Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 2 - Témoignages du 31 mai 2016
OTTAWA, le mardi 31 mai 2016
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour examiner le cas de privilège qui concerne les fuites du rapport du vérificateur général sur son audit du Sénat.
La sénatrice Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
Nous poursuivons notre examen de la question de privilège soulevée par la sénatrice Céline Hervieux-Payette au sujet des fuites dont a fait l'objet le rapport du vérificateur général du Canada.
[Français]
Nous entendons ce matin Gilles Duguay, directeur général, Services de la cité parlementaire, Sénat du Canada—
[Traduction]
Nous accueillons également M. Mike McDonald, directeur de la Sécurité institutionnelle, qui nous parlera de la procédure qui est en vigueur et qui protège le Sénat contre toute divulgation d'informations non autorisée et inappropriée; il nous fera des suggestions sur les recommandations que nous pourrions inclure dans notre rapport.
Vous vous souviendrez qu'une enquête interne a eu lieu pendant l'audit du vérificateur général, mais qu'elle a été faite pour le comité de la régie interne, dont les délibérations se déroulent à huis clos, par conséquent MM. Duguay et McDonald ne pourront pas nous en parler.
J'espère par contre qu'ils pourront nous dire, de façon générale, quelles leçons nous pouvons en tirer pour assurer une plus grande protection de la confidentialité, dans le cas que nous examinons comme dans d'autres qui pourront se présenter à l'avenir.
Gilles Duguay, directeur général, Services de la cité parlementaire (Sénat du Canada) : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. J'aimerais profiter de ma présence ici pour vous parler tout d'abord de la distribution des documents confidentiels.
Permettez-moi de remonter à l'époque où je m'occupais de la protection des renseignements confidentiels à la GRC. Généralement, il s'agissait de dossiers ou d'informations liés à la sécurité nationale, qui concernaient certaines personnes en particulier. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut d'abord définir les informations que vous voulez garder confidentielles.
S'agissant des comités, il est très important d'utiliser un marquage pour indiquer qu'un document est confidentiel. Si le comité dans son ensemble décide que tel ou tel document doit être confidentiel, il doit, avant de le distribuer, le faire estampiller « Projet » en filigrane et, à l'endroit approprié, faire figurer la mention que le document est confidentiel.
Une fois que vous avez convenu, tous autour de la table, que le document est confidentiel, qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Qui, en fait, peut avoir accès à ce document? Vos collaborateurs peuvent-ils y avoir accès? Si, par la suite, vous me demandez de faire une enquête parce que le document a fait l'objet de fuites, il faut que je sache qui avait accès à ce document.
Le comité peut décider que seuls les sénateurs pourront avoir accès au document. C'est au comité de décider, et le marquage du document se fait en conséquence. Ensuite, il faut déterminer comment le document sera distribué. Par moyens électroniques, en mains propres, ou par les services de messagerie internes? Chaque option a des implications différentes.
S'il est distribué de façon électronique, par exemple, et que vous décidez que seuls les sénateurs auront accès au document, cela signifie qu'aucun de vos collaborateurs ne doit connaître votre mot de passe personnel et ne doit avoir accès à votre correspondance électronique.
Limiter l'accès aux sénateurs pourrait être la première option. Si vous voulez que vos collaborateurs y aient accès aussi, il faut alors qu'avant son envoi, le document soit encodé et protégé par mot de passe. Voilà pour la distribution électronique du document.
Pour ce qui est de sa distribution en mains propres, il faut alors enregistrer le nombre exact d'exemplaires qui seront distribués. Ceux-ci doivent être numérotés, à raison d'un numéro individuel pour chacun des sénateurs à qui il est destiné.
Le sénateur doit alors en accuser réception, ce qui peut se faire de deux façons : le greffier du comité peut le distribuer en personne et consigner le numéro de l'exemplaire du document qui a été remis à chaque sénateur. Si le document est distribué par notre messagerie interne, il faut aussi prévoir la signature d'un accusé de réception à la réception du document.
Ce mode de distribution s'accompagne d'une autre exigence. Le document, après avoir été dûment estampillé « Projet » et « Confidentiel », doit être glissé dans une enveloppe portant la mention « Strictement réservé au sénateur », le cas échéant, et l'adresse du sénateur. L'enveloppe doit être cachetée et le cachet, paraphé, afin que vous puissiez vérifier qu'il n'a pas été altéré. Généralement, on place un ruban adhésif sur le cachet.
L'enveloppe doit ensuite être placée dans une autre et cachetée, avant d'être distribuée par nos services de messagerie internes. Lorsqu'elle parvient à votre bureau, votre adjoint exécutif ou administratif l'ouvre et voit qu'elle contient une autre enveloppe réservée au sénateur. Il la remet alors au sénateur.
Il y a aussi la question de l'entreposage. Nous recommandons bien sûr que le document soit rangé sous clé; il ne doit pas rester sur un bureau.
J'ai supervisé l'enquête, à l'issue de laquelle nous avons recommandé certaines procédures, car plusieurs sénateurs nous ont dit ne pas connaître toutes les règles relatives aux séances à huis clos.
De plus, pendant l'enquête, nous avons passé en revue les procédures en vigueur. Mike vous parlera peut-être du rapport que votre comité a reçu en 2000. Nous avons constaté que les recommandations de ce rapport étaient tout à fait appropriées.
Mike McDonald, directeur, Sécurité institutionnelle (Sénat du Canada) : En faisant des recherches, nous avons constaté qu'un grand nombre de réponses se trouvent dans le numéro 49 des Journaux du Sénat, d'avril 2000, où vous trouverez aussi tous les commentaires de M. Duguay.
Vous connaissez déjà les paramètres. M. Duguay a parlé du mot de passe et du filigrane qui doivent protéger le document. À part cela, on peut bien sûr limiter le nombre de personnes présentes et appliquer le principe du « besoin d'en connaître » : qui a vraiment besoin d'être au courant du document et d'en prendre connaissance? Qui a accès à votre compte? Il s'agit d'être vigilant et d'appliquer ces règles.
L'autre question à examiner est la destruction contrôlée du document, comment il doit être récupéré, consigné et détruit selon les règles.
Il y a aussi malheureusement toute la question de la surveillance à exercer pour s'assurer que les procédures sont respectées. L'important, c'est que nous soyons informés pour que nous puissions déterminer ce qui s'est passé et vous proposer des recommandations en conséquence.
La présidente : Nous sommes ici pour vous écouter. Si vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas.
M. McDonald : Je suis prêt à vous lire les recommandations du numéro 49, mais vous l'avez peut-être déjà fait.
La présidente : Plusieurs sénateurs n'étaient pas ici en 2000, il serait donc peut-être bon de les résumer, pour ceux qui ont la mémoire courte.
M. McDonald : Volontiers. L'article 30 du numéro 49 dispose que :
a) tous les projets de rapports et autres documents confidentiels doivent être numérotés individuellement, le numéro figurant sur chaque page du document;
b) chaque rapport ou document confidentiel numéroté doit être confié à une seule personne, toujours la même, et le nom de cette personne, soigneusement noté;
c) si des sénateurs doivent recevoir des projets de rapports ou d'autres documents confidentiels avant une séance, ou s'ils doivent les emporter avec eux à la fin de la séance, ils doivent être tenus de signer. Certains documents, comme les transcriptions de séance à huis clos, ne devraient pouvoir être consultés qu'au bureau du greffier du comité et avec le consentement du président;
d) les noms de toutes les personnes présentes lors d'une séance à huis clos où l'on discute du projet de rapport — y compris les adjoints, les attachés de recherche, les interprètes et les sténographes — doivent être inscrits, de préférence dans le compte rendu officiel; et
e) les présidents de comité doivent s'assurer que tous les sénateurs et le personnel sont informés du caractère confidentiel des documents et des délibérations à huis clos, de l'importance de les protéger et des conséquences d'une divulgation de renseignements confidentiels...
L'article 31 stipule que les comités devraient se prononcer clairement sur le niveau de diffusion de leurs ébauches de rapports et de leurs témoignages, et sur la publication de leurs procès-verbaux.
Bref, cela donne une bonne idée des leçons qui ont été tirées et des éléments à prendre en considération.
La présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Duguay?
M. Duguay : À l'époque où je travaillais à la GRC, nous placions les informations que nous avions à protéger dans des chemises spéciales, par grandes catégories. De cette façon, les informations confidentielles étaient placées dans une chemise spéciale et tout le monde savait, dans le bureau, que les informations classées dans cette chemise étaient confidentielles.
La présidente : Avec des couleurs spéciales?
M. Duguay : Oui.
La présidente : Merci beaucoup. Je vais commencer par donner la parole au vice-président du comité, le sénateur White.
Le sénateur White : Merci à tous les deux de comparaître devant nous.
Très franchement, je pense qu'on aura beau établir des règles, on ne pourra pas empêcher tous les comportements malhonnêtes. Si quelqu'un veut utiliser un document de façon frauduleuse et qu'il sait comment y parvenir, il y arrivera, n'est-ce pas?
M. Duguay : C'est exact.
Le sénateur White : Nous avons arrêté l'un de nos propres agents de police non pas parce qu'il ignorait la loi, mais parce qu'il avait décidé de passer outre.
M. McDonald : J'ajouterai que le volet connaissance et éducation est absolument fondamental. Parfois, on fait des choses sans savoir qu'on ne devrait pas les faire; il est donc important que les gens soient informés.
Le sénateur White : Je vous le concède. Si je me souviens bien, la dernière fois que vous avez fait une enquête à la demande du comité de la régie interne, deux agents m'ont dit que plusieurs personnes qu'ils avaient interrogées ne savaient pas ce que voulait dire « à huis clos », si ce n'est que la réunion n'était pas publique. Or, cela signifie aussi que les informations ne doivent pas sortir de la salle. Pour beaucoup de gens, une réunion à huis clos signifie que le public n'y est pas admis, mais qu'il n'y a pas d'autres règles, et qu'une fois revenus à leur bureau, ils peuvent raconter à leurs collaborateurs ce qui s'est passé.
Pour revenir à cette enquête, plusieurs recommandations qui en étaient ressorties concernaient précisément l'éducation. On ne peut pas empêcher des gens de divulguer des informations confidentielles, mais le plus important, c'est que nous sachions précisément ce que nous pouvons faire des documents. Je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne bien. Qu'en pensez-vous?
M. Duguay : L'éducation était le facteur principal, ou plutôt l'ignorance des règles en vigueur, et même tout simplement le concept du huis clos.
Le sénateur White : Et ce que cela signifie.
M. Duguay : La procédure officielle prévoit que le greffier informe un préposé du comité qui appelle les services de télédiffusion pour leur dire que le comité se réunit à huis clos. Il appelle également les services de sécurité pour les informer que le comité se réunit à huis clos. Ensuite, le constable prend place devant la porte pour s'assurer que personne n'entre dans la salle.
Une fois ces mesures prises, le préposé du comité confirme au greffier que le comité peut se réunir à huis clos. Bien des gens n'étaient pas au courant de cette procédure.
Le sénateur White : C'est en fait ce que voulait dire la sénatrice Céline Hervieux-Payette lorsqu'elle a parlé, à la fin de sa rencontre avec nous, de la nécessité d'organiser une séance d'information pour tous les sénateurs, pour qu'ils puissent ensuite informer leurs collaborateurs de la nécessité de respecter la confidentialité des documents et des réunions à huis clos. Merci beaucoup.
La sénatrice Cools : Je tiens à remercier les témoins d'avoir mené leur enquête avec diligence. J'estime que le Sénat est très bien servi par ces deux jeunes personnes.
Je me souviens tout d'un coup, à l'époque où je faisais partie de la Commission nationale des libérations conditionnelles, que ce type de document devait être entreposé dans des classeurs blindés. Cela peut paraître banal à beaucoup d'entre vous, mais chaque fois qu'on utilisait ces documents, il fallait signer sur la page couverture.
Par exemple, lorsque nous allions à Millhaven pour rencontrer des détenus, et que nous emportions ce type de documents, il était possible par la suite de déterminer combien de temps nous les avions eus en notre possession. C'était un système très minutieux. Quand on se rend compte des risques encourus, cela fait peur.
Quand nous recevons des documents très confidentiels, nous n'en accusons même pas réception. Nous ne savons peut-être même pas qui parmi nous les a reçus.
À propos, je ne pense pas que la fuite provienne du Sénat. Mais ce n'est que pure spéculation de ma part.
Madame la présidente, je pense que la majorité des membres du comité sont prêts à voir comment nous pouvons améliorer nos façons de faire, d'autant plus que le vérificateur général a bien dit qu'il n'assumait pas la responsabilité de ces fuites.
Je pense qu'il est important que nous poursuivions cette discussion, tout en sachant qu'il y a bien des choses pour lesquelles nous devrions être un peu plus stricts. Nous avons peut-être été trop laxistes.
La présidente : L'un de vous deux a-t-il quelque chose à dire?
M. Duguay : L'important, c'est de savoir quel type d'informations vous voulez protéger. Quand je travaillais à la GRC, il y avait un dépôt central où l'on devait ranger les documents et signer. De cette façon, on savait qui était en possession de quel dossier, à quel moment. Mais je ne suis pas sûr que ce genre de mécanisme conviendrait ici, étant donné la nature des informations que vous gérez.
Ici, il faut empêcher la divulgation d'un projet de document avant sa version finale, et évaluer le niveau de confidentialité de ce document. Plus il est élevé, plus il faut prendre des mesures rigoureuses. Et pour empêcher les fuites, va-t-on prévoir des sanctions?
La présidente : Nous y pensons.
Le sénateur McInnis : Merci, messieurs, de comparaître devant notre comité.
Des fuites se produisent depuis pas mal longtemps, et à la dernière réunion, le sénateur Joyal a parlé de l'ancienne vérificatrice générale, Mme Fraser, qui a reconnu que 10 rapports publics avaient fait l'objet de fuites, mais que ces fuites ne provenaient pas de son bureau.
Je me demande dans quelle mesure nous prenons cela au sérieux. Bien sûr, au moment où cela se produit, on en parle beaucoup, mais quelles sont les conséquences? Que je sache, aucune sanction n'est prévue. En Australie, à la Chambre basse, ils imposent des sanctions, à la fois des amendes et des suspensions.
Le sénateur White estime que l'éducation est le facteur le plus important. C'est très difficile de prévenir les fuites. Il y a un an environ, un journaliste a créé une émission à la télévision intitulée The Halls of Parliament, et cela a duré un certain temps, il réussissait à obtenir toutes sortes d'informations.
On cite toujours la fameuse source non identifiée. Mais tant qu'il ne sera pas clair, dans l'esprit des collaborateurs et des sénateurs, que c'est un problème très grave, ne pensez-vous pas que les gens vont reprendre leurs bonnes petites habitudes?
Combien d'enquêtes avez-vous faites sur des fuites au cours des cinq dernières années?
M. Duguay : Nous en avons fait une au cours des neuf dernières années.
Le sénateur McInnis : C'est révélateur. Si on prenait la chose au sérieux, il y aurait certainement eu davantage d'enquêtes, n'est-ce pas votre avis?
M. Duguay : Je dois vous rappeler que ce n'est pas nous qui décidons de faire enquête, il faut qu'on nous en donne le mandat. Et nous n'avons reçu de mandat qu'une seule fois. Y a-t-il eu d'autres fuites pour lesquelles nous n'avons pas reçu le mandat de faire enquête?
Le sénateur McInnis : J'ai fait de la politique en Nouvelle-Écosse avant de devenir sénateur, et je peux vous dire qu'il y avait beaucoup de fuites, mais nous n'arrivions jamais à en découvrir les auteurs. Mais là encore, nous ne prenions pas vraiment la chose au sérieux.
M. Duguay : Je reviens encore une fois à l'époque où je travaillais à la GRC. Quand on désignait l'information A, B ou C, secret ou très secret, cela voulait dire qu'elle ne pouvait être divulguée qu'une fois déclassifiée, sinon elle restait dans le classeur et ne pouvait pas être divulguée.
Ici, le document doit rester secret pendant un certain temps seulement, car il finit par être rendu public. Il faut donc avoir une approche différente, et ce n'est qu'en éduquant les gens qu'on peut atténuer les risques de fuites. Il faut que les gens comprennent que lorsqu'ils sont en possession de ce type d'information pendant un certain temps, cette information ne doit pas être divulguée.
La sénatrice Cools : Il faut dire que les fuites n'ont pas toutes la même importance. Lorsque je lis dans le journal une information qui va empêcher un politicien de faire une grande annonce dans une chambre ou à une conférence de presse, cela ne me dérange franchement pas beaucoup.
Mais dans le cas de ce rapport, ce qui me choque tout particulièrement, c'est qu'il contenait des informations extrêmement préjudiciables à certaines personnes, à leur carrière, à leur vie personnelle, à leur famille et à leur réputation. Notre réputation est une chose qui est censée être protégée, comme nous l'avons fait remarquer la semaine dernière au vérificateur général.
La réputation personnelle d'un politicien est son meilleur atout, c'est ce qu'il a de plus précieux, et c'est pour cela que ça me dérange profondément. Je l'ai déjà dit dans ce comité, c'est donc consigné au procès-verbal : dans son rapport, le vérificateur général a choisi d'identifier des sénateurs par leur nom. Je n'ai jamais vu cela, et ça n'aurait jamais dû se produire.
Et en faisant cela, on a apporté de l'eau au moulin des « fuiteurs », si on peut les appeler ainsi. Cela m'a vraiment choquée, car lorsque certaines personnes ont appris qu'elles allaient faire l'objet d'une enquête de la police, j'étais présente et j'ai vraiment cru qu'elles allaient faire une crise cardiaque.
Et cela a continué pendant des mois, jusqu'à ce que, tout récemment, on les informe que l'enquête n'avait rien donné et que la GRC n'avait trouvé aucun motif ni aucune raison de poursuivre qui que ce soit. Autrement dit, tout ce que cela a servi à faire, c'est à nuire à la vie personnelle et à la réputation de ces personnes dont certaines — que je n'hésite pas à défendre, franchement — ne sont plus très jeunes, mais ont quand même une carrière à poursuivre.
La présidente : Je pense que nous sommes assez d'accord là-dessus, mais notre temps est limité.
Le sénateur Ogilvie : Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir sur la discussion entamée par le sénateur White et poursuivie par M. Duguay et le sénateur McInnis.
Il me semble évident que les procédures que vous avez proposées peuvent être appliquées, car je constate que lorsque vous avez affaire à une fuite, les gens sont furieux, et nous ne le serions pas moins.
Mais il faudrait aussi savoir ce qu'on fait avec ceux qui ont eu accès à l'information et qui l'ont divulguée. D'après ce que j'ai pu constater, on ne s'intéresse pas beaucoup à cela sur la Colline parlementaire.
À intervalles réguliers, nous rappelons les consignes aux membres des comités. Je préside un comité et, tout récemment, j'ai coprésidé un comité important. À chaque réunion à huis clos, nous nous faisions un point d'honneur de rappeler aux membres du comité le caractère confidentiel de la réunion, et quand nous en sommes arrivés à l'étape de la rédaction du rapport, nous avons rappelé cette consigne avec trois fois plus de fermeté. Cela n'a pas empêché le rapport de faire l'objet d'une fuite, la veille de sa présentation dans les deux chambres du Parlement. Ce n'était même pas une fuite secrète, puisque ce sont plusieurs personnes qui ont parlé du contenu du rapport.
Je dois dire que je n'étais pas très content, et j'en ai parlé le matin même à un greffier senior qui m'a dit qu'il n'y avait pas grand-chose que nous puissions faire.
Je pense que nous aurons beau mettre en place des procédures et les faire respecter avec la plus grande fermeté, cela ne servira pas à grand-chose si nous ne prenons aucune sanction contre les auteurs des fuites.
Je trouve cela tout à fait inacceptable, très franchement, et je ne vois pas comment nous pouvons améliorer la situation si nous ne voulons pas nous attaquer à ce que je considère comme un outrage au privilège parlementaire, surtout dans les cas les plus importants. Il faut que les procédures en place soient respectées.
La présidente : Est-ce une question? Êtes-vous d'accord?
Le sénateur Ogilvie : Merci, madame la présidente. Je voudrais simplement leur demander ce qu'ils pensent de mes observations, compte tenu de leur expérience, pour voir s'il y a une façon de régler le problème.
M. Duguay : Pour qu'une procédure soit respectée, il faut un moyen de dissuasion, et dans ce cas, il est clair qu'il n'y a pas de moyens de dissuasion ou de sanctions.
Le sénateur Ogilvie : Merci, madame la présidente.
Le sénateur Oh : Merci, messieurs, de nous communiquer toutes ces informations.
Lorsque je reçois des informations ou des documents très confidentiels, je ne sais pas où les entreposer dans mon bureau, et je ne peux pas les emporter partout où je vais. Je n'ai pas de classeur dans mon bureau dans lequel je peux garder des documents sous clé.
M. Duguay : À l'heure actuelle, il incombe à chaque comité de décider comment il veut gérer les documents confidentiels. Il peut aussi décider de nous demander de lui proposer des recommandations quant à la façon de gérer ces documents. S'ils doivent être rangés sous clé et que vous n'avez pas de classeurs à serrure, nous sommes prêts à vous aider à acheter les équipements nécessaires pour ranger vos documents.
Pour transporter les documents classifiés, il existe des cartables spéciaux, avec des clés spéciales. Nous sommes prêts à collaborer avec les comités et avec les greffiers pour mettre en place les procédures et les consignes nécessaires pour assurer le bon entreposage des documents. Ce n'est pas un problème. Mais à l'heure actuelle, comme je l'ai dit, c'est à chaque comité qu'il incombe de décider.
M. McDonald : Vos collaborateurs trouveront dans la politique sur la sécurité des informations des conseils et des consignes sur la façon d'entreposer et de protéger les documents. Le bâtiment dans lequel vous vous trouvez est parfaitement sécurisé, et dans votre bureau, vous pouvez installer des classeurs à serrure pour protéger encore mieux vos documents, en fonction de leur niveau de confidentialité.
La présidente : Nous allons étudier la question, mais cette suggestion est intéressante.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie de comparaître devant notre comité et d'offrir au Sénat des services extrêmement précieux.
J'aimerais vous poser une question au sujet de la sécurité institutionnelle. Vous avez dit que vous deviez recevoir un mandat pour faire une enquête, mais de façon générale, comment vous y prenez-vous pour proposer, de façon plus proactive, la mise en place de bonnes pratiques? Vous avez dit, monsieur Duguay, qu'il incombait à chaque comité de décider comment il voulait gérer ses documents confidentiels. Il me semble toutefois que, en ce qui concerne l'Administration du Sénat, il existe des principes généraux qu'il faut suivre.
De quelle façon pouvez-vous jouer un rôle plus proactif? Pouvez-vous prendre l'initiative de faire des recommandations?
M. Duguay : Tout ce qui a trait à l'information relève de la Direction des services d'information, qu'on appelle communément la DSI. À l'heure actuelle, la DSI est en train de mettre à jour la politique en question, et nous avons participé à cet exercice en lui faisant des suggestions et des recommandations sur le marquage, la distribution et l'entreposage sécuritaire des documents. Nous avons donc donné des conseils à cet égard à la DSI, et la nouvelle politique va bientôt être soumise au comité de la régie interne. Si elle est approuvée par ce comité, elle fera partie des politiques du Sénat et contiendra des directives précises sur la façon de gérer les documents en général.
La sénatrice Seidman : Nous avons parlé, et vous en avez reconnu l'importance, de la nécessité d'éduquer les gens et de mettre en place des mécanismes ou des politiques pour garantir l'application de bonnes pratiques de gestion, et il a aussi été question des moyens de dissuasion et des sanctions. Étant donné votre expertise en matière de sécurité, j'aimerais savoir si vous êtes amenés à faire des recommandations, non seulement à la DSI ou pour des systèmes électroniques, mais d'une façon plus générale, dans le domaine de la sécurité?
M. McDonald : Je pense qu'on le fait en partie dans le cadre des séances de sensibilisation sur la sécurité que nous organisons, à intervalles réguliers. Une bonne partie de ce dont nous discutons aujourd'hui relève de la DSI. Les nouveaux employés assistent à des séances d'information sur les politiques et les pratiques qui doivent être respectées en matière d'entreposage sécuritaire de l'information. Tout cela est donc géré par la DSI, en plus des autres séances de sensibilisation sur la sécurité que nous organisons.
M. Duguay : J'aimerais bien jouer un rôle plus important et avoir le pouvoir de déclencher une enquête, mais le Sénat ne nous a pas donné le mandat de déclencher une enquête ou d'examiner des plaintes. Nous ne pouvons le faire que sur ordonnance précise. Nous n'en sommes pas encore là.
La sénatrice Seidman : Pour organiser davantage de séances d'information proactives, vous auriez besoin qu'on vous en donne le mandat, par exemple?
M. Duguay : Oui.
Le sénateur Joyal : Si je comprends bien la réponse que vous avez donnée à la sénatrice Seidman, vous ne savez pas si les nouveaux employés reçoivent une « formation spéciale » sur l'importance de la confidentialité et le respect de l'embargo, sur ce que signifient « à huis clos » et accès aux documents. Ils ne savent même pas ce que veut dire « document protégé »?
M. Duguay : S'agissant des employés, ils doivent se prêter au processus d'accréditation et remplir des formulaires pour pouvoir avoir une carte d'identité.
Le sénateur Joyal : C'est la vérification de sécurité, cela ne signifie pas que la personne suit une formation appropriée.
M. Duguay : Dans le cas d'un nouvel employé, Michael a une liste des vérifications à faire, et il vous en dira peut-être plus là-dessus. Dans le cas des nouveaux sénateurs, c'est le président et le greffier du comité qui sont chargés de leur expliquer ce que veut dire confidentialité et tout ce dont nous venons de parler. À l'heure actuelle, nous n'avons pas un rôle actif.
Le sénateur Joyal : Je vais élargir le champ de la discussion. C'est le service des ressources humaines du Sénat qui recrute le personnel des bureaux des sénateurs et qui pourvoit aux autres postes au Sénat. Quelle formation reçoit un nouvel employé qui commence à travailler dans un bureau de sénateur? Il y a sept nouveaux sénateurs. Il y en aura 19 ou 20 de plus dans les prochains mois. Qui est chargé d'expliquer aux nouveaux employés ce que signifient « document protégé », « embargo » et « à huis clos », ce qui constitue une fuite? Qui leur donne cette formation?
M. McDonald : C'est la DSI qui est censée organiser tout cela.
Il faut que vous sachiez que la politique couvre différentes parties du Sénat. Elle concerne la classification, l'entreposage, la rétention et la destruction des documents. Elle couvre donc les principaux aspects de la protection de l'information.
Le sénateur Joyal : Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de politique. Je vous pose une question bien simple : qui assure la formation des personnes qui sont embauchées par les ressources humaines du Sénat pour occuper un poste dans le bureau d'un nouveau sénateur?
M. Duguay : Si je peux me permettre d'être franc...
Le sénateur Joyal : Pour ce qui concerne les principaux aspects de la confidentialité.
M. Duguay : C'est aux sénateurs qu'il incombe d'éduquer leurs propres employés. Nous n'avons aucune responsabilité à cet égard.
La présidente : Qu'en est-il du personnel administratif? Qui assure leur formation et qu'est-ce qu'on leur dit exactement?
M. Duguay : Pour les comités, je suppose?
La présidente : Non, pas pour les comités, pour l'Administration du Sénat.
M. Duguay : En règle générale, le personnel ne manipule pas des documents confidentiels.
La présidente : Bien sûr que si — les dépenses et les salaires.
M. Duguay : Dans certains secteurs, les finances et les ressources humaines, par exemple, tout se fait derrière des portes closes, selon le principe du « besoin d'en connaître », et nous n'avons aucune idée de ce dont ils discutent et des informations qu'ils échangent. Nous n'avons aucune idée des documents qu'ils ont en leur possession.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, cela ne vous regarde pas?
La présidente : Mais alors, ça regarde qui?
M. Duguay : C'est la raison pour laquelle il a été jugé nécessaire de mettre à jour la politique sur l'information. C'est la raison pour laquelle il a fallu préciser certaines choses dont je viens de parler. Selon la nouvelle politique, c'est ce que l'administration devra faire, mais pour le moment, nous n'y sommes pas encore.
Le sénateur Joyal : Il est très important de savoir qui est responsable de la répartition des activités du Sénat.
Il incombe à un sénateur d'assurer la formation de ses collaborateurs afin qu'ils sachent comment traiter des documents confidentiels, par opposition à d'autres. Le nouveau sénateur suppose qu'il ou elle sait tout cela.
M. Duguay : Sénateur Joyal, je n'en sais rien, et je ne peux pas parler au nom des ressources humaines, des finances ou d'une autre direction. En ce qui me concerne, je fais une enquête lorsqu'on me demande d'en faire une.
Le sénateur Joyal : Vous êtes un peu le pompier. Vous venez quand on vous appelle. Vous ne faites pas de visites à domicile pour prévenir les incendies.
M. Duguay : Si, nous le faisons.
Le sénateur Joyal : J'essaie de rendre les choses plus simples à comprendre.
J'aimerais savoir si vous rencontrez les nouveaux sénateurs pour les informer de toutes les procédures relatives à la confidentialité d'un document, dans le cadre de leurs nouvelles fonctions? Leur donnez-vous une séance d'information là-dessus?
M. Duguay : Ce ne sont que des spéculations de ma part, car je n'ai pas participé à la séance d'information organisée par les différentes directions à l'intention des nouveaux sénateurs, mais on m'a dit que pendant cette séance, on expliquait aux nouveaux sénateurs quelles étaient les procédures; je ne pourrais toutefois pas vous le confirmer.
Le sénateur Joyal : Vous ne pouvez pas nous confirmer que les nouveaux sénateurs reçoivent des informations sur les procédures relatives à la confidentialité des documents?
La présidente : Le pouvez-vous ou non?
M. Duguay : Non, je ne le peux pas.
Le sénateur Joyal : C'est intéressant, car il faut que nous comprenions comment le système fonctionne, plutôt que de continuer à supposer que quelqu'un d'autre s'en occupe. Vous comprenez cela, puisque vous êtes policier. J'aimerais parler des documents dont il a été question, car c'est un problème très sérieux.
La présidente : J'ai sur ma liste les noms des sénatrices Martin et Batters, le vôtre et le mien. J'essaierai de poser une question à un moment donné.
La sénatrice Martin : Le sénateur Joyal a posé des questions très judicieuses, et j'en aurais d'autres à poser dans la même veine, mais ce n'est peut-être pas ici que je devrais le faire.
Nous avons parlé de la sécurité en général et des locaux que nous occupons. Nous avons des comités, et dans mon propre bureau, depuis plusieurs années, je déchiquette tout. Pourtant, je devrais penser au recyclage, mais il est difficile de savoir ce qu'il faut recycler ou pas, car une fois que j'ai quitté mon bureau, d'autres peuvent y entrer. J'aimerais savoir ce qui se passe en dehors des heures de travail. Nous quittons la Colline parlementaire, et pendant la nuit, des gens passent dans nos bureaux.
Pourriez-vous nous expliquer, pour ce qui est de la sécurité en général, ce qui se passe en dehors des heures de travail, quel niveau de sécurité on maintient, quelle formation les employés qui travaillent sur la Colline ont reçue, et cetera? Bref, j'aimerais savoir ce qui se passe en dehors des heures où nous sommes dans nos bureaux.
M. McDonald : Je peux certainement vous répondre en ce qui concerne la sécurité physique des lieux. Au niveau institutionnel, tous nos systèmes continuent de fonctionner. Avec la carte qu'il faut glisser dans la machine, on peut savoir si quelqu'un est entré et à quelle heure. Nous le savons également par nos caméras. Le Service de protection parlementaire — celui qui assure la sécurité physique de toute la Cité parlementaire — fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Voilà pour les contrôles qui sont en place.
M. Duguay : À l'époque de l'ancien Service de sécurité du Sénat, la règle voulait que les constables fassent la tournée de chaque bureau. Si des documents avaient été laissés sur un bureau, l'occupant recevait un avis lui indiquant qu'il avait laissé des documents confidentiels sur son bureau. C'était une façon de souligner — à l'intention des occupants, des collaborateurs et des sénateurs — la nécessité d'entreposer les documents confidentiels en lieu sûr.
Aujourd'hui, avec le SPP, je suppose que la règle est la même. Mais en qualité de sénateurs, vous pouvez aussi refuser que votre bureau soit inspecté.
La sénatrice Martin : Je veux être sûre d'avoir bien compris : la nuit, le personnel de sécurité fait la tournée de nos bureaux, mais nous avons le droit de refuser cette inspection. C'est bien cela?
M. Duguay : Oui.
La sénatrice Martin : Voilà le genre de choses qu'on apprend parfois en comité. Je me demandais si on exerçait une surveillance sur les différentes catégories de personnes qui travaillent régulièrement sur la Colline parlementaire. Nous avons nos interprètes, mais qui s'assure que le respect de la confidentialité est une priorité?
Je ne pense pas que vous puissiez répondre à cette question aujourd'hui, mais il va falloir que nous y réfléchissions, car les murs ont des oreilles. J'ai l'impression que ma vie est un livre ouvert. Ces dernières années, pendant l'audit du vérificateur général, c'était particulièrement stressant, car il y avait beaucoup d'informations très secrètes. Tout cela est important, mais je découvre aujourd'hui des choses que j'ignorais. C'est bien de le savoir.
Je vous remercie sincèrement de ce que vous faites. Votre travail est très important.
M. Duguay : À propos de la protection des documents, si on laisse aux sénateurs la responsabilité de détruire leurs propres documents, je me demande comment on pourra suivre la trace d'un document confidentiel. Qui va les autoriser à détruire le document? Qui va garder la trace d'un document confidentiel?
Si vous décidez de tenir un registre des personnes à qui vous distribuez le document, avec la date à laquelle le document doit être rendu au comité, je vous recommande vivement, si le comité décide de s'occuper de la destruction du document, de définir clairement la procédure et de la faire respecter.
La sénatrice Martin : Vous parlez de la récupération des documents. En tant que leader adjoint, je suis au courant de pas mal de choses. Personnellement, je déchiquette beaucoup de choses, je tiens à le dire publiquement. Ce sont les documents dont je parlais.
La présidente : Certains de ces documents sont confidentiels pendant quelques heures seulement, et ensuite, vous pourriez pratiquement en tapisser votre chambre.
Le sénateur White : J'aimerais dire à M. McDonald que nous avons eu des réunions à Washington il y a à peu près un an et demi, où nous avons discuté de sécurité. Là-bas, tous les collaborateurs des sénateurs et des représentants au Congrès doivent participer à un programme de formation sur les questions de sécurité. Je me souviens qu'on avait alors fait remarquer que ce n'était pas ce que nous faisions chez nous, pour les collaborateurs des sénateurs, par exemple. Il faut que nous réfléchissions à l'idée de mettre en place un programme de formation pour le personnel. Ce qui importe, ce n'est pas pour qui ils travaillent, mais où ils travaillent. Je pense que le volet formation fait cruellement défaut, et qu'il est important que ces gens-là sachent ce que le fait de travailler au Sénat implique, sur le plan de la sécurité et de la confidentialité des documents.
Lorsque je suis arrivé ici, je me souviens qu'il y avait eu un problème avec l'ancien collaborateur d'un sénateur qui avait conservé sa carte d'accès et s'en était servi pour entrer dans l'un des bâtiments, sur Wellington. Il avait négligé de rendre sa carte. Je pense que cela devrait faire partie de la formation, pas seulement du respect de la confidentialité. Qu'en pensez-vous?
M. McDonald : Pendant que vous parliez, je pensais à la DSI, à la sécurité des TI, à la sécurité institutionnelle et aux médias, les stratagèmes d'hameçonnage, et cetera. Il faudrait donner aux employés une séance d'information complète sur tout cela.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur la question de l'audit des dépenses du Sénat et de certains sénateurs. Avez- vous maintenant le contrôle de ces informations?
M. Duguay : Non.
Le sénateur Joyal : Vous n'avez donc sous votre contrôle aucune information sensible ou secrète sur aucun sénateur?
M. Duguay : Non.
Le sénateur Joyal : Avez-vous la responsabilité de protéger le caractère confidentiel des informations personnelles qui ont été communiquées au vérificateur général durant l'exécution de son mandat d'examen des comptes du Sénat?
M. Duguay : Non, nous n'avons joué aucun rôle à cet égard.
Le sénateur Joyal : Aucun rôle, bien. Vous n'avez donc eu aucune discussion à ce sujet et on ne vous a jamais demandé de protéger le caractère confidentiel des informations que le vérificateur général a toujours en sa possession au sujet de chacun des sénateurs?
M. Duguay : Non.
Le sénateur Joyal : Pensez-vous qu'il y a un risque quelconque à laisser perdurer la situation actuelle ou croyez-vous que nous devrions faire preuve de plus de prudence pour préserver le caractère secret de ces informations?
M. Duguay : Comme je l'ai dit, il incombe à chaque comité de déterminer comment il veut gérer ses propres documents. La question que l'on peut se poser est celle-ci : devrait-on adopter une règle d'application générale au Sénat sur la façon précise dont les documents devraient être gérés?
Il faudrait alors déterminer comment cela pourrait s'appliquer au niveau de chaque sénateur et de chaque comité. Qui aurait le pouvoir d'instaurer une telle règle? Je ne suis pas un expert en la matière, mais je recommanderais certainement l'adoption d'une règle explicite sur la gestion de ces documents
Le sénateur Joyal : Donc, vous ne savez pas où ces informations sont entreposées maintenant?
M. Duguay : Non.
Le sénateur Joyal : Savez-vous si elles sont entreposées dans les locaux mêmes du Sénat ou dans ceux du vérificateur général?
M. Duguay : Je n'en ai pas la moindre idée.
Le sénateur Joyal : Vous n'en avez pas la moindre idée. Devrions-nous prendre des mesures supplémentaires pour nous assurer que personne ne puisse avoir accès à ces informations? Lorsqu'il est venu témoigner devant notre comité, le vérificateur général nous a dit qu'il avait l'intention de conserver ces informations pendant 15 ans. Beaucoup d'entre nous ne seront plus ici à ce moment-là; moi, en tout cas, je n'y serai plus. Cela veut dire, par exemple, que, pendant 10 ans après mon départ du Sénat, le vérificateur général aura toujours en sa possession des informations personnelles me concernant. À mon avis, c'est une question sur laquelle nous devrions nous pencher, car c'est à nous de décider ce qu'il conviendrait de faire à ce sujet.
S'agissant de votre responsabilité, avez-vous le devoir de protéger le caractère confidentiel des informations que détient le Sénat au sujet du Sénat lui-même et des sénateurs individuellement?
M. Duguay : Pas vraiment, car je n'ai pas le pouvoir d'entreprendre une vérification. Par exemple, si je soupçonnais que vous ne respectiez pas certaines lignes directrices, je pourrais m'en assurer en faisant une vérification. Mais, dans la situation actuelle, je n'ai absolument pas le pouvoir de le faire, même si je soupçonne que vous ne respectez pas les politiques établies par le comité.
La sécurité matérielle relève du Service de protection parlementaire, pas de nos services à nous. Nous pouvons adresser des recommandations au SPP, et c'est seulement de cette manière que nous pouvons jouer un rôle.
Le sénateur Joyal : Avez-vous le mandat de faire une vérification de la sécurité?
M. Duguay : Non, il faut qu'on nous demande d'en faire une.
Le sénateur Joyal : Et on ne vous l'a pas demandé?
M. Duguay : Non.
Le sénateur Joyal : On ne vous l'a jamais demandé?
M. Duguay : Jamais.
Le sénateur Joyal : D'après vous, est-ce qu'il aurait été nécessaire d'en faire une? Nous allons quitter ces locaux dans à peu près un an. Quand nous déménagerons, comme vous le savez, nous devrons nous assurer que ces informations seront aussi bien protégées dans nos futurs locaux qu'elles le sont ici. Jouez-vous un rôle quelconque dans le déménagement, du point de vue de la sécurité des documents?
M. Duguay : Nous ne jouons aucun rôle à cet égard. En ce qui concerne le vérificateur général, il a ses propres informations qu'il gère dans son monde à lui. Nous n'avons pas notre mot à dire quant à la manière dont il gère et conserve ses documents.
La présidente : Sénateur Joyal, nous dressons en ce moment une liste de questions supplémentaires. Vous venez de piquer la curiosité de tout le monde ici. Pouvons-nous vous interrompre?
Le sénateur Joyal : Je réfléchis à ce que nous pourrions faire à l'avenir à ce sujet. Je ne fais pas partie du comité de la régie interne, contrairement à mon collègue le sénateur Wells et peut-être aussi d'autres sénateurs, mais il me semble que ce sont là des questions très importantes pour lesquelles nous devrions pouvoir obtenir des réponses parfaitement claires. Faute de quoi, nous devrions formuler une recommandation en conséquence. Comme vous le savez, c'est notre rôle ici, ce matin. Je ne veux pas adopter une attitude de confrontation, ce n'est aucunement mon intention. J'essaie simplement de comprendre comment fonctionne le système.
M. Duguay : Nous ne savons pas quelles informations chaque comité conserve. Je ne suis pas en mesure de faire des remarques ou de formuler des recommandations, car je ne sais pas ce qui se passe dans le huis clos des comités.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur la question des informations relatives aux dépenses personnelles des sénateurs, dans le contexte de la régie interne.
La sénatrice Batters : Monsieur Duguay, je n'ai pas avec moi la transcription du témoignage du vérificateur général devant notre comité, mais je suis quasiment certaine qu'il nous a dit que les documents que le Bureau du vérificateur général a remis au Sénat sont maintenant entreposés dans les locaux du Sénat, dans l'édifice Chambers. Si vous n'êtes pas chargé d'assurer la sécurité de ces documents, qui en a la responsabilité?
M. Duguay : Qui doit en rendre compte?
La sénatrice Batters : Qui assure la sécurité des documents confidentiels que le Bureau du vérificateur général nous a dit être maintenant entreposés dans les locaux du Sénat, dans l'édifice Chambers? Si vous ne connaissez pas la réponse à cette question, pourriez-vous essayer de l'obtenir et nous la communiquer dès que possible?
M. Duguay : Nous allons nous renseigner.
La sénatrice Cools : C'est le comité de vérification qui a pris le contrôle de toutes les questions qui concernaient l'audit du vérificateur général. C'est un sous-comité du comité de la régie interne. On sait donc fort bien qui assume cette responsabilité.
Le sénateur McInnis : Vous n'avez absolument pas le pouvoir de faire des investigations dans les locaux du vérificateur général?
M. Duguay : C'est exact.
Pourriez-vous me dire de quels documents exactement nous parlons en ce moment? Sommes-nous en train de parler des documents de travail auxquels le vérificateur général a eu accès par l'intermédiaire du service des Finances?
La présidente : Mon souvenir du témoignage du vérificateur général est que celui-ci a conservé le contrôle des documents ou des copies de documents qui lui semblaient nécessaires pour appuyer ses conclusions. Les autres documents, si j'ai bien compris, ont été renvoyés au Sénat pour être placés sous le contrôle du Sénat, lequel doit en assurer la sécurité pendant un certain temps, mais je ne me souviens plus exactement pendant combien de temps. Si votre souvenir n'est pas le même, dites-le maintenant.
La sénatrice Batters : Si je me souviens bien, c'est pour une période de 15 ans.
La présidente : Comme vous pouvez vous l'imaginer, 15 ans, cela nous a abasourdis. C'est le comité de la régie interne qui était l'interlocuteur du vérificateur général, pas notre comité.
Nous essayons de comprendre comment le système fonctionne. Nous ne vous demandons pas, ou plutôt, je ne vous demande pas si vous pensez que ce qu'a fait le vérificateur général était approprié ou non. Par contre, nous vous demandons votre avis d'expert sur les systèmes en place et sur des choses comme l'entreposage des documents, la période durant laquelle il serait normal de conserver les documents, et cetera.
Ce n'était pas ma question, mais plutôt un commentaire. Vous êtes d'accord?
M. Duguay : Oui.
La présidente : Ma question porte sur une remarque que vous avez répétée plusieurs fois, monsieur Duguay, et je suis de votre avis, à savoir qu'on a beau adopter toutes sortes de politique, il est bien difficile d'en assurer l'exécution si l'on n'a prévu aucune sanction en cas d'infraction.
En ce qui concerne le Sénat lui-même, je ne parle pas des comités, existe-t-il des sanctions en cas de divulgation non autorisée d'informations? Le savez-vous?
M. Duguay : Comme nous n'avons jamais eu à faire face à cette situation, je ne sais pas vraiment s'il existe des sanctions à cet égard. Je peux vous dire que les conventions collectives en vigueur dans mon secteur donnent à un directeur de service le pouvoir d'imposer des mesures disciplinaires si quelqu'un enfreint les règlements.
La présidente : Je suppose qu'elles prévoient une réprimande, ensuite une suspension et, finalement, le renvoi?
M. Duguay : Exactement.
La présidente : Ce sont les mesures habituelles dans ce genre de situation. Autrement dit, vous n'avez pas la réponse à la question que je vous ai posée?
M. Duguay : C'est exact.
La présidente : Pourriez-vous nous communiquer les informations pertinentes concernant les diverses conventions collectives?
M. Duguay : Absolument.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur les informations confidentielles que détiennent les services financiers du Sénat.
Avez-vous jamais eu l'occasion d'effectuer une vérification des méthodes utilisées actuellement pour assurer la confidentialité des informations, pour vous assurer qu'il n'y a aucune faille dans le système?
M. Duguay : Je n'ai pas le pouvoir de prendre une telle initiative. Nous nous contentons donc de nous faire une idée générale de la situation au vu des pratiques courantes.
Nous n'avons jamais entendu dire qu'un dossier ou un document de la Direction des services financiers aurait l'objet d'une fuite à cause de la négligence du personnel. Nous n'avons jamais été amenés à faire une enquête pour déterminer si cette direction avait les moyens d'assurer la protection de ses documents.
Ce que je sais, par contre, c'est que, lorsque le vérificateur général est venu, ses agents ont été logés à l'édifice Chambers, et ils ont eu accès aux documents des services financiers. Ces documents se trouvaient dans un local particulier, et ils étaient les seuls à y avoir accès au moyen d'une carte spéciale.
Comme mon mandat englobe toutes sortes de services à l'intérieur du périmètre du Sénat, y compris, le cas échéant, des services au vérificateur général, j'ai pu constater personnellement, lorsque je suis allé dans leurs bureaux, que ce n'était pas un espace ouvert à n'importe qui. J'ai dû décliner mon identité et dire pourquoi je venais et qui je voulais rencontrer.
La présidente : Je peux ajouter que les agents fermaient leurs ordinateurs de bureau ou portables.
M. Duguay : C'est exact.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, vous estimez qu'il n'y a pas lieu, par souci de bonne gouvernance, d'entreprendre une vérification de la manière dont on protège le caractère confidentiel des renseignements personnels des sénateurs, car, si je comprends bien votre réponse, il n'y a jamais eu de plaintes à ce sujet. Donc, si le système marche bien, il n'y a rien à changer.
M. Duguay : Non, absolument pas. Je recommande vivement, considérant les inquiétudes que je perçois autour de cette table, que nous fassions une vérification pour nous assurer que des mécanismes sont en place pour protéger vos informations.
Le sénateur Joyal : Je pense que cela ne ferait pas de mal, même si le système fonctionne bien. Il vous sera facile d'effectuer une telle vérification. Je ne connais pas votre domaine, mais je suppose que vous avez une liste des choses qu'il faudrait vérifier dans les différents systèmes. Si tout est parfait, c'est une vérification qu'il vous sera facile de faire, et vous pourrez ainsi nous donner l'assurance que le système fonctionne bien.
Nous vivons à une époque où il est très facile de diffuser largement des informations, et une fuite peut être très préjudiciable. Je ne voudrais pas faire de comparaison abusive, mais c'est un peu comme un incendie de forêt. Une fois qu'il a démarré, on ne sait pas où il va s'arrêter.
Comme l'a dit ma collègue, et comme je l'ai souvent dit moi-même, notre réputation est notre atout le plus précieux, étant donné que nous occupons une charge publique. Je pense donc il serait sage de nous assurer que le système répond à tous les critères nécessaires pour garantir la confidentialité des documents.
Voilà ce que je voulais vous dire en ce qui concerne les préoccupations qui sont apparues ces derniers mois à propos de l'audit du vérificateur général.
Le sénateur Wells : Il me semble que nous devons nous interroger sur la période qui a précédé la fuite, puis sur ce qui est arrivé pendant la fuite et après la fuite. Je suis assez convaincu qu'il y avait des systèmes en place avant la fuite, pour éviter ce type de problème.
Après la fuite, est-ce qu'une enquête est déclenchée pour en déterminer l'auteur ou les conditions dans lesquelles elle s'est produite? Avez-vous fait des enquêtes de ce genre dans le passé, pour savoir comment les fuites se sont produites?
M. Duguay : Non, pas que je sache.
Le sénateur Wells : Je me souviens qu'il y a quelques années, nous avons eu une discussion, à laquelle vous aviez d'ailleurs participé, au comité de la régie interne, au sujet d'une fuite. C'était peut-être au sujet de celle-ci, d'ailleurs. Je pense que vous aviez demandé qu'on vous donne accès aux courriels, aux registres téléphoniques, et à ce genre de choses. Cela avait été refusé.
M. Duguay : C'était bien à propos de l'audit du vérificateur général. Nous avions alors mené une enquête, entre juin 2013 et janvier 2014. C'était pendant cette période-là.
Le sénateur Wells : Vous aviez demandé d'avoir accès aux courriels et aux registres téléphoniques?
M. Duguay : En effet.
Le sénateur Wells : Et on vous l'a refusé?
M. Duguay : C'est exact.
Le sénateur Wells : Il est évident que vous ne pouviez pas faire une enquête exhaustive si vous n'aviez pas les autorisations ou les outils nécessaires. Vous ne pouviez faire qu'une enquête partielle, mais vous ne pouviez pas découvrir tout ce qu'il aurait fallu découvrir.
M. Duguay : En effet. J'avais aussi exprimé l'opinion que, même si nous avions accès à ces documents, l'enquête aurait été difficile, à moins de savoir précisément quoi chercher, étant donné l'environnement dans lequel on travaille. Je pourrais, par exemple, découvrir dans un courriel que vous avez eu un rendez-vous avec un journaliste, mais cela ne prouverait rien en soi. Dans le cadre de votre travail, vous pouvez avoir des contacts tous les jours avec des journalistes.
Des choses font l'objet de fuites dans la presse. À moins d'avoir des informations très précises m'indiquant où orienter mes recherches, il m'est très difficile de faire aboutir l'enquête. La meilleure solution est de mettre en place des procédures ayant pour effet de dissuader les gens de divulguer des informations protégées, et s'ils veulent vraiment le faire, ils le font de façon délibérée. Dans ce cas, en tant qu'enquêteur, je peux essayer de déterminer qui savait quoi, où et quand. De quoi a-t-on discuté à cette réunion à huis clos? Qu'indique le procès-verbal?
On peut ensuite interroger chaque sénateur ayant participé à la discussion, les sténographes, les membres du personnel du comité, et toutes les personnes qui étaient présentes dans la salle, pour savoir qui a dit quoi, et on peut remonter dans le temps pour savoir quand exactement quelqu'un a rencontré tel ou tel journaliste. C'est juste le point de départ d'une bonne enquête, et s'il y a des procédures pour tout documenter correctement, cela facilite considérablement le travail de l'enquêteur.
La présidente : Je crois pouvoir dire que personne ici ne veut qu'on devienne un État policier, mais je pense que vous nous donnez des informations raisonnables sur ce que devraient être des systèmes raisonnables.
J'aimerais vous demander une précision sur les rondes de sécurité pendant la nuit. Je pense que c'est une bonne chose que les agents de sécurité viennent vérifier que personne ne s'est introduit dans mon bureau ou qu'il n'y a pas d'eau qui coule du plafond. Par contre, je m'inquiéterais si les agents de sécurité se mettaient à examiner en détail ce qu'il y a sur mon bureau.
Est-ce qu'ils sont autorisés à le faire? Est-ce qu'ils ont le droit d'examiner les documents que je peux avoir laissés sur mon bureau?
M. Duguay : Ils ne vont pas se mettre à fouiller dans vos papiers. Par contre, si quelque chose leur saute aux yeux, par exemple s'ils voient qu'il y a sur votre bureau un document marqué « Confidentiel », c'est-à-dire un document que vous avez manifestement oublié de placer sous clé, cela va les interpeller.
C'est plus une question de formation qu'autre chose. Ils vont vous laisser une note indiquant qu'il y avait un document marqué « Confidentiel » qui traînait sur votre bureau. Leur rôle est de faire de la prévention, pas de se mettre à lire le document.
La présidente : J'espère bien.
Le sénateur Joyal : Vous est-il arrivé d'élaborer un outil ou de rédiger une note à l'intention des nouveaux sénateurs pour les informer que la confidentialité est un aspect essentiel de leur travail? Je parle d'une note d'information que les nouveaux sénateurs seraient tenus de lire comme ils lisent leur code d'éthique et les règles administratives du Sénat, pour savoir ce qui est admissible et ce qui ne l'est pas. Avez-vous déjà préparé une telle note d'information ou seriez- vous prêts à le faire pour que les nouveaux sénateurs soient bien conscients que c'est à eux de s'assurer que leur personnel a reçu une bonne formation? Si nous voulons que le personnel soit bien formé, le sénateur lui-même doit en être conscient.
Seriez-vous prêt à faire ce genre de choses? Nous n'avons pas le pouvoir de l'exiger, cela relève davantage de la régie interne.
M. Duguay : C'est une excellente remarque. Avec la création de la direction de la Sécurité institutionnelle, et avec le SPP qui se concentre maintenant sur la sécurité matérielle, nous pouvons mettre plus l'accent sur la prévention et la formation professionnelle. Une fois que Mike aura mis son équipe en place, nous allons évidemment nous investir beaucoup plus dans ce domaine. Je vous remercie de votre suggestion, et je suis sûr que Mike va réfléchir à la meilleure façon de communiquer avec les présidents et les greffiers de comités pour mettre au point le meilleur document possible, afin de bien informer les sénateurs et leurs collaborateurs.
La présidente : Je remercie nos deux témoins. Nous venons d'avoir une excellente réunion, qui s'achève maintenant. La séance est levée.
(Le comité s'ajourne.)