Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 15 - Témoignages du 1er novembre 2016
OTTAWA, le mardi 1er novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 57, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, à tout membre du public avec nous dans la salle et à toutes les personnes au pays qui nous regardent à la télévision. Je rappelle aux gens qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et sont également mises à sa disposition par webdiffusion, sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous trouverez aussi de l'information sur les témoins à venir sur le site web, sous la rubrique des comités du Sénat.
J'inviterais maintenant les sénateurs ici présents à se présenter. Je vous présente le vice-président du comité, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.
La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.
Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.
La sénatrice Ringuette : Je suis la sénatrice Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
Le président : J'aimerais également présenter notre personnel, à commencer par notre greffière, Lynn Gordon — à ma gauche, au bout — et notre greffier en formation, Maxime Fortin, qui est à côté de moi. Nous avons aussi nos deux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Il s'agit de la 21e séance consacrée à notre étude des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone qui s'impose pour que nous puissions atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncées par le gouvernement du Canada.
Pour le premier volet de notre séance, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mathew Wilson, vice-président principal, Politique nationale, et Nancy Coulas, directrice, Politique environnementale et énergétique, des Manufacturiers et Exportateurs du Canada.
Merci d'être ici. Je dois dire, au nom de tous mes collègues, que nous sommes désolés du retard. Nous n'aimons pas faire cela, mais à l'occasion, quelqu'un au Sénat se lève et se met à parler, et nous devons rester là et l'écouter. Alors, parfois, vous pouvez vous compter chanceux.
Quoi qu'il en soit, vous avez une déclaration préliminaire à présenter. Je vous laisse la parole, puis nous vous poserons des questions. Merci.
Mathew Wilson, vice-président principal, Politique nationale, Manufacturiers et Exportateurs du Canada : Bonsoir, et merci. Ne vous en faites pas, commencer une heure plus tard ne nous pose aucun problème. Nous sommes juste heureux d'être ici ce soir pour vous parler de ces enjeux importants.
Les Manufacturiers et Exportateurs du Canada, ou MEC, forment la plus grande et la plus influente association de l'industrie du commerce. Je suis accompagné aujourd'hui de ma collègue, Nancy Coulas; nous sommes heureux de témoigner ici au nom de nos 60 000 manufacturiers et des 2 500 membres directs de notre association.
Même si les MEC représentent certains des plus gros joueurs industriels au Canada, plus de 85 p. 100 de notre réseau est constitué de petites et moyennes entreprises de fabrication et d'exportation appartenant à des Canadiens. Nous représentons tous les secteurs industriels et tous les secteurs d'exportation dans toutes les régions du pays.
La fabrication est le plus gros secteur d'affaires au Canada. Les ventes totales du secteur canadien de la fabrication en 2015 s'élevaient à 610 milliards de dollars, ce qui correspond à 11 p. 100 du rendement économique du Canada et compte pour les deux tiers des exportations et 45 p. 100 de la R-D. Cette année-là, les manufacturiers ont aussi procuré un emploi — hautement productif — à valeur ajoutée et bien rémunéré — à plus de 1,7 million de Canadiens. De façon plus générale, grâce à ses chaînes d'approvisionnement intégrées, le secteur de la fabrication est responsable, directement et indirectement, d'environ 37 p. 100 de l'activité économique totale du Canada et d'à peu près 27 p. 100 des emplois.
Bref, la fabrication est cruciale pour assurer la création de richesse qui soutiendra le niveau de vie de tous les Canadiens.
Le secteur manufacturier possède de longs antécédents de rendement environnemental responsable. Le secteur a toujours soutenu et dirigé les efforts des gouvernements visant à concilier le rendement sur le plan de l'environnement et la croissance économique, y compris, plus récemment, au chapitre de la réalisation des objectifs de réduction des émissions de GES. De fait, les fabricants sont des chefs de file de la réduction des émissions. En 1990, les fabricants du Canada ont émis tout juste un peu plus de 112 mégatonnes d'équivalent CO2, soit environ 18 p. 100 du total canadien. En 2014, les émissions du secteur manufacturier s'élevaient à 96 mégatonnes de CO2, ce qui correspond à tout juste un peu plus de 13 p. 100 des émissions de GES du Canada.
Aucun autre secteur au Canada n'a fait de tels progrès. Parallèlement, cette réduction de 14 p. 100 n'a pas empêché le secteur manufacturier canadien d'accroître ses ventes de 150 p. 100 et ses niveaux de production de 33 p. 100.
Le secteur a réduit ses émissions en améliorant son rendement environnemental et en adoptant des technologies plus propres. Les manufacturiers canadiens ont réduit les émissions par unité du PIB réel de 35 p. 100 entre 1990 et 2014. Cette réduction est imputable à des progrès technologiques permettant d'accroître le rendement énergétique, d'utiliser moins d'hydrocarbures et d'adopter de nouveaux processus de production industriels qui génèrent moins d'émissions. L'investissement dans des installations de fabrication, des technologies, des machines et de l'équipement nouveaux et améliorés a été le principal moteur du progrès technologique dans le secteur manufacturier.
L'expérience des 25 dernières années montre clairement que l'amélioration du rendement environnemental et la croissance économique vont de pair. À mesure que les entreprises investissent dans de nouvelles machines et pièces d'équipement, leur production s'accroît, et le volume de leurs émissions et leur consommation d'énergie baissent. Parallèlement, ces investissements accroissent la compétitivité des fabricants et leur permettent d'investir encore davantage dans leurs effectifs et dans de nouveaux produits et de nouvelles technologies à mesure que leur entreprise prend de l'expansion.
Les MEC viennent tout juste de terminer une consultation nationale sur l'avenir de la fabrication au Canada, dans le cadre d'une initiative que nous appelons Industrie 2030. Cette initiative avait pour but de créer une feuille de route pour doubler la production et les exportations des fabricants canadiens d'ici 2030 en misant largement sur l'accélération et l'adoption de nouvelles technologies qui permettront aux entreprises d'être plus productives et de réduire les émissions.
La rétroaction des fabricants et exportateurs de partout au pays est instructive pour toute étude visant à concilier les considérations économiques et environnementales, et trois grandes priorités s'en dégagent. Premièrement, il faut améliorer la compétitivité mondiale; deuxièmement, les solutions axées sur la technologie sont cruciales; et troisièmement, des mesures uniformes et fondées sur les résultats sont essentielles.
Pour commencer, il importe de souligner que la plupart des entreprises sont incertaines pour ce qui est de l'application de taxes sur le carbone. Comme l'indique le premier diagramme que nous vous avons fourni, dont les données sont tirées de notre sondage relatif aux enjeux en matière de gestion, 35 p. 100 des entreprises s'opposent à toute forme de tarification du carbone, alors que les autres appuient une telle mesure, mais ne croient pas qu'elle irait assez loin, ou alors elles disent que cela dépendrait des modalités de la taxe sur le carbone en question. Toutefois, ces avis partagés tiennent davantage, vraiment, au débat continu au sujet de la tarification du carbone, des diverses formes qu'elle pourrait prendre et des différences dans certaines des solutions proposées par les gouvernements fédéral et provinciaux.
Cela dit, les entreprises sont universellement préoccupées par l'impact éventuel de taxes supplémentaires sur leur compétitivité et sur leur capacité de composer avec l'ajout d'une telle taxe sur le carbone. Comme en témoigne le deuxième diagramme, les entreprises vont refiler les coûts supplémentaires aux consommateurs, ce qui n'est pas vraiment facile à faire si vos concurrents n'ajoutent pas des coûts similaires ou viennent de différents endroits. En outre, 16 p. 100 des répondants ont dit qu'ils déplaceraient la production dans une autre administration, et 13 p. 100 ont déclaré qu'ils investiraient davantage à l'extérieur du Canada. Il s'agit de résultats troublants, étant donné l'importance de la fabrication au Canada.
Pour stimuler l'investissement et la croissance dans tout secteur de l'économie, il est essentiel que les entreprises soient concurrentielles sur la scène mondiale. Le Canada n'est pas une île, et la signature de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne au cours de la dernière fin de semaine fait ressortir cette réalité. Les biens produits au Canada peuvent être produits presque n'importe où dans le monde. Pour que les manufacturiers investissent au Canada, produisent des biens ici et emploient des millions de Canadiens, ils doivent être en mesure de fonctionner de manière concurrentielle sur la scène mondiale.
Pour cette raison, les entreprises sont particulièrement préoccupées par la possibilité qu'une taxe sur le carbone ou une autre mesure similaire n'entraîne une hausse des coûts d'exploitation au Canada et ne mène à un déplacement de la production et de l'investissement vers des administrations offrant des structures de coûts plus concurrentielles et, probablement, des mesures environnementales moins rigoureuses. Un tel transfert d'émissions de carbone serait contre-productif sur le plan de l'économie comme de l'environnement.
Les politiques, les taxes et les règlements relatifs aux changements climatiques doivent assurer la neutralité fiscale et des conditions de concurrence équitables entre les sociétés canadiennes et étrangères pour être efficaces.
À la lumière de ce qui précède, voici les trois grandes recommandations de l'industrie relatives au maintien de la compétitivité qui doivent être examinées : premièrement, il faudrait mener une analyse de l'impact économique des taxes sur le carbone; deuxièmement, le gouvernement devrait s'assurer que le fardeau fiscal global est équivalent en réduisant d'autres formes d'imposition des entreprises, y compris les cotisations sociales et l'impôt sur le revenu des sociétés, avant d'instaurer une taxe sur le carbone; troisièmement, les gouvernements doivent veiller à ce que les entreprises soient exposées au commerce international afin que nous puissions être compétitifs sur les marchés intérieurs ainsi que sur les marchés étrangers — où il n'y a peut-être pas de tarification du carbone —, afin d'éviter que les biens soient simplement produits à l'étranger et importés au Canada.
Une solution évidente à nombre des défis en matière de compétitivité — mais pas tous — est l'adoption de technologies, lesquelles aideraient à réduire les émissions tout en améliorant la compétitivité. Comme je l'ai souligné plus tôt, le secteur manufacturier canadien a su prendre de l'expansion tout en réduisant ses émissions au cours des 25 dernières années. En outre, nos consultations nous ont amenés à conclure que le fait de simplement taxer les activités ne fonctionnera pas et sera nuisible sur le plan de l'économie et de l'environnement. Un accroissement des coûts liés à l'énergie, à l'infrastructure, au transport et à la conformité réglementaire va mener à une érosion de la rentabilité et, par conséquent, de la capacité des entreprises d'investir dans les nouvelles technologies requises pour continuer de réaliser des progrès au chapitre de la réduction des émissions.
Les entreprises ne peuvent investir dans de nouvelles technologies propres que si elles sont rentables et ont l'argent pour investir, comme l'illustre la troisième diapositive. Il y a une relation directe entre le niveau des investissements et la rentabilité après impôts des entreprises au Canada. Par conséquent, il est essentiel d'établir des conditions favorisant la compétitivité et la rentabilité des entreprises, et cela comprend le taux d'imposition effectif global des entreprises, les coûts énergétiques et les coûts généraux liés à la conformité réglementaire.
C'est là que les gouvernements ont clairement un rôle de soutien à jouer. Comme en témoigne notre quatrième diapositive, il y a tout un éventail de mesures de soutien que les entreprises aimeraient se voir offrir par les gouvernements pour les aider à réduire les émissions. Comme point de départ, il y a un rôle important que les gouvernements devraient jouer pour ce qui est de soutenir l'investissement des sociétés et d'éliminer les risques liés à l'adoption et à la création de nouvelles technologies propres grâce à un financement national visant à soutenir l'investissement. Bien souvent, les investissements dans les nouvelles technologies sont risqués. En effet, les entreprises sont souvent incertaines au sujet des nouvelles technologies propres dans lesquelles elles devraient investir ou de l'impact de ces nouvelles technologies sur leurs activités d'ensemble.
Les MEC sont en train de concevoir avec la province de l'Ontario un fonds qui pourrait servir de modèle pour d'autres provinces ou pour des organismes de développement économique régionaux du pays qui voudraient soutenir l'adoption de technologies propres par des entreprises de toutes tailles, dans tous les secteurs industriels. Le programme SMART Vert devrait être reproduit et soutenu par le gouvernement fédéral et les organismes de développement économique régionaux dans toutes les provinces du Canada. Ces programmes de soutien à l'investissement devraient être créés au moyen des recettes d'une éventuelle taxe sur le carbone.
Enfin, il est crucial de souligner que nous devons mettre l'accent sur des mesures uniformes et fondées sur les résultats. Si le résultat souhaité est de réduire les émissions et de stimuler la croissance économique, nous devons nous assurer de mesurer ce résultat, et nous devons veiller à ce qu'il soit simple pour les entreprises et les consommateurs de participer à l'initiative et de la soutenir.
Deux grandes priorités sont ressorties de nos consultations à cet égard. En premier lieu, il importe d'établir des définitions des technologies vertes et propres qui sont neutres quant à la nature des technologies et des secteurs. L'accent devrait être mis sur les résultats escomptés de l'utilisation de la technologie, comme la réduction des émissions de GES ou de la consommation d'énergie, et non sur la nature de la technologie ou la façon dont elle est censée fonctionner.
En deuxième lieu, puisque plusieurs provinces s'affairent déjà à mettre en œuvre des politiques et des règlements visant la réduction des émissions de GES, le plan fédéral doit être harmonisé avec les plans provinciaux existants afin d'assurer l'uniformité et d'éviter le double emploi et les chevauchements.
Nous vous remercions encore de nous avoir invités aujourd'hui à parler de l'importance du secteur de la fabrication dans le paysage économique et environnemental du Canada. Nous croyons qu'il est possible d'adopter une approche équilibrée qui permettra au secteur manufacturier de prospérer tout en réduisant son empreinte environnementale. Étant donné le rôle crucial que joue la fabrication dans le rendement économique et environnemental du Canada, toute stratégie nationale de réduction des émissions de GES et d'amélioration du rendement économique doit, pour être efficace, soutenir la croissance à long terme du secteur manufacturier.
Merci de nous recevoir. Nous sommes impatients de discuter avec vous.
Le président : Merci. Nous allons commencer les questions.
Le sénateur Massicotte : Merci à vous deux d'être ici et de nous permettre de tenir cette discussion.
Vous avez récemment produit votre feuille de route pour la période menant à 2030. Dans ce document, vous décrivez un plan d'action pour doubler les activités de fabrication — un très louable et très fort objectif fondamental —, mais il n'est question nulle part de réductions des émissions. Pourriez-vous formuler des commentaires à ce sujet?
M. Wilson : Oui, absolument. Cet enjeu n'est pas mentionné dans le rapport. Selon la façon dont le rapport sera appliqué... ce rapport est un résumé des consultations que nous avons menées. Nous allons publier, au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, des rapports plus détaillés dont le contenu abordera précisément la tarification du carbone et les émissions de GES dans le contexte du rendement environnemental. C'était la première phase de nos rapports, et les autres paraîtront au cours des prochaines semaines.
Cela dit, deux ou trois recommandations du rapport portent précisément sur le sujet dont nous parlons aujourd'hui. En effet, nous avons bien mentionné dans ce document, au sujet d'une éventuelle taxe sur le carbone, que le réinvestissement des recettes de celle-ci dans le secteur serait, selon nous, un élément crucial de la croissance à long terme du secteur.
Le sénateur Massicotte : Comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, vous faites partie de la catégorie de l'industrie qui est intensive en émissions et exposée au commerce; bien entendu, le gouvernement est sensible à cette réalité aussi, puisqu'il l'a créée, sachant que le prix dans d'autres pays pourrait influer sur votre compétitivité et vous désavantager. On convient aisément de ce fait — et vous en avez parlé —, il serait facile de s'asseoir ensemble et de faire cela. Nous savons tous qu'il s'agit d'une catégorie qu'il faut traiter d'une façon spéciale. Comment voulez-vous que le gouvernement traite ce secteur, exactement? Que proposez-vous?
M. Wilson : Je vais répondre de façon générale, et peut-être que Nancy, ma collègue, voudra ajouter quelque chose. C'est une question fantastique. Justement, je viens tout juste de demander à l'économiste en chef des MEC de se pencher sur cette question.
Il y a beaucoup de discussions sur ce qu'on entend par une entreprise « exposée au commerce », mais il n'y a pas beaucoup de définitions ni de compréhension approfondie du terme. On se demande bien, dans le milieu gouvernemental comme dans le secteur privé, ce que cela veut dire et comment on composerait avec cela.
Je dirais, tout d'abord, que nos définitions seraient probablement un peu plus larges que d'autres. Nous envisagerions principalement la chose sous l'angle de la proportion, dans un secteur donné, des marchandises importées ou exportées en ce qui concerne la production et les ventes sur le marché canadien. Force est de reconnaître que notre secteur est fortement exposé au commerce. Nous sommes exposés même lorsqu'il n'y a pas d'accords commerciaux, nous sommes très exposés.
Nous ne sommes pas une île : nous sommes très exposés. Nous ne sommes pas comme d'autres secteurs de l'économie qui évoluent dans un environnement contrôlé. Nous devons faire concurrence — que ce soit aux États- Unis, à la Chine, à l'Inde, au Japon, à l'Allemagne — à ces pays tous les jours pour aller chercher les investissements ainsi que des mandats de production et d'autres choses. Nous devons nous assurer, dans ces secteurs et dans l'ensemble du domaine de la fabrication, qu'il y a une approche équilibrée où l'on adopte une vue d'ensemble. Peut-être que Nancy aurait des renseignements un peu plus précis à vous fournir.
Nancy Coulas, directrice, Politique environnementale et énergétique, Manufacturiers et Exportateurs du Cananda : Assurément, certaines de nos sociétés membres sont intensives en émissions et exposées au commerce, mais j'ajouterais également que la plupart de nos membres sont des petites et moyennes entreprises qui vont également subir les effets en tant que fournisseurs de ces grandes sociétés exposées au commerce. Leurs coûts liés à l'énergie et au transport vont s'accroître. En Ontario, par exemple, on a recueilli très peu d'information pour l'instant à l'égard de l'impact possible sur les petites et moyennes entreprises, alors c'est une préoccupation.
Quant aux entreprises exposées au commerce qui sont en quelque sorte considérées comme telles à l'heure actuelle, on songe assurément à une certaine gratuité en Ontario. Cela va nous aider, et il est également crucial de tenter de définir la façon dont cela va se concrétiser au fil des ans, pour veiller à ce que cela fonctionne.
Le sénateur Massicotte : Comme 80 p. 100 de vos produits sont exportés aux États-Unis, je soupçonne qu'il serait judicieux de commencer par déterminer comment les choses se passent aux États-Unis pour voir si vous êtes concurrentiels. Lorsqu'on établit les modalités d'imposition, le traitement de la taxe sur le carbone, pour s'assurer que la mesure est équivalente ou qu'elle ne vous désavantage pas de façon importante, ce serait probablement la première grande mesure à prendre, je pense.
M. Wilson : Il y a des difficultés à ce chapitre. Nancy a mentionné les membres de taille plus modeste. Si vous regardez le profil des entreprises de fabrication à l'échelle du pays, vous constaterez que nous comptons énormément de très petites entreprises. À peu près 95 p. 100 des entreprises de fabrication comptent moins de 100 employés, et la plupart en comptent moins de 25, alors il s'agit de très petites entreprises. Habituellement, elles agissent comme fournisseurs au sein d'une chaîne d'approvisionnement étendue. Il y a des producteurs de métaux qui approvisionnent le secteur pétrolier et gazier qui vont peut-être soutenir le développement de ce secteur à l'échelle du pays ainsi que le secteur de l'automobile et d'autres secteurs du genre. Ces entreprises ne font pas directement de l'exportation, elles tendent à faire partie d'une grande chaîne d'approvisionnement. Il s'agit de fournisseurs de niveau 2 ou de niveau 3.
Il est très difficile de recueillir des données sur les entreprises exposées au commerce, même lorsqu'on s'attache à cet aspect, puisque la plupart des entreprises n'exportent pas directement. Si vous vous attachez uniquement à déterminer qui exporte et qui importe, vous obtiendrez un portrait bien différent de ce qui se passe dans l'économie. La vaste majorité des entreprises participent à l'approvisionnement local en tant que sous-sous-fournisseur à l'égard d'un produit donné, puis ce produit est exporté et se trouve en concurrence à l'étranger.
Il est difficile d'obtenir un portrait clair de la situation juste en s'attachant à la façon dont nos secteurs et nos entreprises fonctionnent, et c'est cela qui nous préoccupe. Faute d'une étude détaillée de l'impact économique et d'un examen réel qui envisagerait la situation au Canada au lieu de simplement tenir pour acquis que tout est équivalent à ce qui se voit aux États-Unis ou dans d'autres pays, on court le risque de mettre en place des politiques pouvant désavantager le Canada et créer des problèmes économiques supérieurs à ce qu'on pourrait attendre à la lumière d'une étude superficielle de la question.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup de votre exposé. La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage de Fertilisants Canada, et on nous a expliqué que la réduction des émissions de GES au Canada doit passer par des stratégies sectorielles. J'aimerais savoir si vos membres appuient l'idée d'adopter des stratégies propres à chaque secteur sur la réduction des émissions de GES.
Mme Coulas : Je dirais que nous appuierions une telle démarche pour les secteurs affichant les taux d'émissions les plus élevés, comme le secteur des engrais et le secteur pétrolier et gazier. Ce sont les experts de ces secteurs, alors il serait sensé d'envisager des approches sectorielles.
Mais encore une fois, la plupart de nos membres ne s'inscrivent pas clairement dans une catégorie ou une autre, alors cela complique les choses pour beaucoup de nos membres.
La sénatrice Seidman : Alors, ils ne font pas partie d'un secteur particulier?
Mme Coulas : Oui. Nombre de nos petites et moyennes entreprises, si elles contribuent à l'approvisionnement d'un secteur donné, ne s'inscriront pas dans ces belles catégories que nous avons établies. Actuellement, nous regardons les émissions de différents secteurs. Nous avons beaucoup de données sur ces émissions, et nombre de nos membres ne font tout simplement pas partie de ces catégories. Il s'agit plutôt d'une catégorie générale de la fabrication.
La sénatrice Seidman : Pourriez-vous nous donner un exemple d'entreprises membres de votre organisme qui seraient difficiles à catégoriser? J'essaie de comprendre comment cela se produirait?
Mme Coulas : Il suffit de penser à une petite entreprise qui fournit une très petite pièce à un fabricant de systèmes de réfrigération, par exemple. Elle a peut-être d'autres produits également. Il est un peu difficile d'affirmer qu'elle appartient à un secteur particulier.
M. Wilson : On pourrait aussi mentionner le cas d'une petite entreprise qui fabrique des éléments en acier pour le secteur pétrolier et gazier. Elle serait normalement placée dans la catégorie de la fabrication d'éléments en acier, mais en réalité, elle approvisionne le secteur pétrolier et gazier. On voit beaucoup de cela. Franchement, il y a beaucoup de problèmes liés à la façon dont nous recueillons les données. Ce n'est pas un commentaire au sujet de la capacité de Statistique Canada, c'est seulement que nous n'avons pas mis à jour nos définitions de la fabrication depuis des décennies. Tout était clair et simple autrefois, mais aujourd'hui, les activités des entreprises peuvent chevaucher de multiples secteurs et englober de multiples activités juste en raison de la façon dont le secteur a évolué.
L'acier serait un exemple intéressant. Assurément, lorsque nous parlons à nos membres, de nombreuses entreprises se décrivent comme étant des fabricants d'acier, un bien plus grand nombre que ce que révéleraient les données de Statistique Canada. C'est peut-être parce qu'elles façonnent le métal, qu'elles font différentes choses avec l'acier, mais elles approvisionnent le secteur pétrolier et gazier ou ceux de l'automobile ou de l'aérospatiale, n'importe quoi. Ces entreprises finissent par changer de secteur, alors ce n'est pas aussi simple que ce que supposent les définitions de Statistique Canada. Bien souvent, les entreprises ne se reconnaissent pas dans les définitions de Statistique Canada.
La sénatrice Seidman : Alors, comment songeraient-elles à réduire les émissions de GES?
M. Wilson : Je crois que, comme l'a dit Nancy, ces gens ne se perçoivent pas comme évoluant seulement dans le secteur de l'acier, ou quelque chose comme cela. Ils se perçoivent comme appartenant à de multiples secteurs manufacturiers en même temps. Dans le domaine des engrais, les catégories sont claires. Dans le secteur de l'automobile, si vous êtes un fabricant d'équipement de niveau 1, vous êtes clairement dans le secteur de l'automobile, mais dès que vous échappez à l'étiquette de fabricant d'équipement et au niveau 1, les lignes commencent à s'embrouiller. À cause du type de fabrication que nous faisons au Canada, la réalité est que de nombreuses entreprises se trouvent dans les zones grises.
Je crois que c'est ce dont Nancy parlait. On ne peut pas simplement dire qu'il faut établir des stratégies sectorielles, puisque cela dépend de la façon dont on définit les secteurs. Vous allez peut-être atteindre des gens que vous ne visiez pas, alors cela crée des difficultés sur le plan des définitions.
La sénatrice Seidman : Je comprends ce que vous dites. Si on ne peut établir des stratégies sectorielles pour certaines entreprises de fabrication, alors comment doit-on envisager la chose? Je pose la question à cause de votre diagramme, à la page 4, sur la façon dont les entreprises s'adapteraient à une éventuelle tarification du carbone. Il est intéressant de constater que 54 p. 100 des répondants refileraient le coût aux consommateurs et que 19 p. 100 d'entre eux investiraient davantage dans de nouvelles technologies, dans la machinerie et dans l'équipement. La question renvoie à la façon dont ces entreprises envisagent le rôle qu'elles pourraient jouer au chapitre de la réduction des émissions de GES.
M. Wilson : Il est facile pour une entreprise de dire qu'elle va refiler le coût à son client. La réalité est très différente de ce qu'on aimerait faire. Le secteur de l'automobile serait peut-être un bon exemple. Je connais assez bien le secteur. On ne peut pas simplement ajouter cela au coût demandé au fournisseur du niveau supérieur. On a conclu des contrats qui durent plusieurs années. Cela ne se fait pas. Ces gens devront chercher d'autres solutions.
La réalité, c'est que la plupart des activités de fabrication au Canada ne consistent pas simplement à fabriquer quelque chose et à le vendre à un client final. Il s'agit généralement d'un assemblage partiel qui fera partie d'autre chose. Les entreprises vous diront que c'est ce qu'elles aimeraient faire. La réalité, c'est qu'elles ne seraient certainement pas capables de faire cela à court terme, et il faudrait qu'elles se penchent sur d'autres facteurs pour réduire les coûts.
Si vous regardez la tendance passée pour ce qui est des réductions des émissions au Canada globalement, elle a toujours concordé avec les moments où les entreprises avaient la capacité d'investir dans la technologie, et c'est ce qu'elles ont fait. Le défi consiste à déterminer comment encourager les entreprises à faire cela à un niveau suffisant pour que nous atteignions les cibles de réduction fixées au pays. C'est là que les vrais défis résident. C'est à cet égard que les entreprises cherchent à obtenir du soutien du gouvernement. Est-ce que cela répond mieux à votre question?
La sénatrice Seidman : Oui.
Le sénateur Lang : J'aimerais seulement revenir sur la question de l'examen secteur par secteur ou de l'établissement d'une cible par secteur. L'entreprise d'engrais qui est venue ici l'autre soir ainsi que l'industrie automobile en étaient venues à une sorte d'accord tacite avec le gouvernement précédent au sujet de la reconnaissance sectorielle et des cibles qu'elles seraient appelées à atteindre en 2030. On acceptait que ces choses pouvaient être accomplies dans certaines circonstances.
Pourriez-vous nous parler de votre expérience à ce chapitre? Je reconnais que certains seront difficiles à catégoriser, mais la majorité des membres de votre association... Sur 60 000 fabricants et 2 500 membres directs, il y a forcément 80 ou 90 p. 100 d'entre eux qui appartiennent à ce secteur. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes à cet égard, afin que nous puissions comprendre?
Mme Coulas : Notre association est de nature horizontale, alors elle touche une foule de secteurs différents. Nous prêtons attention à ces choses, mais nous n'allons pas trop dans les détails lorsqu'il s'agit, par exemple, du secteur des engrais. Lorsque nous examinons des initiatives stratégiques, nous adoptons une vue d'ensemble.
Je sais que beaucoup de travail a été accompli par chacun de ces secteurs afin de recueillir des données auprès de différentes sociétés, de tenir des tables rondes et d'essayer d'en arriver à des cibles qui tiennent la route. Si on mène auprès de ces secteurs des consultations dignes de ce nom en vue d'établir des cibles judicieuses, alors je tends à faire confiance à ce groupe de gens. Je me fierais à ce processus, étant donné la multiplicité des points de vue sollicités.
Nous avons trouvé l'établissement de cibles très difficile pour nos autres fabricants. Pour les entreprises qui ne s'inscrivent pas dans ces catégories de secteur, il n'y a pas de processus de consultation à leur égard, alors il est vraiment difficile de fixer des cibles. Chaque entreprise sera différente. En outre, les entreprises seront à différents stades pour ce qui est de la réduction des émissions, alors nombre d'entre elles auront déjà pris les mesures faciles à mettre en place et lancé les initiatives d'efficacité énergétique qu'elles pouvaient lancer. Elles l'ont fait il y a dix ans. D'autres entreprises ne seront tout simplement pas rendues là.
Alors, lorsque vient le temps d'établir des cibles pour ces entreprises qui ne tombent pas dans un secteur précis, l'exercice devient vraiment difficile.
Le sénateur Lang : J'ignore si vous avez répondu à ma question ou pas. Vous avez mentionné que des entreprises vont tenter de refiler les coûts supplémentaires au consommateur. Comme vous l'avez dit, ce n'est pas facile à faire. En outre, 16 p. 100 des répondants ont dit qu'ils déplaceraient leur production ailleurs, et 13 p. 100 ont dit qu'ils investiraient davantage dans leurs activités à l'extérieur du Canada. Bien entendu, cela ne peut que préoccuper la plupart des Canadiens ainsi que les personnes qui travaillent dans ce secteur particulier.
Voulez-vous nous en dire un peu davantage à ce sujet? La question d'une taxe sur le carbone, à l'échelon tant provincial que fédéral, a été débattue toute l'année. Est-ce que des entreprises ont commencé à songer à s'établir ailleurs, sachant que quelque chose va se passer?
M. Wilson : C'est une question difficile. En général, lorsque je regardais ces résultats, j'avais la même réaction que vous. Ce ne sont pas de bons résultats du point de vue de l'économie canadienne. Nous ne voulons pas encourager cela.
Une partie du problème tient à la grande incertitude qui règne quant à la suite des choses. À part la Colombie- Britannique, où une mesure est en place depuis quelques années, on ne sait pas grand-chose sur ce qui va se passer à l'échelle nationale ou dans les provinces. À beaucoup d'endroits, il y a bien des discussions, mais peu de projets fermes. S'il n'y a pas de mise en œuvre, les entreprises sont dans l'incertitude.
Lorsque les entreprises ont des possibilités d'investissement, le capital est affecté aux endroits où les entreprises obtiendront le meilleur rendement. Même s'il s'agit d'entreprises canadiennes, elles vont tout de même regarder ailleurs. Si le coût des affaires est plus élevé ici — les taxes sur le carbone, les cotisations sociales, l'impôt sur le revenu des sociétés, la R-D, les déclarations de revenus ou simplement la réglementation générale de l'activité commerciale —, il y aura moins d'investissement ici. C'est ce qui se produit naturellement dans tout secteur d'activité. Lorsque les entreprises entendent qu'une nouvelle taxe s'en vient, le niveau d'imposition n'a pas d'importance. La réaction automatique est de déplacer l'investissement ailleurs. Il s'agit habituellement des petites entreprises.
D'après les résultats du sondage que nous avons mené durant l'été, environ 90 p. 100 des répondants étaient de petites et moyennes entreprises. Les filiales canadiennes de multinationales étrangères auraient un point de vue différent à cet égard. Certains y verraient une occasion bien réelle d'investir davantage au Canada et de fournir des technologies dans ce contexte. Cependant, même ces joueurs se pencheraient sur leur empreinte écologique et chercheraient à déterminer quel serait le coût de leurs activités au Canada par rapport à d'autres endroits.
En Ontario, des investissements sont partis aux États-Unis et à d'autres endroits simplement à cause du coût de l'énergie dans la province. Les entreprises voient cela comme un désavantage concurrentiel. Elles peuvent déplacer leur production à des endroits où le prix de l'énergie correspond à la moitié ou au tiers de ce qu'il est en Ontario. Elles peuvent se déplacer dans le nord-ouest de l'État de New York, par exemple, précisément à cause du coût de l'énergie. Ce serait la même chose dans un contexte où on établirait une taxe sur le carbone : les entreprises vont déterminer le coût de production et décider si elles veulent produire ces choses ici ou ailleurs.
La sénatrice Fraser : Merci. Premièrement, au sujet du sondage, j'aimerais savoir à quel moment vous l'avez mené. Vous comptez 2 500 membres. Quelle proportion de vos membres y ont répondu? Vous avez dit que ce sont principalement les petites entreprises qui ont répondu. Pouvez-vous nous donner une ventilation détaillée permettant de déterminer quelle taille d'entreprise tend à donner quel type de réponse? J'entends par cela des tableaux croisés, ce genre de choses.
J'ai remarqué que votre exposé est daté du 5 mai 2016, c'est écrit en bas.
M. Wilson : C'est une erreur de ma part.
La sénatrice Fraser : D'accord. Alors, l'enquête est en fait plus récente que cela.
M. Wilson : Le sondage a pris fin en septembre.
La sénatrice Fraser : Parfait. D'accord. Alors, vous pourriez seulement nous le faire savoir. Tout renseignement que vous pourriez nous communiquer au sujet de la ventilation de ces résultats pourrait nous être très utile.
Ensuite, dans vos commentaires, à la page 6, où vous parlez de l'établissement d'un fonds national de soutien à l'investissement, vous dites que vous travaillez actuellement à l'élaboration d'un tel fonds avec l'Ontario. À la phrase suivante, vous mentionnez votre programme SMART Vert. Est-ce qu'il s'agit du fonds en question?
M. Wilson : Oui.
La sénatrice Fraser : Pourriez-vous s'il vous plaît m'expliquer comment il fonctionne, ce que vous faites avec l'Ontario et ce qu'on peut faire à l'échelle nationale?
M. Wilson : Certainement. Autour de 2008, les MEC et le gouvernement de l'Ontario ont lancé un programme — baptisé Prospérité SMART dès maintenant — qui visait principalement à aider les petites et moyennes entreprises à investir dans de nouvelles machines et pièces d'équipement pour leurs installations; le programme était destiné surtout à l'adoption de nouvelles technologies permettant un accroissement de la production aux fins de l'exportation. C'était au tout début de la récession. Le programme a été étendu, grâce à un partenariat conclu avec FedDev Ontario, par l'intermédiaire d'Industrie Canada, au cours des six dernières années. Il est toujours actif. Nous avons aussi le programme SMART Vert pour le Sud de l'Ontario.
Maintenant, nous sommes à nouveau en contact avec le gouvernement de l'Ontario afin de mettre au point un programme visant précisément la technologie verte. L'idée consiste à créer, dans le cadre du Fonds d'investissement vert de l'Ontario, lequel est doté de deux ou trois centaines de millions de dollars... Les MEC administrent une partie de ce fonds, je crois que c'est 20 ou 25 millions de dollars sur deux ans.
Un processus a été établi au sein de notre organisation, et un comité d'experts externes se charge de l'administration. Les entreprises nous envoient leur demande. Nous avons établi certaines conditions auxquelles les entreprises sont censées satisfaire. Je généralise ici, mais habituellement il s'agirait d'un investissement donnant droit à des fonds de contrepartie — une subvention — dont la valeur peut aller de 33 à 50 p. 100. L'initiative vise des résultats précis, et ces résultats, en l'occurrence, seraient l'adoption de nouvelles technologies en vue de réduire les émissions de GES. C'est le but du fonds.
Tous les critères sont établis. Alors, une petite ou moyenne entreprise viendrait nous voir et nous demanderait un financement correspondant à 50 000 $ sur un investissement de 100 000 $ pour l'achat d'une nouvelle pièce d'équipement, et le résultat serait une réduction des émissions de l'ordre de 15 ou 20 p. 100. Ensuite, notre comité d'experts se pencherait sur les différentes demandes présentées par les différentes entreprises, et nous déterminerions lesquelles seraient les plus susceptibles d'obtenir les résultats escomptés sur les plans environnemental et économique. Ensuite, nous nous chargeons d'administrer ces fonds.
Jusqu'à maintenant, nous avons réussi à répondre à ces types de demandes dans un délai d'environ huit semaines; l'entreprise présente sa demande, et nous lui répondons huit semaines plus tard avec un paiement. Dans le cadre d'initiatives similaires dirigées par un gouvernement, le délai est habituellement de 8 à 18 mois. Nos frais généraux oscillent autour de 5 p. 100, tandis que ceux des gouvernements se situent entre 30 et 40 p. 100.
Nous sortons la politique du processus. Nous n'évaluons même pas les demandes nous-mêmes. Des membres du personnel interne se chargent de mener le tout, mais nous avons un comité consultatif externe, habituellement constitué d'anciens PDG et de professeurs d'université — des gens qui connaissent bien le domaine en question —, qui évalue les demandes reçues.
La sénatrice Fraser : Avez-vous tenu des discussions à l'échelon fédéral au sujet de la création d'un programme comparable?
M. Wilson : Nous avons eu des conversations à ce sujet, mais rien de très détaillé pour l'instant. Mais oui, nous avons eu des discussions préliminaires à ce sujet.
La sénatrice Ringuette : La sénatrice Fraser a presque posé les mêmes questions que je voulais poser.
Est-ce que votre discussion avec le gouvernement fédéral porterait encore sur votre participation éventuelle au programme, ou s'agirait-il d'un programme national qui serait administré par l'entité fédérale compétente et qui servirait presque de complément à la stratégie actuelle de l'Ontario?
M. Wilson : Nous n'avons pas eu des conversations très détaillées. Du point de vue des MEC, nous serions ravis de l'administrer. Nous estimons faire de l'assez bon travail au chapitre de l'administration de fonds. Depuis 2008, nous avons géré l'octroi de quelque 80 millions de dollars de financement à des petites et moyennes entreprises de l'Ontario.
Nous avons fait du bon travail sans jamais avoir connu de difficultés. Nous sommes fiers de notre bilan et de ce que nous avons pu accomplir en soutenant des centaines de milliers d'emplois et des centaines de millions de dollars dans le secteur de la fabrication. Nous avons d'assez bons antécédents, et nous pourrions le faire immédiatement; nous avons l'infrastructure en place pour mettre un tel programme sur pied.
Cela dit, nous n'allons pas affirmer que personne d'autre ne peut bien faire ce travail ni que le gouvernement lui- même ne pourrait pas bien le faire. Ce qui nous intéresse le plus, c'est de soutenir la création d'une sorte de fonds pour l'innovation verte qui pourrait être ciblé de cette façon, qui pourrait soutenir l'investissement dans l'adoption de nouvelles technologies de pointe et réduire les émissions. Tout dialogue que nous pourrions avoir avec le gouvernement fédéral à cette fin nous intéresse.
En outre — et c'est ce que nous avons dit dans notre rapport Industrie 2030 —, tout type de fonds, qu'il s'agisse d'un fonds vert ou de tout type de fonds pour l'innovation, doit être mis à la disposition de tous les fabricants au pays. Il ne s'agirait pas de les offrir seulement aux entreprises du sud de l'Ontario. Je sais que l'APÉCA offre divers programmes. Ce sont des programmes fantastiques, mais nous devrions les offrir partout au pays. Un petit fonds de 25 millions de dollars en Ontario a peu de valeur si vous êtes au Québec ou en Alberta. Il devrait s'agir de programmes nationaux. Nous avons la capacité de faire cela, et le gouvernement en est capable aussi. Nous aimerions voir de tels programmes naître au cours des prochaines années.
En ce qui concerne le choix du moment, aucun fonds pour l'innovation écologique n'a été établi à l'échelon fédéral. En Ontario, on en a un, et on entame ce processus. Les Ontariens ont à peu près un an d'avance sur le gouvernement fédéral. Nous nous attendons à ce que la conversation ait lieu en temps voulu, et nous entretenons une excellente relation avec ISDE, soit le ministère qui serait à la source de la majeure partie de cette initiative.
La sénatrice Ringuette : Proposeriez-vous que tout genre de subvention soit proportionnelle à la taxe payée sur les émissions? Dans ce cas, le programme serait vraiment axé sur les fabricants qui paient le plus en raison de leurs émissions, et cela les inciterait davantage à adopter un mode de production plus écologique.
Le gouvernement fédéral a indiqué à de nombreuses reprises que le revenu serait neutre... que divers programmes seraient établis dans le but de créer exactement ce que vous recherchez relativement à l'industrie manufacturière.
M. Wilson : Je ne suis pas certain de la façon dont on structurerait quelque chose qui ne tiendrait compte que des résultats au chapitre des émissions, car on pourrait être dans une situation où on pénalise des entreprises pour le travail qu'elles ont fait auparavant. Nous nous concentrons toujours sur le montant des investissements et sur les résultats souhaités. Dans le cadre des programmes que nous offrons aujourd'hui et en partenariat avec les gouvernements fédéral et provincial, l'accent est mis sur les seuils minimaux pour les réductions et les investissements, de même que sur les seuils maximaux. Nous avons davantage étudié, par exemple, la possibilité suivante : le gouvernement fixe un objectif; l'investissement permettra d'atteindre ces objectifs, et nous sommes convaincus qu'ils sont fondés sur les renseignements que nous donne l'entreprise. Ensuite, l'argent est investi par notre entremise.
Nous n'avons pas étudié la possibilité d'un montant fondé sur les pourcentages; nous avons envisagé des montants fondés sur le total des investissements et sur le total des conséquences en général.
Le sénateur Mockler : Quand nous regardons votre exposé, une question est posée : comment votre entreprise s'adapterait-elle à un prix sur le carbone? Ensuite, quand je regarde là où on imposerait les coûts, cela m'amène à vous poser une question : si ce qui est proposé par notre gouvernement se concrétise, quel pourcentage de vos membres pourraient en fait quitter votre organisation ou quitter le pays pour aller ailleurs?
M. Wilson : Notre organisation est composée de membres bénévoles, alors ils pourraient tous partir, et Nancy et moi serions sans emploi, si cela arrivait. Nous sommes financés par nos membres et par leurs cotisations. N'importe lequel de nos membres pourrait partir à tout moment.
Dans le même ordre d'idées, toute entreprise pourrait quitter le Canada, sans égard au fait qu'il s'agisse d'une entreprise canadienne ou d'une multinationale étrangère. Elles peuvent partir. Il n'y a rien qui retienne quiconque ici. Je ne veux pas dire qu'elles vont partir, mais nous ne les contrôlons pas.
Le sénateur Mockler : D'après votre expérience, selon vous, combien partiraient? Quel pourcentage?
M. Wilson : Je ne sais pas. Lorsque la Colombie-Britannique a adopté une taxe sur le carbone, deux ou trois exemples ont été médiatisés. Une cimenterie — en particulier — a fait passer ses activités au sud de la frontière, littéralement à quelques kilomètres de là où elle menait ses activités dans la vallée du bas Fraser. En général, elles ne partent pas.
Je ne m'inquiéterais pas autant de leur départ que des commentaires au sujet de l'investissement. Si les entreprises n'investissent pas dans leurs installations de fabrication, elles deviennent de moins en moins concurrentielles, à l'échelle mondiale. Plus nous ouvrons nos marchés, et plus elles doivent livrer une concurrence internationale, moins elles sont concurrentielles. Alors, si elles n'investissent pas dans leurs installations au Canada, à long terme, elles vont fermer ces installations parce qu'elles ne seront plus concurrentielles.
Si on regarde les problèmes qu'a connus le secteur manufacturier du Canada au cours des 15 dernières années — plus ou moins —, une grande partie du problème tient au fait que, comme nous comptions sur un dollar à 65 cents à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les entreprises n'investissaient pas dans leurs installations, et nous sommes devenus peu productifs et peu concurrentiels. Si une taxe sur le carbone est ajoutée, le même résultat se produira au fil du temps. Le changement ne sera pas immédiat; ce sera le déclin graduel de l'investissement dans les exploitations canadiennes qui entraînera les problèmes.
Le sénateur Mockler : Vous ne pouvez pas faire de prédiction. Cela m'amène à ma prochaine question.
Relativement au nombre d'entreprises appartenant à votre association, vos membres sont-ils préoccupés par l'augmentation potentielle des prix de l'électricité en conséquence d'un passage à une énergie propre? Le cas échéant, quelles conséquences aurait cette augmentation?
M. Wilson : J'ai parlé de l'initiative Industrie 2030. J'ai l'occasion de parcourir le pays et de m'adresser à des entreprises. Nous avons non seulement mené le sondage en ligne, mais aussi tenu des tables rondes en personne, et je peux vous dire que, dans plusieurs provinces, les coûts d'électricité et leur augmentation étaient le principal problème pour les fabricants. Ils dépendent d'un approvisionnement en électricité stable et abordable.
J'ai mentionné l'Ontario plus tôt. Dans cette province, nous entendons des histoires concernant les coûts d'électricité qui auraient triplé ou quadruplé au cours des quatre ou cinq dernières années, principalement en raison de la Loi sur l'énergie verte de l'Ontario et de ce qui est arrivé en conséquence de l'adoption de cette loi, la hausse des coûts d'électricité dans la province.
Honnêtement, c'est insoutenable. Ce type d'augmentation des coûts pour les fabricants de la province est insoutenable, et j'en connais qui ont déménagé leur exploitation dans le nord-ouest de l'État de New York, par exemple. L'une des histoires que nous avons entendues, plus précisément, à l'occasion de l'une des tables rondes, c'est celle d'une entreprise qui avait déménagé son exploitation dans le nord-ouest de l'État de New York, à qui on offrait gratuitement de l'électricité qui était générée en Ontario. Nous payions pour qu'elle soit exportée dans l'État de New York, et New York l'offrait aux entreprises de l'Ontario comme subvention directe en échange d'un investissement dans les activités de fabrication de l'État.
Cette pratique a déjà des conséquences directes, aujourd'hui, et, selon ce qui arrivera à la suite de l'imposition d'une taxe sur le carbone ou du versement de redevances sur le carbone — selon la façon dont le projet est mis en œuvre — ou selon le plafonnement et l'échange dans les diverses provinces, je suppose que les effets seront semblables dans d'autres provinces également. Il est trop tôt pour savoir exactement quels seront ces coûts, mais il est certain que les provinces où j'en ai le plus entendu parler — l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et l'Alberta — étaient en tête de liste des provinces où les entreprises se plaignaient de la hausse fulgurante des coûts d'électricité.
En Ontario, c'était l'élimination des usines alimentées au charbon, et, en Nouvelle-Écosse, c'était la même chose, alors les conséquences se font sentir aujourd'hui.
Le sénateur Patterson : Merci de l'exposé. Je crois que vous avez mentionné un transfert d'émissions de carbone dans votre exposé. Pouvez-vous définir ce terme? Comment pourrait-on prévenir cela? Je me demande si l'une des options auxquelles vous croyez peut-être consisterait à ce que le Canada applique des prélèvements à l'importation de tout ce qui a été produit dans des provinces dont les exigences relatives aux émissions sont faibles ou qui n'en ont pas.
M. Wilson : Comme vous pouvez le voir, mon expert est parti — malheureusement —, alors je vais faire de mon mieux pour définir les termes et certainement pour répondre à votre question sur les importations.
Le problème du transfert d'émissions de carbone en est un auquel, selon moi, les gens prêtent de plus en plus attention, à mesure que nous étudions ces choses. La vraie préoccupation tient au fait que, si les produits sont simplement fabriqués, si l'idée est de réduire les émissions dans un sens mondial afin de lutter contre les changements climatiques, l'idée doit être que, de façon générale — partout dans le monde — nous réduisons les émissions, pas seulement le Canada par lui-même.
Si quoi que ce soit doit être produit où que ce soit dans le monde selon des normes environnementales différentes, si le Canada applique une taxe sur le carbone et que l'investissement et la production s'en vont ailleurs, ce sera encore produit, et, dans certains cas, probablement à une intensité d'émissions plus élevée que si la production avait été effectuée au Canada; il n'y a vraiment aucun gain net, d'un point de vue environnemental, en général, à l'échelle de la planète, et, au Canada, nous ne faisons que perdre des emplois.
Il s'agit d'une grande préoccupation pour l'industrie dans son ensemble, et, comme je l'ai mentionné, ce à quoi cela se résume, dans ma déclaration, c'est que nous fonctionnons — et le secteur de la fabrication fonctionne — dans un environnement mondialement concurrentiel, alors les capitaux peuvent être déplacés n'importe où dans le monde. On peut produire des biens n'importe où dans le monde et les importer ou les exporter n'importe où dans le monde, alors nous devons nous assurer que les entreprises canadiennes — du point de vue des exportations comme de celui des ventes intérieures — ont la capacité de livrer concurrence à leurs concurrents qui produisent des biens n'importe où dans le monde.
Si nous produisons quelque chose ici, au Canada, et que nous tentons de l'exporter aux États-Unis, notre stratégie relative au carbone doit tenir compte du fait qu'aux États-Unis, nous sommes en concurrence avec des sociétés européennes, américaines et mexicaines et avec d'autres sociétés. Dans la même veine, chez nous, nous sommes en concurrence avec les mêmes sociétés. Si nous n'avons pas établi un certain critère d'équivalence tenant compte du fait que le Canada impose une taxe, mais pas les autres administrations, au moment de comparer ce qui se passe au Canada à ce qui se passe dans le reste du monde, il sera très difficile pour les entreprises canadiennes d'être concurrentielles.
Donc, le problème du transfert d'émissions et celui des émissions produites n'importe où ailleurs dans le monde sont pris très au sérieux.
Le problème que vous avez soulevé au sujet des mesures frontalières en est un que nous étudions. Je ne dis pas que nous sommes favorables à ces mesures, mais nous devons trouver un moyen de nous assurer qu'une entreprise canadienne qui vend ses produits au Canada est traitée de la même manière qu'une entreprise américaine qui pourrait ne pas être assujettie à la taxe. Honnêtement, ce n'est pas différent de l'environnement réglementaire, en général... l'impôt des sociétés. Cela fait simplement partie des coûts d'exploitation. Nous devons nous assurer que les impôts des sociétés et que tout le reste est harmonisé à l'échelle mondiale afin que les entreprises puissent investir ici et produire ici.
Lorsque nous discutons de cette question, nous examinons les mesures de soutien à l'investissement dont nous avons parlé plus tôt ainsi que le climat commercial en général et les conditions d'investissement avec lesquelles les entreprises doivent composer. Ce n'est pas aussi simple que de dire que des taxes sont imposées sur le carbone et que nous ne pouvons pas en imposer. Il s'agit d'examiner l'ensemble de l'environnement fiscal et commercial dans lequel nous fonctionnons et de nous assurer que nous menons nos activités dans un environnement concurrentiel.
Cette réponse est-elle utile?
Le sénateur Patterson : Oui, merci.
Selon la résolution sur les changements climatiques formulée par votre conseil d'administration en 2015, il faudrait privilégier les approches volontaires et axées sur le marché par rapport aux approches réglementaires et fiscales pour ce qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails que vous l'avez fait dans votre déclaration préliminaire concernant les mesures volontaires que prennent vos membres et préciser si vous croyez que le Canada pourrait respecter ses engagements mondiaux relativement aux émissions sans intervention du gouvernement?
M. Wilson : Oh là là. Concernant la première question, de façon générale, nous favorisons toujours les approches où l'industrie reçoit des cibles et trouve des moyens de fournir des solutions.
Habituellement, lorsque le gouvernement intervient, les mesures deviennent normatives et pourraient ne pas être dans l'intérêt de tout le monde, et c'est pourquoi, dans nos commentaires, nous avons parlé d'examiner les résultats plutôt que le processus menant à leur obtention, et c'est pourquoi nous étudions toujours ces types d'approches.
Les entreprises ont fait des choses remarquables. Nous avons mentionné les réductions globales des émissions dans le secteur manufacturier, d'un point de vue holistique. Ces émissions ont été rendues possibles par diverses choses, certainement par l'adoption de nouvelles technologies.
Chaque fois que vous remplacez de l'équipement de 30 ou 40 ans par de l'équipement flambant neuf, il devient beaucoup plus efficient à faire fonctionner, d'un point de vue énergétique, et les émissions sont bien moins importantes. Dans d'autres choses, même des petites choses comme nous en faisons tous à la maison, changer les ampoules fluorescentes pour des ampoules DEL... ces types d'approches ont de grandes conséquences.
Comme ma collègue l'a mentionné plus tôt, compte tenu des réductions qui ont eu lieu aujourd'hui, le vrai problème tiendra au fait que la voie de la facilité a été choisie... et combien d'autres solutions de ce genre existe-t-il? Il est certain que, du point de vue de la technologie, de l'investissement dans de nouveaux biens d'équipement, nous accusons beaucoup de retard et pouvons aller beaucoup plus loin que là où nous en sommes aujourd'hui. Concernant beaucoup d'autres choses, je suis allé dans certaines installations de calibre mondial, du point de vue des émissions et de l'environnement. Ces entreprises n'ont plus de solutions faciles à générer. Elles disposent même d'une biomasse cogénérée qu'elles utilisent directement sur place, dans certains cas. Cette biomasse est incroyablement écologique. Si on retourne leur dire : « Vous devez retrancher encore 20 ou 30 p. 100 »... cela n'arrivera pas. Les 20 ou 30 p. 100 vont être retranchés si elles ferment leurs portes. C'est là que nous avons besoin d'un arrangement flexible pour nous assurer que nous étudions la situation d'un point de vue holistique.
J'espère que cette réponse vous a permis de comprendre pourquoi nous envisageons davantage une approche volontaire relativement à certaines des choses que font les entreprises.
Nous estimons que beaucoup de progrès pourront être réalisés du point de vue de la technologie. Si les mesures sont trop normatives quant à la façon exacte d'obtenir les résultats, c'est habituellement là que les problèmes surviennent, du moins de notre point de vue.
La semaine dernière, nous avons assisté à une rencontre avec la ministre McKenna, qui a également parlé du besoin d'examiner les résultats plutôt que le processus menant à leur obtention. Nous croyons que le gouvernement écoute cette recommandation et qu'il s'agit de la bonne approche à adopter.
Le président : Notre temps est presque écoulé, et je ne sais pas s'il nous en restera beaucoup pour une deuxième série de questions.
Je voudrais poser quelques questions.
Les industries que vous représentez préfèrent-elles une taxe sur le carbone ou un plafonnement et des échanges? Que préféreraient-elles?
M. Wilson : Honnêtement, les résultats de notre sondage nous indiquent qu'elles ne le savent pas, car il existe un si grand nombre de définitions de ces choses. Comme la plupart des fabricants sont très petits, ils ne le savent pas. Je ne vais pas vous donner de réponse.
Je dirais que les grandes entreprises complexes seraient en mesure de faire face à l'une ou à l'autre de ces mesures. Beaucoup de petites entreprises ne connaissent pas la différence entre les deux. Cela fait partie du problème. Il est question de plusieurs choses en même temps, mais elles ne sont pas nombreuses à avoir une définition.
Il est probable qu'une taxe sur le carbone constituerait un système plus propre et plus simple qu'un système de plafonnement et d'échange. Je parle seulement d'après les conversations que j'ai eues; je ne dis pas qu'il s'agit de ce que voudrait une entreprise. Il y a beaucoup de confusion quant à ce qui se passe.
Le président : Dans le cas de notre plus grand partenaire commercial, vaudrait-il mieux s'affairer à réglementer et évoluer au même rythme que nos plus importants clients au sud de la frontière que de seulement prévoir l'imposition d'une taxe sur le carbone, laquelle pourrait pousser certaines industries à quitter le pays? La partie qui me déçoit un peu, c'est quand il a été dit qu'elles iraient vers des endroits qui appliquent moins de mesures de protection environnementale. Cela m'indique à quoi elles pensent.
Je comprends qu'elles examinent les coûts et les bénéfices nets, mais dire qu'elles vont quitter le Canada pour aller à un endroit où il n'y a aucune norme environnementale afin de produire à bas prix, c'est décevant. Je ne sais pas s'il s'agit d'un sentiment général au sein de votre groupe, ou bien s'il n'y en a que quelques-unes qui ont dit cela?
M. Wilson : Je ne pense pas qu'elles disent cela. Ce qu'elles disent, c'est que, si elles veulent rester en affaires, elles doivent fonctionner dans des administrations qui sont concurrentielles, étant donné qu'elles sont en concurrence à l'échelle mondiale. Elles ne fonctionnent pas de façon isolée. Je ne pense pas qu'elles cherchent à déménager à des endroits où les normes environnementales sont inférieures. Elles ne parlent pas de faire leurs bagages et de déménager en Inde ou en Chine. Elles tendent à chercher à déménager là où se trouve leur plus importante clientèle, c'est-à-dire aux États-Unis.
C'était intéressant. J'ai vu les commentaires de l'ancien premier ministre Brian Mulroney au sujet de suivre le rythme des États-Unis, et je présume qu'il s'agit de la question que vous posez. En tant qu'organisation, nous avons fait preuve de constance auprès de nos membres, au fil des ans. Nous devons suivre le rythme de notre plus grand partenaire commercial relativement à tous les enjeux réglementaires et stratégiques. Nous ne pouvons pas faire cavalier seul. À elle seule, notre économie est trop petite et dépend trop du commerce, en général, et pas seulement avec les États-Unis.
Nous ne disons pas que vous ne pouvez pas établir de taxe sur le carbone, mais, si vous devez en établir une, ou bien un système de plafonnement et d'échange — quoi que ce soit qui fera augmenter les coûts —, nous devons nous assurer que d'autres coûts sont harmonisés afin que la position concurrentielle globale corresponde à celle des États-Unis et de nos grands partenaires commerciaux, sans quoi les entreprises vont déménager.
Elles ont deux choix : elles continuent de faire des affaires au Canada et font lentement faillite, ou bien elles déménagent et continuent de fonctionner et d'approvisionner leur clientèle ailleurs. Ce n'est pas qu'elles veulent le faire, mais c'est une réalité commerciale dans bien des cas.
Le président : Et 54 p. 100 des membres de votre groupe affirment qu'ils refileraient la facture aux consommateurs. Je donne toujours des noms aux gens qui se trouvent tout au bout de la chaîne et qui paient la facture, c'est-à-dire Fred et Martha, et il se trouve que c'est vous et votre collègue qui était à côté de vous, ou bien moi. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Wilson : Au bout du compte, le consommateur paie, que ce soit directement ou non. J'ai mentionné plus tôt le fait que les entreprises ont de la difficulté à refiler cette facture, mais elles vont le faire. Ces coûts sont toujours inclus, qu'il s'agisse d'une taxe sur le carbone ou de mesures réglementaires; au bout du compte, une personne achète quelque chose, et les coûts sont inclus dans le prix de ce bien que la personne achète, alors, oui, tout à fait.
Le président : L'affaire, au sujet du déménagement des entreprises, c'est que — je dirais — c'est bien plus que peut- être ce à quoi vous faites allusion, c'est-à-dire une taxe sur le carbone ou le prix de l'électricité. Si vous voulez déménager à New York, le prix de l'électricité pour le plus grand consommateur est de 17 cents. Si vous restez à Toronto, c'est 5,5 cents. Cette situation a changé, et ces statistiques viennent d'Hydro-Québec, qui produit d'excellentes statistiques depuis longtemps. Elles datent du mois d'avril 2015, alors il y a eu un changement, mais il n'est pas de l'ampleur de 10 cents.
Il y a certaines autres raisons. Je connais bien la Colombie-Britannique. L'industrie du ciment ne se voit pas imposer de taxe sur le carbone en raison de sa consommation élevée. Elle fait partie de celles qui ne s'en sont pas fait imposer.
Celle qui a déménagé au sud de la frontière l'a aussi fait pour certaines autres raisons, alors ce n'était pas seulement en raison de la taxe sur le carbone, même s'il est parfois facile de l'affirmer. Si vous allez à Calgary, le plus grand consommateur paie juste un peu moins de 5 cents, ou bien c'est la même chose au Québec : 5 cents.
Je dirais qu'il y a d'autres éléments qui convainquent les gens de dire : « Je vais déménager dans l'État de New York. Je ne déménage pas là-bas pour payer trois fois ou deux fois le prix de l'électricité. Je déménage là-bas pour d'autres raisons. » Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Wilson : Absolument. J'ai affirmé clairement qu'il s'agit d'une question de compétitivité générale, pas seulement d'une taxe ou d'une mesure; il s'agit de tout.
Concernant les prix de l'électricité, ils ne comprennent pas les coûts tous compris que paient les entreprises. Ils ne comprennent pas les frais de livraison, par exemple. J'ai vu certains de ces chiffres auparavant, et ils paraissent bien sur papier. J'ai aussi déjà vu les factures que paient les entreprises, et elles ne correspondent pas à ces chiffres. Je prends cela avec un grain de sel.
Il ne s'agit pas d'un seul problème. Il s'agit de la myriade de choses qui se passent. Les taxes sur le carbone, l'imposition des entreprises, les cotisations sociales, les prix de l'électricité... tous ces frais sont inclus dans le coût général de faire des affaires. Voilà ce que regardent les entreprises, et c'est pourquoi nous envisageons la situation du point de vue de la compétitivité générale afin de nous assurer que les choses sont équilibrées et qu'il ne s'agit pas d'une seule mesure.
Le président : Je suis d'accord avec cela.
Le sénateur Lang : Je voudrais savoir... quand il a comparé la question du prix de l'énergie, il a affirmé que tel montant était facturé, puis vous avez dit : « Oui, mais d'autres coûts sont attribués à cela ». Quel est le prix que paie un consommateur par kilowattheure pour une usine de fabrication commerciale?
M. Wilson : Je ferai parvenir la réponse exacte au comité.
Le sénateur Lang : Et tout autre coût lié à l'électricité.
M. Wilson : L'ensemble des coûts.
Le président : Merci beaucoup, monsieur. Nous apprécions votre exposé et vos réponses. Ils ont été très utiles.
Nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone pour le deuxième segment. Je suis heureux d'accueillir Richard Adamson, président de CMC Research Institutes, Inc.
Merci de votre présence. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
Richard Adamson, président, CMC Research Institutes, Inc. : Bonsoir et merci de me donner la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis Richard Adamson, président de CMC Research Institutes, Inc.
Nous sommes une organisation sans but lucratif constituée en vertu d'une loi fédérale ayant un mandat clé, c'est-à- dire l'innovation associée à l'élimination des émissions de gaz à effet de serre provenant de sources industrielles.
La principale raison de ma présence ici aujourd'hui, c'est pour parler de la façon dont le Canada peut transformer certains des défis climatiques cruciaux en occasions de développement économique, assurer l'accès aux marchés et créer de nouvelles possibilités d'exportation et des emplois.
Je vais commencer par présenter un aperçu de CMC Research Institutes et de son fonctionnement, en mettant l'accent sur les possibilités implicites novatrices pour le secteur des ressources naturelles du Canada, dans le contexte de la décarbonation mondiale, et j'aborderai un exemple précis de domaine d'investissement hautement profitable dans notre volet d'innovation.
CMC est une organisation unique du Canada. L'entreprise est en train d'établir un réseau d'instituts, et chacun se concentre sur un défi industriel différent relativement à l'élimination des émissions de carbone. Ces instituts sont au cœur d'une grappe d'innovation en matière de technologie propre. Actuellement, nous en exploitons deux. Nous prévoyons en mettre davantage sur pied dans d'autres régions du pays.
Le siège social de l'Institut sur le confinement et la surveillance est à Calgary, et celui de l'Institut sur la capture et la conversion du carbone, à Vancouver. L'Institut sur le confinement et la surveillance se concentre sur le développement d'appareils technologiques de mesure et de surveillance pour détecter le mouvement des fluides souterrains et les fuites près de la surface.
Notre objectif principal est le stockage du CO2, mais les connaissances acquises grâce aux activités de recherche et aux démonstrations sur le terrain menées à cet institut ont fini par faire l'objet de nombreuses autres applications en dehors du stockage du CO2.
L'Institut sur le confinement et la surveillance exploite une station de recherche sur le terrain dans le sud de l'Alberta. Le site est en construction et sera terminé plus tard cette année. Ce site aura un puits d'injection, et un petit panache de CO2 sera stocké à une profondeur de 300 mètres. Deux autres puits d'observation seront aménagés pour surveiller l'usage des différents types de matériel de forage. C'est le premier de deux horizons que nous prévoyons établir.
Ce site est vraiment unique en raison de sa taille, c'est-à-dire les trois quarts d'une section de terrain. L'exploitation se fait à une profondeur intermédiaire et simule ainsi ce qui pourrait se passer s'il y avait une faible perte de confinement en profondeur. Le site attire déjà l'attention de concepteurs et de chercheurs du domaine de la technologie de partout au Canada, des États-Unis, de la Norvège, du Royaume-Uni et de l'Allemagne qui testent présentement différentes technologies et conduisent des études préliminaires en vue de l'injection de CO2.
L'Institut exploite également un laboratoire mobile de géochimie pour la détection et l'analyse rapides de gaz souterrains et atmosphériques, d'eaux souterraines et de surface et d'hydrocarbures produits. La principale caractéristique de ce laboratoire mobile est le système de détection de méthane installé sur le châssis du camion qui offre une détection, en mouvement, du méthane et d'autres gaz et leur caractérisation en temps réel. Le but est de développer et de mettre à l'épreuve des méthodes rigoureuses, efficaces et rentables pour donner suite à des fuites de méthane et permettre aux intervenants de se concentrer sur les endroits où les répercussions sont les plus importantes.
L'équipe du CaMI participe à des projets de plus de 28 millions de dollars financés principalement par des gouvernements étrangers.
L'Institut sur la capture et la conversion du carbone est à un stade de développement moins avancé. C'est un partenariat unique entre CMC, BC Research ainsi que des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique. Son but est d'accélérer le processus de développement du captage du CO2 et du recyclage de carbone en un produit de valeur commerciale et ensuite réaliser ce procédé à l'échelle industrielle. L'Institut assure un leadership pour aider les clients à caractériser, à rendre sécuritaire et à accélérer le développement de nouvelles technologies industrielles de captage et de conversion du CO2, du banc d'essai à la mise en œuvre à grande échelle.
Le siège de cet institut sera situé dans le nouveau centre de commercialisation de la technologie et d'innovation qui est présentement en construction à Richmond, sur l'île Mitchell. Une fois terminées au début de 2017, ces installations de 40 000 pieds carrés offriront aux concepteurs de technologie l'accès à l'équipement spécialisé nécessaire pour tester les technologies de capture et de conversion. L'Institut offre aux clients l'accès à l'expertise de chercheurs universitaires en début de carrière grâce au réseau mondial de CMC, à des experts en génie des procédés, à la mise à l'échelle et à la fabrication d'équipement.
Ces deux instituts se concentrent sur l'avancement de l'innovation technologique pour trouver des solutions à l'un des défis critiques du Canada : les émissions de gaz à effet de serre associées au secteur industriel. Voilà ce que je veux vraiment aborder aujourd'hui : la transformation de ces défis critiques en possibilités.
Pour le Canada, le meilleur endroit où cibler l'innovation... c'est de recenser nos défis les plus critiques et de cibler nos efforts sur la résolution de ces problèmes. En général, les industries traditionnelles du Canada sont l'extraction et la transformation des ressources, et elles connaissent toutes les problèmes liés aux émissions. Qu'il s'agisse de l'industrie pétrolière et gazière, minière, de la foresterie, du ciment ou de la transformation métallurgique — les industries qui produisent le plus d'émissions —, voilà les domaines où nous avons la possibilité de développer un leadership. Il s'agit d'une approche semblable à celle qu'ont adoptée la Suède et la Finlande dans le domaine de l'équipement d'exploitation forestière. Ces pays n'ont pas fait leur fortune en exportant des grumes. Ils exportaient l'équipement utilisé.
Nous réglons nos problèmes intérieurs en aidant à assurer l'accès à des marchés de plus en plus sensibles aux répercussions sur le climat, mais nous acquérons aussi de l'expertise et créons des solutions à exporter à l'étranger. Nous pouvons utiliser nos domaines problématiques en tant que laboratoires pour élaborer les technologies et innover, créer les solutions que nous pourrons apporter au monde. En jouant un rôle de premier plan dans la réduction des émissions associées à nos produits, nous aidons à garantir l'accès aux marchés et à distinguer nos produits des marchandises provenant de concurrents qui accusent du retard. Cette approche est semblable à la façon de faire de la Suède et de la Finlande.
En janvier 2014, CMC a assisté à une rencontre du Deep Decarbonization Pathways Project, un projet de collaboration lié à l'ONU, où on a mis les équipes de 14 pays au défi d'élaborer un modèle pour leur économie intérieure en l'an 2050, dans des conditions correspondant à un monde plus chaud de deux degrés, à 450 ppm et où l'économie mondiale a triplé. Il s'agissait de la troisième d'une série de rencontres. J'ai été frappé de découvrir que le Canada ne participait pas à l'exercice.
Plusieurs équipes ont présenté les résultats des modèles préliminaires qu'elles avaient créés et discuté des défis auxquels leur pays ferait face dans un monde en décarbonation. Dans tous les cas, il était clair que ce dont ils avaient besoin pour améliorer leur économie allait également exiger du matériel que le Canada exporte. Un bon exemple précis, c'est le fait que l'Afrique du Sud envisageait une forte transition vers la biomasse et les biocarburants. Aux deux tiers de l'exposé, les représentants ont déclaré : « Nous ne savons pas où nous allons nous procurer notre fertilisant. » Ainsi, je suis ressorti très enthousiasmé par la perspective. Loin d'être une menace pour le Canada, le monde en décarbonation en était un rempli de possibilités, si nous pouvions relever le défi d'être reconnu comme un concurrent grâce à la faible teneur en carbone de nos produits.
Comme nous sommes arrivés en retard à la fête, que nous n'avions pas d'équipe en place et que nous disposions de six mois pour présenter des résultats dans un rapport final à Ban Ki-moon, en juin, nous avons choisi de revenir au Canada et de financer nous-mêmes une équipe canadienne. Nous avons recensé certains des intervenants clés ayant participé à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, et nous avons mis à jour et adapté leurs modèles de 2012.
À la fin de 2015 — trois rapports plus tard —, ces travaux avaient influencé les processus de consultation et les politiques d'au moins trois provinces, avaient été présentés au forum de leadership climatique de l'ONU, en 2015 et à la CdP-21, et ils avaient récolté beaucoup d'éloges, mais très peu de fonds.
Ce que j'ai retiré de ce processus, c'est un profond respect à l'égard des réflexions importantes que permet ce type de processus de modélisation, surtout si elles sont prises dans un contexte mondial. Ce type de travail est absolument crucial, maintenant, et il le deviendra davantage dans l'avenir, à mesure que nous procéderons tant bien que mal à la transformation économique mondiale.
Il est essentiel qu'un groupe indépendant recueille, modère et organise activement des ensembles de données pour appuyer ces modèles. Ces données comprennent les données économiques et environnementales. Il devrait s'agir de quelque chose comme l'Energy Information Administration des États-Unis, mais élargi de manière à inclure les données environnementales. Un ensemble commun de données hautement crédibles pourrait être utilisé par des consultants, des chercheurs, des modélisateurs économiques, des experts en évaluation du cycle de vie et par d'autres intervenants, ce qui leur permettrait de remettre en question et de peaufiner leurs méthodes sans avoir à s'occuper de diverses données sous-jacentes.
Quand CMC a entrepris les travaux du DDPP, le gouvernement fédéral nous a dit que la raison pour laquelle le Canada ne participait pas, c'était que nous n'avions aucune capacité. Dans le cadre de ce projet, grâce à l'aide d'experts indépendants qui ont offert beaucoup d'heures de travail, non seulement nous avons produit d'excellents résultats qui ont eu de l'influence au pays, mais notre équipe a aussi été désignée comme faisant partie des meilleures des 16 pays participants finaux, et on nous a demandé d'aider d'autres équipes à élaborer leur approche. De plus, un membre de notre équipe — Chris Bataille — a reçu un contrat de l'institut français — l'IDDRI — dans le cadre de son rôle de secrétaire.
Au moment où nous entrons dans cette période de perturbation de l'économie mondiale, de nombreuses possibilités et menaces se présenteront. Nous aurons besoin des meilleurs outils possible pour les cerner et mettre au point des interventions solides. Il s'agit d'un investissement sain dans le renforcement de la capacité intérieure cruciale qui rapportera de bien des façons dans l'avenir.
Notre Low Carbon Pathways Group existait pendant les premières étapes du Deep Decarbonization Pathways Project. En tant qu'expérience, il a été une réussite. Son influence et son incidence ont été énormes. Il a également montré que ce domaine d'activité avait une valeur réelle. Nous n'avons pas réussi à établir de modèle de financement durable pour ce groupe, même s'il continue de s'appuyer sur les travaux de façon indépendante.
En soi, CMC est une innovation. Ainsi, l'organisation ne s'insère pas facilement dans les modèles de financement traditionnels accessibles pour les universités, pour les développeurs de technologies à but lucratif ou pour les laboratoires gouvernementaux. Nous travaillons encore à l'obtention d'un modèle de financement à long terme. Merci d'avoir écouté.
Le président : Merci infiniment, monsieur, de votre exposé. Il était très intéressant.
Le sénateur Lang : Tout d'abord, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue ici, ce soir. Encore une fois, nous vous présentons nos excuses pour le retard.
Je voudrais revenir sur une déclaration que vous avez faite. Vous avez affirmé que l'équipe du CaMI participe à des projets de plus de 28 millions de dollars financés principalement par des gouvernements étrangers. Quels gouvernements étrangers?
M. Adamson : Je dirais qu'il y a eu un projet vraiment majeur — un projet de 19 millions de dollars financé par l'Union européenne —, où la plupart des partenaires sont des partenaires de l'Union européenne. Il y a deux projets qui sont financés par le programme climatique de la Norvège. Deux autres sont financés par le département de l'Énergie des États-Unis. Il y a quatre projets de recherche — des projets dont la valeur en dollars est inférieure — qui sont financés par des groupes universitaires du Royaume-Uni. Je suis certain d'avoir oublié quelque chose.
Le sénateur Lang : Vous pourriez peut-être nous présenter les projets auxquels vous participez, les projets d'envergure. Que faites-vous exactement? Je ne comprends pas tout à fait.
M. Adamson : Il y a un projet qui vise à réduire les coûts et à élaborer des technologies de modélisation des mesures et de vérification pour le stockage sécuritaire et à long terme du CO2. Le coût de ce qu'on appelle la MSV — mesure, surveillance et vérification — constitue un problème important lorsqu'on a affaire à un projet sur 30 ans, et en particulier lorsque la période de surveillance après clôture pourrait s'étendre sur 10 ou 12 ans.
Les responsables des projets de démonstration qui ont été menés jusqu'ici avaient tendance à doter leurs programmes de surveillance de ressources excessives parce qu'ils voulaient s'assurer de faire tout ce qui était possible.
La vraie question est la suivante : si ces projets devaient devenir une industrie, comment pouvons-nous éliminer les coûts des systèmes de MSV tout en continuant d'assurer un stockage sécuritaire et une surveillance adéquate? C'est un projet international où on utilise un certain nombre de nouvelles technologies et où on procède à certaines mises à l'essai dans le but de quantifier les seuils de détection, par exemple, des divers types de technologies qui existent aujourd'hui.
Le sénateur Lang : Je veux revenir sur quelque chose que vous avez mentionné plus tôt dans votre déclaration. Est-ce ce à quoi vous faites allusion lorsque vous parlez des trois quarts d'une section de terrain et du fait qu'un programme unique est en cours parce que l'exploitation se fait à une profondeur intermédiaire? Est-ce que cela fait partie des 19 millions de dollars? Quand vous attendez-vous à obtenir les résultats d'un projet comme celui que vous surveillez? S'écoulera-t-il 30 ans avant que vous en obteniez?
M. Adamson : Non. Je vais vous expliquer un peu la façon dont fonctionne l'installation, puis vous parler un peu du programme. Je ne participe pas activement au volet technologique de ce programme.
Il y a une dizaine d'endroits dans le monde où on effectue du stockage géologique. Ces endroits ont tous établi leur programme de mesures, de surveillance et de vérification. Toutefois, le stockage géologique se fait à plus de 1 000 mètres. Ce sont souvent des profondeurs de 1 500 et de 2 000 mètres, auquel cas le CO2 est un fluide supercritique, vraiment très dense. Une petite défaillance du confinement — une petite fuite de CO2 supercritique — est très difficile à détecter parce que la différence entre le fluide et la roche est très petite.
Quand on arrive dans la zone intermédiaire... et des gens ont effectué des analyses à la surface pour déterminer ce à quoi ressemblerait une fuite de CO2 à des profondeurs de 30 mètres. Si vous imaginez le CO2 qui remonte vers la surface, il atteint une profondeur où les pressions sont suffisamment faibles pour qu'il passe à l'état gazeux. C'est là qu'on sera probablement en mesure de détecter de petits taux de fuite et qu'on pourra encore intervenir avant que le CO2 atteigne la surface. Ainsi, ce qu'on appelle la géologie intermédiaire est très cruciale, et personne au monde ne dispose d'une installation d'essai pour faire ce travail.
Au Royaume-Uni, on envisage d'en construire une. On étudie la possibilité de consacrer 20 millions de livres à la conception d'une installation, mais on n'arrive pas à obtenir l'accès à la surface parce que les trois quarts d'une section de terrain ne sont tout simplement pas accessibles au Royaume-Uni. Dans bien des pays, l'obtention des permis nécessaires pour effectuer ces types de travaux représente un défi d'une décennie.
Alors, ce que nous avons, c'est une occasion, car nous disposons de très grands espaces ouverts et d'un accès à la géologie qui se prête à ces travaux ainsi que d'un régime de permis et de réglementation qui est très clair, transparent et direct. Il nous donne la possibilité d'effectuer ces travaux ici. Il serait bien plus difficile de le faire en Europe ou en Scandinavie.
Le sénateur Lang : Quel est l'objectif final? Je suppose que, là où je vais en venir, c'est qu'il y a donc certaines fuites. Est-ce que l'idée, c'est de pouvoir les surveiller et d'être en mesure de contenir ces fuites? Quel est l'objectif final?
M. Adamson : Eh bien, c'est de les détecter et de les atténuer. L'atténuation prend un aspect différent dans diverses situations, en fonction des divers types de passages donnant lieu à des fuites. Dans certains cas, ce pourrait être une question de forer jusqu'à une formation différente et de dépressuriser cette formation de sorte que le CO2 ne puisse pas continuer de remonter vers la surface. Il pourrait y avoir d'autres stratégies, selon que la fuite est située à proximité — disons — d'un vieux puits de forage ou d'autre chose.
Les stratégies d'atténuation font également partie du travail qu'on fait là-bas. L'idée, c'est que, si on attend de pouvoir voir le CO2 à la surface, il est trop tard pour faire quoi que ce soit à ce sujet. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Lang : Je suppose que cette conversation peut durer encore longtemps, alors je vais passer mon tour.
Le sénateur Fraser : Merci beaucoup de votre présence, monsieur Adamson. J'appuie la motion selon laquelle nous nous excusons de vous avoir gardé bien plus tard que vous l'aviez prévu. J'espère que vous n'êtes pas en train de manquer votre avion ou quoi que ce soit.
Les travaux du DDPP semblent fascinants, mais — et c'est peut-être simplement parce que je ne suis pas un technicien ou un scientifique — je ne suis toujours pas tout à fait certain de ce qu'a été le résultat. Vous dites que nous avons présenté d'excellents résultats qui ont eu de l'influence au pays, mais quels étaient les résultats? De quoi est-il question?
M. Adamson : Essentiellement, nous avons élaboré un ensemble de modèles techno-économiques offrant des visions potentielles de l'économie afin d'établir la combinaison la plus efficace qui nous permettrait d'y arriver...
La sénatrice Fraser : Une combinaison de quoi?
M. Adamson : De changements industriels dans l'économie nationale du Canada pour arriver à une réduction de 88 p. 100 des émissions de carbone à l'échelle du pays, c'est-à-dire pour passer de 20 tonnes par jour par habitant à 1,8 tonne par jour par habitant.
La sénatrice Fraser : Et comment êtes-vous parvenus à ce résultat?
M. Adamson : Pour être honnête, quelques aspects n'étaient pas... Nous avons cerné quelques lacunes. Mais la technologie de CSC, de captage et de stockage de carbone, est un élément très important. Nous avons aussi cerné un certain nombre d'autres changements technologiques : l'électrification à grande échelle, l'écologisation du réseau électrique ainsi qu'un doublement, à peu près, de la production totale d'électricité dans l'économie. Le rapport est vraiment fascinant, et vous pouvez aller le chercher en ligne.
Essentiellement, nous avons pris les modèles économiques de la Table ronde nationale pour commencer, puis nous les avons ajustés et adaptés en fonction des objectifs à atteindre pour résoudre ce problème. Je crois que la cible de la Table ronde nationale était de 80 p. 100. On s'est rendu compte que notre objectif devait être plus élevé. On voulait déterminer quelle trajectoire mènerait à un réchauffement de deux degrés.
C'était fascinant de voir où les choses achoppent, où les difficultés étaient les plus ardues. J'ai aussi trouvé intéressant de voir que la contestation venait surtout du fait que nous n'avions pas pris l'énergie nucléaire en considération. Nous avons laissé l'énergie nucléaire au niveau actuel, parce que les modèles économiques ne peuvent pas prédire la croissance dans ce secteur; cela dépend des choix en matière de politiques.
La sénatrice Fraser : Quelles étaient les difficultés les plus importantes? Je suis désolée de vous interrompre si souvent.
M. Adamson : Les difficultés les plus importantes étaient celles liées aux émissions industrielles, à la décarbonation de l'économie industrielle. Nous n'avons pas vraiment eu de problèmes quant à l'énergie électrique, mais la décarbonation de l'économie industrielle est plus compliquée, surtout qu'il faut réduire les émissions carboniques suffisamment rapidement, dans la mesure et dans les délais prescrits, et ce, sans occasionner une rotation forcée des capitaux qui entraînerait de lourdes pertes. Donc, voilà la principale difficulté, trouver le juste équilibre entre la rotation forcée des capitaux et les délais qui nous permettraient d'atteindre la cible de deux degrés Celsius.
La sénatrice Fraser : Je pourrais vous écouter parler pendant une heure. Merci de votre témoignage.
J'ai été intriguée quand vous avez mentionné votre participation à une rencontre du Projet pour les trajectoires de décarbonation profonde. Selon ce que vous avez dit, les équipes nationales dont les modèles étaient bien avancés proposaient souvent quelque chose que le Canada produit ou peut exporter. Vous avez mentionné les engrais. Pourriez-vous nous donner d'autres exemples d'occasions que le Canada pourrait saisir par rapport à cela?
M. Adamson : Oui. Les pays d'Europe ont donné plus de place au transport ferroviaire et au vent de terre ainsi qu'à un grand nombre de projets de construction d'infrastructures, toutes des choses qui nécessitent beaucoup d'acier. À l'échelle mondiale, le nombre de projets de construction d'infrastructures pour ce genre d'aménagement laisse croire qu'il y aura une augmentation de la demande de minerai de fer et d'acier. Alors, la discussion a surtout tourné autour de la très grande importance potentielle de Baffinland relativement à l'exploitation du minerai de fer. Certains conférenciers nous ont parlé du fait que les métaux des terres rares représentaient une difficulté au même titre que l'exploitation du fer chromé. J'ai aussi trouvé que la région du Cercle de feu avait de la pertinence. Donc, en résumé, il y a des occasions à saisir dans nombre de différents secteurs.
Le sénateur Patterson : Merci. J'ai le plaisir de vous dire que Baffinland exploite sa mine dans ma région du Nunavut et dans le nord de l'île de Baffin. Le minerai de fer extrait est si pur qu'on peut l'envoyer directement, sans opérations de fusion, dans les hauts fourneaux en Europe, mais je m'éloigne du sujet.
Vous avez mentionné les rapports de fin 2015 qui ont influencé les processus consultatifs et les politiques dans au moins trois provinces. Ils avaient été présentés à la COP 21 et ont reçu beaucoup d'éloges, mais très peu de financement. Je vais aller droit au but : nous devons formuler des recommandations au gouvernement fédéral. Pouvez- vous nous dire quelles recommandations vous aimeriez voir formuler, en particulier en ce qui concerne, peut-être, la frustration que vous ressentez quand le Canada affirme qu'il manque de capacité?
M. Adamson : Actuellement, le Canada dépense beaucoup d'argent pour faire établir des modèles économiques par des consultants américains. Notre pays dispose de personnes extrêmement compétentes ainsi que de très bonnes capacités, et nous sommes en mesure d'accomplir ce travail ici. Selon moi, vous pourriez vous appuyer sur CMC pour y arriver, mais il y a aussi d'autres organisations actives dans ce secteur. Je ne dis pas que ça doit être nous, mais il me semble que ces ressources devraient être investies dans le renforcement des capacités à cet égard. Au niveau stratégique, les prises de décisions futures du pays dépendent de façon importante de notre compréhension des occasions à saisir et des menaces, et je crois qu'il est primordial d'entreprendre un effort concerté et de renforcer les capacités du pays.
Le sénateur Patterson : Avez-vous eu l'occasion d'en discuter avec le gouvernement fédéral? D'après ce que j'ai compris, le leitmotiv du gouvernement, c'est que nous n'avons rien à craindre de l'énergie verte. L'énergie verte créera de nouvelles occasions d'emploi et de croissance au Canada. Je crois que votre message va être accueilli favorablement par le gouvernement, mais avez-vous eu l'occasion de lui en faire part?
M. Adamson : Oui. Il y a deux ou trois semaines, nous avons rencontré des hauts responsables de l'ISDE, de RNCan, du ministère des Finances et du ministère de l'Environnement, et nous allons poursuivre ces discussions avec eux d'ici deux ou trois semaines.
Le sénateur Patterson : Pouvez-vous nous résumer comment ces rencontres se sont passées?
M. Adamson : Il s'agissait davantage de séances préliminaires, alors nous n'avons pas vraiment demandé de financement ni d'autre chose. Il nous a semblé que nos politiques sont en grande harmonie avec les politiques des hauts responsables ainsi qu'avec l'organisation bureaucratique relevant des sous-ministres et des sous-ministres adjoints. Il y avait un soutien très fort sur toute la ligne par rapport à l'harmonisation avec les objectifs du gouvernement.
Aux échelons inférieurs des organisations, le soutien est parfois moins enthousiaste, mais ça, c'est une tout autre question.
Le sénateur Mockler : Nous avons visité la ville d'Estevan, en Saskatchewan, où il y a une installation de captage et de stockage du carbone. Cela a été instructif. J'ai deux questions à vous poser à propos de votre exposé et des études et des investissements qui proviennent de l'étranger pour ce processus novateur de CSC.
Savez-vous s'il y a d'autres projets de CSC dans l'ouest du Canada qui sont similaires à celui de la Saskatchewan?
M. Adamson : Tous les projets sont différents d'une façon ou d'une autre. Le projet de stockage aquifère — je crois que c'est le projet de la Saskatchewan dont vous avez parlé — utilise un puits d'une profondeur de deux kilomètres. L'injection pour leurs activités de mesure, de surveillance et de vérification se fait très profondément et sous très haute pression. Nos activités sont très complémentaires aux leurs.
Le volume d'injection du projet Quest de Shell est beaucoup plus élevé que celui du projet de captage aquifère, mais la profondeur est sensiblement la même, je crois. Ces deux-là sont des sites d'injection profonde, et celui du CaMI est un site moins profond, disons d'une profondeur moyenne.
Le sénateur Mockler : D'après ce que vous savez, y a-t-il d'autres pays qui utilisent cette technologie?
M. Adamson : Oh, bien sûr. Aucun autre pays ne dispose de ce que nous avons, mais il y a des sites d'injection profonde au Moyen-Orient, en Norvège et en Australie. Il y a aussi un certain nombre d'autres sites d'injection dans le monde entier.
Le sénateur Mockler : Que devrait être le rôle du gouvernement dans l'industrie si on veut atteindre nos cibles d'émissions?
M. Adamson : Avant tout, il est absolument crucial de définir clairement la trajectoire en matière de politiques et de réglementation, surtout en ce qui concerne le secteur industriel. Peu importe si le régime de réglementation comprend une taxe sur les émissions carboniques ou un système de plafonnement et d'échange, il doit être suffisamment clair pendant assez longtemps pour que les décisions d'investissement, et cetera soient prises en conséquence.
De plus, il y a beaucoup de travaux d'innovation actuellement. Il y a aussi une grande exposition au risque ainsi que des tentatives d'atténuation de ce risque qui tirent parti de ces technologies en évolution, que ce soit des projets de démonstration préliminaires ou de l'appui pour de petits projets pilotes qui permettront la mise à l'échelle de ces technologies. Je crois que c'est aussi une solution pour atténuer le risque.
Le sénateur Mockler : D'après ce que vous savez, avez-vous l'impression — vous étiez ici pendant le témoignage du témoin précédent — qu'un grand nombre d'entreprises pourraient quitter le Canada à cause de cela? Le cas échéant, quel secteur de l'économie serait le plus touché?
M. Adamson : Je crois que si les politiques et le régime de réglementation sont adéquats, nous allons pouvoir éviter cela. Il faudrait, par exemple, accorder une certaine marge de manœuvre aux secteurs de l'industrie qui dépendent du marché. Je ne suis pas un expert des politiques, mais je crois que ce serait envisageable.
Dans ce domaine, je travaille surtout avec des promoteurs de la technologie. Ce que nous avons vu, c'est que nous attirons les promoteurs de l'industrie, les PME, des États-Unis et de l'Europe. Ils viennent s'établir ici pour mettre au point et commercialiser leurs technologies au pays parce que nous avons un régime de réglementation et des politiques clairs. Nous offrons une plus grande clarté que beaucoup d'autres endroits, en particulier les États-Unis.
À dire vrai, je travaille surtout avec des entreprises qui s'intéressent à la vente dans ce marché; ce sont des entreprises qui vendent des technologies de réduction des émissions carboniques. Je ne crois donc pas que mon échantillon soit représentatif.
Le sénateur Mockler : D'après ce que nous avons vu jusqu'ici, il n'y a qu'une seule province qui se prête à l'étude si on veut des histoires de réussite : la Colombie-Britannique. Si vous aviez une recommandation à faire au gouvernement, recommanderiez-vous d'appliquer la formule de la Colombie-Britannique?
M. Adamson : Je dirais que toutes les provinces ont des industries différentes et des sources d'émissions différentes. La combinaison de régimes de réglementation et de politiques va probablement être différente dans chaque région.
La Colombie-Britannique ne compte aucune très grande source d'émissions industrielles, tandis que l'Alberta, si. Prendre un règlement qui vise les émetteurs de gaz en particulier ou quelque chose du genre pour les émissions marginales provenant de gros émetteurs est peut-être très logique en Alberta, mais pas vraiment en Colombie- Britannique. Il est donc raisonnable d'utiliser une taxe sur les émissions carboniques afin de combler toutes les autres petites lacunes et défaillances qui sont plus difficiles à régler avec ces autres moyens.
Il est logique d'utiliser des mesures combinées en Alberta, tout comme il est logique d'utiliser simplement une taxe sur les émissions carboniques en Colombie-Britannique. Il faut adapter légèrement les mesures à prendre dans chaque province en fonction de la diversité des industries et des sources d'émissions de carbone.
La sénatrice Fraser : Je voulais vous poser une question sur vos modèles. J'imagine que vous avez intégré à vos modèles la souplesse des politiques, et je n'en sais pas assez pour vraiment pousser plus loin ma question.
Je voulais quand même en savoir un peu plus sur CMC. C'est une organisation sans but lucratif, alors je suppose que vous avez besoin de financement pour les projets que vous menez. D'où tirez-vous la majeure partie de votre financement? Vous avez mentionné l'Union européenne. Y a-t-il aussi, par exemple, des entreprises canadiennes qui appuient vos activités?
M. Adamson : Nous comptons parmi nos souscripteurs des entreprises gazières et pétrolières. Parfois, c'est Shell à La Haye et non Shell Canada qui est un souscripteur, à cause de l'aspect international de notre travail.
Au départ, on obtenait du financement à titre de réseau de centres d'excellence ainsi que pour notre recherche universitaire. La partie de ce financement qui provenait du gouvernement fédéral nous était accordée à cause de ce programme, mais nous recevions aussi un financement du gouvernement de l'Alberta, que nous avons utilisé comme capital de départ pour notre nouveau modèle d'entreprise.
La difficulté principale avec laquelle nous devons composer est qu'un grand nombre d'instituts individuels reçoivent du financement pour leurs projets. Pour un grand nombre de projets, on tient pour acquis qu'il y a une collaboration, soit d'un laboratoire gouvernemental, soit du milieu universitaire, c'est pourquoi le financement est interdit pour les coûts d'administration générale et pour les frais.
La sénatrice Fraser : Le financement de base.
M. Adamson : Le financement de base. Donc, il est très difficile pour les instituts de générer assez d'argent en amont pour soutenir le siège social.
C'est le problème principal qui pèse sur nous actuellement. Nous sommes en train de travailler avec le gouvernement fédéral afin de mettre au point une forme ou une autre de soutien pour le financement de base.
La sénatrice Fraser : Parlez-nous de votre personnel.
M. Adamson : Le personnel du siège social s'occupe des communications et des finances. J'en fais aussi partie; je m'occupe essentiellement de l'expansion des activités commerciales. Notre équipe au siège social compte cinq personnes actuellement.
La sénatrice Fraser : Vous faites venir d'autres personnes pour les projets contractuels?
M. Adamson : Les instituts eux-mêmes ont du personnel. Je parlais du siège social.
La sénatrice Fraser : C'est ce que j'ai demandé.
M. Adamson : Les institutions ont aussi du personnel, mais nous fonctionnons, comme je l'ai dit, à la façon d'une « organisation semi-virtuelle ». Il y a des responsables principaux pour les projets ou les programmes techniques, mais nous ne réalisons pas le projet en entier par nous-mêmes; nous avons toujours recours à un consortium. Nous nommons un responsable pour chaque projet, puis nous allons faire appel à trois, quatre ou cinq partenaires afin de les réaliser.
La sénatrice Fraser : Et vous, quelle est votre formation?
M. Adamson : Je suis un ingénieur électricien, mais j'ai passé les 35 dernières années de ma carrière à travailler à la commercialisation de nouvelles technologies.
La sénatrice Fraser : En quelle année votre organisation, CMC, a-t-elle été établie?
M. Adamson : Il y a six ans et demi.
La sénatrice Fraser : C'est impressionnant, comme récit.
Le sénateur Mockler : Les gens ont l'impression — ça varie selon la région du Canada, cela va de soi —, mais les gens ont l'impression que les gouvernements pourraient déployer cette approche pour aller chercher plus d'impôt. Vous savez ce qu'on dit : le gouvernement adore percevoir de l'impôt et le dépenser. Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Adamson : Différents moyens s'offrent au gouvernement.
Il est intéressant de constater, par rapport aux problèmes liés à la démographie, que l'impôt sur le revenu n'est pas vraiment un moyen durable de financement pour le gouvernement. Je ne suis pas économiste, alors je suis probablement en train de m'aventurer en terrain dangereux. Mais le fait est que nous nous retrouvons de plus en plus avec une population vieillissante qui génère moins de revenus. De moins en moins de personnes participent à la population active, et c'est un problème. Malgré tout, une forme ou une autre de taxe sur la consommation serait un moyen approprié de composer avec ce déséquilibre, parce que c'est une mesure durable qui dépend du nombre de consommateurs.
La taxe sur les émissions carboniques prend le meilleur élément conceptuel d'une taxe sur la consommation et le transforme en un moyen d'encourager un comportement souhaité tout en percevant des recettes. Personnellement, je crois que le concept d'une taxe sur les émissions carboniques est potentiellement un moyen intéressant de réduire notre dépendance économique envers l'impôt sur le revenu. Les taxes sur les émissions carboniques pourraient devenir notre moyen principal de percevoir les recettes découlant des activités économiques, même si je doute que ce soit une opinion populaire.
La sénatrice Fraser : D'une certaine façon, c'est ce que la Colombie-Britannique a fait. Elle a appliqué une taxe sur les émissions carboniques et, en contrepartie, a réduit l'impôt sur le revenu.
M. Adamson : Oui.
Le sénateur Mockler : J'aimerais qu'on parle d'un autre aspect de ce débat important qui vient d'éclater à l'échelle du Canada, c'est-à-dire le rôle de nos forêts. Lorsqu'il est question d'agriculture et d'exploitation forestière, nous connaissons le rapport entre les engrais et l'agriculture, et nous savons ce que les arbres font. Avez-vous quelque chose à dire par rapport au rôle du secteur forestier du Canada relativement au gaz carbonique?
M. Adamson : Il y a beaucoup de travail à effectuer dans tout ce secteur; ce qu'on appelle l'affectation des terres et les facteurs liés au changement d'affectation des terres.
En outre, nous voulons peut-être mettre sur pied un institut pour ce que j'appelle le captage du carbone dans l'environnement aménagé. Il existe un vaste éventail de technologies qu'on pourrait utiliser pour emprisonner le carbone dans les infrastructures. L'un de ces moyens pourrait être d'utiliser le bois et les produits du bois de différentes façons. Il ne faut pas se contenter des méthodes traditionnelles, il faut aussi innover.
Une autre de nos technologies est le captage et la conversion de carbone; il s'agit, entre autres, de la minéralisation du gaz carbonique pour le transformer en granulat, en ciment et en béton, et cetera. Il existe tout un éventail de façons dont on peut utiliser le gaz carbonique dans d'autres produits.
Peu importe en quoi vous transformez le gaz carbonique, vous allez devoir en transformer beaucoup pour que cela ait un impact sur les niveaux actuels d'émissions. Entre autres, on en utilise beaucoup dans l'infrastructure liée à l'environnement aménagé, c'est pourquoi on accorde beaucoup d'importance à l'idée de trouver de nouvelles façons d'utiliser les produits issus du gaz carbonique dans l'environnement construit, y compris le secteur forestier.
Le président : J'ai deux ou trois questions — pas plus — à vous poser, puis ce sera tout. Je tiens à nouveau à vous remercier d'être resté et de nous avoir présenté votre exposé.
Selon les données du ministère de l'Environnement, nous devons trouver une façon, d'ici 2030, d'atteindre notre cible de réduire de 30 p. 100 les niveaux de 2005, c'est-à-dire que nous devons produire 291 mégatonnes de moins d'ici 2030.
Ce n'est pas si loin. Croyez-vous que la trajectoire actuelle du gouvernement lui permettra d'éliminer autant de mégatonnes d'ici 2030?
M. Adamson : Je crois que nous devons prendre des mesures plus rigoureuses que ce que nous avons fait jusqu'ici, mais ce n'est pas impossible.
Le président : Mais à quel prix?
M. Adamson : Je crois que nous allons voir que le prix sera beaucoup moins élevé que ce que nous prévoyons actuellement. Vous avez mentionné les différentes combinaisons de régimes de politiques. Dans notre modèle, nous nous sommes penchés sur l'adoption d'une réglementation visant directement le secteur automobile et le secteur de la construction. Nous avons examiné le Règlement sur les émetteurs de gaz désignés, qui vise les gros émetteurs, ainsi que — pour faire court — le système de plafonnement et d'échange, la taxe sur les émissions carboniques, et cetera. Nous avons conclu que le système de plafonnement et d'échange supposait, d'ici 2050, d'appliquer une imposition de 250 $ la tonne, ce qui est très élevé. Si vous essayez de tout mettre en commun et de dire « allons-y simplement avec des frais sur les émissions carboniques », on s'approche de 700 $ la tonne.
Ce qui est vraiment intéressant, toutefois, c'est qu'avant la mise en œuvre aux États-Unis du système de plafonnement et d'échange sur le dioxyde de soufre dans le secteur énergétique alimenté au charbon, la meilleure estimation des économistes était que le coût devait atteindre 700 $ la tonne si on voulait atteindre les objectifs de réduction des émissions carboniques. Grâce à l'innovation, le coût n'a jamais dépassé 200 $. Si nous adoptons des politiques et un régime de réglementation qui sont assortis d'indications claires et qui soutiennent l'innovation, je crois que nous allons être capables d'accomplir les changements souhaités de manière beaucoup plus efficiente.
L'innovation n'aura pas d'incidence sur le rythme des changements. Le rythme dépend des politiques adoptées. Les innovations vont simplement amortir les coûts qu'il va falloir assumer pour y arriver.
Le président : On prévoit qu'en 2030, le secteur des transports produira 164 mégatonnes. On doit donc réduire cela de 30 p. 100. Selon vous, quelles modifications pourrait-on apporter dans le secteur des transports d'un pays aussi vaste que le Canada qui comprend diverses régions très différentes? Je sais que nous avons des véhicules électriques dans les centres urbains, dans les villes, mais la situation est différente lorsque nos vieux parents veulent faire un tour à la campagne. Donc, selon vous, comment pourrions-nous y arriver?
M. Adamson : Ce sera certainement très difficile. Il y a des percées à venir dans la technologie des batteries qui pourront probablement augmenter la distance que ces véhicules électriques individuels peuvent parcourir, mais le transport individuel n'est pas vraiment le problème principal.
Le gros problème, ce sont les camions qui transportent de lourdes charges ainsi que les transports ferroviaire, maritime et, bien sûr, aérien.
Il y a des solutions de rechange par rapport au carburant utilisé : par exemple, on peut remplacer le carburant traditionnel par du biocarburant, et il y a d'autres solutions qui nous permettraient de tirer parti de systèmes utilisant du carburant sans carbone.
Le président : Par exemple?
M. Adamson : L'hydrogène, l'ammoniac...
Le président : Ce n'est pas comme si on pouvait simplement prendre l'hydrogène dans l'air. L'hydrogène, il faut le créer, en utilisant l'électricité ou du combustible fossile.
M. Adamson : Tout à fait, et l'écologisation du réseau électrique et la croissance du secteur à faible taux d'émissions dans le réseau électrique sont une absolue nécessité, qu'on utilise des combustibles fossiles assortis d'une technologie de captage et de stockage du carbone ou qu'on utilise l'énergie nucléaire ou d'autres énergies renouvelables.
Il y a aussi un autre point, sur lequel je viens de m'embrouiller, et qui est très important à comprendre. On ne cesse de se méprendre quant au vocabulaire utilisé pour les énergies renouvelables et non renouvelables. À dire vrai, la conversation des années 1970 sur la crise du pétrole s'est prolongée jusqu'au XXIe siècle. Nous n'avons pas de problème de pétrole; mais nous avons un problème d'émissions. À dire vrai, il importe peu si l'énergie est renouvelable ou non renouvelable. Ce qui est important, ce sont les émissions que l'énergie produit. C'est le problème que nous devons tenter de résoudre.
Le président : Si on vise une réduction de 291 mégatonnes, à 200 $ la mégatonne, notre personnel vient de m'informer que le coût serait de 58 milliards de dollars entre aujourd'hui et 2030. Donc, d'une façon ou d'une autre, pour atteindre notre objectif, on doit viser 200 $ la mégatonne. Ce sont vos chiffres. Puis, il y a ces 58 milliards de dollars. Où allons-nous chercher 58 milliards de dollars d'ici à 2030?
M. Adamson : C'est la raison pour laquelle les politiques doivent être finement conçues; il ne faut pas essayer de régler toutes les questions à l'aide de la même méthode. Si vous essayez d'appliquer des frais sur des émissions carboniques pour répondre à tous vos problèmes, vous savez ce qui va se passer. Il y a certains secteurs économiques où il est plus raisonnable d'utiliser une réglementation directe, par exemple pour les enveloppes de bâtiment ou pour le transport individuel. Si vous essayez de convaincre toute la population de se déplacer en véhicules électriques simplement en imposant une taxe sur les émissions carboniques et en augmentant le prix du carburant, votre taxe devra atteindre des sommets vertigineux.
Le président : Il va également falloir produire beaucoup d'électricité, et notre électricité est déjà propre, du moins à 85 p. 100.
M. Adamson : Oui, nous allons devoir doubler notre production d'énergie électrique, et il va falloir que ce soit une production qui ne génère pas beaucoup d'émissions carboniques. Il va de soi que cela suppose beaucoup d'investissements.
Le président : J'ai eu le plaisir de rencontrer une personne allemande qui menait beaucoup d'activités par rapport à la technologie verte. L'énergie de l'Allemagne provient encore à 52 p. 100 du charbon, et le coût moyen pour un habitant est de 40 cents le kilowatt l'heure. En moyenne, dans l'ensemble du Canada, c'est 10 cents. Si on veut monter le prix à 40 cents, il suffit de quadrupler le montant de votre facture lorsque vous rentrerez chez vous, et vous aurez un portrait rapide de la situation. Et ça, ce n'est que votre facture d'électricité.
Selon moi, certains de ces problèmes ne sont pas insurmontables. Nous pouvons déployer des efforts pour les régler, mais si je me fie aux données qu'on me fournit : 2 400 centrales au charbon seront construites dans un avenir proche. Le reste du monde ne va pas nécessairement tenter de réduire ses émissions carboniques. D'ailleurs, la plupart des autres pays du monde vont même les augmenter.
Au bout du compte, je crois que nous devons songer, très sérieusement, à examiner des mesures d'adaptation s'il s'avère vraiment que le niveau des océans va augmenter plus ou moins — la réponse n'est jamais la même selon qui répond à cette question —, et cetera. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que la réduction des émissions carboniques n'est pas le seul problème? Nous pouvons prendre toutes ces mesures, ruiner notre économie, et tout cela n'aura aucun effet sur le dérèglement du climat parce que nous n'avons pas vraiment d'incidence là-dessus.
M. Adamson : En septembre 2015, j'étais dans les coulisses pendant le Sommet sur le climat de l'ONU, et je crois que nous avons vraiment pris un nouveau tournant en ce qui concerne l'engagement international.
Vous avez tout à fait raison. Ce ne sont pas tous les pays qui vont mettre les bouchées doubles, mais la Chine — et c'est très admirable — a intensifié ses efforts, à l'instar de certains autres gros émetteurs. Je crois que l'Inde va aussi déployer des efforts, même si son processus décisionnel est un peu moins raffiné que celui de la Chine.
Ce que je veux dire, en gros, c'est que je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il est peu probable que nous atteignions la cible de deux degrés Celsius. Je crois que nous allons dépasser cette cible, et que nous allons devoir compenser en misant beaucoup plus sur les technologies de réduction négative des émissions. Je ne vois pas d'autres solutions. Comme vous l'avez dit, le reste du monde pèse trop lourd dans la balance, mais ça ne veut pas dire que nous devons abandonner.
Le président : Non, ce n'est pas cela. Ni moi ni le comité ne sommes en train de dire que nous devrions renoncer. Ce que nous voulons, c'est être réalistes afin d'éviter, comme le dernier témoin l'a dit, de faire fuir un grand nombre d'industries et de perdre bon nombre d'emplois; il faut que Fred et Martha puissent continuer à subvenir à leurs besoins.
M. Adamson : Selon moi, comme vous l'avez dit, les mesures d'ajustement à la frontière qui sont en place sont l'un des principaux problèmes. Il y a d'autres façons de maintenir une relation commerciale égalitaire et de faire en sorte que nos industries locales ne se délocalisent pas.
Le président : Je tiens à vous féliciter de vous être penché sur la question du captage et du stockage du carbone; il s'agit probablement de quelque chose que nous allons devoir finir par étudier. Selon l'AIE, il semble que la demande en combustibles fossiles va seulement augmenter au cours des 50 prochaines années, et non pas diminuer.
Où êtes-vous établis dans le sud de l'Alberta?
M. Adamson : Près de Brooks.
Le président : Je viens du sud de l'Alberta et j'ai grandi sur une ferme. À ma connaissance, toutes les fermes disposaient d'un puits jaillissant, un puits artésien. Il suffisait de creuser en surface, parce que le gaz était si près du sol qu'il y exerçait une pression. Si vous allumiez une allumette près de l'eau de ces puits artésiens, l'eau s'embrasait. C'est arrivé là-bas.
Vos activités se déroulent à Brooks. Il est évident que vous allez avoir des fuites. Est-ce que vous creusez à une profondeur de 300 mètres?
M. Adamson : Oui.
Le président : Mille pieds. Il va évidemment y avoir des fuites. Est-ce pour cette raison que vous procédez ainsi? Pourquoi ne pas regarder ce qui se passe en Saskatchewan ou en Alberta? On y creuse à 3 400 mètres, à travers certaines surfaces imperméables. On utilise du ciment pour le tubage de puits afin que tout reste en place et on surveille tout cas de fuite. Du moins, c'est ce que nous avons vu.
M. Adamson : Eh bien, oui, nous avons fait tout ce qu'il fallait relativement au tubage de puits afin de prévenir les fuites. Nous nous assurons que les joints d'étanchéité des puits d'injection sont très étanches. Nous n'injectons que de petites quantités, seulement environ 1 000 tonnes annuellement, dans le but de simuler une fuite. Notre but n'est pas de simuler une zone d'injection.
Notre raisonnement, c'est qu'une injection à 1 000 mètres créerait une pression surcritique sur le joint d'étanchéité. L'intensité serait très élevée et difficile à détecter.
Nous essayons de prouver que l'on peut tirer parti de la composition géologique dans la zone intermédiaire afin de détecter rapidement et de façon sécuritaire les fuites et de réagir avant qu'elles n'atteignent la surface.
Le président : Mais vous n'avez pas à traverser les surfaces imperméables, puisque celles-ci si trouvent à 3 400 mètres.
M. Adamson : Oui, nous avons à passer à travers de plusieurs couches imperméables de schiste argileux, de pierres et de filons de charbon. Nous devons passer à travers d'un certain nombre de couches, qui devraient toutes être imperméables, pour atteindre la zone.
Nous avons également une zone d'une profondeur de 500 mètres que nous n'avons pas encore aménagée.
Le président : J'aimerais avoir plus de renseignements sur ces zones imperméables. Je ne savais pas qu'il y en avait si près de la surface. Quoique je ne suis pas vraiment géologue.
M. Adamson : Je serais heureux de vous faire parvenir ces renseignements. Je dois me fier aux formations rocheuses, parce que je suis ingénieur électricien, après tout.
Le président : Merci beaucoup. La séance est levée.
(La séance est levée.)