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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 42 - Témoignages du 17 avril 2018


OTTAWA, le mardi 17 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 51, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir tout le monde et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice du Québec et je préside ce comité. Toutes mes excuses à nos invités pour l’heure tardive de cette réunion. Malheureusement, nous ne sommes pas autorisés à nous réunir tant que le Sénat tient séance.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Cordy : Bonjour. Je m’appelle Jane Cordy. Je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La présidente : J’aimerais également vous présenter notre greffière, Maxime Fortin, et nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.

En mars 2016, le comité a commencé son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le comité étudie cinq secteurs qui représentent 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Il s’agit de l’électricité, des transports, des industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, du pétrole et du gaz, et des bâtiments.

Aujourd’hui, nous accueillons par vidéoconférence de Calgary, en Alberta, Kenneth P. Green, directeur principal, Centre d’études en ressources naturelles de l’Institut Fraser, et, de la Colombie-Britannique, représentant Clean Energy Canada, Dan Woynillowicz, directeur des politiques, Centre pour le dialogue Morris J. Wosk de l’Université Simon Fraser.

Merci beaucoup de vous joindre à nous. Je vous invite chacun à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

Je crois que c’est M. Green qui commencera.

Kenneth P. Green, directeur principal, Centre d’études en ressources naturelles, Institut Fraser : Très bien. J’aimerais vous remercier de m’avoir invité à témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Voilà 25 ans maintenant que j’étudie les politiques énergétiques et environnementales dans des groupes de réflexion au Canada et aux États-Unis. Mon témoignage ici aujourd’hui ne représente que mon opinion personnelle. Il ne devrait en aucun cas être interprété comme l’opinion de qui que ce soit d’autre à l’Institut Fraser.

Le sujet à l’étude est la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Heureusement pour nous aujourd’hui, nous avons un bon exemple de ce qu’une telle transition représente sur le plan des coûts et des avantages. Malheureusement, les Ontariens doivent subir quelques graves difficultés économiques à la suite de la transition de la province vers l’énergie verte.

L’Institut Fraser vient tout juste de publier une collection d’argumentaires sur ce sujet, sous le titre Understanding the Changes in Ontario’s Electricity Markets and Their Effects. Ces argumentaires sont un résumé des constatations de l’Institut et de ses recherches au cours des 10 dernières années, avant même que l’Ontario ne se soit engagé sur la voie de la Loi sur l’énergie verte.

Les problèmes de production d’électricité de l’Ontario ont commencé après que le gouvernement ait décidé de tourner le dos au charbon en 2005. Les prix ont commencé à monter immédiatement, étant donné que la production d’électricité au charbon était moins coûteuse à l’époque. Cependant, quand le gouvernement a imposé la Loi sur l’énergie verte en 2009, c’est là que les prix ont augmenté radicalement. La Loi sur l’énergie verte s’articule autour d’un programme de tarifs de rachat garanti qui offre des contrats garantis à long terme aux installations de production d’énergie renouvelable — éolienne et solaire — à des tarifs fixes supérieurs à ceux du marché. Pour financer cet engagement, ainsi que le coût de l’électricité produite au gaz naturel et le coût des programmes de conservation prévus par la loi, l’Ontario a imposé un supplément fantôme sur l’électricité qu’elle a appelé un « rajustement général ».

J’aimerais faire une petite parenthèse ici, parce que, quand il s’agit de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, il faut être bien conscient du fait que, dans ce genre de transition d’énergie, quand on passe d’un type de production d’électricité fiable à une production intermittente, il ne s’agit pas de remplacer un mégawatt d’électricité produit au gaz par un mégawatt d’énergie éolienne. Il s’agit de faire en sorte que le mégawatt d’électricité produit au gaz est disponible quand le vent ne souffle pas et, par-dessus le marché, d’accumuler un autre mégawatt d’énergie éolienne. Il s’agit de disposer d’un système hautement redondant qui, inévitablement, coûte plus cher. Nous pourrons parler de piles et d’accumulateurs plus tard, mais c’est une chose ici à prendre sérieusement en compte.

Je reviens au rajustement général. Entre 2008 et 2016, le rajustement général — la portion de la facture d’électricité en Ontario qui comprend les choses que j’ai mentionnées — a augmenté de plus de 70 p. 100, produisant une hausse draconienne du coût de l’électricité. La lourde facture associée à la promotion agressive des sources renouvelables d’énergie est particulièrement troublante lorsqu’on sait la quantité minime d’électricité générée par ces sources. En 2016, les sources renouvelables ont produit moins de 7 p. 100 de l’électricité en Ontario, bien qu’elles représentaient près de 30 p. 100 du rajustement général.

La décision de l’Ontario de se distancer du charbon avait été justifiée à l’époque par les avantages sur le plan de l’environnement et de la santé qu’elle était censée générer. À l’époque, nous avons fait remarquer que le gouvernement de l’Ontario avait contredit cette déclaration et que les centrales au charbon de l’Ontario contribuaient très peu aux problèmes de qualité d’air, ceux-ci étant causés principalement par des polluants venant des États-Unis. Des études subséquentes ont confirmé cela. Si la province avait poursuivi la modernisation des centrales de charbon qui était alors en vigueur, les avantages environnementaux auraient tout de même pu être atteints, mais à environ un dixième du coût.

En raison du changement structurel causé par le virage vers une énergie verte, l’Ontario a fini par devoir construire des centrales au gaz pour la production d’énergie d’appoint en plus de l’énergie éolienne pour laquelle la province s’est engagée. Cela signifie qu’il y a souvent en Ontario un surplus d’électricité qui est généré par des sources qui ne concordent plus à la consommation des Ontariens. Comme elle ne peut entreposer sa production excédentaire, la province doit vendre cette électricité à d’autres territoires, y compris aux États-Unis, à perte, et ainsi subventionner l’achat par les Américains d’électricité canadienne à prix modique ou gratuitement. C’est le résultat d’une transition à des sources intermittentes mal planifiée.

En raison de tout ceci, le coût de l’électricité a connu une hausse importante en Ontario, représentant la croissance la plus rapide au Canada et parmi les plus rapides en Amérique du Nord. Entre 2008 et 2016, le coût de l’électricité pour le secteur résidentiel a augmenté de 71 p. 100 — imaginez un peu cela, en huit ans seulement —, dépassant de loin la croissance moyenne de 34 p. 100 sur l’ensemble du territoire canadien. En 2016, les Torontois ont payé leur électricité 60 $ de plus par mois que les autres Canadiens.

Entre 2010 et 2016, les grands consommateurs industriels de la large région de Toronto ont aussi connu de fortes augmentations du coût. À Toronto et à Ottawa, ils ont vu leur facture grimper de 53 et de 46 p. 100 respectivement, alors que la hausse moyenne du coût de l’électricité dans le reste du Canada est plutôt de 14 p. 100. En 2016, les grands consommateurs industriels ont payé près du triple de ce que les consommateurs à Montréal ou à Calgary ont payé, et près du double de ce que les grands consommateurs ont payé à Vancouver.

La hausse en flèche du coût de l’électricité en Ontario a imposé un énorme fardeau financier au secteur manufacturier et a érodé sa compétitivité. Dans une de nos récentes études, nous avons estimé que l’Ontario a perdu près de 75 000 emplois dans le secteur manufacturier entre 2008 et 2015.

Je fais une autre parenthèse; l’Ontario n’est pas le seul dans cette situation. Il suffit de regarder ce qui s’est passé au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne. Partout où une transition vers la technologie verte a été faite rapidement, il y a eu plus d’emplois perdus que créés et, invariablement, le prix de l’électricité a haussé de façon exorbitante.

De sérieux obstacles s’opposent à toute transition rapide, et la transition de sources nationales d’électricité qui sont abondantes, abordables, fiables et accessibles vers des sources plus coûteuses, intermittentes, exigeant une redondance et qui proviennent de l’étranger se révélera particulièrement difficile et coûteuse pour les consommateurs d’électricité et, en fin de compte les gens qui utilisent le transport motorisé.

Je ne dis pas que cette transition ne se produira pas ou ne devrait pas se produire. Je fais simplement remarquer que, selon tous les renseignements dont nous disposons jusqu’ici sur les transitions forcées, tenter d’accélérer la transition d’une énergie vers une autre est chose risquée et, dans la plupart des cas, très coûteuse.

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Allez-y, monsieur Woynillowicz.

Dan Woynillowicz, directeur des politiques, Centre pour le dialogue Morris J. Wosk de l’Université Simon Fraser, Clean Energy Canada : Merci, et merci de nous avoir offert cette possibilité de parler avec vous ce soir. Je sais que la journée a été longue pour vous; je tenterai donc d’être bref dans mes remarques.

J’aimerais commencer par une recommandation générale à l’intention tant du comité que du gouvernement fédéral; nous devons nous assurer que quand nous évaluons et entreprenons des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous ne nous penchons pas seulement sur ce qui doit être coupé et les coûts connexes, mais aussi nous tenons compte de ce que nous devons construire et des possibilités que cela représente pour l’économie du Canada.

Le soutien de tout effort sérieux visant à contrer les changements climatiques exige que nous changions à la fois la façon dont nous produisons et celle dont nous consommons l’énergie. Propulsé par une confluence de facteurs technologiques, économiques et politiques, qui ne se rapportent pas tous directement au changement climatique, le système énergétique mondial est, à l’heure actuelle, dans une période de transition relativement rapide, et j’aimerais vous parler de certaines des tendances clés que nous avons présentées dans un rapport sous le titre de Energy Disrupted, dont vous avez tous une copie, je crois.

La première tendance porte sur le rôle de la Chine, qui s’est révélée un important chef de file et perturbateur sur le marché tant des énergies renouvelables que des véhicules électriques. L’an dernier, la Chine a fait un investissement record en énergies renouvelables de 132 milliards de dollars, représentant 40 p. 100 de l’investissement mondial en énergie propre. Cet élan d’assainissement du réseau de distribution d’électricité chinois ne vise pas simplement l’assainissement de l’air, mais il soutient aussi des secteurs entiers. À l’heure actuelle, la Chine domine la chaîne d’approvisionnement mondiale dans le solaire et produit plus de 70 p. 100 des modules photovoltaïques du monde.

Il en va de même pour les véhicules électriques. Près de la moitié de toutes les voitures personnelles rechargeables vendues à l’échelle mondiale l’an dernier était en Chine ce qui représentait une augmentation de 73 p. 100 des ventes de véhicules électriques par rapport à 2016. La Chine est aussi le plus grand fabricant de véhicules électriques, les voitures nationales représentant 90 p. 100 des ventes de la Chine l’an dernier. Son secteur des piles et accumulateurs est en plein essor également, et il est sur la voie de devenir trois fois plus grand que celui du reste du monde tout entier.

Amy Myers Jaffe, du Council on Foreign Relations, a résumé joliment l’objectif stratégique de la Chine. Selon elle, la Chine mise sur les technologies d’énergie propre pour des exportations industrielles importantes qui feront concurrence au secteur pétrolier et gazier des États-Unis et de la Russie, et feront de la Chine la superpuissance en énergies renouvelables et véhicules électriques du monde énergétique futur.

La deuxième tendance porte sur le passage aux véhicules électriques et à piles à combustible. L’an dernier, des pays, dont notamment la Norvège, les Pays-Bas, l’Écosse, la France et la Grande-Bretagne, ont annoncé des dates au-delà desquelles ils interdiront la vente des véhicules à moteur à combustion interne pour des considérations liées au changement climatique et, surtout, pour des considérations de qualité de l’air urbain. Ces annonces ont envoyé un signal sévère aux secteurs automobile et pétrolier mondiaux. Les constructeurs automobiles commencent à réagir. À la fin de 2017, il y avait 156 modèles de véhicule électrique parmi lesquels choisir, comparativement à 97 seulement au début de 2016, et d’ici 2020, le nombre de modèles disponibles atteindra 217.

Pour mettre ceci en contexte, il a fallu 20 ans pour que le premier million de véhicules électriques soit vendu, le deuxième million a pris 18 mois et le troisième million 10 mois, et l’on s’attend à ce que cette année plus de 1,6 million de véhicules électriques sera vendu. Le marché évolue donc très rapidement.

Bien qu’il y ait 3 millions seulement de véhicules électriques sur la route aujourd’hui, la société BP prévoit dans sa plus récente perspective énergétique qu’il y en aura 300 millions d’ici 2040. Et bien qu’il y aura deux milliards de véhicules sur la route d’ici là, deux fois plus qu’aujourd’hui, la société prévoit que la demande d’ici 2040 demeurera relativement stable pour le transport, en raison d’une combinaison de véhicules à meilleure consommation de carburant, de l’utilisation des biocarburants et de l’utilisation des véhicules électriques.

Cela m’amène à la troisième tendance, qui est l’évolution des plus grandes sociétés pétrolières et gazières cotées en bourse. Comme l’a dit le PDG de Shell, la société accepte de moins en moins le système énergétique que nous avons actuellement. La deuxième plus grande société pétrolière cotée en bourse, Shell a annoncé l’an dernier qu’elle investira jusqu’à 2 milliards de dollars par année dans l’énergie propre d’ici 2020, et elle a aussi choisi de se défaire de ses avoirs canadiens de sable bitumineux et de se concentrer sur le gaz.

La société Statoil a fait elle aussi de grands investissements, surtout sur le plan de l’énergie éolienne en mer, s’appuyant sur son expérience et ses connaissances dans le domaine du forage pétrolier en mer. Elle prévoit investir environ 16 milliards de dollars dans les énergies renouvelables d’ici 2030. La société Total, qui est devenue un grand employeur dans le domaine de l’énergie et des piles solaires, a des aspirations semblables. Elle vise à faire en sorte que ses activités à faible intensité de carbone représentent 20 p. 100 de son portefeuille d’ici 2035. Enfin, BP, British Petroleum, investit lourdement une fois de plus dans les énergies solaires, éoliennes et les biocarburants.

Cependant, rien de cela n’est surprenant. Selon un récent rapport de Wood Mackenzie, les sociétés pétrolières et gazières qui s’engagent tôt sur la voie des énergies renouvelables auront un avantage concurrentiel, alors que celles qui sont lentes à les adopter pourraient se trouver désavantagées sur le plan structurel. Selon ce rapport, ces sociétés devraient dépenser 350 milliards de dollars sur l’énergie éolienne et solaire d’ici 2035 si elles veulent avoir sur le marché des énergies renouvelables la même part qu’elles ont actuellement avec le pétrole et le gaz.

J’ai deux conclusions concernant ces tendances. Premièrement, la transition vers une énergie propre est irréversible, et elle prend de l’élan. Deuxièmement, malgré le fait que cette transition créera des défis pour certaines sociétés et certains pays, y compris le Canada, elle offre aussi de grandes possibilités.

Les politiques conçues pour aider à réduire les émissions ici, au Canada, motivent l’innovation et le développement de nombreuses nouvelles technologies et de nombreux nouveaux services par des sociétés canadiennes. Et les débouchés qui s’offrent à elles ne se limitent pas au marché canadien. Elles auront des débouchés dans les marchés mondiaux, y compris les économies mondiales dont la croissance est la plus rapide. Je vous donne un exemple, Ballard de Vancouver et Hydrogenics de Toronto, qui produisent toutes deux des piles à combustion qui convertissent l’hydrogène en une électricité propre. Ces deux sociétés ont un marché potentiel important en Europe et en Chine.

Pour terminer, bien qu’une bonne gouvernance exige que nous nous assurions de bien comprendre les coûts associés aux politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce serait manquer de vision que d’omettre de comprendre et d’étudier le revers de la médaille et les débouchés et avantages économiques que l’on pourrait obtenir en comptant parmi les chefs de file dans la prestation de services et technologies à faibles émissions de carbone, pas seulement au Canada, mais aussi à l’étranger.

Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous deux d’être des nôtres à cette heure si tardive; merci d’avoir attendu patiemment que nous puissions nous réunir. Je commence par une question à M. Green.

Vous avez choisi un sujet facile, le coût élevé de l’électricité en Ontario. Nous avons entendu cette histoire à maintes reprises, et je pense bien que nous sommes d’accord avec vous à ce sujet. Si je comprends bien, vous nous dites que la leçon apprise ici, c’est que quand on change de technologie ou on change de procédé, il y a toujours des surprises et celles-ci peuvent être coûteuses. Bien sûr, tout changement s’accompagne de risques et périls. Mais que nous recommandez-vous de faire quand, comme vous le savez, tout retard dans nos objectifs de changement climatique nous coûtera très cher? C’est un multiple des économies que nous pensons faire en retardant les choses.

Compte tenu des coûts indirects de ne rien faire pour contrer les changements climatiques ou de ne pas en faire assez, que nous recommandez-vous de faire?

M. Green : Je dirais, et je l’ai déjà dit… Je vais mettre cela dans un avertissement. Ma formation est dans le domaine de la science et du génie de l’environnement, et je crois au changement climatique. J’étais expert examinateur pour le rapport du GIEC sur le changement climatique, son troisième rapport. À mon avis, le changement climatique se situe dans la fourchette des prévisions du GIEC, c’est-à-dire le doublement de CO2, entre 1,5 et 4,5 degrés Celsius.

Je suis empiriste de nature; j’ai tendance à accorder plus de poids aux études qui mesurent effectivement les changements de température et établissent une corrélation avec les changements d’émissions, et ceux-ci tendent à se regrouper vers le bas de cette fourchette.

Il y a quand même des risques considérables. Cependant, à mon avis, nous ne disposons pas actuellement de la technologie permettant une décarbonisation rapide abordable. Nous disposons maintenant, cependant, de la technologie grâce à laquelle la société serait plus résiliente face au changement et mieux préparée à ce que la science climatique nous dit qui est déjà fait. Et il y a déjà d’autres avertissements qui s’annoncent.

J’ai toujours focalisé mon attention sur la façon dont on peut rendre notre infrastructure résiliente, la façon dont on peut déterminer exactement où les dommages se manifesteront sur le plan des changements hydrologiques et météorologiques, et les moyens d’atténuer les dommages. Parallèlement, j’appuie un investissement robuste en R-D pour que soient déterminées les technologies de pointe nécessaires, comme la technologie des gros accumulateurs et la technologie de la capture du dioxyde de carbone, qui peuvent être appliquées au problème au gré de leur développement.

À mon avis, si l’on tient compte des tentatives faisant appel à la combinaison actuelle de technologies, tout cela mène à des situations insoutenables et à des programmes insoutenables, comme en Europe, où ils récupèrent les substances renouvelables et, en Australie, où ils ont annulé la taxe sur le carbone. Si l’on s’engage dans un effort insoutenable, il sera insoutenable. Je crois qu’il est chimérique de tenter de passer directement, en 40 ans de là où nous sommes actuellement avec un secteur des combustibles fossiles qui produit la grande majorité de l’électricité que les gens utilisent, à la situation diamétralement opposée.

J’attire votre attention sur les travaux de Václav Smil, de l’Université d’Ottawa, je crois. Il a rédigé une histoire plutôt complète des transitions énergétiques, et celles-ci ne se font jamais en moins de 40 à 60 ans, et ça, c’est après qu’elles aient atteint une proportion d’adoption de 10 p. 100 dans leur marché cible. La transition du pétrole au charbon, et celle du charbon au gaz naturel ont évolué chacune en 40 ans, après que ces sources d’énergie aient atteint 10 p. 100 sur le marché; or, les énergies renouvelables sont loin de là.

Le sénateur Massicotte : Selon vous, la technologie actuelle ne nous permettrait pas d’atteindre le but. Cependant, vous devez admettre avoir entendu des experts déclarer que la technologie est disponible. Le défi se situe davantage dans le processus et la façon dont nous faisons les choses.

Vous dites non, elle n’est pas disponible. Nous devons donc focaliser nos efforts sur la R-D et l’atténuation. Nous convenons tous de cela. Pourtant, d’aucuns diraient : pourquoi ne pas aussi contribuer immédiatement à réduire les émissions de CO2? Vous dites que c’est probablement de l’argent jeté par la fenêtre; il serait plus efficace de se concentrer d’abord sur la R-D. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Green : C’est exact. Je vais vous donner un exemple. Ces arguments ne sont pas nouveaux. Mon tout premier éditorial, rédigé pour le Los Angeles Times, portait sur la réglementation de la Californie sur les véhicules électriques en 1995. On avait avancé les mêmes arguments exactement pour l’EV1, le véhicule électrique de GM, disant qu’il était réel, qu’il était prêt pour le marché, qu’il avait le rayon d’action dont les gens avaient besoin et qu’il était abordable et irréversible. La tendance était établie et nous étions sur notre lancée.

Quelques années plus tard, GM a dû rappeler tous les EV1 et mettre fin à leur utilisation parce qu’ils ne maintenaient pas leur capacité réelle de fonctionner comme les consommateurs le voulaient.

Ce sont donc des arguments que nous avons entendus non seulement pendant des décennies, mais presque un siècle au complet en ce qui concerne les voitures électriques. On a annoncé que les voitures électriques étaient prêtes à être mises sur le marché presque tous les 10 ans depuis 1900; pourtant, elles n’arrivent pas à l’emporter sur les moteurs à combustion interne et l’argent qui leur est consacré est gaspillé.

C’est à juste titre qu’on appelle « la vallée de la mort » le stade où échouent les investissements. C’est parce que c’est à ce stade qu’ils doivent mourir. Si l’on essaie d’éviter cela, avec la meilleure volonté au monde, on s’expose au risque d’accumuler d’énormes coûts et de gaspillage des fonds, sans compter aussi la possibilité de miner la stabilité des systèmes électriques dont nous avons besoin tandis que nous nous focalisons sur les systèmes électriques que nous souhaitons. Il serait très facile de se retrouver dans une situation de déséquilibre dans les sources d’énergie, comme le cas de l’Ontario, et d’un écart si grand qu’il est impossible de le combler.

Le sénateur Massicotte : J’aimerais que M. Woynillowicz réponde à cela. Votre pensée est totalement différente. Vous dites, essentiellement, que la société qui part rapidement se retrouvera en tête de piste, devant tout le monde, et finira par être le grand gagnant. Par conséquent, vous faites l’opposé. Selon votre foi aveugle dans le système, vous dites : « Subventionnons et poussons ces gens pour qu’ils soient en tête de file et bénéficient de nombreux avantages. »

Je partage plutôt les préoccupations de M. Green : si l’on tient compte de l’historique, souvent les premiers en tête ne finissent pas en deuxième ni en troisième position, ou ne finissent pas du tout. Il y a eu de nombreux exemples de cela. Même avec les panneaux solaires, il y a eu d’immenses changements dans le monde, à savoir qui sont les meilleurs fournisseurs, et maintenant, c’est la Chine. Compte tenu de cela, comment répondez-vous spécifiquement à M. Green?

M. Woynillowicz : Je dirais deux choses. Premièrement, le mal est déjà fait. Le Canada ne sera un chef de file dans aucune des technologies d’énergie propre qui semblent avoir une traction quelconque sur le marché. Bien d’autres pays sont en position de tête là-dessus.

Toutefois, le Canada a quand même la possibilité de se placer parmi les chefs de file et de se tailler une place là où nous pouvons avoir un certain avantage comparatif. Nous ne pourrons pas faire concurrence à la Chine en ce qui concerne, par exemple, la fabrication des panneaux photovoltaïques en réponse à la demande massive, mais nous pourrons saisir certains aspects de la technologie solaire, comme les miroirs-facettes, par exemple. Nous avons une société à Toronto, Morgan Solar, qui se place parmi les chefs de file dans l’innovation de cette technologie qui pourra alors être déployée. Plus en amont de la technologie et l’innovation, dans les sciences, certainement quand il s’agit de l’élément numérique de la transition vers l’énergie, tous les logiciels, il y a des créneaux dans lesquels le Canada est stratégiquement placé et peut être concurrentiel.

Je dirais aussi que je ne suis pas aussi cynique en ce qui concerne la nécessité quelquefois de prendre certains risques dans l’adoption de certaines initiatives pour développer et déployer ces nouvelles technologies. Si cette perspective avait été appliquée il y a 30 ou 40 ans aux sables bitumineux, les montants du soutien du gouvernement et les risques associés à l’exploration de différentes technologies… bien des technologies mises au point pour extraire le bitume des sables bitumineux ont, de fait, échoué. Elles avaient le filet de sécurité que représentait le soutien du gouvernement. Si nous avions eu le même genre d’attitude cynique en voulant avoir une perspective parfaite de la capacité de faire concurrence et de produire cette ressource à faible coût, nous n’aurions jamais réussi au point où nous en sommes aujourd’hui, avec une telle production importante des sables bitumineux et les avantages qui en découlent.

Par conséquent, j’estime que nous devrions adopter une perspective équilibrée dans notre démarche, et nous n’avons pas besoin d’avoir toutes les réponses. Nous devons en avoir quelques-unes. Tout d’abord, et avant tout, il nous faut avoir une bonne conception des politiques se rapportant à tout, partant du soutien offert jusqu’à la recherche-développement, en passant par la commercialisation, ou certaines des autres politiques en matière de changement climatique qui commenceront à changer le marché et les comportements envers l’adoption de ces nouvelles technologies.

Le sénateur Massicotte : De toute évidence, toutes les sociétés souhaitent être le gagnant. C’est ainsi que fonctionne le principe du marché. Cependant, si je comprends bien, vous proposez bien plus que cela. Vous proposez des changements de politique ou des incitatifs, mais vous proposez aussi que le gouvernement investisse pour tenter de trouver le gagnant et, bien sûr, éviter le perdant. Ai-je bien compris? Proposez-vous de laisser le régime de marché se dérouler avec peut-être une seule exception pour les taxes sur le carbone? Que recommandez-vous précisément que le gouvernement fasse?

M. Woynillowicz : Il s’agit, quant à moi, d’envoyer les bons signaux de marché en ce qui concerne ce dont nous avons besoin. Par exemple, pour l’électricité, nous avons besoin de fiabilité, nous avons besoin de stabilité, nous voulons qu’elle coûte aussi peu que possible et nous voulons qu’elle soit propre. Je suis sûr que si vous envoyez au marché ces signaux et n’imposez pas des directives excessivement contraignantes en choisissant les technologies qui porteront fruit, les résultats pourraient alors être très réussis.

Revenons à l’exemple de l’Ontario — et je sais qu’on en a entendu parler énormément —, la province a décidé de choisir le prix qu’elle pensait être le bon et de l’intégrer dans les contrats. Comparons cela à l’approche de l’Alberta l’an dernier, qui a obtenu les prix les plus bas au Canada pour l’énergie éolienne; la province a adopté une démarche fondée sur le principe des enchères en demandant aux sociétés de leur soumettre leur meilleur prix pour le projet, et elle a accordé des marchés aux soumissionnaires les moins offrants. Il s’agit, en partie, de la façon dont on conçoit la politique pour tenter de produire le résultat souhaité.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup à tous les deux. Comme l’a dit le sénateur Massicotte, vous avez été très patients en attendant que nous terminions au Sénat. Nous vous en sommes reconnaissants.

Monsieur Woynillowicz, vous avez parlé de ce que la Chine est en train de faire. Elle produit 70 p. 100 des modules photovoltaïques, la moitié de toutes les voitures rechargeables sont construites en Chine, et la Chine a 90 000 autobus électriques sur les routes. Je suis nouvelle à ce comité et c’est la première fois que j’entends cela. Quand je pense à la Chine, je ne pense pas à un pays qui se préoccupe de l’environnement, parce que c’est le genre d’opinions que je vois dans tout ce que j’ai lu.

À quoi tient ce revirement? Est-ce que uniquement parce que les Chinois savent que le reste du monde veut ces choses et qu’ils les fabriquent, ce qui revient à dire que leur choix est strictement économique? Ou sont-ils convaincus de la nécessité de changements?

M. Woynillowicz : Si j’en crois nos recherches, je conclurais que le principal moteur des investissements consentis par la Chine est la stabilité politique associée à la qualité de l’air urbain. La population étouffait de plus en plus, et on commençait à voir des problèmes économiques liés à l’ampleur de la pollution atmosphérique urbaine. Les aéroports devaient fermer à cause du manque de visibilité à l’atterrissage. Les menaces que représentent pour le gouvernement une population qui ne va plus accepter une si mauvaise qualité de l’air sont, à mon sens, la principale raison qui pousse les autorités chinoises à vouloir passer en priorité à des formes de production et de consommation d’énergie plus propres, dont les énergies renouvelables et les véhicules électriques, que je mentionnais, sont le symbole. Toutefois, cette décision est maintenant totalement intégrée dans leur stratégie industrielle et économique et en matière d’exportations aussi.

Leur raisonnement est le suivant : « Il est impératif de le faire sur le plan intérieur, mais nous savons aussi qu’en dehors de notre propre marché intérieur, il existe un marché mondial pour ces technologies et que nous sommes bien placés face à la concurrence sur ce marché mondial. » Les autorités ont donc combiné les deux, à savoir l’impératif environnemental et la possibilité économique, pour en faire une stratégie de domination du secteur.

La sénatrice Cordy : Vous avez parlé plus tôt des investissements effectués dès le départ dans les sables bitumineux pour extraire le bitume du sol. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je peux dire qu’on y voit les sables bitumineux d’un bon œil, car c’est une source d’emploi pour de nombreux jeunes dans les provinces de l’Atlantique.

Par contre, j’entends dire aussi que les formes d’énergie plus récentes, comme l’énergie éolienne et solaire, n’obtiennent pas autant de financement public que ce que l’industrie pétrolière obtenait au début. Le sénateur Massicotte a parlé des gouvernements et a demandé s’ils devraient choisir les gagnants et les perdants. Je n’irais pas jusque-là. Le gouvernement commence-t-il à investir beaucoup dans des énergies de remplacement? Et dans l’affirmative, comment fixe-t-il ses priorités? Comment les choisit-il? Ou sait-on que certaines choses, comme c’était le cas dans les champs de pétrole en Alberta, ne font pas partie des solutions gagnantes, ne donnent pas de bons résultats.

Que fait le gouvernement pour que tout le monde y gagne?

M. Woynillowicz : Je dirais qu’en matière de technologies énergétiques propres, que nous parlions de l’offre d’énergie, de tout depuis différentes formes d’électricité renouvelable — solaire, éolienne, biomasse, marémotrice, et cetera —, ou du côté de la demande, c’est-à-dire de nos modes de consommation, de tout depuis les chaudières jusqu’aux thermopompes, et des types de véhicules que nous conduisons, il existe une diversité de choix sur le marché qui permettra d’atteindre l’objectif et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Je ne pense pas que le gouvernement doive choisir une seule technologie et dire que c’est celle-là qu’il appuiera, pas plus qu’il ne doit prescrire quoi que ce soit d’autre que les résultats qu’il souhaite voir pour ensuite faire ce qu’il faut pour permettre la concurrence entre ces différentes technologies. En bout de ligne, nous verrons quelles sont celles qui réussiront.

Dans le cas de l’électricité, il me semble que le gouvernement peut, pour faire en sorte qu’il y ait plus d’électricité renouvelable dans tout le pays, comme le gouvernement fédéral l’a mentionné, favoriser l’installation de lignes de transport interprovinciales. Comme le soulignait Ken, une des difficultés des énergies éolienne et solaire, c’est que toutes deux sont variables par nature. Le vent ne souffle pas toujours, le soleil ne brille pas toujours. C’est très imprévisible. Nous le savons. Nous devons trouver le moyen de combler ces lacunes.

Au Canada, nous avons la chance d’avoir de l’énergie hydraulique en abondance. Nous avons un nombre important d’actifs hydroélectriques dans plusieurs provinces. Si nous relions plus stratégiquement ces provinces à certaines de leurs voisines qui n’ont pas ces actifs hydroélectriques, nous pourrions optimiser le réseau électrique de manière à pouvoir intégrer les technologies plus récentes, comme celles de l’énergie éolienne et solaire, tout en ayant la stabilité nécessaire en utilisant ces grands réservoirs hydroélectriques comme batteries. Je sais que le Sénat a étudié cette question, tout comme le gouvernement fédéral. Ce ne sont pas les possibilités qui manquent. Cette option permettrait au gouvernement fédéral de faciliter l’intégration de l’électricité renouvelable et une plus grande décarbonisation du réseau, en travaillant de concert avec les provinces et en apportant une contribution financière à la création de ces nouvelles interconnexions régionales entre les provinces.

La présidente : Avant de donner la parole au sénateur Neufeld, j’aimerais vous poser une question, monsieur Green. Vous estimez que la transition coûte très cher à l’Ontario et que la province devrait investir davantage dans l’adaptation.

Voulez-vous dire que l’Ontario ne devrait pas passer aux énergies renouvelables? Et si ce n’est pas ce que vous dites, vers quelle énergie renouvelable l’Ontario devrait-il se tourner? Les centrales au charbon ont une durée de vie. Si je me souviens bien, elle touche à sa fin en Ontario, car ces centrales sont prévues pour fonctionner 40 ou 50 ans, et je crois que nous y sommes déjà. Que recommandez-vous?

M. Green : Je recommanderais de chercher les solutions les moins chères et les moins polluantes pour remplacer le charbon pendant la fermeture progressive des centrales qui deviennent non concurrentielles d’un point de vue économique, tout simplement parce qu’elles sont plus chères que celles au gaz naturel.

À mon avis, la transition logique pour notre société est d’obtenir une réduction immédiate du tiers ou de la moitié des émissions de gaz à effet de serre en passant du charbon au gaz naturel et de chercher à accroître les actifs renouvelables fiables, lorsque c’est abordable ou tout bonnement viable, par une nouvelle capacité de production hydroélectrique ou même d’énergie marémotrice ou de nouvelles centrales au fil de l’eau. Il ne faut pas à tout prix rechercher la perfection dans notre vie telle que nous la connaissons. Nous n’allons pas passer à un monde décarbonisé à 80 p. 100 en quatre ans. En fait, nous devons y aller progressivement, tout en préservant la qualité de vie des Ontariens et la capacité de faire des affaires, de fabriquer et de produire en Ontario. Il n’y a pas grand-chose à gagner à emporter le marché de l’énergie renouvelable si on n’a plus de secteur manufacturier parce que le prix de l’électricité est trop élevé.

C’est donc ce que je proposerais. Je ne suis pour qu’on choisisse des gagnants et des perdants dans la technologie. Je soulignerai que la sénatrice qui avait la parole avant vous demandait pourquoi ne pas tout simplement fixer un prix et ne pas choisir de gagnants et de perdants. J’ai réalisé une étude à ce sujet à l’Institut Fraser. Partout au Canada où on a instauré une tarification du carbone, c’est devenu un moyen d’engranger des recettes et on a notamment choisi un pourcentage d’énergie éolienne et solaire, des niveaux particuliers d’aménagements pour les transports en commun et un certain nombre de pistes cyclables. On a choisi des gagnants et des perdants qui ne donnent en rien un signal au marché exprimant les valeurs de la population de manière ascendante. Ces valeurs sont imposées en amont.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie, messieurs, de votre présence et de nous avoir attendus. Je vous en suis très reconnaissant.

Certaines de mes questions ont été posées, mais nous entendons surtout parler de l’électricité. Notre production est déjà propre à 85 p. 100, ce qui fait que notre électricité est parmi les plus propres du monde. Quelques provinces ont de réels problèmes parce qu’elles n’ont pas de bon accès à l’énergie hydroélectrique, par exemple.

Je resterai sur le sujet de l’électricité et vous demanderai à tous deux de répondre. Quand nous parlons de passer à des voitures électriques, pensez-vous comme moi que c’est un peu plus facile à faire en Grande-Bretagne, en Suède et en Norvège, je veux dire d’installer toutes les bornes de recharge pour toutes ces voitures, pas seulement chez les particuliers, mais partout pour qu’on puisse conduire dans tout le pays, en comparaison de changer tout le système au Canada, deuxième pays de la planète par sa superficie? Si on regarde les stations-service nécessaires pour alimenter en carburant les automobiles et les camions aujourd’hui, elles sont prolifiques; en fait, il y en a partout. Je suppose donc qu’on aura pratiquement besoin d’autant de bornes électriques pour recharger les batteries.

Ce que je comprends — et peut-être pouvez-vous éclairer ma lanterne —, c’est que, même avec des bornes à recharge rapide, l’opération peut prendre de 10 à 15 minutes. Je ne sais pas combien de gens veulent attendre leur tour 15 minutes derrière 10 voitures pour recharger leur batterie afin de pouvoir continuer de circuler. Éclairez-moi à ce sujet et à propos de l’énergie propre que nous avons déjà, et j’aurai juste une autre question.

Vous avez mentionné la Chine. Je crois que la Chine devait prendre des mesures contre la pollution. C’est une bonne chose qu’elle montre l’exemple et qu’elle fasse tout ce qu’elle fait. Quand je regarde chez moi, dans les magasins, presque tout est fabriqué en Chine. Je ne pense pas qu’on puisse, contrairement à ce qu’on semble imaginer, reprendre l’industrie de l’énergie solaire et faire concurrence à la Chine dans la fabrication des panneaux solaires, mais je me trompe peut-être. Il y a donc plusieurs questions dans ce domaine et je vous demanderai à tous deux ce que vous en pensez.

M. Green : Comme je l’ai mentionné, j’écris sur les voitures électriques depuis 1995. L’électrification généralisée du parc automobile présente des défis de taille dont la plupart des gens ne parlent pas ou qu’ils ne comprennent pas. Comme vous le faisiez remarquer, le Canada est un pays immense où des véhicules électriques à autonomie limitée ne conviennent pas pour les grandes distances à parcourir. Cela vaut tout particulièrement pour le camionnage ou les transports collectifs sur de longues distances, mais aussi pour la circulation normale des consommateurs. En effet, les bornes routières à recharge rapide prennent encore beaucoup de temps, même pour arriver à une charge partielle, en comparaison du temps qu’il faut pour faire un plein d’essence, c’est-à-dire quatre ou cinq minutes.

Un autre problème dont on ne se préoccupe pas au Canada, c’est qu’il va falloir produire beaucoup plus d’électricité, parce qu’il en faudra beaucoup plus pour recharger ces voitures à mesure qu’elles se populariseront.

Il y a une autre question qu’on n’a pas examinée, et c’est le fait que le Canada est un pays froid. Or, les batteries et les voitures électriques ont tendance à se décharger à moitié durant les hivers froids.

Enfin, la plupart des logements construits ne sont pas conçus pour qu’on y recharge une voiture électrique. L’aménagement de quartiers résidentiels ne prévoit qu’un certain nombre de maisons par pâté, mais quand on branche sa voiture électrique pour la recharger, elle consomme le même courant qu’une maison. Si on a une rue avec six maisons et que chacune a deux voitures électriques, on passera de six maisons à l’équivalent de 18 maisons. Ce n’est pas possible sur la plupart des réseaux municipaux, ce qui veut dire qu’il faudra les moderniser, en sachant que, dans bien des régions du Canada, ils sont souterrains.

Le défi de l’électrification est immense. Nous assistons à un subventionnement. Un rapport sort d’ailleurs aujourd’hui même sur qui achète des voitures électriques. Ce sont surtout des ménages dont le revenu est supérieur à 100 000 $, et ils obtiennent des subventions de 10 000 $ ou 12 000 $ pour acheter une voiture qui est hors de portée d’un contribuable normal. Ensuite, ils obtiennent d’autres subventions avec des rabais aux bornes de recharge et une électricité à prix réduit. Souvent, ils obtiennent d’autres faveurs spéciales, comme l’accès aux voies réservées au covoiturage, sans même répondre aux critères normalement appliqués.

À mon avis, le subventionnement est assez douteux, disons, d’un point de vue éthique. Les constructeurs automobiles seront les premiers à dire que sans ces subventions, leurs voitures ne se vendraient pas. Personne n’achète un véhicule 12 000 $ plus cher qu’un autre comparable avec un moteur à combustion interne.

Pour ce qui est de la Chine, je préfère être prudent quant à ses motivations. On ne peut pas vraiment parler à son sujet de société ouverte et transparente. Dan me trouvera peut-être cynique, mais je crois que la Chine a vu rapidement la possibilité de gagner beaucoup de devises étrangères en adoptant l’idée de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Leurs compensations se révèlent être non seulement douteuses, mais frauduleuses. Leurs panneaux solaires sont mis au rebut par millions. Les déchets seront cauchemardesques. Ensuite, comme vous l’avez dit, les autorités chinoises ont probablement dû agir parce que des gens mouraient.

Mais la question demeure : la Chine aurait-elle pu opter pour le gaz naturel, comme la Californie, et ramener la qualité de l’air de niveaux que j’ai connu à Los Angeles dans les années 1970 à ce qu’ils sont aujourd’hui? La Californie n’est pas arrivée à ces résultats avec l’énergie éolienne et solaire, mais avec le gaz naturel. La Chine aurait probablement pu en faire autant à un coût moindre, mais elle n’en retirerait pas les devises étrangères que lui rapporteront les panneaux solaires et les turbines d’éolienne.

M. Woynillowicz : Je vous remercie. C’est manifestement plus facile dans les pays plus petits pour ce qui est des déplacements d’une ville à l’autre et sur de plus courtes distances, mais il faut savoir qu’au Canada l’immense majorité de la population conduit surtout à l’intérieur des villes et sur des distances relativement courtes. Statistique Canada estime que la première génération de véhicules électriques, comme la première Nissan LEAF, pourrait répondre à 85 p. 100 des besoins des Canadiens en matière de conduite. Pour l’immense majorité des transports urbains à l’heure actuelle et par rapport aux habitudes de conduite des Canadiens, un véhicule électrique convient. Augmenter la capacité de recharge entre les centres urbains aiderait pour les vacances familiales.

Quand nous parlons de passer à plus de véhicules électriques, cela se fera en réalité assez graduellement. Au Canada, le gouvernement fédéral s’est fixé l’objectif ambitieux de 30 p. 100 des ventes de véhicules neufs d’ici 2030. Seulement un véhicule vendu sur trois serait électrique, ce qui représenterait encore une assez petite proportion de l’ensemble des véhicules circulant sur les routes canadiennes.

Pour ce qui est des questions posées sur l’accès à des bornes de recharge et la demande d’électricité correspondante, même à 30 p. 100 sur la dizaine d’années à venir, nous parlons d’un taux de pénétration qui augmente très lentement, et qui pourrait beaucoup contribuer à la réduction des émissions. Il n’est donc pas question de retirer toutes les voitures à essence de la circulation du jour au lendemain et d’obliger tout le monde à conduire une voiture électrique. Il faut remettre les choses en perspective.

En ce qui concerne la recharge des véhicules, elle se fait très majoritairement chez soi, la nuit. À propos de ce qu’a dit Ken, à savoir que l’Ontario doit actuellement exporter son excédent d’énergie la nuit à perte, si on avait plus de véhicules électriques en Ontario, les Ontariens consommeraient cet excédent. Ils profiteraient aussi des tarifs plus bas la nuit.

Nous devons y réfléchir de manière systémique pour voir comment toutes les pièces s’assemblent. Nous devons être attentifs sur le plan stratégique et nous devons nous montrer novateurs dans le développement de certaines des technologies dont nous pourrions avoir besoin pour combler les lacunes.

Il est essentiel, entre autres, de reconnaître que cela ne se passera pas du jour au lendemain, et ce n’est d’ailleurs pas ce que recommandent la plupart des gens. Quelques-uns font peut-être exception en disant que nous devrions tourner le dos aux combustibles fossiles dès demain, mais ce n’est pas le point de vue que j’apporte au comité.

Quant au rôle que joue la Chine, force est de reconnaître que quelque décision que nous prenions au Canada, la Chine est beaucoup plus influente sur les marchés mondiaux. Qu’on le veuille ou non, le Canada, comme les autres économies du monde, devra s’adapter au fait qu’elle ait pris cette initiative et qu’elle aille dans cette direction.

Le sénateur Neufeld : Je suis d’accord avec vos réponses. C’est plus facile à dire qu’à faire.

En outre, la consommation de combustibles fossiles va considérablement augmenter jusqu’en 2040, d’après les estimations de BP et de l’AIE. Toutefois, si ma mémoire est bonne, environ la moitié des combustibles fossiles consommés dans le monde l’est sous forme d’essence pour le transport. Le reste va à plusieurs milliers de produits. Où que j’aille, les gens parlent généralement de l’électricité — tout ce qu’on a à faire, c’est de construire plus d’éoliennes et d’installer plus de panneaux solaires, et voilà le travail et tout le monde est heureux.

Cependant, personne ne semble vouloir creuser l’idée. J’ai parcouru tout le pays et suis allé dans quatre universités. J’y ai demandé ce qu’elles font pour inventer des technologies pour remplacer tout ce qu’on a grâce au gaz naturel et au pétrole, en dehors de l’essence et du diesel. Je parle de tous les produits qu’on trouve dans le commerce. On veut construire des voitures électriques? Il faut une tonne de plastique. Je n’ai vu qu’un tout petit projet où une entreprise commence à utiliser la canne à sucre pour fabriquer du plastique, mais aucune des universités ne travaille là-dessus.

Qu’en pensez-vous? Pour moi, nous avons un problème en l’espèce. Il est facile de parler d’éoliennes et de panneaux solaires — je le sais, avec ce truc de production d’énergie intermittente —, mais qu’en est-il de tout le reste des produits? Le plastique n’est qu’un exemple. Si on prend une voiture, l’essentiel, ce n’est pas son alimentation, mais sa construction.

Comment faisons-nous alors? Comment innover dans ce monde?

M. Green : C’est un très bon point, sénateur, de dire que presque tout... Vous mettez l’accent sur le plastique, mais je parle à nos étudiants dans les séminaires et je crois qu’il s’agit de tout chez eux, les vêtements, les sacs à dos, le transport et les écoles. Même l’air que nous respirons est soufflé et filtré grâce à l’énergie. Le shampoing est un excellent exemple. Une bouteille de shampoing est fabriquée en pétrole reformulé, remplie de pétrole reformulé et étiquetée avec du pétrole reformulé. Donc, quand on se fait un shampoing, on se frotte, au fond, la tête au pétrole.

Toutefois, cela ne s’arrête pas à l’industrie pétrochimique sur laquelle nous comptons pour nos choses. Il y a aussi les engrais. Le gaz naturel est la matière première de la production chimique en Amérique du Nord, notamment pour fabriquer des engrais, que nous consommons en quantités prodigieuses. Comme vous le disiez, il n’y a pas de raison de croire qu’il suffira de décarboniser le secteur de l’électricité ou des transports pour arrêter de consommer du pétrole. Comme vous le disiez aussi, toutes les projections jusqu’en 2040 et au-delà, de l’AIE, de BP, d’ExxonMobil, montrent un maintien de la part de marché des combustibles fossiles. La part relative des énergies renouvelables est moindre.

Un dernier point sur le sujet, celui des subventions aux énergies renouvelables. Certaines études soulignent que parce qu’elles représentent une part tellement infime de la production réelle, par mégawatt-heure de production, les énergies renouvelables sont davantage subventionnées en proportion que le pétrole et le gaz aux États-Unis comme au Canada.

M. Woynillowicz : Il ne faut pas oublier, à mon sens, que l’inquiétude au sujet des combustibles fossiles concerne moins leur production que les changements climatiques. Autrement dit, c’est leur utilisation finale qui préoccupe, s’il s’agit de combustion. Si nous prenons un baril de pétrole extrait des sables bitumineux, 80 p. 100 des émissions sur son cycle de vie proviennent de sa combustion au bout du compte. En tout, 20 p. 100 des émissions sont associées à la combustion de gaz naturel pour produire de la chaleur, pour extraire le bitume, pour le valoriser, et cetera. L’industrie des sables bitumineux ne ménage évidemment pas ses efforts pour réduire ces 20 p. 100 en amont de la production.

Pour revenir à ce que vous disiez, au grand nombre d’autres produits fabriqués à partir de combustibles fossiles, l’utilisation de ces combustibles comme matière première pour leur production n’est pas le problème du point de vue des changements climatiques. C’est leur combustion finale comme carburants qui est problématique, que ce soit pour les transports, le chauffage ou la production d’électricité. Donc, si nous réussissons à réduire les émissions associées à la production en amont et que nous abandonnons progressivement la consommation finale, il restera des débouchés commerciaux importants pour les combustibles fossiles qui répondent à toutes ces autres demandes du marché pour lesquelles il n’existe pas de produits de remplacement facilement accessibles et qui ne retiennent pas autant l’attention du côté de la recherche-développement que la quête de solutions de remplacement à la combustion finale, qui est le plus gros problème en ce qui concerne les changements climatiques.

Je voudrais également souligner que le Canada a un avantage en ceci que nous avons déjà, comme vous l’avez fait remarquer, un réseau électrique qui est remarquablement propre en comparaison de celui de nombreux autres pays. Ensuite, nous avons une abondance de sources d’énergie renouvelable, de l’hydraulique à l’éolien, en passant par le solaire, le géothermique, l’énergie marémotrice et la biomasse. Le fait de pouvoir électrifier une plus grande part de notre économie nous donne un avantage concurrentiel sur d’autres pays développés. Remplacer les combustibles fossiles par de l’électricité propre pour le chauffage, l’énergie, la mobilité et les utilisations industrielles est une occasion de tirer parti d’un de nos atouts pour réduire les émissions associées à la consommation de combustibles fossiles. Et dès lors que nous réussissons aussi à réduire les émissions en amont associées à la production de combustibles fossiles, nous pouvons continuer d’en produire, dans la mesure où il y a encore une demande pour la production de plastique, comme source de carbone. Aux États-Unis, un groupe de recherche étudie des solutions pour utiliser le charbon comme source de fibre de carbone, et il s’en sert pour imprimer des sous-marins en 3D.

Cela ne veut pas dire que les hydrocarbures ne vaudront plus rien, mais que leur valeur se trouvera sans doute ailleurs et que, du point de vue des changements climatiques, elle ne devra plus se trouver dans leur combustion.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos exposés. Je me fais l’écho de mes collègues et vous remercie de votre patience et d’avoir attendu que nous puissions rejoindre cette salle, plus tard que prévu.

Monsieur Woynillowicz, j’aimerais vous interroger sur l’examen de l’énergie propre que vous avez publié en mars sous le titre Energy Disrupted. Vous nous avez présenté la plupart des idées que vous y développez. On lit sur la couverture « Cinq tendances moteurs de la transition énergétique mondiale » et vous avez intitulé le deuxième chapitre « Les grandes pétrolières se tournent vers les énergies renouvelables ». Vous nous avez parlé ce soir de quatre grands acteurs — Shell, Statoil, Total et BP — qui s’intéressent tous de près aux énergies renouvelables et qui jouent tous un rôle important dans la conversion à ces énergies.

En revanche, vous ne nous avez pas parlé de ce que font les entreprises canadiennes dans ce domaine. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui se passe du côté de nos propres entreprises au Canada?

M. Woynillowicz : Je vous remercie de votre question.

Nous voyons un changement s’opérer, mais dans une bien moindre mesure et seule une poignée d’acteurs du secteur pétrolier et gazier canadien ont commencé à se diversifier dans les énergies renouvelables. Le plus notable est Suncor Energy, qui s’est développée dans le volet des biocarburants et qui s’est également diversifiée dans l’électricité, à la fois dans les éoliennes et dans le solaire. Les entreprises pipelinières, comme Enbridge et TransCanada, investissent aussi beaucoup dans le développement des énergies renouvelables, au Canada et sur d’autres marchés aux États-Unis, en Europe et ailleurs encore.

Nous assistons aussi dans une certaine mesure à une transition. Depuis quelques années, le secteur pétrolier canadien met beaucoup plus l’accent, et à raison, sur la réduction des coûts et sur des mesures destinées à réduire l’empreinte environnementale de sa production pétrolière et gazière. Évidemment, c’est sa spécialité. C’est une compétence fondamentale et, en fait, nous avons aujourd’hui une abondance de pétrole dans le monde et de pétrole relativement bon marché. Il faut donc s’attacher à réduire le coût du pétrole canadien parce que ce pétrole, en particulier les sables bitumineux, est plus cher à produire.

Je comprends qu’il doive se concentrer sur son activité principale.

Cela dit, j’admire certainement Suncor d’avoir eu la clairvoyance d’investir depuis 20 ans maintenant dans les énergies renouvelables, et il est impératif que d’autres sociétés pétrolières et gazières, surtout au moment où nous renouons avec une période de rentabilité, voient aussi à plus long terme et réfléchissent à l’évolution de leur activité dans le temps de manière à pouvoir profiter de certaines de nouvelles possibilités qui se présentent et à ne pas se retrouver dans une situation où, la demande de combustibles fossiles commençant à diminuer ou d’autres facteurs concurrentiels leur compliquant la tâche, elles ne soient plus en mesure que de faire une seule chose qui n’est plus aussi nécessaire qu’aujourd’hui.

La sénatrice Seidman : Vous avez mentionné qu’il faut des capitaux pour ces investissements et que, étant donné les restrictions budgétaires qu’ont connues les entreprises canadiennes, elles n’ont pas choisi cette voie. Est-ce la seule raison?

M. Woynillowicz : Je crois qu’elles se concentrent tout simplement sur ce qu’elles savent faire, c’est-à-dire la prospection et la production pétrolières et gazières.

Je dirais aussi que cette évolution date surtout des cinq ou six dernières années et qu’elle tient dans une large mesure à la baisse du coût de la technologie dans le secteur éolien et solaire, par exemple. Les grandes sociétés pétrolières, Shell, BP et Total, ont les moyens, je crois, de réagir plus vite dans ces situations. Elles disposent de beaucoup plus de trésorerie pour se diversifier et investir dans différentes choses, y compris dans des entreprises plus risquées.

Là encore, je pense qu’il incombe aux entreprises et au gouvernement canadiens de réfléchir à notre évolution future si nous voulons continuer d’avoir à l’avenir des entreprises énergétiques canadiennes prospères.

La sénatrice Neufeld : Devrions-nous élargir nos horizons à d’autres entreprises que ces grandes multinationales? Je puis vous dire qu’Encana, grande entreprise canadienne, passe massivement à l’électricité dans tous ces nouveaux centres de production, et que des usines sont en cours d’électrification dans le nord-est de la Colombie-Britannique, dont je suis originaire. C’est aussi le cas de plus petites entreprises, comme CNRL, autre grande entreprise canadienne. J’admets que cela ne fait pas des décennies, mais il leur est beaucoup plus facile d’opter pour l’électricité et elles veulent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour pouvoir continuer de produire du gaz naturel, car c’est surtout ce que nous produisons.

Nous devrions peut-être nous intéresser à quelques-unes d’entre elles et les féliciter de ce qu’elles font pour s’électrifier à l’électricité propre produite en Colombie-Britannique. C’est une idée générale, car ça ne se sait pas.

M. Woynillowicz : Je suis tout à fait d’accord. Mon commentaire concernait plus particulièrement les investissements dans la production d’électricité, dans la production d’énergie renouvelable. Cependant, pour ce qui est de l’électrification, je dirais que le secteur pétrolier et gazier s’y intéresse sérieusement, en particulier dans le nord-est de la Colombie-Britannique, où il peut tirer parti du faible tarif de l’électricité pour l’industrie. Comme elle est propre, il est judicieux de leur part de songer à électrifier leurs activités. C’est aussi un élément essentiel dans ce que fera la Colombie-Britannique pour atteindre ses objectifs en matière de réduction d’émissions.

La sénatrice Neufeld : Je vois des panneaux solaires dans le nord-est de la Colombie-Britannique sur des sites pétroliers et gaziers depuis plus de 10 ans. Cela fait longtemps qu’ils en utilisent.

La présidente : Je vous remercie tous deux de votre témoignage, et je remercie mes collègues de leurs questions. Je leur en suis très reconnaissante.

(La séance est levée.)

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