Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 3 - Témoignages du 19 avril 2016
OTTAWA, le mardi 19 avril 2016
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 9, pour examiner les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
La sénatrice Elizabeth Hubley (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour. Je suis Elizabeth Hubley, sénatrice de l'Île-du-Prince-Édouard, et j'ai le plaisir de présider la séance d'aujourd'hui. Avant de céder la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
La vice-présidente : Le comité poursuit son étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Nous abordons aujourd'hui la question du déclin des montaisons du saumon atlantique sauvage sur la côte Est du Canada.
Nous avons le plaisir d'accueillir l'ancien président et l'ancien vice-président du Comité consultatif ministériel sur le saumon de l'Atlantique du MPO, M. Greg Roach, entrepreneur, Greg Roach Fisheries Services, ainsi que M. R. William (Bill) Taylor, président de la Fédération du saumon atlantique.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je crois que vous avez chacun une déclaration préliminaire. Afin que nous puissions consacrer le plus de temps possible à la discussion, je vous demande de bien vouloir limiter la durée de vos déclarations préliminaires à 12 minutes au total.
Vous avez la parole.
Greg Roach, entrepreneur, Services des pêches, Greg Roach Fisheries Services : Merci, mesdames et messieurs. Je tiens d'abord à vous dire que nous sommes très heureux que vous examiniez la question du saumon sauvage de l'Atlantique, qui est importante pour le Canada atlantique et le Québec et qui nous tient beaucoup à cœur, à Bill et à moi. Je vais vous parler un peu du comité qui a travaillé au rapport le printemps dernier.
La ministre Shea a annoncé la création du comité en décembre 2014 en raison de très mauvaises montaisons du saumon atlantique au fil des ans. Des problèmes sont constatés depuis des décennies, notamment sur le plan de l'habitat, à cause de la construction de barrages sur les rivières, de la production d'électricité, des barrages de scierie, du flottage du bois et de nombreuses activités qui se déroulent dans le milieu naturel.
Le problème des pluies acides a aussi beaucoup nui à certaines rivières, en particulier en Nouvelle-Écosse, où on considérait que le saumon atlantique était disparu de plusieurs rivières de la côte sud.
Les pratiques d'utilisation des terres, comme l'agriculture et la foresterie, ont eu de lourdes conséquences, au fil des ans, sur les voies d'eau naturelles. Le déclin s'est poursuivi.
En 2014, on a constaté que la situation était particulièrement grave dans la rivière Miramichi et d'autres rivières des Maritimes, du Labrador et du Québec; cela a attiré l'attention du MPO et de la ministre Shea. C'est à ce moment-là qu'elle a annoncé la création du comité dont il est question aujourd'hui.
Le comité, dont j'étais le président et Bill, le vice-président, était composé de neuf membres représentant le Québec, Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Tous les membres avaient des connaissances dans le domaine du saumon atlantique, parfois une expérience professionnelle acquise tout au long de leur carrière. Ils avaient d'excellentes connaissances. Le comité lui-même a été très utile pour examiner les questions liées au saumon sauvage de l'Atlantique, et en plus, nous avons décidé d'entreprendre une démarche consultative au Canada atlantique.
Nous nous sommes rendus à Moncton, Halifax, St. John's et Québec. Dans chaque ville, nous avons entendu des représentants de groupes de pêcheurs récréatifs, d'organismes de conservation, de collectivités locales et d'associations de protection des rivières. À chaque endroit, nous avons aussi invité des spécialistes du gouvernement, du secteur privé ou du milieu universitaire à venir nous parler. Nous avons invité toutes les personnes ayant des connaissances dans le domaine du saumon sauvage de l'Atlantique. Nous avons accepté les recommandations en ligne et celles qui nous étaient soumises directement en personne.
Au total, le comité en entendu environ 80 témoignages et reçu de nombreux mémoires. Nous avons demandé aux intervenants d'axer leurs observations sur les domaines visés par le mandat du comité : la conservation, la mise en application et la prédation. Le problème de la prédation découle du changement de la répartition des espèces dans l'habitat du saumon sauvage de l'Atlantique et de l'augmentation d'espèces qui ciblent le saumon. On s'inquiète surtout de diverses espèces de phoques, du bar rayé — dont la population est en pleine croissance après avoir été faible pendant des années —, des oiseaux de mer et de l'achigan à petite bouche. Le mandat du comité comportait aussi des volets sur la recherche scientifique et sur les pêches internationales.
Les membres du grand public, de groupes de conservation et d'associations pour la défense des rivières que nous avons invités à venir témoigner devaient s'en tenir aux concepts énoncés dans le mandat du comité et recommander des solutions aux problèmes cernés afin de mettre en valeur le saumon sauvage de l'Atlantique.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons réuni l'information qui nous avait été présentée et nous avons formulé 61 recommandations. Je dois dire que le comité, après les consultations, a discuté en détail de ces recommandations lors de ses réunions. Les 61 recommandations ont fait l'objet d'un consensus ralliant les experts de toutes les provinces de l'Est canadien de même que Bill et moi. Elles figurent dans le rapport; je crois que vous l'avez devant vous. Je vais passer rapidement en revue certains faits saillants.
Au chapitre de la conservation, nous préconisons de nouveaux investissements dans l'amélioration de l'habitat. La mortalité en mer est une importante source de préoccupation. Il y a beaucoup d'incertitude entourant cette question. Par contre, nous savons beaucoup de choses sur la situation dans les eaux intérieures et les voies de navigation. Nous sommes donc à même d'agir en matière d'amélioration de l'habitat. Nous avons un pouvoir réel.
Il en va de même de la mortalité par la pêche. Bien que nous ne sachions pas ce qui se passe dans certaines situations de mortalité naturelle, nous avons un certain contrôle sur les niveaux de capture que nous établissons. Nous avons examiné des suggestions relatives aux prises pour la pêche récréative, la pêche non récréative et la pêche accidentelle dans le contexte de la pêche au filet non autochtone. Nous nous sommes penchés sur les activités des Premières Nations. Nous reconnaissons le droit des Premières Nations de pêcher à des fins alimentaires et sociales, mais il y a une volonté d'adopter de bonnes pratiques de pêche. Nous avons énoncé des recommandations dans ces domaines.
Comme je l'ai dit, les recommandations se trouvent dans le rapport. Nous avons par exemple constaté qu'un certain nombre d'activités de pêche au filet visant d'autres espèces servent de prétexte pour attraper des saumons. C'est encore une réalité aujourd'hui. Le Canada peut faire un peu plus d'efforts pour lutter contre ce phénomène.
Nous avons parlé de mise en application. Tous les plans de gestion et tous les règlements ne fonctionnent que s'ils sont appliqués. Nous avons présenté des recommandations en vue d'améliorer la mise en application et de bâtir des partenariats. L'idée des partenariats est une tendance qui se manifeste dans tout le rapport. Différents groupes de bénévoles et groupes scientifiques prendront part aux efforts et offriront leur aide.
Nous prônons des niveaux accrus de capture des phoques et du bar rayé et une augmentation de la recherche sur l'incidence de ces prédateurs. Quant aux oiseaux de mer, il s'agit d'élargir les travaux de recherche afin de mieux comprendre leur interaction avec le saumon. C'est un peu compliqué, car la capture de certains oiseaux pour lesquels on s'inquiète est assujettie à des restrictions.
Enfin, l'achigan à petite bouche pose particulièrement problème dans la région de la rivière Miramichi. On envisage d'éradiquer cette population qui a été introduite illégalement et qui pourrait causer des problèmes dans le réseau hydrographique de la Miramichi. Le rapport prévoit une recommandation à cet égard.
Nous avons fait des recommandations en matière de sciences. Les évaluations des stocks dans les rivières permettent d'obtenir un état des lieux; nous estimons donc qu'il convient de les améliorer, de les renforcer et d'accroître le nombre de rivières qui en font l'objet. Mentionnons que, dans certains cas, on ignore si on pourra continuer à réaliser des évaluations.
Nous avons fait ressortir la nécessité de travailler de concert avec des partenaires. Nous pouvons recueillir des données auprès de différentes sources et il y a lieu de trouver de meilleures façons de rassembler les données. Les recommandations visent même des éléments de base comme les rapports que sont censés produire les pêcheurs qui achètent un permis de pêche sportive à Terre-Neuve et dans les Maritimes; bon nombre d'entre eux ne retournent pas leur permis et ne produisent pas de rapport, même si c'est une exigence. Nous avons suggéré quelques ajustements.
Le rapport traite de partenariats avec des universitaires qui font de la recherche sur le saumon. Nous recommandons aussi de travailler de concert avec d'autres groupes de recherche qui utilisent une technologie de pointe dans le cadre de programmes de suivi des océans et d'étude des écosystèmes. Il s'agirait de collaborer avec eux dans des domaines liés au saumon, d'étudier les changements et de voir ce que les systèmes de suivi des océans permettent de détecter. Nous pourrions ensuite relayer cette information aux scientifiques spécialistes du saumon afin qu'ils puissent avoir une meilleure vue d'ensemble.
Il y a une pêche internationale au large du Groenland et une autre le long de la côte de Saint-Pierre-et-Miquelon. La plus importante est exercée le long de la côte ouest du Groenland. Le rapport contient des recommandations à ce propos. Nos grands poissons se déplacent et se mélangent en pleine mer, et certaines de ces pêches ciblent des poissons qui proviennent de réseaux hydrographiques en piètre état. Si nous savions que les poissons viennent d'un réseau hydrographique en santé, cela ne serait pas problématique, mais nous n'avons aucun moyen de savoir quand les poissons se mélangent et sont ciblés par ces pêches internationales.
Nous avons aussi accepté d'autres recommandations, notamment à propos de la Politique sur le saumon atlantique sauvage, laquelle aborde un grand nombre de concepts dont nous avons parlé. Cette politique gouvernementale date d'il y a environ six ans et pourrait être actualisée. Il faudrait la dépoussiérer et commencer à l'appliquer.
En conclusion, le saumon sauvage de l'Atlantique est une ressource précieuse de l'Est du Canada dans laquelle il est nécessaire d'investir. Il ne se porte pas très bien. Nous avons recommandé d'accroître les investissements par le truchement d'un Fonds de recherche et d'innovation sur le saumon atlantique sauvage. Nous préconisons la consolidation de partenariats en ce qui touche à la recherche scientifique, à la mise en application, à la collecte de données et à la surveillance des rivières.
Nous proposons en outre la création d'un groupe de recherche et de développement scientifiques sur le saumon atlantique. Je ne veux pas parler d'un groupe physique, mais d'un réseau grâce auquel les gens pourraient échanger de l'information et des données de recherche et collaborer en cas de besoin. Il serait utile d'organiser des ateliers tous les deux ou trois ans.
Selon le comité, cet investissement aurait un début et une fin. Une période de 10 ans permettrait peut-être de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Un groupe indépendant devrait orienter les priorités de recherche et veiller à ce que les travaux effectués fassent l'objet d'une reddition de comptes.
Je vous remercie. Je passe la parole à mon collègue Bill, vice-président du comité.
La vice-présidente : Merci, monsieur Roach.
R. William (Bill) Taylor, président, Fédération du saumon atlantique : Merci. Je m'appelle Bill Taylor et je suis président de la Fédération du saumon atlantique. J'ai eu l'honneur d'œuvrer en tant que vice-président du comité consultatif ministériel.
La Fédération du saumon atlantique est une organisation internationale de conservation. C'est un organisme de bienfaisance enregistré au Canada et aux États-Unis. Nous avons des membres partout en Amérique du Nord. Notre siège social international se trouve à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick, et nous avons des bureaux locaux au Québec, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse et dans le Maine.
Nous nous intéressons principalement à la conservation du saumon atlantique, à la recherche et au rétablissement de l'espèce.
Je parlerai de recommandations précises qui, selon le comité consultatif et la Fédération du saumon atlantique, pourraient être mises en œuvre et avoir un effet positif assez rapidement.
Le rapport du comité consultatif renferme 61 recommandations. Le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, a de quoi s'occuper. Je m'attarderai sur un certain nombre de ces recommandations qui, espérons-le, seront appliquées sans tarder.
Si nous voulons avoir une incidence positive sur le rétablissement de l'espèce, il faut tenir compte de la biologie et agir tout au long de la vie du poisson, c'est-à-dire quand il se trouve en eau douce, dans les estuaires et dans la mer alors qu'il se déplace jusqu'au Groenland et revient.
Je félicite le MPO d'avoir, comme mesure de gestion de la pêche au saumon, renouvelé l'obligation de remettre à l'eau les saumons vivants capturés dans le cadre d'activités de pêche récréative dans les Maritimes. C'est difficile pour certains, mais c'est la chose à faire étant donné l'état de la ressource.
Je félicite le Québec de l'annonce récente de son plan de gestion du saumon atlantique. Le plan prévoit la remise à l'eau des grands saumons capturés dans le cadre d'une pêche récréative, sauf sur quelques rivières dans la région du Nord-du-Québec. Des évaluations auront lieu durant la saison pour garantir la prise de saumons uniquement dans les populations où la cible de conservation est dépassée.
Je ne saurais trop insister sur l'importance que le Canada adopte des pratiques de gestion des pêches plus énergiques et efficaces. Les mesures que nous prenons au Canada, qu'il s'agisse de la rivière Miramichi, Margaree ou Cascapédia, au Québec, ont une influence internationale.
Faisant partie de la délégation canadienne à l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord, l'OCSAN, je puis vous dire que les Groenlandais regardent ce que le Canada et les autres pays font et que cela a des répercussions sur la façon dont ils gèrent leurs propres pêches. Le fait d'améliorer la gestion du saumon au Canada a une incidence à l'échelle internationale et cela renforce notre position à l'OCSAN et dans les discussions bilatérales avec le Groenland et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je reviens aux recommandations du comité au sujet de la pêche au saumon. Celle prônant le maintien de la mesure de remise à l'eau obligatoire dans les Maritimes est respectée. Le nouveau plan du Québec sur 10 ans est en cours d'élaboration; c'est un progrès. Le comité a aussi recommandé d'éliminer les prises accessoires de saumon autorisées dans le contexte de la pêche à la truite au filet pratiquée par des résidants du Labrador.
Nous devons négocier des ententes sur la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles avec les Premières Nations qui pratiquent ces pêches bien avant que la saison ne débute. Au Nouveau-Brunswick et dans la région de la rivière Restigouche, une rivière frontalière, on a l'habitude d'attendre que la saison soit bien entamée avant de conclure les ententes, ce qui mène souvent à des activités excessives de pêche au filet maillant au début de la saison comme levier pour faire bouger le MPO plus rapidement.
Le comité a recommandé que, dans le cadre des négociations avec les Premières Nations, le MPO se montre plus créatif dans la gestion des pêches. Il ne s'agit pas seulement de décréter une saison pour la pêche au filet maillant. Il existe des possibilités de prises sélectives avec des filets-trappes. On pourrait établir des périodes de retrait plus longues. Des groupes du Labrador nous ont dit qu'ils observaient des périodes de retrait au plus fort de la montaison pour que davantage de saumons puissent se rendre à la rivière, puis qu'ils recommençaient ensuite à pêcher. D'autres solutions seraient également bénéfiques.
La rivière Restigouche, qui délimite la frontière entre le Nouveau-Brunswick et le Québec, et ses affluents sont visés par un règlement néo-brunswickois régissant la pêche récréative et par un règlement québécois relativement aux rivières Matapédia, Causapscal et Patapédia. D'un côté de cette rivière frontalière, il y a une obligation de remise à l'eau des grands saumons et des madeleineaux; de l'autre côté de la rivière, alors qu'il s'agit du même réseau hydrographique, la réglementation diffère.
Je crois comprendre que le ministre Tootoo est en pourparlers avec le ministre Lessard, qui est responsable des pêches et de la faune au Québec; il est à espérer qu'ils harmoniseront la réglementation du Nouveau-Brunswick et du Québec. Le comité avait fait une recommandation en ce sens.
Il est impératif de mettre en place des mesures d'application efficaces et d'avoir suffisamment d'agents responsables de l'application sur les rivières afin de préserver les bienfaits des mesures de gestion et de conservation.
L'industrie de la pêche récréative du saumon atlantique est une industrie importante pour l'Est du Canada — le Québec, la Nouvelle-Écosse rurale, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador. Sa valeur est de l'ordre de 150 millions de dollars. L'industrie procure près de 4 000 équivalents temps plein. La pêche au saumon ne fournit pas des emplois à temps plein, mais des emplois saisonniers. En effet, 10 000 travailleurs saisonniers dépendent d'une industrie dynamique. Le MPO est l'organisme de gestion de cette pêche.
Il y a 25 ans, le budget du MPO pour la conservation, la recherche et la gestion du saumon atlantique totalisait 24 millions de dollars; en 2010, il s'élevait à 12 millions de dollars. Et cela ne tient nullement compte de l'inflation. C'est au moment où la ressource en a le plus besoin que le MPO dispose de moins de moyens pour accomplir son travail.
Pour 2016, la recommandation consiste à veiller à ce qu'il n'y ait aucune réduction du personnel responsable de l'application et à au moins maintenir le budget, c'est-à-dire à annuler toute réduction proposée. Miramichi est un exemple. Il faudrait aussi rehausser le financement des organismes fédéraux de conservation et de protection.
Des gens de Terre-Neuve nous ont parlé de l'existence d'un véritable partenariat entre les gardes-pêche provinciaux et les agents fédéraux de conservation et de protection. Pareille collaboration devrait exister au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard.
Greg a parlé des prédateurs — bar rayé, phoques et oiseaux tels que le cormoran et le fou de Bassan. Le comité a rédigé quelques recommandations à cet égard. Il faut effectuer plus de recherche pour déterminer l'incidence réelle des phoques sur les saumons. Lorsque c'est possible, nous devrions aider les Premières Nations qui seraient disposées à réduire leur pêche au saumon en échange d'allocations accrues pour le bar rayé, une espèce prédatrice qui constitue un grave problème pour le saumon atlantique dans la rivière Miramichi.
Une autre recommandation vise à augmenter les limites quotidiennes et saisonnières de prises de bar rayé pour la pêche sportive. La saison est très courte et la limite est d'un seul poisson par jour.
Au chapitre de la recherche et de l'innovation, la Fédération du saumon atlantique a toujours réalisé ses propres travaux de recherche et s'est associée avec le MPO et d'autres scientifiques du monde entier, en plus de lancer un système de suivi du saumon en mer. Le taux de survie en mer du saumon atlantique est un problème auquel personne ne veut s'attaquer.
Nos rivières sont dans un très bon état. Les populations de saumons juvéniles dans les rivières se portent très bien. Les jeunes smolts qui se rendent dans la mer du Labrador ou au Groenland reviennent, mais leur pourcentage ne cesse de diminuer. Quelque chose survient dans l'océan, sans doute une combinaison de changements climatiques, de prédation, de la pêche pratiquée par le Groenland et ainsi de suite. Nous avons besoin d'un programme bien financé de recherche concertée pour nous attaquer au problème. Des groupes comme la Fédération du saumon atlantique, l'Ocean Tracking Network pourraient être mis à contribution et il pourrait même y avoir des partenariats entre le Canada et les États-Unis. Ce dernier pays a investi énormément d'argent dans le retrait de barrages et dans la conservation du saumon, et il s'intéresse vivement aux programmes de rétablissement du saumon. Il serait donc possible de collaborer avec les États-Unis et des scientifiques américains dans le cadre d'activités de recherche en milieu marin.
Nous sommes heureux que le gouvernement libéral consacre plus de 197 millions de dollars à la science et à l'innovation, ainsi qu'à l'évaluation de nos écosystèmes marins et d'eau douce. Nous espérons certainement qu'une partie de cette somme servira à la conservation du saumon atlantique et à enquêter sur le problème de la mortalité en mer.
En ce qui concerne les recommandations contenues dans le rapport du comité consultatif, un tout nouveau fonds de recherche et d'innovation — Greg en a parlé — devrait être créé spécialement pour le saumon atlantique sauvage pour une période de 5 ou 10 ans, un fonds bien pourvu et prévoyant la collaboration avec d'autres organismes, des groupes scientifiques internationaux tels que ASF et l'Ocean Tracking Network, afin de s'attaquer à ce problème de faible survie en mer.
Enfin, la Politique de conservation du saumon atlantique sauvage a pris effet en 2009. Elle vise à conserver et rétablir des populations de saumon saines et diversifiées ainsi que leurs habitats, et ce, pour le bénéfice et le plaisir perpétuels de tous les Canadiens — un objectif louable s'il en est un. Le premier principe de cette politique est la conservation du saumon atlantique sauvage. La diversité génétique et des habitats est la priorité dans les décisions de gestion de la ressource — encore une fois un objectif louable.
Cette politique a été élaborée à la suite d'importantes consultations auprès des Premières Nations, des groupes de conservation, de la communauté scientifique et des provinces dans tout l'Est du pays. Un examen quinquennal devait avoir lieu en 2014, mais ce ne fut pas le cas. En fait, la politique n'a jamais été mise en œuvre. Le comité consultatif a fait de sa mise en œuvre une recommandation prioritaire. Il faudrait la financer et la mettre en œuvre.
En conclusion, j'ai essayé de faire fond sur ce que le président vous a présenté. Ce sont là certaines des recommandations. Cela ne signifie certainement pas que les 40 ou 50 autres recommandations ne sont pas importantes, mais leur mise en œuvre prendra plus de temps. Celles dont je vous ai parlé cet après-midi pourraient être mises en œuvre assez rapidement et auraient un effet positif à court terme.
Merci du temps que vous m'avez accordé et de votre intérêt dans le rapport du comité consultatif. Greg et moi serons heureux de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Taylor. Les sénateurs sont effectivement prêts à vous poser des questions. Je demanderais au sénateur McInnis de commencer. Il est le troisième membre de notre comité directeur. Sénateur McInnis, la parole est à vous.
Le sénateur McInnis : Merci de votre travail. Vous avez l'air assez optimistes, comme d'habitude. Le nombre d'heures de bénévolat des ONG me fascine. Je ne suis pas certain que le public réalise tous les efforts que vous déployez.
Je ne tiens pas à paraître négatif, mais je me demandais si on n'a pas laissé les choses traîner trop longtemps. Je me souviens, quand j'étais plus jeune, à quel point les stocks de morue du Nord ont décliné et qu'il a fallu des décennies pour que la population se rétablisse, et il y a aussi bien entendu la pêche de fond. Le ministère des Pêches et des Océans dispose de bons employés qui font de l'excellent travail, mais je me demande à quel point le saumon atlantique est réellement une priorité pour ce ministère. En toute franchise, il y a beaucoup de pêche commerciale, qui semble toujours monopoliser l'attention.
Croyez-vous vraiment que vous avez l'attention du MPO? Ses représentants étaient ici la semaine dernière, et ils semblaient sincères. Une des recommandations concernait le fonds de recherche et d'innovation sur le saumon atlantique sauvage, qui semble merveilleux, et qui serait administré par un groupe indépendant de partenaires faisant des recherches sur le saumon. C'est merveilleux, si cela se concrétise, car ce sera géré par des gens qui savent exactement ce qui se passe.
J'aimerais donc que vous répondiez à ceci. Vous semblez optimistes. Toutefois, lorsque j'entends parler de l'océan, des prédateurs, de ce qui s'est passé au Groenland et d'autres choses graves qui disparaissent — le retour du saumon —, est-ce si grave et que peut-on faire?
J'aurais aussi cinq courtes questions au sujet de ce fonds : savez-vous quel montant est prévu? Savez-vous à quoi l'argent va servir? Permettra-t-il de payer les employés salariés qui assurent la supervision et l'application de la loi? Les provinces participeraient-elles? Cela couvrirait-il les dépenses en immobilisations? Je n'ai rien vu dans le budget. Était- ce dans le budget, ou croyez-vous que cela fait partie des 192 millions de dollars? C'était pour la science.
Cela fait bien des questions, et je m'en excuse, mais pourriez-vous y répondre quand même?
M. Taylor : Certainement. Je suis le vice-président. Nous pouvons peut-être y répondre tous les deux.
M. Roach : Je vais commencer par l'engagement du MPO. Vous avez entièrement raison. Il y a des pêches commerciales qui valent des millions, voire des centaines de millions de dollars, et tout le monde voudrait une partie du budget scientifique du MPO, une partie du budget de l'application de la loi, du temps de gestion. Avec le saumon, c'est difficile. Il y a beaucoup de gens dans la population en général qui aiment beaucoup le saumon, et les groupes de bénévoles sont infatigables lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts du saumon. Mais du point de vue de la pêche commerciale, l'optique n'est pas la même que pour le homard, le déclin et la reprise des poissons de fond, ou même la crevette, et les luttes pour les ressources. Mais vous avez entendu cela des millions de fois.
Cela dit, les chercheurs qui sont encore au MPO et qui travaillent sur le saumon sont des gens extrêmement passionnés, et ils ont grandement aidé le comité pendant toute la durée des travaux. Nous avons commencé par un survol, et ils ont été disponibles et nous ont fourni de l'information à tous les points. Je crois qu'ils sont certainement prêts à participer à tout travail futur et à réseauter.
Nous avons effectivement parlé d'une nouvelle somme d'argent, surtout en raison des priorités au sein du MPO. Si on reçoit de l'argent de l'interne, alors quelqu'un d'autre va en perdre, et c'est là que les luttes que vous avez décrites commencent. Comment accorder de l'argent au saumon alors que la pêche commerciale emploie tant de gens et qu'on le leur enlève? C'est pourquoi nous avons envisagé un nouveau fonds.
Nous avons aussi envisagé des partenariats avec beaucoup d'autres joueurs, comme les universités, tous les travaux qui existent sur les écosystèmes à plus grande échelle, ce qui se passe avec le réchauffement, les changements dans la diversité des espèces et le suivi des océans. Il peut donc y avoir un accent sur le saumon, mais cela peut aller bien au- delà.
Nous croyons qu'il est possible d'avoir un fonds sur le saumon qui contribuerait à beaucoup d'autres questions plus vastes, comme la santé de l'écosystème des cours d'eau et la compréhension de ce qui se passe dans les océans. Il pourrait s'agir d'une combinaison d'espèces.
Nous avons entendu parler et parlé de certains travaux écologiques, sur les changements dans la combinaison des harengs, des poissons de fond et des thons. Toutes ces combinaisons d'espèces qui étaient normalement là sont différentes maintenant, ce qui pourrait avoir des répercussions sur le saumon. Elles sont peut-être à la recherche de sources de nourriture qui ont changé, ou l'environnement et la température ont peut-être changé, ce qui nuirait au saumon, comme cela nuit à d'autres espèces. Ces grandes questions ne concernent pas seulement le saumon, mais aussi bien d'autres espèces. Nous devons le savoir, car l'environnement est en mutation.
C'est un bien longue réponse pour dire que le MPO est là pour aider, mais qu'il doit suivre les directives des chercheurs et des gestionnaires. Je crois que s'il y avait un fonds particulier, la participation serait assurée.
Je crois que rien ne ferait plus plaisir aux agents du MPO que d'appliquer la loi et d'arrêter les braconniers qui vendent illégalement du poisson et du saumon. Nous en avons entendu parler. S'ils disposaient des ressources, je crois qu'ils s'y emploieraient avec passion.
Vous avez aussi parlé de l'utilisation de l'argent. Je crois qu'il servirait à bien des choses dont nous avons parlé. Dans bien des cas, le MPO n'a pas besoin d'être le détenteur ou le meneur; il peut se contenter d'être un partenaire. Les groupes de bénévoles dont vous avez parlé pourront aider à la collecte de données, et une partie des universités et des groupes scientifiques internationaux seraient heureux de participer aux travaux de recherche.
Je suppose que le gouvernement pourrait être le chef de file en offrant des ressources et en créant le réseau; d'autres pourraient ensuite faire le travail. Le groupe indépendant pourrait surveiller le tout et veiller à ce que le fonds continue de financer des recherches sur le saumon ou liées à celui-ci. Lorsque les budgets sont serrés, on reconsidère les priorités et l'argent pourrait aboutir ailleurs.
Je laisse la parole à Bill.
M. Taylor : La première question est, en bout de ligne, y a-t-il de l'espoir? Vous avez raconté une triste histoire au sujet de la morue. J'œuvre dans le domaine de la conservation du saumon depuis près de 30 ans, et il y a définitivement de l'espoir.
Je crois que l'aire de répartition du saumon atlantique change. Si on pouvait tracer une ligne sur une carte de l'Est du Canada, de la Miramichi jusqu'au cap Breton, la partie nord se porte très bien. En fait, plus on remonte vers le nord, meilleure est la situation. L'an dernier, les rivières de Terre-Neuve-et-Labrador ont presque connu une année record au chapitre des remontées de saumons. Miramichi, Restigouche, Gaspé, la côte nord du Québec et les rivières du golfe se portent bien mieux que l'année précédente.
La situation est beaucoup plus précaire au sud de cette ligne. La plupart des populations de saumon de l'intérieur de la baie de Fundy, de l'extérieur de la baie de Fundy ou de la rive sud de la Nouvelle-Écosse sont menacées, quand elles ne font pas carrément partie de la Loi sur les espèces en péril. Ces zones sont les plus proches des centres urbains, des élevages de saumons et des activités forestières et agricoles. Je suppose que toutes ces pressions menacent leur survie.
Mais il y a définitivement de l'espoir. Peut-être que l'aire de répartition du saumon est en mutation. Nous allons voir si nous pouvons ou non sauver les rivières de l'intérieur de la baie de Fundy, la rivière Saint-Jean et certaines rivières de Nouvelle-Écosse, qui sont toutes de merveilleuses rivières à saumon. Cela reste à voir. Il reste encore beaucoup de bonnes rivières à saumon et beaucoup de gens dont les emplois dépendent de l'industrie de la pêche au saumon. Une bonne partie des besoins culturels, sociaux et alimentaires des Premières Nations dépendent du saumon. Oui, il y a définitivement de l'espoir.
Le fonds de recherche et d'innovation pourrait jouer un grand rôle dans tout cela. J'espère, et on m'a laissé croire, qu'une bonne partie des 197,1 millions de dollars sont destinés au saumon atlantique, et il est important que cette somme soit gérée de façon indépendante du MPO.
Le MPO aura un rôle important et significatif à jouer. Certains des meilleurs experts mondiaux sur le saumon y travaillent. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs fait des présentations au comité consultatif.
Il est également possible d'obtenir de l'argent de sources privées. Dans les Maritimes et l'Est du Canada, l'Université du Nouveau-Brunswick, l'Université Dalhousie, l'Ocean Tracking Network et l'industrie sont des partenaires privés très intéressés qui seraient prêts à fournir des fonds. Quant aux questions de survie en milieu marin et de suivi du saumon en mer, une coentreprise avec les États-Unis serait également possible.
La sénatrice Poirier : Merci de votre présentation et de votre présence parmi nous.
Comme je suis du Nouveau-Brunswick et que je vis à environ 30 kilomètres de la rivière Miramichi, je suis au courant des problèmes avec le saumon dans cette région. Parmi les 61 recommandations dont vous avez parlé, il y en a quelques-unes qui ont déjà été mises en œuvre ou sur lesquelles on se penche.
Le ministre responsable de Pêches et Océans a d'ailleurs annoncé la semaine dernière un programme de pêche et remise à l'eau dans cette région afin de tenter de maintenir et renforcer la population de saumon atlantique sauvage. Comme vous le savez probablement, cette nouvelle a été bien accueillie par plusieurs, mais mal par d'autres. La pêche au saumon, particulièrement le long de la rivière Miramichi, est très importante pour des motifs économiques, environnementaux et culturels, et il est important qu'elle se poursuive pour de nombreuses années à venir.
Selon vous, pendant combien de temps le MPO devrait-il poursuivre ce programme de pêche et remise à l'eau afin que la population de saumon augmente et se maintienne pendant encore de nombreuses années dans notre coin de pays?
M. Taylor : Il y a la région du golfe, et manifestement les rivières Miramichi et Restigouche, mais il y a aussi les rivières du détroit de Northumberland, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard. La pêche et la remise à l'eau par les pêcheurs à la ligne ne constituent pas la seule solution, loin de là. Les pêcheurs à la ligne sont une petite partie du problème, mais c'était la bonne chose à faire compte tenu de la fragilité de l'état des ressources.
Une des recommandations qui nous a été soumise par bien des gens concerne le fait que le MPO ne dispose pas des ressources suffisantes pour évaluer suffisamment de rivières. Il existe près de 1 000 rivières à saumon atlantique au Canada, et nous en avons évalué à peine 70.
Heureusement que nous avons des évaluations concernant les rivières Miramichi et Restigouche, qui sont deux rivières importantes et renommées pour le saumon atlantique. En 2014, dans le bras nord-ouest de la Miramichi, on n'a répertorié que 21 p. 100 de la population minimale nécessaire pour assurer la survie de l'espèce. Quant au bras sud- ouest de la Miramichi et à la Restigouche, le résultat n'a été que d'environ 60 p. 100.
Les résultats ont été passablement meilleurs en 2015, avec 82 p. 100 pour le bras nord-ouest de la Miramichi contre 21 p. 100 l'année précédente. Quant au bras sud-ouest, le bras principal, de la Miramichi, les résultats se sont élevés à 92 p. 100, ce qui est également meilleur que l'année précédente, mais dans les deux cas inférieur au nombre minimal nécessaire, selon les chercheurs et les biologistes, au maintien de l'espèce.
Ce nombre minimum, ce seuil de conservation, cela équivaut au signal « vide » d'un réservoir d'essence. Ce réservoir doit être plus que plein avant que l'on commence à récolter des poissons. Le bras principal de la Restigouche a atteint l'objectif de frai l'an dernier, mais aucun de ses affluents ne l'a fait.
Lorsque la région du golfe, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse seront capables de gérer leur pêche récréative au saumon comme le Québec, qui pratique une gestion rivière par rivière, qui évalue une foule de rivières à saumon et qui est capable de déterminer la santé d'une remontée en un tournemain. Si une remontée semble en difficulté, on peut immédiatement passer à la méthode « pêche et remise à l'eau », comme en 2014.
Au Québec, cette année, la saison débutera selon cette méthode puis, il y aura une évaluation à la mi-saison, en juillet. S'il y a suffisamment de poisson, les pêcheurs à la ligne seront peut-être autorisés à garder un ou deux saumons.
Il y a deux ou trois variables à votre question, sénatrice Poirier. Cela ne se limite pas à respecter le seuil de conservation. Lorsqu'on vend 15 000 ou 20 000 permis de pêche au saumon au Nouveau-Brunswick et qu'il n'y a que deux ou trois rivières qui dépassent le seuil de conservation, il faut veiller à ce que tous les pêcheurs ne se précipitent pas sur ces deux rivières et prennent trop de poissons. Il faut changer la façon dont on gère la pêche récréative au saumon et l'harmoniser davantage aux méthodes utilisées au Québec ou même à Terre-Neuve, qui pratique une sorte de solution intermédiaire en classant les rivières.
Avec un peu de chance, si Pêches et Océans peut faire des avancées d'ici deux ans au chapitre de la gestion rivière par rivière, que nous disposions d'évaluations exactes et que nous effectuions les évaluations en eau avec adresse, s'il y a un excédent de saumon, il ne devrait y avoir aucun problème sur le plan biologique et en ce qui concerne la conservation. S'il y a un excédent par rapport aux besoins pour le frai, il n'y a rien de mal à prendre quelques poissons, mais il faut être en mesure de gérer cela.
La sénatrice Poirier : Le ministère envisage-t-il d'assurer une gestion rivière par rivière par chez nous aussi?
M. Taylor : Je sais qu'il examine cette possibilité. J'ignore si ce sera dans un an, dans deux ans. Je ne sais pas ce qui est réaliste, mais il s'intéresse sérieusement à la question.
M. Roach : J'ai quelques points à ajouter. Cette approche particulière, la pêche avec remise à l'eau dans les cours d'eau du golfe, a suscité la controverse au cours des réunions et parmi les membres du comité, mais la conservation l'a emporté sur la possibilité garder quelques poissons. Il allait de soi qu'il y aurait un examen et que, lorsque les cours d'eau sembleraient en bonne condition, comme l'a dit Bill, alors oui, l'option serait envisagée.
Nous nous sommes également adressés à des scientifiques pour recommander une nouvelle approche, l'approche de précaution. Les scientifiques de Pêches et Océans l'élaborent actuellement. L'idée, c'est de fixer une limite, un seuil sous lequel aucune pêche ne serait permise, sous toutes ses formes, qu'elle soit alimentaire, sociale, cérémonielle ou récréative. Essentiellement, c'est la zone de danger. Il y a ensuite une zone intermédiaire, où une certaine pêche serait permise quoique l'on resterait en mode croissance et rétablissement, alors il faudrait agir avec beaucoup de circonspection. Par la suite, une fois que les stocks auraient atteint un certain niveau, les possibilités de capture ou d'utilisation du poisson seraient élargies.
Ce serait essentiellement un moyen d'éliminer les risques de mortalité. Il y aurait une étape intermédiaire puis, une fois les stocks en très bonne condition, il serait possible de permettre d'autres utilisations. On s'affaire donc à mettre le tout sur pied.
Nous avons recommandé que l'on fasse davantage d'échantillonnage dans la perspective d'un système de gestion rivière par rivière parce que, autrement, c'est très difficile. Le Québec a assurément un avantage à ce chapitre.
À vrai dire, lorsque le comité s'est rendu à Terre-Neuve, après avoir formulé ses recommandations initiales, les gens là-bas croyaient que son but, c'était d'imposer la pêche avec remise à l'eau tous azimuts. Il a fallu nager à contre- courant durant les premières heures avant qu'ils se rendent compte que nous n'étions pas là simplement pour mettre le holà à la pêche au saumon récréative. Le comité tentait de considérer la conservation dans une perspective beaucoup plus grande.
La sénatrice Poirier : Ma deuxième question concerne une recommandation. On recommande entre autres de réduire et, à terme, d'éliminer la pêche au saumon au filet au large de Saint-Pierre-et-Miquelon puis, de carrément éliminer la pêche commerciale. Pourquoi recommander d'interdire totalement la pêche commerciale à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais pas au Groenland?
M. Taylor : Des traités internationaux garantissent du Groenland des droits sur le poisson qui nage dans ses eaux territoriales. Dans le cas du saumon qui va du Canada jusqu'au Groenland, bon an mal an, les prises au Groenland se composent à entre 70 et 90 p. 100 de poisson canadien — nord-américain, en fait, mais il y a si peu de poisson en provenance des États-Unis que les prises sont essentiellement toutes canadiennes. L'an dernier, si je ne m'abuse, 82 p. 100 des prises au Groenland se composaient de poisson canadien.
Notre poisson va là-bas et il passe deux ans à se nourrir de capelan, de krill et de lançons d'Amérique dans les eaux territoriales groenlandaises. Les pêcheries dans les eaux territoriales du Groenland sont tout aussi cruciales pour le cycle de vie du saumon que le cours supérieur des rivières Miramichi ou Restigouche ou encore de la Grande Rivière Cascapédia alors que, à Saint-Pierre-et-Miquelon, le poisson pris est simplement de passage, pendant deux semaines, lorsqu'il retourne frayer dans les rivières Margaree ou Miramichi. Il ne passe donc pas une grande partie de son cycle de vie à Saint-Pierre-et-Miquelon; il est capturé pendant son parcours migratoire jusqu'à la frayère.
Nous serions ravis que l'ampleur de la pêche au Groenland soit ramenée au niveau d'une très petite pêche de subsistance. En fait, en 1993-1994, la Fédération du saumon atlantique a acheté tous les droits de pêche au saumon du Groenland. Nous avons carrément acheté le quota fixé, alors personne n'a pêché. De 2002 à 2011, payer des pêcheurs pour qu'ils ne pêchent pas s'est avéré un échec, et nous en avons tiré des leçons. Nous avons lancé un fonds de développement économique pour les pêcheurs. Seuls les pêcheurs de saumon pouvaient demander du financement pour de petits projets. Nous les avons aidés à lancer une pêche aux œufs de lompe. Nous les avons aidés à valoriser davantage le crabe des neiges. Il y a aussi eu des projets dans le domaine de l'écotourisme.
Nous avons d'ailleurs entamé des négociations privées avec les Groenlandais pour conclure une autre entente du même genre. Nous espérons que les États-Unis seront partenaires, comme ce fut le cas par le passé. Lorsque je discute avec des fonctionnaires de Pêches et Océans Canada, nous avons pour politique de ne pas indemniser ainsi les pêcheurs commerciaux. Pas de problème, c'est ça qui est ça, et on passe à autre chose.
Pour en revenir à votre question, madame la sénatrice, la différence est énorme entre ce qui se passe au Groenland et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La bonne nouvelle, cependant, c'est que les mesures prises l'an dernier, comme la pêche avec remise à l'eau, ont des retombées positives sur les discussions avec le Groenland. En 2014, il s'est pêché environ 95 tonnes de poisson au Groenland contre quelque chose comme 57 ou 58 tonnes l'an dernier. C'est encore trop, mais c'est presque la moitié de ce que c'était auparavant.
Le Canada joue un rôle phare, et cela porte ses fruits. Même que la pêche au Groenland sera probablement inférieure, encore une fois, en 2016.
M. Roach : Je tiens aussi à insister sur le fait que le Canada permet aux membres des Premières Nations, aux Autochtones et aux Inuits de pêcher le saumon atlantique à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles, et la capture au Groenland est du même ordre. Nous avons formulé des recommandations fermes en vue d'abolir la pêche industrielle au Groenland. Il est assez difficile d'imposer des normes distinctes pour notre approche et pour celle du Groenland, mais nous aimerions malgré tout voir une réduction, car s'il s'agit de stocks mélangés, ils pourraient provenir de cours d'eau en très mauvaise condition.
Pour ce qui est de Saint-Pierre-et-Miquelon, la côte sud de Terre-Neuve est le pire secteur de Terre-Neuve pour les ressources de saumon, sans compter que les activités là-bas interceptent des poissons qui reviennent dans le golfe, là où des cours d'eau sont en mauvaise condition. Rien ne justifie vraiment que les gens là-bas interceptent du poisson qui, essentiellement, ne s'adonne qu'à passer par leurs eaux territoriales.
La sénatrice Poirier : Merci.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie de vos présentations. Elles ont vraiment éclairé ma lanterne quoiqu'elles soient un peu déprimantes.
La politique de conservation du saumon atlantique sauvage me préoccupe particulièrement. De toute évidence, on a investi beaucoup d'énergie dans le dossier sans que cela aboutisse à quoi que ce soit. Je ne veux pas que les recommandations issues du rapport subissent le même sort.
La pêche avec remise à l'eau me convient, et j'espère que c'est ce qui se fera. Ce serait une bonne chose. Les travaux du comité visent à examiner ce que le comité consultatif a trouvé afin de dresser un constat de la situation. Pour l'instant, je n'ai pas vraiment l'impression que la situation a changé le moindrement. Je pense que c'est peut-être ce à quoi le sénateur McInnis voulait en venir.
C'est un excellent rapport. Il renferme beaucoup de bon, et je ne vois pas du tout pourquoi certaines de ses recommandations ne seraient pas mises en œuvre. Vous parlez de la prédation par les phoques. Vous parlez d'ouvrir la pêche à l'achigan. Il n'y a pas là grand-chose à négocier. Ce devrait être faisable.
Avez-vous une idée pour expliquer pourquoi le dossier progresse tellement lentement? Je sais ce que vous voulez dire, mais j'aimerais vraiment connaître votre réponse. Loin de moi l'idée de vous mettre dans une position délicate, mais il faut que quelqu'un dénonce haut et fort ce qui se passe.
M. Roach : Eh bien, à la base même, le comité avait pour mandat de procéder à un examen et de formuler des recommandations. Nous avons rempli ce mandat puis, nous sommes passés à autre chose.
Par chance, de nombreux membres du comité, y compris Bill, sont très actifs dans le milieu de la pêche au saumon, alors ils sont en mesure de continuer d'exercer des pressions.
Vous soulignez que certaines recommandations ne sont pas une question d'argent. Elles préconisent de modifier quelque peu des politiques ou, peut-être, des pratiques actuelles, ou encore de faire appliquer les règles en vigueur à l'égard de l'utilisation du territoire et des eaux, pas nécessairement par le gouvernement fédéral, mais par les gouvernements provinciaux, et il suffirait d'un peu de coopération pour appliquer les recommandations.
De toute évidence, nous croyons comme vous que ce serait fantastique que l'on mette des recommandations en œuvre dans les plus brefs délais. Nous savons que divers acteurs réclament constamment plus de ressources et d'argent. J'imagine que nous pouvons poser la question et, avec un peu de chance, cela deviendra une priorité.
M. Taylor : Greg a parlé de l'un des principes fondamentaux qui figurent dans le rapport consultatif, à savoir la création — que ce soit par le comité consultatif lui-même, un nouveau groupe ou un groupe plus petit — d'un groupe indépendant qui donnerait suite au rapport du comité consultatif en gardant pour ainsi dire Pêches et Océans sur la sellette.
Les recommandations sont là. Je suis de votre avis sur toute la ligne, madame la sénatrice. Il y en a beaucoup. J'ai tenté d'en résumer plusieurs aujourd'hui, en particulier celles qui nous apparaissent urgentes et qui, si ce n'était des tracasseries administratives, pourraient être appliquées sans causer vraiment de problème ni coûter très cher.
Nous aimerions que les choses bougent davantage. Au cours des dernières semaines, les journaux du Nouveau- Brunswick ont publié des articles sur la pêche avec remise à l'eau. Ce n'est qu'une recommandation parmi d'autres, mais elle a pris une dimension propre. C'est une mesure positive, mais elle ne résoudra pas à elle seule la crise du saumon. Il faut appliquer certaines des recommandations les plus percutantes.
Cela dit, je suis plutôt optimiste. Nous avons présenté le rapport à Gail Shea, qui était alors ministre, à la fin de juillet. Il y a ensuite eu la campagne électorale, alors tout a été mis sur la glace. M. Tootoo vient d'entrer en fonction, en janvier. Le dossier progresse et il progresse plus vite que ce que je vois depuis très, très longtemps. Cependant, notre tâche n'est pas terminée, loin de là. Ce sont quelques pas positifs, et nous nous en réjouissons.
Pour que les recommandations du comité consultatif soient vraiment efficaces, il faut absolument mettre sur pied un comité en tant que tel, un sous-comité ou un groupe chargé de donner suite aux recommandations et de rencontrer les fonctionnaires de Pêches et Océans à intervalles réguliers. Les provinces auraient également leur rôle à jouer en veillant que tout se passe comme il se doit afin qu'autant de recommandations que possible soient appliquées dès que possible.
La sénatrice Stewart Olsen : Il est bon de le préciser. Voilà pourquoi j'ai posé les questions. Il ne faut pas baisser la garde.
Je m'intéresse au plan du Québec dont vous avez parlé. Il prévoit des remises à l'eau, mais je m'étonne qu'il n'y ait rien à propos des rivières Moisie et Natashquan, deux énormes rivières à saumon. Selon ce que vous dites, la surveillance se fait cours d'eau par cours d'eau. De gros acteurs de l'industrie de la pêche sportive mènent leurs activités sur ces rivières. Êtes-vous convaincus que la santé du saumon est bonne là-bas?
M. Taylor : Non.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est ce que je pensais.
M. Taylor : Je n'ai pas d'objection à en dire davantage sur la question. Je suis très heureux des progrès du gouvernement du Québec — c'est lui qui gère le saumon dans la province — et de la vitesse à laquelle il a imposé la remise à l'eau, sauf pour les cours d'eau de la Côte-Nord : la péninsule d'Ungava; la rivière Causapscal, un affluent de la Matapédia; la Patapédia, un affluent de la rivière Restigouche; la Natashquan; et la Moisie. Il y a quatre ou cinq cours d'eau où il restera possible de pêcher le grand saumon. Il existe des renseignements d'évaluation utiles relativement à quelques-uns des cours d'eau là-bas, mais ce n'est pas le cas pour tous.
Selon l'approche de précaution, il aurait fallu soumettre les autres cours d'eau au même régime de gestion que celui en vigueur dans le reste de la province.
Il y a 120 rivières à saumon atlantique au Québec, mais il n'en reste plus que quatre, cinq ou six où il sera permis de pêcher le grand saumon.
Il y a aussi des pourparlers entre la province et Pêches et Océans en vue de réduire le nombre de prises autorisées, qui passerait de sept à quatre, dont pas plus d'un grand saumon.
Loin de moi l'idée de défendre le modèle québécois, mais les cours d'eau du golfe, à l'exception de la rivière Restigouche, des cours d'eau de Terre-Neuve et même de ceux du Labrador, sont surtout des rivières à madeleineaux, alors les poissons qui reviennent frayer sont essentiellement des madeleineaux. Par contre, pour les cours d'eau de la Gaspésie et de la Côte-Nord, les saumons qui reviennent frayer sont surtout de grands poissons dibermarins ou tribermarins, avec très peu de madeleineaux.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci de ces explications. C'est intéressant.
La vice-présidente : Avant de passer à une question du sénateur Dagenais, je souhaite au sénateur Black la bienvenue ce soir au comité des pêches et des océans.
Le sénateur Black : Merci beaucoup. Je remplace la sénatrice Raine. Je ne suis pas très efficace, car le Sénat vient seulement de s'ajourner, alors je présente mes excuses pour mon retard. Je suis très désolé d'avoir raté votre présentation parce que, comme je viens de l'Alberta, je ne connais pas grand-chose sur la question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'ai deux courtes questions. J'aimerais revenir à l'évaluation des stocks de saumon que vous avez mentionnée plus tôt. Combien de temps faut-il, selon vous, pour évaluer les stocks de saumon, soit les stocks de saumon sauvage de l'Atlantique? En outre, auriez-vous une idée du coût lié à cette évaluation?
[Traduction]
M. Roach : Actuellement, on détermine l'état des stocks dans les divers réseaux hydrographiques en estimant le nombre de retours. En fonction de l'examen des retours et de la production d'œufs, on peut estimer combien d'œufs seront nécessaires dans l'habitat disponible; ce sera la cible de conservation minimale. On procède réseau hydrographique par réseau hydrographique selon le modèle québécois, ou encore par région, en se fondant sur des rivières représentatives ou témoins, dans d'autres secteurs du Canada atlantique.
C'est assez simple. On recueille des données sur les stocks de retours et, à partir de cela, on peut déterminer la taille et le nombre de poissons, ainsi que la quantité d'habitats disponibles. Il faut aussi procéder à une estimation de la ponte d'œufs et de la quantité d'œufs requis. On peut ensuite évaluer si la rivière ou le réseau hydrographique atteint les limites de conservation des œufs.
Cependant, certains des problèmes de conservation s'étendent au-delà de ce qui se passe dans le réseau hydrographique. En effet, les rivières semblent parfois produire des smolts qui partent en mer, mais qui ne reviennent pas. Le taux de production du réseau hydrographique est donc haut ou raisonnable, mais les poissons ne reviennent pas l'année suivante ou trois ans plus tard. La question est donc : qu'est-ce qui se passe en pleine mer qui cause la mortalité des saumons? C'est là l'élément incertain. Je suppose qu'il y a beaucoup de facteurs qui doivent être étudiés pour déterminer ce qui se passe. Il se peut que nous n'ayons pas encore déterminé les facteurs qui sont réellement à blâmer. Cela pourrait être les changements de température, la combinaison d'espèces, les prises de saumons non signalées dont nous ne sommes pas au courant, ou les pêches existantes. Il y a cet aspect-là.
Il est très difficile de savoir combien de temps, d'argent et de ressources cela prendra. Toutefois, c'est ce que le rapport recommande, à savoir d'examiner ce qui se passe dans l'océan. Il recommande aussi de collaborer avec d'autres groupes de recherche, comme les chercheurs en suivi des océans, parce qu'ils voient où les poissons se dirigent. C'est un programme fabuleux. Les chercheurs peuvent marquer les poissons et voir la voie qu'ils empruntent lorsqu'ils se rendent au Groenland pour se nourrir et lors de leur retour.
Il y a d'autres études sur l'écologie en pleine mer afin de voir les changements que connaissent les espèces, et plus particulièrement les saumons, en fonction des variations de température dans des profondeurs différentes.
Il faut donc se pencher sur ces questions importantes dans le cadre de toutes les recherches en pleine mer. L'idée est de travailler en collaboration avec des salmoniculteurs afin de tenter de déterminer les effets que ces changements ont sur la population de saumons.
Il s'agit là des deux côtés. L'étude des rivières n'est pas si compliquée. Il nous en faut juste davantage pour parvenir le plus près possible d'une évaluation rivière par rivière. Il est plus compliqué de répondre aux questions sur ce qui se passe en pleine mer. Il faudrait peut-être plus de temps et de ressources. Nous devrions peut-être nous associer à tous les groupes de recherche parce que nous pourrions obtenir des réponses sur d'autres espèces qui nous aideraient vraiment avec les saumons.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'ai une autre courte question. Au Québec, il y a tout de même beaucoup de pêcheurs sportifs, et on sait qu'ils ne remettent pas toujours leurs prises à l'eau. Ils peuvent toujours dire que c'est parce qu'ils ignorent la loi, ou tout simplement parce qu'on n'a pas de moyens pour les dissuader.
Pouvez-vous nous donner des exemples de façons dont nous pourrions inciter les gens à remettre leurs poissons à l'eau, ou du moins, les dissuader de les garder?
[Traduction]
M. Roach : Je vais répondre en premier, et Bill pourra peut-être fournir quelques renseignements supplémentaires.
Le rapport a mis l'accent sur deux approches pour faire respecter la loi : la dissuasion et l'éducation.
La dissuasion fonctionne vraiment. Si les gens ont peur de se faire prendre et qu'ils craignent les conséquences de leurs gestes, ils y penseront à deux fois avant de faire quelque chose d'illégal. S'il n'y a pas d'agents de protection des pêches ou même d'autres pêcheurs sportifs pour déclarer l'activité illégale, les braconniers pourraient poursuivre leurs activités, dans certaines régions, jusqu'à ce qu'elles ne soient plus économiquement viables. Cependant, avoir des agents sur place, en train de porter des accusations, de saisir de l'équipement, des véhicules et des bateaux, et de traîner ces braconniers devant les tribunaux où ils se feront imposer des amendes, change vraiment la donne. Lorsque des agents de protection des pêches du MPO, des agents provinciaux ou des gardes-pêche autochtones se pointent, le mot se passe dans les collectivités. Lorsque des groupes d'utilisateurs signalent des activités illégales aux organismes chargés de l'application de la loi, cela a d'importantes répercussions.
Nous avons encouragé toutes ces sortes d'initiatives, mais la présence d'agents de protection des pêches qui peuvent porter des accusations a d'énormes répercussions.
Quant à l'éducation, elle consiste à veiller à ce que les personnes connaissent les règles qui s'appliquent aux différents réseaux hydrographiques parce que certaines ne les connaissent pas. Je crois cependant, comme vous, que la plupart les connaissent probablement.
Il faut aussi informer les gens qui achètent des poissons pêchés illégalement que l'espèce est en difficulté dans certaines régions, et que le braconnage est en partie à blâmer. Les gens pourraient alors se dire que, premièrement, ils ne veulent pas se faire prendre et que, deuxièmement, cela nuit à l'espèce. C'est peut-être un peu utopique. Cependant, tous les renseignements que l'on peut communiquer au public au moyen des médias ou de tout autre outil pour l'aider à mieux comprendre le stress sur la ressource, ainsi que les risques d'acheter des saumons pêchés illégalement au lieu de respecter les exigences de conservation, pourraient être utiles.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais ce qui m'inquiète, c'est que, au Québec, on a réduit le nombre d'agents de conservation, car le gouvernement a réduit les budgets. Bien entendu, les gens croient qu'ils ne se feront pas prendre. Comme vous l'avez mentionné également, beaucoup de gens achètent des poissons de contrebande. Comme on dit toujours, s'il n'y avait pas de voleurs, il n'y aurait pas de receleurs. Les deux vont ensemble. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais le nombre de gardes-pêche a diminué également. Nous espérons que cela n'aura pas l'effet d'encourager les pêcheurs sportifs à garder leurs prises. Je peux vous dire que je suis bien au courant de ce dossier.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Je pense que le rapport est excellent et que vous y faites un grand nombre d'excellentes recommandations. Je ne devrais probablement pas vous donner ce conseil, mais je vais le faire quand même.
Vous comptez parmi vous certaines des plus merveilleuses organisations de pêche sportive et de chasse. Le rapport est important. Vous devez vraiment faire du lobbying. On vous l'a probablement déjà dit, et vous faites probablement du lobbying régulièrement, mais les politiciens sont bizarres. Ils vous écoutent parfois, surtout lorsqu'ils se trouvent parmi vous. Je suggère que vous invitiez, le plus tôt possible, le sous-ministre à manger avec vous. Vous devriez aussi inviter le ministre au banquet annuel de la Fédération du saumon atlantique. Invitez-le là-bas et rencontrez-le l'après- midi. Faites-le avant le budget afin que vous puissiez avoir votre mot à dire; c'est important. C'est extrêmement important et beaucoup de personnes comptent sur vous. Je sais que vous avez pris bien du temps à en arriver là.
Maintenant, je veux parler de quelque chose de complètement différent parce que c'est le sujet dont j'entends le plus parler en Nouvelle-Écosse. Comme je vous l'ai dit à vous deux plus tôt, ma femme et moi avons acheté l'année dernière un quadricycle côte à côte, dans lequel nous pouvons nous tenir la main pendant que nous parcourons les forêts. Ce qui se passe dans nos forêts est une source de grande controverse. Je ne m'oppose pas à la coupe à blanc parce que je ne suis pas assez bien renseigné sur le sujet. C'est une pratique qui a lieu, et je présume que ceux qui s'y livrent savent ce qu'ils font. Toutefois, j'entends des plaintes à propos de l'absence de ponceau, de ces énormes moissonneuses qui passent à travers les ruisseaux et les rivières, et je me demande qui veille au respect de la loi et qui éduque les gens. Il n'est pas si difficile de faire respecter la loi parce que nous avons accès à l'intérieur des forêts comme jamais auparavant grâce à toutes les routes à l'échelle de la province.
Alors, comment pouvons-nous empêcher une telle situation et quelle est sa gravité? Est-ce que quelqu'un le sait? Vous vous occupez de l'eau douce. Vous vous occupez de votre mieux de l'océan, mais votre véritable responsabilité consiste à s'occuper de l'eau douce, des habitats et des écosystèmes. Si des choses comme celles que j'ai mentionnées se produisent dans les forêts, qui s'en occupe? Qui surveille la situation? Je pourrais accompagner les personnes responsables et faire avec eux 200 à 300 kilomètres par jour pour leur montrer ce qui se passe dans la forêt. Mais y a-t-il des gens qui sont chargés de cela? C'est là la question.
M. Roach : Je vous jure que nous signalons les problèmes dans ce domaine. Il existe des règles et des pratiques sur l'utilisation des terres et des forêts, et elles sont bien meilleures qu'elles l'étaient auparavant, avec une zone riveraine située à proximité des cours d'eau afin d'assurer une protection contre un écoulement rapide et d'offrir de l'ombre. Il existe certaines règles. Elles pourraient probablement être améliorées si vous vouliez mettre l'accent sur l'habitat des poissons plutôt que sur d'autres priorités, mais elles sont quand même très bonnes sous leur forme actuelle.
Il y a des règles qui sont en vigueur, mais je crois que vous répétez le même argument que nous faisons valoir dans notre rapport, à savoir que nous avons des règles et des pratiques sur l'utilisation des terres, mais qu'il faut les appliquer. Cela ne fait aucun doute. Parfois, cela relève des organismes provinciaux et d'autres, du MPO. Les outils existent. Il faut juste les appliquer.
Le sénateur McInnis : Si des ententes de financement sont conclues avec d'autres organismes et partenaires internationaux, pourriez-vous collaborer avec eux?
M. Roach : Il existe déjà des partenariats au sein de toutes les administrations, et certains sont très efficaces. Je pense qu'il doit seulement y en avoir plus.
Bill a fait référence à la situation de Terre-Neuve, où les agents provinciaux de conservation travaillent en étroite collaboration avec le MPO. En Nouvelle-Écosse, les agents provinciaux travaillent aussi en étroite collaboration avec le MPO. Ils collaborent sur des questions relatives au saumon sur la côte nord — le comté d'Inverness et le détroit de Northumberland — et sur la truite dans le reste de la province.
Il s'agit d'une base solide. Cependant, les deux organismes ont leurs propres priorités, et ils doivent investir leurs ressources ailleurs. C'est de là que vient l'idée de mettre en place un fonds dédié aux saumons et un groupe chargé de veiller à ce qu'il soit utilisé adéquatement.
Nous abordons votre question sur les pratiques en matière d'utilisation des terres, que ce soit des terres agricoles, forestières ou même aquatiques, dans le rapport. Il y a là quelques possibilités.
La sénatrice Stewart Olsen : Les dragueurs nuisent-ils par inadvertance aux stocks de saumons? Je pense aux occasions où ils sont en haute mer à la recherche d'autres stocks. Est-ce qu'ils les capturent dans leurs filets? Je ne sais pas s'il y a un moyen de le savoir, mais c'est une question que je me pose.
M. Roach : Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la pêche commerciale a eu une incidence et qu'elle en a peut- être encore. Les dragueurs draguent le fond des océans. Les saumons sont des poissons pélagiques. Nous avons entendu parler de senneurs qui ciblaient uniquement le capelan. Si ces bateaux se rendent dans les baies où les saumons peuvent se diriger vers les rivières, il y a un risque pour les saumons. Historiquement, certains des parcs à hareng et des pièges à poissons ont certainement eu des conséquences négatives.
Même si je n'ai pas eu d'expérience avec les trappes à morue, je sais que, en Nouvelle-Écosse, il y avait toujours un problème à libérer les saumons capturés accidentellement et à faire appliquer les règles à cet égard. Je ne sais pas si c'est la même situation avec les trappes à morue de Terre-Neuve, mais je ne vois pas pourquoi elles ne capturaient pas, elles aussi, des saumons migrateurs.
Dans le rapport, nous avons mis l'accent sur les poissons-appâts. On délivre des permis pour ces appâts partout dans l'Est du Canada. Bon nombre d'appâts étaient destinés à la pêche des invertébrés — des homards ou des crabes — ou pour la pêche à la palangre.
Lorsque les filets sont placés à un moment où les saumons se déplacent dans les rivières ou dans leurs environs, c'est une assez bonne indication que le saumon pourrait fort bien être la cible de ces pêcheurs. Nous avons recommandé de lutter contre les pêches où il y a des risques de prises accessoires, et de déterminer si on devrait encore délivrer des permis pour les appâts. Si la pêche aux poissons-appâts n'est plus nécessaire, pourquoi autorise-t-on encore les filets de pêche dans lesquels les saumons peuvent être interceptés? Il pourrait être utile de prêter attention à l'endroit où ces filets sont placés.
La sénatrice Stewart Olsen : Et au moment.
M. Roach : Oui, et au moment. Les gens penseront peut-être que, puisqu'on les surveille, il ne vaut pas la peine d'installer des filets. Il faut donc être conscient de ces choses et les aborder.
Pour ce qui est des chalutiers, je ne pense pas...
La sénatrice Stewart Olsen : Mais ils recueillent les aliments du saumon?
M. Roach : Eh bien, nous constatons des changements dans les autres espèces. Nous avons entendu des témoignages au sujet des espèces de protection, comme le grand nombre de gaspareaux. Prenons l'exemple d'un couple de saumoneaux qui se trouve dans un banc de poissons où de nombreux bars d'Amérique attendent pour les manger au passage. Si leur ratio dans le groupe est de 1 à 1 000, le risque n'est pas trop élevé. Toutefois, si, en l'absence de gaspareaux, les saumons se dirigent seuls vers le banc de poissons, le risque est plus grand. Des choses de ce genre peuvent aussi se produire. Les études sur l'écosystème pourraient nous éclairer sur la situation du saumon.
M. Taylor : J'ajouterais simplement que le rapport contenait une recommandation précise. La pêche à partir de chalutiers n'est pas très importante. La seule pêche que je connaisse sur la côte Est du Canada — et peut-être même au Canada — qui autorise les captures accessoires est la pêche à la truite au filet réservée aux résidants du Labrador. Les résidants du Labrador peuvent obtenir un permis qui leur permet de pêcher au filet dans une rivière et de capturer 50 truites. On leur remet trois étiquettes qu'ils peuvent apposer sur des saumons et qui indiquent qu'il s'agit de captures accessoires légitimes. Quant aux pêches assorties de captures accessoires auxquelles Greg a fait allusion, si je pêche le maquereau ou la morue, je suis censé remettre le saumon à l'eau, qu'il soit mort ou vivant.
Au Labrador, les pêcheurs sont autorisés à conserver le saumon. Beaucoup de pêcheurs du Labrador nous ont dit que cela ne s'appliquait pas aux 50 truites qu'ils peuvent capturer. Comme ils lancent à l'eau leurs filets pour attraper du saumon et des captures accessoires, il faut mettre en œuvre la recommandation dès maintenant afin de sauver un grand nombre de saumons. On nous a aussi dit qu'il y avait des problèmes semblables sur la Côte-Nord du Québec.
La sénatrice Stewart Olsen : Oui, je suis tout à fait au courant.
La vice-présidente : Je vous remercie de vos observations. Au nom du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, je tiens à vous féliciter du travail que vous avez effectué au sein du comité consultatif et des efforts que vous déployez pour aider à rétablir cette pêche importante dans la région de l'Atlantique. Merci à tous.
Si vous le permettez, j'aimerais que le comité propose une motion pour poursuivre la séance à huis clos.
La sénatrice Stewart Olsen : Que cette motion soit proposée.
La vice-présidente : D'accord?
Des voix : D'accord.
(La séance se poursuit à huis clos.)