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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 37 - Témoignages du 12 décembre 2017


OTTAWA, le mardi 12 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et modifiant une autre loi en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 17 h 3, pour étudier ce projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

[Français]

Je m’appelle Rosa Galvez, je représente le Québec et je suis présidente de ce comité. J’inviterais maintenant les autres sénateurs autour de la table à se présenter, après vous avoir présenté la greffière, Maxime Fortin, et les analystes du comité, Sam Banks et Marc LeBlanc.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, de la division sénatoriale des Laurentides, au Québec.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La présidente : Le 6 décembre dernier, le Sénat nous a confié le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et modifiant une autre loi en conséquence. Deux réunions sont prévues cette semaine pour étudier ce projet de loi.

[Traduction]

Aujourd’hui, nous accueillons la marraine du projet de loi : l’honorable Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord. Elle est accompagnée par des agents de son ministère, M. Stephen Van Dine, sous-ministre adjoint, Affaires du Nord, et M. Gilles Binda, directeur par intérim, Direction générale des ressources naturelles et de l’environnement; ainsi que par M. Daniel Pagowski, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada.

Merci beaucoup de vous joindre à nous.

Madame la ministre, je vous invite à nous présenter votre déclaration préliminaire, qui sera suivie d’une période de questions.

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronnes-Autochtones et des Affaires du Nord : Merci beaucoup, madame la présidente. C’est un honneur pour moi de me joindre à votre comité pour la première fois, sur le territoire traditionnel des Algonquins, afin de discuter du projet de loi C-17.

Comme vous le savez, il s’agit de la Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, communément appelée la LEESY.

Bonjour, sénateur Patterson.

Merci, madame la présidente, d’avoir présenté nos collaborateurs. La route a été longue, et j’espère me rendre au Yukon demain. Tout cela tombe à point comme nous nous préparons à visiter le territoire de la nation la plus autonome. C’est un hommage très important que nous lui rendons pour son leadership.

Nous savons et nous croyons tous que, pour réussir au plan économique, le Yukon doit absolument compter sur un secteur des ressources durable. Les Yukonnais ont aussi clairement indiqué que la réalisation de ce potentiel économique doit reposer sur la viabilité de l’environnement et sur la participation des collectivités autochtones touchées à titre de partenaires à part entière.

Ils comprennent que cela est nécessaire non seulement pour appuyer la réconciliation, mais aussi pour satisfaire à une obligation légale.

[Français]

C’est d’autant plus important dans des régions comme le Yukon qui sont assujetties à des accords sur des revendications territoriales globales et l’autonomie gouvernementale.

[Traduction]

La LEESY originale de 2003 découlait de l’Accord-cadre définitif conclu par le Canada, les Premières Nations autonomes du Yukon et le gouvernement du Yukon, et il devait être soumis à un examen cinq ans après son adoption.

L’examen, qui a été effectué par le gouvernement précédent, a donné lieu à 72 recommandations qui ont été acceptées par toutes les parties et à 4 autres qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus. Les parties ont convenu de donner suite aux 72 recommandations approuvées et de laisser tomber les 4 autres.

Le projet de loi S-6, Loi sur l’amélioration de la réglementation au Yukon et au Nunavut, a été présenté au Sénat en juin 2014 et a reçu la sanction royale en juin 2015.

[Français]

Ce projet de loi donnait suite aux recommandations qui avaient fait consensus lors de l’examen après cinq ans et qui devaient être mises en œuvre au terme d’une loi.

[Traduction]

Malheureusement, le gouvernement du Canada a aussi ajouté 4 dispositions additionnelles qui n’étaient pas comprises dans les 76 recommandations issues de l’examen quinquennal et qui, selon les Premières Nations du Yukon, n’avaient pas fait l’objet de consultations véritables.

Le 14 octobre 2015, par suite de l’adoption de ces quatre dispositions litigieuses, trois Premières Nations autonomes du Yukon — soit les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik, la Première Nation de Little Salmon/Carmacks et le Conseil des Tlingits de Teslin — ont déposé une contestation devant la Cour suprême du Yukon.

Le gouvernement du Canada est résolu à renouveler la relation avec les peuples autochtones en se fondant sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat.

Comme vous le savez, madame la présidente, la lettre de mandat de chacun et de chacune des ministres contient les termes : « la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat ».

Cela implique, dans la mesure du possible, de mener des négociations au lieu de recourir à des poursuites pour régler les différends entre la Couronne et les Autochtones.

C’est ainsi qu’en avril 2016, le Canada, le gouvernement du Yukon et les Premières Nations du Yukon ont signé un protocole d’entente faisant état des mesures que les parties avaient convenu de prendre pour donner suite aux préoccupations des Premières Nations quant à certains des changements mis en œuvre par le projet de loi S-6.

En conséquence, les parties au litige ont convenu de reporter les dates de leurs audiences afin de permettre l’adoption du projet de loi C-17.

Le projet de loi C-17 vise à abroger les quatre dispositions litigieuses qui ont été adoptées avec le projet de loi S-6 en 2015. Ces dispositions concernent les délais prévus par la loi pour la tenue du processus d’évaluation, les exceptions applicables à la réévaluation des projets, le pouvoir du ministre fédéral de donner des instructions exécutoires à l’office et la capacité du ministre fédéral de déléguer des attributions au gouvernement territorial en vertu de la loi.

[Français]

Le projet de loi C-17 rétablira la confiance des Premières Nations du Yukon et la certitude juridique en vue du développement responsable des ressources.

[Traduction]

Il éliminera aussi un obstacle important à l’accroissement des investissements, du développement et des emplois au Yukon.

J’aimerais également souligner que les approbations de projet par l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon respectaient ou devançaient déjà les délais imposés par le projet de loi S-6 avant que le projet de loi soit adopté.

C’est avec plaisir que je vous annonce que la grande majorité des Yukonnais appuient ce projet de loi. De fait, une motion unanime en faveur du projet de loi C-17 a été adoptée par l’Assemblée législative du Yukon le printemps dernier.

De plus, le Conseil des Premières Nations du Yukon, le gouvernement du Yukon et la Chambre des mines du Yukon ont rédigé une lettre conjointe en mars dernier dans laquelle ils recommandaient vivement que le projet de loi C-17 soit adopté dès que possible, sans amendement.

La lettre indiquait également qu’ils étaient impatients que le projet de loi soit adopté pour que :

[...] l’économie du Yukon puisse profiter de la certitude établie par les accords définitifs et les accords sur l’autonomie gouvernementale.

Je crois comprendre que vous consulterez directement tous les signataires de la lettre durant votre étude et je pense qu’elles réitéreront leur appui de l’adoption du projet de loi C-17 sans amendement et de façon accélérée.

Le gouvernement comprend également que le soutien des groupes industriels, de la Chambre des mines du Yukon notamment, n’est pas inconditionnel. Ces groupes ont indiqué clairement que certains enjeux, comme ceux relatifs aux délais raisonnables pour les évaluations environnementales et aux critères de réévaluation des projets, nécessitent de plus amples discussions et des précisions supplémentaires.

Les Premières Nations, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Yukon conviennent que certains enjeux, comme ceux relatifs aux délais raisonnables pour les évaluations environnementales et aux réévaluations des projets, exigent un cadre stratégique solide.

Cependant, les Premières Nations du Yukon ont indiqué clairement que l’adoption du projet de loi C-17 est une manifestation importante de bonne foi et un premier pas vers la concrétisation de ces importantes discussions.

Les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik, la Première Nation de Little Salmon/Carmacks et le Conseil des Tlingits de Teslin ont aussi clairement indiqué que l’adoption de ce projet de loi est une condition préalable à l’abandon de leur poursuite.

Mon cabinet travaille étroitement avec la Chambre des mines du Yukon et nos autres partenaires afin de jeter les bases du travail important que nous devons accomplir pour veiller à répondre aux préoccupations de l’industrie au moyen d’autres mécanismes de politique peu après l’adoption du projet de loi. De fait, je serai au Yukon cette semaine pour célébrer la signature d’un nouveau protocole d’entente avec le Conseil des Premières Nations du Yukon, les 11 Premières Nations autonomes du Yukon et le gouvernement du Yukon.

[Français]

Ce protocole d’entente définit un cadre de travail relatif à la façon dont nous allons travailler ensemble et en partenariat complet afin de mettre en œuvre et d'améliorer ensemble le processus d’évaluation au Yukon.

[Traduction]

Ce protocole d’entente nous permet également de travailler avec l’industrie et d’autres intervenants de façon à ce que leurs points de vue soient entendus comme nous allons de l’avant.

Le projet de loi C-17 montre clairement notre intention de travailler étroitement avec tous nos partenaires au Yukon afin de rétablir la confiance des Premières Nations autonomes du Yukon, ainsi que la certitude juridique nécessaire au développement responsable des ressources.

[Français]

J’incite vivement tous les sénateurs à appuyer ce projet de loi. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

Merci, madame la présidente. Chi-miigwech.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Patterson : J’ai le privilège d’être le porte-parole du projet de loi. Je remercie la ministre et ses collaborateurs de se mettre à notre disposition pour des séances d’information et d’avoir des discussions franches avec moi concernant mes préoccupations.

Le projet de loi S-6 que nous abrogeons aujourd’hui visait le Yukon et le Nunavut. Deux des dispositions qui se font annuler sont l’élimination des délais et l’élimination des exceptions applicables à la réévaluation des projets dans les cas où il y a des changements mineurs, c’est-à-dire des changements insignifiants. Ces règles sont actuellement en place dans les Territoires-du-Nord-Ouest et au Nunavut, et j’espère que c’est temporaire.

Les territoires se trouvent temporairement dans une situation inégale, où les règles relatives aux délais et aux réévaluations sont les mêmes pour le Nunavut et les Territoires-du-Nord-Ouest, mais pas pour le Yukon.

La politique du gouvernement fédéral est-elle toujours que les trois territoires soient assujettis à des régimes de réglementation similaires?

Mme Bennett : C’est une excellente question, monsieur le sénateur. Comme vous le savez très bien, en vertu de notre politique de cogestion, la politique doit être acceptée par nos deux partenaires.

Dans la situation qui nous occupe, où les dispositions n’ont pas été acceptées par les deux autres parties, le gouvernement fédéral n’a pas le droit de s’imposer. L’autre jour, je disais à mon équipe, durant la séance d’information, que c’était comme avoir un tabouret à trois pattes : si une des pattes est plus longue et plus forte que les autres, le tabouret ne tient pas très bien.

Comme nous allons de l’avant, nous tenons absolument à obtenir l’approbation des Premières Nations et du gouvernement du Yukon. C’est l’approche ascendante que nous avons adoptée.

Le sénateur Patterson : Je suis ravi d’apprendre que la ministre se rendra au Yukon pour célébrer la conclusion de l’entente tripartite, qui fonctionne bien dans le territoire que je représente, le Nunavut.

Vous avez parlé de certitude réglementaire durant votre exposé. La chambre des mines a également parlé du besoin de rétablir la certitude juridique. Je crains que les parties concernées se soient engagées à remplacer la formulation des dispositions annulées par des termes propres au Yukon.

Quel est le délai que le gouvernement, une des parties concernées et l’auteur de la mesure législative, a fixé pour la mise en place de politiques ou d’un règlement visant à remplacer les dispositions et à rétablir la certitude dans le territoire?

Mme Bennett : Nous nous rendrons là cette semaine pour renforcer le fait qu’un protocole d’entente a déjà été établi concernant les mesures que nous prendrons par rapport aux répercussions politiques qui ne seront pas prévues par la loi, afin que nous sachions que nous pouvons travailler avec les parties.

C’est important de comprendre que ce qui a été appelé une réévaluation est en réalité une évaluation de nouveaux aspects des deux côtés. On peut procéder à une évaluation parce que le projet a changé considérablement ou parce que l’environnement a changé considérablement, par exemple, le lit du cours d’eau ou la présence d’une accumulation de produits chimiques toxiques. On évalue seulement les aspects qui ont changé; on ne réévalue pas l’ensemble du projet.

Le sénateur Patterson : Je suis ravi de l’entendre.

Mme Bennett : Je pense que c’est cet aspect du dossier qui causait un peu de nervosité. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de préciser.

Concernant les délais, comme je l’ai dit durant ma déclaration préliminaire, le Yukon est irréprochable. C’est le territoire qui respecte le mieux les délais et qui réussit le mieux sur ce plan. On considérait comme inutile d’intégrer les délais dans la loi, surtout puisque le non-respect des délais n’entraînait aucune conséquence. Ce n’est pas logique d’inclure quelque chose dans une loi si la violation de la disposition n’a aucune conséquence.

Je le répète, c’est pour cette raison que le territoire et les Premières Nations refusaient d’inclure des dispositions n’ayant aucune incidence. Ce que nous allons célébrer vendredi, c’est le fait que le protocole d’entente qui décrit la façon dont nous allons travailler ensemble a déjà été conclu.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui, madame la ministre.

J’aimerais poursuivre sur le même sujet que le sénateur Patterson, si vous le voulez bien, soit les délais. Les dispositions sont abrogées, mais on s’attend à ce qu’elles soient remplacées dès que possible, je présume. De fait, vous en avez parlé durant votre exposé, lorsque vous avez dit : « Les Premières Nations autonomes du Yukon ont indiqué clairement que l’adoption du projet de loi C-17 est une manifestation importante de bonne foi et un premier pas .»

Vous avez aussi fait allusion au fait que la Chambre des mines du Yukon est un peu inquiète. Si je comprends bien, l’incertitude est probablement causée par l’absence de règlement ou de cadre pour remplacer les dispositions abrogées.

Tout cela me mène à ma question : il s’agit d’un premier pas, mais quels sont les délais, selon vous? Permettront-ils de régler les questions qui demeureront en suspens à la suite de l’abrogation des dispositions?

Mme Bennett : Les pratiques opérationnelles sont déjà en place et tous les délais sont respectés. C’est vrai que la Chambre des mines du Yukon s’est jointe aux Premières Nations et au gouvernement du Yukon pour rédiger la lettre dans laquelle ils nous recommandaient vivement de prendre le plus rapidement possible les mesures nécessaires pour supprimer cet obstacle afin que nous puissions commencer à établir le genre d’ententes qui doivent être conclues.

Le protocole d’entente signifie que les trois parties s’entendent sur les mesures qu’il faut prendre, même si je pense que la plupart d’entre elles étaient d’avis que le processus fonctionnait bien et qu’il ne faut pas essayer de réparer ce qui n’est pas brisé. Or, c’est ce que le projet de loi S-6 a fait, et maintenant, nous devons réparer les réparations, si vous comprenez ce que je veux dire.

Le sénateur Patterson : Vous avez lu mon discours.

Mme Bennett : Cela me disait quelque chose.

La collaboration entre les entreprises et les Premières Nations du Yukon attire l’envie. Il doit y avoir 15 ans, j’étais assise dans la Chambre de commerce, à Whitehorse. Les sociétés minières et les Premières Nations étaient là. Elles s’entraidaient pour que les Premières Nations puissent fonder une entreprise dans le but d’exploiter une mine.

De nombreuses régions du Canada envient la façon dont ces groupes collaborent et la certitude dont jouissent les sociétés minières. Cette nation autonome prend ses propres décisions et elle ne revient pas sur les décisions qu’elle a prises.

Tout le monde comprend que c’est nous qui devons faire adopter le projet de loi et que les trois parties doivent procéder à l’examen opérationnel des processus pour déterminer s’il est possible de les améliorer. C’est très bien, mais les délais sont certainement respectés et même devancés.

La sénatrice Seidman : Vous avez dit, durant votre exposé, dans la partie intitulée « Travail encore nécessaire » :

Le gouvernement comprend également que le soutien des groupes de l’industrie, de la Chambre des mines du Yukon notamment, n’est pas inconditionnel. Ces groupes ont indiqué clairement que certains enjeux [...] nécessitent de plus amples discussions et des précisions supplémentaires.

Pouvez-vous nous donner des exemples des enjeux qui, selon eux, nécessitent encore du travail?

Mme Bennett : Je pense qu’ils tiennent à ce que nous ne rétrogradions pas. Ils souhaitent que nous allions immédiatement de l’avant. Comme le protocole d’entente l’explique, ils veulent veiller à ce que toutes les parties s’entendent sur la collaboration et à ce qu’ils obtiennent la certitude qu’ils recherchent.

Franchement, il y a eu des perturbations pendant cette période, parce que les Premières Nations étaient en cour afin d’arrêter cela. L’affaire a été suspendue et nous allons réellement de l’avant. Ils veulent juste s’y mettre.

Le sénateur MacDonald : Avant de poser mes questions, je tiens à dire quelque chose, parce que je pense que c’est nécessaire.

Mon collègue qui est assis à ma droite, le sénateur Neufeld, siège au comité depuis neuf ans. Il siège au comité directeur depuis sa nomination au Sénat, et il a été président du comité pendant cinq ans. Je ne suis pas sûr que nous ayons vraiment bien souligné cela à la dernière séance.

Je crois que nous siégions à huis clos, alors je veux souligner pour le compte rendu, au nom de nous tous qui avons travaillé avec lui, la mesure dans laquelle nous sommes ravis que le comité et le pays puissent bénéficier des services d’un politicien d’expérience, qui a été longtemps député à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, puis ministre dans cette province. Sénateur Neufeld, au nom de tous vos collègues, merci.

Des voix : Bravo.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le sénateur MacDonald : Le Nord m’a toujours intrigué. Je me souviens, en 1999, quand le Nunavut est devenu un territoire. J’ai aussi trouvé intrigant qu’il en coûte 1 milliard de dollars pour réaliser cela.

Aujourd’hui, le gouvernement du Nunavut reçoit environ 2 milliards de dollars en transferts pour 37 000 habitants. La Nouvelle-Écosse, qui compte 1 million d’habitants, reçoit un peu plus de 1 milliard de dollars. Je ne sais pas vraiment quels sont les chiffres pour le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, mais je sais que la population totale équivaut à 0,32 p. 100 de 1 p. 100 de la population totale du Canada. Ce sont d’énormes transferts qui vont à ces territoires.

Pourriez-vous nous dire le montant du transfert versé au gouvernement du Yukon selon la formule de financement des territoires du dernier budget? Comment cela se compare-t-il au montant des revenus tirés des redevances liées au développement des ressources minérales au Yukon? Je suis curieux de savoir quand nous devons aider ces régions éloignées à générer des revenus.

Mme Bennett : C’est une excellente question. Premièrement, le Nord nous intrigue tous dans le sens que c’est une partie énorme de notre pays. La plupart des Canadiens ne comprennent pas que le lac Baker est au centre de notre pays. La Cour suprême a rendu de nombreuses décisions concernant le territoire. La représentation n’est pas fonction de la population, car nous n’avons pas assez de gens là-bas. Nous avons un énorme territoire, et nous devons exercer notre souveraineté sur ce territoire.

Cela signifie que nous devons respecter les gens qui y vivent et veiller à ce qu’ils aient la meilleure qualité de vie possible. C’est ce qui justifie le transfert, mais vous avez tout à fait raison : les questions du partage des revenus provenant de l’exploitation des ressources et de la façon de faire ces calculs sont très importantes.

M. Van Dine pourrait nous expliquer comment nous déterminons ces choses.

Stephen Van Dine, sous-ministre adjoint, Affaires du Nord, Affaires autochtones et du Nord Canada : Les éléments de base sont assez bien décrits. Essentiellement, le principal mécanisme de transfert est la formule de financement des territoires.

Nos collègues du ministère des Finances ont la responsabilité de faire une série de calculs. Nous pourrions fournir plus d’information au comité sur leurs calculs. En gros, l’élément relatif à la production de redevances est inclus dans le calcul des transferts, alors on reconnaît cela en quelque sorte, jusqu’à un certain montant.

Nous avions déjà ce mécanisme, il y a des années, quand notre ministère était chargé du financement; maintenant, c’est le ministère des Finances. Nous avions une disposition relative aux abus. Nous déduisions en fait les revenus autonomes que le territoire tirait du transfert fédéral. Nous avons réalisé avec le temps que cela n’aidait en rien au renforcement d’économies durables localement. Le facteur lié aux abus a été retiré, et il est maintenant possible de tirer des revenus de cela et de les conserver jusqu’à un certain montant.

Il y a une chose que les gens savent rarement à propos du gouvernement du Yukon, à ma connaissance, et c’est qu’il n’a jamais eu de déficit. C’est l’un des seuls territoires du pays qui a réussi à rester dans le noir, en partie grâce aux différentes sources de revenus qu’ils ont réussi à avoir, y compris la FFT.

Le sénateur MacDonald : Je n’ai toujours pas de réponse à ma question. Quels sont les revenus tirés là-bas des redevances, et combien d’argent y est transféré?

M. Van Dine : Il va falloir que nous transmettions ultérieurement ces détails au président. Ce sont des calculs techniques réalisés par nos collègues du ministère des Finances et le gouvernement du Yukon.

Le sénateur MacDonald : J’ai une question additionnelle. Je fais une estimation très grossière. Disons que ce sont 2 milliards de dollars pour le Nunavut et 1,5 milliard de dollars pour chacun des deux autres territoires, bien que je ne connaisse pas du tout les montants. Cela pourrait s’élever à 4 ou 5 milliards de dollars. C’est beaucoup de revenus transférés.

Mme Bennett : Je crois que c’est à peu près un.

Le sénateur MacDonald : Cela reste un montant élevé de revenus transféré à un peu plus de 100 000 personnes.

Le gouvernement ne devrait-il pas adopter des politiques qui aideraient le Yukon à accroître son économie et à devenir moins dépendant des transferts aux territoires?

Je crois que ces dispositions vont rendre cela plus difficile.

Mme Bennett : Je crois que nous devrons accepter de ne pas être d’accord. Ce que nous faisons, c’est que nous retirons les entraves à la croissance de l’économie, car si les Premières Nations ne sont pas d’accord et que les choses sont bloquées en cour, nous ne faisons pas de progrès.

C’est une chose que le gouvernement territorial et les Premières Nations ont déterminée comme étant dans leurs intérêts supérieurs. Notre travail, dans le sud, n’est pas d’argumenter avec eux au sujet de ce qu’il leur faut pour la croissance de leur économie. C’est de cela qu’ils ont dit avoir besoin.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, madame la ministre, de nous aider à comprendre ce projet de loi dont le comité est saisi. Vous nous avez parlé de l’accord qui est intervenu en avril 2016 et par lequel les procédures judiciaires étaient mises en suspens. L’accord contient-il une disposition prévoyant la suspension ou le retrait de procédures judiciaires, si un projet de loi est adopté? J’aimerais savoir, de façon plus claire, ce qui figure dans l’accord qui est intervenu en 2016. On dit que l’adoption du projet de loi C-17 est une condition préalable au retrait des procédures judiciaires. Pouvez-vous nous dire de façon plus précise ce qui figure dans cet accord?

Mme Bennett : L’accord vise à faire en sorte que nous travaillions ensemble, avec le gouvernement du Yukon et les Premières Nations qui s’autogouvernent, afin de déterminer la stratégie à suivre s’il est nécessaire de suspendre ou de retirer des procédures.

La sénatrice Dupuis : J’aimerais être certaine de bien comprendre. À deux reprises dans votre présentation — et je pense que vous avez raison de le faire —, vous avez fait référence à la certitude juridique. Nous savons qu’il s’agit là de la grande obsession de l’État, et avec raison, d’ailleurs, lorsqu’on conclut ce genre d’entente. Il existe déjà une entente qui prévoit un accord de revendication globale territoriale et qui prévoit une certitude. Maintenant, on vient de conclure une autre entente, alors j’essaie de savoir quelle sera la certitude juridique une fois que le projet de loi sera adopté.

La certitude juridique veut-elle dire que l’on va retirer les procédures judiciaires et que l’on acceptera donc qu’il n’y ait éventuellement pas d’autres procédures qui soient reprises sur ces mêmes questions? Ou est-ce plutôt que l’on aura comme certitude qu’on s’était entendu jusqu’ici sur la suspension des procédures judiciaires, mais sans régler le fondement du problème?

Gilles Binda, directeur par intérim, Direction générale des ressources naturelles et de l’environnement, Affaires autochtones et du Nord Canada : Merci de cette bonne question, sénatrice. Le contenu de l’entente indiquait qu’on retirerait les dispositions de la loi qui étaient contentieuses et dont les Premières Nations ne voulaient pas. Aussi, il y aura à l'avenir une entente-cadre relativement à la façon dont nous allons travailler ensemble à la mise en œuvre de la loi. Toute loi s’améliore avec les années, et nous devons y travailler ensemble; c’est une chose qui avait un peu été mise de côté dans le cadre de notre travail sur le projet de loi S-6. Maintenant, nous voulons travailler ensemble pour prévoir tout changement futur et pour résoudre les questions dans le cadre de la mise en œuvre de la loi.

En outre, il y a eu une entente plus ou moins verbale, à savoir que dès l’adoption du projet de loi C-17, une entente serait conclue. Mme la ministre annoncera cette semaine au Yukon qu’une entente, ainsi qu’un protocole d’entente, qu'on appelle en anglais « resetting the relationship MOU », ont été conclus. Nous aurons la certitude qu’il n’y aura aucun litige relatif à la loi.

La sénatrice Dupuis : Si je comprends bien, premièrement, on retire les contentieux. Deuxièmement, on travaillera à l’avenir en fonction d'une entente-cadre. Puis, une fois qu’on aura conclu une entente-cadre, on retirera...

M. Binda : Oui, madame.

La sénatrice Dupuis : On s’engagera à ne pas déposer à nouveau des procédures à ce titre. C’est exact?

M. Binda : C’est exact.

La sénatrice Dupuis : On aura la certitude, à la fin du processus, une fois que l’entente-cadre pour l’avenir sera conclue.

M. Binda : Elle a été conclue. On attend juste...

La sénatrice Dupuis : Cette entente a déjà été signée.

M. Binda : Oui, cette entente a été signée. Mme la ministre, les Premières Nations et le gouvernement du Yukon en feront l’annonce publique ce vendredi, au Yukon.

Mme Bennett : Selon moi, c’est la différence entre ce qui doit être prévu dans un projet de loi et ce qui peut être résolu par l’entremise des politiques.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici avec nous, madame la ministre.

Je vais me concentrer un peu plus sur l’aspect juridique, mais pas trop. Je pense que la plupart des questions ont été posées.

Est-ce qu’il se passait des choses sur le plan juridique, entre les sociétés minières et les Premières Nations, ou est-ce que cette affaire est entre les Premières Nations du Yukon et le gouvernement du Canada seulement?

M. Van Dine : C’est strictement entre les Premières Nations et le gouvernement du Canada.

Le sénateur Neufeld : Cela ne freinait donc pas les activités de développement en cours.

M. Van Dine : Comme la ministre Bennett l’a expliqué, la contestation judiciaire de la loi a causé un certain degré d’incertitude sur le plan des investissements, ce qui a un peu obscurcit le climat d’investissement au Yukon.

Le sénateur Neufeld : Vous avez dit dans votre discours, et je l’ai lu dans la déclaration du sénateur Patterson, que les délais étaient respectés. Quel était le problème avec les délais, s’ils étaient respectés? Pourquoi supprimer un délai?

Je suis de la Colombie-Britannique. Nous avons un délai. Il y a des moyens d’adapter les choses, mais j’aimerais que vous me disiez quel est le gros problème, s’ils respectent les délais et terminent même avant.

Mme Bennett : Ce n’est pas le « quoi », mais le « comment ». Les Premières Nations ne les avaient pas approuvés, et ils ont été imposés. Par conséquent, ils les respectaient, mais il n’y avait aucune conséquence s’ils ne les respectaient pas.

Pour les Premières Nations, cette disposition de la loi n’avait aucun sens. Elle n’était pas nécessaire et c’est ce qui se passait déjà de toute façon, alors pourquoi inclure cela dans la loi? Ils estimaient que cela fonctionnait déjà.

C’est un accord opérationnel. Il est question de la façon dont ils choisissent de travailler ensemble. Il n’est pas nécessaire d’inclure cela dans une loi fédérale.

Le sénateur Neufeld : Quand vous avez des objectifs à atteindre et que vous les dépassez, je trouve intéressant que cela vous dérange au point de vouloir les supprimer. Cela me porte à croire qu’il y a autre chose derrière cela. C’est ce qui me dérange. Quand j’ai lu les enjeux soulevés par la Chambre des mines du Yukon, il est devenu évident pour moi que c’était une chose qui les dérangeait.

Je ne le sais pas en ce moment, mais est-ce qu’il y a des évaluations environnementales qui se font? Dans l’affirmative, qu’est-ce qu’il en advient? Est-ce qu’elles sont soudainement soumises à une nouvelle règle et c’est à recommencer, ou est-ce que les choses se poursuivent en fonction des vieilles règles jusqu’à l’approbation? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Binda : Quand le projet de loi C-17 sera adopté, les projets qui sont en place à ce moment demeureront là où ils en sont dans le processus. Ils ne reviennent pas à la case départ. Ils progressent à partir du point où ils en sont, mais en fonction des délais préétablis dans les règles par l’Office.

L’Office avait déjà établi les limites de temps dans les règles; elles ont fait l’objet de consultations dans tout le territoire, et tout le monde les connaît très bien. Maintenant, les projets vont simplement se poursuivre à partir de ce point, en fonction de ces limites.

Le sénateur Neufeld : Cela m’aide beaucoup. Ce serait terrible s’il fallait revenir à la case départ et tout reprendre.

Le PE que vous parlez d’aller signer là-bas fait intervenir le Conseil des Premières Nations du Yukon, 11 Premières Nations autonomes du Yukon, et le gouvernement du Yukon. Où l’industrie se situe-t-elle? Vous avez dit dans votre discours :

Le protocole d’entente crée aussi un espace qui nous permet de travailler avec l’industrie, entre autres, pour nous assurer que leurs voix sont entendues pour la suite des choses.

Comment l’industrie travaille-t-elle avec ce PE? Vous dites qu’elle le peut. Expliquez-moi cela un peu, je vous prie.

Mme Bennett : Nous avons déjà signé le PE. Si le projet de loi est adopté, ils sont prêts à aller de l’avant concernant la façon dont ils travaillent ensemble, y compris la façon dont ils travaillent avec l’industrie. C’est le protocole et la conversation qui vont s’amorcer.

Il incombe à l’office de traiter avec l’industrie. C’est en quelque sorte ce que l’office fait. Il s’agit de la façon dont ils veillent à ce qu’on s’entende sur tout examen des protocoles opérationnels, et ainsi de suite.

Vous ne pouvez pas vraiment avoir un bon système si vous ne parlez pas à l’industrie. Il faut que ce soit un travail de collaboration, pour que l’industrie se sente très concernée.

Le sénateur Neufeld : J’ai une question rapide. Vous avez mentionné dans votre allocution les préoccupations de l’industrie — et il y en a. C’est évident. Je suis là depuis assez longtemps pour savoir comment cela fonctionne.

Vous avez dit dans votre discours que les problèmes seraient réglés au moyen d’autres mécanismes de politique peu de temps après l’adoption du projet de loi. Dites-moi ce que vous entendez par « peu de temps après ». Où l’industrie trouve-t-elle du réconfort dans « peu de temps après »? Est-ce que c’est dans un mois, deux mois, six mois ou un an? Qu’est-ce qu’on entend par cela?

Mme Bennett : Nous avons déjà signé un protocole d’entente et l’adoption du projet de loi est vue comme une première étape très importante pour les Premières Nations. Ils voulaient que le projet de loi soit adopté immédiatement, parce que nous avions déjà signé le protocole d’entente, afin de pouvoir se mettre à explorer les leviers ou remèdes politiques qu’il faut.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous me donner une idée de ce que vous entendez par « peu de temps après »? C’est la question. Vous avez signé le protocole d’entente; j’ai compris cela. Vous allez rencontrer l’industrie; j’ai compris cela. Vous dites « peu de temps après l’adoption du projet de loi ». Disons que le projet de loi est adopté après-demain. Qu’est-ce qui est peu de temps après cela?

Mme Bennett : Voici celui qui peut vous répondre.

M. Binda : Le protocole prévoit la création d’un groupe de surveillance composé de représentants des trois parties qui sera chargé de soulever les enjeux à étudier.

Nous prévoyons tenir une réunion au début de l’année afin de commencer à examiner le mandat de ce groupe de travail, la façon dont nous procéderons et les enjeux.

Le sénateur Neufeld : Peu de temps après.

M. Binda : Peu de temps après.

Le sénateur Neufeld : Je comprends. Quand allez-vous avoir terminé cela?

M. Binda : Nous travaillons au rythme de nos autres partenaires aussi. Ils sont à la table avec nous, et c’est un processus collaboratif.

Le sénateur Richards : La sénatrice Dupuis, le sénateur MacDonald et le sénateur Neufeld ont posé certaines des questions que j’allais poser.

Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, dans quelle mesure serez-vous surprise quand les Premières Nations vont vous traîner en cour au sujet d’une autre modification ou politique qu’ils estiment nuire à leurs revendications et à leur territoire?

Ce que je dis, c’est que je ne pense pas que c’est réglé avec ce projet de loi. Pensez-vous que le projet de loi règle cela, ou pensez-vous, comme vous l’avez dit, que ce n’est que le début?

Mme Bennett : Je crois que le projet de loi règle cela, et je crois que nous entretenons d’excellentes relations de travail avec les Premières Nations du Yukon.

Comme je l’ai dit, notre politique est d’éviter les problèmes juridiques. Si nous pouvons en fait nous réunir et régler les problèmes ensemble, c’est une meilleure façon de faire les choses. Nous avons l’intention de maintenir l’excellente relation que nous entretenons avec les Premières Nations du Yukon.

Nous allons nous occuper des autres questions comme celle des ententes de financement. Nous avons réglé leur problème concernant les revenus autonomes. Nous avons réglé certains autres problèmes avec eux.

Mon travail, mon mandat, c’est d’éviter les problèmes juridiques.

Le sénateur Richards : Je n’ai rien contre les Premières Nations, soit dit en passant. Elles méritent beaucoup de choses.

Je dis simplement qu’il y a des litiges quand les choses ne vont pas comme elles le veulent. Je vous le demande : serez-vous surprise si c’est le cas avec ce projet de loi?

Mme Bennett : Pour ce projet de loi, oui, je serais surprise.

La présidente : J’aimerais vous faire part d’une réflexion, car j’ai travaillé dans le Nord comme ingénieure dans les mines, à faire des évaluations des répercussions environnementales. Au début, la question des délais m’inquiétait à cause des retards.

Hier, j’étais à Québec avec mon adjointe pour trois jours de recherche sur le Nord. Le Nord change rapidement. Les modèles, les prédictions et les évaluations se font à un rythme inimaginable.

Ce n’est qu’une réflexion. Je pense que vous voulez connecter les gens du Nord, l’industrie et le gouvernement avec les chercheurs, pour que les répercussions environnementales se fondent sur des données récentes et solides.

Mme Bennett : En tant que personne ayant une formation plutôt scientifique, j’ai été enthousiasmée d’apprendre que l’Université du Manitoba a placé des capteurs dans le pergélisol, sur la route reliant Inuvik à Tuktoyaktuk que nous avons ouverte il y a quelques semaines, de manière à pouvoir mesurer en temps réel ce qui se passe avec les changements climatiques et ce genre de choses.

Il est essentiel, maintenant, d’avoir une collaboration très étroite des chercheurs, des scientifiques et des gens du Nord.

La sénatrice Fraser : Je ne suis pas une experte des sciences, du génie ou du Nord, alors j’essaie de comprendre la question des délais.

Les trois autres aspects qui pourraient être litigieux me sont plus faciles à comprendre. Si les délais fonctionnaient de toute façon, en quoi la disposition du projet de loi qui impose des délais peut-elle porter à controverse? Était-ce simplement une question de respect, dans le sens que vous ne pouvez pas me dire comment m’occuper de mes affaires? Était-ce quelque chose de plus profond?

Mme Bennett : Je pense que c’est une question de respect. Les gens ne s’entendaient pas tous sur cette disposition. Elle avait été insérée, et cela fonctionnait déjà.

La sénatrice Fraser : Pourquoi n’étaient-ils pas d’accord? Je pense bien que c’est ce que j’aimerais savoir.

Mme Bennett : Ils avaient consacré énormément de temps à ce processus d’examen. En 8 ans, 72 recommandations ont été acceptées par toutes les parties. Ces quatre éléments sont arrivés après coup et ils n’avaient pas été acceptés.

Il y a fallu un processus d’examen qui a duré cinq ans et auquel toutes les parties ont collaboré afin de décider des changements requis, puis il y a eu ces quatre éléments qui sont venus s’ajouter.

La sénatrice Fraser : Ce n’était pas un cas de délais ayant été rejetés pendant les négociations. Ils ont plutôt été établis après la fin des négociations, n’est-ce pas?

M. Binda : Vous avez raison. L’Accord-cadre définitif prévoyait la création de la LEESY. Les autres Premières Nations avaient toutes un accord, mais elles ont décidé d’orienter la création de la loi au moyen d’un accord-cadre définitif. L’office, qui était mis sur pied, devait établir cet ensemble de règles et de délais en puisant dans leur expérience de travail sur le territoire.

La sénatrice Fraser : C’était donc une question de respect.

Le sénateur Patterson : J’aimerais revenir un peu sur la question du sénateur Neufeld concernant les projets qui font déjà l’objet d’un processus d’évaluation réglementaire.

J’ai cru comprendre qu’un important projet pour le Yukon est actuellement évalué en vertu de la LEESY.

Monsieur Binda, votre réponse à la question du sénateur Neufeld était que ces projets feraient l’objet d’une exception. Je pense que c’est essentiellement ce que vous avez dit. Ils ne changeront pas. On ne retournera pas à la case départ. C’est peut-être mon interprétation, mais cette réponse semble différente de celle du mémoire que j’ai en main.

J’ai remarqué qu’il n’y a pas de dispositions transitoires dans le projet de loi. Pouvez-vous expliquer comment un projet en cours peut faire l’objet d’une exception sans qu’il y ait de dispositions transitoires dans le projet de loi?

J’estime que c’est bien. Ne vous méprenez pas. J’étais heureux de l’entendre, mais c’est ma question.

M. Binda : Vous avez raison de dire qu’il n’y a pas de dispositions transitoires dans la loi. Cependant, le retrait des délais n’a pas empêché les délais qui existaient déjà en vertu de la LEESY de fonctionner.

Les délais prévus décrivaient l’objectif aux deux extrémités, au début et à la fin.

Le sénateur Patterson : C’est la réévaluation qui me préoccupe. On va devoir revenir en arrière et entamer un tout nouveau processus d’évaluation environnementale si les entités demandent l’approbation d’une modification peu importante.

M. Binda : Vous avez raison. Juste pour moi, pour expliquer aux autres sénateurs comment les anciens projets fonctionnaient, l’évaluation environnementale n’était limitée ou valide que pendant la durée de la plus longue autorisation nécessaire.

Ce n’est plus ainsi. L’office a changé sa politique, et les projets sont évalués plus longtemps, parfois pendant de nombreuses années supplémentaires afin d’éviter de devoir revenir en arrière. Ce changement a réglé un problème, mais c’est l’industrie qui dit ce qui se produira pour les projets qui suivront.

Ces projets ne profiteront pas du paragraphe 49(1) qui autorise les décisionnaires à examiner un projet et à décider. En vérifiant seulement si le projet a changé et rien d’autre, ils auraient été en mesure d’avoir les organismes de réglementation dont ils ont besoin. Cette disposition n’existe plus.

L’office serait de nouveau saisi des projets, mais pas à partir de la case départ. Nous devons être clairs. L’office ne fera pas de réévaluations. Il vérifiera seulement si des changements ont été apportés à un projet. S’il y a des changements mineurs, il fera la même chose que prévoyait le paragraphe 49(1) : il dira d’aller de l’avant avec l’évaluation réglementaire.

Lorsqu’un projet a été modifié, l’office évaluera la partie du projet qui a changé depuis la dernière évaluation environnementale. C’est ce que fait l’office, et le projet ira ensuite de l’avant.

En réalité, dans le cas du paragraphe 49(1), c’est déjà ce que faisait l’office pour de plus petits projets. L’élimination de cette disposition ne devrait pas y changer grand-chose. C’est juste une entité différente qui examine les projets. À la place du décisionnaire, c’est-à-dire des organismes de réglementation qui prennent la décision, ce sera plutôt l’office qui s’en chargera, comme c’était le cas avant.

Le sénateur MacDonald : On n’a pas posé de question à M. Pagowski, et je vais donc m’adresser à lui.

On ne peut pas reprocher à la ministre, comme elle l’a mentionné, d’avoir voulu négocier plutôt que de recourir aux tribunaux pour régler les différends. Il est évidemment toujours facile de résoudre les différends lorsqu’on donne constamment à l’autre partie ce qu’elle veut.

Vous avez parlé des modifications concernant les recettes. Plus de 1 milliard de dollars étaient affectés ainsi, et des modifications ont été apportées pour qu’ils puissent garder les recettes provenant des ressources. Autrement dit, si vous volez Peter pour payer Paul, vous aurez toujours l’accord de Paul. Cela ne fait aucun doute.

Ma question s’adresse au conseiller juridique. Trois nations ont poursuivi le gouvernement devant les tribunaux au sujet de ces dispositions. C’est ce à quoi servent les tribunaux en cas de désaccord.

Quelle était la force de leurs arguments juridiques? Vous les avez forcément passés en revue. Quelle était la probabilité que les tribunaux acceptent leurs arguments?

Daniel Pagowski, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada : On ne sait jamais vraiment de quelle façon un tribunal interprétera un traité. C’était essentiellement pour savoir si l’esprit du traité avait été respecté. Toutes ces questions étaient d’actualité.

Je ne me rappelle pas exactement dans quelle mesure il était probable que les arguments du gouvernement ou de la nation soient retenus en ce qui a trait à la loi. Lorsque l’affaire a été reportée, le Canada n’avait toujours pas présenté ses arguments dans le cadre du processus. Je ne sais donc pas si je peux vous éclairer davantage à ce sujet.

Il est toujours préférable d’essayer de résoudre les affaires plutôt que d’en saisir les tribunaux, car le résultat est toujours incertain. C’est la première chose qu’on dit à pratiquement tous les clients qui disent vouloir intenter une poursuite ou qui font l’objet d’une poursuite.

Le sénateur MacDonald : Bien entendu, les arguments liés au processus ou à la consultation sont toujours éphémères. Chaque fois que quelqu’un n’obtient pas ce qu’il voulait, il dit qu’il n’aimait pas le processus, qu’il n’a pas été suffisamment consulté. Nous l’avons souvent entendu. C’en est un autre exemple.

M. Pagowski : Dans le cadre de ce processus, un examen a été fait et l’obligation du Canada de consulter la nation a été respectée. Nous avons procédé ainsi. Nous n’avons ménagé aucun effort à cet égard.

Le gouvernement est allé de l’avant en sachant que les consultations qui avaient été menées avaient été jugées conformes sur le plan juridique, que ce soit en tenant compte des exigences juridiques minimales ou de la possibilité que les questions soient débattues de nouveau devant un tribunal. C’est toujours d’actualité.

Mme Bennett : En tant que porte-parole, j’aimerais dire que j’ai toujours affirmé qu’on aurait dû écouter les Premières Nations à propos de ce qu’elles avaient convenu et à propos de l’objet du consensus dans le processus d’évaluation. Que la consultation prévue par la loi ait eu lieu ou non, c’était insensé pour moi, pour nous, de vous voir irriter intentionnellement des gens — alors que toutes ces dispositions avaient fait l’objet d’un consensus — en intégrant de nouvelles dispositions sur lesquelles on ne s’était pas entendu.

Le processus à l’office est censé être tripartite, et il m’a donc semblé injuste que le gouvernement fédéral impose son choix aux deux autres parties. À certains égards, l’affaire traduite devant les tribunaux portait exactement sur ce que nous croyions à l’époque.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si je comprends bien, le Conseil des Premières Nations du Yukon représente 9 des 14 Premières Nations du Yukon. Il y avait trois Premières Nations en litige, mais j’ignore si elles font partie du Conseil des Premières Nations du Yukon. En principe, il reste un certain nombre de Premières Nations qui ne sont pas parties à l’entente ni au litige. En termes de certitude juridique, qu’arrive-t-il aux Premières Nations qui sont dans cette situation?

M. Binda : Je vous remercie de votre question. Au Yukon, 11 Premières Nations ont des ententes sur l'autonomie gouvernementale, et le Conseil des Premières Nations du Yukon représente un certain nombre d’entre elles. Par ailleurs, trois Premières Nations au Yukon n’ont pas d’entente sur l'autonomie gouvernementale. La loi s’applique sur tout le territoire. Dans l’entente que le ministère vient de conclure, il y a une section qui stipule que ces Premières Nations seront impliquées dans les discussions et la prise de décision concernant la future mise en œuvre de la loi.

[Traduction]

La présidente : Il serait intéressant d’avoir un exemplaire du protocole d’entente. Est-ce possible? Bien.

Le sénateur Neufeld : Je tiens à préciser pour le compte rendu que, d’après ce que j’ai compris, madame la ministre, vous avez dit qu’il était injuste de la part du gouvernement fédéral de l’époque d’imposer ses dispositions aux deux autres entités.

À vrai dire, elles n’ont pas été imposées au gouvernement du Yukon. Il était tout à fait d’accord. C’était le gouvernement du Yukon, le gouvernement du Canada et les Premières Nations. Je voulais juste apporter cette correction pour le compte rendu.

Mme Bennett : Je me suis rendu compte de l’erreur en m’entendant parler. Bien entendu, à l’époque, le gouvernement du Yukon était favorable à ces dispositions. À vrai dire, c’était probablement la réponse du gouvernement précédent. À l’époque, tout comme maintenant, mon travail était de défendre les intérêts des Premières Nations.

La présidente : Merci beaucoup de vous être déplacés et de nous avoir consacré du temps. Nous allons poursuivre avec nos prochains témoins.

Bienvenue à la deuxième partie de cette séance du Comité permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et modifiant une autre loi en conséquence.

Nous allons maintenant entendre, par vidéoconférence de Whitehorse, plusieurs membres de conseils des Premières Nations. Veuillez vous présenter pour le compte rendu.

Peter Johnston, grand chef, Conseil des Premières Nations du Yukon : Je m’appelle Peter Johnston. Je suis le grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon.

Steve Smith, chef, Premières Nations de Champagne et de Aishihik : Je m’appelle Steve Smith. Je suis chef des Premières Nations de Champagne et de Aishihik.

Dave Joe, conseiller juridique, Premières Nations de Champagne et de Aishihik : Mon nom est Dave Joe. Je suis conseiller juridique pour les Premières Nations de Champagne et de Aishihik.

Duane Gastant' Aucoin, conseiller exécutif de Yanyeidi, Conseil de Teslin Tlingit : Je m’appelle Duane Gastant' Aucoin, du Conseil de Teslin Tlingit.

Stephen Phillips, conseiller juridique, Conseil de Teslin Tlingit : Je m’appelle Stephen Phillips. Je suis conseiller juridique du Conseil de Teslin Tlingit.

Richard Sidney, chef, Conseil de Teslin Tlingit : Mon nom est Richard Sidney. Je suis Naa Shade Heni au Conseil de Teslin Tlingit.

La présidente : Je vous invite à faire vos déclarations liminaires. Nous allons ensuite poser des questions.

M. Johnston : Je suis ici aujourd’hui pour faire des observations sur les amendements proposés au projet de loi C-17, qui doit modifier la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, la LEESY.

On nous a indiqué que les Premières Nations du Yukon allaient probablement pouvoir faire part de leurs points de vue et de leurs intérêts en ce qui a trait au projet de loi C-17.

Je tiens à préciser d’emblée que le CPNY appuie sans réserve les points de vue et les intérêts exprimés, et qu’il vous exhorte à les prendre au sérieux.

Le Conseil des Premières Nations du Yukon, le CPNY, succède au Conseil des Indiens du Yukon, qui a représenté les citoyens des Premières Nations du Yukon dans les négociations sur les revendications territoriales au Yukon et qui a signé l’Accord-cadre définitif, en 1993.

L’Accord-cadre définitif a enjoint au CPNY, au Canada et au Yukon d’élaborer une loi pour mettre en œuvre les objectifs et les principes énoncés au chapitre 12 sur l’évaluation des activités de développement. Cette loi est la LEESY.

Les membres du CPNY sont des nations autonomes du Yukon qui collaborent avec d’autres nations du territoire, y compris les trois nations non signataires, pour mettre sur pied des projets et des initiatives visant à désigner expressément des projets. Le CPNY et les Premières Nations du Yukon ont notamment collaboré au cours des 18 dernières années pour régler des questions relatives à la LEESY, y compris l’élaboration, la mise en œuvre et l’examen de la loi.

L’Accord-cadre définitif a ordonné au CPNY, au Canada et au Yukon d’effectuer en 2008 un examen approfondi de la LEESY, c’est-à-dire un examen quinquennal puisqu’il devait avoir lieu cinq ans après l’entrée en vigueur du texte législatif fédéral. Malgré les revendications des fonctionnaires fédéraux, cet examen n’a pas encore été achevé. Pendant plusieurs années au cours de l’examen quinquennal, les fonctionnaires fédéraux ont soutenu qu’aucune modification législative ne serait apportée à la LEESY pour mettre en œuvre les recommandations de l’examen quinquennal. Le Canada a ensuite proposé que le projet de loi S-6 modifie la LEESY conformément à son Plan d’action visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord.

Nous croyons que certaines des modifications proposées dans le projet de loi S-6 allaient à l’encontre de l’obligation juridique du Canada. Par conséquent, le CPNY appuie sans réserve l’adoption du projet de loi C-17, qui annule les dispositions controversées du projet de loi S-6. Nous croyons que le projet de loi C-17 souscrit à l’esprit et à la lettre de la LEESY qui met en œuvre les droits issus de traités des Premières Nations du Yukon et de ses citoyens. Le projet de loi C-17 va rétablir le fonctionnement du processus de la LEESY et reflétera mieux les accords conclus entre le CPNY, le Canada et le Yukon pendant l’examen quinquennal.

Le projet de loi C-17 respecte les droits issus de nos accords sur des revendications territoriales, notamment le droit à des évaluations indépendantes des projets conformément au Chapitre 12 de nos accords définitifs. Il abroge les dispositions qui servent également à soutenir l’intégrité et l’efficacité de la LEESY. Cela signifie que les modifications proposées dans le projet de loi C-17 doivent être acceptées sans examen.

Après plus de deux décennies de négociations avec le gouvernement fédéral et les gouvernements territoriaux, le CPNY a signé l’Accord-cadre définitif en 1993. Depuis ce temps, 11 Premières Nations du Yukon ont négocié et ratifié leurs accords respectifs sur les revendications territoriales globales et l’autonomie gouvernementale conformément à l’Accord-cadre définitif. Ces accords de revendications territoriales sont considérés comme les accords définitifs au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

En vertu de l’Accord-cadre définitif, chaque nation du Yukon s’est vu attribuer une superficie précise de terres qui préservaient ses terres désignées conformément à son accord définitif. La superficie de 16 000 milles carrés de terres prévue dans l’Accord-cadre définitif représente moins de 10 p. 100 de la surface totale du Yukon. C’était une position difficile à accepter pour les Premières Nations autonomes du Yukon dans le cadre des négociations. Elles ont néanmoins accepté cette superficie territoriale limitée étant donné que l’Accord-cadre définitif prévoyait que les terres et les ressources des terres de la Couronne situées dans leurs territoires traditionnels seraient gérées conformément aux principes et aux processus établis dans les accords définitifs.

La mise en œuvre du processus d’évaluation du développement prévu au chapitre 12 prévoit notamment, dans la loi fédérale, un processus sans lien de dépendance avec les Premières Nations du Yukon et les gouvernements fédéral et territoriaux pour effectuer des évaluations socioéconomiques et environnementales des projets portant sur des terres de la Couronne et des terres désignées.

Ce processus d’évaluation des activités de développement s’appelle la LEESY.

Nous voulons attirer votre attention sur quatre modifications grandement préoccupantes qui pourraient être abrogées grâce au projet de loi C-17. Le CPNY et les Premières Nations du Yukon maintiennent que les modifications proposées dans le projet de loi S-6 nuisent à l’indépendance et à l’autonomie de la LEESY ainsi qu’à son efficacité.

À propos des instructions générales destinées à l’office, le CPNY appuie sans réserve la révocation de toute modification qui confère au ministre fédéral le pouvoir de donner à l’office des instructions générales obligatoires concernant ses pouvoirs ou ses fonctions.

Conférer au ministre des Affaires autochtones et du Nord le pouvoir de donner unilatéralement des instructions générales nuit à l’indépendance de l’office et des bureaux désignés dans le cadre des évaluations. L’indépendance est un élément fondamental de la LEESY qui a fait l’objet de longues discussions entre le CPNY, le Canada et le Yukon pendant l’élaboration de la loi.

Conférer à une seule partie le pouvoir de diriger l’office va à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la LEESY ainsi que des dispositions de nos accords définitifs. Il n’est aucunement envisagé dans la LEESY et les accords définitifs de conférer au gouvernement fédéral le pouvoir unilatéral d’appliquer ses politiques à l’évaluation des projets dans le cadre de la LEESY. Ce déséquilibre des pouvoirs ne devrait exister pour aucun projet territorial, et c’est particulièrement problématique lorsque les projets visent des terres désignées.

En ce qui a trait à la délégation des pouvoirs fédéraux, le CPNY est favorable à l’abrogation des dispositions qui autoriseraient le ministre des Affaires indiennes et du Nord à déléguer au ministre territorial une partie ou la totalité des pouvoirs et des fonctions que lui confère la LEESY.

En dépit du fait que la LEESY met en œuvre des droits issus de traités, cette disposition exclut les Premières Nations du Yukon des discussions et des décisions concernant les redistributions futures des pouvoirs et des fonctions que confère la LEESY. Elle crée le processus bilatéral fédéral-territorial. Cette approche ne cadre pas avec la lettre de nos accords définitifs.

Le CPNY appuie l’abrogation des dispositions et crée une exemption globale par rapport à la LEESY en ce qui a trait au renouvellement et à la modification de permis ou d’autorisations.

Cette disposition est inacceptable étant donné qu’elle va directement à l’encontre des accords conclus à ce sujet entre le CPNY, le Canada et le Yukon dans le cadre de l’examen quinquennal. C’est inutile pour au moins deux raisons.

Premièrement, les préoccupations exprimées auparavant à propos de l’évaluation des renouvellements et des modifications ont déjà été prises en compte dans les changements apportés aux politiques de l’office, comme il a été convenu lors de l’examen quinquennal.

En deuxième lieu, d’autres dispositions de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, ou LEESY, permettent déjà aux projets d’aller de l’avant sans évaluation supplémentaire, si leurs répercussions ont déjà été évaluées. Les dispositions du projet de loi S-6 entravent les procédures qui fonctionnaient efficacement avant leur entrée en vigueur en 2015.

Au cours de l’élaboration de la LEESY, le Conseil des Premières Nations du Yukon, ou CPNY, le Canada et le Yukon ont convenu que le règlement déterminerait quels projets doivent faire l’objet d’une évaluation. Or, la disposition nuit à cette approche. Le Canada a déjà déclaré son intention de modifier le règlement. Les discussions sur la réglementation sont tout indiquées pour aborder les projets qui sont exemptés d’évaluation et ceux qui sont inclus.

Le CPNY appuie pleinement l’abrogation des dispositions qui fixent un calendrier général pour l’achèvement de l’évaluation en vertu de la LEESY, puisque des échéanciers étaient déjà en place avant le projet de loi S-6.

Les délais prévus au projet de loi S-6, qui sont de 15 mois pour la préétude par le comité de direction, et de 18 mois pour l’étude par un comité, ne suffisent pas à terminer les évaluations de projets complexes qui seront soumis au processus. Cela nuit à la rigueur des évaluations, et empêche les Premières Nations du Yukon d’effectuer des examens complets des projets et de fournir des commentaires, un processus sur lequel le gouvernement fédéral s’appuie pour remplir ses obligations en matière de consultation.

Dans le cadre du projet de Mactung, le processus de préétude par le comité exécutif a nécessité un total de 34 mois avant que l’évaluateur ou le gouvernement ne termine le travail. Par conséquent, il est illusoire de s’attendre à ce que les évaluations de projets similaires soient achevées en 15 mois.

Bien qu’aucune étude de comité n’ait été terminée aux termes de la LEESY, le délai de 18 mois n’est pas conforme au temps nécessaire à un comité ou à toute autre compétence pour compléter les évaluations, ou à ce qui est prévu dans la loi. Compte tenu des étapes prévues dans la LEESY pour l’étude d’un comité, les délais proposés sont manifestement irréalistes.

L’abrogation de ces dispositions est conforme aux objectifs du chapitre 12. Cela s’inscrit dans l’esprit et l’intention de la LEESY, qui a été élaborée dans le cadre d’un processus tripartite exhaustif entre le CPNY, le Canada et le Yukon pour mettre en œuvre le chapitre 12.

Sous réserve des questions soulevées au cours de l’examen quinquennal, nous sommes d’avis que la LEESY fonctionne efficacement depuis son entrée en vigueur en 2003. Pourtant, le gouvernement fédéral l’a modifiée unilatéralement au moyen du projet de loi S-6, malgré les positions exprimées par le CPNY et les Premières Nations du Yukon. Puisque nous n’avons ni demandé ni appuyé le projet de loi S-6, et que nous nous sommes fermement opposés aux quatre changements dont j’ai parlé, nous souscrivons sans réserve à l’abrogation des dispositions litigieuses en vigueur depuis l’adoption du projet de loi. Autrement dit, nous demandons instamment l’adoption du projet de loi C-17, sans amendement, et le plus tôt possible.

Je vous renvoie également à la lettre d’accord tripartite qui est en faveur du projet de loi C-17. Elle a été signée par le CPNY, représenté par le grand chef, par le gouvernement du Yukon, représenté par le premier ministre Sandy Silver, et par la Chambre des mines du Yukon, représentée par son président Mike Burke. Cette lettre datée du 13 mars 2017 témoigne de la solidarité qui unit les Premières Nations autonomes du Yukon, le gouvernement du Yukon et la communauté minière.

Nous attirons également votre attention sur un engagement politique qui prend la forme d’un protocole d’entente entre l’ensemble des Premières Nations autonomes du Yukon, représentées par leurs chefs respectifs, le gouvernement du Yukon, représenté alors par Darrell Pasloski, et le gouvernement du Canada, représenté par l’honorable Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord. Ce protocole d’entente est daté du 8 avril 2016 et témoigne de l’engagement de la ministre Bennett à appuyer l’abrogation des modifications litigieuses qui sont en vigueur depuis le projet de loi S-6.

Le protocole d’entente reconnaît que les parties souhaitent honorer et respecter l’esprit et l’intention de nos accords définitifs, et rétablir la confiance mutuelle et de la population à l’égard du processus d’évaluation des activités de développement établi pour le Yukon, conformément aux accords définitifs conclus avec les Premières Nations du Yukon.

En outre, j’attire votre attention sur le protocole d’entente redéfini qui a été signé récemment par toutes les parties nommées tout à l’heure. Il vise à maintenir la relation entre les parties en vue de rétablir leur collaboration, afin d’appliquer pleinement le processus d’évaluation des activités de développement, d’améliorer l’esprit, le partenariat, le respect et la coopération, ainsi que de réaliser les objectifs et les engagements des accords définitifs.

Les signataires du protocole d’entente se réuniront le 12 janvier 2018 pour concrétiser les concepts qu’il contient. C’est un autre outil que les parties utilisent dans le cadre du projet de loi C-17 pour améliorer la mise en œuvre de la LEESY.

Pour conclure, nous exhortons le comité sénatorial permanent à tenir compte de la présentation et à soutenir le projet de loi C-17 sans amendement.

Nous confirmons notre volonté à collaborer avec les gouvernements fédéral et territorial pour veiller à ce que les processus de la LEESY continuent d’être efficaces, conformément à nos accords définitifs. Je vous remercie.

M. Smith : Bonsoir. Merci d’avoir invité les Premières Nations de Champagne et de Aishihik à exprimer leurs pensées et leur appui sans équivoque de l’adoption immédiate du projet de loi C-17.

Les Premières Nations de Champagne et de Aishihik occupent un territoire traditionnel dans le sud-ouest du Yukon et le nord de la Colombie-Britannique. Nous représentons quelque 1 200 citoyens des Premières Nations d’ascendance tutchone du Sud et tlingite.

La majorité de nos citoyens vivent au Yukon, et quelques-uns habitent en Alaska et en Colombie-Britannique. Notre bureau principal se trouve au cœur de notre territoire ancestral, soit à Haines Junction, au Yukon. Nous avons cependant des succursales à Whitehorse pour mieux servir tous nos citoyens.

En octobre 2015, les Premières Nations de Champagne et de Aishihik se sont jointes au Conseil des Tlingits de Teslin et à la Première Nation de Little Salmon Carmacks pour contester le projet de loi S-6 et les modifications unilatérales qui ont été apportées à la LEESY, puisqu’elles étaient carrément contraires à l’accord définitif des Premières Nations de Champagne et de Aishihik, et à l’honneur de la Couronne.

Par suite de ce litige, qui est maintenant en suspens, le gouvernement du Canada a envisagé quatre modifications qui, aux yeux des Premières Nations du Yukon, étaient des violations flagrantes à nos accords définitifs.

On propose maintenant d’abroger les modifications qui portent sur l’orientation politique de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, ou OEESEY, et sur le pouvoir unilatéral du ministre lui permettant de donner une orientation politique à l’ensemble des pouvoirs, des tâches et des fonctions de l’office.

Aussi, on propose d’abroger la délégation des pouvoirs fédéraux au Yukon. On propose aussi d’abroger les dispositions qui prévoient des exceptions de grande portée à la LEESY; il est maintenant question d’aborder les exemptions et les inclusions de projets dans la réglementation, ce qui est une avenue plus logique et convenable. On propose enfin d’abroger les dispositions qui traitent des délais généraux pour l’achèvement des évaluations.

Nous appuyons donc ces modifications qui sont proposées dans le projet de loi C-17.

Les accords avaient pour objectif de prendre des décisions concertées. Lorsque nous avons signé les accords définitifs en 1993, nous nous réjouissions à l’idée d’abandonner près de 98 p. 100 de notre territoire en échange d’une prise de décision commune.

Le processus de la LEESY a été conçu précisément dans cette optique, pour que nous ayons encore notre mot à dire dans les projets qui porteraient préjudice aux terres, aux ressources ou à nos citoyens.

Nos Premières Nations ont travaillé d’arrache-pied pour conclure un accord définitif sur l’autonomie gouvernementale. Nous continuerons à travailler encore plus fort pour protéger les droits constitutionnels qui en découlent dans ces accords et d’autres.

Dans la décision d’appel récente First Nation of Nacho Nyak Dun c. Yukon, les Premières Nations du Yukon ont intenté une action en justice pour préserver l’intégrité, l’esprit et l’intention de l’entente définitive avec les Premières Nations du Yukon. Dans son jugement, la Cour suprême du Canada précise clairement que les droits issus de traités doivent être respectés et maintenus par les parties, et qu’ils doivent être conformes à l’honneur de la Couronne.

Les Premières Nations du Yukon continueront de veiller à ce que la Couronne respecte nos accords, nos droits constitutionnels et l’évolution de la common law. Nous appuyons les mémoires de nos confrères, et nous attendons avec impatience l’adoption rapide du projet de loi C-17, sans autre modification. À nos yeux, le texte législatif s’attaque au cœur même des quatre amendements que nous devons abroger.

Je vous remercie de votre temps.

M. Sidney : Gunalchéesh au comité de nous avoir invités à vous faire part de nos réflexions sur le projet de loi C-17.

Le Conseil de Teslin Tlingit est établi à Teslin, au Yukon, et dans les environs, et il compte environ 800 citoyens qui vivent à l’intérieur et à l’extérieur de son territoire traditionnel. Le Conseil de Teslin Tlingit a signé des accords définitifs et d’autonomie gouvernementale avec le Canada et le Yukon en 1993. À compter de février 1995, il a été l’une des quatre premières collectivités des Premières Nations du Yukon à mettre en œuvre nos accords. Il y a maintenant 22 ans que les relations entre les gouvernements sont guidées par nos accords.

Nous avons conclu nos accords pour faire avancer les choses et exprimer qui nous sommes en tant que peuple. Une partie essentielle de cette vision est la reconnaissance et le respect de notre terre, de notre eau et de l’air que nous respirons.

Les éléments font partie de nous, et nous faisons partie de notre environnement à jamais. En tant que parties prenantes d’un traité, nous avons la responsabilité collective de veiller à ce que ces relations uniques résistent au passage du temps pour notre avenir.

Les modifications que le Canada nous a imposées unilatéralement et à la dernière minute dans le cadre du projet de loi S-6 compromettent ce que nous avons créé ensemble. Par conséquent, le Conseil de Teslin Tlingit s’est joint à la Première Nation de Champagne et de Aishihik et à la Première Nation de Little Salmon Carmacks en octobre 2015, avec l’appui des Premières Nations autonomes du Yukon, pour défendre nos traités protégés en vertu de la Constitution en intentant des poursuites devant la Cour supérieure du Yukon.

Nous avons soutenu que les actions unilatérales du Canada et certaines dispositions du projet de loi S-6 ont porté atteinte à nos accords définitifs. Essentiellement, le projet de loi S-6 compromettait le processus d’évaluation indépendant qui avait été conçu et mis en œuvre pour et par l’ensemble du Yukon. Ce processus avait rétabli l’équilibre entre les objectifs d’une évaluation environnementale et socioéconomique convenable et nécessaire, et un développement durable et responsable.

En plus de la façon inconstitutionnelle dont le Canada a adopté le projet de loi S-6, il y a eu quatre modifications particulières qui, aux yeux des Premières Nations du Yukon, étaient des violations aux accords définitifs. Le litige est en suspens tandis que le Parlement examine le projet de loi C-17.

Le projet de loi C-17 corrige les modifications en cause d’une manière que le Conseil de Teslin Tlingit entérine et appuie pleinement.

L’un des quatre amendements concerne l’orientation stratégique de l’OEESEY. Le Conseil de Teslin Tlingit appuie sans réserve l’abrogation de toute disposition qui habiliterait le ministre fédéral à donner des directives contraignantes à l’office à l’égard de ses pouvoirs, tâches et fonctions. Tout pouvoir semblable qui permettrait d’émettre des directives unilatérales affaiblirait l’indépendance de l’office et des bureaux désignés lors des évaluations, cette indépendance même qui était un élément fondamental de la LEESY et des accords définitifs.

Le Conseil de Teslin Tlingit appuie entièrement l’abrogation des dispositions qui permettraient au ministre de déléguer, en tout ou en partie, les pouvoirs, les tâches et les fonctions de l’office au ministre territorial. Cette disposition pourrait entraîner un changement fondamental à la relation qui unit les trois instances gouvernementales du Yukon dans un domaine d’autorité très important, et ce, sans le consentement des Premières Nations du Yukon. Elle va donc à l’encontre de l’intention et de la mise en œuvre des accords définitifs.

Le Conseil de Teslin Tlingit appuie l’abrogation de la disposition qui créerait une vaste exemption au sein de la LEESY pour les renouvellements et les modifications de permis ou d’autorisations. Cela nuirait à l’efficacité du processus d’évaluation. En plus, le Canada, le Yukon et les Premières Nations ont convenu que les règlements de la LEESY définiront quels projets feront l’objet d’une évaluation. Par conséquent, les discussions sur les règlements sont tout indiquées pour parler des projets qui seront exemptés de l’évaluation et de ceux qui seront inclus.

Le Conseil de Teslin Tlingit appuie l’abrogation des dispositions qui établiraient des délais généraux pour la réalisation des évaluations aux termes de la LEESY, puisque des échéanciers étaient déjà en place avant l’arrivée du projet de loi S-6. De plus, le conseil estime que les échéanciers du projet de loi S-6 pour la préétude du comité de direction et l’étude du comité ne permettraient pas de terminer les évaluations des projets complexes. Cela mine la rigueur des évaluations et empêche aux Premières Nations du Yukon d’effectuer des examens complets des projets et d’apporter leur contribution.

Les Premières Nations du Yukon et leurs citoyens comprennent qu’ils constituent un élément dynamique de la société et de l’économie du Yukon. Notre objectif était, et il est toujours de jouer un rôle de premier plan dans l’avenir collectif de notre territoire.

Les investisseurs locaux et internationaux détournent déjà leurs investissements du Yukon en raison de l’incertitude attribuable au litige, aux lois discutables et aux décisions politiques du Canada et du Yukon.

Les autres Premières Nations du Yukon et nous continuons de viser des relations respectueuses et efficaces avec l’industrie dans l’ensemble du territoire. Nous encourageons un développement durable et une croissance positive pour nos citoyens et l’ensemble des Yukonnais.

Pour concrétiser notre vision et respecter nos croyances et nos valeurs, nous devons nous assurer que nos accords sont pleinement compris et reconnus.

Pour conclure, nous demandons instamment au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles de tenir compte de notre témoignage et d’appuyer le projet de loi C-17 sans amendement.

La présidente : Merci beaucoup de vos positions claires et du consensus qui se dégage de vos conseils.

Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses. Je demande à chaque sénateur de mentionner son nom et sa région, puisque nous n’avons pas pu le faire au début des exposés.

Le sénateur Neufeld : Je suis Richard Neufeld, sénateur de la Colombie-Britannique. En fait, je vis à Fort St. John, et je suis persuadé que vous savez où c’est.

J’ai essentiellement une question à propos des quatre éléments dont le projet de loi nous débarrasse. Si je comprends bien, le gouvernement actuel a signé un protocole d’entente avec vous en avril 2016.

Au sujet de ces quatre éléments que le gouvernement précédent avait adoptés, mais que vous n’aimiez pas tellement, pourquoi a-t-il fallu d’avril 2016 à mars 2017, soit près de deux ans, pour en arriver à un projet de loi de trois pages?

Je ne remets pas en question le fait que nous devions l’adopter ou non. Je me demande juste pourquoi il a fallu autant de temps. Y avait-il d’autres négociations en même temps?

M. Smith : Je pense que le retard est vraiment attribuable au temps qu’a pris le gouvernement fédéral pour déposer le projet de loi. Il n’y a pas eu de négociations additionnelles entre le gouvernement fédéral et les parties ou le Conseil des Premières Nations du Yukon qui représentait les 11 Premières Nations autonomes.

Le sénateur Neufeld : Il a fallu 21 mois au gouvernement actuel pour élaborer le projet de loi, que vous applaudissez, et qui permet de supprimer ces quatre éléments. Est-ce exact?

M. Phillips : J’ai aidé le Conseil de Teslin Tlingit dans la négociation du protocole d’entente sur l’abrogation.

Selon l’échéancier, le gouvernement fédéral devait présenter le projet de loi avant le 23 juin 2016, une date limite qui a été respectée. Le texte législatif a été introduit en temps opportun. Par la suite, tout retard était attribuable au fonctionnement de la Chambre des communes.

Le sénateur Neufeld : Je voulais simplement que cette précision figure au compte rendu. La ministre a dit vouloir rester à l’écart des tribunaux pour accélérer les choses. Je me demandais juste pourquoi il avait fallu aussi longtemps.

La sénatrice Seidman : Je m’appelle Judith Seidman et je viens de Montréal, au Québec.

Ma question s’adresse au grand chef Johnston. J’aimerais si possible en savoir un peu plus sur votre expérience jusqu’à maintenant, en ce qui a trait à tout le processus du protocole d’entente.

Mon collègue vous a posé des questions sur l’échéancier à ce jour; pour ma part, je m’intéresse à l’échéance qui viendra après la signature de l’entente.

À votre connaissance, quel échéancier est prévu pour le règlement? Certains règlements doivent être rédigés pour combler l’écart une fois que les articles seront abrogés.

M. Johnston : Nous allons par la suite créer un comité distinct. Comme je l’ai indiqué dans mon exposé, la première réunion aura lieu le 12 janvier pour amorcer le dialogue et répondre à certaines des préoccupations des participants à la LEESY.

Pour ce qui est du moment où le processus législatif s’enclenchera, je ne suis pas tout à fait certain de la date à laquelle la cour territoriale ou une autre instance en sera saisie. Je sais toutefois que nous allons nous réunir pour la première fois le 12 janvier afin de lancer le processus.

La sénatrice Seidman : Avez-vous une idée, une préférence, une attente ou un souhait en ce qui concerne le temps qu’il faudra pour mettre au point un texte de remplacement pour les dispositions qui seront supprimées?

M. Johnston : Ce sera fait dès que possible. De toute évidence, comme cela a été mentionné, l’exploitation minière commence à avoir certains effets sur notre territoire. Ces mesures législatives créeront la certitude nécessaire.

Nos ententes font que nous sommes parmi les administrations les plus sécuritaires au Canada — si ce n’est pas dans le monde —, car elles mettent en évidence les dispositions qui nous permettent non seulement d’exercer notre autorité sur nos terres, mais aussi de profiter de cette occasion favorable sur le plan économique.

Le gouvernement du Yukon est très conscient de cette dynamique. Maintenant, il ne tient qu’à nous de créer le climat approprié pour donner la certitude aux entrepreneurs — les sociétés minières ou d’exploration — qu’ils sont dans un endroit où il est sécuritaire d’investir.

Ce serait vraiment dans notre intérêt de prendre soin de cela le plus tôt possible.

La sénatrice Seidman : Le plus tôt possible, je vois. Donc, vous n’avez aucune façon de déterminer combien de temps cela vous prendra.

M. Johnston : C’est quelque chose que je ne contrôle pas. En revanche, je peux vous dire avec certitude que, le 12 janvier prochain, nous allons entreprendre des échanges avec un comité spécial regroupant des représentants des parties touchées.

Plutôt que de retourner devant les tribunaux, nous voulons tenir les pourparlers nécessaires afin de régler certains des contentieux dont les gens se plaignent.

Ces rencontres nous permettront de travailler sur ces situations au début de la nouvelle année. Dès que nous serons parvenus à un certain accord, la rédaction des mesures législatives nécessaires pour garantir cette certitude ne devrait pas tarder.

Le sénateur Patterson : Je suis Dennis Patterson. Je suis un sénateur du Nunavut et le porte-parole de l’opposition au Sénat pour ce projet de loi.

Je comprends tout à fait que vous disiez qu’il est essentiel que ce projet de loi soit adopté sans amendement. Vous avez très bien plaidé votre cause. Nous avons compris votre message, et je crois que l’adoption devrait se faire au cours des trois prochains jours.

À l’instar de la sénatrice Seidman, j’aimerais savoir à quoi il faut s’attendre pour la suite des choses. J’ai été ravi d’apprendre que les Premières Nations du Yukon ont un intérêt économique à profiter de l’exploitation minière sur leur territoire sous forme de redevances et d’occasion favorables. Nous étions nous aussi inquiets du risque de voir les investissements découragés par l’incertitude actuelle.

Les sociétés minières et la chambre des mines ont signé une entente pour appuyer ces mesures législatives, mais elles étaient tout à fait conscientes que les règlements et politiques nécessaires pour combler les vides laissés par l’abrogation de ces quatre dispositions allaient être élaborés en collaboration avec les Premières Nations, le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral.

Je ne suis pas en train de dire qu’ils devraient tous intervenir, mais l’élément que je tiens à souligner et qui est une source de préoccupation pour les sociétés minières et l’industrie, c’est cette nécessité de réévaluer un projet lorsqu’il est modifié.

La société Alexco est venue témoigner devant ce comité et devant un comité de la Chambre des communes. Je suis certain que vous avez entendu parler de son projet de mine d’argent. Selon les dispositions de l’ancienne loi, la société a dû procéder à une réévaluation de ses activités et de son moulin les deux fois qu’elle est tombée sur un nouveau gisement, soit en 2011 et en 2013, et ce, malgré le fait que tout cela avait déjà été évalué et que la société réussissait assez bien, dit-on, à contenir son passif environnemental.

J’avoue que c’est quelque chose qui me préoccupe. Ne convenez-vous pas que pour attirer les investissements, il faut collaborer? Il y aura d’autres projets au Yukon. Je crois qu’il y a deux projets de mine d’or qui devraient démarrer en 2019 et dont vous serez en mesure de tirer profit, espérons-le.

Êtes-vous d’accord pour dire qu’il serait prioritaire de travailler en collaboration et de mettre au point et faire adopter les règlements ou le texte de remplacement pour prendre soin de cette question de réévaluation?

Je veux parler de la réévaluation des projets qui se transforment, pas des échéanciers. C’est une question qui semble être une priorité pour l’industrie.

Est-ce une question que vous êtes disposés à traiter et à régler en collaboration et de façon prioritaire afin de contribuer au climat de certitude souhaité?

M. Joe : Pour répondre à cette question, il faut savoir que le régime associé à la Loi sur l’amélioration de la réglementation au Yukon et au Nunavut est une approche à guichet unique qui s’applique aux terres de la Couronne fédérale, aux terres territoriales et aux terres en fief simple.

Vous avez posé une question sur les réévaluations qui ont dû être faites pour un projet particulier. Nous sommes conscients qu’il arrive que des projets doivent être réévalués. Si le projet prend une nouvelle orientation — et je crois que la découverte d’un nouveau gisement est l’exemple que vous avez donné —, il pourrait être approprié de procéder à une nouvelle évaluation.

Nous n’avons pas l’intention d’affirmer qu’une réévaluation ne serait pas justifiée en raison de l’approche à guichet unique qui s’applique à toutes les terres au Yukon.

Bien entendu, en respectant cette structure, nous ne souhaitons pas suggérer ou laisser entendre qu’il y a de l’incertitude. Pourvu que les règles soient bien connues et que tous les intervenants et tous les promoteurs les connaissent, nous continuerons de soutenir que ce système et ce processus ont leur raison d’être.

M. Phillips : Je suis d’accord avec M. Joe en ce qui concerne l’approche à guichet unique.

Je vous renvoie au protocole d’entente sur la nouvelle version de la loi qui a été signé récemment. Un groupe de travail a été formé aux termes de cette entente pour s’occuper précisément des problèmes de ce type.

Nous sommes tout à fait au courant de cet aspect des choses, et je représente le Conseil de Teslin Tlingit dans cette entente.

M. Johnston : En fait, c’est le processus parlementaire qui a ralenti l’interprétation ou l’adoption de ce projet de loi.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Quelle est votre perspective sur ce que le gouvernement fédéral appelle la « certitude juridique » puisque, si je comprends bien, vous allez retirer vos procédures judiciaires au moment où l’accord aura permis de préciser quelles seront les nouvelles règles?

Si je comprends bien la situation, trois Premières Nations ont fait appel aux tribunaux, et le Conseil des Premières Nations du Yukon est partie à l’entente ou au renouvellement du protocole d’entente. Quelle est votre perspective à l'égard des Premières Nations qui ne sont pas parties au litige devant les tribunaux ni au renouvellement du protocole d’entente?

[Traduction]

M. Johnston : Nous sommes un collectif, ici, dans le territoire, et cela ne nous empêche pas de souhaiter que cela soit adopté.

Nous ne parlons pas au nom des trois Premières Nations non signataires, de la nation Laska et de la Première Nation de White, qui ne font pas partie de ces ententes de toute manière. Nous parlons en outre au nom des 12 communautés restantes.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Est-ce à dire que vous êtes persuadé que ces Premières Nations ne vous empêcheront pas d’en arriver à une entente avec le gouvernement? J’imagine que vous aussi, vous avez une perspective de certitude juridique?

[Traduction]

M. Johnston : Oui, c’est le cas.

Le président : Je veux des précisions. Durant votre exposé, vous avez parlé à maintes reprises de projets complexes. Je crois que cela concernait les échéanciers.

Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par « projets complexes »?

M. Joe : Un projet complexe pourrait être un projet axé sur une grosse mine, par exemple, ou un projet hydroélectrique. L’évaluation d’un point de vue socioéconomique des répercussions à grande échelle de tels projets demande plus de temps que pour d’autres. Ce sont ces grands projets que vise la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon.

Le sénateur MacDonald : Bonjour messieurs. Je suis Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le litige est actuellement en suspens. Pouvons-nous présumer que vous allez laisser tomber cette poursuite une fois que le projet de loi aura été adopté? Dans l’affirmative combien de temps cela prendra-t-il?

M. Joe : La réponse courte est la suivante : oui, nous allons laisser tomber la poursuite, et nous allons le faire par téléphone. Après l’adoption et l’entrée en vigueur du projet de loi, les choses pourraient aller très vite.

Le président : S’il n’y a pas d’autres questions, permettez que je me présente. Je suis la nouvelle présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez et je représente le Québec.

Je vous remercie du temps que vous nous avez accordé et de votre disponibilité. La discussion qui prend fin maintenant était des plus intéressantes.

(La séance est levée.)

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