Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 2 - Témoignages du 12 avril 2016
OTTAWA, le mardi 12 avril 2016
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 36, pour examiner le cas de privilège qui concerne les fuites du rapport du vérificateur général sur son audit du Sénat.
La sénatrice Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour à tous. Je vous rappelle tous qu'il s'agit d'une question de privilège que la sénatrice Hervieux-Payette a soulevée à deux reprises, au printemps dernier et de nouveau au cours de la nouvelle session du Parlement. À deux reprises, le Président a jugé qu'il y avait un cas de privilège à examiner, et à deux reprises, le dossier a été renvoyé à ce comité.
La sénatrice Hervieux-Payette est parue au printemps dernier pour parler de la question de privilège, mais il nous a semblé approprié de la réinviter, puisqu'il s'agit d'une nouvelle session. Les membres du comité ne sont pas exactement les mêmes qu'à la dernière session du Parlement.
Sénatrice Hervieux-Payette, je vous invite à expliquer votre position. Nous avons tous, évidemment, la transcription de ce que vous avez dit la dernière fois, mais aux fins du comité et des formalités, nous aimerions bien vous écouter une deuxième fois.
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Chers collègues, je ne m'attendais pas à ce qu'on reprenne tout le dialogue que j'ai eu avec mes collègues, dont certains sont toujours ici. La raison première de mon intervention est surtout le fait que la réputation de notre institution en a pris pour son rhume. On traîne cela sur nos épaules. Certains de mes collègues disaient qu'on tourne la page et que l'affaire est close. Je regrette; je pense qu'il faut établir des balises et veiller à ce que cet événement ne se répète pas. Il y a des gens qui travaillaient très près du sénateur Housakos qui ont même témoigné qu'ils étaient au courant et qu'ils avaient déconseillé au sénateur Housakos de diffuser les documents. Donc, dans mon cas, ce ne sont que des ouï-dire, mais dans leur cas, ce sont des gens qui étaient près de lui. Ces gens ne sont pas nommés, mais il reste qu'on a publié dans différents médias les témoignages de ces personnes qui ont dit avoir été tout à fait outrées de cette action prise par notre collègue.
Je dois préciser que tout le déroulement de la situation a été plus que dommageable et, en même temps, il n'a pas apporté les clarifications nécessaires. Je vous avais dit que j'avais écrit au vérificateur général au sujet du document qu'il nous avait envoyé, surtout en ce qui concerne la réponse qu'il nous avait préparée. Je le précise, parce que j'avais remis en question la confidentialité du rapport. Dans son énoncé — et cela est public —, soit dans la lettre du vérificateur général, il est indiqué que tous les documents au dossier ou les renseignements qu'il allait nous communiquer ne seraient pas rendus publics, à moins qu'ils soient inclus dans un rapport public sur les résultats de notre audit. Je me suis dit : « soit les renseignements sont confidentiels ou ils ne le sont pas ». Une fois rendus publics, ils ne sont plus confidentiels.
En ce qui me concerne, je crois que toute cette question doit être vidée par le comité. Vous devez vous pencher sur la question de ce qu'est un document confidentiel et sur les conséquences liées à la diffusion d'un document confidentiel.
La dernière fois que j'ai été invitée au comité, nous avons cherché et demandé à la Bibliothèque du Parlement de faire une recherche. Je ne sais pas si cette recherche a été remise au comité, à savoir s'il y avait des précédents concernant cette question. En ce qui me concerne, je crois qu'il est extrêmement important, tout d'abord, de conserver une certaine tradition, et je parle de tradition parlementaire, que ce soit du côté de la Chambre des communes ou du Sénat. Je pense que les Canadiens, en matière de confidentialité, sont en mesure d'en comprendre la définition.
Pour ma part, je vous ai dit, lors de ma comparution du 16 juin, que je l'assimilais à la question du privilège du client d'un avocat, à savoir que ce privilège a rarement été levé, même au niveau de la Cour suprême. Or, il en est de même pour les journalistes. Si vous vous souvenez, dans certains cas, même dans des cas graves de meurtre, de terrorisme ou autres, les journalistes n'ont pas été tenus de citer leurs sources. Donc, la confidentialité, pour moi, c'est quelque chose d'extrêmement important.
Si j'ai accepté de revenir au comité, étant donné que nous avions tout de même bien examiné la question avant les élections, je crois qu'il est important de conclure le dossier dans un temps raisonnable. Je sais que cela ne sera pas fait d'ici 15 jours, mais je crois que ce doit être réglé d'ici la fin de la session. Nous devons proposer une politique qui sera adoptée par le comité, et qui définira adéquatement les éléments, de même que les sanctions.
Selon moi, tous les documents n'ont pas la même importance. Cependant, il reste tout de même que, lorsqu'il s'agit du rapport du vérificateur général ... Malheureusement, il y a eu des fuites dans le passé relativement au rapport du vérificateur général, il y a plusieurs années. Dans ce cas-ci, il semblerait, bien que j'aie remis en question le niveau de confidentialité du côté du vérificateur général, que le Sénat soit à l'origine de la fuite du rapport, qui a finalement causé énormément de problèmes à mes collègues, et à moi aussi, même si je n'étais pas mentionnée, vu que nous portons tous le titre de sénateur. En aparté, je dois préciser que je suis toujours un sénateur, et non une sénatrice. Pour que vous compreniez bien, dans ma culture, comme en France, une sénatrice est la femme du sénateur. Donc, lorsqu'on voyage, il est utile de savoir quel est le poste qu'on occupe ici, et j'en suis très fière.
Selon moi, cet incident a porté atteinte à toute l'institution, et à tous les sénateurs. Même si nous avons hâte de tourner la page, je regrette que le processus ne soit pas encore complété, et que cela prenne autant de temps pour nos collègues qui doivent faire face à différents problèmes dans ce contexte. C'est comme si nous vivions dans une démocratie pas tout à fait bien organisée.
Le fait d'étirer pendant des années les plaintes faites à l'égard de certains collègues, qui auraient fait des choses qui n'étaient pas acceptables, affecte toute l'institution. Je souhaite et j'espère que vous ferez, comme collègues, pression pour que la question de ce dossier soit vidée le plus tôt possible. Cela n'a pas de sens, il est question de 2011-2012, et nous sommes en 2016. Je ne peux pas croire que cela sera étiré jusqu'en 2020. Il ne s'agit pas du procès des Hells Angels, alors, nous devrions nous assurer que cette question soit traitée rapidement.
Je propose tout simplement que le terme « confidentiel » soit bien énoncé, bien expliqué, et que les sanctions qui s'en suivront soient beaucoup plus précises, parce qu'à l'heure actuelle, le flou autour de cette question m'a poussée à revenir à la charge, surtout que le comité avait été dissous. Pour aller au fond de la question, vous avez déjà les pièces que j'ai versées au dossier, et vous aurez probablement la recherche faite par la Bibliothèque du Parlement qui pourra vous éclairer sur cette question. Je n'ai pas autre chose à ajouter; je pense que mon témoignage du mois de juin était complet.
La sénatrice Fraser : Merci, je ne dirai pas « sénatrice » — moi-même, j'ai toujours préféré « sénateur », mais je me plie aux formalités du Sénat. Bravo pour cela! Je rappelle aux sénateurs que nous n'avons aucune preuve des personnes qui sont à l'origine des fuites. Comme Mme Hervieux-Payette vient de nous le rappeler, les journalistes ont le droit de garder leur source confidentielle. En tant qu'ancienne journaliste, je trouve que c'est un élément très important de notre système de démocratie. Donc, nous devons nous pencher sur la question différemment. Cependant, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des questions à étudier de façon très sérieuse au sein de ce comité.
[Traduction]
Le sénateur White : J'aimerais remercier notre témoin d'être ici aujourd'hui. Après vous avoir écoutée ces dernières minutes, je comprends qu'on croit qu'il y a des gens qui ne comprennent pas tout à fait l'importance de la confidentialité en ce qui concerne plusieurs questions dont nous sommes saisis. Êtes-vous d'accord?
La sénatrice Hervieux-Payette : Si on parle d'une chose confidentielle, mais qu'il s'agit d'une lettre entre votre belle-mère et vous, je ne crois pas que cette situation ait le même poids qu'un rapport du vérificateur général sur les dépenses d'une institution publique. Il y a divers degrés de confidentialité. Comme je l'ai mentionné plus tôt, lorsqu'un rapport d'un comité est sur le point d'être publié, on nous envoie très souvent un avis nous demandant d'en préserver la confidentialité. Souvent, nous recevons un exemplaire numéroté pour veiller à ce qu'il ne soit pas en circulation.
En fait, il s'agit d'un système fondé sur l'honneur. Même si nous parlons « d'honneur », il y a un degré de preuve, ce que vous devriez savoir compte tenu de votre expérience. Dans ce cas-là, il s'agissait d'un sujet très délicat. La réputation de dizaines de personnes était en jeu, ce qui a nui à la réputation de toute l'institution et, manifestement, à celle de la démocratie.
Je présume qu'il devrait exister certaines directives pour nous indiquer la démarche appropriée. J'ai tenté de trouver en ensemble de mesures qui pourraient être prises contre les personnes qui enfreignent ces règles, selon la qualité du rapport, mais je n'en ai trouvé aucune. En ce qui me concerne, lorsqu'un sénateur pose un geste qui nuit à l'ensemble de l'institution, et que c'est clair et évident, il pourrait être justifié de demander sa démission. Selon moi, lorsqu'une personne est déloyale à l'égard de ses collègues et de son institution, elle a trahi tout le monde.
Je crois que les gens ont beaucoup souffert. Certaines personnes étaient « dans le trouble » pendant plus d'une semaine. Je n'accepte pas que quiconque soit traité de cette façon. Je me souviens que vous avez appuyé l'examen des questions — l'interrogation des témoins. De nombreuses personnes pourraient être interrogées et devraient faire partie de l'enquête. En ce qui me concerne, c'est un abus de confiance très grave.
Le sénateur White : Comme plusieurs personnes l'ont exprimé en ce qui concerne l'occasion de fournir des éclaircissements et de l'information, nous sommes arrivés ici à différents moments, et le niveau d'information fourni à chacun à son arrivée est important. Nous devons atteindre ce niveau de clarté, afin d'être en mesure de comprendre l'importance de l'abus. Je crois que vous conviendrez que cela devrait également être l'un des éléments sur lesquels nous nous concentrons.
La sénatrice Hervieux-Payette : Parfois, la situation nuit à une personne. Dans ce cas-ci, elle nuit à tout le monde.
Le sénateur White : Je suis d'accord.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est mon opinion. Il faut régler la question et il faut trouver une façon d'éviter que cela se reproduise à l'avenir. Les personnes qui seraient tentées d'agir de cette façon à l'avenir devraient connaître les conséquences de leurs actes.
La sénatrice Batters : Madame Hervieux-Payette, j'aimerais revenir au jour où la première fuite nous a été communiquée, c'est-à-dire le jeudi 4 juin 2015, le jour où, je pense, j'ai dit que les médias nous cernaient de toutes parts; ils nous attendaient à l'extérieur du Sénat et de chaque salle de réunion. Partout, les journalistes tentaient de nous soutirer des renseignements confidentiels, des renseignements pour lesquels nous avions signé des ententes de confidentialité avec le vérificateur général, car ils avaient des renseignements à cet égard. Tout cela s'est produit avant le dépôt du rapport au Sénat; le vérificateur général n'avait même pas encore remis son rapport au Sénat.
Lorsque vous avez comparu devant notre comité en juin dernier, je vous ai demandé si vous vous souveniez avoir été présente au Sénat ce jour-là. Vous avez indiqué que vous étiez présente. J'ai vérifié le registre des présences au Sénat en ligne pour ce jour-là, et selon ce registre, vous n'êtes pas venue au Sénat pendant la journée. Des votes ont eu lieu plus tard ce jour-là, et vous n'y avez pas participé. Je me demande seulement s'il s'agit d'une erreur. Étiez-vous présente au Sénat ce jour-là ou êtes-vous partie particulièrement tôt?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je consulterais le même registre, car je ne peux pas vous dire où j'étais le 4 juin de l'an dernier. Je ne sais pas. Tout d'abord, je n'ai pas vérifié, et si on ne m'a pas interrogée, il est possible que je n'étais pas présente.
La sénatrice Batters : Vous souvenez-vous avoir été présente plus tôt ce jour-là? Vous étiez peut-être dans votre bureau et êtes partie tôt?
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, je ne m'en souviens pas.
La sénatrice Batters : Je présume que vous êtres rentrée chez vous, au Québec, cette fin de semaine-là. À quel moment êtes-vous revenue à Ottawa la semaine suivante? Vous en souvenez-vous?
La sénatrice Hervieux-Payette : Habituellement, je suis ici le mardi, le mercredi et le jeudi. C'est ma routine. En raison de problèmes personnels à la maison, j'ai dû réduire ma présence ici à deux jours par semaine au début de cette année, et lorsque je suis ici, je dois dire que je suis toujours très anxieuse, car les choses ne vont pas très bien à la maison. L'an dernier, ce n'était pas le paradis, mais maintenant, c'est pire.
La sénatrice Batters : Je suis désolée d'entendre cela. Pourriez-vous seulement vérifier?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je vais vérifier, mais comme je l'ai dit, vous pouvez tous consulter le registre.
La sénatrice Batters : Oui, et c'est ce qu'il indique.
Les journalistes ont communiqué avec un grand nombre d'entre nous ce jour-là et nous ont posé des questions sur ces renseignements confidentiels que nous n'étions pas autorisés à diffuser. Pourriez-vous nous dire quel journaliste en particulier a communiqué avec vous pour vous poser des questions sur ce sujet pendant cette semaine-là?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne m'en souviens pas.
La sénatrice Batters : Auriez-vous des notes qui pourraient vous aider à vous en souvenir?
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous savez qu'ils sont dans le corridor, et qu'ils n'ont pas de porte-nom. Donc, la plupart du temps, surtout en ce qui concerne les journalistes anglophones... je connais un peu mieux les journalistes francophones, mais je ne connais pas le nom de la plupart des journalistes anglophones, et il m'est donc difficile de vous répondre.
La sénatrice Batters : Donc, si l'un d'entre eux a communiqué avec vous, il vous a seulement vue dans le corridor. Personne n'a communiqué avec votre bureau.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est cela.
La sénatrice Batters : Pourriez-vous vous rafraîchir la mémoire à l'aide des notes que vous avez prises à ce moment- là?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne prends pas de notes lorsque je réponds à un appel téléphonique. En ce qui me concerne, pendant plus de 20 ans, j'ai répondu — je suis probablement l'une des personnes les plus ouvertes dans cette institution et il s'ensuit qu'habituellement, je ne cache rien. Vous savez probablement cela depuis un certain temps. Je suis non seulement fière, mais transparente à l'égard de ce que nous faisons et d'où nous allons.
La sénatrice Batters : Vous ne vous souvenez donc pas avoir parlé de cet enjeu à un journaliste?
La sénatrice Hervieux-Payette : Non.
La sénatrice Batters : Lors de votre dernière comparution, vous avez dit que vous aviez écrit au vérificateur général pour exprimer votre mécontentement quant au fait qu'il avait formulé des commentaires dans les médias au sujet de ce rapport avant sa publication. À ce moment-là, le président vous a demandé de fournir les documents dont vous aviez parlé pendant les délibérations, et vous avez accepté de les fournir. Avez-vous fourni ces documents au comité?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je présume, mais il faudrait que je demande au greffier s'il les a reçus. Sinon...
La présidente : Chers collègues, vous avez sûrement remarqué que nous avons un greffier formidable, mais c'est un greffier suppléant, et nous tiendrons donc compte de cela. Je sais que nous avons reçu certains documents, mais je ne peux pas vous donner plus de détails, madame.
La sénatrice Batters : Si le greffier n'a pas encore reçu ces documents, pourriez-vous les fournir?
La sénatrice Hervieux-Payette : Oui, sans problème.
La sénatrice Batters : Merci.
Le sénateur Wells : Merci, madame Hervieux-Payette. Même si vous laissez entendre que le comité ou le Sénat devrait définir le terme confidentialité, je crois qu'en général, nous avons tous une idée de ce que cela signifie ou nous le savons peut-être. Si j'ai des documents confidentiels, je peux les montrer à mon personnel à titre consultatif, mais je ne les enverrai pas nécessairement aux médias. Je crois donc que nous avons tous une idée générale de la signification du terme confidentialité.
À l'avenir, comment, à votre avis, pourrions-nous empêcher les gens de parler des documents confidentiels ou de les diffuser? Quelles mesures pourrait-on prendre? Certains éléments de ce problème sont liés à la nature humaine dans un environnement politique. Selon vous, comment pouvons-nous empêcher les gens de diffuser des renseignements, que ce soit oralement ou par l'entremise de documents?
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous devrions peut-être examiner ce que font d'autres parlements, et ce qu'ils font lorsque les gens ne respectent pas les règles les plus fondamentales. La Chambre des lords a peut-être une façon de régler ce genre de problème.
En ce qui me concerne, j'ai déjà mentionné qu'il y a un degré de confidentialité et un niveau de préjudice, si l'on peut dire, qui pourraient être créés. Si vous faites partie d'un comité qui rédige un rapport pouvant avoir des répercussions sur le marché boursier, je pense que sa publication pourrait entraîner des préjudices importants. Si vous avez un autre document concernant un enjeu lié à une maladie ou à autre chose, c'est aussi important, mais cela ne sera peut-être pas aussi préjudiciable à la société. Nous devons nous demander dans quelle mesure la publication de ces documents causera un préjudice à la population.
J'ai l'impression que des juristes très intelligents travaillent pour nous. Nous pouvons probablement mener des recherches et établir deux ou trois niveaux de conséquences liées à la publication d'un document, et cela dépendrait des préjudices potentiels. Pensez seulement à nos collègues qui ont été faussement accusés d'une chose ou d'une autre et, au bout du compte, après plusieurs discussions, et cetera, on leur a dit qu'ils étaient conformes et que l'affaire était réglée. Eh bien, leur réputation a été attaquée de façon assez dramatique. Dans n'importe quel autre métier exercé dans la société, lorsqu'on cause un préjudice à la réputation d'une personne, on est tenu responsable.
Je peux vous dire que l'été dernier, pendant les derniers jours du Sénat, un faux rapport a été communiqué à un journal de Montréal, qui lui a consacré toute la page 7, avec une très grande photo de moi. Il m'a fallu de 30 à 40 heures et l'aide d'un avocat pour répondre à cela, et je tenais absolument à corriger la situation. J'ai dû embaucher un avocat, car on m'avait attaquée.
Une plainte concernant cette affaire a été déposée au comité du Sénat, et cela m'a causé un grand préjudice. Manifestement, j'ai été complètement innocentée, mais je peux vous dire que lorsque votre réputation est en jeu, il faut prendre les moyens nécessaires pour la protéger. Ces gens n'auront jamais et ne prendront jamais... voyez-vous tous nos collègues qui ont été cités dans ce rapport se rendre devant les tribunaux civils pour tenter de poursuivre en justice les personnes qui ont publié ce document?
Le préjudice peut donc également être quantifié, car — c'est la même chose avec la confidentialité — cela pourrait nuire à la famille. Cela peut nuire à la personne. Dans le cadre de nos activités, je crois que nous ne devrions pas être exemptés des règles qui s'appliquent aux autres citoyens de notre pays.
Le sénateur Wells : Pouvez-vous penser à des mesures précises qui pourraient être prises pour empêcher cela? Vous avez raison, on pourrait utiliser des documents numérotés, mais cela n'empêchera personne de dire, dans le corridor, « Voici ce que j'ai, voici ce que j'ai lu, cela pourrait être préjudiciable sur le plan politique et je vais donc vous le raconter. » C'est la dure réalité de notre situation.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est comme si vous autorisiez tout le monde à dire n'importe quoi. Je ne dis pas que certaines personnes ne manquent pas de jugement à l'occasion, mais leur manque de jugement devrait entraîner des conséquences. À mon avis, poser un geste en vue d'obtenir un gain politique représente un manque de jugement et, en même temps, attaquer d'autres collègues, car cela se reflète également sur l'institution. Chaque fois que nous le faisons, cela nuit au Sénat. En ce qui me concerne, nous devrions tous être fiers d'être ici et nous ne devrions pas avoir à subir les conséquences des gestes posés par une personne déraisonnable qui n'a pas la capacité de jugement nécessaire pour se rendre compte que son comportement est inapproprié.
Le sénateur Wells : Je suis d'accord avec votre dernière phrase.
La sénatrice Jaffer : Madame Hervieux-Payette, je vous remercie de comparaître aujourd'hui. Vous n'en tirez certainement aucun avantage, mais c'est très utile pour l'institution. J'aimerais personnellement vous remercier d'être aussi persévérante, surtout avec les défis auxquels vous faites face en ce moment. J'admire beaucoup votre persévérance.
J'aimerais que vous apportiez des éclaircissements sur un point, et que vous précisiez que vous ne dites pas que le vérificateur général est responsable de cette fuite, mais qu'il y a eu une fuite. Est-ce bien ce que vous dites?
La sénatrice Hervieux-Payette : Pendant tout le processus par lequel est passé le vérificateur général, nous savions que certains renseignements avaient été diffusés, et nous étions tous très mal à l'aise à cet égard. Cela ne visait peut-être pas une personne en particulier, mais nous avions l'impression que l'équipe des communications du vérificateur général n'avait pas bien fait son travail.
Je suis la première à défendre cette institution. Comme je le dis, je ne suis pas venue ici pour détruire cet endroit et m'assurer de le faire en minant sa réputation. J'ai fait partie de plusieurs comités. Je suis ici depuis plus de 20 ans, et je suis très fière de mes antécédents. Je suis venue ici en sachant que je devais avoir l'appui des membres de ma famille, de mon mari et de tous ceux qui m'entourent, et je m'ennuie également d'eux. Nous le faisons tous. Nous quittons nos foyers, nous déménageons dans une autre ville, et nous faisons les sacrifices nécessaires pour être ici et servir la population du Canada.
En ce qui me concerne, nous devons profiter de cette protection, et la confidentialité devrait être l'un des éléments principaux des mesures qui visent à nous protéger et à protéger l'institution. Je crois qu'on peut établir une définition qui se fonde sur l'étendue du préjudice causé. Toutefois, en même temps, on devrait établir des règles qui prévoient des conséquences. Il n'y a aucune conséquence — c'est ce que nous avons constaté jusqu'ici.
Si vous travaillez pour une grande entreprise et que vous diffusez des renseignements — peu de gens pourraient garder leur emploi pendant longtemps après avoir diffusé des renseignements de nature délicate sur leur entreprise.
Dans notre cas, je ne crois pas que nous devrions être autorisés à nuire à l'institution, à miner la réputation de nos collègues — plus d'un — sans en subir les conséquences. En ce qui me concerne, il vous faudra réfléchir à fond pour trouver une façon de régler ce problème.
La sénatrice Jaffer : Madame, si je me souviens bien, le rapport du vérificateur général a été remis à l'administration ou à notre leadership à une certaine date et ensuite, il s'est écoulé quatre ou cinq jours — je ne m'en souviens plus, je peux me tromper —, mais plusieurs jours se sont certainement écoulés avant que nous le recevions.
De plus, certaines sources laissent croire que des ressources du Sénat étaient responsables de certaines de ces fuites. Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard?
La sénatrice Hervieux-Payette : Je viens de lire le rapport dans les médias, comme tout le monde ici, sauf qu'après un rapport, il y avait un autre rapport, et un autre.
[Français]
C'était comme un château de cartes. On n'en finissait plus, et nous restions dans le noir pendant tout ce temps-là. Si nous avions tous reçu le rapport le lendemain matin, cela aurait minimisé les dommages, mais dans ce cas-ci, les gens voyaient leur nom exposé sur la place publique alors qu'ils n'avaient vu aucun document officiel qui les concernait. C'est tout à fait inacceptable. Nous avions supposément un processus impeccable, nous avions pris toutes sortes de précautions, et je ne parle pas de la période qui a précédé la production du rapport, mais du moment où le rapport a été produit. Je n'étais d'ailleurs pas d'accord pour que le premier ministre en reçoive une copie. Le Sénat ne relève pas du premier ministre, je regrette. C'était une erreur au sein de tout le processus.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Vous avez été sénatrice et députée pendant très longtemps avant tout cela. Je suis également d'accord avec vous lorsque vous dites que le premier ministre ne devrait pas avoir reçu ce rapport avant nous. Selon votre expérience, cela s'est-il déjà produit auparavant?
La sénatrice Hervieux-Payette : Non.
[Français]
Le sénateur Joyal : Merci, sénateur Hervieux-Payette, de votre présentation ce matin.
[Traduction]
J'aimerais aborder deux points. En juin dernier, lorsque nous vous avons entendue pour la première fois, j'ai mentionné un rapport du Comité des comptes publics de mai 2007, dont le titre était La diffusion prématurée des rapports de la vérificatrice générale dans les médias avant leur présentation à la Chambre des communes. La présidente se souviendra qu'à l'époque, les membres du comité avaient décidé — et je cite les mots du président à la page 14 de la transcription :
J'ai noté que la personne de la Bibliothèque va s'en occuper et recueillir toute l'information de 2007.
Il me semble que ce rapport du Comité des comptes publics de la Chambre des communes formule des recommandations précises relativement aux fuites. Je vais lire la recommandation à nouveau :
Le Conseil du Trésor du Canada, en consultation avec la vérificatrice générale du Canada, adopte une politique ferme concernant les exigences de sécurité liées au traitement des ébauches de rapports de vérification de la vérificatrice générale, y compris des sanctions...
Il me semble que si la Bibliothèque a mis en œuvre la recommandation du président, nous devrions être en mesure d'obtenir des renseignements sur la politique qui a été mise en œuvre par le Conseil du Trésor à la suite des fuites liées à des rapports précédents qui se sont produites au Bureau du vérificateur général.
J'aimerais rappeler aux membres du comité que lorsque des fuites se produisent au Bureau du vérificateur général — lorsque Sheila Fraser était la vérificatrice générale du Canada, elle a appelé la GRC. C'était une affaire très grave liée à un abus de confiance qu'on pensait exister entre la vérificatrice générale et l'administration qui fait l'objet d'une enquête.
Tous les sénateurs se souviendront que notre audit n'était pas un audit de gestion, mais un audit juricomptable. Je me suis levé au Sénat et j'ai déclaré clairement et sans détour à tous les sénateurs qu'ils faisaient l'objet d'un audit juricomptable. Nous savons ce qui s'est produit dans ce cas.
J'aimerais donc, tout d'abord, que vous aidiez le comité à progresser et à régler cette question. Je crois que nous devrions examiner la politique mise en œuvre par le Conseil du Trésor qui impose certaines directives liées au traitement confidentiel des rapports publiés par le vérificateur général.
Mon deuxième point concerne les sanctions. Comme l'a dit, à juste titre, le sénateur White, nous accueillerons 27 nouveaux sénateurs. Je serais très surpris qu'ils connaissent bien la responsabilité et la tâche qu'ils assument lorsqu'ils ont accès à des renseignements confidentiels à titre de membre d'un comité ou dans d'autres fonctions que nous exerçons au Sénat.
Il me semble qu'en ce qui concerne l'atteinte au privilège, il faudrait modifier le Règlement du Sénat du Canada et prévoir des sanctions qui seraient clairement mentionnées dans ce Règlement. J'ai rappelé aux honorables sénateurs que nous avons ajouté des sanctions au Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs. La liste comprend notamment une réprimande et la présentation d'excuses. Un sénateur ou une sénatrice pourrait être suspendu, pendant une certaine période, soit d'un comité, soit du Sénat dans le cas d'un manquement plus grave.
Il me semble donc que dans notre rapport, nous pourrions notamment aborder la question des sanctions, et que nous devrions exprimer clairement qu'une personne qui pose un tel geste pourrait être accusée de manquement et être visée par une sanction imposée par l'institution. Autrement, une personne qui commet un manquement à la confidentialité peut s'enfuir trop facilement et en toute impunité. Le cas soulevé par la sénatrice Hervieux-Payette est très grave, car il s'agit de la réputation d'un sénateur.
J'aimerais citer Voltaire, le célèbre philosophe français : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. » Cela signifie évidemment que vous pouvez mentir et mentir, mais que les gens se souviendront toujours de quelque chose à votre sujet. En fait, la réputation d'un sénateur est son plus grand atout. C'est sa crédibilité. Lorsque vous intervenez, vous vous fondez sur votre crédibilité. Lorsqu'un sénateur intervient, on se demande immédiatement s'il ou si elle est honnête, s'il s'approprie l'argent du public, ce qu'il fait, et si on a déjà entendu son nom quelque part. Nous vivons à l'époque des médias électroniques. Je les vois partout sur la table. Il est facile de dire « Sénatrice X, la presse a mentionné quelque chose; nous n'en sommes pas certains, mais la presse l'a mentionné », et le mal est fait.
Nous vivons à une époque où les règles visant à protéger la confidentialité doivent être très sévères, surtout dans le cas qui nous occupe, car la réputation de certains sénateurs était en jeu; cela ne fait aucun doute.
Ce sont les deux points que je tenais à soulever pour tenter d'aider les membres du comité à régler cette question.
[Français]
La présidente : Merci, sénateur Joyal. Vouliez-vous faire un commentaire à ce sujet?
La sénatrice Hervieux-Payette : Cela répond à la suggestion que j'ai proposée plus tôt, à savoir qu'aucune action précise n'est prévue pour protéger l'institution et la personne. Je dirais qu'il est presque inutile de parler de confidentialité si on peut divulguer n'importe quel document confidentiel et n'avoir à en subir aucune conséquence. Cela n'a pas de sens. Selon moi, c'est le premier élément.
Il y a aussi un autre élément qui me paraît important, et j'aurais une suggestion à vous faire. Lorsqu'il s'agit d'examiner une question en profondeur, je proposerais, madame la présidente, que vous vous adjoigniez des personnes qui sont habituées à mener ce genre d'enquête. Il pourrait s'agir de gens de la GRC, ou de gens qui sont habitués à faire ce type d'enquête. En fin de compte, il y a une question, du point de vue juridique, de la valeur des preuves qui sont apportées. Je ne parle pas seulement dans ce cas-ci, mais de tous les autres cas également. Le comité doit faire appel à une aide technique si nécessaire, parce que, dans le fond, ce travail ne peut être fait avec des méthodes d'amateur. Personne d'entre nous, ici, n'a fait une formation pour mener des enquêtes et aller au fond des choses. Nous avons de très bons journalistes, au Canada, qui font ce travail, mais il faut que l'enquête demeure à l'intérieur du cadre de notre groupe. Donc, si nous allons de l'avant avec ma motion, je suggère que le comité vous donne l'autorité de vous adjoindre de l'aide technique.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Madame Hervieux-Payette, comme vous le savez, depuis que vous avez soulevé cette question liée au vérificateur général, nous en avons beaucoup discuté. Ce n'est pas nouveau pour le Sénat. C'est un peu comme la théorie de la fenêtre brisée, c'est-à-dire que si vous laissez les gens s'en tirer avec les petites choses, ils n'auront aucun problème à poser des gestes plus graves.
Nous avons eu affaire à des fuites liées à des rapports, à des rapports du Sénat, depuis que je suis ici, c'est-à-dire 23 ans. Elles se sont produites à de nombreuses reprises. Je ne sais pas qui est à l'origine de ces fuites, mais c'est toujours à l'avantage de quelqu'un ou une personne tente de gagner la faveur des médias ou une autre raison semblable.
Selon mon expérience avec le Comité de la régie interne, il y a eu des fuites de renseignements confidentiels sur la sénatrice Wallin. Il y a eu des fuites de renseignements confidentiels sur le sénateur Duffy. Des renseignements confidentiels concernant des réunions à huis clos du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ont été communiqués à la presse. Personne ne s'est levé, sauf moi, pour s'en plaindre. Je n'ai certainement vu personne se plaindre de votre côté.
Je suis d'accord avec vous, il s'agit d'un problème, et j'aimerais beaucoup qu'on trouve une solution. Je ne sais pas si je souhaite passer mon temps à tenter d'enquêter sur une fuite — parce que c'est arrivé auparavant — qui ne sera jamais résolue et je ne sais pas si nous devrions continuer de tenter de trouver une façon de résoudre ce problème. Je pense que nous devrions avoir un débat au Sénat et qu'un comité du Sénat et tous les sénateurs devraient en parler, afin que nous puissions régler la question, car la situation est problématique et nous avons beaucoup de difficulté à faire notre travail. Dans le cas du rapport du Sénat, c'était horrible.
Je ne sais pas ce que vous attendez de nous, mais je vais vous donner l'occasion de nous le dire.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est très facile. Les membres permanents devraient — comme je l'ai dit, si vous ne savez pas par où commencer, vous pourriez peut-être faire appel à des gens qui ont une plus grande expertise dans le domaine. Je présume qu'il y a de nombreux éléments juridiques en jeu, car comment peut-on déterminer qu'une chose est confidentielle? Quelles seraient les conséquences? Comme je l'ai dit, chaque jour, des gens se présentent devant les tribunaux pour protéger leur réputation parce que des renseignements préjudiciables ont été rendus publics.
Pensez seulement aux gens qui ont comparu devant la Commission Charbonneau, au Québec. Certaines de ces personnes ne seront jamais accusées de quoi que ce soit, mais je peux vous dire qu'elles se présentent rarement en public maintenant et qu'elles auront des problèmes pour le reste de leur vie. Ces personnes ont fait partie de l'enquête publique, même si on ne les accusait de rien.
Comme je le dis, les conséquences ne sont pas les mêmes dans tous les cas. Dans certains cas, il s'agit de la confiance du public en général, et dans d'autres cas, il s'agit d'une personne en particulier. Il faut commencer par cela, c'est-à-dire les particuliers et le public en général.
Je me souviens lorsque le Comité permanent des banques et du commerce a organisé des consultations d'un océan à l'autre et a apporté des modifications importantes à la Loi sur les banques. C'était un exercice assez complet. Dans ce cas-là, si le rapport avait été publié à l'avance, cela aurait pu causer un grand préjudice aux institutions financières.
Dans ce cas, si nous pouvions découvrir quel sénateur communique le rapport en question aux médias — et il y a des façons de le découvrir. Je ne suis pas experte dans ce domaine, mais nous pouvons consulter le sénateur White; il connaît peut-être la réponse. Je crois que certaines actions pourraient entraîner des conséquences négatives très étendues pour la population et d'autres limitées à certaines personnes.
En ce qui me concerne, pour revenir à votre évaluation, je n'ai pas parlé d'un pourcentage de gens qui régleraient cette question et qui diraient que c'est important. Je suis ici; nous sommes tous ici. Manifestement, nous sommes indépendants maintenant, mais j'ai été indépendante toute ma vie. Je dis toujours que nous avons le devoir de protéger cet endroit et de protéger les documents que nous produisons. Cela fait partie de nos responsabilités. Si vous n'êtes pas une personne responsable, je ne sais pas ce que vous faites ici.
Ce n'est jamais amusant de soulever une question aussi délicate. Pourquoi fais-je cela? Je l'ai fait toute ma vie. Je l'ai fait à la Chambre des communes, je l'ai fait sous le gouvernement Chrétien et je l'ai fait sous le gouvernement Harper. Je suis ici pour servir la population, et en ce qui me concerne, je m'arrange avec ma conscience.
Hier, en première page du Globe and Mail, on pouvait voir une photo dégradante et parfaitement choquante de M. Mulcair. J'ai vu ces photos et je ne pouvais tout simplement pas les accepter. Il est passé par un processus démocratique, mais il n'est pas nécessaire de frapper quelqu'un sur la tête. J'ai réagi. Je suis allée sur Facebook et sur Twitter où j'ai dit qu'il ne fallait pas frapper une personne qui était déjà par terre. Il faut la traiter avec respect.
Je suis désolée d'avoir contourné votre question, mais je tenais seulement à dire qu'il faut avoir la conviction que cet endroit est très important et qu'il est essentiel au système démocratique.
Le sénateur Tkachuk : Je suis sûr que nous pensons tous de cette façon, madame.
La présidente : Mesdames et messieurs, notre temps est presque écoulé. Il reste deux sénateurs sur la liste des intervenants. Ensuite, la liste sera fermée. Ce sont les sénateurs Ogilvie et Cools. Je vais demander à ces intervenants et à Mme Hervieux-Payette d'être aussi brefs que possible. C'est un sujet extrêmement important, mais il est tout aussi important d'être bref.
Le sénateur Ogilvie : Madame, j'aimerais reconnaître votre sens des responsabilités et le fait que vous ayez soumis cette importante question au comité. Je suis d'accord avec l'essentiel de vos commentaires. Un grand nombre des points que j'avais l'intention de soulever ont été abordés par M. Joyal, et j'aimerais donc m'associer à ses commentaires.
Toutefois, je suis en désaccord avec vous sur un point. La question concerne le privilège parlementaire, et non le degré de violation de ce privilège dans le premier exemple. Il devrait exister une pénalité clairement établie dans le cas d'une atteinte délibérée et prouvée au privilège parlementaire, peu importe la gravité du problème. Les conséquences peuvent mener à d'autres préjudices qui peuvent être traités séparément. À mon avis, le privilège parlementaire est primordial, et le privilège lié aux questions parlementaires est d'une importance extrême.
Je peux vous parler d'une situation qui s'est produite récemment dans un comité dont j'étais coprésident. On avait convenu — et on avait avisé les membres du comité dès le départ — que le privilège parlementaire s'appliquait, et que le comité ne devait faire l'objet d'aucune fuite. La veille du jour où les deux coprésidents devaient présenter, simultanément, un rapport produit par le comité aux deux Chambres du Parlement, un journaliste d'un grand journal national canadien m'a téléphoné et m'a cité des éléments directement issus du rapport et il a même fait référence aux personnes qui lui avaient fourni l'information. Manifestement, je bouillais intérieurement, mais je ne lui ai absolument rien dit et je n'ai fait aucun commentaire.
Le matin suivant, bien avant la présentation du rapport au Parlement, prévue à 10 heures, différents bulletins de nouvelles avaient déjà cité les paroles de trois membres du comité relativement au contenu du rapport. Cela n'a probablement causé aucun préjudice aux finances nationales, et personne n'a perdu son emploi ou ne s'est retrouvé en danger de mort, mais selon moi, il s'agit absolument d'une grave atteinte au privilège parlementaire, et dans ce cas, à celui des deux Chambres du Parlement.
Le lendemain, j'ai parlé de ce problème avec certains hauts responsables au Parlement du Canada afin de connaître les mesures qui pouvaient être prises, étant donné que ces personnes avaient été citées dans les médias nationaux. On m'a répondu que rien ne pouvait être fait. J'ai été personnellement offensé par la situation. Je considérais qu'il s'agissait d'une situation réelle, étant donné les sources. Toutefois, si je me fonde sur mon interprétation du privilège parlementaire et de la responsabilité des parlementaires à l'égard des questions confidentielles avant leur publication officielle, je considère que c'est une tragédie.
Je terminerai en disant qu'il s'agit d'un enjeu très important. Je vous félicite d'avoir eu le courage d'en parler au comité. J'aimerais répéter que je suis d'accord avec plusieurs de vos commentaires et avec ceux du sénateur Joyal.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
La sénatrice Cools : J'aimerais remercier Mme Hervieux-Payette du bon travail qu'elle accomplit en général et du travail qu'elle a accompli dans ce dossier en particulier.
La question que j'aimerais poser à Mme Hervieux-Payette est liée à mes souvenirs. Pourriez-vous me confirmer ou m'indiquer si mes souvenirs sont exacts? Selon mes souvenirs, le vérificateur général était occupé à formuler des commentaires pour les médias sur les renseignements publiés dans les journaux au sujet de ces fuites. J'aimerais savoir si vous vous souvenez de cela ou si vous avez des extraits de journaux qui pourraient m'aider.
La sénatrice Hervieux-Payette : Eh bien, je ne me souviens pas de cela. S'il a fait des commentaires sur le rapport qui ne nous avait pas été envoyé, ce serait très étrange pour une personne qui publiait un rapport confidentiel. Je ne peux pas confirmer s'il a parlé de s'adresser aux médias au sujet du rapport. Il l'a envoyé à quatre personnes, y compris le premier ministre. Nous parlions des représentants, à savoir le sénateur Housakos, la sénatrice Cowan et le sénateur Furey.
La sénatrice Cools : Enfin, j'aimerais faire valoir que l'interception des communications à l'intention des parlementaires et du Parlement a toujours été traitée comme étant une question de privilège. Cela ne fait aucun doute. Cela a toujours représenté une atteinte à ce privilège, et il y a de nombreux précédents. Je crois que nous devrions progresser dans cette étude en toute confiance, car à mon avis, nous sommes sur des bases très solides. Nous devrions commencer par demander à nos analystes d'examiner cette série de principes et de lois.
J'aimerais manifester mon accord avec la sénatrice sur un point. Il semble qu'aujourd'hui, c'est la mode de simplement maudire, attaquer, ridiculiser ou humilier les personnalités publiques. J'ai remarqué que partout, on pense avoir le droit de nommer et d'humilier certaines personnes. Nous sommes tous ouverts aux critiques justes et bien formulées, mais aucun principe ne soutient qu'un être humain doit accepter de subir ces attaques. De plus, la common law a toujours veillé à ce que les êtres humains aient le droit à la vie, à la sécurité et au respect de leur réputation.
La sénatrice Hervieux-Payette : Lorsque nous avons adopté la Charte canadienne des droits et libertés, elle contenait le droit à la réputation. C'est un droit fondamental de tous les Canadiens, et je présume que cela s'applique également à tous les sénateurs. Je commence avec cela.
Il s'agissait de questions de privilège, et j'en ai soulevé plus d'une pendant mon mandat comme sénatrice. Lorsque je me rendais compte que quelque chose portait atteinte à mon privilège, je ne consultais pas tous les sénateurs pour savoir s'ils étaient d'accord avec moi; je dénonçais simplement la situation.
Tous ceux d'entre vous qui ont été offensés dans certaines circonstances devraient être fiers que cette question soit maintenant abordée. La présidente veillera à ce que certains travaux soient effectués, afin qu'on puisse présenter quelque chose au comité et, évidemment, qu'on puisse adopter une procédure pour éviter que cela s'effondre. Autrement, la situation se prolongera indéfiniment. Comme l'a dit le sénateur Joyal, l'autre comité qui s'occupe des particuliers adoptera des mesures, et nous devrions faire la même chose ici. Dans ce cas-ci, c'est toute l'institution qui est touchée.
Je vous souhaite l'inspiration nécessaire pour la deuxième étape.
La présidente : Chers collègues, j'aimerais vous rappeler que c'est la dernière occasion que nous aurons de discuter avec Mme Hervieux-Payette, car malheureusement, elle prendra sa retraite.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, ce n'est pas malheureux.
La présidente : Peut-être que de notre point de vue, c'est malheureux. J'aimerais la remercier sincèrement de son dévouement à l'égard de l'intérêt public dans cette situation et dans de nombreuses autres situations au cours de sa longue carrière parlementaire. Merci beaucoup.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous en prie.
La présidente : Mesdames et messieurs, nous allons suspendre les travaux pendant quelques instants afin de nous réunir à huis clos pour discuter brièvement des travaux futurs.
Le sénateur Tkachuk : Espérons qu'ils ne feront l'objet d'aucune fuite.
(La séance se poursuit à huis clos.)