Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 17 - Témoignages du 29 novembre 2016
OTTAWA, le mardi 29 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, afin d'étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) préside le comité.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité.
Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, aux membres du public présents dans la salle avec nous et aux téléspectateurs qui dans tout le pays regardent la télévision. Je rappelle à leur intention que ces audiences de comité sont ouvertes au public et qu'elles sont également diffusées sur le Web à sen.parl.gc.ca. Vous trouverez aussi d'autres détails à l'horaire des témoignages sur le site web sous « Comités du Sénat ».
Je demanderai maintenant aux sénateurs autour de la table de se présenter. Je commencerai par présenter le collègue à ma droite, le sénateur Paul Massicotte, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Massicotte : Bonjour.
Le sénateur MacDonald : Sénateur Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur représentant le Nunavut.
La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, le Québec.
Le président : Je vous remercie. J'aimerais également présenter nos collaborateurs, à commencer par la greffière, Maxime Fortin, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Avant de présenter nos témoins, j'ai quelques points de procédures à régler.
Le comité directeur a décidé la semaine dernière que nous demanderions l'autorisation du Sénat pour siéger le mardi 6 décembre et le mardi 13 décembre à 17 heures, alors que le Sénat siégera peut-être, pour entendre des témoins dans le cadre de notre étude actuelle. À ces deux réunions, nous entendrons des témoins de l'extérieur de la région de la capitale nationale.
Le 6 décembre, il est prévu que nous entendions deux témoins du Conseil des académies canadiennes. Un des deux viendra de l'Ouest du Canada. Nous avons aussi un témoin qui vient de Calgary et qui représente l'In Situ Oil Sands Alliance.
Le 13 décembre, nous avons un autre témoin qui vient de Calgary et qui représente la Canada West Foundation. Dans notre deuxième groupe, nous entendrons Gaz Métro par vidéoconférence.
Comme nous avons des témoins qui viennent de loin pour livrer au comité de précieux témoignages, le comité directeur a décidé la semaine dernière d'obtenir auprès du Sénat la permission de siéger. Il serait dommage de devoir annuler nos réunions à la toute dernière minute si le Sénat siège tard, car nous n'aurions pas l'occasion d'entendre ces témoins, tout en engageant des dépenses pour leur déplacement, leur hébergement et leurs indemnités journalières.
Comme vous le savez, il n'est pas dans les habitudes du comité de formuler ce genre de requête, et nous ne le faisons pas à la légère. Nous nous sommes trouvés dans une situation similaire la semaine dernière quand nous avons annulé notre réunion de mardi soir. Nos témoins comparaissaient par vidéoconférence, et son annulation a quand même coûté 896 $.
Je compte présenter l'avis de motion demain et soumettre la motion jeudi. J'ai estimé important d'aviser les membres du comité de la décision du comité directeur. Je tiens aussi à rappeler aux sénateurs que notre réunion de jeudi commence à 8 h 30. Je suis certain que cela vous fait plaisir, surtout au sénateur MacDonald.
Le sénateur MacDonald : J'aurais préféré 9 heures, mais d'accord pour 8 h 30.
Le président : Je compte sur vous pour nous apporter du café.
Nous examinerons un budget révisé pour le déplacement à venir du comité à Montréal que la greffière ne tardera pas à vous communiquer.
Y a-t-il des questions à ce propos? Non? Parfait.
Chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour la 24e fois pour notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone nécessaire pour atteindre les objectifs annoncés par le gouvernement du Canada en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Je souhaite avec plaisir la bienvenue à notre témoin par vidéoconférence, Benjamin Dachis, directeur associé à la Recherche à l'Institut C.D. Howe. J'espère que je n'ai pas trop écorché votre nom. Merci, monsieur, d'être des nôtres. Veuillez nous présenter vos observations préliminaires. Ensuite, nous vous poserons quelques questions. Vous avez la parole, monsieur.
Benjamin Dachis, directeur associé, Recherche, Institut C.D. Howe : Ne vous inquiétez pas. Je l'ai entendu prononcer avec toutes les permutations possibles. Alors, il n'y a aucun problème.
Aujourd'hui est un très grand jour en matière de politique énergétique avec les approbations que le premier ministre annonce au moment même où nous parlons. Nous nous tenons tous au courant par téléphone intelligent et autres applis pour savoir ce qui se passe.
J'essaierai d'être bref pour que nous puissions avoir une conversation sur le sens de tout cela. Il se passe, de toute évidence, beaucoup de choses. Je veux rester à un niveau élevé pour que nous puissions avoir une bonne conversation.
Je commencerai par parler de quelques-unes des principales recommandations que l'Institut C.D. Howe formule dans son document intitulé A Blueprint for Going Green. Il a plusieurs applications, en particulier en ce qui concerne le projet du gouvernement fédéral de consacrer environ 2 milliards de dollars à un fonds pour une économie à faibles émissions de carbone qui servira à financer des projets destinés à réduire les émissions de carbone.
La principale chose à vous rappeler dans votre étude, c'est que la chose la plus importante que peut faire un gouvernement pour passer à une économie à faibles émissions de carbone, c'est de mettre en place une tarification du carbone.
Je passerai maintenant à la question suivante : comment concilier la réduction des émissions et l'exploitation des hydrocarbures canadiens? L'essentiel, c'est que le Canada puisse réduire les émissions et avoir des emplois dans le secteur pétrolier et gazier grâce aux pipelines et aux installations d'exportation de GNL, du moment que nous mettons en place une tarification du carbone.
Mais tout d'abord, nous devons voir comment passer à une technologie à faibles émissions de carbone. D'après David Popp, auteur de notre étude, qui se trouve être un des principaux experts mondiaux des programmes d'aide à la réduction des émissions, le gouvernement devrait suivre cinq grandes règles pour orienter l'innovation vers une économie à faibles émissions de carbone.
La première règle est celle de la tarification du carbone. Pour soutenir le développement technologique, il faut non seulement investir dans de nouvelles technologies, mais surtout, créer la demande de technologies propres dans toute l'économie. Sans politiques qui tiennent compte du coût social des dégâts causés par la pollution, les nouvelles technologies à faibles émissions de carbone ne se généraliseront tout bonnement par sur le marché. Il faut qu'il y ait une demande de technologie à faibles émissions. C'est essentiel. Il ne suffira pas de subventionner l'offre de telles technologies pour les faire adopter.
Deuxièmement, n'oubliez pas de limiter ces subventions à l'adoption de technologies. J'insiste sur ce point : l'adoption de technologies. Quand on demandera aux entreprises de fournir des énergies de remplacement, elles auront tendance à concentrer leurs efforts sur les types de technologies qui sont les plus proches du marché. Cela ne change pas vraiment le type de technologie qu'elles vont adopter. Et cela ne les encourage pas plus à se tourner vers de nouveaux types de technologies. Ces incitations à la commercialisation n'ont tout simplement pas le poids de crédits à la R-D.
La troisième règle est d'utiliser le financement de la recherche-développement pour compléter les activités du secteur privé. La R-D gouvernementale risque d'être un frein à la R-D privée, surtout lorsque les gouvernements essaient de cibler des sujets en recherche appliquée. La R-D gouvernementale sera très efficace si elle se concentre sur des technologies révolutionnaires qui ne sont pas encore près d'être commercialisées. Cette subvention ponctuelle à de jeunes entreprises sera une façon de cibler des technologies qui autrement ne seraient pas disponibles sur le marché normalement.
Quatrièmement, le Canada ne peut pas faire cavalier seul. Les marchés étrangers sont beaucoup plus grands que tout marché intérieur pour la technologie à faibles émissions. En moyenne, les augmentations de la demande étrangères ont environ deux fois plus d'incidence sur l'innovation en matière de faibles émissions que la demande intérieure. Et la capacité des entreprises canadiennes d'être concurrentielles sur les marchés mondiaux sera le facteur le plus important pour développer un secteur canadien des technologies énergétiques propres. Pas la peine d'essayer de constituer un marché intérieur en l'occurrence.
Cinquièmement, et enfin, mieux vaut une combinaison de politiques, mais sans oublier que la tarification du carbone est l'élément clé. C'est en combinant les subventions à la R-D et la tarification du carbone qu'on obtient les retombées économiques les plus importantes. Des études montrent qu'une politique qui ne s'appuie que sur une tarification du carbone permet d'obtenir environ 95 p. 100 des retombées possibles d'une combinaison de politiques. Mais si les gouvernements décident de se contenter d'une subvention à la R-D, ils n'obtiendront que 11 p. 100 environ des retombées d'une combinaison de politiques.
Voilà comment atteindre l'objectif en matière de réduction d'émissions, mais pensons aussi à l'effet sur les entreprises existantes des politiques de réduction des émissions par la tarification du carbone. Et nous le voyons aujourd'hui dans l'annonce du premier ministre Trudeau qui dit du plan de la première ministre Notley pour réduire les émissions qu'il est essentiel pour que le public appuie l'approbation de ce genre de pipeline. Là encore, ce qu'il faut retenir, c'est que la tarification du carbone est tout à fait compatible avec l'accès du pétrole et du gaz canadiens aux marchés.
Je m'appuierai en l'espèce sur un document de l'Institut C.D. Howe que j'ai publié il y a quelques mois avec un de mes anciens collègues, Grant Bishop, et où nous soulignons à la fois les pouvoirs constitutionnels incertains pour ce qui est de bloquer les pipelines et le coût économique de pareil blocage.
Nous avons vu aujourd'hui que le gouvernement a décidé d'approuver au moins deux pipelines importants. Nous verrons dans les prochaines années des décisions concernant d'autres pipelines, comme Énergie Est, mais ce que nous avons surtout appris aujourd'hui, c'est que le projet de prolongement de Kinder Morgan, le prolongement de l'oléoduc Trans Mountain jusqu'à Vancouver a été approuvé, et que le projet de modification de la canalisation 3 avec un service vers les États du Midwest a été lui aussi approuvé. On dirait, en revanche, que le projet Northern Gateway, que beaucoup de gens pensaient ne serait jamais réalisé, est officiellement suspendu. Tout au moins, le gouvernement n'y donne pas suite.
Ce que nous allons devoir faire dans les prochains jours et ce que j'encourage le comité sénatorial à faire, c'est étudier les raisons pour lesquelles le gouvernement a approuvé ou rejeté ces pipelines. Une des conclusions de notre étude est que rejeter un pipeline pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ne donnera pas forcément ce résultat et qu'en plus, c'est une très mauvaise stratégie économique.
Il faut se rappeler que l'émission d'un gramme de dioxyde de carbone a le même effet sur l'atmosphère, qu'elle provienne de l'extraction pétrolière ou de toute autre activité. Il n'y a absolument aucune raison de supposer que chaque tonne d'émissions de carbone résultant de la production pétrolière, par exemple, en Alberta, à Terre-Neuve ou en Saskatchewan produira moins de valeur économique pour le Canada que, par exemple, la production de ciment au Québec, la fabrication d'acier à Hamilton ou l'extraction de charbon au cap Breton. Lorsqu'il prend une décision fédérale contre les pipelines sur la base des gaz à effet de serre, le gouvernement fédéral porte un jugement au nom des Canadiens.
Si le gouvernement devait limiter les pipelines de sorte qu'il ne réglera la question des émissions que par rapport au pétrole, ce ne sera tout simplement pas une stratégie efficace parce qu'elle réduira la rentabilité économique pour les travailleurs et pour les entreprises du secteur pétrolier. De plus, c'est une manière très indirecte de toucher les entreprises par ces soumissions. Si nous voulons que le Canada réduise ses émissions, il faut que le gouvernement canadien mette en place une tarification qui cible précisément les émissions.
Il faut aussi se rappeler que toute restriction sur les pipelines peut juste vouloir dire que le pétrole sera finalement transporté par rail, ce qui, là encore, a très peu d'effet net sur les émissions en amont et peut même nuire, tant par les risques pour la sécurité que par le coût plus élevé de ce mode de transport.
Rappelez-vous qu'ajouter un pipeline améliorera la rentabilité des producteurs de pétrole et que la société s'en portera beaucoup mieux, sans augmentation des émissions totales, du moment qu'on a en place une tarification du carbone et des politiques en matière de carbone qui limitent la croissance des émissions.
Nous pouvons avoir un système de tarification du carbone, des réductions des émissions de gaz à effet de serre et un secteur pétrolier rentable pour aider à stimuler la croissance économique, pour autant que nous ayons des pipelines.
En conclusion, je dirai que la même chose vaut pour les installations d'exportation de gaz naturel. Cet été également, l'Institut C.D. Howe a publié une étude intitulée Clearing the Air : How Canadian LNG Exports Could Help Meet World Greenhouse Gas Reduction Goals. Elle porte sur une des grandes controverses publiques relatives à l'incidence des exportations de gaz naturel liquéfié, ou GNL, sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre.
L'étude montre qu'il est presque impossible d'évaluer l'incidence globale d'une installation sur le marché énergétique étranger et de savoir s'il utilise ou pas le GNL canadien. Toutefois, le GNL de la Colombie-Britannique peut vraiment contribuer à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre s'il sert à remplacer les centrales au charbon par des centrales au gaz.
Tout dépend aussi de la destination de ces exportations. Si le GNL canadien sert dans des pays asiatiques qui dépendent du charbon, il est très probable qu'il permettra d'abaisser les émissions de gaz à effet de serre.
Nous ne devons pas oublier que l'industrie britanno-colombienne du GNL est très bien placée pour soutenir cet effort. La Colombie-Britannique a facilement accès aux marchés asiatiques par voie maritime, à des pays tels que la Chine, l'Inde, le Japon et Taïwan qui sont fortement tributaires de centrales au charbon et qui pourraient donc beaucoup réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en passant à une alimentation au gaz naturel canadien.
Cependant, il est impossible de savoir où ira le gaz naturel et, donc, de connaître les émissions pendant le cycle de vie du gaz canadien. N'oublions pas, cependant, que le GNL canadien peut jouer un rôle positif face à un des problèmes économiques et environnementaux du monde, si les organismes de réglementation canadiens restent centrés sur le contrôle des émissions dans les limites de leur autorité et si on s'en remet à la diplomatie pour encourager les réductions d'émissions à l'étranger. Et rappelons-nous que tout cela se fait mieux avec une tarification des émissions. Le Canada peut être un chef de file à cet égard.
Pour conclure, réduire les émissions en mettant un prix sur les gaz à effet de serre est pleinement compatible avec un secteur pétrolier et gazier canadien dynamique. La bonne combinaison de politiques consiste à approuver de nouveaux pipelines et de nouvelles installations d'exportation de GNL et à accorder l'appui fédéral aux bonnes sortes de politiques d'innovation qui encouragent ce type de technologie. Ce type de politique amène à se concentrer sur une tarification transparente du carbone comme principal mécanisme pour réduire les émissions, pas le blocage de pipelines, en ayant des subventions généreuses pour la technologie à faibles émissions ou une réglementation normative.
Cela dit, je me ferai un plaisir de répondre aux questions.
Le président : Très bien, merci beaucoup, monsieur.
Nous allons passer aux questions. Sénateur Massicotte.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être des nôtres aujourd'hui. Je trouve le sujet très intéressant et j'ai un tas de questions pour vous, mais j'aimerais surtout savoir ce que vous allez répondre au sénateur MacDonald et au sénateur Lang par rapport à la tarification du carbone. Je commencerai toutefois par mes propres questions, si vous le voulez bien.
Je suis entièrement d'accord avec vous sur la tarification du carbone. C'est ainsi que l'économie fonctionne. Nous avons une économie de marché. C'est comme cela qu'on encourage l'innovation et qu'on crée un signal de prix. Je suis donc convaincu sur ce point. Cependant, je suis tiraillé en ce qui concerne certaines de vos autres recommandations aux termes desquelles le gouvernement aurait un fonds important et essaierait de stimuler davantage l'innovation en s'occupant d'applications encore loin d'être commercialisables.
Nous avons ce débat qui reprend dans le monde sur le rôle des gouvernements par rapport à l'innovation et à l'investissement. L'histoire n'est pas si tendre avec nous. Nous avons souvent choisi la mauvaise technologie et nous avons commis de lourdes erreurs avec l'argent des contribuables. Le but à présent est toujours d'être neutre sur le plan technologique et de définir ses objectifs.
Comment conciliez-vous cela avec l'économie de marché, la tarification du carbone et ainsi de suite?
M. Dachis : En tant qu'économiste, je le concilie en regardant ce qu'on appelle un dysfonctionnement du marché. Certains aspects de l'économie, livrés à eux-mêmes, ne fonctionnent pas très bien. La pollution en est l'exemple classique : si nous relâchons des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, personne n'est là pour nous surveiller et sans prix à payer pour la pollution, on pollue juste gratuitement. C'est là qu'intervient la tarification du carbone. Elle s'attaque à ce tout premier dysfonctionnement du marché, à ce problème du marché.
Les autres dysfonctionnements du marché auxquels on pense sont des dysfonctionnements technologiques. Si j'ai une idée, cela ne me coûte rien, au fond, de vous en faire part. Et cela ne vous coûte rien, en dehors du coût de la technologie et de son installation, d'entendre ces idées particulières. Aucune transaction commerciale n'appuie vraiment la libre concurrence dans la diffusion de ces idées. Les brevets sont une des solutions que nous avons trouvées pour résoudre ce problème de marché où le gouvernement crée ce monopole pour que des gens profitent de leur technologie.
C'est ce dysfonctionnement du marché que vous avez avec la technologie à faibles émissions de carbone. Par conséquent, les subventions qui encouragent plus de gens à faire de longues recherches prospectives qui n'ont pas de marché aujourd'hui remédient à ce dysfonctionnement du marché qu'est le manque d'incitation à faire de la recherche.
Le sénateur Massicotte : Vous recommandez donc d'investir. Beaucoup de gens disent que nous devrions éliminer les subventions existantes, et ils avancent des chiffres énormes, des milliards de dollars. Il y avait un article dans le journal à ce sujet, il y a deux semaines, mais je n'ai pas réussi à trouver une ventilation des subventions dont il était question. Quelles sont les subventions dont tout le monde parle? Il se peut que, dans bien des cas, il s'agisse d'amortissement et l'idée de l'exclure me pose un problème, si c'est ce dont il s'agit. Êtes-vous d'accord qu'on devrait supprimer les subventions au secteur pétrolier et gazier?
M. Dachis : En ce qui concerne le secteur pétrolier et gazier, plusieurs politiques fiscales sont à examiner. On commence par les programmes sur les redevances, qui sont provinciaux pour la plupart, puis on a le régime fiscal fédéral.
Ce qui se passe en général quand on avance de très gros chiffres en ce qui concerne les subventions, c'est qu'on a tendance à prendre tous les programmes qu'on voit au niveau provincial et fédéral et à les regrouper. On ne part pas d'un point de référence juste pour comparer ce que les entreprises paient à ce qu'elles devraient payer.
Ce que les entreprises devraient payer est une question très subjective. Prenons les redevances, par exemple. Dans le cas des redevances pétrolières et gazières, est-ce que la bonne base, c'est ce qu'on appelle la redevance sur leur revenu brut, où les entreprises paient un pourcentage fixe reposant sur leur volume de production? C'est le modèle traditionnel des redevances que nous avons au niveau provincial.
Ou est-ce que le modèle de redevances moderne qu'on voit partout dans le monde à présent, celui des « redevances sur les liquidités », est meilleur? On le voit en Norvège ou en Australie. C'est aussi ce que nous avons dans les sables bitumineux canadiens.
Il serait peu judicieux de dire que l'un est le point de référence approprié et d'en tirer ses conclusions parce qu'il existe de nombreux points de référence qu'on peut utiliser pour déterminer le juste montant que les sociétés pétrolières doivent payer.
Le sénateur Massicotte : Êtes-vous en train de dire qu'on calcule le montant des subventions en disant, voilà notre point de référence, voilà ce qu'elles paient et, donc, la différence, c'est la subvention? C'est là-dessus que repose l'argument?
M. Dachis : Ces estimations des subventions sont approximatives, mais ce calcul est très difficile et très subjectif. On ne peut pas dire qu'un programme en vigueur dans une province constitue une subvention. Il se peut qu'il existe un vrai coût que ces entreprises supportent et dont un régime fiscal normal tient compte.
Je suis très sceptique par rapport à beaucoup de ces estimations des subventions globales accordées au secteur pétrolier et gazier.
Le sénateur Lang : Pour être bien clair, je suis totalement opposé à une taxe sur le carbone. J'ai été étonné en lisant votre exposé préliminaire où vous parlez de mettre en vigueur une tarification du carbone.
Est-ce que vous en parlez parce que vous pensez qu'une telle taxe ou une telle tarification entrera en vigueur dans les prochaines années ou parce que vous préconisez cette mesure? Ou bien, est-ce que vous préconisez une tarification du carbone quoi qu'il arrive?
M. Dachis : Si je préconise une tarification du carbone, c'est parce que nous nous sommes clairement donné comme priorité, en tant que société, de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Avec cet objectif en tête, en tant qu'économistes, nous réfléchissons à la meilleure façon d'y parvenir. Une fois que le but est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la tarification du carbone est de loin la manière la plus efficace de l'atteindre.
Tout règlement normatif ou toute subvention à n'importe quelle technologie, les subventions accordées aux particuliers pour qu'ils optent pour des véhicules à faibles émissions ou celles versées pour encourager un certain type de technologie, comme le captage et le stockage du carbone, tout cela constitue une utilisation très coûteuse des ressources de la société pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Lang : Ma question suivante concerne la préconisation de cette tarification du carbone dont vous parlez. Étant donné les changements qui s'annoncent aux États-Unis, on n'y instaurera pas de tarification du carbone, du moins pas de sitôt. Si le Canada fait ce que vous proposez, quel effet cela aura-t-il sur l'économie, puisqu'il y aura un coût supplémentaire à tout ce que nous faisons, et quelle sera l'incidence sur notre capacité de commercer et sur la situation de l'emploi au Canada si nous ajoutons à nos propres coûts?
M. Dachis : Ce qu'il faut d'abord garder à l'esprit, c'est que, certes, le gouvernement fédéral américain agira moins en ce qui concerne une tarification des émissions, mais que cela n'empêche en rien les États de prendre des mesures.
Revenons quelques années en arrière, à l'époque où notre gouvernement fédéral passait pour ne pas vraiment vouloir instaurer de tarification des émissions de carbone. Les provinces ont pris l'initiative d'adopter des politiques sérieuses de réduction des émissions de carbone et le gouvernement fédéral n'a pas vraiment eu grand-chose à faire ces dernières années en plus de ces initiatives provinciales. Il est probable que nous verrons des États prendre des mesures.
En plus, ce qui est très important aussi en ce qui concerne ces politiques sur les gaz à effet de serre, c'est la conception de la taxe et ce que les gouvernements font des recettes pour la compétitivité globale d'un certain nombre d'entreprises dans la province.
Prenons la politique de l'Alberta en particulier. La province a établi une tarification du carbone, mais aussi un remboursement pour les entreprises en fonction de leur volume de production de pétrole. Les entreprises dont le profil d'émissions de gaz à effet de serre est inférieur à la moyenne s'en sortent sans doute mieux sous ce régime qu'auparavant.
Le sénateur Lang : Je veux revenir à la question du principe qui consiste à procéder par secteur, par règlement, par opposition à une tarification du carbone.
Beaucoup de témoins nous ont exposé les effets de la réglementation qui les oblige à respecter certaines normes, que ce soit dans le secteur automobile, dans celui des engrais ou dans divers autres secteurs de notre économie. Ils ont très clairement déclaré, pour la plupart, qu'au cours des 10 dernières années, ils ont apporté des changements importants qui, dans la plupart des cas, contribuent à la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Ils ne sont pas en mesure d'apporter d'autres changements nécessaires à cause de la technologie et de leur incapacité à affiner encore ce qu'ils font. Il me semble qu'en instaurant une tarification du carbone, on pénalise chaque secteur de l'économie qui ne peut rien faire de plus dans ce domaine. Ce sera juste une taxe de plus qui augmentera les frais d'exploitation et, dans certains cas, les entreprises sont très claires, et je ne pense pas que nous devrions l'ignorer, elles devront sans doute réduire leur activité ou déménager ailleurs pour être compétitives. Est-ce que cela vous inquiète?
M. Dachis : Absolument. Vous soulevez une excellente question. Plusieurs règlements existants...
Le sénateur Lang : Pourquoi ne le dites-vous pas dans votre exposé, que cela vous préoccupe en tant qu'économiste? Si des gens doivent perdre leur emploi, ce n'est pas une réussite.
M. Dachis : En ce qui concerne ce que le gouvernement peut faire, il y a l'élimination de certains règlements existants, comme on l'a vu sous le gouvernement fédéral précédent, qui a revu certaines des politiques sectorielles, et dans plusieurs provinces aussi. Ici, en Ontario, on a plusieurs politiques très coûteuses et très normatives quant au comportement des gouvernements ou des entreprises et à l'utilisation du gaz naturel, et elles vont en fait à l'encontre du but recherché. Une politique optimale consisterait à remplacer ces politiques coûteuses par une tarification directe et très simple du carbone. Vous avez tout à fait raison.
La sénatrice Fraser : Bonsoir. Merci beaucoup de nous apporter votre éclairage.
Je reprends, en partie, un des éléments soulevés par le sénateur Massicotte, qui correspond à votre point no 2, où vous dites que les incitations à la commercialisation et à l'adoption sont moins intéressantes que les subventions à la R- D pour le développement de technologies avec des besoins à plus long terme.
J'aimerais approfondir la question et j'expliquerai pourquoi. Je crois comprendre que le Canada a toujours eu du mal, et continue d'en avoir, à l'étape de l'innovation dans la recherche. Au fil des ans, nous avons des chercheurs qui ont fait un superbe travail en recherche fondamentale, mais nous n'arrivons pas vraiment à en faire une utilisation productive.
Un témoin nous a dit la semaine dernière qu'en moyenne, je pense, l'industrie du pétrole et du gaz met 30 ans à adopter une nouvelle technologie. Votre point de vue, qui me semble opposé, m'intéresse. Pourriez-vous nous l'exposer?
M. Dachis : Presque toutes les nouvelles idées en matière d'énergie demandent beaucoup de temps pour passer de l'idée brevetée ou dans la tête d'un chercheur à la commercialisation. Le problème est universel.
Pour revenir à cette question de savoir dans quelles parties de la chaîne de valeur — de l'innovation à la commercialisation à l'adoption — il est plus logique que les gouvernements investissent de l'argent, je me concentre sur les faits qui montrent qu'ils investissent dans l'adoption, en pensant au consommateur, et c'est ce que je trouve le plus inquiétant.
Certains des programmes d'amélioration du rendement énergétique que de nombreux gouvernements, libéraux et conservateurs, ont mis en place au niveau fédéral depuis 10 ans en sont un bon exemple. On s'aperçoit que l'immense majorité des fonds que dépensent les gouvernements sont gaspillés. Beaucoup servent, avant tout, à l'administration. Mais surtout, les estimations montrent qu'environ la moitié de l'argent consacré aux programmes de rénovation domiciliaire va à des gens qui feront de toute façon ces types de rénovation.
Les rénovations domiciliaires ne sont qu'un exemple. Qu'il s'agisse des subventions à l'achat de véhicules à faibles émissions ou à la rénovation domiciliaire, l'immense majorité de l'argent ira à des gens qui feront de toute façon ces dépenses ou il sera dépensé dans des programmes gouvernementaux importants. Seule une petite partie va à des gens que cet argent incite à changer de comportement.
La sénatrice Fraser : Vous me donnez matière à réfléchir. Merci beaucoup.
Le sénateur MacDonald : Je ne veux pas faire mentir le sénateur Massicotte, donc je ne le ferai pas.
Je veux revenir à votre position sur la taxe sur le carbone. Comme le sénateur Lang, je suis vivement opposé aux taxes sur le carbone parce que je pense qu'elles ne marchent pas. Je pense qu'elles sont un problème. Elles sont un frein à l'économie dont elles ciblent artificiellement différents secteurs. Dans un pays comme le Canada, la majeure partie de l'électricité est produite et gérée au niveau provincial.
Imposer une taxe sur le carbone dans un endroit comme la Nouvelle-Écosse, qui produit la majorité de son électricité dans des centrales au charbon, et en imposer une au Québec sont deux choses tout à fait différentes — ce à quoi doit faire face le consommateur et ce avec quoi l'économie doit composer.
Dans votre évaluation, avez-vous examiné la suppression de la taxe sur le carbone en Australie? On estimait qu'elle représentait un frein de 9 milliards de dollars par an pour l'économie, et ce, juste au niveau national. Cela ne comprend pas le coût pour les consommateurs, pour les gens acculés à la pauvreté énergétique, et l'effet sur la compétitivité des entreprises.
On essaie de vendre au Canada une taxe unique sur le carbone. Le pays est immense et notre richesse repose, en somme, sur le carbone. Depuis un demi-siècle, le Canada tire sa grande richesse de sa capacité de produire du pétrole.
Il me semble contradictoire d'imposer une grande source de richesse et de nous rendre moins compétitifs, surtout en sachant que nous ne pouvons pas agir isolément des États-Unis, étant donné l'intégration de nos économies et la frontière que nous partageons.
Face au changement évident de gouvernement aux États-Unis, je crois que nous devons coordonner nos politiques pour être sensés et pour nous assurer qu'il n'y ait pas d'incidences négatives sur notre économie. En faisant cette proposition, avez-vous tenu compte de ce qui se passe aux États-Unis et de l'effet qu'aurait leur décision en matière d'environnement sur notre économie?
M. Dachis : Pour ce qui est des relations du Canada avec les États-Unis, il est évident qu'elles sont primordiales pour la plupart des entreprises. Quant à cette question de fuite, d'entreprises canadiennes qui décident de ne pas avoir d'activités au Canada et de peut-être partir à l'étranger à cause d'une tarification plus élevée du carbone, il ressort de nos précédentes études à l'Institut qu'environ 90 p. 100 des entreprises qui décident de quitter le Canada pour cette raison partent aux États-Unis.
Vous avez tout à fait raison, nous devons penser à ce que font les États-Unis, à court et à long terme.
Pour les entreprises qui songent le plus à réduire leurs émissions aux États-Unis, la seule vraie politique en place dans ce pays pour réduire les émissions est une politique fédérale dite des centrales électriques propres qui est, en fait, une façon de cibler des réductions d'émissions dans le secteur des centrales au charbon, alors que le Canada a peu de centrales de ce type. En revanche, dans la majeure partie des États-Unis, c'est de loin la principale source d'électricité.
Savez-vous ce qu'ont fait les entreprises aux États-Unis pour renoncer au charbon? Elles sont passées en nombre au gaz naturel. Cela va potentiellement créer une superbe possibilité pour le secteur pétrolier et gazier canadien et, en particulier pour celui du gaz naturel.
Il faut aussi se rappeler que les investissements dans les centrales portent sur plusieurs décennies. Les entreprises se disent peut-être qu'il va y avoir l'administration Trump, mais celle qui la remplacera dans quatre ou huit ans ne tiendra-t-elle pas beaucoup plus à réduire les émissions?
En ce qui concerne les investissements américains dans de nouvelles centrales, je serais surpris de voir construire beaucoup de nouvelles centrales au charbon. Je m'attends plutôt à voir beaucoup de centrales au gaz naturel dans les deux prochaines décennies.
Ce sera une vraie chance pour le secteur canadien du gaz naturel et je me dis que les choses ne vont peut-être pas si mal après tout, si les entreprises pensent à l'application à long terme de politiques de tarification ou de réduction du carbone.
Le sénateur MacDonald : Je tiens à préciser que je comprends qu'il est important d'assainir l'air et de faire les choses aussi proprement que possible, mais il y a des limites à la croissance. Vous parlez de nouvelles centrales. Je ne pense pas non plus qu'on devrait construire de grandes centrales au charbon, et nous devrions nous rapprocher plus du secteur du gaz naturel. En fait, nous ne le faisons pas assez dans ce pays. J'espère que le comité étudiera un jour cette question.
C'est la fermeture prématurée de centrales, les actifs délaissés et les milliards de dollars que cela représente, plus la dette que doivent supporter les contribuables et les gens qui paient de l'électricité dans le pays. Vous voyez ce qui se passe en Ontario. Ça leur a coûté 38 milliards de plus. C'est tout bonnement incroyable qu'on en soit arrivé là et il a suffi de fermer prématurément des actifs viables qui avaient encore une durée de vie de 20 à 25 ans.
Ce qui arrive en Europe aujourd'hui, c'est que l'Allemagne est un des chefs de file de l'énergie verte. Or, elle remet en service des centrales au charbon, après les avoir fermées il y a une dizaine d'années, parce qu'elle est confrontée à la pauvreté énergétique et qu'elle perd son avantage concurrentiel. Les gens sont poussés par un impératif : essayer de payer leur facture de chauffage à la maison. C'est ce que fait l'Allemagne, après tous les efforts et les subventions. Nous devons, selon moi, en être conscients. Je suppose qu'il s'agit plus d'une déclaration que d'une question, mais j'ai beaucoup de temps pour l'Institut C.D. Howe et j'ai été un peu surpris par votre exposé aujourd'hui. Je crois que l'Institut C.D. Howe doit tenir compte de tout cela lorsqu'il formule ces recommandations.
M. Dachis : Absolument. Votre exemple montre parfaitement pourquoi une tarification du carbone est une meilleure approche que, disons, ce que nous avons en Ontario ou, dernièrement, en Alberta, c'est-à-dire un gouvernement qui décide unilatéralement, et indépendamment de la tarification du carbone, de fermer une centrale. Si on a une tarification du carbone, il appartient au marché de l'énergie de dire qu'avec cette tarification, cette centrale au charbon est encore valable, qu'on va continuer de la faire tourner et qu'on va trouver d'autres moyens plus efficaces de réduire les émissions.
Vous avez tout à fait raison à propos de ces types de règlements qui visent des industries particulières et qui disent « plus de centrales au charbon », parce que, rappelez-vous, c'est en dehors de cette politique de tarification du carbone. C'est cette approche qu'il faut contrer.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre exposé.
Vous proposez cinq règles que devraient suivre les gouvernements pour stimuler l'innovation, et nous avons eu des questions sur la première, la deuxième et en partie la troisième. J'aimerais vous interroger sur la quatrième, où vous dites ne pas faire cavalier seul.
Votre argument, si je comprends bien, est le suivant : « La capacité des entreprises canadiennes d'être concurrentielles sur les marchés mondiaux sera le facteur le plus important pour développer un secteur canadien des technologies énergétiques propres. Pas la peine d'essayer de constituer un marché intérieur en l'occurrence. » Pourriez- vous me dire ce que vous entendez par là? Quelles sont les conséquences pour les politiques?
Dans votre troisième règle, vous parlez de se concentrer sur des technologies révolutionnaires. Je me demande s'il y a un lien avec la capacité des entreprises canadiennes d'être concurrentielles sur les marchés mondiaux.
M. Dachis : Pour ce qui est de la question de politique no 4 et du fait de ne pas faire cavalier seul, il faut se rappeler que le monde est immense et que le Canada n'en est qu'un tout petit morceau. Des études montrent combien l'effet d'augmentation est plus important sur les marchés internationaux.
Prenons l'énergie éolienne. Si on prend les véritables changements de politique intérieure, ils représentent environ un douzième des changements, quels qu'ils soient, sur les marchés étrangers.
Il ne faut pas oublier, si on examine d'autres études, que les marchés étrangers sont, en moyenne, 30 fois plus grands que notre marché intérieur en ce qui concerne l'énergie propre. C'est sur ces marchés que les vrais entrepreneurs canadiens, les vrais chefs de file en matière de rentabilité, vont cibler leurs efforts.
Si vous voulez en savoir plus, vous avez toutes ces données dans l'étude que nous avons publiée il y a quelques mois, celle intitulée A Blueprint for Going Green : The Best Policy Mix for Promoting Low-Emissions Technology. Elle est parue en juillet 2016. Nous avons un tas de vidéos et d'infographies qui l'expliquent très clairement.
La sénatrice Seidman : Une des choses que nous a dites Technologies du développement durable Canada la semaine dernière, c'est que nous avons beaucoup de mal à passer d'une idée à toutes les phases suivantes, comme le mentionnait la sénatrice Fraser dans sa question. Nous avons donc beaucoup de mal à passer d'une idée à toutes les phases suivantes, à la commercialisation, et ensuite, l'adoption sur les marchés mondiaux devient presque impossible.
Je ne veux pas être trop pessimiste, car je comprends qu'il est nécessaire d'être compétitif sur le marché mondial, mais je m'efforce de comprendre, d'un point de vue pratique de politique, ce que vous dites exactement, et je ne sais pas vraiment si je comprends.
M. Dachis : Si le gouvernement veut déterminer où il dépensera l'argent dans la technologie propre, le choix est vaste. Est-ce qu'on veut investir au tout début, au stade de l'innovation? Est-ce qu'on essaie de mettre des fonds dans la commercialisation ou de faire le lien entre innovateurs et acheteurs potentiels, ou est-ce qu'on met l'argent entre les mains des acheteurs en leur disant d'aller acheter la nouvelle technologie?
Ce que nous disons à l'institut et ce que dit la littérature économique, c'est que le meilleur endroit où investir pour le gouvernement, c'est au tout début. C'est dans le type de recherche que les entreprises ne sont pas assez encouragées à faire, le type de recherche fondamentale qui pourrait vraiment changer la donne, le type de recherche dont les entreprises savent qu'elle ne paiera pas avant 15 à 20 ans et dans lequel elles ne se lancent pas parce qu'elles ont des comptes à rendre aux actionnaires, qui attendent des bénéfices année après année. Pour elles, la question est pourquoi investir dans quelque chose qui ne paiera pas avant 20 ans?
C'est là que le gouvernement peut mettre son argent, en finançant la recherche-développement dans les universités et les technologies émergentes de ce genre.
La sénatrice Seidman : Vous dites que nous devrions investir dans la recherche fondamentale, ce qui est très différent de l'approche adoptée. Je crois comprendre qu'on met de plus en plus d'argent dans la recherche appliquée, dans les partenariats entre l'industrie et les universités. Êtes-vous en train de proposer autre chose?
M. Dachis : Tout à fait. Il faut revenir au problème fondamental auquel doivent s'attaquer les gouvernements, à savoir que souvent, on s'y prend mal pour encourager les entreprises et les gens à faire part de leurs idées et à faire de la recherche fondamentale quand les résultats sont si loin dans le temps.
Le sénateur Patterson : Merci, monsieur Dachis, d'être des nôtres aujourd'hui.
Je représente le Nunavut. Nos 25 collectivités dépendent, malheureusement, de groupes électrogènes diesel pour la production d'électricité. C'est vrai dans beaucoup de collectivités isolées dans le Nord du Canada et dans les provinces.
Cet après-midi, une collectivité est en situation de crise parce que trois de ses cinq groupes électrogènes sont en panne. Elle n'en a plus que deux qui marchent. On alimente 30 p. 100 de la collectivité par roulement toutes les heures. Heureusement, il ne fait que moins huit avec le facteur éolien. Évidemment, le vent ne souffle pas toujours là-bas, mais le soleil ne brille pas toujours non plus, surtout à cette époque de l'année. Au fait, je ne connais personne au Nunavut qui ait une voiture électrique non plus.
Vous êtes un fervent défenseur de la tarification du carbone et des émissions. En quoi est-ce que cela aidera le Nunavut d'augmenter le coût des émissions de diesel que nos générateurs électriques rejettent dans l'atmosphère et du chauffage de nos maisons? En quoi est-ce que cela aidera le Nunavut d'ajouter un coût aux émissions de carbone?
Le but est de changer les comportements, d'amener les gens à utiliser des énergies renouvelables et, bien entendu, de réduire les émissions, mais en quoi cette taxe nous aidera-t-elle à le faire au Nunavut?
M. Dachis : Je suis de tout cœur avec les gens qui sont confrontés à cette terrible difficulté, se retrouver sans électricité plus des deux tiers du temps. Je ne peux même pas l'imaginer. C'est désolant d'entendre cela. Espérons que le problème soit résolu rapidement.
Nous devons toujours garder en tête qu'il existe plein de solutions pour s'assurer que ce type de politique de tarification du carbone n'aggrave pas la situation des personnes à faible revenu. Pour s'assurer qu'elles s'en sortent mieux ou pas plus mal après la tarification du carbone, on peut s'inspirer de beaucoup d'exemples de programmes de remboursement, comme ceux en place en Alberta ou ailleurs dans le monde. D'autres études et des groupes de réflexion montrent qu'il suffirait que moins de 10 p. 100 des recettes tirées de la tarification du carbone reviennent aux personnes à faible revenu pour compenser l'augmentation moyenne des prix due à la tarification du carbone. Ce qu'on a fait dans ces endroits, c'est encourager les gens à trouver des moyens de réduire leurs émissions ou de moins dépendre du diesel.
Cette collectivité en particulier ne peut sans doute pas vraiment se passer du diesel. D'autres seront peut-être en mesure de compter plus sur d'autres types de technologie ou de réduire leur empreinte en émissions, mais sans que leur situation, et en particulier celle des personnes à faible revenu, se détériore. Il existe de nombreuses façons de régler le problème plus direct des réductions d'émissions par la tarification du carbone, mais tout en veillant à ce que les gens récupèrent cet argent à travers la fiscalité.
Le sénateur Patterson : Étant donné la position du premier ministre du Nunavut, pour qui le Nunavut devrait être exempt de ce type de taxe — et il me semble que le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest est du même avis, ainsi que l'ancien premier ministre du Yukon —, diriez-vous que leur demande au Canada serait une autre façon d'épargner à une région où le coût de la vie est déjà extrêmement élevé d'autres augmentations de coût, au lieu de lui verser des subventions, probablement sur le Trésor public?
M. Dachis : J'avoue que je n'ai pas examiné en détail les questions relatives à la tarification du carbone dans le Nord. Cela dit, le gouvernement peut mettre en place différentes politiques pour s'assurer que nous ne payons pas plus, pour finir, en tant que société à cause de la tarification du carbone. C'est possible par des remboursements financés par les recettes de cette tarification du carbone. On peut régler ce problème, si le gouvernement va de l'avant et demande à ces provinces ou territoires d'instaurer une tarification des émissions.
Le sénateur Patterson : Passons à un autre sujet, j'ai été très étonné par ce que vous avez dit à propos du GNL de la Colombie-Britannique qui peut contribuer à la réduction des gaz à effet de serre dans le monde, en remplaçant les centrales au charbon à l'étranger. Si je comprends bien, les producteurs de gaz de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs ne retireront rien de la réduction des émissions, mais ils paieront pour celles découlant de la production de gaz naturel.
Cette analyse est-elle correcte? Est-ce une faille de la tarification du carbone que, disons, les producteurs de gaz naturel n'aient pas droit à un crédit pour la réduction des émissions parce que leur produit permet de réduire les émissions à l'étranger?
M. Dachis : Ce n'est pas une faille. C'est un argument en faveur d'efforts mondiaux dans la réduction des émissions. Ce qui va se passer, c'est qu'une fois que les pays asiatiques le comprendront — et c'est toute l'idée de l'Accord de Paris —, les pays petits et grands devront participer à la réduction des émissions. Une fois que ces pays s'engageront à renoncer au charbon, ils se tourneront vers le GNL canadien et se diront que c'est une excellente source d'énergie de remplacement.
La vraie solution passe par des négociations et des accords mondiaux pour réduire les émissions. Le GNL canadien se portera très bien dans un tel système.
La sénatrice Griffin : Je vous remercie de votre comparution aujourd'hui. J'aime toujours savoir ce qu'a à dire l'Institut C.D. Howe et lire ses documents.
Je regarde votre recommandation no 5. Je suis d'accord avec vous qu'il vaut mieux une combinaison de politiques pour être efficace dans quelque chose de cette ampleur. En général, une grande boîte à outils avec un tas d'options est une bonne chose. De toute évidence, vous privilégiez un mécanisme par rapport aux autres pour son efficacité et la tarification du carbone est un instrument économique important. Mais quel prix par tonne de carbone est nécessaire, selon vous, pour que le Canada atteigne ses objectifs en matière d'émissions?
M. Dachis : C'est la question à un million de dollars. En fait, on peut calculer ce prix de différentes manières et tout dépend, au fond, de la conception et d'autres politiques complémentaires. On peut commencer par une politique aux termes de laquelle chaque province travaille de son côté, indépendamment des autres, et devinez quoi? Ce prix sera drôlement élevé.
Quand le Canada et ses provinces entretiendront des relations en particulier avec des États des États-Unis, le prix de la réduction des émissions au Canada baissera très nettement parce qu'il existe des possibilités plus faciles de réduire les émissions, par exemple, en Californie et qu'il y en aura certainement plus une fois que d'autres États américains adopteront la tarification du carbone, ce qui peut réduire considérablement le prix des émissions.
Cela a un coût et il est que nous finissons, au Canada, par payer pour des réductions d'émissions aux États-Unis, et les considérations politiques à cet égard sont un rien inquiétantes si on est premier ministre de l'Ontario avec des recettes de la tarification des émissions qui partent vers les États-Unis, même si c'est en fait le meilleur résultat économique possible pour ce qui est du Canada en particulier et du monde entier, d'ailleurs.
La sénatrice Griffin : Très bien, je vous remercie.
Le président : Ma première question allait ressembler à celle de la sénatrice Griffin. En tant qu'économiste, ne vous êtes-vous pas un peu demandé quel devrait être le prix du carbone pour changer les habitudes au Canada afin de réduire les émissions?
Je suis surpris que vous n'ayez pas une idée en tête. D'autres personnes et d'autres économistes ont avancé des chiffres. Pouvez-vous essayer de m'en donner un ou n'y avez-vous pas assez réfléchi?
M. Dachis : Je peux vous donner des chiffres précis, si vous y tenez vraiment. Ils tournent autour de 200 $ à long terme, si on part du principe que la tarification sera à long terme. Là encore, tout dépend du lien avec les politiques et de l'ampleur de l'intégration avec la Californie, par exemple. Si vous voulez en parler à quelqu'un personnellement, appelez Dave Sawyer. Il fait partie d'un groupe appelé EnviroEconomics et il s'occupe de toute la modélisation. Il vous donnera les chiffres exacts des meilleures estimations et il saura bien mieux que moi vous expliquer son travail.
Le président : Très bien, je vous remercie.
Nous avons des chiffres d'Environnement Canada sur les changements climatiques. Ce sont des extrapolations jusqu'en 2030 de l'augmentation des émissions à laquelle ils s'attendent. D'après ces chiffres, pour atteindre l'objectif fixé — et pas seulement par ce gouvernement, c'est en fait le gouvernement précédent qui a mis ces chiffres en place —, il faut une réduction d'au moins 30 p. 100 d'ici 2030 par rapport à 2005. Cet objectif a été fixé par le gouvernement conservateur et repris par le gouvernement libéral, qui dit toutefois que nous allons devoir réduire les émissions de 291 mégatonnes d'ici 2030 pour l'atteindre et qu'après les choses se corseront.
Nous disons donc 291 mégatonnes, mais même en se débarrassant complètement de l'industrie pétrolière et gazière dans tout le Canada, on n'arriverait pas à 291 mégatonnes. Il manquerait encore une cinquantaine de mégatonnes. Même en changeant toutes les habitudes de transport que nous avons aujourd'hui, en éliminant les véhicules à combustible fossile, tous les véhicules, il nous manquerait encore quelque 25 mégatonnes.
Que dites-vous des chiffres auxquels le public et les entreprises font face, et les entreprises sont un peu effrayées par ce qu'elles devront faire pour rester compétitives sur le marché mondial ou même au Canada? Que dites-vous de ces chiffres? Selon vous, sera-t-il facile de les tenir ou est-ce que ce sera très difficile? C'est ce que j'essaie de déterminer.
M. Dachis : Tout dépend de la conception de la politique. Au Canada, comme nous agissons unilatéralement, nous avons plus de mal à réduire nos émissions de référence que certaines régions du monde et, en particulier, qu'une grande partie des États-Unis. Ce sera très facile pour eux — nous le voyons déjà aux États-Unis — de renoncer aux centrales au charbon pour les remplacer par des centrales au gaz naturel. C'est ce qui se produit massivement et cela se passait déjà bien avant la tarification du carbone en raison du faible coût du gaz naturel. Les liens avec les États-Unis, et les liens internationaux plus généralement, feront baisser le coût des émissions. Si nous nouons des liens avec les États- Unis et dans le reste du monde, pour finir, il ne sera pas nécessaire que toutes les réductions d'émissions aient lieu au Canada. Nous pouvons obtenir une quantité équivalente aux États-Unis.
Une des choses à ne pas perdre de vue au sujet de notre secteur pétrolier et gazier, c'est que l'immense majorité des émissions pendant le cycle de vie de la consommation de pétrole vient du consommateur final.
Notre production de sables bitumineux ou de pétrole classique ne représente qu'une fraction — 10 ou 15 p. 100 — du cycle de vie global des émissions. Essayer d'étrangler le secteur pétrolier et gazier canadien pour réduire les émissions est donc un moyen très peu efficace de s'attaquer à la cause profonde, c'est-à-dire à la consommation. Les gens qui utilisent le pétrole et le gaz figurent probablement parmi les principales sources d'émissions de gaz à effet de serre. Devinez où se trouvent beaucoup de nos consommateurs? Aux États-Unis. S'attaquer à beaucoup d'émissions américaines, au lieu de ne se concentrer que sur les émissions canadiennes, sera le moyen le plus rentable de réduire nos émissions. Nous devons penser aux liens internationaux.
Le président : Certainement. L'industrie tributaire du commerce, d'abord — j'utiliserai Alcan — nous avons visité leur usine en Colombie-Britannique, et ils viennent de consacrer 5 milliards de dollars à la modernisation d'une usine de 50 ans. Ils ont réduit de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre, mais ils disent que si nous taxons les émissions liées à leur procédé, ils ne seront plus concurrentiels dans le monde.
Voilà une entreprise qui vient d'investir 5 milliards de dollars et qui dit : « Attention, parce que vous risquez de nous rendre très peu concurrentiels dans le monde. »
Comment concilions-nous les deux? Je ne suis pas contre la réduction du carbone. Nous devrions faire tout notre possible, mais de manière rationnelle. Le secteur des engrais dit qu'il va répercuter tous ces coûts sur les Canadiens, sur beaucoup d'agriculteurs canadiens, et après? C'est sur le consommateur, sur Fred et Martha et, pour finir, ce sont eux qui paieront une grosse partie de la facture.
Que faisons-nous pour protéger ces personnes? Je ne parle pas seulement des personnes à faible revenu. Je parle aussi du Canadien moyen. Les faibles revenus, bien sûr, mais le Canadien moyen qui utilise du gaz naturel ou du carburant pour aller du point A au point B, ou du gaz naturel pour chauffer sa maison et son eau, à 200 $ la tonne, l'augmentation sera importante.
C'est le chiffre qu'on nous a donné. Je ne sais pas comment le Canadien moyen peut changer d'habitudes ou s'adapter aussi vite aux frais que cela va représenter.
M. Dachis : Il faut séparer la question des gens qui paient le prix des émissions et aussi ce qu'on fait des revenus. Si on veut s'attaquer à la réduction des émissions, le mieux, c'est la tarification du carbone. Ensuite, ce qu'on peut faire pour s'assurer que personne n'y laisse de plumes, c'est leur faire récupérer cet argent par un remboursement.
Pour ce qui est des entreprises, il y a toujours une tarification du carbone. Tout le monde paie le même tarif, mais ce qu'on peut faire pour les entreprises, c'est de dire : « D'accord, vous avez cette intensité d'émissions aujourd'hui, en 2016. Nous allons faire en sorte que vous obteniez un crédit pour la même quantité. Si vous réduisez vos émissions, tant mieux pour vous, mais nous vous donnerons quand même ce crédit d'émissions. » La tarification du carbone encouragera toujours à réduire les émissions, mais il faut leur accorder ce remboursement pour que leurs résultats nets restent les mêmes.
On peut faire la même chose pour les particuliers afin de s'assurer qu'ils restent encouragés d'emblée à réduire les émissions, mais dans certains domaines où, en tant que société, nous pensons devoir rembourser pour être certains qu'un groupe de personnes donné ne se retrouve pas dans une pire situation à cause de la tarification du carbone, nous pouvons leur redonner l'argent.
Le président : Nous parlons donc d'une taxe sur le carbone sans incidence sur les recettes? C'est de cela que vous parlez?
M. Dachis : Tout à fait.
Le président : D'où vient l'argent dont vous parliez plus tôt pour investir dans les coûts initiaux dont le gouvernement devrait, selon vous, prendre la part plus risquée? Des recettes publiques?
M. Dachis : Vous vous rappelez que j'ai dit qu'une subvention à la R-D ne fait avancer que de 10 p. 100 vers l'objectif visé? Dix pour cent des recettes globales de la tarification du carbone ou des mesures d'atténuation des changements climatiques, cela ne fera pas grand-chose. On peut prendre l'immense majorité des recettes que perçoivent les gouvernements et les redonner aux particuliers et aux entreprises par la baisse de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu des particuliers et par tout autre remboursement en fonction du volume par industrie qui soit nécessaire.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais parler du GNL et plus particulièrement de la décision du gouvernement, il y a deux mois, d'autoriser sa transformation dans la région de Vancouver en vue de son exportation. Vous avez expliqué dans votre exposé que si la Chine achète du GNL pour remplacer des centrales au charbon, c'est très bien. Nous n'avons pas entendu beaucoup de bons arguments dans la presse et dans le public sur ce projet. Avez-vous des détails à son sujet?
Je comprends que le gaz naturel pollue pratiquement moitié moins que le charbon. Dans ce cas, il faut le comprimer. Apparemment, le procédé consomme pas mal d'énergie et de gaz naturel, et c'est donc moins efficace. Avez-vous des chiffres précis? Nous portons-nous vraiment mieux, à l'échelle mondiale, si nous exportons du gaz naturel comprimé pour remplacer des centrales au charbon?
M. Dachis : J'ai des chiffres. Là encore, ils sont dans le document que je mentionnais aujourd'hui, dans Clearing the Air : How Canadian LNG Exports Could Help Meet World Greenhouse Gas Reduction Goals.
D'après les auteurs, si des pays comme la Chine misent sur le GNL, ils pourraient réduire leurs émissions de 20 à 25 p. 100. Le remplacement de ces centrales au charbon par le GNL sur une vingtaine d'années représente un assez gros morceau.
Le sénateur Massicotte : Vous avez expliqué que, selon vous, les fonds fédéraux devraient aller à la recherche fondamentale et pas à la commercialisation. C'est une critique. Le gouvernement consacre beaucoup d'argent au financement des universités pour cette recherche. Êtes-vous en train de dire que ce n'est pas suffisant? Vous souhaitez qu'il dépense plus? Ou voulez-vous changer le programme?
M. Dachis : Je dirais que ce commentaire constitue plus une critique du gouvernement provincial ontarien, à savoir que les recettes qu'il compte tirer de son programme de plafonnement et d'échange, la presque totalité de ces recettes va servir à financer l'adoption de technologies, autrement dit servir à des subventions pour tout, de l'achat de véhicules à faibles émissions à la rénovation domiciliaire et d'appartements. Voilà une politique gouvernementale qui est un gaspillage. Elle rend tout le programme de tarification du carbone beaucoup moins efficace parce que c'est le gouvernement qui décide où il veut des réductions d'émissions, indépendamment de la tarification du carbone.
Avec ce degré de subventions massives à l'adoption de technologies, cela revient à un mauvais programme qui écarte un bon programme. Ce sera aussi une spirale de la mort pour ces subventions à la réduction des émissions, car elles amènent les entreprises et les particuliers à réduire leurs émissions pas à cause de la tarification du carbone, mais à cause des subventions.
Devinez quoi, la tarification du carbone baisse et les recettes aussi. C'est donc une spirale de la mort pour ces programmes sans effet. Aucun ne marche ensemble.
Le sénateur Lang : Quelle conversation! Nous essayons de déterminer comment taxer les gens sans qu'ils s'en aperçoivent, mais au bout du compte, quelqu'un va bien devoir payer.
Je ne vais pas revenir sur la question de la taxe sur le carbone et du Canada parce que nous en avons déjà parlé. Je veux revenir sur l'exemption qu'évoquait le sénateur Patterson pour le Nord. Votre réponse était qu'on peut percevoir la taxe sur le carbone puis trouver un moyen de rendre l'argent. Cela ne ressemble pas à la façon de faire de C.D. Howe. J'aurais pensé que l'Institut préconiserait de ne pas taxer et de laisser les gens décider de ce qu'ils veulent faire de leur propre argent.
Cela dit, l'autre argument pour l'exemption dans le Nord serait le suivant : notre énergie est, pour l'essentiel, acheminée par camion ou par bateau et la taxe sur le carbone est déjà payée dans d'autres provinces d'une manière ou d'une autre. Ne serait-il pas logique d'instaurer une exemption pour une région donnée, comme le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, pour ne pas avoir à mettre en place une bureaucratie coûteuse chargée de s'assurer que les gens récupèrent l'argent qu'ils ont déjà dépensé?
M. Dachis : C'est une question administrative intéressante. Si la population du Nunavut achète son carburant à des distributeurs qui se trouvent, par exemple, en Ontario et que ce carburant est expédié au Nunavut, qui paie? Au final, la question de la partie administrative technique qui consiste à ajouter aux carburants une tarification du carbone est importante, et remboursera-t-on la population du Nunavut pour qu'elle achète quelque chose en Ontario? Grande question. Ce sont des détails administratifs qu'on a déjà réglés dans le passé.
Ce qu'il faut bien savoir à propos de ce type de recettes, qu'elles soient collectées en Ontario pour des gens qui utilisent le produit, disons, au Nunavut, c'est que nous ne devons pas oublier quelle est la meilleure façon de traiter un sujet. Si nous nous concentrons sur les personnes à faible revenu que nous voulons aider et dont nous voulons nous assurer qu'elles ne paient pas trop, nous le faisons par la fiscalité.
Le sénateur Lang : Non, ce que je dis, c'est que la taxe ou le plafonnement et l'échange ou quelque taxe prélevée que ce soit l'a déjà été sur le produit — dans le cas du pétrole et du gaz parce qu'ils sont expédiés —, et qu'il n'est en aucune manière produit dans des endroits comme le Nunavut, le Yukon ou les Territoires du Nord-Ouest. Cela a déjà été payé.
Pourquoi irions-nous administrer une taxe supplémentaire sur le carbone dans le Nord sur un produit sur lequel cette taxe est déjà prélevée?
Le sénateur Patterson : Bravo!
Le sénateur Lang : Je veux aller plus loin. Ne serait-il pas plus logique de nous exempter et alors, ce serait plus net et il ne serait pas nécessaire de mettre sur pied ce programme pour décider qui rembourser?
M. Dachis : Il est très peu probable qu'on applique deux fois ce type de taxes. Elle ne s'appliquerait pas au détaillant en Ontario, puis de nouveau au consommateur final au Nunavut. Il s'agit en fait d'une question administrative très facile à régler. Le détaillant final quel qu'il soit demande à l'acheteur final de payer cette taxe sur le carbone sur la base de l'intensité d'émissions supposée du carburant. Donc, la taxe ne serait prélevée qu'une fois.
La sénatrice Fraser : J'ai une petite question supplémentaire. Est-ce qu'il y a un parallèle avec la TPS, avec la façon dont elle est collectée?
M. Dachis : En effet, il y a un parallèle parce que ce que le distributeur de carburant devra dire, c'est s'il s'agit d'essence ou de diesel. Leur combustion dégage une certaine quantité d'émissions. Ce chiffre est très facile à comprendre. Quand on vend ce produit au consommateur final, la personne qui brûle ce carburant dans son véhicule ou dans son générateur sera celle qui paiera la taxe.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dachis, de cette conversation intéressante. Nous vous remercions infiniment de nous avoir consacré du temps, car nous vous savons très occupé.
M. Dachis : C'est moi qui vous remercie de m'avoir invité.
Le président : Si vous souhaitez nous faire part d'autres données, vous pouvez les communiquer au greffier qui nous les distribuera à tous. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)