LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 3 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyée la teneur des éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, se réunit aujourd’hui, à 7 h 59, pour examiner la question.
La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez, sénatrice du Québec et présidente du comité. Je demanderais maintenant aux sénateurs autour de la table de se présenter.
Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La présidente : Je voudrais aussi vous présenter notre greffier, Maxime Fortin, ainsi que les analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.
[Français]
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur des éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. La partie 5 du projet de loi porte sur la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Pour notre premier groupe d’experts, nous allons entendre deux organisations.
[Traduction]
Nous recevons Jennifer Stewart, présidente et chef de la direction, et Allan MacEwen, président de MacEwen Petroleum Incorporated, qui représentent la Canadien Independent Petroleum Marketers Association.
Nous entendrons également Jim Grey, président, et Andrea Kent, membre du conseil, d’Industries renouvelables Canada.
Merci beaucoup de vous joindre à nous. J’inviterai chacun d’entre vous à faire un exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
Jim Grey, président, Industries renouvelables Canada : Bonjour, madame la présidente et distingués membres du comité. Comme vous l’avez entendu, je m’appelle Jim Grey et je suis président du conseil d’administration d’Industries renouvelables Canada. Je suis aussi directeur général d’IGPC Ethanol, une entreprise d’éthanol située dans le sud-ouest de l’Ontario. Je suis accompagné d’une autre membre du conseil, Andrea Kent, qui est vice-présidente de Greenfield Global.
Au nom des entreprises membres d’IR Canada, qui sont plus de 30, je vous remercie de nous donner l’occasion de témoigner aujourd’hui dans le cadre de votre étude sur la tarification du carbone. Notre association est fière de promouvoir l’utilisation des carburants renouvelables depuis 34 ans. Au cours des dernières années, nos efforts ont généré quelque 3,5 milliards de dollars par année en activité économique.
Les biocarburants constituent la source de carburant liquide la plus propre et la plus durable dans le secteur des transports. L’éthanol réduit les émissions jusqu’à 62 p. 100 en comparaison de l’essence. Quant à l’éthanol cellulosique, il réduit les émissions de 87 p. 100, alors que le biodiesel les réduit jusqu’à 119 p. 100 par rapport au pétrodiesel.
En vertu du règlement d’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en place depuis 2010, les bassins de carburant doivent contenir au moins 5 p. 100 d’éthanol et 2 p. 100 de biodiesel et de diesel liquide. Ces volumes obligatoires ont remporté un succès phénoménal, augmentant la capacité nationale de production de biocarburant, stimulant la croissance économique et contribuant à la réduction des gaz à effet de serre à hauteur de 4,5 mégatonnes pas année environ, ce qui équivaut à retirer à peu près un million de voitures des routes du pays. IGPC Ethanol est actuellement en train de doubler la superficie de ses installations. Grâce à cet investissement de 120 millions de dollars, notre usine d’Aylmer, en Ontario, sera bientôt une des plus grandes du pays.
Le biodiesel connaît aussi une certaine croissance. BIOX, une entreprise de Hamilton, investit pour moderniser les installations qu’elle a acquises récemment à Sombra, en Ontario, installations que les propriétaires précédents avaient fermées. Nous aborderons deux points principaux dans le cadre de votre étude sur la tarification du carbone.
Sachez d’abord que les biocarburants sont tributaires du commerce. Les prix de l’éthanol et du biodiesel sont établis en fonction des indices de Chicago, ce qui signifie que les producteurs canadiens appliquent essentiellement les prix; ils ne les fixent pas. Selon le régime proposé de tarification fondée sur la production, la tarification du carbone s’appliquerait aux producteurs de biocarburants. Or, la tarification fondée sur la production ferait augmenter les dépenses des producteurs canadiens de biocarburants, alors que les producteurs étrangers n’y seraient pas assujettis. Je ferais remarquer que le Canada est un grand importateur net de biocarburants des États-Unis.
Pour rectifier la situation, il faut appliquer la taxe au distributeur plutôt qu’au producteur. Cette modification ferait en sorte que tous les biocarburants, qu’ils soient importés ou produits ici, seraient assujettis à la tarification du carbone quand les consommateurs les achètent.
Je céderai maintenant la parole à ma collègue, Andrea Kent, qui poursuivra l’exposé.
Andrea Kent, membre du conseil, Industries renouvelables Canada : Merci beaucoup et bonjour. Sachant que le temps nous est compté, je donnerai brièvement suite aux propos de Jim. L’autre point qui intéresse notre industrie quant à la tarification du carbone est la cible relative à la norme sur les carburants propres.
Selon le cadre actuel, un point de référence serait établi pour la production de biocarburants afin de fixer les émissions moyennes de l’industrie. Pour qu’une installation évite la taxe sur le carbone, ses émissions devraient être inférieures de 30 p. 100 à la moyenne nationale des émissions dans son secteur. Il s’agit peut-être d’une cible raisonnable pour les secteurs qui n’ont pas encore de politiques distinctes les incitant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais les producteurs de biocarburants seront soumis à une norme sur les carburants propres dont l’objectif consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 mégatonnes d’ici 2030. Nous considérons que nos producteurs sont déjà motivés à trouver tous les moyens possibles pour réduire les émissions produites au cours du cycle de vie des biocarburants. L’industrie canadienne des biocarburants est déjà à l’avant-garde de la réduction des émissions dans le cadre de ses processus de production. Il s’agit certainement d’une question dont nous pouvons discuter plus en détail au cours de l’heure que nous passerons ensemble.
À mon avis, nous pouvons tous convenir que les changements climatiques constituent un phénomène auquel il faut s’attaquer. Je pense qu’il importe de le souligner ici. Ce problème est certainement au cœur des travaux du comité. La tarification du carbone est une politique parmi plusieurs qui devraient être mises en œuvre et, selon nous, les politiques qui encouragent le recours accru aux biocarburants demeureront l’outil le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné l’occasion de témoigner aujourd’hui. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.
Jennifer Stewart, présidente et chef de la direction, Canadian Independent Petroleum Marketers Association : Bonjour, madame la présidente et honorables membres du comité. Je m’appelle Jennifer Stewart et je suis présidente et chef de la direction de la Canadian Independent Petroleum Marketers’ Association, ou CIPMA, une association nationale qui représente les marchands de pétrole, soit ceux qui vendent et qui distribuent de l’essence au Canada. La CIPMA compte 23 membres à part entière, dont 7-Eleven, Canadian Tire, Couche-Tard, Circle K, Mr. Gas et MacEwen Petroleum, dont le président et chef de la direction, Alan MacEwen, m’accompagne aujourd’hui.
L’industrie de la vente au détail d’essence revêt une importance considérable dans la vie quotidienne de la plupart des gens en fournissant aux Canadiens l’essence nécessaire pour vaquer à leurs occupations. Au 31 décembre 2016, le Canada comptait 11 931 points de vente au détail d’essence, soit 3,3 commerces par 10 000 habitants; 78 p. 100 d’entre eux sont exploités par des marchands ou des gens d’affaires indépendants. Cette tendance continue de croître.
Vous saurez peut-être qu’Esso s’est départie de tous ses postes de vente au détail en 2016 et que Shell a fait de même dans l’Est canadien, confiant leur exploitation à des distributeurs de la marque. À l’heure actuelle, les marchands de pétrole indépendants exploitent toujours plus de points de vente autrefois exploités par les raffineurs.
Les membres de la CIPMA représentent de plus en plus le noyau de l’industrie canadienne des postes d’essence et des dépanneurs. Ce secteur demeure novateur et cherche à devenir plus durable. Il y a deux ans, la CIPMA, en partenariat avec deux autres associations de l’industrie, a lancé un programme appelé Le plein intelligent afin d’aider les Canadiens à trouver des moyens de réduire les émissions. Dans le cadre de ce programme, nous nous sommes associés à un certain nombre de municipalités pour diffuser notre message aussi loin que possible.
En ce qui concerne la partie 5 du projet de loi C-74, il importe de souligner que les marchands d’essence perçoivent actuellement des taxes au nom des gouvernements. Pour mettre les choses en perspective, les vendeurs d’essence au détail ont perçu, en 2017, 15,8 milliards de dollars en taxes pour les gouvernements.
Ce montant englobe la taxe d’accise fédérale, la taxe provinciale sur le carburant, la TVQ, la TPS, la TVH et les taxes municipales applicables, ainsi que les taxes sur le carbone là où elles s’appliquaient en 2017. Si toutes les provinces imposaient une taxe sur le carbone ou un programme de plafond et d’échanges fondés sur le montant fixé par le gouvernement fédéral, soit celui de 20 $ par tonne en 2019, nous avons estimé que cela ajouterait un coût supplémentaire de 4,62 cents par litre au prix de l’essence. À l’échelle nationale, chaque cent par litre d’augmentation de taxe apporterait environ 400 millions de dollars supplémentaires dans les coffres de l’État.
Si le prix de l’essence augmente de 4,62 cents par litre en raison de la tarification du carbone, cela se traduira par une augmentation de 1,8 milliard de dollars des recettes fiscales en 2019. Ce phénomène serait plus prononcé dans les provinces qui imposent ou imposeront un taux supérieur à la limite minimale, et qui continueront d’accroître ce taux à mesure que la tarification du carbone augmentera pour atteindre 50 $ par tonne en 2022.
Nous estimons qu’en 2022, la taxation du carbone à 50 $ par tonne générera des recettes fiscales de 4,7 milliards de dollars chaque année. Avec l’augmentation des prix à la pompe en raison des taxes, il importe de penser aux marges des détaillants, lesquels sont en grande partie des propriétaires d’entreprise indépendants.
En 1991, la marge brute moyenne provenant de la vente d’essence au détail, soit la différence entre le prix de gros affiché et le prix à la pompe moins les taxes, était de 6,97 cents le litre pour l’essence ordinaire. En 2017, cette marge était de 9,4 cents le litre, ce qui constitue une augmentation annuelle moyenne de 1,3 p. 100 sur une période de 26 ans, ce qui est bien inférieur au taux d’inflation moyen de 1,76 p. 100 enregistré au cours de la même période.
Le Conference Board du Canada prédit que même si les taxes sur l’essence atteignaient 200 $ par tonne d’ici 2025, cela ne se traduirait que par une réduction de 1,5 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre en dehors du secteur de la production d’énergie. En demandant aux Canadiens de continuer de payer plus cher un produit dont ils ont peut-être besoin pour vivre leur vie, on impose un fardeau financier au Canadien moyen.
La CIPMA et ses membres considèrent qu’il existe d’autres moyens de réduire les émissions, notamment en accroissant les mandats favorisant l’adoption des carburants renouvelables, en travaillant avec les constructeurs d’automobiles pour améliorer l’indice d’octane, en sensibilisant les Canadiens quant aux manières dont ils peuvent améliorer l’efficacité des carburants, en retirant de la route les vieux véhicules, qui sont ceux qui émettent le plus d’émissions actuellement, et en aidant les Canadiens à adapter leurs habitudes de conduite. Ces efforts aideront le Canada à atteindre son objectif, qui consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 mégatonnes d’ici 2030, sans toutefois pénaliser injustement les Canadiens et sans appliquer une taxe supplémentaire sur l’essence. Merci.
La présidente : Est-ce que d’autres invités souhaitent faire un exposé?
Mme Stewart : Non. Nous sommes prêts à répondre aux questions.
Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup de témoigner ce matin. Essentiellement, si le gouvernement vous taxe à titre incitatif quand vos émissions ne sont pas inférieures de 30 p. 100 à la moyenne nationale, qu’est-ce que cela signifie pour les producteurs? Combien d’argent cela représente-t-il? Je tente de comprendre l’importance de cette taxe par rapport à, disons, votre prix de revente du produit. Pouvez-vous m’en donner une idée?
M. Grey : Aujourd’hui, je vends de l’éthanol à un prix allant de 1,30 à 1,50 $ le gallon et non le litre. Il serait extrêmement difficile et onéreux d’atteindre le seuil de 70 p. 100 dans la majorité de nos installations du pays, car, comme Andrea l’a fait remarquer, nous sommes déjà très efficients.
Le sénateur Massicotte : Comment cela se fait-il? Disons que vous êtes à 100 p. 100, soit la moyenne nationale. Le gouvernement veut vous imposer une taxe sur le carbone dans la mesure où vous n’atteignez pas le seuil de 70 p. 100. Disons que vous êtes à 100 p. 100; vous paierez une taxe de 30 p. 100 pour votre CO2. Combien d’argent cela représente-t-il par rapport à votre prix de revente? Est-ce 5, 3 ou 1 p. 100?
M. Grey : Voici comment j’expliquerais les choses : au regard des conditions actuelles du marché, nous avons la tête « légèrement au-dessus de l’eau », et nous nous retrouverions carrément « sous l’eau » sur le plan des affaires.
Le sénateur Massicotte : Est-ce un gros chiffre, comme 1 p. 100?
M. Grey : Oui, car dans notre secteur, nos marges sont très minces et très vulnérables à tout coût supplémentaire. Je n’essaie pas d’éviter de vous donner un chiffre absolu. Il m’est très difficile de vous fournir un chiffre.
Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous nous transmettre les chiffres à une date ultérieure?
M. Grey : À 20 $ la tonne, cela nous coûterait 20$ multipliés par… Nous produisons 120 000 tonnes de dioxyde de carbone par année actuellement. Prenez 30 p. 100 de cette quantité à 20 $ la tonne, cela fait un chiffre substantiel.
Le sénateur Massicotte : Quel est ce montant? Le savez-vous?
M. Grey : Pas à brûle-pourpoint.
Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous nous communiquer le chiffre exact plus tard?
M. Grey : Je tiens à préciser, si vous me le permettez, que pour la majeure partie de nos industries, de nos entreprises et de nos compagnies, il serait presque impossible de réduire les émissions sous le seuil de 70 p. 100.
Le sénateur Massicotte : J’en suis conscient et je l’admets.
Je profiterai de votre présence ici pour indiquer que je suis assez renseigné sur l’incidence bénéfique des produits que vous offrez aux consommateurs et au pays. Cependant, comme vous le savez, de nombreux experts, faisant valoir que malgré leurs bénéfices, les biocarburants ont un coût indirect au chapitre du coût de production de maïs ou de la matière première, affirmeraient qu’avec l’eau qui est utilisée, le monde ne profite pas beaucoup de votre produit de remplacement.
Je vous donnerai l’occasion de répondre à ces critiques. Pourriez-vous réagir à ces propos?
Mme Kent : Bien sûr. Il importe de discuter de la durabilité qui sous-tend nos activités. C’est un facteur auquel nous réfléchissons aussi quand nous cherchons des occasions de faire croître notre secteur. Il existe toutefois de nombreuses preuves concrètes montrant que, en Amérique du Nord et au Canada, nous avons la chance de pouvoir compter sur le secteur agricole, la biomasse disponible et des installations ultramodernes de production de biocarburants et d’éthanol. L’hypothèse ne tient pas dans d’autres régions du monde en raison du manque de biomasse ou de nourriture, voire de problèmes quant à l’utilisation de l’eau.
Il importe donc de se rappeler que nous nous soucions de la durabilité, mais il faut s’appuyer sur des données probantes quand on examine des politiques. Or, les données indiquent très clairement qu’au pays, il y a suffisamment de biomasse, il existe des installations efficaces et il ne manque pas d’eau; les biocarburants ont donc l’occasion de croître et non de décliner au Canada.
J’espère que cette réponse vous est utile. Nous pouvons certainement vous fournir plus de données, car c’est une question que nous suivons très attentivement.
Le sénateur Massicotte : Madame Stewart, vous avez entendu parler de la recommandation sur la taxe sur les 30 p. 100. Les autres témoins affirment que cette taxe devrait s’appliquer aux distributeurs, et non aux producteurs afin de compenser la nature concurrentielle du marché américain. Seriez-vous d’accord avec eux? Autrement dit, il ne faudrait pas taxer le producteur, mais taxer directement des gens comme vous.
Mme Stewart : Je ne pense pas pouvoir répondre directement à cette question sans l’étudier plus en profondeur. Alan pourrait avoir une opinion à ce sujet.
Allan MacEwen, président, MacEwen Petroleum Incorporated : Nous sommes taxés.
Le sénateur Massicotte : Ils disent que ce n’est peut-être pas assez.
M. MacEwen : Pour que tout soit clair, l’éthanol est mélangé à l’essence. Ce produit est assujetti à la taxe d’accise fédérale, à la taxe provinciale sur les carburants et, maintenant, au programme de plafonnement et d’échange. Les gouvernements perçoivent les taxes sur l’éthanol qui fait partie du produit.
Le sénateur Massicotte : Ils font valoir que, quand on taxe les producteurs dans un marché tributaire du commerce, ces derniers sont désavantagés, car nous importons des produits de producteurs américains, alors que si on impose la taxe plus loin dans la chaîne, tout le monde est taxé également. Oui, c’est une autre forme de taxe d’accise, mais tout le monde serait taxé de manière égale.
Mme Stewart : Je pense qu’Andrea parlait de la norme canadienne sur les carburants propres, à laquelle nos membres ne seraient pas obligés d’adhérer à moins qu’ils n’importent des produits au Canada; ce n’est donc pas interprovincial. Nos fournisseurs assument ensuite le coût, ce qui se répercute le long de la chaîne d’approvisionnement.
Le sénateur Massicotte : Les producteurs américains ne sont pas touchés.
Mme Stewart : Non.
La sénatrice Cordy : J’allais vous interroger sur le fait d’imposer le distributeur plutôt que le producteur. Je suis nouvelle au sein du comité. Pourriez-vous m’expliquer le sens exact de l’expression « industrie tributaire du commerce »?
M. Grey : Ici encore, le Canada est un importateur net d’éthanol, dont il importe des quantités substantielles des États-Unis. En fait, nous sommes le plus grand port d’entrée du produit américain. Selon le scénario envisagé, les producteurs canadiens seront taxés en fonction de leur production de carbone, ce qui fera gonfler leurs coûts.
Le produit américain qui entre au pays ne sera pas soumis à cette taxe; les producteurs américains jouiront ainsi d’un avantage injuste et notre produit ne sera pas concurrentiel sur le marché.
La sénatrice Cordy : Cela signifie-t-il que nous importons plus d’éthanol que nous en produisons au Canada?
M. Grey : Cela signifie que cette taxe aurait sur nos installations un effet potentiellement si néfaste que nous pourrions être incapables de fonctionner.
Mme Kent : La vulnérabilité au commerce et la compétitivité sont inextricablement liées et sont inséparables. Pour donner suite aux propos de Jim, je dirais que nous ne sommes pas seulement confrontés à la vulnérabilité au commerce et au déséquilibre quand vient le temps d’affronter la concurrence d’un produit étranger; cette taxe aura pour effet de désavantager l’industrie canadienne, car cette dernière ne peut réinvestir continuellement ses profits si elle n’en fait pas. L’argent payé en taxe ne sera pas investi dans des initiatives que nous lancerions pour effectuer de la recherche-développement, réduire notre empreinte carbone du point de vue de l’indice carbone et tenter d’adopter des technologies de calibre mondial. Les producteurs canadiens ne pourraient plus entreprendre de telles démarches en raison du désavantage concurrentiel créé par la vulnérabilité au commerce. Au coût direct s’ajoutera le coût des occasions perdues.
La sénatrice Cordy : Le présent projet de loi vous pénalisera-t-il? Un témoin nous a indiqué l’autre soir que c’était vraiment le règlement qui suscitait des inquiétudes. Il s’agit d’une loi-cadre; les gens se préoccupent donc énormément du règlement et voudraient avoir l’occasion de l’étudier avant qu’il ne soit adopté.
Partagez-vous cet avis?
M. Grey : Oui. En surface, à la manière dont nous voyons la situation aujourd’hui, le projet de loi porterait un dur coup à notre industrie. C’est ironique, et, comme on l’a fait remarquer au cours d’une séance précédente, c’est très contre-intuitif, mais l’objectif premier du règlement consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dans notre industrie particulière, plus nous brûlons de gaz naturel, mieux c’est, car cela signifie que nous produisons plus d’éthanol et qu’au poids net réel, nous contribuons à réduire encore plus les émissions de gaz à effet de serre. C’est un argument très contre-intuitif.
La présidente : Je pense que vous avez raison. Il n’est pas évident de comprendre ce qu’il se passe. La situation est attribuable à nos accords commerciaux avec notre voisin, les États-Unis. Je peux mieux comprendre votre point de vue et la manière dont vous calculez les coûts, mais c’est encore plus mêlant pour le pétrole et le gaz.
Pour expliquer les choses en termes simples, je vis à trois kilomètres de Valero, une raffinerie de Saint-Romuald, à Lévis. Or, le prix de l’essence à la pompe est plus élevé qu’à Montréal ou Toronto. Je ne comprends pas pourquoi, comme la plupart des gens, d’ailleurs. Quand vous dites que nous appliquerons une taxe sur le carbone, vous déplorez qu’on vous impose une taxe supplémentaire qui s’ajoute aux coûts. Cependant, nous ne comprenons pas comment le prix final est calculé. Pourriez-vous nous l’expliquer?
Mme Stewart : Je pense qu’il circule bien des idées fausses sur la manière dont le prix de l’essence est fixé. Vous avez parlé de Toronto et de Montréal. Comme il s’y trouve des terminaux, la distance de transport y est bien plus courte. Souvent, en région rurale, l’essence est vendue par des exploitants indépendants. Il faut donc tenir compte du coût de transport et des ententes en matière d’approvisionnement.
Kent Marketing a réalisé dernièrement une étude commandée par le gouvernement de l’Ontario afin de déterminer pourquoi les prix à la pompe sont considérablement plus élevés dans le Nord de cette province, car ils le sont. Les auteurs de l’étude ont constaté que les marges des détaillants de ces régions ne sont pas plus élevées que celles des vendeurs d’essence des grandes villes. Ils doivent simplement assumer des coûts de transport supplémentaires. Ils ne jouissent pas nécessairement du pouvoir d’achat des grands vendeurs d’essence au détail, dont certains possèdent de nombreux points de vente dans les centres urbains. Ils n’ont pas le volume.
Nous pouvons certainement vous fournir des renseignements qui expliqueront pourquoi les prix de l’essence varient d’une région à l’autre, ainsi que certaines informations de tiers fondées sur les recherches montrant que les prix ne sont pas manipulés, comme on l’entend souvent dans les médias.
La présidente : Le Canada est un pays producteur de pétrole. Il s’y fait énormément de recherches. Pourquoi, ici encore, établir une comparaison avec les États-Unis ou l’Europe? Sans les taxes, l’essence peut parfois être…
Mme Stewart : En effet, car le prix de gros de l’essence est établi à New York ou à Chicago. Il s’agit d’un marché de gros mondial. Nous achetons le produit au prix établi. Ce n’est pas au Canada que ce prix est déterminé, même s’il s’y trouve des raffineries.
Nous fonctionnons aussi avec des orbites d’approvisionnement propres aux régions. Même si des raffineries sont en exploitation en Alberta, le carburant qui y est produit n’approvisionne pas l’Ontario. L’approvisionnement est très particulier et très limité dans cette province. Si un raffineur éprouve un problème d’entretien quelconque ou s’il se produit une dépressurisation dans le pipeline, le marché de l’approvisionnement en subit les contrecoups. Même si la croyance commune veut que la production soit élevée au Canada, ce n’est pas nécessairement le cas. L’approvisionnement est bien plus fragile qu’on le pense.
La présidente : Êtes-vous en train de nous dire que nous devrions être indépendants ou que nous devrions chercher à être indépendants du marché établi aux États-Unis. Est-ce possible? Pouvons-nous le faire?
Mme Stewart : Je laisserai Allan vous répondre.
M. MacEwen : La question est bien plus vaste que cela. Les producteurs de pétrole, comme Suncor et Syncrude, sont des sociétés publiques. Elles doivent produire, vendre et faire du profit. J’ignore quelles sont les redevances ou les subventions, mais les prix sont fondés sur les prix internationaux du produit, auxquels s’ajoutent les taxes. La principale différence entre le Canada et les États-Unis, c’est que les taux de taxation du pétrole au Canada sont déjà bien plus élevés.
Pour ce qui est des écarts de prix du pétrole, vous avez évoqué les disparités entre Saint-Romuald et Montréal ou Toronto. La question s’écarte un peu du sujet, mais sachez que le marché est extrêmement concurrentiel. Je ne connais pas la situation à Saint-Romuald, mais, à Montréal et à Toronto, il faut compter avec les taxes, des problèmes de concurrence et des questions de volume. La situation n’y est donc pas aussi simple. C’est très complexe.
La présidente : Je sais que c’est très complexe, mais nous devons comprendre, car nous ne trouverons jamais de solution si nous ne comprenons pas. En ce qui concerne Saint-Romuald, l’essence y est chère parce qu’elle ne vient pas de Saint-Romuald. L’essence qui alimente ma voiture ne vient pas de Saint-Romuald, mais probablement des États-Unis.
M. MacEwen : Non. Dans ce marché, votre essence viendra très rarement des États-Unis. Ce marché est en grande partie approvisionné par la raffinerie de Valero. Une partie du produit est importé d’Europe, mais il vient en majeure partie de cette raffinerie. Tous les autres terminaux et entreprises s’y approvisionnent.
La présidente : Merci. L’essence vient de plus loin que je le pensais.
M. MacEwen : On ne sait pas toujours ce qu’il en est. Vous pourriez acheter de l’essence de Toronto. Vous n’en connaissez pas la provenance.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’avais d’abord une question très technique, très précise pour Mme Stewart. Vous avez dit, entre autres, qu’un des moyens de réduire les émissions serait de retirer les vieilles voitures. Avez-vous établi une date de péremption d’une voiture du point de vue de sa trop grande pollution?
[Traduction]
Mme Stewart : Certainement. Nous collaborons avec Dennis DesRosiers, consultant dans le domaine de l’automobile. Je peux vous transmettre certaines données qu’il nous a fournies. Depuis 2010, l’efficacité du moteur à combustion interne des véhicules sur la route est au moins 10 p. 100 plus élevée. Les véhicules achetés avant 2000 sont beaucoup plus polluants que les véhicules récents.
Nous avons vu qu’aux États-Unis, il existe des programmes permettant d’échanger son tacot contre de l’argent comptant. J’aimerais vous fournir des données à ce sujet; je vous communiquerai donc de l’information ultérieurement sur les émissions qu’on peut éliminer en offrant une sorte d’allègement ou d’incitatif fiscal afin de retirer les vieux véhicules de la route.
Je sais que la question a été abordée lors d’une réunion avec Ressources naturelles Canada, au cours de laquelle il a été envisagé de renouveler une partie de la flotte. Les vieux véhicules contribuent considérablement aux émissions de gaz à effet de serre.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une autre question. Si j’ai bien compris, pour les membres de votre association — je pense à ce que vous donnez comme exemple, Couche-Tard, Canadian Tire et d’autres —, leurs installations ne sont pas nécessairement situées à l’intérieur d’une seule province. Vous avez des installations dans plusieurs provinces, n’est-ce pas? Par rapport au prix et au montant de la taxe qui s’additionne, est-ce qu’il y a des différences significatives pour vos membres? Et est-ce que fixer un prix pour le carbone change quelque chose par rapport à ce que vous payez déjà et les différences que vous avez à absorber en ce qui a trait à la taxe provinciale, qui varie forcément d’une province à l’autre?
[Traduction]
Mme Stewart : Je pense que cela dépend de la manière dont le coût est transmis. Nous sommes impatients de voir la loi. Dans le cadre d’un programme de plafonnement et d’échange, le coût peut être transmis à la pompe, mais s’il s’agit d’une taxe directe sur le carbone, c’est le consommateur qui assumera directement le coût. Si c’est une taxe directe sur le carbone, je crois comprendre que cela n’aura aucune incidence sur le coût de l’achat au terminal, mais cela fera monter le prix que le consommateur paie pour faire le plein.
Vous pouvez constater que les taxes constituent déjà une bonne partie du coût, et nous faisons une très mince marge qui n’a pas suivi l’inflation.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Madame Stewart, je tente de comprendre ce que vous nous avez dit sur les marchants ou ce que vous appelez vos marchants indépendants.
Vous avez indiqué qu’Esso s’était départi de ses postes de vente au détail en 2016 et que Shell avait fait de même dans l’Est du Canada. Quelle sorte de concertation existe-t-il dans ce vaste marché de marchants indépendants.
M. MacEwen : Je vais tenter de répondre. Par exemple, quand Imperial Oil ou Esso vendent leurs postes d’essence, ils concluent des ententes d’approvisionnement de 20 ans. Les postes d’essence d’Imperial Oil ont principalement été acquis par 7-Eleven, Couche-Tard et Wilson’s. Le poste d’essence d’Esso où se présente un consommateur à Halifax n’appartient plus à Imperial Oil, mais à Wilson’s ou Couche-Tard. Le consommateur ne s’aperçoit de rien.
Il en va de même pour Shell, qui a vendu ses postes d’essence à Sobey’s au Québec et dans les Maritimes. Le consommateur ne fera pas la différence. Les sociétés ont toutefois conclu des ententes d’approvisionnement.
Cela répond-il à votre question?
La sénatrice Seidman : Cela m’aide un peu à comprendre. J’essaie de comprendre l’influence de l’industrie. Les grandes compagnies vendent tous leurs postes de vente au détail, mais quelle concertation lie tous ces exploitants indépendants? Existe-t-il une telle concertation? Nous entendons souvent dire qu’il y en a une.
Pour poursuivre l’échange que vous aviez avec notre présidente, nous nous demandons tous comment les prix sont établis. Quand le prix du baril de pétrole augmente, les prix font de même à toutes les pompes en l’espace de quelques secondes, mais quand le prix du baril diminue, il faut des jours avant que les prix ne baissent à la pompe. Je ne fais qu’exprimer les doléances habituelles que vous entendez certainement tout le temps.
Je tente de comprendre la concertation qui existe à cet égard.
M. MacEwen : Sachez tout d’abord qu’il n’y a pas de concertation, car tout le monde se fait concurrence. Comme je l’ai fait remarquer, le marché est extrêmement concurrentiel. Les prix sont établis en fonction du prix qui a cours au port de New York, et les producteurs et les raffineurs canadiens ajustent quotidiennement les prix de gros. Le prix quotidien que je paie aux divers fournisseurs se fonde sur le prix auquel les divers produits se transigent au port de New York et sur le taux de change. Ce dernier joue un rôle de premier plan en ce qui concerne le prix que nous payons pour le pétrole brut.
C’est ainsi que notre prix d’achat est établi. Au Canada, ce prix change normalement tous les jours à minuit. Si le prix connaît une diminution nette, dépendamment du prix du brut et du taux de change, mon coût augmente ou diminue à minuit.
Je dois admettre que nous mettons du temps à réduire nos prix. Je pourrais toutefois faire valoir que nous les augmentons lentement aussi, car le marché est très concurrentiel.
Il n’y a cependant pas de concertation. Couche-Tard gère ses propres affaires, et nous faisons tous de même. Le prix n’est qu’un élément parmi tant d’autres au sujet desquels nous nous faisons concurrence, mais c’est évidemment celui qui attire le plus l’attention.
La sénatrice Seidman : Je comprends ce que vous dites.
Nous avons entendu le témoignage de l’Association canadienne des carburants mardi. Des représentants ont fait des déclarations au nom de l’industrie. J’essaie de comprendre l’incidence de la taxe sur le carbone ou des diverses solutions provinciales pour régler ces problèmes, car il y aura différentes solutions dans chaque province, semble-t-il.
L’argument que j’essayais de faire valoir, c’est qu’il faut une harmonisation rigoureuse avec les régimes de tarification du carbone existants au Canada. La grande préoccupation est que s’il n’y a pas d’harmonisation et de cohérence dans la dynamique des marchés du carburant au pays, nous serons confrontés à des déséquilibres entre les différentes instances au pays. Il y aurait de nombreux problèmes entourant la compétitivité des provinces et de l’autre côté de la frontière également.
Êtes-vous aux prises avec une situation semblable en ce qui concerne vos détaillants indépendants?
Mme Stewart : C’est pêle-mêle... Il y a une taxe sur le carbone et un système de plafonnement et d’échange. De notre point de vue, nous avons des membres qui sont des parties visées par le système de plafonnement et d’échange, qui est extrêmement compliqué et contraignant. Si le gouvernement va de l’avant et impose une taxe, il est certainement plus logique d’appliquer une taxe globale sur le carbone que d’avoir un ramassis de règlements différents.
La sénatrice Seidman : Cela crée des problèmes.
Mme Stewart : Oui.
Le sénateur Richards : Merci d’être ici. J’ai posé cette question à un autre groupe de témoins, et je ne crois pas avoir obtenu une réponse définitive. Il y a eu un article qui est paru dans le Calgary Herald il y a quelques semaines et un autre dans le Globe and Mail sur la perte de nos meilleurs étudiants en technologie au profit du sud en raison du manque de recherche en exploration pétrolière. Cette situation vous inquiète-t-elle? Cela me préoccupe certainement.
M. MacEwen : Dans notre champ d’activité, cette situation a une incidence sur nous. Elle nous affecte de la même manière qu’elle affecte n’importe quel autre Canadien, mais compte tenu du travail que nous faisons dans l’industrie, les répercussions ne sont pas directes. Cependant, si vous êtes un raffineur ou un producteur, la perte de ces emplois pourrait avoir une incidence plus directe.
Le sénateur Richards : De nombreuses ressources intellectuelles se dirigent vers le Sud.
M. MacEwen : Cette situation ne nous plaît pas plus qu’elle ne plaît à n’importe quel autre citoyen canadien.
La présidente : Un détaillant, un dépanneur comme Couche-Tard, vend combien de produits? Vous avez donné quelques exemples pour des produits très généraux, mais combien de produits sont vendus — dix, cinq?
M. MacEwen : Des produits d’essence?
La présidente : Oui.
M. MacEwen : Il y a essentiellement quatre produits. Il y a trois grades d’essence, dont les taux d’octane sont habituellement de 87, 89 et 91, puis il y a le carburant diesel. Une station d’essence offre habituellement un maximun de quatre produits.
La présidente : Le ratio qui aura une incidence sur la taxe sur le carbone n’est pas forcément celui qu’on a fourni — je ne me rappelle pas qui a mentionné un ratio très général…
Mme Stewart : Cela incluait ces produits. L’étude a été mandatée par Kent Group Ltd., une entreprise d’analyse de pétrole. Elle a pris en considération les trois grades d’essence et le diesel. C’était une étude complète.
Le sénateur Mockler : Industries renouvelables Canada dit, et vous l’avez mentionné, que votre industrie sera touchée à deux reprises avec la tarification du carbone et les normes relatives aux carburants actuelles. La question est la suivante : est-ce qu’on vous consulte pour savoir à quoi ressembleront les normes relatives aux carburants actuelles à l’avenir? Est-ce qu’on écoute ce que vous avez à dire?
Quelle est votre option préférée, la tarification du carbone ou la réglementation? Donnez-nous des exemples des répercussions que cela aura sur le consommateur.
M. Grey : Pour répondre à votre première observation, oui, Andrea et moi participons activement au processus de la norme sur les carburants propres, ou NCP. Nous sommes membres d’une équipe multipartite et d’un groupe de travail technique. Nous comptons également des personnes plus spécialisées dans les sous-groupes de travail, qui se penchent sur des enjeux cruciaux.
Oui, les consultations sont en cours. Elles sont très ouvertes. On écoute ce que nous avons à dire.
Pour répondre à votre deuxième observation, puisque nous ne savons pas vraiment quelle sera l’issue de ces processus, il est difficile d’établir quelle sera l’incidence pour nous en bout de ligne. Dans notre cas, puisque nous sommes basés en grande partie en Ontario, nous sommes assujettis à un système de plafonnement et d’échange. Ce que nous essayons d’atteindre par l’entremise du processus de la NCP, c’est de monétiser les avantages que nous apportons à nos objectifs dans le cadre du processus pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.
Nous espérons que cela uniformisera les règles du jeu au pays.
Cela ne règle pas forcément le fait que nous sommes à la merci des échanges commerciaux des États-Unis. Nous produisons des GES dans le cadre de nos processus, mais nous contribuons également à réduire les émissions de GES et nous devrions recevoir une certaine reconnaissance pour nos efforts.
Mme Kent : Votre question porte sur le processus de consultation et si les parties sont entendues. Je conviens que les parties sont entendues. Il y a une grande expertise et de nombreuses personnes intelligentes d’ECCC autour de cette table. Je pense que nous devrions nous concentrer sur l’échéancier plutôt que sur le mandat et le processus de consultation de façon générale. De nombreuses personnes autour de cette table, nous compris, commencent à craindre que nous allons manquer de temps. On ne devrait pas renoncer à la réglementation pour la NCP.
Le sénateur Patterson : Merci d’être ici.
Quatre provinces ont mis en place un système de tarification du carbone. Je me demande si vous pourriez nous dire si ces systèmes de tarification du carbone ont réduit les ventes de vos exploitants dans ces provinces. La tarification du carbone vise à détourner les gens des combustibles fossiles.
Mme Stewart : On incite les gens à adopter certains comportements. Nous avons des statistiques à ce sujet. En Colombie-Britannique, on a réduit les émissions, mais je peux vous fournir les volumes des ventes précis, si vous le voulez. Le système de plafonnement et d’échange au Québec et en Ontario est relativement nouveau, alors je pourrais vérifier auprès de nos analystes du pétrole pour avoir un aperçu de la situation.
M. MacEwen : Dans notre champ d’activité, la réponse serait non.
Le sénateur Patterson : Cela n’a pas dissuadé les gens. Je vis au Nunavut et je ne sais pas comment les gens pourront se rendre au travail en vélo au milieu de l’hiver ou par d’autres moyens de transport, mais vous me dites que vous croyez que les systèmes de tarification du carbone n’ont pas dissuadé les gens d’acheter de l’essence.
M. MacEwen : Voici ma réponse. Lorsque l’essence se vend 1,40 $ le litre, par exemple, vous constaterez des réductions de l’achat de certains types de véhicules, des changements dans les habitudes de conduite. Une grande partie de la conduite dans la vie d’aujourd’hui est obligatoire. Les gens se rendent au travail en voiture. Lorsqu’un tel changement survient, on constate une certaine variabilité et des réductions. Les 5 cents le litre additionnels qu’il en coûte entre le plafonnement et l’échange et la TVH ne changeront rien. Nous avons vu une hausse assez marquée du prix du pétrole brut au cours des deux derniers mois, ce qui a donné lieu à une hausse du prix.
Mme Stewart : Sénateur, pour vous donner une meilleure idée, la différence entre une taxe sur le carbone et le système de plafonnement et d’échange est que les consommateurs savent qu’ils paient la taxe sur le carbone, mais en ce qui concerne le plafonnement et l’échange, le prix n’est pas affiché à la pompe. Même si on laisse l’industrie participer au programme de plafonnement et d’échange, les consommateurs ne comprennent pas pourquoi le prix de l’essence a augmenté. Ils pensent que c’est à cause des grandes sociétés pétrolières mais, en fait, 78 p. 100 des sites appartiennent à des propriétaires de commerce indépendants. Ils n’augmentent pas le prix pour exploiter les consommateurs; c’est une taxe.
Le sénateur Patterson : Vous avez parlé d’autres façons de réduire les émissions, y compris de retirer les vieilles voitures de la circulation. Vous avez mentionné de changer les habitudes de conduite. Pourriez-vous donner un exemple de la façon dont les Canadiens pourraient modifier leurs habitudes de conduite?
Mme Stewart : Nous avons travaillé avec la municipalité de Vancouver-Nord et avons mis en œuvre un programme intitulé Le plein intelligent. J’encourage tout le monde à consulter le site web, à smartfuelling.ca. Nous avons placé des affiches à toutes les pompes dans la ville pour encourager les gens à faire du covoiturage avec des concitoyens dans leurs quartiers, à éteindre l’air climatisé, à enlever les porte-bagages sur le toit de leur voiture, et à trouver d’autres modes de transport pour se rendre au travail lorsqu’ils le peuvent.
Nous comprenons qu’il y a la question des changements climatiques, et nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il y a des façons d’encourager les gens à adopter des comportements par l’entremise du transport en commun et d’autres modes de transport. En Ontario, on a augmenté l’exigence relative à l’éthanol à 10 p. 100, qui entrera en vigueur en 2020. Nous sommes en faveur d’augmenter les carburants renouvelables, en rehaussant les pourcentages exigés par les provinces. Il y a d’autres façons. Je vais revenir sur les données que Dennis DesRosiers a fournies pour montrer à quel point ces vieux véhicules contribuent aux émissions de gaz à effet de serre. Je pense que vous serez très surprise de voir les données qui montrent ce qu’une taxe sur le carbone pourrait faire pour réduire ces émissions.
La présidente : Merci beaucoup de nous offrir de nous faire parvenir cette information.
Mme Stewart : Si vous me permettez d’intervenir à nouveau, je vais vous fournir l’étude sur l’approvisionnement, ce qui devrait vous donner une idée des sphères d’approvisionnement au Canada et de la façon dont le prix de l’essence est fixé.
Mme Kent : Ce qui fonctionne en Ontario, où j’habite, ne fonctionnera pas au Nunavut. Cependant, ce que Mme Stewart dit est très important. Le gouvernement est confronté à un problème de taille complexe, et une grande partie des sujets de discussion sont des théories importantes qui doivent être résolues pour le marché canadien. Nous ne devrions pas perdre de vue les occasions concrètes et immédiates. Nous pouvons examiner les possibilités existantes, en utilisant les véhicules qui sont sur la route à l’heure actuelle et les produits qui sont déjà sur le marché.
La présidente : Par curiosité, vous produisez des biocarburants qui sont vendus au détail. Pouvons-nous imaginer qu’un jour, pour régler la question du transport, vous approvisionnerez de plus en plus les détaillants?
Mme Stewart : Serait-il utile de discuter de la façon dont nous allons chercher le pétrole et intégrer les carburants renouvelables?
La présidente : Oui.
M. MacEwen : C’est assez simple, en fait. Pour les producteurs d’éthanol, je ne sais pas combien d’usines l’Ontario compte, mais il y en a cinq ou six, et ces usines approvisionnent les terminaux, qui sont essentiellement les terminaux et raffineries de Shell, Imperial Oil, Suncor et Valero. Il y a quelques entreprises indépendantes qui sont également des fournisseurs. L’éthanol est acheminé de ces usines vers les terminaux, qui nous approvisionnent et qui mélangent le pourcentage qui est nécessaire pour répondre à l’exigence.
La présidente : C’est très utile.
Mme Kent : À Ottawa plus précisément, lorsque vous conduisez sur Hunt Club pour vous rendre à l’aéroport et que vous voyez ces cylindres blancs à votre gauche, c’est le terminal d’Ottawa. Un camion de MacEwen le remplit, puis le carburant renouvelable est mélangé au terminal, et le camion se rend ensuite aux stations d’essence.
La présidente : Quel est le problème avec le fait d’envoyer du biocarburant plutôt que du diesel au Nunavut?
M. Grey : C’est le transport. C’est le transport du produit à partir de l’usine. Dans notre cas, les producteurs de biocarburants sont concentrés en Ontario et au Québec car c’est là où la matière première est cultivée. Les coûts de transport pour acheminer ce produit au Nunavut seraient considérables.
La présidente : Ne serait-il pas une bonne idée si la subvention que le gouvernement accorde pour le diesel soit transférée aux biocarburants?
Mme Kent : Il faut trouver des incitatifs. Le gouvernement pourrait-il subventionner l’aspect logistique?
Je pense que tout dépend de la façon dont on aborde l’objectif. C’est ma réponse. Si vous examinez ce que le Canada est capable de faire à l’échelle nationale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’approvisionnement en carburant et la consommation de carburant, ce serait probablement la façon la plus immédiate et efficace de se concentrer sur les habitudes de conduite. On continuera de mettre l’accent sur les marchés en Ontario et dans l’Est de l’Ontario plutôt que d’essayer de pénétrer des marchés beaucoup plus isolés.
M. Grey : Pour vous donner un exemple qui n’est vraiment pas lié à ce dont nous discutons, comme nous l’avons dit plus tôt, le Canada a un objectif de 5 p. 100 d’éthanol. Jusqu’à cette récente annonce, l’objectif de l’Ontario était de 5 p. 100 d’éthanol, mais la région du Grand Toronto mélange jusqu’à 7 ou 8 p. 100 d’éthanol. C’est la concentration dans cette région, et c’est ce qui établit une moyenne dans la province.
La présidente : Merci beaucoup. C’était très intéressant.
Le sénateur Wetston : Désolé d’être arrivé en retard. J’ai probablement raté votre exposé et un certain nombre de vos réponses à des questions. Interrompez-moi si je répète ce qui a déjà été dit.
Pour tout dire, j’ai travaillé au Bureau de la concurrence de 1986 à 1993. C’était une période très intéressante dans cette industrie. J’ai participé à un certain nombre de fusions telles que Texaco et Imperial Oil. Monsieur MacEwen, je pense que vous oeuvriez dans l’industrie à cette époque. J’espérais que vous seriez un peu plus positif à ce sujet. J’ai participé à de nombreuses enquêtes sur le prix de l’essence au fil des ans. Je n’ai pas besoin de vous le dire.
Quand je parle du parallélisme conscient, vous comprendrez rapidement ce que je veux dire. J’ai confiance dans les modalités de votre politique relative à la concurrence. Pourquoi je le mentionne? C’est une question de tarification du carbone. J’ai toujours été d’avis que l’une des raisons de la hausse du prix de l’essence avait moins à voir avec une conspiration et plus à voir avec le parallélisme conscient tel qu’on le connaît. Il y avait aussi les capacités des raffineries et des pipelines. J’estime que les capacités des raffineries posent problème au pays, assurément dans certaines régions, et les capacités des pipelines aussi, à certains moments. À l’heure actuelle, nous abordons les capacités des pipelines sous un angle différent.
Sans raffinerie et pipeline, il n’y aura pas de réduction du prix de l’essence. Une taxe sur le carbone sera imposée, peu importe comment on s’y prend — par l’entremise d’un système de plafonnement et d’échange ou des taxes dont nous venons de parler.
Tout va bien. Vous pouvez avoir une opinion, bonne ou mauvaise, mais en bout de ligne, lorsque nous pensons aux consommateurs et à ce qu’ils doivent payer, j’estime que les entreprises indépendantes ont fait un excellent travail au pays. Je les appuie vivement, car elles sont une variable pour la concurrence, ce qui a donné un coup de main au fil des ans et devrait être salué, monsieur MacEwen, car c’est important pour les consommateurs.
Je résume la situation : comment entrevoyez-vous l’avenir, que ce soit la mise en œuvre d’un régime de plafonnement ou d’un régime axé sur une taxe sur le carbone? Je préférerais qu’on en ait un pour le pays, mais ce n’est pas l’orientation que nous prenons — bienvenue au Canada. Quelle est l’incidence sur la concurrence — je parle des répercussions sur la concurrence — d’une taxe sur le carbone ou d’un système de plafonnement et d’échange sur vos entreprises?
M. MacEwen : Me parlez-vous en tant que détaillant?
Le sénateur Wetston : En tant que n’importe quel intervenant.
M. MacEwen : Essentiellement, si tout le monde est dans le même bateau, il n’y aucune incidence, dans la mesure où les règles du jeu sont équitables. Le problème est différent pour les producteurs d’éthanol.
En ce qui concerne le plafonnement et l’échange par rapport à une taxe sur le carbone, on préférerait ne pas percevoir de taxe, mais c’est la vie. On préférerait de loin une taxe sur le carbone à un système de plafonnement et d’échange, car la taxe est simple. De notre point de vue, le système de plafonnement et d’échange est complexe, contraignant et dispendieux. Il est aussi coûteux pour les gouvernements que pour nous de percevoir et de calculer les montants dans le cadre d’un système de plafonnement et d’échange, tandis qu’une taxe sur le carbone est tant de cents le litre. C’est simple.
Je ne suis pas sûr de répondre à votre question, mais si les règles du jeu sont uniformes dans l’ensemble de l’industrie, il n’y aura pas d’incidence.
Le sénateur Wetston : Je pense à l’industrie en amont et en aval. Vous êtes en aval, évidemment, et je comprends ce que vous faites. Il y a l’éthanol — je suis un sénateur de l’Ontario, si bien que je pense comprendre le système de plafonnement et d’échange. Je crois que le Québec a un système de plafonnement et d’échange depuis 2013. C’est plus récent dans le cas de l’Ontario. Quoi qu’il en soit, vous pouvez vérifier.
Cependant, il me paraît évident que le système de plafonnement et d’échange offre une plus grande certitude sur le plan environnemental qu’une taxe sur le carbone, et c’est ce dont il est question ici. Les consommateurs comprendront que c’est une question d’éducation. Je ne propose pas de choisir entre les deux, mais, comme je viens de l’Ontario, j’aimerais dire que ce qui a été mis en place est raisonnable. Autrement, nous investissons beaucoup de temps et d’efforts dans un programme qui n’est pas tellement raisonnable. Je pense que vous avez une idée de ce que j’essaie de dire.
Mme Stewart : Du point de vue des distributeurs, si l’une de nos entreprises membres achemine de l’essence du Québec en Ontario, elle est assujettie au programme de plafonnement et d’échange. Elle ne raffine pas le produit. Elle n’a pas les mêmes capacités de générer des crédits compensatoires pour mener des projets, d’acheter ces crédits et de participer aux enchères. Elle est tout simplement un payeur, ce qui donne lieu à une hausse du prix de son produit qu’elle exporte de l’autre côté de la frontière, et certains de ses concurrents n’augmentent pas le prix de leur produit.
Je ne peux pas me prononcer sur les émetteurs industriels et leurs capacités en matière d’environnement. Nos membres doivent payer pour le plafonnement et l’échange. Ils refilent ce coût aux consommateurs et participent à ces enchères. J’ai passé plusieurs jours à éplucher les documents du gouvernement sur les consultations. Il s’agit d’un fonctionnement complexe et difficile à comprendre.
M. Grey : Jennifer a souligné que la taxe ou le prix de l’enchère est payé à l’avance et refilé aux consommateurs. J’ajouterais que nous nous trouvons dans une situation similaire, en ce sens que nous devons nous aussi payer la taxe ou le prix de l’enchère, mais nous ne pouvons pas refiler ce coût, ce qui constitue l’un des problèmes importants pour notre industrie.
Mme Kent : Peu importe le mécanisme choisi, qu’il soit axé sur le prix ou les émissions, les entreprises et décideurs pourraient avoir des priorités différentes. Toutefois, nous avons remarqué que, pour nos produits, le système de plafonnement et d’échange en place dans les différentes régions entraîne une diminution des avantages au chapitre des GES, élément de la politique sur lequel tout repose — il est très difficile pour le producteur dans un système de plafond et d’échange de moyenner ces avantages. Des modifications au système sont souvent nécessaires.
La présidente : Merci beaucoup. Il nous reste suffisamment de temps pour deux brèves questions.
Le sénateur Massicotte : J’aurais une question brève à poser à M. Grey ou à Mme Kent. Vous avez parlé plus tôt du mélange comprenant 5 p. 100 d’éthanol au Canada et en Ontario. Si je ne m’abuse, vous avez suggéré de hausser ce pourcentage à 7 p. 100. Je crois que les moteurs de la plupart des véhicules d’aujourd’hui peuvent fonctionner avec un mélange pouvant atteindre jusqu’à 10 p. 100 d’éthanol. Ai-je raison de dire que vous souhaiteriez que ce pourcentage augmente? Aussi, pourquoi ce retard? Le ministère souhaite mesurer l’intensité du CO2 plutôt que de mesurer simplement le volume. Où en sommes-nous à cet égard et quel est le problème?
Mme Kent : Je peux avancer une hypothèse sur ce qui cause le retard. Il se passe beaucoup de choses en ce moment. Il faudrait se concentrer et fixer les priorités de façon à ce que les idées prêtes pour le marché et les solutions existantes ne soient pas retardées. Malheureusement, je ne saurais vous dire ce qui cause le retard, mais je conviens qu’il y a un retard.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question, si je ne m’abuse, les moteurs des véhicules modernes peuvent fonctionner avec de l’essence comprenant jusqu’à 15 p. 100 d’éthanol. Sur le plan de l’infrastructure, nous pouvons créer des mélanges avec un pourcentage plus élevé. Cela aurait un impact immédiat et réel sur la réduction des GES. Si l’on regarde le délai pour la NCP et l’approche holistique à la tarification du carbone, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de repousser cela et de rallonger les mandats.
J’espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Massicotte : Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Vous avez parlé, madame Stewart, du programme que vous avez mis en place, intitulé Le plein intelligent. Le gouvernement impose un système de tarification du carbone. Vous dites que c’est un problème pour votre industrie. Par ailleurs, les gens se plaignent des augmentations du prix de l’essence, mais les citoyens n’ont pas l’air d’être sensibles au fait qu’ils sont directement responsables de cette consommation importante d’essence et donc du maintien des prix.
Je comprends, comme vous l’avez dit, monsieur MacEwen, qu’une bonne partie des gens sont au volant parce qu’ils doivent aller travailler. Ils habitent loin des centres-villes, de leur lieu de travail. Dans le cadre de votre programme Le plein intelligent, qu’est-ce qui pourrait convaincre les gens de réduire leur consommation d’essence? J’ai entendu encore aujourd’hui aux nouvelles que ce sont les plus grosses voitures qui se vendent. Les petites voitures ne se vendent pas et la vente de voitures électriques est relativement faible. Les gens ne semblent pas être très influencés par les messages, qu’ils proviennent de l’industrie ou du gouvernement. Les véhicules qui se vendent, ce sont les gros cylindrés.
Dès qu’il y a une augmentation de prix, on vend des véhicules pendant trois mois et tout de suite après on augmente, on revient aux très gros véhicules. Selon votre expérience — et on comprend que vous n’avez pas intérêt à ce que les gens arrêtent de consommer de l’essence —, qu’est-ce qui pourrait vraiment convaincre les gens de réduire leur consommation d’essence?
[Traduction]
Mme Stewart : Selon nous, il faut sensibiliser le consommateur, ce que nous tentons de faire. Comme je l’ai dit, nous croyons aux changements climatiques. Nous croyons qu’il s’agit d’un problème important et sommes conscients que les gens doivent modifier leurs habitudes de conduite.
C’est l’objectif que nous nous sommes fixé avec Le plein intelligent. Nous avons conclu des partenariats avec plusieurs municipalités, y compris Terrace, en Colombie-Britannique, Surrey et North et South Vancouver, et avec plusieurs de nos membres qui ont adopté de façon proactive le programme en Ontario.
Canadian Tire, qui exploite les haltes routières le long de l’autoroute 401 avec ses commerces OnRoute, fait la promotion du programme Le plein intelligent sur ses téléviseurs à circuit fermé.
Je crois qu’il faut vraiment éduquer les gens pour qu’ils cessent de penser que les pétrolières les volent à la pompe lorsque le prix augmente, et c’est notre responsabilité. Toutefois, comment faire pour éduquer les consommateurs sur la fluctuation du prix et la modification de leurs comportements afin qu’ils conduisent un peu moins ou qu’ils prennent des décisions plus sages concernant leurs déplacements?
Vous avez raison de dire que, à mon avis, le Ford F-150 est le véhicule le plus vendu. Il consomme beaucoup, mais je crois que le gouvernement doit prendre en considération les comportements des consommateurs. Comment faire pour prendre en considération les comportements des consommateurs et sensibiliser le public? Il s’agit également d’un secteur très important pour l’économie canadienne, un secteur dans lequel nous devons agir avec beaucoup de prudence en matière de réglementation afin de ne pas le paralyser au détriment des Canadiens.
La présidente : Merci beaucoup pour cette intéressante conversation.
Reprenons. Bienvenue à la deuxième partie de cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude de la partie 5 du projet de loi C-74.
[Français]
Nous accueillons maintenant, de l’Association canadienne du ciment, M. Adam Auer, vice-président, Environnement et développement durable, et, de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie, Mme Isabelle Des Chênes, vice-présidente exécutive, et Mme Shannon Watt, directrice, Politique sur l’environnement et la santé.
[Traduction]
Merci d’avoir accepté notre invitation. Je vous invite à nous présenter votre exposé. Nous passerons ensuite à la période des questions et réponses.
Adam Auer, vice-président, Environnement et développement durable, Association canadienne du ciment : Madame la présidente, sénateurs et sénatrices, bonjour. Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui.
J’aimerais d’abord souligner que depuis plus d’une décennie, l’industrie canadienne du ciment milite pour l’adoption de mesures rigoureuses à l’égard des changements climatiques, y compris établir un prix pour le carbone. Permettez-moi de mettre cette déclaration en contexte, car je crois que cela vous rassurera quant à la capacité de la tarification du carbone à remplir sa promesse de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en protégeant la compétitivité de l’industrie canadienne.
L’Association canadienne du ciment représente tous les producteurs de ciment au pays. Notre industrie apporte 76 milliards de dollars en impact direct, indirect et induit et emploie, directement et indirectement, près de 160 000 Canadiens, principalement dans des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés.
Alors que les gouvernements canadiens se tournent vers la tarification du carbone, de nombreux centres d’études reconnus, y compris la Commission de l’écoefficacité du Canada, se sont penchés sur l’impact de la tarification du carbone sur la compétitivité et les résultats sont cohérents. Bien que, dans l’ensemble, l’impact de la tarification du carbone sur la compétitivité soit plutôt limité, certains secteurs courent de grands risques et le secteur du ciment est régulièrement parmi les secteurs les plus vulnérables.
D’ailleurs, le secteur du ciment est mondialement reconnu comme étant un secteur qui produit des émissions élevées et qui est exposé au commerce, ou un secteur EEEC. Puisque l’industrie canadienne du ciment milite pour l’adoption d’une tarification du carbone comme étant l’élément fondamental d’une bonne politique climatique, les détails sont importants.
Lorsqu’ils créent des systèmes de tarification du carbone, les gouvernements doivent tenir compte du fait que nos concurrents dans des marchés d’importation et d’exportation ne sont pas assujettis à de tels systèmes de tarification. Le fait de ne pas tenir compte de la compétitivité des secteurs EEEC crée des conditions inégales pour l’industrie canadienne et mène à des fuites de carbone. Les fuites de carbone sont le transfert des émissions et des activités économiques et investissements connexes vers des marchés qui ne subissent pas de pressions semblables sur la tarification du carbone.
J’aimerais vous donner un exemple concret. La taxe sur le carbone de 30 $ la tonne adoptée en Colombie-Britannique fait doubler le coût des combustibles fossiles utilisés dans la province pour alimenter les fours à ciment, ce qui a entraîné une perte importante de parts des marchés au profit des importations en provenance des États-Unis et de l’Asie.
Après que la province ait adopté sa taxe sur le carbone en 2008, les importations de ciment en Colombie-Britannique sont passées de moins de 6 p. 100 à plus de 40 p. 100, un sommet, entraînant la fermeture d’usines et la perte d’investissements dans des possibilités économiques en Colombie-Britannique, et, paradoxalement, une augmentation nette des émissions mondiales de GES associées à la production et au transport de ciment provenant de marchés d’importation.
L’industrie du ciment en Colombie-Britannique est une étude de cas sur la fuite du carbone. Heureusement, le gouvernement fédéral semble en avoir tiré des leçons.
Bien que nous n’en sommes qu’aux premières étapes de la consultation sur les détails entourant le traitement réservé par le fédéral aux secteurs EEEC en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, le cadre réglementaire proposé pour un système de tarification fondé sur le rendement adopte, en principe, une approche éprouvée pour limiter les fuites de carbone qui, nous l’espérons, reflétera trois mesures essentielles pour les secteurs EEEC et que l’on retrouve dans les systèmes de tarification de l’Alberta, de l’Ontario et du Québec.
Premièrement, ces systèmes utilisent un modèle de tarification fondé sur la production ou le rendement qui facture les secteurs EEEC uniquement pour les émissions qui surpassent un point de référence d’intensité du carbone sans escompte. Tant que ce point de référence initial demeure réaliste, cette approche offre une mesure incitative de marché uniforme et prévisible pour réduire les GES, continue d’offrir une souplesse à l’industrie pour composer avec les divers cycles de marché et offre une mesure de protection contre les coûts de conformité qui placeraient les secteurs EEEC dans une situation très désavantageuse par rapport à leurs concurrents étrangers.
Deuxièmement, tous les systèmes provinciaux font la distinction entre les émissions liées à la combustion, soit les émissions provenant de l’utilisation de combustibles pour alimenter les fours, et les émissions liées à la transformation, soit les émissions provenant de la réaction chimique au cœur du processus de fabrication du ciment, des émissions qui ne peuvent pas être réduites.
Troisièmement, tous ces systèmes recyclent une partie des revenus associés à la tarification du carbone pour accélérer l’investissement en capital afin de réduire les émissions de carbone dans les installations des secteurs EEEC. Ensemble, ces mesures peuvent s’avérer efficaces pour que la tarification du carbone appuie la transition ambitieuse et équilibrée vers une économie à faible émission de carbone, y compris les secteurs les plus vulnérables de l’économie canadienne.
En terminant, j’aimerais vous livrer deux dernières réflexions. Premièrement, nous sommes conscients, comme le gouvernement fédéral l’a lui-même reconnu, qu’à elle seule, la tarification du carbone ne permettra pas au Canada d’atteindre ses cibles en vertu de l’Accord de Paris. Des mesures complémentaires doivent être adoptées. Que ce soit la norme sur les carburants propres ou autre, ces mesures doivent être évaluées en tenant compte de la tarification du carbone afin de définir leur impact sur la compétitivité dans son ensemble pour ne pas nuire à l’intégrité du système de tarification du carbone.
Deuxièmement, en tant qu’acheteur important de biens et services, le gouvernement du Canada doit renforcer le message qu’envoie la tarification du carbone au marché vert en harmonisant l’approvisionnement, notamment l’approvisionnement en infrastructure pour l’atteinte des objectifs climatiques, grâce à une évaluation du cycle de vie du berceau au berceau pour intégrer les innovations en matière de carbone, y compris le ciment à faible teneur en carbone, au marché. Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.
La présidente : Merci.
[Français]
Isabelle Des Chênes, vice-présidente exécutive, Association canadienne de l’industrie de la chimie : Merci beaucoup, madame la présidente.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les membres du comité, merci. Nous vous sommes reconnaissants de cette occasion de témoigner devant le comité au nom des membres de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie. Je suis accompagnée de Shannon Watt, notre directrice de la politique sur la santé et l’environnement. Nous serons heureuses de répondre ensemble à vos questions.
L’industrie canadienne de la chimie joue un rôle essentiel dans l’économie canadienne. Avec des expéditions annuelles d’un peu plus de 53 milliards de dollars, le secteur pointe au quatrième rang des secteurs manufacturiers les plus importants. Nous exportons 75 p. 100 de notre production, ce qui fait de nous le deuxième plus important exportateur manufacturier du pays, après l’industrie automobile. Nous sommes directement responsables de 87 000 emplois et en soutenons 525 000 autres indirectement. Plus de 95 p. 100 de tous les produits manufacturés ont besoin de la chimie. Les percées dans des secteurs clés, comme les édifices verts, le transport durable, l’énergie propre et l’agriculture durable seraient impossibles sans la chimie.
À l’échelle mondiale, la chimie est une industrie de 5 billions de dollars avec un taux de croissance annuelle près de deux fois supérieur à la croissance du PIB des 10 dernières années. Selon les analystes, la demande de produits chimiques triplera au cours des 20 prochaines années. Grâce aux abondantes ressources à faible teneur en carbone du Canada, comme le gaz naturel et les liquides du gaz naturel, l’hydroélectricité et la biomasse, les produits chimiques canadiens génèrent 80 p. 100 moins de GES que ceux fabriqués dans certains marchés européens et asiatiques dont la charge d’alimentation est le pétrole brut ou le charbon.
Fabriquer des produits au Canada est bon pour l’environnement mondial.
L’ACIC et ses membres appuient les efforts déployés pour réduire les émissions mondiales de carbone et collaborent avec des représentants provinciaux et fédéraux pour que les politiques sur le carbone et les mécanismes de tarification améliorent le rendement environnemental, évitent une double réglementation et maintiennent la compétitivité du Canada.
En ce qui a trait au filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone, nous partageons la position suivante avec des représentants gouvernementaux : le Canada devrait soutenir une politique sur le carbone qui reconnaît les secteurs exposés au commerce et à forte intensité d’émissions et qui encourage les investissements dans l’industrie canadienne de la chimie. Compte tenu des investissements incroyables dans les innovations et technologies visant à améliorer le rendement en matière d’émissions atmosphériques et de changements climatiques, le processus de répartition de la production proposé devrait être axé sur l’étalonnage des opérations et du rendement de la chimie canadienne par rapport aux concurrents mondiaux.
Le gouvernement doit faire une analyse exhaustive des effets cumulatifs des politiques sur les changements climatiques, y compris la norme sur les carburants propres proposée.
Finalement, nous encourageons le gouvernement à utiliser les fonds recueillis par des plans précis de tarification du carbone afin de participer à des partenariats publics-privés visant à atténuer les coûts en capital élevés liés aux technologies à faibles émissions de carbone, au remplacement de l’équipement ou de l’infrastructure, aux nouvelles constructions et aux rénovations.
Comme l’a reconnu le rapport de ce comité sur la décarbonisation de l’industrie lourde, le Canada est avantagé par la production d’énergie à faibles émissions de carbone. C’est pourquoi les investissements dans la chimie canadienne permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale et contribueront de façon positive à l’économie faible en carbone du Canada.
Nous appuyons l’adoption d’une tarification du carbone et d’une politique sur les changements climatiques qui reconnaît la concurrence exercée par les endroits où il n’y a pas de tarification du carbone. Nous ne voulons pas payer deux fois pour nos émissions de carbone. Nous voulons des politiques qui soutiennent l’industrie dans l’obtention d’investissements dans toutes les dernières technologies.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, puisque le temps est limité, je vais m’arrêter ici et répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup. Nous allons donc amorcer notre première série de questions.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence ce matin.
[Traduction]
C’est un sujet qui suscite beaucoup d’intérêt, un sujet quelque peu complexe. Vous dites que, selon le plan, le point de référence sera établi à 70 p. 100 de la moyenne canadienne et que vous serez donc assujettis à une taxe de 30 p. 100 sur le carbone. Vous tentez tous les deux de nous sensibiliser au fait que cela pourrait nuire à votre compétitivité par rapport aux États-Unis et aux autres pays où il n’y a pas une telle taxe sur le carbone. Je crois que vous avez été très clairs à ce sujet.
Vous avez fait référence à l’expérience Washington-Colombie-Britannique. Certaines études menées par des spécialistes ont conclu qu’il ne s’agissait pas d’une concurrence déloyale par rapport aux importations, qu’il y avait essentiellement d’autres facteurs qui entraient en ligne de compte. Je tiens à le souligner pour que les gens comprennent.
Concernant le ciment, à combien correspond cette taxe de 30 p. 100? Autrement dit, vous allez payer 30 p. 100 du point de référence, alors que les importations des États-Unis ne seront pas assujetties à un coût similaire. À combien cela s’élève-t-il, en dollars, par rapport à votre prix des extrants? Est-ce un montant élevé? Parle-t-on de 5, de 1 ou de 20 p. 100? Avez-vous une idée?
M. Auer : Pour répondre à votre première question, je vous référerais à des études qui disent le contraire.
Le sénateur Massicotte : Il y a des études qui se contredisent.
M. Auer : Il y a de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte, mais il ne fait aucun doute qu’en Colombie-Britannique — et cela répond à votre deuxième question —, la taxe de 30 $ la tonne fera augmenter le prix du ciment d’environ 10 $ la tonne, ce qui représente une faible marge sur des marchandises différenciées.
Le sénateur Massicotte : Cela correspond à quel pourcentage du prix de vente?
M. Auer : À moins de 10 p. 100, pour une taxe de 30 $ la tonne.
Le sénateur Massicotte : À 30 $ la tonne?
M. Auer : À 30 $ la tonne en Colombie-Britannique.
Le sénateur Massicotte : Donc, à 10 p. 100, on parlerait de 2 ou 3 p. 100 de votre prix des extrants?
M. Auer : Je ne suis pas certain de bien comprendre…
Le sénateur Massicotte : J’ai pris votre chiffre et je l’ai divisé en trois. Vous avez commencé à 10 $ la tonne. Donc, en utilisant le même multiple…
M. Auer : Ce que je dis, c’est que le prix du ciment s’établit à environ 107 $ en moyenne au pays. Si une taxe de 30 $ la tonne applicable uniquement au prix du carburant fait augmenter le prix de vente de 10 $, alors…
Le sénateur Massicotte : Vous serez taxés uniquement dans la mesure où vous dépassez la moyenne canadienne de 70 p. 100.
M. Auer : Je parle ici de la situation en Colombie-Britannique.
Le sénateur Massicotte : Quelle est la différence par rapport à l’exemple fédéral?
M. Auer : L’impact serait beaucoup plus important, car le 70 p. 100 proposé s’applique à la fois aux émissions liées à la transformation et à la combustion. Les émissions liées à la transformation représentent plus de 60 p. 100 de toutes nos émissions. La taxe de 30 $ la tonne en Colombie-Britannique ne s’applique que sur le carburant. Cette taxe entraîne une augmentation de 10 $ la tonne pour 30 p. 100 de nos émissions.
Dans le modèle fédéral, le point de départ, et j’espère que ce ne sera pas le pourcentage final, est de 30 p. 100 des émissions totales, soit les émissions liées à la transformation et celles liées à la combustion. À environ 30 $ la tonne, et jusqu’à 50 $ la tonne en 2020, le prix est triplé pour les émissions.
Le sénateur Massicotte : Je viens de Montréal où un important joueur a commencé ses activités il y a un an, je crois, un joueur fortement subventionné par les gouvernements. Comment cela entre-t-il en ligne de compte? Vous dites que la taxe sur le carbone est injuste, car certains organismes internationaux ne sont pas assujettis à une taxe similaire. Parallèlement, ils ont accès à des capitaux peu dispendieux. Comment cela les rend-il concurrentiels ou non concurrentiels lorsque l’on tient compte de tout l’impact qu’ont leurs gouvernements sur leurs prix?
M. Auer : Je ne peux pas vraiment m’exprimer sur la situation de l’entreprise McInnis. L’entreprise n’est pas membre de l’Association canadienne du ciment. Elle ne fonctionne pas encore à plein rendement. Un des règlements de l’association est que, pour être membre, une entreprise doit fonctionner à plein rendement.
L’entreprise n’est pas un membre de l’association. Je ne peux donc pas m’exprimer sur cette situation.
Le sénateur Massicotte : J’essaie de comprendre l’industrie de la chimie. Le gaz naturel constitue la principale charge d’alimentation de l’industrie. Si l’on regarde le coût de production — et je généralise — pour toute l’industrie, environ 22 p. 100 de toutes les émissions de carbone liées à ces produits proviennent de l’extraction et de la production. Cependant, pour un baril de pétrole et de gaz — un seul baril — si je vais jusqu’à la fin du processus et que je le brûle, on parle de 100 p. 100. Si je l’utilise pour fabriquer un produit chimique, comment cela se compare-t-il à la combustion de l’essence? Est-ce que vous émettez beaucoup de carbone dans le cadre de ce processus, après l’achat de la charge d’alimentation?
Mme Des Chênes : Oui, nous émettons du CO2.
Pour répondre à votre question précédente au sujet de la moyenne canadienne et de l’impact sur l’industrie, il est très difficile de fixer un prix en ce moment, car l’industrie est très unique. Contrairement à certains secteurs où il y a moins de variables, dans le secteur de la chimie, certains produits chimiques créés pour la fabrication du polyéthylène, par exemple, utilisent une charge d’alimentation différente ou d’autres bioproduits, comme l’acide succinique biologique produite dans nos installations de Sarnia. Il est difficile de vous donner un coût moyen.
Concernant le point de référence et le 30 p. 100, dans certains cas, une seule usine au Canada fabrique un produit chimique donné. Si vous prenez la moyenne canadienne pour ce produit chimique, l’usine le fabrique en utilisant une charge d’alimentation à faible coût et à faible émission de carbone. La comparaison avec d’autres régions où le coût du carbone est plus élevé pour la charge d’alimentation est injuste. Il devient alors encore plus difficile de réduire ces émissions sans investissements supplémentaires importants.
Le sénateur Massicotte : Je vais attendre à la prochaine série de questions.
Le sénateur Wetston : Merci d’avoir accepté notre invitation. J’aurais une question d’ordre général à vous poser à tous les trois. Nous comprenons le rôle essentiel que jouent les produits chimiques et le ciment au pays, peut-être même à l’échelle mondiale. Je suis un sénateur de l’Ontario et, dans la région du Grand Toronto, on est sur le point de terminer la construction de plus de 300 nouveaux immeubles de grande hauteur. Si je ne m’abuse, il y aura 350 ou 360 de ces immeubles d’ici 2019 dans la région du Grand Toronto. Imaginez la quantité de ciment et de produits chimiques nécessaire pour ces constructions. Je crois que vous savez où je veux en venir.
Nous menons une étude préliminaire sur ce projet de loi. Nous tentons — enfin, je tente — de comprendre les conséquences générales pour vos secteurs respectifs. Vous nous les avez décrits en termes généraux. Pour revenir aux questions du sénateur Massicotte, une des choses qui m’inquiètent, c’est les gaz à effet de serre, un dossier important, et notre comité étudie la réduction des gaz à effet de serre pour les changements climatiques, notamment.
Je m’inquiète des pertes des entreprises au profit des États-Unis. Je m’inquiète également que certaines entreprises de votre industrie déménagent chez nos voisins du Sud. Est-ce probable? Est-ce possible? Je sais où le sénateur Massicotte voulait en venir — notamment les taux d’échange favorables —, mais je ne suis pas convaincu que nous ayons vu l’impact des taux d’échange favorables sur le commerce. Nous sommes conscients qu’il y a d’autres problèmes chez nos voisins du Sud.
Auriez-vous un commentaire d’ordre général à formuler sur la question? Ces pertes pour les entreprises au profit des États-Unis vous inquiètent-elles?
Mme Des Chênes : Adam a parlé des fuites du carbone. Nous nous inquiétons beaucoup de la fuite des investissements. Comme nous l’avons déjà dit lors de témoignages précédents, au cours du dernier cycle d’investissement ou d’affaires, plus de 350 milliards de dollars ont été investis en Amérique du Nord, et ces fonds ont été investis dans 300 projets aux États-Unis. Ce n’est qu’à la fin de l’année que nous avons pu enregistrer deux investissements importants au Canada. Nous sommes bien en deçà de la moyenne habituelle d’au moins 10 p. 100 des investissements faits aux États-Unis. C’est une chose qui nous inquiète.
Lorsqu’on parle de l’idée de la double réglementation — et nous sommes plutôt à l’aise avec la législation actuelle. Le problème, c’est les règlements connexes. Plusieurs règlements ont été déposés. Il faut aussi travailler avec les provinces. Dans certains cas, on ne fait qu’ajouter des coûts et on finirait par payer deux fois pour le carbone.
Au cours des deux prochaines années, environ 12 milliards de dollars pourraient être investis au Canada, mais il est probable que ces investissements iront aux États-Unis, étant donné l’incertitude actuelle qui entoure la question des règlements.
Shannon Watt, directrice, Politique sur l’environnement et la santé, Association canadienne de l’industrie de la chimie : J’ajouterais que ces investissements s’accompagnent d’emplois et permettent d’améliorer la situation économique. Pour l’industrie de la chimie — et on le voit —, il n’y a pas de réductions graduelles. C’est un changement par étape. Ces investissements permettent d’avoir accès à la technologie de pointe et à ce qu’il y a de mieux. Nous avons besoin de ces investissements pour continuer de réduire nos émissions. C’est très important pour les emplois, mais aussi pour les GES.
M. Auer : Je dirais sensiblement la même chose, mais j’ajouterais qu’il existe déjà un processus qui fonctionne. Nous avons toujours dit qu’il est possible de concevoir des systèmes qui fonctionnent, et l’Ontario en est un bon exemple, car la province a rempli les trois critères que j’ai mentionnés dans mon exposé. Nous avons un point de référence réaliste et des quotas ont été établis jusqu’à ce point de référence. Les différences entre les émissions liées à la transformation et à la combustion sont reconnues. Il y a effectivement une baisse subite — le niveau d’intensité et le point de référence que nous devons atteindre baissent rapidement —, soit 4,75 p. cent par année, ce qui, sur une période de quatre ans, équivaut presque aux réductions que nous avons atteintes depuis les années 1990. Ce n’est pas rien.
De plus, les revenus provenant du système de plafonnement et d’échange ont été réinvestis dans la technologie pour que lorsque nos investisseurs et sièges sociaux — qui ne sont pas au Canada — cherchent des possibilités d’investissement, l’environnement en Ontario devient attrayant, car il est orienté vers la réduction des GES.
Le sénateur Wetston : Ce que propose ce projet de loi de mise en œuvre du budget vous est familier. Si je ne m’abuse, vos industries seraient assujetties à un système de tarification axé sur le rendement. Nous tentons tous de comprendre.
La Californie a adopté un système de plafonnement et d’échange important. D’autres États examinent également des options de système malgré l’absence d’une taxe fédérale sur le carbone. Vous seriez mieux placé que moi pour comprendre la situation.
La structure de ce projet de loi concernant le seuil de rendement en matière d’émissions, notamment, crée-t-elle des problèmes pour vos secteurs respectifs? Auriez-vous un conseil à formuler au comité dans le cadre de cette étude préliminaire du projet de loi?
Mme Watt : Certainement. J’ajouterais deux choses. La moyenne pondérée de 70 p. 100 est la plus limitante au monde. Il s’agit d’un point de départ intéressant pour créer des normes de rendement axées sur les émissions. Nous devons démontrer que ce n’est pas convenable et que nous sommes un secteur qui produit des émissions suffisamment élevées et qui est suffisamment exposé au commerce. La mesure fixe pour nous des critères intéressants en trois étapes.
L’autre chose, c’est la moyenne mondiale. Comme l’ont souligné mes collègues, nous avons parfois une ou deux installations qui fabriquent le même produit en suivant des processus différents. Puisque nous avons une charge d’alimentation à faible émission de carbone, un réseau d’électricité verte et de la biomasse au Canada, nous ne pouvons pas nous comparer entre nous. Nous devons regarder ailleurs et, à cet égard, l’industrie de la chimie au Canada se porte très bien. Nous devrions encourager les investissements au pays. Il y a des investissements, mais nous voulons que ceux-ci soient faits au Canada, car cela permettrait de réduire les émissions de GES comparativement à si les fonds étaient investis ailleurs.
La présidente : Je suis d’accord avec vous.
Monsieur Auer, si le gouvernement, dans le cadre de son processus d’approvisionnement, exigeait que le ciment respecte une certaine empreinte carbone ou un processus à faibles émissions de carbone, et si un code du bâtiment exigeait que dans la recherche de contrats pour les nouveaux édifices, on demande du ciment à empreinte carbone réduite, cela aiderait-il?
Votre industrie est une grande émettrice de carbone, et vous serez exposés. D’autres mesures peuvent être prises en parallèle pour atténuer les effets sur votre industrie. Pourriez-vous nous suggérer d’autres initiatives qui pourraient aider votre industrie à atténuer l’impact de cette taxe?
M. Auer : Absolument. Comme vous le savez, j’ai comparu devant ce comité dans le cadre de l’étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Nous avons insisté sur le fait que l’infrastructure est importante pour encourager les réductions non seulement dans notre secteur, mais également dans l’ensemble du milieu de la construction.
J’aimerais mentionner deux choses. Tout d’abord, oui, il existe aujourd’hui des ciments à faibles émissions de carbone et nous avons demandé aux gouvernements de faire en sorte que l’infrastructure du marché qui fournit ce ciment soit élargie et qu’elle remplace celle du ciment à teneur élevée en carbone qui est utilisé aujourd’hui. Cela représente une possibilité de réduction d’une mégatonne à l’échelle du Canada.
Ces mesures se concentrent sur les matériaux. Nous avons favorisé un processus décisionnel plus complexe fondé sur l’infrastructure qui tient compte des gaz à effet de serre pendant le cycle de vie. Les matériaux représenteraient une partie de cette analyse, mais il faut également tenir compte des répercussions opérationnelles, des répercussions de fin de vie et de toutes les répercussions dans la chaîne de valeur.
Chaque étape du cycle de vie offre différentes occasions de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui sont très importantes. On parle beaucoup des revêtements, car c’est toute une réussite pour notre secteur. En effet, les revêtements de ciment rigide ont une teneur moins élevée en gaz à effet de serre, mais ils aident également à épargner du carburant, car ils rendent la conduite plus efficace. Cela contribue beaucoup à la réduction des gaz à effet de serre.
On peut aborder les édifices, les ponts et tous les types d’infrastructure de la même façon. En effet, ils ont tous des caractéristiques liées aux gaz à effet de serre qui peuvent être cernées dans l’évaluation du cycle de vie.
On peut également examiner l’autre côté du changement climatique, c’est-à-dire l’adaptation climatique. Il s’agit de déterminer comment équilibrer les mesures de réduction de gaz à effet de serre et les coûts liés au cycle de vie avec la nécessité de construire une infrastructure pour un nouveau climat, car elle sera différente de celle à laquelle nous sommes habitués.
La présidente : Merci beaucoup. Je vous ai posé une question sur ce sujet en raison d’une étude que nous menons. Vous avez présenté ces points, mais nous sommes maintenant saisis d’un projet de loi. Ce sont deux choses indépendantes. J’aimerais que vous répétiez ces choses, car si nous envisageons d’apporter un amendement ou même de formuler une observation, il nous faut des données probantes. J’ai remarqué que vous ne nous aviez pas remis de document. Serait-il possible de nous faire parvenir un mémoire écrit?
M. Auer : Il devrait y avoir un exemplaire en circulation. J’ai fourni quelques exemplaires.
La présidente : D’accord.
M. Auer : Je serai heureux de faire un suivi électronique.
La présidente : Avez-vous des commentaires liés à ceux que vous avez formulés lorsque vous avez comparu dans le cadre de notre étude sur les grands émetteurs ou sur l’industrie chimique?
Mme Des Chênes : C’est plus difficile pour nous dans le cadre de l’approvisionnement écologique, car les produits chimiques sont dans tous les produits. Il faut comprendre que les produits que nous fabriquons contribuent à l’économie à faibles émissions de carbone et qu’il y a certainement des éléments dans les produits que nous fabriquons — un de nos membres fabrique un additif qui permet de diminuer les gaz à effet de serre dans la production d’un ciment écologique, mais il permet également de prolonger la durée de vie du ciment.
Si on pense aux solutions énergétiques de rechange, on constate que ce sont les produits chimiques et les plastiques qui aident réellement à prolonger la durée de vie des batteries et à construire des véhicules, des turbines éoliennes et des panneaux solaires légers. Lorsque Mme Watt dit que l’investissement est important, il s’agit de s’assurer que nous pouvons utiliser les meilleures technologies pour réduire nos émissions. Nous avons déjà accompli beaucoup de travail depuis 1992 pour les réduire de presque 70 p. 100.
C’est également important, car cela nous permet de continuer d’utiliser les meilleures technologies existantes, de perfectionner les processus et de mettre au point des innovations pour contribuer à alimenter l’économie à faibles émissions de carbone.
Nous sommes un contributeur important. Au Canada, nous avons un avantage lié aux faibles émissions de carbone en raison de nos matières premières et de nos combustibles et au fait que notre société est très réglementée comparativement à d’autres pays. Je crois que nous pouvons être fiers de pouvoir fabriquer ces produits de façon durable au Canada.
La présidente : Merci.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie des exposés. J’aimerais poser trois brèves questions.
Tout d’abord, madame Watt, je crois que vous avez dit que cette norme de 70 p. 100 ne se trouve dans aucun autre système fondé sur la production ailleurs dans le monde. Cette norme est-elle dans le projet de loi? Par quelle autre norme devrions-nous la remplacer?
M. Auer : Elle se trouve dans le cadre de réglementation.
Le sénateur Patterson : C’est ma deuxième question.
Le 1er janvier 2019 approche à grands pas dans le monde de la bureaucratie, et je crois que la sénatrice Cordy a dit plus tôt que ce projet de loi contenait un cadre de travail et que le diable est dans le détail. Je présume qu’à titre de législateur, cela me fait sentir un peu impuissant, car nous n’avons aucun moyen d’examiner les règlements. Il existe un comité qui examine les règlements, mais il a des années de retard sur son travail. Je ne sais même pas si ses membres aborderont ce système fondé sur la production.
Nous sommes préoccupés par la santé de nos solides industries tributaires du commerce au Canada. À votre avis, quand saurez-vous où ces consultations sur le système fondé sur la production se dérouleront? Nous sommes censés adopter le projet de loi avant le mois de juin. C’est un projet de loi sur le budget. C’est la façon dont cela fonctionne chaque année. Saurons-nous où vous en êtes et si on vous a respectueusement consultés? À quoi ressemble la situation?
M. Auer : C’est ce que nous espérons. Nous avons tous activement collaboré avec Environnement et Changement climatique Canada et nous avons récemment présenté notre première série de données au ministère pour qu’il commence l’analyse. Le plan consiste essentiellement à soumettre les secteurs tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions qui ont été cernés à un test de compétitivité qui donnera à certains secteurs le droit de dépasser le seuil de 70 p. 100.
Nous avons lancé ce processus. Nous nous attendons à recevoir, au cours des prochaines semaines, une ébauche de réponse sur laquelle nous pourrons formuler des commentaires. Manifestement, nous n’aurons probablement pas une version définitive de la réglementation au début de l’été, mais nous devrions avoir une bonne idée de l’opinion du ministère sur cet enjeu très important.
Le sénateur Patterson : Puis-je suggérer, madame la présidente, de demander aux représentants d’industries qui sont présents d’informer le comité, par l’entremise de la greffière, de leurs progrès? C’est un processus que nous ne connaissons pas dans nos fonctions de législateurs. Nous ne savons pas à quoi ressemblent les ébauches de propositions. Seriez-vous en mesure de tenir les membres du comité au courant de l’évolution de la situation?
M. Auer : Oui.
Le sénateur Patterson : Dans le cadre de notre étude sur les effets de la tarification du carbone, nous avons reçu un mémoire d’une entreprise fascinante appelée Carbon Cure, de Halifax. Je crois que vous en avez parlé en disant qu’il s’agissait d’un nouveau ciment écologique. En effet, il est plus solide et il séquestre le carbone dans le processus de fabrication.
Monsieur Auer, je crois que vous avez dit que cette nouvelle technologie pourrait être rendue obligatoire. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire? Faisiez-vous référence à des technologies comme Carbon Cure? Que vouliez-vous dire lorsque vous avez dit qu’elle pourrait être rendue obligatoire?
M. Auer : Le ciment à faibles émissions de carbone auquel je faisais référence n’est pas Carbon Cure. Nous connaissons ce produit et nous avons de bonnes relations avec Carbon Cure. Je parlais d’un produit différent, c’est-à-dire le ciment Portland au calcaire.
Au Canada, ce ciment est connu sous la marque Contempra, et il réduit efficacement la quantité d’éléments à teneur élevée en carbone dans la composition du ciment.
Les principes consistant à favoriser les innovations en matière de faibles émissions de carbone par l’entremise du processus d’approvisionnement s’appliqueraient à Carbon Cure, tout comme à d’autres technologies de capture du carbone qui ne sont toujours pas commercialisées. Comme vous pouvez le comprendre, les codes, les normes et les règlements liés à l’infrastructure sont très complexes et évoluent lentement. L’une des choses qui nous préoccupent — car nous avons de la difficulté à obtenir une technologie relativement simple, c’est-à-dire une recette de ciment différente sur le marché, même si on la reconnaît déjà dans les codes du bâtiment —, c’est que comme dans le cas d’autres technologies, comme les technologies de capture du carbone qui proposent des modifications plus radicales à nos matériaux, la capacité des codes du bâtiment et du marché de s’ajuster à ces nouvelles technologies influencera énormément la vitesse à laquelle elles entreront sur le marché et la rapidité avec laquelle nous pouvons profiter des réductions en matière de gaz à effet de serre pour remplir nos obligations de conformité dans le cadre de systèmes de tarification du carbone.
Le sénateur Patterson : Monsieur Auer, êtes-vous en train de dire que le Canada a un programme d’infrastructure de plus de 100 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années? Une grande quantité de ciment sera utilisée par l’entremise de ces milliards de dollars dépensés dans le cadre de l’initiative fédérale.
Êtes-vous en train de dire que si on exigeait que tout édifice ou que tout grand projet de construction utilise du ciment à faibles émissions de carbone, cela favoriserait cette technologie?
M. Auer : C’est ce que j’ai dit, et j’ai dit qu’un processus décisionnel davantage axé sur le cycle de vie permettra de cerner d’autres occasions de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Oui, c’est le bon moment. Comme vous le dites, les niveaux d’investissements dans l’infrastructure sont générationnels et la tarification du carbone ne réussira pas, à elle seule, à éliminer les gaz à effet de serre. Il faut concevoir l’infrastructure différemment. Il faut aborder la question de l’infrastructure en tenant compte du climat, afin d’être en mesure de saisir les énormes occasions qui se présentent de réduire les gaz à effet de serre par l’entremise de ces investissements.
La sénatrice Cordy : J’aimerais poser une brève question. Vous avez parlé du cycle de vie du ciment et c’est extrêmement important. Je suis d’accord; il faut en tenir compte.
Quel est le cycle de vie du nouveau ciment à faibles émissions de carbone? Est-il similaire au cycle actuel ou…
M. Auer : En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre?
La sénatrice Cordy : Oui.
M. Auer : Il produit 10 p. 100 moins de gaz à effet de serre par tonne.
La sénatrice Cordy : Quel est son cycle de vie? Ce ciment est-il aussi durable?
M. Auer : C’est fonctionnellement équivalent au ciment que nous utilisons aujourd’hui.
La présidente : Comme le sénateur Patterson l’a demandé, nous tiendrez-vous au courant de vos discussions au sujet du projet de loi et de votre position à cet égard? Et pourriez-vous mettre ce que vous avez dit par écrit? Comme je l’ai mentionné, nous menons une étude, mais c’est un enjeu distinct. Actuellement, nous évaluons le projet de loi C-74.
Mme Watt : Le secteur des produits chimiques représente une position intéressante, car la plupart de nos installations sont situées dans les quatre provinces qui ont déjà une taxe sur le carbone. En ce qui concerne les normes de rendement fondées sur la production, nous ne ferons pas l’objet d’un examen pendant les deux ou trois prochaines années. Nous avons de la difficulté à formuler des commentaires sur ce projet de loi, car nous ne savons pas comment nous serons touchés.
Votre comité a également l’occasion d’examiner les effets cumulatifs d’autres initiatives fédérales. La norme sur le carburant propre est probablement notre principale préoccupation en raison des coûts qui s’ajouteront à notre industrie, et nous n’aurons pas l’occasion de faire des réductions sur le site. En effet, puisque nous faisons partie du secteur des IECIE, la norme sur les carburants propres nous sera transférée et nous ne pourrons pas transférer ces coûts. Essentiellement, nous aidons d’autres organismes à payer leur propre conformité. Cette norme nous touchera et nous aimerions certainement mieux comprendre ses effets et il faudrait mener une analyse économique à cet égard.
La présidente : Merci.
M. Auer : Je suis absolument d’accord. J’ai tenté de faire valoir ces points dans mon exposé. On peut examiner les effets du système de taxation du carbone sur la compétitivité, mais ce n’est pas la seule politique liée au climat qui est envisagée dans le cadre pancanadien et même à l’extérieur de ce cadre. De plus, nous nous concentrons davantage sur la norme sur le carburant propre, car ses effets sur notre secteur pourraient être beaucoup plus importants que ceux de la tarification du carbone.
La présidente : Merci.
Le sénateur Mockler : J’aimerais emprunter une partie des commentaires du sénateur Wetston, comme je les ai entendus plus tôt, et même ce matin. De plus, j’emprunterai une idée du sénateur Neufeld au sujet de Fred et Martha, les citoyens ordinaires qui paieront pour cela au bout du compte.
Il est très difficile de comprendre ce qui se produira. Je sais que nous devons faire quelque chose relativement aux évènements qui se sont produits ce matin à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Lorsqu’on pense à ce qui s’est produit à Calgary il y a quelques années et à ce qui se produit dans l’Est du Canada actuellement, c’est-à-dire les inondations, tous les Canadiens ont certainement des raisons d’être préoccupés par le changement climatique.
Lorsque je compare la taxation du carbone au système de plafonnement et d’échange, et lorsque je tiens compte de la taxe sur le carbone au Canada, je constate que les émissions ont continué d’augmenter. Prenez l’exemple de la Colombie-Britannique. En effet, les résidants de cette province paient maintenant plus cher pour leur essence que partout ailleurs en Amérique du Nord. On devient perplexe lorsqu’on pense à l’Est du Canada. Je ne veux pas vous parler des deux pipelines. Lorsqu’il s’agit des contribuables du Nouveau-Brunswick — nous sommes tous des contribuables du Nouveau-Brunswick —, nous pensons à ce qui se produit actuellement avec la taxe sur le carbone. Nous payons plus cher pour l’essence, et nous payons plus cher pour les valeurs familiales quotidiennes, par exemple pour amener nos enfants jouer au hockey. Je pourrais vous fournir toute une liste des choses que nous faisons. Je sais que vous le savez, mais en ce moment, je vous donne le choix entre la taxation du carbone et le système de plafonnement et d’échange. Lequel choisiriez-vous?
M. Auer : Nous croyons que les deux systèmes peuvent fonctionner, mais nous préférons le système de plafonnement et d’échange pour diverses raisons. L’une de ces raisons, c’est que le prix est fonction d’un objectif en matière d’émissions. Je suis sûr que vous l’avez déjà entendu, mais le compromis entre la taxation du carbone et le système de plafonnement et d’échange, c’est que l’un vous offre une certitude sur la réduction des émissions et l’autre vous offre une certitude sur les prix.
Pour les affaires et les investissements à long terme, malgré tout ce qui peut arriver au marché et tous les changements qui peuvent se produire au sein du gouvernement, un système de plafonnement permet de prévoir la trajectoire de votre industrie à long terme. Manifestement, le système de plafonnement et d’échange peut faire l’objet de liens et les systèmes de plafonnement et d’échange de l’Ontario, du Québec et de la Californie sont liés. Cela permet de réduire le coût des crédits de conformité. C’est très efficace sur ce plan. On constate qu’il est plus efficace pour trouver les plus grandes réductions de carbone. Ce sont les deux points principaux. Nous pensons que les deux systèmes peuvent fonctionner.
Mme Des Chênes : Je vais commencer, et Mme Watt pourra ensuite vous fournir plus de détails. Nous sommes d’accord avec M. Auer, c’est-à-dire que les deux systèmes pourraient fonctionner. Selon nous, cela dépend de la certitude et de la compréhension des systèmes.
Comme le témoin précédent l’a souligné, le système d’échange et de plafonnement peut être complexe. Lorsque des installations sont exploitées dans chaque province, et que d’autres provinces qui ont peut-être seulement une petite installation feront face à certains règlements fédéraux, il devient plus difficile de comprendre les divers éléments.
Mme Watt : Pour nous, cela dépend de l’installation et de l’entreprise.
Selon la façon dont fonctionne l’installation et selon l’endroit où elle est située, on préférera l’un ou l’autre système.
J’aimerais préciser qu’il s’agit de la taxe sur le carbone, mais également d’un certain type de mesures de redressement pour les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, comme un système en Alberta qui prévoit une redevance et une indemnité fondée sur la production. S’il s’agissait seulement de la taxe sur le carbone, nous ne serions probablement pas aussi enthousiastes. S’il y a un mécanisme qui vise les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions et les enjeux liés à la compétitivité, nous sommes d’accord avec l’un ou l’autre. Et encore une fois, nous appuyons la tarification du carbone.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Monsieur Auer, j’aimerais avoir une précision. Quand vous avez parlé de la modification des codes d’habitation et du fait qu’on devrait penser autrement la construction des infrastructures, vous avez fait référence à un aspect générationnel. Je suppose que vous parlez des changements dans les types de construction ou dans les matériaux. Pourriez-vous préciser vos propos? C’est l’aspect générationnel à titre d’opportunité qui m’a frappée dans votre exposé.
[Traduction]
M. Auer : Lorsque j’ai mentionné la notion d’une occasion générationnelle, cela signifiait le montant de l’investissement prévu pour l’infrastructure. Nous n’avons pas vu ce niveau d’investissement dans l’infrastructure depuis très longtemps. Nous ne le reverrons probablement plus pendant très longtemps. L’infrastructure construite avec ces fonds durera des décennies ou plus longtemps.
Toutes les décisions que nous pouvons prendre maintenant pour réduire les gaz à effet de serre auront des effets durables.
La présidente : Je ne vois aucune autre question des sénateurs. J’aimerais remercier les témoins.
(La séance est levée.)