de véritables problèmes vont se poser, bientôt, puisque l'Alberta veut abandonner progressivement la production de charbon et y mettre fin en 2030. Comme vous le voyez sur le graphique, 51 p. 100 de notre production d'électricité — qui représente environ 6 200 mégawatts — vient du charbon.
Vous verrez, en fait, que des collectivités rurales vont disparaître parce qu'il n'y aura plus d'emplois. Nous entendons beaucoup parler de l'adoption des technologies vertes, comme l'éolien et le solaire, mais je me demande bien combien d'emplois cela représente en réalité. J'ai observé ce qui s'est passé en Ontario, qui disait que des emplois seraient créés, mais il n'y en a pas eu.
Un article intéressant a été publié, il y a quelque temps, lorsque TransAlta a fermé son parc éolien en Alberta. C'était le plus grand parc éolien. La partie la plus intéressante de cet article n'avait pas trait à la capacité de ce parc ou au volume d'électricité qu'il produisait. Ce parc n'employait que 18 personnes. C'est là l'information la plus éloquente. Quand une mine qui emploie 250, 300, voire 600 personnes ferme ses portes et qu'elle est remplacée par un parc éolien, oui, il y a quelques nouveaux emplois créés, les premières années, pour l'érection des turbines ou l'installation des panneaux solaires. Mais cela ne dure que deux ans. Une fois les turbines dressées, où sont les emplois?
Nous prétendons qu'il n'y aura pas d'emplois durables, là-bas, qui permettront à ces collectivités de survivre. Nous voyons déjà poindre l'incertitude, dans ces collectivités. Je les ai toutes visitées, l'an dernier. J'ai fait le tour de l'Alberta, j'ai parlé à toutes les collectivités charbonnières, et ces gens-là s'inquiètent de leur avenir. Comme je l'ai dit plus tôt, ces gens-là vont perdre non seulement leur emploi dans le secteur du charbon, mais peut-être aussi, leur ferme familiale. Ce sera une catastrophe.
Encore une fois, quand je pense au Canada, à l'Alberta et à la Saskatchewan, qui essaient d'attirer des investissements, il y a une chose que l'Alberta a toujours pu offrir, et c'est une source d'énergie fiable et abordable. La lumière ne fera jamais défaut. Quand vous envisagez d'investir des milliards de dollars dans un secteur donné, vous voulez entre autres être certains de disposer d'une source d'énergie fiable. C'est l'un des aspects qui nous aident à être compétitifs à l'échelle mondiale. Si vous pensez aux salaires, nous payons davantage nos travailleurs. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas situés à proximité des ports, nous avons donc des frais d'expédition que les autres pays n'ont pas à assumer, et c'est pourquoi nous devons chercher par tous les moyens à nous donner un avantage de façon à pouvoir attirer des investissements et à créer des emplois, dans la province.
La sénatrice Ringuette : J'ai une petite question. Est-ce que la centrale de Boundary Dam de SaskPower capte 100 p. 100 de ses émissions? Quel pourcentage arrive-t-elle à capter?
Le sénateur Patterson : Est-ce que ce n'est pas 90 p. 100?
M. Campbell : Oui, je crois que l'objectif était de 90 p. 100. La centrale vise à capter un million de tonnes de carbone par année. Elle cherche à réduire de 100 p. 100 les émissions de dioxyde de soufre produites par la préparation du charbon et de 90 p. 100 les émissions de carbone.
Je peux vous affirmer, madame la sénatrice, que la Southeast Saskatchewan Airshed Association, qui surveille la qualité de l'air à Estevan, en Saskatchewan, depuis 25 ou 30 ans, n'a jamais signalé de problèmes au chapitre de la qualité de l'air, même avant que les procédures de CSC aient été mises en place.
Encore une fois, nous avons la chance, au Canada, entre autres, de produire un charbon dont la teneur en soufre et en cendres est très faible. C'est un charbon qui brûle très bien.
La sénatrice Ringuette : Est-ce que j'ai bien entendu? Vous avez dit que cette nouvelle technologie, qui vient d'être installée, offre une durée de vie qui s'étend jusqu'en 2061?
M. Campbell : Non, non. Nous avons en Alberta quelques usines qui, selon la réglementation fédérale en vigueur aujourd'hui — cela va jusqu'à un procédé de combustion supercritique —, ont une durée de vie qui va jusqu'en 2061.
La sénatrice Ringuette : Combien cela coûte-t-il pour installer la technologie du CSC, et je parle en particulier de SaskPower? Notre mandat consiste à déterminer les coûts de la transition qui nous permettra d'atteindre nos cibles, et c'est pourquoi il est très important pour nous de savoir de quel coût on parle ici.
M. Campbell : Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts, mais je puis vous dire que le projet de la Saskatchewan a coûté cher. Il y a eu quelques dépassements de coût, étant donné, encore une fois, qu'elle a été la première à utiliser cette technologie et qu'elle a fait face à certains imprévus.
La sénatrice Ringuette : Nous le savons, nous avons eu le même problème avec la technologie nucléaire, au Nouveau-Brunswick.
M. Campbell : Étant donné que le Conseil mondial de l'énergie a donné son aval et que, à Paris, on dit que le captage et le stockage du carbone, c'est bien concret, je crois que vous allez voir les coûts chuter considérablement.
Encore une fois, je reçois depuis un certain temps la visite d'un certain nombre d'entreprises japonaises. Le Japon est actuellement en train de construire 24 ou 29 centrales alimentées au charbon. Il utilise ce qui se fait de mieux en matière de technologies. Les émissions seront quasiment nulles. Voilà ce qui se fait au Japon.
J'ai reçu la visite des représentants d'une entreprise — en fait, je leur ai dit de s'adresser aux gouvernements des quelques provinces qui utilisent le charbon encore aujourd'hui — qui voulaient savoir s'il valait la peine de poursuivre dans cette voie. Ils utilisent une technologie légèrement différente, qui ne vise pas le captage du carbone, mais vise à réduire les émissions de carbone.
Regardez les recherches en cours aux États-Unis et en Allemagne; ces pays vont faire ce qu'ils doivent faire au tout premier chef, c'est-à-dire prendre soin de leurs citoyens, ce qui est toujours important. Ensuite, ils vont le faire de manière à respecter également leurs cibles selon l'accord de Paris.
Le président : On vous a déjà posé deux ou trois fois une question sur le coût du captage et du stockage du carbone. Lorsque nous nous trouvions sur les installations de Boundary Dam, nous avons posé la même question, et on n'a pas pu, là non plus, nous répondre. Il s'agit d'une nouvelle technologie, et il se passe toutes sortes de nouvelles choses, dans ce domaine, et personne n'a là non plus été en mesure de nous donner un prix exact; je tenais à le dire pour le bénéfice des autres personnes ici présentes.
Le sénateur Patterson : Les installations de Boundary Dam m'ont vraiment impressionné; on nous a dit que cette centrale émettait en fait moins de carbone qu'une centrale électrique à cycle combiné utilisant du gaz naturel. Cela m'a réellement épaté.
J'ai toujours eu l'impression que le charbon était un gros mot, pour les environnementalistes. Nous avons nous- mêmes entendu dire qu'une fable circulait à Weyburn, selon laquelle du carbone qui avait été injecté dans des champs de pétrole avait fui. C'était faux, mais on en a abondamment parlé, et les groupes environnementaux en ont rajouté une couche; ils n'ont jamais reconnu leur erreur, même lorsque les scientifiques ont prouvé que cette histoire était du bidon.
Vous avez dit que le captage et le stockage du carbone avaient été reconnus, à Paris; je parle évidemment du sommet sur les changements climatiques. Comment cette technologie a-t-elle été présentée, et comment se présente-t-elle dans notre monde obsédé par la réduction des émissions de carbone?
M. Campbell : On n'en a pas vraiment parlé. Je crois que plus les pays réfléchiront aux enjeux auxquels ils font face — en premier lieu, il faut s'occuper de l'environnement, mais en second lieu, il faut s'occuper de son économie —, cette technologie va prendre de plus en plus d'importance.
Il ne s'agit pas seulement du captage et du stockage du carbone. Comme je le disais, les États examinent les mesures qu'ils peuvent prendre pour réduire les émissions et ils s'intéressent en fait aux recherches qu'il faudra mener.
Les États-Unis, en particulier, me surprennent. On entend dire qu'ils vont fermer toutes les centrales alimentées au charbon, mais, en réalité, ils ne peuvent pas faire cela. Il y a des choses qui se disent, mais ce qui se passe en réalité est très différent.
Nous ne disons pas qu'il ne faut rien changer. Nous savons que nous devons continuer à réduire les émissions. Tout le monde devrait avoir le même but. Mais nous disons que le charbon a sa place dans le bouquet énergétique. En Alberta, par exemple, nous avons des installations éoliennes, des installations hydroélectriques au fil de l'eau, quelques installations solaires, et nous avons aussi le charbon et le gaz naturel. Il n'y a rien de mal là-dedans. La concurrence est une bonne chose. Elle oblige les gens à rester honnêtes.
Nous voyons que les ressources énergétiques sont mixtes, partout au Canada, mais nous vivons dans un climat nordique. Le vent ne souffle pas constamment, et le soleil ne brille pas constamment; nous avons besoin d'une source d'énergie fiable. Il y a chez nous un certain nombre de personnes qui ont besoin d'électricité pour chauffer leur maison. En Alberta, nous avons de la chance : nous avons du gaz naturel. Il ne reste plus que quelques rares personnes qui chauffent toujours leur maison à l'électricité. Mais à l'échelle du pays, dans les régions nordiques, les gens consomment de l'électricité, et c'est pourquoi nous devons faire tout ce que nous pouvons pour offrir à nos citoyens une électricité fiable et abordable.
Le sénateur Patterson : On dit bien des choses, mais passer aux actes, c'est une autre histoire.
J'aimerais parler un peu plus de l'Alberta, qui affiche le pourcentage le plus élevé pour ce qui est de la production d'électricité à partir du charbon. Nous avons des règlements fédéraux, qui sont entrés en vigueur en 2015, exigeant l'abandon progressif des anciennes centrales. Nous avons aujourd'hui le plan de leadership sur le climat de l'Alberta, qui établit des objectifs ambitieux : réduire à zéro les émissions des centrales électriques alimentées au charbon d'ici 2030 et remplacer les centrales désaffectées par des centrales au gaz naturel. Ensuite, TransAlta a interrompu, ou suspendu, son projet Pioneer de démonstration du captage et du stockage du carbone à la centrale Keephills 3, et cela, pour des raisons d'ordre économique. Est-ce que l'Alberta sait où elle s'en va? Vous avez parlé de la centrale de Genesee et de sa longue durée de vie. Est-ce que l'Alberta a défini son itinéraire, entre les buts et la réalité?
M. Campbell : Je ne fais pas partie du gouvernement, et c'est pourquoi il m'est difficile...
Le sénateur Patterson : Vous en avez déjà fait partie.
M. Campbell : J'en ai déjà fait partie, mais nous avons un nouveau gouvernement.
Le sénateur Patterson : Oui.
M. Campbell : Sincèrement, je dirais que non. Je crois en toute honnêteté que le gouvernement, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, a dû se dépêcher pour être prêt pour Paris. Il s'est rendu à Paris et, à son retour, a dit : « Voilà ce que nous allons faire. » Nous avons demandé au gouvernement de prendre un peu de recul pour revoir la situation et d'élaborer un plan raisonnable pour l'avenir.
Encore une fois, des articles ont paru, et il a été question ce printemps, à Vancouver, de la déclaration d'un membre de la Société géologique du Canada. On lui a demandé entre autres, s'il devait expédier en Chine du charbon ou du gaz naturel, quelle était la solution la plus propre à son avis. Il a répondu que c'était le charbon. Pour les 50 prochaines années, ce sera le charbon.
Les gens commencent à comprendre que le gaz naturel, évidemment, émet du méthane.
Le sénateur Patterson : C'est pire que le carbone.
M. Campbell : Oui, les environnementalistes disent que c'est pire que le carbone. Nous allons fermer les centrales au charbon et passer au gaz naturel, mais qu'est-ce que cela veut dire, pour l'avenir? Je crois que, en Alberta, à l'heure actuelle, personne n'investit dans le gaz naturel parce que tout le monde attend de savoir quel règlement le gouvernement fédéral va présenter. Le premier ministre Trudeau et le président Obama ont signé un accord sur le gaz naturel visant à réduire les émissions de 45 p. 100 par rapport aux niveaux de 2015 au cours de la prochaine décennie. Qu'est-ce que cela veut dire? De quoi auront l'air ces règlements?
L'incertitude des secteurs de l'électricité et de l'énergie, quant à la voie que nous allons emprunter, crée une véritable angoisse. Ce qui nous inquiète, c'est que ce seront nos citoyens, nos membres et les gens qui travaillent dans les mines qui vont en faire les frais. Nous pensons qu'il faudrait réfléchir encore davantage au plan.
Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Campbell, de votre exposé. Comme vous l'avez dit, le Nouveau-Brunswick dépend du charbon. En fait, le charbon produit 15 p. 100 de l'électricité totale consommée au Nouveau-Brunswick et, évidemment, l'Alberta, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse ont besoin du charbon pour à peu près la moitié de leur consommation d'électricité.
Si j'ai bien compris, si les centrales au charbon de ces provinces étaient éliminées, il se pourrait que le prix de l'électricité augmente. Pensez-vous qu'il existe un moyen, dans ces provinces, d'éliminer la production d'électricité au charbon sans provoquer une augmentation du prix de l'électricité?
M. Campbell : Non, je ne crois pas que ce moyen existe. Nous parlons d'énergies renouvelables, et nous savons quels en sont les coûts. Nous savons que l'énergie renouvelable exige des subventions. L'industrie du charbon n'est pas subventionnée, et je crois qu'il est important que les gens le sachent. L'industrie du charbon fait ce qu'elle a à faire. Elle doit être efficiente et productive, si elle veut faire un profit. Les contribuables ne subventionnent pas l'industrie du charbon.
Quant aux énergies éolienne et solaire, nous savons qu'elles exigent quelques subventions. Nous ne savons pas de quels genres de subventions il s'agit, parce que cela évolue. Il est intéressant de constater qu'ailleurs dans le monde, les pays qui étaient passés à l'énergie solaire et éolienne reviennent au charbon. Certains pays ont fermé des installations.
Le Danemark, par exemple, a fermé cinq parcs éoliens après une augmentation de 66 p. 100 des taxes. La Hollande a adopté les automobiles électriques et accordé des incitatifs fiscaux; les gens étaient bien d'accord, pour toutes les bonnes raisons. Mais savez-vous quoi? Le pays a dû remettre en marche trois centrales au charbon, car il fallait de l'électricité pour recharger ces automobiles. On dit aujourd'hui que ces centrales vont être fermées, mais qui peut prédire ce qui se passera. L'Allemagne a construit de nouvelles centrales. Ce sont de bonnes centrales, dotées d'une technologie de pointe.
Le sénateur McIntyre : Si j'ai bien compris votre exposé, le charbon ne disparaîtra pas de sitôt, et il fera partie du bouquet énergétique mondial pendant encore des décennies. Le Canada devrait donc envisager d'investir dans la technologie du charbon propre, qui peut servir au Canada et ailleurs dans le monde. C'est l'essentiel de votre propos?
M. Campbell : C'est ce que nous aimerions. Nous aimerions que la recherche technologique se fasse ici, au Canada. Nous aimerions créer des emplois dans les régions du pays qui connaissent une dépression et nous aimerions conclure des partenariats avec différentes universités, dans ces régions.
Je pense par exemple au Cap-Breton, parce que c'est de là que vient ma famille et que j'aurai toujours un petit faible pour cette région. Pourquoi ne pourrions-nous pas mener des recherches sur la technologie du charbon à l'Université du Cap-Breton, créer des emplois bien rémunérés et obtenir des résultats qui vont améliorer la situation dans le monde entier? Pourquoi laisserions-nous quelqu'un d'autre s'en charger, après quoi nous devrons lui acheter son produit?
L'une des magnifiques qualités de notre pays c'est que, pour tout ce qui concerne les ressources naturelles, nos innovations et nos recherches technologiques dans les domaines pétrolier et gazier, forestier et agricole ont été utilisées partout dans le monde. Nous avons été capables de mettre nos connaissances à profit pour aider des pays de toutes les régions du globe. Nous pourrions faire la même chose avec le charbon, si nous prenions les mesures nécessaires, mais à l'heure actuelle, je crois que nous allons prendre un retard insurmontable si nous n'agissons pas rapidement.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur une question que le sénateur Patterson a posée plus tôt. Il disait que le charbon était considéré comme une source d'énergie « sale » par le public et qu'il était un important responsable des problèmes que nous posent les émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, selon ce que vous venez de nous dire, c'est faux, en grande partie.
Depuis un certain nombre d'années, nous sommes nombreux — je n'inclus pas parmi nous les membres du grand public — à avoir constaté que des millions de dollars sont injectés dans notre pays, directement ou indirectement, et financent des groupes environnementaux qui vont comparaître, présenter leurs idées et participer au débat public sur l'énergie qui se déroule au Canada. Et cela ne s'applique pas seulement au charbon; cela s'applique aussi aux débats sur les pipelines, les sables bitumineux et tout ce qui concerne les ressources du Canada.
Est-ce que votre organisation est préoccupée par le fait que des fondations américaines dépensent ici des millions de dollars pour financer, directement ou indirectement, des groupes environnementaux qui comparaissent et font connaître leurs idées, lesquelles, en ce qui a trait à l'industrie primaire du Canada, équivalent à une campagne axée sur une totale opposition à l'exploitation de ressources? Si cela vous préoccupe, que pensez-vous qu'il faudrait faire pour s'assurer que les Canadiens sont bien informés sur le débat qu'il faut tenir sur l'exploitation de nos ressources?
M. Campbell : Cela me préoccupe, c'est certain. Lorsque j'étais ministre de l'Environnement de l'Alberta, j'ai eu affaire à un certain nombre de ces organisations, qui venaient évidemment nous demander de ne plus exploiter les sables bitumineux.
Je pense aux programmes scolaires, par exemple, aux enfants qui reviennent à la maison et disent à leur père : « Sais- tu quoi, papa? Tu es en train de tuer la planète. » C'est ce que les enseignants disent aux enfants, dans les écoles, dont le père est mineur. La situation est la même pour ceux qui travaillent dans l'industrie forestière.
Je crois qu'il faut offrir des conditions équitables, c'est certain. Je crois que nous devons tenir compte des faits et de la science. Encore une fois, comme je le disais, Internet a changé la politique. Internet a changé le monde, parce que, si Internet le dit, ce doit être vrai, et on trouve toutes sortes de choses sur Internet. Je pense à Twitter, par exemple, et je me demande comment on peut faire valoir son point en 140 caractères? C'est tout simplement impossible.
Il faudrait mettre en place un processus de vérification ou un mécanisme quelconque nous permettant de contrôler les sommes d'argent qui arrivent au Canada de l'étranger, nous empêchent d'exploiter nos ressources et privent nos citoyens d'emplois.
J'ai passé toute ma vie dans cette industrie, et elle a été bonne pour moi. Elle m'a donné un toit; elle m'a permis de nourrir ma famille et d'envoyer mes enfants à l'école. Elle m'a assuré une retraite. Et elle a fait cela pour des milliers de travailleurs de l'industrie du charbon, et l'industrie du pétrole et du gaz a fait la même chose.
Je commence à être frustré. Comme je suis le président de l'association, je dois me montrer un petit peu plus diplomate que je ne le voudrais, quand je m'exprime devant un public, alors que, lorsque j'étais président du syndicat United Mine Workers, je pouvais dire à peu près tout ce que je voulais.
Cela m'inquiète, quand des gens viennent dans mon pays et nous disent : « Vous ne pouvez pas faire cela. » Le fait est que, s'ils viennent au Canada, c'est parce que c'est un endroit agréable. Les gens, au Canada, s'excusent toujours de ce qu'ils font, et c'est pourquoi il est facile de venir ici et de recueillir de l'argent.
Je dirais par exemple que, si Greenpeace décidait d'aller en Chine pour essayer de mettre fin à l'exploitation du charbon, là-bas, il ne serait pas aussi bien reçu; ses membres pourraient aussi essayer d'aller en Russie et de mettre fin à l'exploitation du gaz naturel. Mais vous ne voyez jamais Greenpeace là-bas. Pourquoi? Pour commencer, les membres n'arriveraient même pas à passer la frontière.
Cela me préoccupe vraiment. Notre pays est magnifique; nos provinces sont magnifiques; nos ressources sont magnifiques. Je crois que nous nous occupons très bien de l'environnement. J'ai parcouru le pays d'un bout à l'autre, et nous devons faire quelque chose pour que le message circule, comme je l'ai dit, pour que les conditions soient équitables.
Malheureusement, quand il est question de notre industrie, on ne l'accepte pas, et ce n'est pas une bonne chose. Il faut donc que cela vienne des gens des collectivités. Il faut qu'ils se lèvent et prennent la défense de leur collectivité, de leur industrie et qu'ils soient fiers de ce qu'ils font. Il faut qu'ils le fassent plus souvent. Il est à espérer que nos élus vont les entendre, mais aussi, et c'est plus important, qu'ils les écouteront lorsqu'ils se réuniront pour élaborer des règlements et des politiques.
Le sénateur Lang : Je suis comme vous préoccupé par le fait que des millions de dollars sont reçus, au Canada, et que la plupart des Canadiens ne sont même pas au courant, même si ces sommes ont une incidence sur les politiques publiques de notre pays. Je crois que nous devrions tous nous en préoccuper, et que nous devons lancer un débat public. Qui sont ces gens, et pourquoi dépensent-ils des millions de dollars dans notre pays à la poursuite de ce but?
J'aimerais maintenant revenir à vos diapositives. Sous le titre « Les politiques gouvernementales : que signifient-elles pour le charbon? » vous dites ceci : « Nous savons que la tarification du carbone rendra extrêmement coûteuse l'utilisation du charbon pour produire de l'électricité au Canada. » J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur le sujet. Si on adopte une taxe sur le carbone, est-ce que cela veut dire que vous vous dirigez vers une faillite? Est-ce bien ce que cet énoncé veut dire?
M. Campbell : Oui. Nous ne pourrons plus être compétitifs. Vous imposez une taxe de 30 $ la tonne de charbon, et nous ne pouvons plus concurrencer le gaz naturel. Nous ne pourrons plus concurrencer l'énergie éolienne ou solaire. Ils ont fait cela, en Alberta, ils ont imposé une taxe sur le carbone à toutes les centrales au charbon, point à la ligne.
Le sénateur Lang : Ce qui fait que, au bout du compte, je le dis pour que ce soit clair pour nos auditeurs, pour qu'ils comprennent bien les implications de tout cela, le consommateur devra payer plus, que ce soit une taxe sur le carbone pour la production d'électricité au charbon ou que ce soit pour les autres sources d'énergie, si cela suppose la fermeture des mines de charbon.
M. Campbell : Je le crois, en effet.
Le sénateur Lang : Il y aura donc un coût supplémentaire.
Le sénateur Massicotte : Je reviens à votre réponse, concernant la taxe sur le carbone qui serait de 30 $ pour le charbon; je reviens à ce que vous avez dit plus tôt, l'équité, c'est l'équité. Si vos compétiteurs, par exemple dans l'industrie du gaz naturel, devaient eux aussi payer une taxe de 30 $, vous ne seriez toujours pas concurrentiels?
M. Campbell : Si la taxe est appliquée de manière équitable, oui, puisque tout le monde paiera la même chose, mais ce n'est pas ainsi que cela se passe, en Alberta.
Le sénateur Massicotte : Mais si la taxe sur le carbone était appliquée au carbone, point à la ligne, peu importe la source, si elle était appliquée à tous, vous pourriez vous en sortir? Vous seriez toujours concurrentiels?
M. Campbell : Oui. Nous pourrons être concurrentiels dans la mesure où les conditions sont les mêmes pour tout le monde. Nous ne disons pas que nous sommes opposés à la taxe sur le carbone. Si on fixe un prix pour le carbone, eh bien, soit. Nous ne sommes pas contre. Ce que nous disons, c'est que nous ne devons pas faire du charbon le principal coupable de ce qui se passe à l'échelle du monde.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Je vis en Ontario, et je crois que nous avons les plus grosses factures d'électricité de tout le pays. L'an dernier, seulement, nous avons subi une augmentation de 15,7 p. 100, ce qui est vraiment énorme. Ce qui me préoccupe, c'est la possibilité que l'on réduise les émissions et que l'on diminue la production d'électricité par les centrales au charbon de notre province. Ce sera une catastrophe pour l'économie de l'Ontario. Ça me préoccupe beaucoup.
Je sais que l'on a établi un plan visant à réduire les émissions d'ici 2030. Est-ce que nous avons assez de centrales pour la planète, peut-être, ou pour le pays? Avons-nous consacré suffisamment d'argent à la recherche et au développement pour réduire ces émissions de 100 p. 100? Est-ce que le gouvernement a mis suffisamment d'argent dans ce projet?
M. Campbell : Pour la recherche et la technologie?
Le sénateur Enverga : Oui.
M. Campbell : En Alberta, nous avons un fonds pour la technologie. La Climate Change and Emissions Management Corporation, la CCEMC, a voulu que les grands émetteurs injectent dans ce fonds 15 $ la tonne. Évidemment, les plus grands émetteurs, en Alberta, ce sont les centrales électriques qui sont alimentées au charbon. Pas un seul sou ainsi recueilli n'a été affecté à la recherche sur le charbon. Tout a été consacré au pétrole et au gaz.
Nous disons aux citoyens de la province que cela ne leur coûte absolument rien, que c'est l'industrie qui paie. L'argent est là. Nous devrions l'utiliser pour la recherche et la technologie de manière à réduire nos émissions et à devenir des chefs de file. À mon avis, nous pourrions probablement faire cela partout au pays.
Le sénateur Enverga : Est-ce que nous l'avons dit au gouvernement? Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas d'argent consacré à la recherche sur le charbon? Est-ce que vous avez cogné aux portes pour le savoir?
M. Campbell : Je commence à cogner aux portes. En tant qu'ancien ministre provincial, j'ai dû passer par une période de restriction au cours de laquelle je ne pouvais pas m'adresser aux membres du gouvernement, pendant un an. Je peux de nouveau, maintenant, leur parler. C'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui et que je sillonne le pays pour parler à différents ministres de la question du charbon. Nous ne demandons pas à ce qu'on nous laisse tranquilles; nous voulons tout simplement faire partie au même titre que les autres de la solution.
Le sénateur Patterson : Comme nous approchons de la fin, et j'estime que cette discussion a été des plus utiles, il me semble vous avoir entendu dire que les États-Unis avaient de l'avance sur le Canada, à certains égards. Vous avez parlé de la nécessité d'assurer des conditions égales pour tous de façon que le charbon puisse être concurrentiel et qu'il soit considéré comme une source potentielle d'énergie propre, plus propre même que le gaz naturel, comme je l'ai appris en Saskatchewan.
Pourriez-vous nous dire, aujourd'hui ou plus tard, peut-être, ce que vous recommanderiez au gouvernement fédéral de faire afin d'assurer ces conditions équitables? Comment faudrait-il structurer les investissements du Canada, désormais, de manière à donner une chance au charbon?
M. Campbell : Premièrement, il faut qu'il y ait une volonté en ce sens. C'est la première étape. Il faut que le gouvernement veuille prendre des mesures.
La deuxième chose que j'examinerais, c'est ce que nous avons déjà en place et dont nous pouvons nous servir en ce qui concerne la recherche et la technologie. Nous ne voulons pas réinventer la roue et gaspiller des sommes d'argent pour faire quelque chose qui existe déjà. Il faut un peu de planification.
Je crois qu'il faudrait agir en partenariat avec le département de l'Énergie des États-Unis pour savoir ce qu'il a fait, déjà, et quelle direction il a prise.
Je crois que nous avons le temps, au Canada. Si vous examinez le volume total des émissions, à l'échelle du globe, la contribution du Canada est minime. Selon certains auteurs, le Canada serait en fait neutre en carbone. Notre forêt boréale constitue un immense puits de carbone.
L'industrie continue à aller de l'avant afin de trouver des façons plus efficientes et productives de faire des affaires, ce qui permet de réduire les émissions. L'industrie veut faire partie de la solution. Elle ne veut pas faire partie du problème. Elle doit rendre des comptes aux actionnaires, et les actionnaires veulent que les entreprises soient socialement responsables.
Si nous discutons avec les intervenants de l'industrie, les universités — nous avons d'excellentes universités, ici au Canada — et les membres du gouvernement, je crois que nous avons l'occasion et aussi le temps de mettre en place un plan visant la création et la conservation des emplois et à faire de nous un chef de file mondial. Je crois qu'il est important, si l'on pense à l'avenir, de pouvoir prendre les choses en main. Nous n'avons pas à nous contenter de suivre.
J'ai en main le document d'information publié par le département de l'Énergie des États-Unis ainsi que quelques diapositives. Je vais les remettre aux greffiers, vous pourrez ainsi voir ce qui se passe aux États-Unis. J'ai trouvé ces documents fascinants, étant donné que ce que je vois dans les journaux, par rapport à ce qu'ils font ici, c'est deux choses totalement différentes, et je crois qu'il se fait vraiment du bon travail. L'industrie est très importante aux États- Unis. Nous parlons de milliers d'emplois; nous savons que des milliers d'emplois ont été perdus, là-bas. J'ai été représentant à l'internationale, pour le Canada, du syndicat United Mine Workers of America. J'ai passé du temps dans les Appalaches, en Virginie occidentale, en Pennsylvanie, au Tennessee et au Kentucky, et ces régions sont anéanties, aujourd'hui.
L'autre chose qu'il est important de savoir, c'est que, aux États-Unis, même si les emplois pourront être récupérés, les salaires ne le seront pas. Il est important de ne pas l'oublier. Vous allez créer des emplois, mais quel salaire offriront- ils, qu'est-ce que cela signifiera pour notre économie, pour les dépenses discrétionnaires, pour le soutien aux petites entreprises, par exemple. Il ne s'agit pas seulement de l'industrie charbonnière. Il y aura un effet domino sur l'ensemble du pays.
Le président : Nous allons bientôt manquer de temps, et certains sénateurs, et moi-même, aimerions encore vous poser quelques questions. Madame Seidman, auriez-vous une petite question à poser?
La sénatrice Seidman : Je crois que le sénateur Patterson a posé à peu près la question que j'aurais posée, alors c'est bon pour moi.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Campbell, pendant votre exposé, vous avez dit que le secteur commençait tout juste à investir dans la technologie et que 20 millions de dollars avaient été consacrés à des centres de recherche; pourtant, selon une de vos diapositives, la production annuelle totale de charbon au Canada représente en tout 3,1 milliards de dollars.
Le débat sur les changements climatiques n'est pas nouveau. Cela fait au moins 30 ans qu'il dure. Comment se fait-il que le secteur vient tout juste de décider d'investir 20 millions de dollars dans un centre de recherche, pour faire les recherches nécessaires, puisque, comme vous le dites, le secteur a désespérément besoin de soutien? Pourtant, ce montant n'est pas très élevé, proportionnellement à la valeur totale de votre production au Canada, soit 3,1 milliards de dollars.
Que répondez-vous à cela? À mes yeux, le secteur semble s'y prendre à la dernière minute, disant que, comme le problème des changements climatiques ne disparaîtra pas, nous serions mieux de le prendre au sérieux. N'aurait-il pas dû le prendre au sérieux il y a 30 ans déjà?
M. Campbell : Il ne faut pas confondre le secteur du charbon et le secteur de la production d'électricité. La technologie de CSC a été mise en place par SaskPower. La société l'a mise en place afin de réduire les émissions de ses centrales.
L'industrie du charbon a pris un certain nombre de mesures, au fil des ans, pour protéger l'environnement. Aujourd'hui, toutes nos installations, surtout les installations de production de charbon métallurgique, sont dotées de systèmes en circuit fermé, pour l'eau, et nous ne rejetons plus d'eau comme nous le faisions auparavant. Nous nous en tirons mieux également sur le plan de la remise en état, c'est-à-dire le reboisement et la remise en état des pâturages. Je pourrais vous amener sur la rivière Cardinal, sur les pentes orientales des Rocheuses, et vous pourrez observer tous les animaux sauvages que vous voulez, ils sont tous des animaux indigènes de la région. Nous faisons du bon travail, là- bas.
Nous envisageons de transporter notre produit par chemin de fer jusqu'à la côte, et nous voulons utiliser une solution à base de latex de façon que la poussière de charbon ne s'échappe pas des wagons. Cela se fait souvent depuis longtemps. La société Teck Resources envisage d'utiliser des camions au gaz naturel plutôt qu'au diesel, de façon à réduire ses émissions. L'industrie elle-même est toujours en évolution et cherche d'autres façons de faire les choses.
Pensez à l'Alberta et à la Saskatchewan, les gouvernements ont prêté et dépensé de grandes sommes d'argent pour le CSC. Cette solution n'est pas appréciée par tout le monde, mais les gens comprennent que nous dépendons du charbon, qui est une source d'énergie fiable, et que c'est un secteur qui prend ses responsabilités. Est-il trop tard? Qui pourrait le dire?
Le sénateur Lang : En réponse à une question, vous avez parlé du Japon et du fait qu'il a donné le feu vert à un certain nombre d'usines alimentées au charbon qui n'émettront pour ainsi dire aucun gaz à effet de serre. Je crois que c'est ainsi que vous vous êtes exprimé.
Pourquoi ne ferions-nous pas des plans pour remplacer nos anciennes centrales au charbon par ce type de centrale de façon que, lorsque nous serons rendus là, il ne sera plus question des émissions de gaz à effet de serre de ces centrales?
M. Campbell : Je crois que, pour le moment, un des facteurs aurait trait aux coûts, et un autre, à l'incertitude, car nous ne savons pas encore quels règlements seront adoptés demain.
Si vous devez dépenser de l'argent, vous voulez une certitude. C'est ce que l'industrie recherche dans les règlements et les politiques. Elle recherche la certitude. Elle veut être certaine, si elle investit, que son investissement sera rentable.
Prenons l'Alberta et la centrale de Genesee de Capital Power, qui devait être exploitée jusqu'en 2061; elle sera fermée en 2030. Cela n'envoie pas un message positif aux autres investisseurs, qui auraient voulu investir dans ce secteur.
Le président : Merci. J'ai deux ou trois petites questions.
Vous avez parlé de la RAH, la récupération assistée des hydrocarbures, et aussi du captage et du stockage du carbone. Je suis bien d'accord. Que faites-vous au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse? Il n'y a pas dans ces provinces de champs pétrolifères, pour commencer, il n'y a donc pas de récupération assistée des hydrocarbures. Je ne sais même pas si les couches sous la surface se prêteraient à la récupération du carbone, étant donné qu'il ne s'est pas fait beaucoup de forage, à ma connaissance, et que nous ne savons pas exactement ce que nous pourrions y trouver. La même situation se pose dans certaines autres régions du monde, n'est-ce pas? Le captage et le stockage du carbone, la RAH, c'est magnifique — je ne dis rien d'autre —, mais on ne peut pas utiliser ces technologies partout.
M. Campbell : En Saskatchewan et en Alberta, les caractéristiques géologiques s'y prêtent, et cela fonctionne. Vous avez raison à 100 p. 100.
Le président : Dans vos notes, vous dites que les émissions produites par les centrales alimentées au charbon seront éliminées, d'ici 2030. Nous avons été reçus par un responsable d'Alberta Electric System Operator, qui nous a dit que, selon le nouveau plan sur les changements climatiques adopté par l'Alberta, le charbon serait progressivement abandonné. Qui a raison? Est-ce que le charbon doit être abandonné ou est-ce qu'il faut que les émissions soient réduites? J'aimerais avoir une réponse claire.
M. Campbell : Je puis vous affirmer que cette question a déjà été posée et que la réponse était que le charbon sera abandonné progressivement. Nous avons demandé s'il nous serait possible de continuer à exploiter le charbon, en ramenant les émissions à zéro, et on nous a répondu par la négative.
Le président : Cela est une réponse claire.
Une dernière chose. Vous avez dit — je crois que cela avait à voir avec Paris — que, sans la technologie du captage et du stockage du carbone, le coût de l'électricité produite à partir du charbon augmenterait de 138 p. 100. Je vous ai peut-être mal compris. Pourriez-vous préciser à quoi se rapporte ces 138 p. 100?
M. Campbell : C'est un chiffre qui figure dans le rapport du département de l'Énergie, je vais vous le laisser. Je crois que, dans un scénario selon lequel il ne serait pas possible de limiter à 2 degrés Celsius l'augmentation globale de la température, le coût des mesures d'atténuation qui résulterait du non-respect de l'objectif augmenterait de 138. p. 100.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Campbell, de votre exposé. C'était intéressant. Nous avons bien hâte de voir les autres documents que vous allez nous laisser. Si vous pensez à quoi que ce soit d'autre, après que vous nous aurez quittés, en ce qui concerne les coûts et la réduction des émissions, nous aimerions beaucoup que vous en avisiez notre greffière, qui nous distribuera votre note; nous l'apprécierions vraiment beaucoup.
(La séance se poursuit à huis clos.)