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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 2 - Témoignages du 17 mai 2016


OTTAWA, le mardi 17 mai 2016

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour examiner le cas de privilège qui concerne les fuites du rapport du vérificateur général sur son audit du Sénat.

La sénatrice Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Bravo à tous d'avoir réussi à se rendre ici, dans cette salle qui n'est pas notre lieu habituel de réunion et merci. Nous avons pensé qu'il serait un peu plus facile de nous réunir ici, à cause de ses plus belles dimensions et qu'on s'y sent moins à l'étroit que dans notre salle habituelle.

Nous sommes très heureux d'accueillir le vérificateur général du Canada, M. Michael Ferguson, et des membres de son personnel, plus précisément la directrice Susan Gomez, le vérificateur adjoint du Canada Clyde MacLellan, le directeur principal Jean-Charles Parisé. Nous les avons convoqués, comme vous le savez, consécutivement à la question de privilège posée par l'ex-sénatrice Hervieux-Payette sur les fuites du rapport du vérificateur général, il y a un an, et à la décision rendue par deux Présidents, selon laquelle, à première vue, il y avait là un cas de privilège.

Nous avons entendu la sénatrice Hervieux-Payette et nous recevons maintenant le vérificateur général, que nous avons convoqué. Comme vous le savez, il nous a écrit une lettre et il nous fait maintenant une déclaration.

Nous lui demandons donc, pour ce faire, de prendre la parole.

M. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à participer à l'examen des fuites d'information d'audit et d'extraits du rapport sur les dépenses des sénateurs produit par mon bureau.

[Français]

J'aimerais d'abord souligner aux sénateurs le fait que la protection de la confidentialité de l'information que nous recueillons au cours d'un audit, ainsi que celle de nos rapports jusqu'à leur dépôt, est d'une importance capitale pour le Bureau du vérificateur général.

Mon bureau suit un ensemble de précautions prévues pour tous les audits qu'il entreprend afin d'éviter la divulgation publique d'information sur l'audit avant le dépôt de nos rapports. Ces précautions sont décrites dans nos politiques et nos directives sur la sécurité et dans nos manuels d'audit, et un rappel à cet égard est fait régulièrement à nos employés et aux entrepreneurs avec lesquels nous faisons affaire, ainsi qu'au début de chaque audit.

[Traduction]

Madame la présidente, les détails des précautions prises pour chacun de nos audits sont exposés dans notre lettre du 6 avril au comité. Cette lettre visait à répondre aux questions du comité sur notre façon de gérer et de protéger l'information dans le cadre de nos audits. Nous sommes parfaitement conscients de la nature délicate de la vérification des dépenses des sénateurs.

Pour cette raison, en plus de nos précautions établies, nous avons mis en œuvre des mesures renforcées de sécurité pour gérer l'information, expressément pour les besoins de cet audit. Par exemple, pour protéger la confidentialité des renseignements concernant chaque sénateur, nous avons mis en place un système de codage numérique pour ne pas utiliser les noms des personnes pour désigner nos dossiers. Tous les documents papier que les sénateurs nous ont transmis ont été conservés dans l'édifice Chambers, au 40 de la rue Elgin. Nous avons en outre accru les mesures de sécurité dans cet édifice, notamment par l'installation de lecteurs de cartes pour contrôler l'accès, de détecteurs de mouvement et d'alarmes. Nous avons aussi exigé le rangement des ordinateurs et des documents papier dans des classeurs sous clé à la fin de chaque journée de travail.

Tout le personnel affecté à l'audit des dépenses des sénateurs a reçu une formation particulière sur la sécurité. Au début de l'audit, l'équipe chargée de la sécurité du bureau a organisé deux séances de sensibilisation sur la sécurité pour l'équipe chargée de l'audit. Ces séances ont porté sur les responsabilités de l'équipe en matière de gestion de l'information, de l'accès à l'information et de la protection de la confidentialité. Tout au long de l'audit, nous avons rappelé au personnel la nécessité d'une vigilance accrue.

[Français]

Madame la présidente, nous transmettons l'information sur l'audit aux entités auditées pour faire valider les faits et leur présenter nos observations. Au début de chaque audit, nous demandons aux administrateurs généraux responsables de l'objet de l'audit d'assurer la confidentialité de tous nos documents protégés et contrôlés. Lors de l'audit des dépenses des sénateurs, nous avons demandé à tous les sénateurs de signer une lettre de confidentialité les engageant à ne pas révéler d'information sur l'audit avant la publication du rapport.

Au cours de la période qui a précédé la publication du rapport, des mesures additionnelles ont été mises en place pour restreindre et surveiller l'accès au contenu du rapport. Les employés ont seulement pu y avoir accès lorsqu'un besoin opérationnel direct l'exigeait, et un registre des employés ayant accédé au contenu a été tenu. Le 4 juin 2015, nous avons remis en mains propres deux exemplaires de notre rapport définitif au Bureau du Président.

En dépit des précautions susmentionnées, beaucoup de renseignements sur l'audit, parfois exacts, parfois erronés, ont été rendus publics à divers moments avant la production du rapport.

[Traduction]

Nous sommes très préoccupés par les nombreuses fuites d'information sur l'audit. Nous avons donc mandaté un expert-conseil externe en sécurité pour découvrir si un employé de notre bureau ou un entrepreneur était responsable des fuites. D'après les résultats de l'enquête que nous avons reçus, je suis persuadé que notre bureau n'est à l'origine d'aucune fuite.

[Français]

Madame la présidente, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.

La présidente : Merci, monsieur Ferguson, d'avoir fait cette déclaration dans les deux langues officielles du Canada. C'est très bien.

[Traduction]

Chers collègues, avant de passer aux questions, je dois vous prévenir que nous devrons nous séparer un peu plus tôt qu'à l'accoutumée, parce qu'un nombre important de membres du comité font aussi partie du comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui se réunit à 11 heures dans un autre immeuble pour examiner l'aide médicale à mourir et le rapport sur la question. C'est visiblement une réunion d'une grande importance. Nous ne voudrions pas les voir partir avant de conclure notre séance. Je vais donc interrompre la séance à 11 heures moins quart. Ça nous donne une heure et cinq minutes pour les questions. Tout ira bien si toutes les questions et toutes les réponses restent concises. Je ne prévois aucune difficulté à ce niveau.

Notre vice-président ouvrira donc le bal.

Le sénateur White : Merci beaucoup, monsieur Ferguson ainsi que votre personnel, d'être ici. On m'a demandé d'être concis, je le serai. Voyons, dans votre lettre d'avril au comité, le passage suivant :

[...] j'ai considéré que c'était nécessaire pour limiter les supputations et faire des mises au point pendant les entrevues accordées aux médias le 26 mai 2015.

Vous avez donc accordé des entrevues aux médias, pendant lesquelles vous avez divulgué des renseignements encore inédits. Pourtant, les rapports imprimés sont partis de votre bureau — en fait, même leur distribution entre les 11 membres de votre bureau n'a pas eu lieu avant le 3 juin, les rapports imprimés destinés au Sénat sont partis le 4.

J'essaie d'arriver à comprendre comment les fuites auraient pu se produire ailleurs que dans votre bureau, le 26 mai, parce que le motif des entrevues est que, conformément à votre lettre, l'information était déjà en train de circuler.

Quelqu'un d'étranger à votre bureau aurait-il pu accéder à ces renseignements avant le 26 mai?

M. Ferguson : Beaucoup de personnes y ont accédé avant le 26, y compris des sénateurs, mais je pense que je dois rappeler le contexte.

Le 26 mai, des questions ont été posées sur les dépenses de notre bureau. Les médias voulaient me questionner sur les dépenses reliées au Bureau du vérificateur général du Canada. Pendant l'entrevue, on m'a questionné sur l'audit des dépenses des sénateurs, en mentionnant que les noms de 40 ou 50 sénateurs seraient prononcés. Je me suis alors senti obligé de corriger cette affirmation, pour qu'il ne soit pas supputé que les noms de la moitié des sénateurs étaient prononcés dans le rapport, et même pis, si ça risquait de fixer dans les esprits le nombre de 40 ou de 50 et que le rapport prononçait ensuite le nom de 30 sénateurs, pour qu'on ne suppose pas l'effet de quelque manipulation, entre-temps.

J'ai donc senti alors la nécessité d'une mise au point sur le nombre. C'est le seul renseignement que j'ai donné.

Quant à savoir quelle autre origine ce nombre pourrait avoir, je dois préciser que, pendant nos travaux, nous avons rencontré souvent le sous-comité de la vérification du Sénat, qui aurait connu le nombre de sénateurs. Nous avons eu des rencontres avec la direction du Sénat, le 25 avril et le 3 mai, comme nous le disons dans le rapport, c'est-à-dire le Président et les deux leaders du Sénat, où nous aurions discuté aussi de leur nombre. Nous en avons aussi discuté avec d'autres personnes à d'autres moments.

Le sénateur White : Puis-je poser une petite question complémentaire?

La présidente : Très courte.

Le sénateur White : Merci beaucoup. Quand vous avez déclaré aux médias que vous alliez signaler un certain nombre de sénateurs à la GRC, qu'espériez-vous tirer de cette déclaration?

M. Ferguson : Cela aussi découle de la question qu'on m'a posée. En fait, si je me souviens bien, sur les 40 ou 50 sénateurs, la question disait qu'ils étaient divisés en trois groupes, un de 40 ou 50, que nous signalerions au Comité de la régie interne, et un de 10, que nous signalerions à la GRC. Pendant l'entrevue j'ai donc senti la nécessité de préciser que le nombre total était de 30, y compris le nombre de ceux que nous signalerions au Comité de la régie interne pour un éventuel renvoi à d'autres autorités.

Le sénateur White : Madame la présidente, au prochain tour. Merci beaucoup, monsieur Ferguson.

Le sénateur Tkachuk : Je suis simplement le filon. Ma question était sur l'entrevue avec Evan Solomon, mais en poursuivant sur la lancée du sénateur White.

Dans cette entrevue avec Evan Solomon, avant la publication du rapport, vous avez confirmé que certains des sénateurs audités seraient signalés à la GRC. Cependant, dans votre lettre du 16 avril 2016 à notre greffier, vous dites suivre constamment un comportement bien établi de discrétion sur les audits, même si l'information a filtré d'une manière ou d'une autre jusqu'au public. Vous contredisez la réponse que vous venez de donner au sénateur White.

Vous avez dit que vous refusiez de confirmer des supputations sur l'audit sur le Sénat, mais, à M. Solomon, vous avez effectivement confirmé que certains sénateurs seraient signalés à la GRC.

Cela contredit non seulement ce que vous venez de dire, mais aussi ce que vous dites dans la lettre, puis vous faites planer les soupçons sur tout le monde en disant que vous les signalez à la GRC alors que, en réalité, vous le feriez au Comité de la régie interne, lequel déciderait ensuite de le confirmer à la GRC.

Pour moi, c'était donc sûrement une fuite de la teneur du rapport avant sa publication et avant sa distribution aux sénateurs.

M. Ferguson : Je suppose que ça dépend certainement de votre définition de « fuite ». Il ne fait aucun doute que j'ai répondu à la question d'Evan Solomon. Tout est écrit. C'est publié. Tout ce que j'ai dit. Je n'essaie pas de vous dire autre chose que ce que j'ai dit à Evan Solomon.

Encore une fois, je l'ai fait, parce que la question m'a été posée d'une manière qui m'a fait croire qu'on cherchait à rendre excessivement sensationnels les résultats de l'audit et que, en même temps, la chose à faire était de s'assurer que tous comprendraient la portée de notre rapport, ce qui explique ma réaction.

Le sénateur Tkachuk : Mais vous auriez pu clairement dire que vous communiquiez le dossier au Comité de la régie interne, qui déciderait ensuite de signaler des sénateurs à la GRC. Ce n'était pas de votre ressort, mais, pourtant, vous avez jeté un peu plus d'huile sur le feu en déclarant que vous les signaliez à la GRC.

M. Ferguson : Je ne me rappelle pas mes mots exacts. Si j'avais dit que je les signalais à la GRC, alors, bien sûr, j'aurais commis une erreur. Toutes les fois que j'ai parlé de l'audit, j'ai veillé à dire que nous allions présenter les renseignements au Président du Sénat pour qu'il renvoie le dossier au Comité de la régie interne, qui prendrait la bonne décision sur le rapport. Dans l'audit lui-même, nous avons parlé de renvoi à d'autres autorités, y compris la GRC, mais pas uniquement elle.

Encore une fois, je suppose, sans me rappeler exactement mes paroles, que j'ai formulé ma réponse à la question un peu à la légère. Je cherchais à rectifier.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie tous les quatre d'être ici, particulièrement vous, monsieur le vérificateur général. Éclairez-moi d'abord. Mon collègue White vous a demandé combien de personnes savaient, et vous avez répondu : « Beaucoup », puis vous avez parlé de votre bureau, du comité de la vérification du Sénat et des leaders du Sénat. Avez-vous parlé à quelqu'un d'autre?

M. Ferguson : Je suppose qu'à ce moment-là, nous avions probablement parlé à peu près à tous les sénateurs, je crois.

La sénatrice Jaffer : Mais chacun n'aurait reçu que les renseignements le concernant, et non le rapport.

M. Ferguson : C'est absolument vrai. C'est ce que j'allais ajouter, qu'ils ne connaissaient que les renseignements les concernant. Il aurait donc fallu que quelqu'un questionne chaque sénateur pour essayer d'ainsi obtenir l'information.

Mais, en ce qui concerne les personnes à qui nous aurions parlé du nombre total de sénateurs visés, je crois que ça n'aurait été que les leaders du Sénat et les membres du sous-comité de la vérification.

La sénatrice Jaffer : Certains ont supposé que 50 rapports ont été diffusés, mais, à la lecture de votre lettre, je vois que 12 sont allés au Sénat et 11 à votre personnel. En tout, 23, avant le dépôt du rapport. Est-ce exact?

M. Ferguson : Oui.

La sénatrice Jaffer : Normalement, quand vous produisez un rapport, en faites-vous parvenir un exemplaire au Cabinet du premier ministre?

M. Ferguson : Non. Ça n'est jamais arrivé. Immédiatement avant la publication de nos audits ordinaires, quelques jours avant, nous organisons une séance d'information. Nous le faisons avec les ministres concernés, le président du Conseil du Trésor, le greffier du Bureau du Conseil privé. Nous n'avons rien fait de tel dans le cas de l'audit sur le Sénat.

La sénatrice Jaffer : Vous n'avez pas envoyé d'exemplaire au Cabinet du premier ministre?

M. Ferguson : Aucun.

La sénatrice Jaffer : Vous avez notamment demandé à chaque sénateur de signer un accord de confidentialité pour qu'il ne divulgue aucun renseignement. Pensiez-vous que vous aussi vous deviez assurer la confidentialité des renseignements que vous aviez reçus?

M. Ferguson : Si vous allez dans le détail de notre lettre, il est évident que nous prenions très au sérieux la confidentialité de tous nos renseignements ainsi que les différentes précautions que nous avons prises. Je suis persuadé que nous avons pris toutes les mesures possibles pour protéger les renseignements que nous avons découverts grâce à cet audit.

La sénatrice Jaffer : Dans votre lettre du 6 avril 2016, vous dites avoir pris des mesures supplémentaires pour protéger les renseignements. Lesquelles?

M. Ferguson : Je vais demander à M. Parisé de vous donner un peu plus de détails à ce sujet.

Jean Charles Parisé, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous avons décidé de considérer tous les renseignements comme étant protégés B, conformément au protocole de sécurité du gouvernement du Canada.

De plus, absolument tous les renseignements qui nous ont été envoyés étaient cryptés, et ils n'étaient accessibles qu'aux dirigeants de l'équipe d'audit. Ainsi, seuls le directeur principal et les directeurs de l'audit ont reçu l'information que nous avons obtenue du Sénat, et une seule d'entre elles l'a ensuite décryptée. Elle était la seule à pouvoir le faire, et, ensuite, ces renseignements étaient conservés, à partir de là, dans un système interne où nous conservons tous les renseignements sur nos audits.

Ce système figure également sur une liste d'accès. Donc, seules les personnes autorisées à travailler à certains dossiers concernant un sénateur, un dossier numéroté, avaient accès auxdits dossiers.

La sénatrice Jaffer : Est-ce le Sénat ou les sénateurs qui ont chiffré les dossiers?

M. Parisé : C'est le Sénat qui a chiffré les dossiers avant de nous les envoyer.

La sénatrice Jaffer : Et, les sénateurs eux-mêmes? Ils n'ont pas chiffré de dossiers?

M. Parisé : Non. Les sénateurs n'ont pas chiffré les dossiers.

Le sénateur Wells : Monsieur Ferguson, dans le cadre de l'examen ou de l'enquête externe sur la sécurité — je crois que c'est l'expression que vous avez utilisée — que vous avez menée, avez-vous examiné en détail les relevés téléphoniques et documents de courriel des membres de votre équipe de vérification qui auraient eu accès aux informations ayant fait l'objet de la fuite?

M. Parisé : Nous n'avons pas vérifié les relevés téléphoniques. Dans le cadre de l'enquête, nous avons vérifié les données de notre système interne, notre réseau de TI, chose que nous faisons régulièrement. Nous avons également vérifié qui avait accès à quels dossiers. Nous nous sommes assurés que seules les personnes autorisées à travailler à un dossier avaient accès audit dossier, et tout était conforme.

Le sénateur Wells : Simplement pour être bien clair, les relevés téléphoniques ou documents de courriel des membres de l'équipe n'ont pas été vérifiés, c'est bien cela?

M. Parisé : Nous vérifions toujours les courriels sortants. Avons-nous vérifié à qui les courriels étaient destinés? Non. Nous n'avons pas vérifié ces détails, si je comprends bien votre question.

Le sénateur Wells : Vous demeurez persuadé que la fuite de renseignements ne vient pas de votre portail?

M. Parisé : En s'appuyant sur les résultats de l'enquête et des entrevues, c'est la conclusion à laquelle en est venu l'enquêteur.

Le sénateur Wells : Je comprends, mais ma question porte sur l'envergure de l'enquête. Dans le cadre de l'enquête, les relevés téléphoniques ont-ils été vérifiés?

M. Parisé : Non.

Le sénateur Wells : Merci.

La sénatrice Batters : Monsieur Ferguson, à la suite de cette histoire, vous avez fait parvenir au greffier du Sénat une lettre datée du 6 avril 2016 dont le comité a obtenu copie. Dans cette lettre, vous dites :

Comme la situation était instable vers la fin du processus de vérification, j'ai jugé nécessaire de profiter de l'entrevue donnée le 26 mai 2015 pour limiter les conjectures et corriger les informations erronées qui circulaient.

Monsieur Ferguson, le 25 mai, le jour précédant l'entrevue que vous avez accordée, CTV News présentait un reportage intitulé : « CTV Investigation : Questionable Spending by Auditor General's Office. » Ce reportage faisait état de dizaines de milliers de dollars en dépenses engagées par votre bureau pour des activités de renforcement de l'esprit d'équipe, des repas pour le personnel et des fêtes pour souligner le départ à la retraite de certains employés.

Monsieur Ferguson, l'entrevue que vous avez accordée le lendemain portait principalement sur les dépenses de votre bureau. Dans le cadre de cette entrevue, vous avez divulgué des informations que, pendant des mois, nous ne pouvions pas divulguer, conformément à l'entente de confidentialité que nous avions signée. D'ailleurs, monsieur Ferguson, seule la dernière partie de votre entrevue avec Evan Solomon portait sur votre vérification des dépenses du Sénat. Le reste portait sur les dépenses de votre bureau.

Monsieur Ferguson, admettez-vous que le fait que vous ayez divulgué des informations confidentielles dans le cadre de cette entrevue, des informations que nous, les sénateurs, ne pouvions pas divulguer, a contribué à l'instabilité de la situation?

M. Ferguson : Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Mon intention était de limiter les conjectures selon lesquelles 40 ou 50 sénateurs feraient l'objet d'une vérification et que le dossier d'environ 10 autres sénateurs serait confié à la GRC. C'est ce que je tentais de faire. À mon avis, c'est ce que j'ai fait en précisant le nombre de sénateurs concernés.

J'ai simplement précisé le nombre de sénateurs qui feraient l'objet d'une vérification. Encore une fois, mon intention était de limiter les conjectures sur le nombre de sénateurs qui seraient nommés. Dans le contexte, selon moi, c'était une intervention pertinente.

La sénatrice Batters : Les rumeurs et hypothèses circulaient déjà depuis des mois. Je me souviens qu'au début avril, près de deux mois avant cet épisode, en me rendant à la réunion du caucus national, des journalistes m'ont posé des questions sur le dossier. À l'époque, je savais que je ne serais pas nommée dans votre rapport, mais je ne pouvais pas le dire, en raison de l'entente de confidentialité que j'avais signée.

À mon avis, monsieur Ferguson, en confirmant le nombre de sénateurs concernés, vous avez placé des dizaines de sénateurs dans une situation terriblement difficile. Nous savions depuis des mois que nous ne serions pas nommés dans votre rapport, mais nous ne pouvions rien dire, en raison de l'entente de confidentialité que nous avions signée. Pourtant, vous avez précisé publiquement combien de sénateurs seraient nommés dans votre rapport, alors que nous ne pouvions pas divulguer si nous faisions partie du nombre, en raison de cette entente de confidentialité. Êtes-vous conscient que vous nous avez placés dans une situation terriblement difficile?

M. Ferguson : Je suis conscient de la position dans laquelle se trouvaient les sénateurs tout au long de ce processus. Encore une fois, je tentais simplement de limiter les conjectures selon lesquelles 40 ou 50 sénateurs étaient concernés. À mon avis, peu importe ce que croyaient les médias — que 30, 40 ou 50 sénateurs seraient nommés dans le rapport —, les sénateurs se seraient quand même fait poser ce genre de questions.

Je suis conscient des difficultés avec lesquelles les sénateurs ont dû composer en raison du temps qu'il a fallu pour vérifier toutes les dépenses et publier notre rapport, et que, par conséquent, ils se sont souvent fait questionner sur le dossier. Je ne crois pas que le fait de préciser que 30 sénateurs étaient concernés ait empiré la situation, puisque des conjectures avaient déjà été faites selon lesquelles 40 ou 50 sénateurs seraient nommés dans le rapport.

Le sénateur Joyal : Monsieur Ferguson, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à vos adjoints et aux membres du personnel de votre bureau.

J'aimerais poursuivre sur le même sujet, car, sauf votre respect, je crois que vous ne saisissez pas suffisamment bien que dès que vous parlez aux médias, vous piquez leur curiosité et amorcez un processus qui fait boule de neige.

Lors de notre première rencontre, vous nous avez fait part de notre obligation en matière de confidentialité et vous nous avez demandé de signer une entente de confidentialité, ce que nous avons fait, comme vous l'avez souligné. Vous n'avez pas respecté cette entente. En choisissant de vous défendre et d'éliminer les hypothèses sur le coût de la vérification, vous nous avez placés dans une position différente de la vôtre. Nous étions dans l'impossibilité d'écarter les hypothèses à notre sujet.

J'ignore si vous savez à quel point une telle situation peut nuire à la réputation d'un politicien. Tout ce que nous avons, c'est notre réputation. Vous avez choisi de vous défendre, vous et votre bureau, et de défendre votre intégrité, et c'est votre droit. Mais, nous avons, nous aussi, le droit de défendre notre intégrité et notre honnêteté et de protéger la confiance du public à notre égard en tant que législateurs.

Tout comme ma collègue, la sénatrice Batters, un jour, un journaliste m'a approché et m'a dit : « Vous avez reçu une lettre disant que vous êtes censé rembourser un montant. » Je ne pouvais rien lui confirmer. J'ai dû lui dire que j'avais signé une entente de confidentialité. Évidemment, en disant cela, je laissais entendre que je devais rembourser quelque chose, alors que ce n'était pas le cas. Vous m'aviez déjà fait parvenir une lettre pour m'informer que je ne serais pas nommé dans votre rapport.

Dans le cadre de votre entrevue, lorsque des informations erronées ont été avancées concernant le coût de la vérification, vous avez choisi de vous défendre et de mettre les pendules à l'heure. Lorsque nous, les sénateurs, nous sommes retrouvés dans la même position, nous étions tenus de respecter l'entente conclue avec vous.

Pouvez-vous voir qu'il y a deux poids, deux mesures dans cette situation, monsieur Ferguson?

M. Ferguson : Je dois corriger certains éléments que vous avez soulevés. D'abord, je ne tentais pas de me défendre ou de défendre mon bureau, ni de défendre la vérification ou ce que nous avons fait dans le cadre de celle-ci. Il y avait des conjectures sur le nombre de sénateurs qui seraient nommés dans le rapport.

Le sénateur Joyal : Non. Je parle des hypothèses entourant le coût de la vérification. Dans votre réponse à une des questions du sénateur Tkachuk, vous avez dit que des rumeurs circulaient sur le coût de la vérification des dépenses du Sénat. C'est ce que vous avez dit au sénateur Tkachuk.

M. Ferguson : Je vais vous expliquer de nouveau ce qui s'est produit. On ne nous posait pas de questions sur les dépenses du Sénat ou sur la vérification des dépenses du Sénat, mais bien sur les dépenses de notre bureau, informations qui étaient disponibles sur notre site web.

J'ai reçu plusieurs demandes d'entrevue pour discuter des dépenses de notre bureau, dépenses auxquelles le sénateur Tkachuk faisait référence. Le but n'était pas de défendre le coût de la vérification, des dépenses des sénateurs ou toute activité liée à la vérification des dépenses des sénateurs. Je répondais simplement aux questions du journaliste sur les dépenses de notre bureau. Au cours de l'entrevue, le journaliste m'a posé une question concernant les 40 ou 50 sénateurs supposément concernés.

Selon moi, j'agissais dans l'intérêt fondamental des sénateurs. Ce n'était peut-être pas le cas, mais je voulais m'assurer que les gens comprennent bien qu'il était question de 30 sénateurs. Aussi, je ne voulais pas qu'en apprenant que 30 sénateurs, et non 40 ou 50, étaient concernés, que les gens s'imaginent qu'il s'était produit quelque chose entre le début de la vérification et la publication du rapport.

Donc, je ne tentais pas du tout de nous défendre ou de défendre le processus de vérification. À ce moment, j'ai jugé que la situation devenait instable et qu'il était indiqué de préciser que 30 sénateurs seraient nommés dans notre rapport.

Il n'y a eu aucune fuite. J'ai pris la décision de préciser publiquement le nombre de sénateurs concernés.

Le sénateur Tkachuk : Oui, mais lorsque vous...

La présidente : Nous devons poursuivre. J'ajouterai votre nom à la liste des intervenants pour la deuxième série de questions.

La sénatrice Martin : Merci d'avoir accepté notre invitation. J'aurais quelques questions à vous poser au sujet de l'expert-conseil en sécurité externe et le processus d'enquête.

Dans votre lettre, et encore aujourd'hui, vous avez dit avoir mandaté un expert-conseil en sécurité externe pour qu'il réalise une enquête en vue de déterminer si un employé du bureau ou un entrepreneur était responsable de la fuite et qu'à la lumière des résultats de l'enquête, vous êtes persuadé que le bureau n'est à l'origine d'aucune fuite d'information.

Ma première question est la suivante : combien d'entrepreneurs ont participé au processus de vérification? Étaient- ils disponibles ou présents pour être interviewés par l'expert-conseil dans le cadre de l'enquête sur la fuite d'information?

M. Ferguson : Je ne sais pas exactement combien d'entrepreneurs ont participé au processus de vérification. Je vais laisser M. MacLellan vous répondre.

Clyde MacLellan, vérificateur général adjoint du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Onze entrepreneurs ont participé au processus de vérification. Je vais laisser M. Parisé, qui a supervisé l'enquête, vous dire s'ils ont été interviewés par l'expert-conseil.

M. Parisé : Si je ne m'abuse, ils ont été interviewés.

La sénatrice Martin : D'accord. Pourriez-vous nous parler du processus? J'aimerais en savoir davantage sur la profondeur du processus et des activités qui vous ont permis de conclure qu'il n'y avait eu aucune fuite d'information.

M. Parisé : Nous avons examiné les activités de tous ceux qui ont été en contact avec les dossiers concernés dans le cadre de cette vérification. Nous avons soumis leurs noms à l'expert-conseil aux fins d'entrevues, y compris les entrepreneurs et même des gens qui n'étaient pas directement liés à cette vérification. Si, à notre avis, des gens avaient eu accès à certaines informations — car certaines informations étaient accessibles sur notre réseau intranet —, il était important, selon nous, qu'ils soient interviewés, au cas où.

Tous les membres de l'équipe, ainsi que les entrepreneurs et d'autres personnes qui n'étaient pas directement liées à la vérification, ont été interviewés.

La sénatrice Martin : Je n'ai pas l'impression que tout... je ne suis pas convaincue que l'on peut tirer ces conclusions au sujet du bureau. J'aimerais souligner que, selon certains, ce n'est pas d'hier que les informations relatives à des vérifications menées par le Bureau du vérificateur général font l'objet de fuites et, sauf votre respect, ce n'est malheureusement pas rare. Selon votre prédécesseur, entre 2001 et 2007, 10 rapports de vérification de rendement ont fait l'objet d'une fuite d'information dans les médias avant d'être déposés à la Chambre des communes.

L'erreur est humaine. Ce sont des choses qui arrivent. Beaucoup de gens participent à ces processus. Personnellement, dans le cadre de la vérification me concernant, certaines personnes ont amorcé le processus, mais d'autres l'ont terminé. Cela m'a inquiété.

Vous dites être persuadé, après l'enquête externe sur l'incident, notamment, que votre bureau n'est à l'origine d'aucune fuite d'information. Comment pouvez-vous nous l'assurer?

M. Ferguson : Encore une fois, madame la présidente, ce que j'ai dit — et je vais simplement confirmer —, c'est que je suis persuadé. Je n'ai pas dit que j'étais certain à 100 p. 100. Je ne pourrais pas dire cela.

Compte tenu de toutes les mesures de précaution que nous avons adoptées, des mesures que nous prenons au bureau pour protéger l'information, du fait que nous n'avons aucune raison de divulguer de ces informations — nous n'avons aucun intérêt à ce qu'il y ait une fuite d'information —, du travail des enquêteurs et des entrevues menées auprès de tous ceux qui, selon nous, ont participé à cette vérification, nous sommes persuadés, et je le suis personnellement, que notre bureau n'est pas à l'origine de cette fuite d'information. Encore une fois, je ne peux pas être certain à 100 p. 100, mais je suis persuadé que notre bureau n'est pas à l'origine de cette fuite.

La présidente : Monsieur Ferguson, à la lumière de cette discussion prolongée sur le rapport que vous a remis l'expert-conseil, je vous demanderais, si possible, de nous en faire parvenir une copie. Cela nous serait très utile.

M. Ferguson : Absolument. Le rapport est bref. Il ne compte que quelques pages. Il revient sur la chronologie des événements et sur le fait que les gens que nous avons embauchés se sont entretenus avec une soixantaine de personnes. Nous avons demandé à ce que le rapport soit très bref, afin d'éviter qu'il ne contienne des extraits de conversations. Il s'agissait d'une enquête; les participants devaient avoir la certitude que leurs propos allaient demeurer confidentiels. Donc, le rapport est bref, mais il est en anglais seulement. Nous allons le faire traduire et nous vous en ferons parvenir une copie dès que possible.

La présidente : Merci.

La sénatrice Martin : J'ai une autre question à ce sujet.

La présidente : Je vais me montrer généreuse, pourvu qu'elle soit très brève.

La sénatrice Martin : Le rapport est court, mais avez-vous parlé longuement avec la personne qui l'a préparé? Vous vous dites convaincu qu'il n'y a pas eu de fuites attribuables à votre bureau. Je me demande à quel point vous avez examiné le rapport de manière approfondie.

M. Parisé : J'ai eu de nombreuses conversations avec l'enquêteur. Les gens à qui j'ai parlé étaient pas mal certains que cela ne venait pas de notre bureau.

Nous avons maintenu le rapport court pour faire en sorte que les gens interrogés — car c'est un processus indiscret — se sentent libres de dire ce qu'ils voulaient à l'enquêteur. Ils savaient que le rapport ne comporterait pas de détails sur les conversations qu'ils ont eues avec l'enquêteur.

Je pense que cela a bien marché, car les gens pouvaient parler librement. Voici exactement ce que l'enquêteur m'a dit — mot pour mot — : « Nous n'avons rien trouvé ici qui pourrait nous laisser croire que la fuite provenait de votre bureau. »

La sénatrice Cools : Merci d'être venu témoigner, monsieur le vérificateur général. Monsieur MacLellan, c'est avec plaisir que nous vous accueillons de nouveau. Je ne vous ai jamais rencontré, monsieur Parisé.

J'ai été très étonnée, monsieur le vérificateur général, lorsque vous vous êtes dit persuadé que les fuites ne venaient pas de votre bureau. Je pourrais dire, monsieur, que vous auriez pu l'affirmer avec beaucoup plus de confiance si vous n'aviez pas choisi de nommer des sénateurs dans votre rapport. Je le mentionne parce que le fait que des sénateurs étaient nommés aurait pu intéresser grandement les journalistes lève-tôt qui veulent obtenir ces faits à l'avance. Donc, d'une drôle de façon, je pense que vous vous êtes mis dans des circonstances très regrettables.

Monsieur le vérificateur, je suis certaine que vous savez fort bien que je crois fermement, après 20 années d'études sur le rôle de l'histoire du vérificateur général du Canada, que la loi vous concernant ne vous accorde absolument aucun pouvoir pour autoriser l'audit du Sénat. Je ne pense pas — et de nombreux avocats me l'ont confirmé — qu'une motion du Sénat, même si elle est adoptée, visant à modifier la loi pourrait vous donner le pouvoir de soumettre le Sénat à un audit. Je commence donc par faire valoir la position que je rabâche depuis de nombreuses années.

J'aimerais juste dire, pour le compte rendu et pour donner suite aux observations du sénateur Joyal, que la réputation est primordiale pour les politiciens. L'éminent M. Blackstone a déjà dit ce qui suit : « Le droit à la sécurité personnelle signifie le droit de chacun de jouir légalement et sans interruption de sa vie, de ses membres, de son corps, de sa santé et de sa réputation. » Notre réputation est primordiale.

Vous avez pourtant choisi, monsieur le vérificateur général, de nommer au moins 30 sénateurs dans votre rapport. J'étais là lorsque certains de ces sénateurs ont appris la nouvelle. Je vous jure que je pensais que certains d'entre eux allaient mourir en ma présence. C'est donc un choix que vous avez fait. Je sais que le sénateur Pierre Claude Nolin avait remis en question votre décision.

Quoi qu'il en soit, vous avez tout de même nommé des personnes dans votre rapport. Voici la question que je vous pose : en choisissant de procéder ainsi, comme stratégie ou méthode délibérées, quelles mesures avez-vous prises pour protéger tous les sénateurs nommés contre une atteinte à leurs privilèges et contre la probabilité — je dirais la forte probabilité — de fuites? Qu'avez-vous fait pour protéger la réputation de ces personnes, en sachant fort bien que vous les nommiez en vous appuyant sur ce qui n'a toujours été que votre point de vue?

M. Ferguson : Nous avons pris très au sérieux le fait que notre audit visait des gens pour qui leur réputation est extrêmement importante. Nous en étions très conscients. Nous le comprenions. C'est la raison pour laquelle nous avons pris toutes les précautions que nous avons mises en place.

Nous avons décidé de nommer des sénateurs dans le rapport après avoir eu de nombreuses conversations et observé ce qui s'était fait ailleurs. Nous nous sommes rendu compte que nous devions produire un rapport dont serait saisi le Comité de la régie interne. Les membres du comité devaient donc connaître une partie des dépenses concernées. Ils avaient besoin des noms.

Je crois que c'est en Nouvelle-Écosse que les noms de députés de l'Assemblée législative faisant l'objet d'un audit n'avaient pas été fournis et que le gouvernement a fini par les publier en raison des énormes pressions exercées par les médias.

Donc, si le rapport soumis au Comité de la régie interne avait indiqué que les dépenses d'un certain nombre de sénateurs devaient être examinées, mais que leurs noms n'avaient pas été mentionnés, cela n'aurait pas mis fin aux discussions. Cela aurait juste donné lieu à beaucoup plus de rumeurs et à beaucoup plus de pressions exercées par les médias et d'autres parties intéressées en vue de découvrir le nom des personnes concernées.

Une fois de plus, nous avons estimé, pour être juste envers tous les sénateurs, qu'ils aient été nommés ou non, et envers les membres du Comité de la régie interne afin qu'ils sachent sur quoi ils allaient se pencher, que nous devions donner le nom des sénateurs concernés.

La sénatrice Cools : Ce que vous semblez négliger, c'est que les sénateurs avaient le droit et le privilège de recevoir de la part du vérificateur général un rapport n'ayant pas fait l'objet de fuites et dont le public n'était pas au courant. Je ne pense pas que vous le compreniez bien. En tant que sénateurs, nous avons le droit, en raison de nos privilèges, de recevoir de l'information et des rapports, peu importe de quoi il s'agit — des éléments de correspondance —, n'ayant pas été interceptés par d'autres. C'est un de nos privilèges. Cela se rapporte à tout le concept de la liberté d'expression. Cela fait partie d'un ensemble de privilèges. C'est cela qui a été violé parce que c'était du domaine public avant que les sénateurs le reçoivent.

M. Ferguson : Ce n'est pas mon bureau ou moi qui avons violé ce privilège. Nous n'avons pas divulgué le rapport.

La sénatrice Cools : Ce n'est pas ce que je dis. Je ne veux pas m'engager dans cette voie, mais vous avez ouvert la porte à une très mauvaise chose.

Le sénateur Ogilvie : Merci, madame la présidente. Je remercie également M. Ferguson et ses collègues. Je soupçonne que c'est une expérience unique pour la plupart d'entre nous, dans les annales de la majorité des grandes organisations.

J'aimerais revenir de nouveau à l'entrevue. Vous avez indiqué très clairement que vous donniez suite à une rumeur des médias selon laquelle le rapport visait de 40 à 50 sénateurs.

J'aimerais savoir une chose, car vous avez dit que vous pensiez qu'il était nécessaire d'apporter des précisions à ce sujet, alors que, dans les faits, vous avez seulement réduit le nombre. Y a-t-il une source médiatique possible du nombre de 40 à 50 que vous avez considéré comme étant peut-être crédible et qui a fait en sorte que vous pensiez qu'il était absolument nécessaire — ou qui vous a servi de fondement pour penser ainsi — de changer le nombre — pas le contexte — qui allait figurer dans le rapport?

M. Ferguson : Je répète que, dans les faits, l'entrevue devait porter sur un sujet tout à fait différent. Il ne devait pas être question des dépenses des sénateurs. Donc, lorsque l'entrevue a pris cette tournure, et que l'hypothèse des 40 ou 50 sénateurs a été formulée lors d'une émission de nouvelles à la télévision, j'ai pensé à ce moment-là — et j'ai dû prendre une décision sur-le-champ — que je devais préciser que cela n'allait pas être 40 ou 50 sénateurs, mais plutôt 30. C'est une décision que j'ai prise sur-le-champ en essayant de répondre à une question.

Le sénateur Ogilvie : Merci. Vous avez clairement indiqué que vous n'aviez pas de source établie ou crédible pour ce qui est du nombre de 40 ou 50.

Je soutiens, monsieur Ferguson, que vous ne subissiez pas plus de pressions que nous, en tant que personnes et sénateurs, lorsque nous étions devant les caméras, comme il a été mentionné, et qu'on nous a posé exactement la même question. Vous n'étiez pas plus tenu d'accorder de la crédibilité à un chiffre que nous ne l'étions de répondre aux questions concernant notre situation personnelle.

M. Ferguson : Madame la présidente, j'ai pris la décision sur l'impulsion du moment. Je pensais que c'était la bonne chose à faire. Je suis toujours de cet avis. Je comprends que d'autres personnes puissent remettre en question cette décision et penser que j'aurais dû répondre autrement, mais, à ce moment-là, je pensais que la bonne chose à faire était d'apporter des précisions en disant que nous ne parlions pas de 40 ou de 50 sénateurs, et je répète que je pensais que l'on aurait pu avancer que le nombre de 40 ou 50 sénateurs avait été réduit à 30 parce que nous avions subi des pressions à cette fin. Sur le coup, j'ai pensé, en raison des échanges qui avaient lieu pendant l'entrevue, que la meilleure chose à faire était d'apporter des précisions à ce sujet. Et je répète que je défends la décision que j'ai prise à ce moment- là.

La présidente : Avant de commencer le deuxième tour, j'ai une question qui est peut-être un peu plus d'ordre systémique. Vous nous avez fourni des détails sur les systèmes de gestion que vous mettez en place pour contrôler l'information. Je suppose qu'ils étaient tous conformes aux politiques et procédures habituelles de votre bureau.

Ce que je ne sais pas et que j'aimerais beaucoup savoir, c'est quelles sont les sanctions possibles lorsque vous découvrez une fuite d'information et que vous savez qui en est responsable. Cela va au-delà de ce cas précis. J'aimerais vraiment essayer de comprendre les politiques et les systèmes que vous avez en place.

M. Parisé : Dans notre politique de sécurité, nous expliquons que selon la gravité de ce qui a été fait, la personne concernée peut essentiellement aller jusqu'à perdre son emploi.

La présidente : Quel est le niveau de sanctions le moins sévère?

M. Parisé : Le moins sévère... Il arrive parfois, lorsque nous découvrons des choses, par exemple à la suite d'un ratissage de sécurité, que nous sensibilisions davantage à la sécurité la personne concernée. Nous commençons par là. Les sanctions deviennent ensuite de plus en plus sévères selon la gravité de l'infraction.

La présidente : Quelqu'un a-t-il déjà été renvoyé de votre organisation pour avoir divulgué de l'information?

M. Parisé : Pas à ma connaissance. Je ne crois pas, non.

La présidente : Non. Merci beaucoup. Commençons le deuxième tour.

Le sénateur White : Monsieur Parisé, je lis des renseignements remontant au 19 mars 2015, date à laquelle le Bureau du vérificateur général a reconnu avoir perdu plus de 120 clés USB. Je sais que vous savez que le chiffrement des clés USB laisse quelque peu à désirer. La majorité des gens ne se servent pas des codes de chiffrement parce que c'est trop difficile, même si l'utilisation des clés ne l'est pas. Est-il possible que des renseignements provenant du bureau d'un sénateur, une partie de l'information que nous avons fournie, aient été perdus en même temps que ces clés?

M. Parisé : Nous ne pensons pas que c'est le cas. Les données de ces clés doivent être cryptées. Il est impossible d'y sauvegarder quoi que ce soit sans saisir le mot de passe de chiffrement. Pour sauvegarder de l'information sur une clé, le chiffrement est incontournable.

Le sénateur White : Pendant la première période de notre audit, des renseignements ont-ils été perdus d'une autre façon, qu'il s'agisse de fichiers égarés, de documents laissés dans une voiture ou de quoi que ce soit dans le genre? A-t- on signalé ce genre de choses?

M. Ferguson : Madame la présidente, à propos de la question du sénateur concernant les 120 clés USB, aucune de ces clés n'a été utilisée dans le cadre de l'audit du Sénat. C'est un exercice que nous avons entrepris pour faire l'inventaire de nos clés USB. Ce que je veux dire, c'est que nous nous étions rendu compte que nous ne les contrôlions pas de manière adéquate. M. Parisé, à l'aide de son groupe d'employés, en a donc fait l'inventaire, et nous avons découvert qu'il y avait ce genre de problèmes. Aucune de ces clés n'a servi dans le cadre de l'audit du Sénat.

Nous avons ensuite mis en place des procédures pour contrôler les clés USB qui ont servi pendant l'audit du Sénat. Il y en a une, également chiffrée, dont nous avons perdu la trace. Nous avons perdu la trace d'une clé USB entièrement chiffrée qui a servi pendant l'audit du Sénat.

Le sénateur White : Merci beaucoup, monsieur Ferguson. Voici la deuxième question à ce sujet : y a-t-il d'autres renseignements, fichiers ou documents liés à l'audit du Sénat qui ont disparu et dont l'emplacement est inconnu?

Je pense que M. MacLellan aimerait répondre.

M. MacLellan : Pour répondre à cette question, tous les fichiers nous ont été retournés. Il y en a un qui était en notre possession — un dossier d'approvisionnement lié aux photocopies qui nous étaient remises — dont nous n'avons pas trouvé l'emplacement et que nous n'avons donc pas pu retourner à l'Administration du Sénat. Tous les autres fichiers que nous avons reçus ont été retrouvés et retournés.

Le sénateur White : À l'exception d'une clé USB et d'un dossier d'approvisionnement.

M. MacLellan : Qui contenait une facture.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais juste obtenir une précision. Tous les fichiers ont été retournés au Sénat, n'est-ce pas? Je pensais que vous gardiez certains documents à votre bureau; est-ce que je me trompe?

M. MacLellan : Non, vous avez raison. Quand je dis « tous les fichiers », j'entends par là tous les fichiers originaux que nous avons pris à l'Administration du Sénat et que nous avons retournés. Pour appuyer notre rapport d'audit — et c'est une pratique courante conforme à nos normes —, nous avons pris des photocopies de l'information afin d'étayer ce que nous avons écrit. Nous sommes en possession de ces photocopies.

La sénatrice Jaffer : Et les documents des sénateurs sont-ils en votre possession?

M. MacLellan : Les documents originaux que nous avons reçus des sénateurs leur ont tous été retournés.

La sénatrice Jaffer : Mais vous avez vos photocopies.

M. MacLellan : Seulement dans la mesure où c'est nécessaire pour appuyer le contenu du rapport.

La sénatrice Jaffer : Vous dites que tous les fichiers ont été retournés, mais pas toute l'information. Vous en avez gardé une partie, n'est-ce pas?

M. MacLellan : Oui.

La sénatrice Jaffer : J'aimerais juste obtenir une précision, monsieur Parisé. Ce ne sont pas tous les employés et tous les contractuels qui ont été interrogés. Il ne s'agissait que d'un échantillon, n'est-ce pas?

M. Parisé : Si nous tenons compte du nombre total de personnes ayant participé à l'audit, c'est exact.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Ferguson, la question que j'ai pour vous est très déconcertante. Nous avions conclu un accord de confidentialité. Nous ne pouvions pas dire un mot, mais vous avez décidé que vous le pouviez. Vous avez parlé du contenu du rapport. Lors de notre première rencontre, vous nous avez assurés que nous ferions preuve de confidentialité de part et d'autre. N'avez-vous pas l'impression d'avoir violé cet engagement?

M. Ferguson : J'ai seulement parlé du nombre de sénateurs qui allaient être nommés dans le rapport. Je n'ai donné aucun détail au sujet des sénateurs concernés. Donc, non, je n'ai pas l'impression d'avoir violé l'accord de confidentialité. J'essayais de rétablir les faits compte tenu de la rumeur voulant qu'il y ait plus de 50 sénateurs concernés. J'avais l'impression qu'il fallait remettre les pendules à l'heure.

La sénatrice Jaffer : Si un journaliste m'avait interceptée et m'avait demandé si je faisais partie des 30 sénateurs et que je lui avais répondu que non, auriez-vous considéré cela comme un manquement à l'obligation de confidentialité?

M. Ferguson : Dans ce cas-ci, non, je ne crois pas que j'aurais considéré cela comme une violation de la confidentialité, si vous aviez pris la décision de divulguer cette information.

La sénatrice Jaffer : Toutefois, j'étais visée par un accord de confidentialité avec vous jusqu'à la fin.

M. Ferguson : Je vais répondre à la question — encore une fois, je ne crois pas avoir enfreint quelque accord de confidentialité que ce soit en rectifiant le tir pour ce qui est des supputations entourant le nombre de sénateurs qui allaient figurer dans le rapport.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez également parlé de la GRC au cours de cette entrevue, monsieur le vérificateur général.

Monsieur Ferguson, il n'y a pas eu que des employés du Bureau du vérificateur général qui ont été affectés à l'audit du Sénat; on a également fait appel à des entrepreneurs. Combien d'entrepreneurs indépendants ont-ils été engagés en dehors de votre bureau pour cette vérification?

M. MacLellan : Onze.

M. Ferguson : J'aimerais tirer une chose au clair, si vous me le permettez. Sachez que les onze entrepreneurs ont participé directement à l'audit. Des conseillers juridiques externes y ont pris part également, et quelques autres intervenants. Toutefois, nous avons recruté onze entrepreneurs à titre de vérificateurs.

Le sénateur Tkachuk : Quelles mesures de sécurité avez-vous prises au moment d'embaucher ces personnes? D'où viennent-elles exactement?

M. MacLellan : Les entrepreneurs venaient principalement de grands cabinets d'experts-comptables. Nous avons pris des mesures de sécurité à l'égard de ces personnes. Évidemment, nous avons conclu une entente contractuelle en vertu de laquelle elles devaient maintenir la confidentialité. Elles étaient assujetties aux mêmes processus et procédures que notre personnel pour ce qui est de la tenue des documents, du traitement de l'information et de la mesure dans laquelle elles étaient exposées à de l'information.

Ces personnes étaient donc soumises exactement aux mêmes règles, politiques et procédures auxquelles tous les autres employés du bureau devaient se conformer dans le cadre de l'audit du Sénat.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que ces personnes travaillaient chez elles ou dans vos bureaux?

M. MacLellan : La quasi-totalité du travail de vérification a été effectuée dans l'édifice Chambers, l'un des sites de l'administration du Sénat dans lequel on nous avait alloué des bureaux. Les dossiers n'ont jamais quitté cet endroit.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons vécu une situation étrange avec certaines personnes affectées à l'audit. La principale intéressée venait du Bureau du vérificateur général, puis il y avait deux autres entrepreneurs, dont l'un d'eux n'était pas du tout joignable. Nous avons essayé à maintes reprises de le joindre par téléphone. Il m'a semblé que les deux entrepreneurs se divisaient le travail. L'un d'eux exerçait certaines tâches; et l'autre en assumait d'autres. Nous n'avions aucune difficulté à joindre l'une des deux personnes et, en ce qui concerne l'autre, nous avons supposé qu'elle n'était jamais disponible parce qu'elle ne travaillait peut-être pas sur place. Est-il possible qu'elle travaillait à la maison?

M. MacLellan : Non.

Le sénateur Tkachuk : Il n'y a aucune possibilité?

M. MacLellan : Non, aucune.

La sénatrice Batters : Monsieur Ferguson, votre rapport indique que le jeudi 4 juin 2015, vers 11 h 50, vous avez remis en mains propres 12 exemplaires de votre rapport définitif au Bureau du Président. Pouvez-vous nous confirmer qu'avant cela, le Sénat n'avait reçu aucune copie de votre rapport?

M. Ferguson : C'est exact.

La sénatrice Batters : Votre rapport révèle que le 29 mai 2015, soit plus d'une semaine avant le dépôt des résultats de l'audit au Sénat, votre bureau a engagé un entrepreneur indépendant pour mener une enquête; est-ce exact?

M. Ferguson : Si vous le souhaitez, je peux vous expliquer les dates liées à l'enquête.

La sénatrice Batters : Est-ce que le 29 mai est la bonne date?

M. Ferguson : Cela me semble exact.

La sénatrice Batters : Donc, le 29 mai, le Sénat n'avait pas en main la version finale de votre rapport. Votre bureau s'était également rendu compte qu'il y avait un problème avec les clés USB, parce qu'on en avait fait état dans le Toronto Star. Comme mon collègue, le sénateur White, l'a souligné plus tôt, on était au courant du problème depuis quelque temps déjà, n'est-ce pas?

M. Ferguson : Absolument. C'était avant la date du dépôt du rapport au Sénat.

La sénatrice Batters : D'accord. Et c'est à ce moment-là que vous avez réalisé qu'il pouvait y avoir un problème avec les clés USB?

M. Ferguson : Nous avions déjà mis en place des mesures de sécurité afin de contrôler les clés USB utilisées pour la vérification. Comme je l'ai dit, on les a toutes retrouvées, sauf une.

La sénatrice Batters : Sauf une. Merci.

Le sénateur Joyal : Monsieur Ferguson, j'aimerais aborder la question de la propriété de l'information fournie par chaque sénateur durant les deux années de cet audit. Je vous ai fait parvenir une lettre le 17 juin 2015, soit il y a près de 11 mois, dans laquelle je disais : « Je considère que je suis le seul propriétaire exclusif de ces documents. Ils sont protégés par le privilège parlementaire, un privilège auquel je n'ai jamais voulu renoncer aux fins de votre audit. Maintenant que votre mandat est terminé, vous n'êtes plus autorisé à conserver des documents venant de moi. »

J'estime avoir le droit de récupérer ces documents. Quand allez-vous nous retourner ces documents, à moi et à tous les autres sénateurs qui ont été visés par cet audit?

M. MacLellan : Nous devons conserver ces renseignements pour appuyer notre opinion de vérification pendant une période de 15 ans, en vertu de notre propre système de gestion des dossiers. Conformément à nos normes professionnelles, il est nécessaire de pouvoir disposer de cette information pour appuyer nos conclusions.

Le sénateur Joyal : Je conteste cela, aux termes du paragraphe 58(1) du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, qui se lit comme suit :

Le conseiller sénatorial en éthique conserve tous les documents relatifs à un sénateur pendant les 12 mois suivant la cessation de ses fonctions de sénateur. Ces documents sont ensuite détruits...

Comment pouvez-vous croire que nous sommes soumis à un régime plus sévère en vertu de vos règles que ce à quoi nous nous sommes engagés aux termes du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs? Ces documents sont protégés par le privilège parlementaire et ce privilège l'emporte sur vos règles internes.

M. Ferguson : Comme on vous l'a expliqué, nous avons examiné très attentivement l'aspect de la conservation des renseignements. Toute information dont nous n'avons pas besoin pour appuyer nos conclusions a été retournée. Tous les documents originaux ont été retournés. Pour ce qui est des documents que nous jugions nécessaires à l'appui de nos conclusions, nous avons mis en place des mesures de sécurité pour les traiter.

Nous nous acquittons de nos obligations professionnelles en tant que comptables professionnels pour ce qui est de la conservation des preuves et des renseignements que nous recueillons, tout en respectant le fait que nous ne voulons pas et que nous ne devrions pas conserver les renseignements dont nous n'avons pas besoin pour étayer nos conclusions.

La présidente : Les renseignements complémentaires, si je puis me permettre.

Le sénateur Joyal : Oui, mais j'aimerais ajouter quelque chose à cet égard.

La présidente : Je vais revenir à vous incessamment. J'aimerais que vous définissiez ce que vous entendez par « nos obligations ». S'agit-il de règles internes établies par votre ministère ou est-ce que cela s'inscrit dans les normes de l'association des comptables professionnels? Quelles sont ces obligations?

M. Ferguson : Madame la présidente, il s'agit des exigences de comptabilité professionnelles auxquelles nous devons nous conformer pour nous assurer d'avoir des éléments probants suffisants et adéquats pour appuyer nos conclusions.

En ce qui a trait à la durée de conservation des documents, cela fait partie de notre système de gestion des dossiers. Nous prenons cette décision en fonction des audits que nous effectuons. C'est donc une décision interne.

Le sénateur Joyal : Monsieur Ferguson, j'aimerais lire la recommandation 57 de votre rapport :

Le vérificateur général du Canada devrait recevoir le mandat clair, à titre d'auditeur externe, d'effectuer des audits du Sénat du Canada, y compris des audits des dépenses des sénateurs. Le vérificateur général devrait bénéficier d'un accès sans restriction à toute l'information requise pour formuler des conclusions d'audits au sujet des dépenses engagées par les sénateurs, y compris l'information que détiennent individuellement les sénateurs.

Vous comprendrez que j'ai beaucoup de difficulté à accepter une telle recommandation si votre bureau et le Sénat ne s'entendent pas sur la question de l'accès à nos renseignements. Il faudrait à tout le moins détruire ces documents dans les 12 mois suivant la cessation des fonctions du sénateur, comme le prévoit le Code régissant les conflits d'intérêts. Nous avons déjà longuement débattu de cette question. Nous estimons qu'un sénateur, une fois qu'il quitte l'institution, a le privilège d'être protégé, autrement, toute fuite pourrait se produire. Même si vous affirmez que votre contrôle des renseignements est très rigoureux, on ne peut pas être totalement certain que la confidentialité sera assurée. L'Agence du revenu du Canada respecte des règles de confidentialité et, pourtant, l'an dernier, elle a permis la divulgation de ma déclaration de revenus. J'ai dû déposer une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée.

Même si vous êtes un mandataire du Parlement, vous êtes censé aider le Parlement. Dans de tels cas, vous devez revoir ces politiques, dans la mesure où on vous demande de traiter des renseignements personnels sur les sénateurs, et non pas sur l'administration.

M. Ferguson : Je ne pense pas pouvoir ajouter grand-chose. Je suppose que je pourrais parler de la recommandation que nous avons formulée au sujet du mandat clair. Si le Sénat nous confiait le mandat d'effectuer des audits, je m'attendrais certainement à ce que la durée de conservation et la gestion de ces documents soient établies dans le cadre de ce mandat. Si c'était un processus continu, nous serions prêts à nous pencher sur l'accès à ces renseignements et à leur conservation. C'est une question que nous pourrions préciser dans le mandat.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Ferguson, j'aimerais revenir à ma question précédente et à votre réponse. Je voudrais des détails concernant cette question. Vous avez clairement indiqué qu'il n'y avait pas de source fiable à l'origine de la fuite. Vous avez dit avoir usé de votre jugement au moment de divulguer le nombre précis de sénateurs concernés. Cela a énormément nui à la crédibilité de tous les sénateurs. Vous n'aviez aucune raison de prendre cette décision. En fait, en vertu de notre accord de confidentialité, vous n'aviez pas le droit de prendre une telle décision. Tous ceux d'entre nous qui étaient devant les caméras et qui se faisaient suivre partout n'ont jamais révélé quoi que ce soit ni donné de réponses qui auraient pu être utiles dans le contexte, et pourtant, nous subissions autant de pressions que vous. Nous estimions que nous n'avions pas le droit de dire si oui ou non nous étions visés par votre rapport.

Je tiens à dire que, selon moi, vous avez commis une erreur de jugement dans ce cas. Merci.

La présidente : Souhaitez-vous répondre?

M. Ferguson : Je pense avoir défendu ma position, madame la présidente, et je vais m'en tenir à ce que j'ai dit.

La présidente : On a souvent fait référence aux lettres de confidentialité qu'on a demandé à tous les sénateurs de signer. Avez-vous employé la même formulation dans toutes les lettres?

M. Ferguson : Lorsqu'on les a envoyées, elles étaient toutes les mêmes. Ce ne sont pas nécessairement tous les sénateurs qui les ont signées, mais je demanderais à M. MacLellan de nous en dire davantage à ce sujet.

M. MacLellan : Dans la grande majorité des cas, les lettres étaient exactement les mêmes, comme on nous l'avait demandé lorsque nous avions envoyé la lettre originale. Elles n'étaient pas toutes pareilles. Nous avons eu une série d'échanges avec les sénateurs qui ne souhaitaient pas la signer telle quelle ou qui avaient des questions concernant la nature de la lettre qu'ils signaient. À la fin du processus de communication avec les sénateurs concernant les objectifs de cette lettre, notamment la confidentialité, la responsabilité des secteurs visés par la vérification et la gestion de l'information, nous en sommes venus à la conclusion que nous avions respecté l'essentiel de ce que nous avions entrepris d'accomplir dans tous les cas.

La présidente : Merci. Nous avons tous reçu les lettres. Lorsque vous nous transmettrez le rapport que nous avons demandé, aux fins de l'étude du comité, pourriez-vous nous remettre également une copie, dans les deux langues officielles, de la lettre que vous avez demandé aux sénateurs de signer?

M. MacLellan : Vous voulez dire le modèle de lettre?

La présidente : Oui.

M. MacLellan : D'accord.

La présidente : Évidemment, la partie qui nous intéresse le plus en ce moment est la confidentialité.

M. MacLellan : Oui. Je comprends.

La présidente : Enfin, si je puis me permettre, monsieur Ferguson, la motion adoptée le 6 juin 2013 visait à ce que le Sénat invite le vérificateur général du Canada à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises. À ma connaissance, le présent audit n'a porté que sur les dépenses des sénateurs. J'aimerais savoir ce qui a mené à une telle décision.

M. Ferguson : Je vais encore une fois m'en remettre à M. MacLellan concernant cette question. Essentiellement, la décision a été prise du fait que nous venions tout juste de terminer les vérifications de l'Administration de la Chambre des communes et du Sénat. Au fond, nous avions déjà fait le travail du côté de l'administration. Nous étions d'avis, à ce moment-là, que nous n'allions pas découvrir grand-chose en effectuant un autre examen.

M. MacLellan : C'est exact. C'est ce qui a déterminé la portée de la vérification telle que vous la connaissez.

La présidente : Je dois maintenant céder la parole au sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Qu'est-ce qui vous a poussé à mener une vérification judiciaire plutôt qu'une vérification de gestion de tous les sénateurs?

M. Ferguson : Compte tenu des circonstances, à l'époque, nous devions examiner la moindre dépense de chaque sénateur au cours de cette période. Toute autre décision aurait entraîné davantage de spéculations concernant les dépenses des sénateurs. C'est ce que nous avons proposé. Nous avons réalisé un audit complet et exhaustif de toutes les dépenses de tous les sénateurs au cours de ces deux ans. Encore une fois, il fallait s'assurer qu'au moment de déposer notre rapport, les Canadiens n'auraient plus aucun doute sur l'ensemble des dépenses des sénateurs au cours de cette période.

Le sénateur Joyal : Devons-nous comprendre que si nous vous confions le mandat conformément à la recommandation 57, vous allez faire exactement la même chose que ce que vous avez fait au cours des deux dernières années dans le cadre de cet audit?

M. Ferguson : Non, cette recommandation serait — parce que ce serait une fonction de vérification régulière et permanente — la recommandation consisterait plutôt à vérifier un échantillonnage des dépenses des sénateurs pour dresser le portrait global de la situation au chapitre de la conformité.

Une vérification régulière permet de faire ce genre de choses. En l'occurrence, parce que la vérification était la première du genre, nous avons cru nécessaire d'examiner toutes les dépenses déclarées par tous les sénateurs au cours de cette période de deux ans.

La présidente : Merci. Nous commençons à manquer de temps, mais les sénateurs White, Tkachuk et Cools voudraient poser des questions. Vous avez chacun deux minutes.

Le sénateur White : Je vous remercie encore une fois, monsieur Ferguson. Est-il normal qu'un vérificateur général recommande ou renvoie à la GRC des personnes faisant l'objet d'une vérification?

Ensuite, pourriez-vous me confirmer que l'offre faite aux parlementaires de vérifier leurs dépenses vise bien tous les parlementaires, c'est-à-dire ceux de la Chambre des communes comme ceux du Sénat?

M. Ferguson : Encore une fois, nous avons simplement recommandé que le Comité de la régie interne envisage de renvoyer un certain nombre de cas à d'autres autorités, y compris la GRC. C'est ce que nous avions fait, et je pense que dans des circonstances semblables, nous le ferions encore.

Pour ce qui est du mandat, nous avons comparu devant un comité de la Chambre des communes il y a quelques semaines. Je crains de ne pas me souvenir du nom exact du comité, mais nous lui avons dit que nous étions disposés à étendre notre mandat à la vérification des dépenses de la Chambre des communes. Puis, dans notre vérification des dépenses du Sénat, nous avons formulé une recommandation semblable pour les dépenses du Sénat.

Le sénateur Tkachuk : J'ai deux questions très brèves. N'y a-t-il pas eu un échantillonnage des dépenses des sénateurs en 2012?

M. MacLellan : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Et du côté administratif, n'y a-t-il pas eu une vérification relative au lieu de résidence? Cette question n'a-t-elle pas été abordée?

M. Ferguson : Encore une fois, ce que nous avons vérifié dans ces cas, c'était la manière dont ces dossiers étaient gérés par l'administration, peu importe le type de réclamation — dépenses ou résidence. Quand nous avons effectué cette vérification, nous n'avions pas accès à tous les renseignements; nous avions accès aux renseignements dont disposait l'administration, mais pas à ceux pouvant être détenus par des sénateurs.

Je ne considère donc pas cela comme une vérification par échantillonnage des dépenses des sénateurs. C'était plutôt une vérification par échantillonnage de la manière dont l'administration traite les demandes de remboursement une fois qu'elle les a reçues.

Le sénateur Tkachuk : Mais il y a bien eu un échantillonnage des dépenses des sénateurs en 2012? Je veux être certain de bien comprendre.

M. Ferguson : Il y a eu un échantillonnage des dépenses des sénateurs, mais, encore une fois, à moins que je...

M. MacLellan : Non je pense que la réponse du vérificateur général est exacte en ce sens que l'échantillonnage qui a été fait dans la cadre de la vérification de la gestion financière et des mesures de contrôle en matière de gestion financière comprenait effectivement des transactions effectuées par les sénateurs, mais la vérification portait avant tout sur le rôle de surveillance de l'administration.

Le sénateur Tkachuk : D'accord. Merci.

La sénatrice Cools : Merci. Vous devriez peut-être, monsieur le vérificateur général, réfléchir davantage à la recommandation 57. Vous devriez y réfléchir, car elle nécessiterait un remaniement complet, une réforme totale de la Loi sur le vérificateur général. Le poste de vérificateur général, comme vous le savez, a été créé dans l'optique de ce qu'on appelle la vérification des crédits. Et puisque le Sénat et la Chambre des communes ne sont pas des ministères, ils ne font pas partie des comptes publics. Vous voudrez peut-être revenir sur cette recommandation. Son heure n'est pas encore venue.

J'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous entendiez exactement lorsque vous avez dit que vous n'aviez pas enfreint l'accord de confidentialité, mais seulement rétabli les faits. Qu'entendez-vous exactement par « rétablir les faits »?

M. Ferguson : Je l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises, mais je vais le faire encore une fois.

Une rumeur circulait selon laquelle plus d'une cinquantaine de sénateurs seraient nommés dans le rapport. Elle avait été évoquée à la télévision dans une émission de nouvelles très regardée — on y disait que 50 sénateurs allaient être nommés dans le rapport. J'ai cru que ce serait dans l'intérêt de tous — c'est ce que m'a dicté mon jugement, et je respecte que d'autres puissent le mettre en doute, mais je persiste. J'ai jugé qu'à ce moment, le mieux était de faire taire la rumeur et de dire que ce n'était pas 50, mais 30 sénateurs.

Encore une fois, j'avais jugé que cette rumeur n'apportait rien et qu'elle nuirait à la version définitive du rapport ou aux sénateurs. J'ai donc pensé qu'il était dans l'intérêt de tous de préciser que c'était en fait 30 sénateurs.

La présidente : Merci. Nous avons dépassé le temps que nous avions.

La sénatrice Cools : Intéressant.

La présidente : Nous avons eu une réunion très intéressante. Je vous remercie, monsieur Ferguson, monsieur MacLellan, monsieur Parisé et madame Gomez. Nous espérons recevoir bientôt les documents que nous vous avons demandés.

Enfin, monsieur Parisé, si vous avez de la documentation sur l'échelle des sanctions que vous appliquez, elle nous serait également utile.

(Le comité s'ajourne.)

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