Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 5 - Témoignages du 21 septembre 2016 - après-midi
CALGARY, le mercredi 21 septembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 13 h 30, afin d'étudier la mise au point d'une stratégie pour faciliter le transport de pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, le Comité poursuit cet après-midi son examen de la mise au point d'une stratégie afin de faciliter le transport de pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports de la côte Est et de la côte Ouest du Canada.
J'aimerais vous présenter notre premier comité d'experts : Michael Priaro, ingénieur professionnel, Association of Professional Engineers and Geoscientists of Alberta; et du Canadian Energy Research Institute, Allan Fogwill, président et chef de la direction. Je les invite tous les deux à commencer leur témoignage et les sénateurs poseront ensuite leurs questions.
Monsieur Priaro, nous allons commencer avec vous.
Michael Priaro, ingénieur professionnel, Association of Professional Engineers and Geoscientists of Alberta, à titre personnel : Merci, sénateur MacDonald. Ma présentation tient en deux parties. La première concerne la côte Ouest et la seconde, la côte Est.
Un corridor de transport de l'énergie depuis Fort McMurray jusqu'au port de Prince Rupert, dans le nord de la Colombie-Britannique, pourrait permettre d'acheminer les deux millions de barils par jour projetés, via l'oléoduc d'Eagle Spirit, le pipeline projeté de Prince Rupert Gas Transmission de TransCanada et un potentiel pipeline de transport de gaz de pétrole ou de gaz naturel sous forme liquide. Ceci créerait un corridor très efficace qui réduirait de façon draconienne tant les coûts que l'empreinte écologique du développement énergétique dans le nord-ouest du Canada et fournirait un accès grandement amélioré aux marchés des pays côtiers du Pacifique.
La région de Prince Rupert est enclavée et sans glace tout au long de l'année, et possède de nombreux ports profonds naturels. On considère cet emplacement comme le plus sécuritaire de la côte Ouest canadienne pour y établir un terminal maritime. On n'y observe aucun danger important, comme des canaux étroits pour la navigation, ce qui en fait un point d'accès sans obstacle vers la haute mer et vers la voie de navigation du grand cercle du Pacifique Nord, qui constitue la voie commerciale la plus courte entre l'Amérique du Nord et l'Asie du Sud-Est.
Prince Rupert, tout comme le port de Vancouver, fait partie de l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique qui vise à relier les ports et les liens routiers et ferroviaires de l'Ouest canadien au cœur économique de l'Amérique du Nord.
Un corridor de transport de l'énergie procure de nombreux incitatifs et avantages commerciaux, économiques et environnementaux, de même que des avantages pour les Premières Nations affectées.
Un corridor nord-ouest inclurait des lignes de transmission électrique afin de fournir de l'hydroélectricité à faibles émissions de carbone de la région britanno-colombienne de Peace River et des nouveaux projets hydroélectriques de l'Alberta, tout en facilitant une meilleure pénétration et un meilleur usage des sources d'énergie renouvelable, de la façon suivante : vers l'ouest pour fournir de l'électricité à faibles émissions de carbone pour alimenter les centrales de liquéfaction de gaz naturel près de Prince Rupert; régionalement, vers les exploitations et installations des gisements qui développent et produisent les ressources abondantes de gaz de schiste, de liquide de gaz naturel et de pétrole du nord-est de la Colombie-Britannique et du nord-ouest de l'Alberta; régionalement, pour répondre à une demande résidentielle, commerciale et industrielle accrue en électricité; vers l'est, dans les exploitations de sables bitumineux, pour fournir de l'hydroélectricité à faibles émissions de carbone, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et remplacer en partie les grandes quantités de gaz naturel utilisées pour les sables bitumineux; puis régionalement, afin de créer des points d'accès pour emmagasiner de l'énergie renouvelable intermittente, en provenance de projets hydroélectriques. De plus, les larges réservoirs en amont des barrages hydroélectriques pourraient fournir une quantité d'eau fiable pour les opérations de fracturation hydraulique pour le gaz de schiste, avec un effet minimal sur le cours des rivières durant leurs variations saisonnières normales.
Faire passer des lignes de transmission électrique et d'autres services en même temps que le pétrole, le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et les liquides de gaz naturel, ou LGN, requiert un droit de passage assez large, mais cela réduit considérablement les coûts de construction et minimise l'empreinte écologique et la fragmentation des habitats fauniques, comparé au dégagement de passages multiples à travers la Colombie-Britannique.
Il y aurait également la possibilité de créer une valeur ajoutée pour les ressources en bitume de l'Alberta en utilisant de l'hydroélectricité pour améliorer partiellement le bitume, et ainsi éliminer l'usage de solvants, ce qui le valoriserait en réduisant les coûts importants de traitement et de transport du bitume dilué, que j'estime à 10 $ le baril de bitume. On pourrait valoriser plus de bitume et en faire du syncrude, raffiner le bitume et envoyer les produits en lots dans les pipelines jusqu'aux marchés. Plusieurs demandes ont été formulées récemment à l'Office national de l'énergie pour l'exportation de PGL, à raison de 233 000 barils par jour. Ceci excède facilement le seuil de rentabilité d'un pipeline, particulièrement si on y ajoute des volumes de LGN.
Calvin Helin, chef de la direction et président d'Eagle Spirit Energy Holdings Ltd., ainsi qu'un membre de la bande des Lax Kw'alaams à Port Simpson, ont obtenu un taux d'approbation de 95 p. 100 chez les Premières Nations de l'intérieur pour un oléoduc de Fort McMurray à Prince Rupert.
Un corridor de Fort McMurray à Prince Rupert offre une grande efficacité, des économies d'échelle et une réduction des coûts de main-d'œuvre, d'exploitation, de gestion, d'infrastructure et de réaction en cas de fuite, en plus de réduire l'empreinte écologique, si les pipelines de pétrole, de gaz naturel, de LGN/GPL terminent leur parcours au même endroit, dans la région de Prince Rupert.
Un corridor dans le nord-ouest du Canada offre l'avantage de points de rencontre multiples avec la vaste infrastructure du système de collecte de gaz de NOVA Gas Transmission de TransCanada dans le nord-ouest de l'Alberta, et avec le système de collecte de gaz en expansion de Spectra Energy dans le nord-est de la Colombie-Britannique.
Un corridor nord-est vers Prince Rupert pourrait également rejoindre les futurs pipelines de la vallée du Mackenzie transportant les ressources de l'Arctique, de la mer de Beaufort, du delta du Mackenzie et des Territoires du Nord-Ouest vers les marchés du Canada, des États-Unis et de la côte du Pacifique.
Avec l'oléoduc existant Keystone vers la côte du golfe du Mexique aux États-Unis, la ligne principale du système d'Enbridge vers le Midwest américain et l'oléoduc projeté Énergie Est vers la côte Est canadienne, on obtiendrait un vaste réseau intégré de pipelines pour le pétrole, le gaz naturel, le GPL et les LGN, de même qu'une véritable plaque tournante dans le nord de l'Alberta pour le transport par pipeline des immenses ressources en hydrocarbure du nord-ouest canadien — tout en offrant un accès flexible aux meilleurs prix disponibles sur les marchés mondiaux.
Le Canada exporte environ 80 p. 100 de sa production pétrolière. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de ces exportations sont dirigées vers un seul client, les États-Unis, qui souhaite atteindre l'autosuffisance pétrolière. Quelle entreprise digne de ce nom peut se permettre de ne compter que sur un seul client?
Un corridor nord-ouest respecte les préoccupations, les besoins et les désirs des Premières Nations, de même que nos responsabilités légales envers elles, sans négliger les préoccupations environnementales, et ceci, bien mieux que toute autre proposition de pipeline vers la côte ouest canadienne ne saurait le faire. Ce projet concorde avec la priorité établie par l'actuel gouvernement fédéral d'améliorer le bien-être économique et social des Premières Nations.
Il doit découler des avantages directs et à long terme pour les Premières Nations de la construction de pipelines et d'installations en territoire autochtone. On pourrait y arriver avec des prêts du fédéral pour assurer une part de participation au capital par les Premières Nations affectées. Les Premières Nations, de même que les partisans du projet, tireraient également avantage de la conception, de la construction, de l'exploitation et de la gestion du corridor, des pipelines et des installations reliées. L'industrie veillerait à assurer la formation et la supervision.
La direction coordonnée d'un corridor de transport d'énergie dans le Nord-Ouest constituera un défi pour les Canadiens. Il s'agit d'un mégaprojet complexe qui requiert le leadership et le soutien du gouvernement fédéral du Canada, des gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, des Premières Nations, des municipalités affectées, des entreprises d'énergie et, bien sûr, des entreprises pétrolières et gazières.
J'aimerais maintenant rediriger l'imagination du comité vers la côte Est, à 6 000 kilomètres de Prince Rupert.
L'une des plus importantes conditions pour l'approbation de l'oléoduc Énergie Est semble être l'extension de 540 kilomètres depuis le terminal maritime actuellement proposé de Canaport, près de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, vers le Superport de la Nouvelle-Écosse dans le détroit de Canso, ou encore une entente d'Irving Oil pour l'agrandissement de sa raffinerie de Saint-Jean jusqu'à une capacité de 600 000 barils par jour, afin d'éliminer l'exportation de bitume dilué et de pétrole lourd depuis Canaport.
Le 1,1 million de barils par jour que l'on projette de transporter sera constitué de différents pétroles bruts : du bitume dilué; du syncrude, un bitume amélioré; du pétrole moyen et léger conventionnel, incluant du pétrole de schiste très léger.
Le port Canaport de Saint-Jean est situé au cœur d'une zone écosensible et peu altérée dans la baie de Fundy, où les enjeux concernant des cétacées sont encore plus importants qu'au terminal maritime de Cacouna au Québec, où on a annulé un projet à cause des dangers possibles pour les bélugas du Saint-Laurent. Chaque été, la baleine franche de l'Atlantique Nord, une espèce menacée, et jusqu'à 14 autres espèces de cétacées, viennent s'accoupler, jouer et s'alimenter dans la baie de Fundy, ce qui rend nécessaire la zone d'exclusion volontaire actuelle au milieu de la baie.
Tous les jours, 160 millions de tonnes d'eau de mer entrent et sortent de la baie en fonction de deux cycles de marées, plus que la quantité d'eau combinée des rivières d'eau douce du monde entier, selon Tourisme Nouveau-Brunswick. Un déversement majeur près du terminal maritime Canaport agrandi ferait en sorte que du pétrole brut conventionnel ou, bien pire, du bitume dilué serait répandu sur toute la côte de la baie de Fundy par des marées de plus de 16 mètres. Comment peut-on imaginer maîtriser et nettoyer un déversement majeur dans de telles conditions, même avec des conditions météorologiques idéales?
Le fait de prolonger Énergie Est vers le Superport de Canso réduirait les risques et les effets d'une marée noire, tout en réduisant l'effet négatif des pétroliers géants sur la vie marine de la baie de Fundy.
Alors, d'accord pour la valorisation, le raffinage et la production de produits pétrochimiques à Saint-Jean, pour ensuite exporter les produits raffinés à grande valeur ajoutée depuis le Canaport.
Cependant, exportons le brut du Superport de Canso, l'endroit le plus sécuritaire pour un terminal maritime sur la côte Est du Canada, et le plus près des marchés d'Europe et d'Inde occidentale, en empruntant la voie de navigation du grand cercle de l'Atlantique Nord. Par pétrolier, à 12 nœuds, le Superport de Canso est à une journée et quart de navigation plus près de ces marchés que le Canaport de Saint-Jean.
Ceci met fin à ma présentation.
Le vice-président : Merci, monsieur Priaro.
Monsieur Fogwill.
Allan Fogwill, président et chef de la direction, Canadian Energy Research Institute : Merci, sénateur, et merci à votre Comité des transports et des communications de m'avoir invité à témoigner devant lui dans le cadre de l'étude sur le transport de pétrole brut au Canada.
Le Canadian Energy Research Institute, le CERI, est une organisation vieille de 40 ans qui constitue une source de recherche objective sur les impacts économiques et environnementaux des enjeux énergétiques. Notre statut neutre nous empêche de faire des recommandations ou de suggérer des politiques. Nous faisons de notre mieux pour fournir au gouvernement et à l'industrie des preuves fondées sur des faits, sur lesquelles ils peuvent baser leurs décisions.
Un débat fait rage au Canada en ce moment sur le transport du pétrole brut par pipeline et par train. À mon avis, l'argument peut se scinder en quatre questions : Quel est le risque physique des gens vivant près du corridor en cas d'incident? Quels seraient les impacts environnementaux d'un tel incident? Comment une capacité accrue de transport peut-elle affecter les émissions en amont? Et, ces coûts sont-ils compensés par les avantages du transport de pétrole brut vers la mer?
Le CERI n'a pas fait de recherche sur les risques d'un incident le long du corridor de transport, ni sur l'ampleur des impacts environnementaux. Nous avons quelques exemples récents de fuites de pipelines et d'accidents de train, comme à la rivière Kalamazoo au Michigan. Il s'agit du plus important déversement aux États-Unis, et les frais de nettoyage ont frôlé les 800 millions de dollars. Un autre exemple d'incident est le déversement tragique de pétrole brut à Lac-Mégantic. La perte de 47 vies fut dramatique. Aucune évaluation coûts-avantages de cet accident ne convaincrait les familles et les amis que la perte de leur être cher en valait la peine.
Nous savons que le transport du brut par pipeline et par train suppose un risque. La vraie question se pose ainsi : devrions-nous interdire ce transport ou mettre en place de meilleures mesures de sécurité pour minimiser les risques? Si nous regardons ce qui est fait dans d'autres industries comme le transport aérien ou les médicaments sous ordonnance, il semble clair que l'on privilégie la mise en place de mesures de sécurité accrues et la poursuite des activités.
En ce qui a trait à la troisième question portant sur les émissions en amont, le débat est axé sur les émissions élevées provenant de la production dans les sables bitumineux. Vu l'utilisation élevée d'énergie dans la production du pétrole des sables bitumineux, il existe une corrélation entre l'augmentation de la production et l'augmentation des émissions.
Cependant, une étude effectuée par le CERI l'année dernière démontrait que, avec la meilleure technologie disponible aujourd'hui, les émissions des sables bitumineux pourraient être réduites de 29 p. 100. Fait intéressant, ceci correspond à la différence entre les émissions pour la production de brut à partir des sables bitumineux et le brut du Moyen-Orient ou des États-Unis. Cette dernière observation vient du travail effectué par le Carnegie Endowment for International Peace, qui publie un indice pétrole-climat. Ceci signifie qu'en investissant et en innovant, la production de pétrole des sables bitumineux de l'Alberta serait similaire en fait d'émissions au pétrole des États-Unis ou du Moyen-Orient.
Ceci dit, les émissions continuent et les gens ont raison de se préoccuper de l'impact global et à long terme du changement climatique. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent fort pour mettre au point une stratégie climatique exhaustive pour répondre aux préoccupations quant aux émissions. Si nous faisons confiance à ce processus et aux politiques qui en découleront, devrions-nous traiter des mêmes préoccupations dans le transport du pétrole? Les politiques, lorsqu'elles seront prêtes, tiendront certainement compte de l'intérêt public, des émissions de gaz à effet de serre et elles établiront une approche optimale. Reprendre ces considérations dans l'étude sur le transport du pétrole brut semble répétitif et peu utile. Il pourrait même en résulter qu'un tribunal émette des décisions qui soient en contradiction avec la politique gouvernementale.
Alors, nous savons que le transport de brut au Canada est risqué, qu'il peut même s'avérer tragique. Nous savons qu'avec l'innovation technologique et les politiques gouvernementales appropriées, le problème des émissions sera abordé. Il reste donc à voir si les avantages de transporter du brut au Canada, en particulier vers l'océan, compensent les risques.
À titre d'exemple, en 2014, le CERI a produit une analyse coûts-avantages pour le projet de pipeline Énergie Est. Notre analyse montrait que sur la période de 28 ans de la recherche, le pipeline à lui seul ajoutait 34 milliards de dollars à l'économie canadienne. Ceci équivaut à environ 1,2 milliard de dollars par année. Cela créerait environ 48 000 emplois durant la construction et 7 900 durant l'exploitation. Fait intéressant, le centre du Canada tirerait le plus gros avantage économique de ce projet. Les impacts sur le PIB en Ontario et au Québec atteignent presque 20 milliards de dollars.
À l'époque, nous n'avions pas pris en compte le prix plus élevé que les producteurs de l'Ouest canadien recevraient pour leur pétrole brut. Comme ils sont prisonniers du marché américain, les producteurs de l'Ouest reçoivent un prix réduit d'environ 15 $ par rapport au prix repère West Texas Intermediate. Il est difficile de prédire quel serait l'impact réel du transport du pétrole canadien jusqu'à l'océan, mais dans une autre étude réalisée cette année par le CERI sur l'impact sur les prix, nous avons calculé que l'économie canadienne tirerait un avantage de 1,7 milliard de dollars chaque année pour chaque augmentation d'un dollar du prix moyen du brut. Assumons donc que la réduction soit diminuée de 5 $. Cela signifierait une augmentation de 8,5 milliards de dollars pour l'économie canadienne chaque année, et ce chiffre n'inclut pas les avantages sur la balance commerciale d'acheter du pétrole domestique au lieu de l'importer.
En résumé, le risque du transport est réel et peut avoir des conséquences tragiques. Les émissions peuvent être maîtrisées grâce à l'innovation technologique et aux politiques gouvernementales. Les décideurs doivent maintenant évaluer si l'apport approximatif de 9,7 milliards de dollars par année à l'économie vaut que l'on prenne ce risque.
On peut également poser la question : ces risques ne devraient-ils pas être atténués en allouant une partie des retombées économiques aux populations les plus à risque? C'est une approche que l'on devrait envisager lorsqu'on fait l'analyse coûts-avantages du transport du brut au Canada.
Merci.
Le vice-président : Je remercie les deux témoins.
Nous allons passer aux questions.
Le sénateur Black : Monsieur Fogwill, votre témoignage était très intéressant. Je vous en remercie.
Je n'avais jamais entendu parler du concept de partage des retombées économiques avec ceux qui assument le plus grand risque. Je pense que c'est un concept intéressant. Votre organisation a-t-elle fait plus de travail sur ce sujet, que nous pourrions examiner?
M. Fogwill : Nous sommes en train de procéder à ce genre d'examen de situation en Colombie-Britannique, en ce qui a trait au développement du gaz naturel, et une partie du travail consiste à examiner les ententes que les partisans de ces projets ont signées avec différentes Premières Nations. Nombre d'entre elles comportent un élément économique. Cet avantage économique est en partie justifié en raison du risque accru auquel s'exposent les Premières Nations, vu la proximité du corridor. Quand elle sera disponible, nous pourrons en faire part au comité, bien sûr.
Le sénateur Black : Ce serait excellent, s'il vous plaît. Merci beaucoup, ce sont des réflexions très intéressantes.
Monsieur Priaro, en fait d'accord, mon collègue le sénateur Tannas et moi-même encourageons beaucoup nos collègues au Sénat dans un autre comité auquel nous siégeons, à étudier ce même concept, seulement le concept dont nous parlons serait un corridor qui partirait du Labrador, en passant par Fort McMurray jusqu'à Prince Rupert, ce qu'on appelle le corridor nordique. Avez-vous entendu des conversations en ce sens?
M. Priaro : Non, aucune conversation, mais j'ai fait quelques lectures sur le sujet, oui.
Le sénateur Black : Je l'ai simplement porté à votre attention, parce que si nous allons de l'avant dans l'étude de cette question, et cela devrait se faire dans le cadre du Comité sénatorial des banques et du commerce — et je dis « si », parce que je ne contrôle pas cela, de toute évidence — vous pourriez vouloir soulever cette question, parce que vous êtes certainement l'un de ceux qui voudraient en entendre parler plus en détail.
M. Priaro : D'accord.
Le sénateur Black : Je vais passer rapidement de la question du corridor à celle de la côte Est. Ma question est simple. Si Énergie Est doit aboutir à Canso plutôt qu'à Saint-Jean, est-ce qu'une ligne secondaire pourrait être construite à partir de la ligne principale vers Saint-Jean avec un volume suffisant pour répondre aux besoins?
M. Priaro : Je pense que la cible principale devrait être Saint-Jean, et la prolongation aux fins d'exportation de tout volume important de pétrole brut devrait probablement viser Canso. Mais en ce qui concerne le pipeline, je pense que sa cible principale devrait être Saint-Jean.
Le sénateur Black : Je l'avais inversé. La conduite secondaire devrait alors se rendre de Saint-Jean à Canso.
M. Priaro : C'est mon point de vue.
Le sénateur Black : J'ai quelques collègues membres de ce comité qui s'intéressent à cet aspect du dossier, mais j'essaie simplement de me mettre à jour le plus efficacement possible...
M. Priaro : Il pourrait y avoir une conduite additionnelle pour revitaliser la raffinerie de Dartmouth en fonction de l'efficacité des rendements.
Le sénateur Black : C'est intéressant.
M. Priaro : Évidemment, Irving cherche à augmenter sa capacité de raffinage parce qu'elle vient de se porter acquéreur d'une petite raffinerie en Irlande. S'il y avait un pipeline vers le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, elle pourrait évaluer les possibilités d'utilisation de l'équipement de Dartmouth, qui n'est pas en bon état, si je comprends bien, mais des possibilités pourraient se présenter.
Le sénateur Black : En supposant que les besoins de la société Irving sont satisfaits, une production excédentaire pourrait-elle être acheminée vers Canso ou Irving entend-elle utiliser toute la production?
M. Priaro : Non, je pense qu'il y aura des quantités en surplus. Le pipeline Énergie Est est conçu pour transporter 1,1 million de barils par jour. À l'heure actuelle, la raffinerie d'Irving peut traiter environ 320 000 barils par jour.
Le sénateur Black : Oh, je vois.
M. Priaro : Des plans de l'entreprise, mis sur la glace il y a quelque temps, visent à doubler la capacité de la raffinerie pour la porter à 600 000 barils par jour, ce qui laisserait un demi-million de barils par jour.
À l'heure actuelle, la raffinerie de Montréal est approvisionnée par la ligne 9 venant des États-Unis, selon le fournisseur qui consent les meilleurs prix, les tarifs les plus bas; il pourrait y avoir des quantités dirigées vers la raffinerie de Montréal, un certain volume pourrait se rendre à la raffinerie de Lévis et le reste pourrait approvisionner Saint-Jean, et tout le pétrole brut qui resterait serait expédié à Canso.
Le sénateur Black : Pour des expéditions outre-mer.
M. Priaro : Oui...
Le sénateur Black : Votre concept est tel qu'il n'y aurait pas d'expéditions outre-mer à partir de Saint-Jean. Le produit à Saint-Jean serait utilisé par Irving pour ses propres besoins.
M. Priaro : Exact.
Le sénateur Black : Ce qui doit être exporté en Inde transiterait par Canso.
M. Priaro : Exact.
Le sénateur Black : Merci.
Le sénateur Mercer : J'aimerais régler un petit problème de terminologie ici à l'intention des personnes qui ne sont pas originaires de la côte Est. Quand nous utilisons le terme « Canso », nous voulons parler du détroit de Canso. Il y a une localité appelée Canso qui ne joue aucun rôle dans ce projet.
Le vice-président : C'est sur la partie continentale.
Le sénateur Mercer : C'est sur la partie continentale, pas du tout du côté du Cap-Breton.
L'un des enjeux dont vous avez parlé est la ligne qui relie Saint-Jean au détroit de Canso, qui est la ligne secondaire par rapport à la ligne principale. Ne serait-il pas judicieux que ce soit la conduite principale, puisque nous n'avons qu'un client au Nouveau-Brunswick et que nous avons potentiellement toute une gamme de clients dans le monde entier que nous aimerions desservir à partir du détroit de Canso? Cela n'aurait-il pas plus de sens que la ligne principale mène au détroit de Canso, avec l'indispensable ligne secondaire se rendant à la raffinerie de Saint-Jean? Bien sûr, j'encouragerais Irving à doubler la capacité de sa raffinerie. Si cela se justifie sur le plan commercial, allons-y; faisons en sorte que la construction aille de l'avant, parce que c'est également un moteur économique.
M. Priaro : Oui, je ne suis pas certain que ce soit si important que l'une soit la ligne principale et l'autre la ligne secondaire. Je pensais au vrac — le plus important volume se rendrait à Saint-Jean, et un petit volume aboutirait à Canso. Je l'appellerais simplement la « ligne secondaire » à cet égard. Mais vous pouvez simplement parler de conduites quelque part au Nouveau-Brunswick, dont l'une se rend à Saint-Jean et l'autre à Canso.
Le sénateur Mercer : Le sénateur MacDonald parlera des pipelines de gaz naturel qui existent déjà en Nouvelle-Écosse, venant de l'ouest et du sud et qui, dans un avenir pas si lointain, seront à court de produit en provenance de Sable Island. Le sénateur MacDonald — et je lui reconnais le mérite d'avoir eu cette idée — a parlé de la possibilité d'inverser le pipeline de gaz naturel pour faciliter les choses, ce qui nous permettrait d'utiliser cette conduite pour redémarrer promptement la portion du pipeline en Nouvelle-Écosse. Avez-vous mené des études à ce sujet?
M. Priaro : Non, nous n'avons pas examiné cette possibilité en détail. Je crois que Pieridae Energy se propose de construire une usine de liquéfaction de gaz naturel à Goldboro, et je pense qu'ils en ont déjà commencé la construction.
Le sénateur Mercer : J'ai fait une vérification et ils en sont toujours à l'étape de la délivrance de permis.
M. Priaro : Oh, vraiment?
Le sénateur Mercer : Mais à la différence des autres usines de liquéfaction de gaz naturel sur la côte Est, il n'y a pas beaucoup d'opposition à celle de Goldboro, parce que les Néo-Écossais sont des gens avisés et qu'ils savent qu'il y a des emplois en jeu.
M. Priaro : C'est vraiment proche du détroit de Canso.
Le sénateur Mercer : Vous ne pouvez pas le voir d'ici, mais ce n'est pas loin.
Le vice-président : Avant de céder la parole au sénateur Tannas, je voudrais simplement mettre en contexte les propos du sénateur Mercer au sujet du réseau pipelinier du nord-est du Canada, qui achemine toute la matière première provenant de l'île de Sable. On s'attend à ce que, d'ici 18 mois, ce gazoduc soit vide. Il est relativement nouveau et il se rend jusqu'à la raffinerie Canaport; c'est juste là.
Ils ont donc commencé à inverser le débit du gazoduc; la proposition de TransCanada prévoit l'inversion d'une grande partie du réseau pipelinier. La seule chose que l'entreprise devrait faire pour pouvoir transporter toute la matière première vers Canso serait de modifier l'écartement de la ligne secondaire reliant Goldboro à Port Hawkesbury et Point Tupper; elle devra installer une voie à écartement normal, mais c'est simplement une modification.
L'emprise est déjà là, et si le volume de gaz augmente un jour — si jamais l'exploitation de Goldboro était une réussite —, l'entreprise pourra toujours construire un autre gazoduc le long de celui qui existe déjà pour l'acheminement du gaz.
Je voulais simplement attirer votre attention là-dessus, monsieur Priaro.
Le sénateur Tannas : L'un d'entre vous peut-il nous donner un bref cours d'économie pour nous expliquer pourquoi nous ne trouvons pas le moyen de raffiner notre pétrole brut sur la côte ouest pour répondre à nos propres besoins et aussi aux fins d'exportation de produits raffinés?
Je n'ai jamais trouvé d'explication satisfaisante pour m'aider à comprendre pourquoi le reste du monde est capable de raffiner des produits, tandis que nous, pour une raison ou une autre, nous ne sommes pas autorisés à le faire ou parce que ce n'est pas économiquement avantageux. L'un de vous peut-il éclairer notre lanterne?
M. Fogwill : Je peux le faire. Il y a deux ou trois points à prendre en considération.
Premièrement, nous raffinons des produits ici, mais seulement pour satisfaire nos propres besoins; les autres pays se trouvent dans une situation à peu près identique. Nous possédons une capacité de raffinage suffisante pour satisfaire nos propres besoins.
L'une des raisons, c'est que beaucoup de pays ont des besoins très spécifiques en matière de produits raffinés. Ainsi, si vous expédiez des produits raffinés canadiens vers l'étranger, il est possible que vous soyez obligés de les raffiner à nouveau selon les spécifications du client. En tant que transporteur du produit raffiné, vous risquez toujours d'être obligé de le raffiner encore une fois à destination, même si le produit répondait aux spécifications au départ. Cela est attribuable à la durée du transport.
Le brut est beaucoup plus stable, mais il se trouve que la plupart des gens souhaitent maintenant que les produits soient raffinés à proximité de leur région et non plus au point de départ avant d'être acheminés.
Le sénateur Tannas : Don, notre pétrole expédié au Texas ou en Oklahoma ne serait pas raffiné avant d'être transporté ailleurs par navire-citerne, c'est bien cela?
M. Fogwill : Cela dépend de ce que veulent les clients, ils pourraient le raffiner à un grade supérieur. Il pourrait donc y avoir un raffinage partiel.
Le sénateur Tannas : Un raffinage partiel.
M. Fogwill : Mais en général, le gros de la cargaison est du brut.
M. Priaro : J'aurais quelques détails à ajouter.
Pour répondre à la dernière question, les États-Unis exportent des produits raffinés vers les Antilles et l'Amérique du Sud. Ils font de bonnes affaires en raffinant et en exportant des produits, et je suis certain qu'une partie de notre pétrole brut qui est raffiné et exporté vers ces pays qui ne possèdent pas même capacité de raffinage que les entreprises implantées sur le golfe du Mexique.
Concernant ce qui se passe sur la côte Ouest, l'une des raisons pour lesquelles les raffineries ne présentent pas un grand intérêt, c'est parce que nous sommes capables d'acheminer des produits raffinés par le pipeline Trans Mountain vers la vallée du Fraser où se trouve une raffinerie d'une capacité de 50 000 barils, la raffinerie de Chevron, à Burnaby, mais elle ne répond qu'au tiers de la demande provenant de la vallée du Fraser et des îles. Le reste est acheminé par l'oléoduc en provenance de l'Alberta; je pense que le pipeline Trans Mountain est le seul en Amérique du Nord à transporter toute une gamme de produits, notamment des produits raffinés, du brut et du « dilbit » ou bitume dilué. On achemine n'importe quoi dans cet oléoduc.
Concernant l'implantation d'une nouvelle raffinerie sur la côte, deux propositions ont été déposées en vue de la construction de raffineries sur la côte Ouest. Dans les deux cas, les promoteurs souhaitent utiliser le chemin de fer, ou même des camions, pour y acheminer le bitume brut. Le problème, à mon avis, c'est qu'on veut construire une raffinerie à la fine pointe de la technologie dans un endroit isolé. Les coûts seront élevés. Ce sera une entreprise difficile. En effet, on veut raffiner le pétrole pour l'exporter, mais je constate qu'une telle raffinerie appartiendrait en grande partie à des intérêts étrangers. Pour la construction de cette raffinerie, la majorité des pièces proviendraient de la Corée ou d'ailleurs et seraient acheminées par le Pacifique.
Je pense que ce ne serait pas avantageux pour les Canadiens d'expédier du brut sur la côte si toute la valeur ajoutée profite à des pays étrangers. Cela ne serait pas très rentable pour nous.
Le sénateur Tannas : Mais les risques pour l'environnement sont d'un tout autre ordre, n'est-ce pas?
M. Priaro : D'une certaine manière, on pourrait dire cela, je suppose, parce que nous n'exporterions pas de bitume ni de pétrole lourd, mais des produits raffinés, ce qui réduit le risque en cas de déversement. Plus le produit est léger, plus il est susceptible de s'évaporer. Les dommages seraient donc moins graves pour l'eau et le littoral.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le vice-président : Avant d'oublier, j'aimerais vous poser quelques questions à tous les deux.
Pour revenir aux raffineries, le but est toujours d'acheminer le pétrole vers les raffineries de l'Est; la capacité de raffinage est faible ici sur la côte Ouest. Supposons que vous avez le corridor vers Prince Rupert et que vous pouvez acheminer le bitume vers Point Tupper, et que vous pouvez compter sur une source stable de ce produit à un très bon prix pour les 100 prochaines années, suis-je naïf ou trop optimiste de penser qu'une entreprise du secteur pétrolier ne se lancerait pas dans la construction d'une raffinerie de pointe à Prince Rupert et à Point Tupper afin d'exporter du pétrole raffiné pendant les 100 prochaines années?
M. Fogwill : À ma connaissance, une proposition est actuellement en cours d'élaboration. Je ne me souviens pas du nom exact de la compagnie, mais elle parle de construire une raffinerie sur la côte Ouest. Économiquement parlant, c'est tout un défi.
Même pour celle qui est actuellement en construction ici en Alberta, le prix de vente au seuil de la rentabilité avait été établi à 82 $ le baril. Comme elle doit être mise en service cette année, elle sera donc dans le rouge durant les premières années, tant que le prix du pétrole n'augmentera pas. C'est donc une conjoncture difficile.
Le vice-président : J'aimerais vous faire remarquer qu'à Point Tupper, il y a un site désaffecté, l'ancienne raffinerie Gulf, et que l'un des problèmes est d'obtenir l'approbation environnementale pour ce site. Je tenais simplement à le signaler.
Le sénateur Mercer : Le sénateur MacDonald a soulevé un point et vous nous ensuite parlé de deux raffineries inactives : une première dans le détroit de Canso et l'autre à Halifax. Quelqu'un a laissé entendre que les Irving seraient peut-être intéressés à acheter celle d'Halifax et à l'utiliser pour desservir ce marché.
A-t-on fait une analyse pour savoir combien cela coûterait de réoutiller une raffinerie inactive afin de la remettre en service? De toute évidence, Imperial Oil a décidé de ne pas se retirer du secteur du raffinage en Nouvelle-Écosse parce qu'il est très rentable. J'ai 69 ans et d'aussi loin que je me souvienne, cette raffinerie a toujours été là. Elle a au moins mon âge.
Le sénateur Black : Tant que cela?
Le sénateur Mercer : Elle est probablement plus vieille que moi.
M. Priaro : Je pense que la compagnie Irving a une longueur d'avance sur ses concurrentes parce qu'elle jouit d'un taux élevé de pénétration du marché dans le nord-est des États-Unis, où elle vend des produits raffinés qui sont ensuite distribués à la grandeur du pays. Et c'est justement ce marché que ses concurrentes envisageraient de desservir.
Ils décideront peut-être qu'utiliser la raffinerie de Dartmouth seulement pour le traitement d'un certain type de matière première moins coûteux, ce qui leur permettrait de remettre la raffinerie en service et de n'y produire qu'une étroite gamme de produits destinés au marché.
Pour raffiner de gros volumes de bitume non traité et de pétrole lourd, il faudrait que la raffinerie Irving se lance dans un coûteux projet de revalorisation, mais pour que cela en vaille la peine, elle devra réaliser des économies d'échelle et, espérons-le, obtenir un prix lui donnera la marge de manœuvre dont elle a besoin pour mener ce projet à terme.
Le sénateur Mercer : Je pense que nous n'avons pas suffisamment envisagé d'exporter des produits raffinés au lieu d'exporter du bitume. Comme vous le dites, les exigences à destination varient d'un endroit à l'autre. Je suis en train de réfléchir à voix haute — la raffinerie d'Irving de Saint-Jean se trouve à proximité du marché américain et jouit d'une forte pénétration sur le marché nord-est des États-Unis pour la vente au détail de gaz et de pétrole.
À partir de quel moment devient-il plus rentable de desservir le marché local?
M. Priaro : Le marché local serait restreint en comparaison. En principe, c'est toujours une bonne idée de privilégier les achats locaux. Les emplois locaux dans le secteur du raffinage, les emplois locaux dans celui de la distribution et l'argent que dépensent les gens de la région restent dans l'économie locale. Ce sont autant de retombées économiques générées par les entreprises locales.
Le sénateur Mercer : Votre proposition pour la côte Ouest me semble intéressante. Nous nous rendons à Vancouver ce soir et nous en apprendrons peut-être davantage à cet égard à notre réunion de demain. En Colombie-Britannique, la question de l'acceptabilité sociale semble poser problème. Vous dites qu'il existe une raffinerie; vous avez parlé, je pense, de la raffinerie Chevron?
M. Priaro : Oui.
Le sénateur Mercer : Est-il possible de l'agrandir sans avoir à passer à nouveau par le processus d'adhésion sociale?
M. Priaro : Je ne pense pas qu'il soit possible d'agrandir la raffinerie. La seule possibilité, si jamais le projet de prolongement du pipeline Trans Mountain va de l'avant, serait de prolonger le pipeline jusqu'au corridor ferroviaire reliant Roberts Bank et Tsawwassen, en Colombie-Britannique, où il existe déjà un terminal charbonnier et un terminal de conteneurs.
Le sénateur Mercer : À Roberts Bank même?
M. Priaro : Oui.
Le sénateur Mercer : Oui. J'y suis déjà allé.
M. Priaro : Pourquoi ne pas installer une bouée d'amarrage au large, en eau profonde, et exporter le brut à partir de là. Je ne crois pas que les gens de Vancouver ou de la ville de Burnaby, la principale ville de la vallée du Fraser, accepteraient un projet qui ferait passer de 34 à plus de 400 le nombre de navires-citernes qui transiteront chaque année par les ports de Vancouver. Je crois que ce projet ne recevra jamais l'adhésion sociale.
Le projet pourrait être approuvé, mais il n'aura jamais le soutien des citoyens de Vancouver et de Burnaby.
Le sénateur Mercer : L'autre problème est, bien sûr, le fait que le port de Vancouver a la réputation d'être lent et souvent paralysé par des conflits syndicaux. De nombreux contrats de travail doivent être négociés.
En passant, il n'y a pas eu d'arrêt de travail au port d'Halifax depuis 1972. Si vous voulez expédier vos produits dans un port sûr, Halifax est l'endroit idéal.
M. Priaro : Il y aurait de nombreux avantages de revoir le tracé du dernier segment du pipeline Trans Mountain vers Roberts Bank. Cela permettrait de supprimer le parc de réservoirs du mont Burnaby, que les autorités locales considèrent comme un danger public, c'est bien connu. Cela permettrait également de supprimer deux terminaux dans les ports de Vancouver, le premier utilisé par la raffinerie et l'autre comme terminal d'exportation pour l'oléoduc. Si le tracé du dernier segment du pipeline Trans Mountain vers Roberts Bank était modifié, cela permettrait de supprimer toute cette infrastructure, de ne pas mettre un seul navire-citerne de plus en circulation et d'éliminer tous les navires-citernes qui transitent par les ports de Vancouver. Je pense que les résidants de la région se réjouiraient de ce résultat.
Le sénateur Mercer : Il serait alors plus facile de faire accepter le projet par les citoyens.
M. Priaro : Ce projet-là. Mais il y aurait des objections. La région de Roberts Bank est considérée comme une zone écosensible, il y a donc des problèmes de ce côté également.
Le sénateur Mercer : Nous avons discuté de la baie de Fundy et, dans votre exposé, vous avez parlé du droit des baleines et d'autres enjeux. Cette région nord-ouest, sur le Pacifique, est une aire de production de prédilection pour les baleines. J'en ai vu lorsque j'y suis allé.
M. Priaro : Oui, c'est pourquoi nous recommandons d'aller à Prince Rupert. C'est l'endroit le plus au nord où il est possible d'aller, tout restant au Canada. C'est tout près de l'Alaska.
Outre l'aspect sécuritaire de cette zone pour l'installation de terminaux maritimes et pour la navigation maritime, elle présente également l'avantage que ce qui est à l'abri des regards ne dérange personne.
Le sénateur Mercer : Il y a déjà un chemin de fer.
M. Priaro : Oui, il y a un chemin de fer là-bas.
Le sénateur Mercer : Vous pourriez probablement tracer le parcours de l'oléoduc parallèlement à celui du chemin de fer. Je ne connais pas la configuration du terrain.
M. Priaro : Je ne crois pas qu'il suivrait le même parcours que le chemin de fer, mais ce serait une possibilité. Je ne sais pas si Eagle Spirit Energy a sérieusement envisagé cette option, mais le tracé qu'ils ont choisi ne suit pas vraiment le chemin de fer.
Le sénateur Mercer : Mais il existe un autre parcours qui n'exige probablement pas autant d'efforts; il devrait toutefois recevoir l'adhésion des groupes autochtones.
M. Priaro : En ce qui concerne la région de Prince Rupert, je pense qu'il y a un solide soutien social à l'égard d'un pipeline, pour le transport du gaz et du pétrole, mais il faudra faire les choses correctement.
Le sénateur Mercer : De la part de tous les groupes touchés, y compris des groupes autochtones.
M. Priaro : Le frère de Calvin Helin, John Helin, est maire de la bande Lax Kw'alaams. Un vote a récemment eu lieu là-bas et les deux tiers des membres se sont prononcés en faveur de l'implantation d'une usine de GNL dans la région de Prince Rupert.
Le sénateur Mercer : On parle alors de gros volumes.
M. Priaro : Oui.
Le sénateur Black : J'aimerais que vous m'expliquiez un peu mieux, parce que c'est un point fort important que vous soulevez, comment on pourrait modifier le tracé du terminal du pipeline Trans Mountain entre Burnaby et Roberts Bank. J'aimerais visualiser cela. Au lieu de vous rendre à Burnaby, avant d'arriver en périphérie de Burnaby, vous bifurqueriez, en théorie, par White Rock puis vers Roberts Bank.
M. Priaro : Avant même d'arriver au fleuve Fraser, vous élimineriez ainsi la traversée du fleuve. Vous élimineriez aussi le parc de réservoirs. Vous utiliseriez l'emprise ferroviaire. Vous auriez un tracé parallèle qui mènerait jusqu'à l'actuel terminal de charbon et de conteneurs et jusqu'au terminal ferroviaire.
J'ai même pensé que B.C. Ferries pourrait vendre le terminal de Tsawwassen et en construire un nouveau à proximité de l'aéroport, ce qui faciliterait l'accès aux gens qui vivent à Vancouver. Par la suite, peut-être convertir le terminal ferroviaire en un terminal maritime.
Le sénateur Black : C'est une idée très intéressante.
Nous sommes dans le royaume des suppositions ici. Pourquoi les gens de Kinder Morgan n'ont-ils pas proposé ce projet?
M. Priaro : Ils l'ont envisagé, mais ils ont trouvé que cela coûterait trop cher.
Le sénateur Black : J'ai compris. Merci beaucoup.
M. Priaro : Mais s'ils n'ont pas l'autorisation d'aller à Burnaby, ils devront alors payer la facture pour avoir un pipeline.
Le sénateur Black : Mais ils ont obtenu l'autorisation de l'ONE d'aller à Burnaby.
M. Priaro : Oui, assortie de 157 conditions, je pense.
Le sénateur Black : Il pourrait donc y en avoir 158. Vous êtes l'un de ceux qui proposent ou laissent entendre qu'une option consisterait à changer le terminal.
M. Priaro : L'ONE s'est prononcée, et je pense donc que nous avons rempli les conditions. Je ne sais pas si l'office peut revenir en arrière et ajouter des conditions, mais le gouvernement, le cabinet, peut certes imposer ses propres conditions et dire, oui, à condition que vous fassiez ceci.
Le sénateur Black : Merci.
Le vice-président : J'aimerais vous entendre tous les deux là-dessus. Je reviens sur ce que vous aviez dit au sujet de la valorisation du brut en pétrole synthétique pour faciliter l'acheminement d'une partie du pétrole.
Sur le plan économique, est-ce que ce serait la même chose de l'acheminer vers l'ouest que vers l'est; et est-ce que l'acheminement de pétrole valorisé par oléoduc soulève des problèmes environnementaux susceptibles d'inciter les gens à s'opposer au transport de ce produit?
M. Priaro : Je peux aussi répondre à cette dernière question.
La National Academy of Sciences des États-Unis a publié un rapport marquant au début de l'année. Les chercheurs se sont penchés sur le transport par pipeline de « dilbit » ou bitume dilué et sur les répercussions d'un hypothétique déversement sur l'environnement. Ils en sont arrivés à la conclusion qu'il existait une grande différence entre les dommages environnementaux causés par un déversement de dilbit comparativement à un déversement de types réguliers de pétrole brut acheminés à la grandeur des États-Unis.
Oui, si nous sommes capables de mettre au point un processus de valorisation à faible coût permettant d'éliminer la nécessité du dilbit, nous pourrions valoriser le bitume de manière à pouvoir le pomper sans ajout de diluant, non seulement nous économiserions environ 10 $ par baril de bitume — parce que nous devons importer le diluant de la côte américaine du golfe du Mexique. Si nous n'avions pas notre propre source d'approvisionnement ici en Alberta, nous devrions alors l'importer des É.-U. Il faudrait alors payer les frais des pipelines jusqu'aux sables bitumineux, ajouter 30 p. 100 de diluant au bitume et l'expédier vers les marchés du Midwest américain ou sur la côte du golfe du Mexique. Nous faisons donc des économies, soit environ 10 $ le baril.
En plus de cela, le produit à valeur ajoutée que vous obtenez reste ici au Canada. La plupart des environnementalistes s'entendraient pour dire que le « dilbit » est produit qui a les pires répercussions s'il est déversé dans l'eau. Ils se réjouiraient tous de la possibilité de supprimer un pipeline de « dilbit » n'importe où.
M. Fogwill : C'est de la pure spéculation, mais je pense que les groupes environnementaux ou autres se soucient peu de savoir si un pipeline transporte du « dilbit », du diluant ou du pétrole brut léger.
Le débat auquel nous assistons porte sur le fait qu'on encourage les compagnies d'extraction de sables bitumineux à augmenter leur production et, partant, leurs émissions de gaz à effet de serre. Je ne pense pas que les gens seraient moins inquiets si on décidait de valoriser le bitume en brut synthétique pour l'acheminer par pipeline.
Le véritable enjeu, c'est que les émissions sont préoccupantes et que les pipelines constituent un encouragement à augmenter la production pétrolière. Et ce qui inquiète les gens, c'est justement l'augmentation des émissions à effet de serre.
M. Priaro : Oui, je suis d'accord que l'opposition sociale vise précisément les émissions générées par les sables bitumineux; dans un sens, les gens s'en prennent aux pipelines pour tenter de paralyser la production dans les sables bitumineux.
Mais si nous pouvions valoriser le produit, non seulement nous ferions profiter le Canada de la valeur ajoutée, mais nous pourrions aussi décourager les gens de s'en prendre aux pipelines; ils devront alors diriger davantage leur opposition sur le problème des émissions de gaz à effet de serre, à l'instar des Albertains qui tentent de régler ce problème directement à partir des exploitations de sables bitumineux.
Je pense qu'en supprimant ce problème, nous en bénéficierions et cela nous permettrait de nous concentrer sur les problèmes posés par les émissions de gaz à effet de serre générées par l'exploitation des sables bitumineux.
Le vice-président : Si nous finissons par avoir ces pipelines, tant vers l'ouest que vers l'est, aurons-nous vraiment besoin du pipeline Keystone XL? Le voulons-nous vraiment?
M. Priaro : À mon avis, comme nous acheminons déjà 99 p. 100 de nos exportations vers les États-Unis, pourquoi voulons-nous un autre pipeline vers les É.-U.? Nous devrions chercher de nouveaux marchés, tout simplement.
Le vice-président : De plus, dès que nous aurons un pipeline vers la côte Est et vers la côte Ouest, nous vendrons ce pétrole au prix du Brent.
M. Priaro : Espérons-le.
Le vice-président : À un prix très similaire. Nous n'obtiendrons certainement pas le prix du West Texas ou du Western Canada Select.
M. Priaro : Je n'ai jamais trouvé que le XL était justifié.
Le vice-président : Surtout qu'il serait à sec si jamais nous avions d'autres accès.
M. Priaro : Je pense que le projet XL est mort, à moins que les Américains élisent un président républicain. Je ne crois pas que le projet XL verra le jour sous un président démocrate.
Le sénateur Mercer : Mais si c'est Donald Trump, il fermera la frontière.
M. Fogwill : Regardons les choses sous un angle différent. Il importe peu que le gouvernement pense que la capacité est trop forte. À mon avis, c'est le marché qui déterminera s'il y aura un troisième pipeline, ce sont les gens qui mettent leur argent à risque pour investir dans ce projet qui auront le dernier mot.
Si nous prolongeons le pipeline Trans Mountain et si nous obtenons l'autorisation de convertir le pipeline dans le cadre du projet Énergie Est, nous aurons alors une capacité équivalant à 1,7 million de barils par jour, bien supérieure à celle que nous avons actuellement. Ensuite, si d'autres investisseurs viennent nous dire qu'ils peuvent nous faire de meilleurs prix en acheminant notre pétrole vers le sud, vers les É.-U., et que nous réussissons à dissiper toutes les préoccupations liées à l'environnement et à la sécurité publique, alors allons-y. Pourquoi pas?
Le sénateur Mercer : Ma dernière question déborde un peu du sujet, mais pas vraiment, si jamais nous avons besoin d'un pipeline nord-sud.
Dans quelle mesure les réserves américaines sont-elles assurées? Les Américains sont maintenant capables de s'autosuffire. Dans quelle mesure leurs réserves sont-elles fiables? Est-ce réaliste? Combien de temps vont-elles durer?
M. Priaro : Les Américains importent une énorme quantité de pétrole. Ils ont d'incroyables ressources de gaz de schiste là-bas et selon les prévisions que j'ai vues, même dans des scénarios de prix très bas, cette production continuera d'augmenter. Ils ont suffisamment de réserves et celles-ci atteindront leur sommet vers 2025 ou 2030. Ils ont encore 10 ou 15 ans devant eux avant d'atteindre le maximum de leur gaz de schiste.
Je pense qu'ils n'arriveront jamais à s'autosuffire complètement, mais ils finiront par avoir de moins en moins besoin de notre brut. C'est une autre raison qui devrait nous inciter à nous tourner vers de nouveaux marchés.
Le sénateur Mercer : C'est une autre bonne raison de chercher de nouveaux clients.
M. Fogwill : C'est impératif, en fait. C'est un impératif. Tant pour le pétrole que pour le gaz, nous allons perdre notre principal marché.
Le sénateur Mercer : C'est la réalité que nous voyons et, si j'en juge par ce que vous avez avancé, cela favoriserait l'approbation des pipelines, avec toutes les restrictions d'usage. C'est raisonnable. Est-ce le moment de mettre fin à nos travaux?
M. Priaro : À titre d'exemple, sénateur Mercer, le président Obama a lancé un programme visant à augmenter de 25 p. 100 les économies de carburant dans le secteur du transport lourd — moteurs et camions. Le secteur du transport est le plus important consommateur de combustibles liquides aux États-Unis. S'ils réussissent à obtenir une réduction de 25 p. 100 chez eux, cela aura pour effet de réduire leur demande de pétrole brut, uniquement grâce au secteur du transport, uniquement grâce à cette mesure.
Le sénateur Mercer : Merci.
Le sénateur Black : Je voudrais revenir sur le mot « impératif » que vous venez d'employer. C'est un mot judicieux que je recommanderai à notre analyste lorsque nous commencerons à réfléchir au titre de notre rapport. « Impératif » est un excellent mot. Je vous en remercie, parce que c'est impératif.
M. Fogwill : C'est indispensable.
Le vice-président : À moins que le gouvernement ne fasse appel et tente de faire quelque chose, le pipeline Northern Gateway semble condamné. Cela va-t-il accroître les possibilités de construire la route du nord jusqu'à Prince Rupert?
M. Priaro : Certainement, tout comme si le Cabinet fédéral s'opposait au pipeline du réseau Trans Mountain. Je ne vois pas comment le gouvernement fédéral pourrait refuser le projet d'agrandissement du réseau Trans Mountain et Energie Est. Je pense qu'il est possible qu'il approuve les deux, mais il est plus probable qu'un projet sera approuvé et l'autre rejeté. Sur le plan politique, comment le premier ministre Trudeau pourrait-il rejeter ou approuver les deux? Je pense qu'il risque de perdre du capital politique d'une façon ou d'une autre.
Je ne sais pas ce qu'il va faire, j'essaie seulement d'analyser la situation, va-t-il en approuver un et rejeter l'autre.
S'il approuve le pipeline Trans Mountain, il ne pourra peut-être pas approuver Energie Est, ou s'il approuve Energie Est, il n'approuvera pas le Trans Mountain, mais, dans ce cas, pourra-t-on faire approuver le corridor énergétique du Nord?
Il va falloir plus de temps. L'expansion du réseau Trans Mountain est la solution la plus rapide sur le plan politique. Il peut être le plus rapide à construire, mais je ne pense que ce soit la meilleure solution pour le Canada à long terme. Je pense que le corridor énergétique vers Prince Ruppert est la meilleure solution à long terme, et c'est ce sur quoi nous devrions travailler.
D'ailleurs je vais parler avec des gens de TransCanada après cette réunion. J'ai une réunion avec le vice-président pour les pipelines de liquides et j'ai parlé à Alex Pourbaix, le chef de l'exploitation à TransCanada. Je l'ai rencontré. J'ai rencontré Steve Laut, président de CNRL, au sujet du corridor énergétique du Nord, et les deux m'ont donné des rétroactions positives.
Je pense qu'ils sont intéressés. Le projet n'a pas reçu la couverture médiatique qu'il aurait dû avoir. J'essaie de convaincre les gens qu'il s'agit de la meilleure solution après Energie Est.
Le vice-président : J'aimerais terminer cette question, concernant Energie Est, à l'exception des exportations directes vers l'Extrême-Orient, l'Asie de l'Est, à partir de la côte ouest, en réalité, pour presque tous les autres marchés d'exportation — certainement en Asie, en Inde, à l'ouest de ce pays —, il est plus rapide, moins cher et plus accessible de partir de la côte est que de la côte ouest.
M. Fogwill : C'est exact.
M. Priaro : Oui. La distance d'Edmonton vers la côte ouest de l'Inde est plus courte que celle d'Edmonton vers la côte ouest de l'Inde en passant par Vancouver.
Le vice-président : Par la Nouvelle-Écosse.
M. Priaro : Oui.
Le vice-président : De beaucoup.
Le sénateur Mercer : Sur la côte est, nous essayons constamment de faire comprendre aux gens qu'il est plus court de traverser tout le pays pour rejoindre l'Inde, plutôt que de passer par le Pacifique.
Le vice-président : C'est quelque chose qu'on ne comprend pas bien dans l'Ouest. Je pense pouvoir dire, sans me tromper, qu'il y a un large consensus dans les provinces maritimes pour dire que nous n'avons aucun problème à recevoir notre pétrole de l'Ouest pour l'exporter depuis nos ports. Je ne pense pas qu'il y a les mêmes problèmes qu'il y aurait sur la côte ouest.
J'aimerais terminer sur une observation, pour vous donner matière à réfléchir. Nous parlons de pétrole. J'ai également siégé cinq ans au Comité de l'énergie. Je pense que le gaz naturel va bientôt poser de gros problèmes au Canada, et personne n'en parle. Le Comité de l'énergie va peut-être étudier la question, mais nous allons subir une vraie pénurie de gaz dans de nombreuses régions du pays, en raison de la difficulté de l'acheminer au marché. C'est une question sur laquelle il va falloir nous pencher. Nous vous demanderons peut-être de revenir pour en reparler.
Merci pour votre présence.
Honorables sénateurs, nous allons accueillir nos prochains témoins qui représentent la Young Pipeliners Association of Canada, soit Tran Mah-Paulson, président et directeur général de Young Pipeliners Association of Canada, Kevin Tsang, membre du conseil et vice-président, comité central exécutif, et Peter Tanchak, membre du conseil et vice-président du comité central exécutif.
Messieurs, veuillez commencer vos exposés, après quoi les sénateurs vous poseront leurs questions.
Tran Mah-Paulson, président et directeur général, Young Pipeliners Association of Canada : Je vous remercie de l'honneur et du privilège de pouvoir nous exprimer devant le Sénat aujourd'hui et de vous faire part de nos idées.
Nous représentons la Young Pipeliners Association of Canada ou YPAC. Je m'appelle Tran Mah-Paulson, comme il a été dit et je suis le président et directeur général; voici Peter Tanchak à ma droite et Kevin Tsang à ma gauche, tous les deux membres du conseil et vice-présidents.
Nous sommes ingénieurs. Je travaille à T.D. Williamson, une compagnie de services de pipelines, et Peter et Kevin travaillent tous les deux pour Enbridge.
J'aimerais commencer par vous parler un peu de mon expérience et vous en dire un peu plus sur YPAC. Tout a commencé par mon père, un ancien « pipelineur », respectable, qui m'a dit : « Tu devrais adhérer à la Young Pipeliners Association of Canada. C'est une association pour les jeunes. Si tu travailles dans le milieu des pipelines, je t'aiderai à établir des contacts. ». Comme j'étais jeune pipelineur, j'ai tout de suite accepté.
Il a fini par envoyer un courriel, dont j'étais aussi destinataire, et j'ai reçu les réponses des autres, notamment de pipelineurs d'expérience, mais je ne savais pas qu'ils l'étaient. J'étais un jeune pipelineur. Les messages sont arrivés dans la messagerie de notre ancienne présidente. Elle m'a appelé et m'a dit que je devrais m'investir dans cette organisation qui essayait de changer les choses. J'ai dit « D'accord ».
Je n'ai pas vraiment posé trop de questions. Je suis simplement allé à une réunion à Calgary. Je suis originaire d'Edmonton et je suis allé jusqu'à Calgary, j'ai pris un car le lendemain et je suis allé à cette réunion, et j'ai compris ce qui s'y passait. Je suppose que ce genre de chose arrive tout le temps.
À cette réunion, nous avons commencé à parler de ce que sont les jeunes pipelineurs et pourquoi c'est une cause aussi importante. J'ai pris conscience des différences générationnelles et du vieillissement de la population active. J'ai appris que le taux de natalité baisse. J'ai appris que les baby-boomers veulent prendre leur retraite et que les jeunes vont devoir trouver le moyen de prendre la relève.
Après cette réunion, qui était une réunion stratégique, nous avons retenu les services d'une entreprise pour élaborer une stratégie. Elle a créé une vision, qui était la suivante : « Assurer l'avenir durable de l'industrie des pipelines en permettant et en facilitant la progression de carrière des jeunes pipelineurs ».
L'ambition de l'YPAC est de bâtir une communauté professionnelle de pipelineurs par le truchement d'événements techniques et de réseautage, en collaboration avec d'autres organisations comme l'American Society of Mechanical Engineers, l'Association canadienne de normalisation, la Fondation de l'Association canadienne de pipelines d'énergie et l'Association canadienne du gaz, tout en donnant aux bénévoles de l'YPAC la possibilité d'influencer l'orientation de l'industrie.
L'organisation a été fondée sur le principe voulant que les différences générationnelles aboutissent à un manque de connaissances et d'expérience. C'est l'écart entre la génération des baby-boomers, depuis les années 1940 à 1960, et la génération actuelle. C'est ce qui se passe maintenant.
L'YPAC représente la génération du millénaire, les enfants des baby-boomers, qui ont en commun la préoccupation d'assurer la succession de l'industrie des pipelines. La génération du millénaire représente 28 p. 100 des Canadiens, alors que les baby-boomers en représentent 26. Je viens de faire le calcul il y a environ une semaine.
Il est évident que nous devons combler cet écart pour assurer la sécurité, la qualité et la responsabilité environnementale lors du transport du pétrole brut. Il est également évident que la génération du millénaire va être la prochaine génération qui va dépendre de la prospérité économique ainsi que d'un environnement sain.
Peter Tanchak, membre du conseil (vice-président), comité central exécutif, Young Pipeliners Association of Canada : Merci, Tran.
Je tiens également à vous remercier pour l'honneur et le privilège de pouvoir nous exprimer devant le Sénat aujourd'hui et vous faire part de nos idées. Pour élaborer un peu sur la mission de l'YPAC, je vais développer les quatre points suivants.
Notre mission est d'être un réseau pancanadien qui veut attirer, mobiliser et retenir des jeunes professionnels de l'industrie des pipelines, offrir l'occasion à tout l'éventail des jeunes professionnels qui travaillent dans l'industrie des pipelines de connaître l'ampleur et la profondeur de cette industrie, faciliter le transfert des connaissances entre les jeunes professionnels et ceux qui sont plus expérimentés, dans le but de conserver la mémoire de l'industrie et de faciliter la succession et enfin, et le plus important, de chercher des occasions d'influencer l'orientation de l'industrie en donnant la perspective des jeunes professionnels sur les questions d'importance.
Le succès à long terme d'une industrie dépend de sa capacité à promouvoir les intérêts et les compétences de tous les employés et à veiller à ce que les expériences et les connaissances puissent être transmises d'une génération de dirigeants à la suivante.
L'industrie des pipelines est ce genre d'industrie, en particulier pour maintenir et améliorer la qualité de vie actuelle au Canada et pour permettre aux autres pays d'offrir aussi à leurs citoyens une meilleure qualité de vie grâce au partage des connaissances et de l'expertise.
En outre, l'industrie des pipelines a beaucoup à proposer aux jeunes pipelineurs, y compris des défis techniques, des avantages financiers et un lien étroit avec ce qui aide les Canadiens à profiter de notre qualité de vie, ainsi que de notre économie, y compris les emplois, la chaleur et la mobilité. C'est pourquoi nous cherchons à attirer et à mobiliser les jeunes pipelineurs grâce à nos valeurs fondamentales que sont le transfert des connaissances, les opportunités, le réseautage et l'influence.
Nous attirons les jeunes pipelineurs par des conférences techniques sur des sujets allant de la consultation des propriétaires fonciers dans le secteur des pipelines, la séquestration du carbone, la participation des Autochtones, la réglementation des pipelines, l'intégrité, la gestion de projet, la détection des fuites et de nombreux autres sujets connexes.
Nous trouvons d'autres moyens d'encourager la collaboration grâce à un programme de mentorat où les mentors et les mentorés se rencontrent et ont régulièrement des conversations sur les pipelines. Nous avons également des événements de réseautage où nous suscitons un sentiment d'appartenance chez les jeunes professionnels dans l'industrie des pipelines. Il s'agit là d'une des méthodes que nous utilisons pour tenter d'obtenir l'approbation sociale envers les pipelines à un niveau élevé.
Je passe la parole à Kevin.
Kevin Tsang, membre du conseil d'administration (vice-président), comité exécutif central, Young Pipeliners Association of Canada : Merci à mes collègues, Tran et Peter, et merci beaucoup de la possibilité et du privilège que vous nous donnez de nous exprimer devant le Sénat et de vous présenter nos vues.
Je tiens à réitérer que je m'exprime ici au nom de la Young Pipeliners Association of Canada et, surtout, à titre de jeune Canadien sur qui la formulation de la stratégie aura des effets directs.
Nous sommes favorables à une stratégie visant à faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada. Nous croyons que la stratégie doit inclure les jeunes pipelineurs, car nous sommes la génération qui va devoir construire, exploiter et entretenir ces infrastructures. Il est essentiel également de disposer du soutien et des compétences permettant une exploitation sûre et fiable de ces actifs pendant leur durée de vie.
Les pipelines sont le moyen de transport des hydrocarbures dont nous avons besoin tous les jours dans notre vie quotidienne. Ils sont également la méthode de transport des hydrocarbures qui émet le moins d'émissions de carbone et est la plus écologique, puisqu'une grande partie des infrastructures sont souterraines.
Le Canada a gagné à la loterie des ressources. Nous sommes au troisième rang dans le monde pour les réserves confirmées d'hydrocarbures et nous avons accès à des ports sur les côtes atlantique, pacifique et arctique.
Nous vivons actuellement dans un monde où la demande de produits pétroliers et gaziers augmente. Cette demande répond à la nécessité d'améliorer la qualité de vie des autres. Le pétrole canadien produit par les compagnies est conforme aux normes sociales et environnementales les plus élevées et ce pétrole canadien devrait jouer un rôle dans l'approvisionnement énergétique mondial.
Dans notre transition vers un avenir faible en carbone, le Canada doit tirer le meilleur parti de ses ressources pour nous amener vers cet avenir faible en carbone. Les pipelines canadiens sont le moyen le plus sûr, le plus socialement responsable et le plus écologique pour acheminer nos produits vers les marchés qui donneront le meilleur rendement.
Ce rendement sur l'investissement privé finance les programmes sociaux du Canada, en plus de la recherche et développement qui permettront à l'industrie de réduire ses émissions et de diversifier notre mix énergétique pour assurer la transition du Canada vers un avenir faible en carbone.
Pour ce faire, les jeunes pipelineurs, qui forment notre prochaine génération de travailleurs, doivent avoir accès aux meilleures informations et aux meilleures technologies pour que le Canada continue d'être un chef de file dans la construction, l'exploitation et l'entretien des pipelines. Ces aspects sont essentiels pour que la population ait confiance dans la sécurité et l'intégrité des nos infrastructures énergétiques.
Nous avons hâte de participer à la discussion. Merci encore de votre invitation.
Le vice-président : Merci, messieurs, de vos exposés. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.
Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, d'être ici.
J'ai une ou deux questions pratiques sur la Young Pipeliners Association of Canada. Combien l'association compte-t-elle de membres?
M. Mah-Paulson : Nous en avons actuellement 1 200. Notre organisation a été créée en 2012 et notre croissance est rapide. De nouveaux membres se joignent à nous tous les jours et nous avons également des bénévoles qui nous aident à faire croître notre organisation dans tout le Canada.
Le sénateur Mercer : Quels sont les professions représentées?
M. Mah-Paulson : Nous sommes surtout une association d'ingénieurs. L'industrie pipelinière compte également de nombreux ingénieurs. Je le sais de mes rencontres avec des dirigeants de la Fondation ACPE, ainsi qu'avec les membres de l'American Society of Mechanical Engineers. Je suis aussi un ingénieur. Je pourrais donc être un peu partial à ce sujet.
Nous cherchons également à recruter des inspecteurs, ainsi que des propriétaires fonciers et des avocats. Nous avons récemment organisé un événement avec la Fédération des juristes asiatiques-canadiens. Une de nos stratégies consiste à attirer des membres en dehors du groupe des ingénieurs et techniciens, même si le secteur de l'ingénierie a été un très bon point de départ pour asseoir notre organisation et la faire grandir.
Le sénateur Mercer : Vous n'avez pas dit que vous aviez des soudeurs dans votre association. Il me semble que la soudure joue bien un rôle dans la construction des pipelines.
M. Mah-Paulson : Oui. Vous posez la question à la bonne personne parce que je suis moi même un ingénieur en soudage. C'est mon travail quotidien. Je travaille tous les jours avec des soudeurs. Je pense qu'il est vraiment important que les métiers spécialisés soient intégrés à l'industrie des pipelines.
Je crois que le Northern Alberta Institute of Technology offre le programme de formation en soudure le plus complet dans le monde. On y forme des soudeurs qui sont prêts à travailler. Je pense vraiment que nous pouvons employer davantage de travailleurs spécialisés. Et si les projets de pipeline se réalisent, la demande de métiers spécialisés va augmenter considérablement et nous aurons besoin de tout le monde.
Le sénateur Mercer : Je viens d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, où les soudeurs sont très recherchés. Nous allons nous lancer dans le plus gros chantier de construction navale dans l'histoire de notre pays. Le lendemain de l'octroi du contrat à Irving Shipbuilding, notre Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse a immédiatement réorganisé tout son programme. Il avait réduit considérablement le programme de soudure au cours des années. Il l'a réorganisé et produit plus de soudeurs parce que le programme de construction de la nouvelle marine canadienne va nécessiter un grand nombre de soudeurs. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai posé la question.
Comme vous le savez, nous parlons des pipelines et du processus d'approbation des pipelines. Vous avez 1 200 membres; ce n'est pas rien. Avez-vous demandé à ces 1 200 membres de faire ce dont j'ai parlé, une partie du travail nécessaire pour obtenir un contrat social, mais aussi la volonté politique des députés et de certains membres du Cabinet pour que l'approbation soit donnée? En avez-vous parlé à vos membres?
M. Tsang : Notre principale mission, dans nos rapports avec l'YPAC, concerne principalement le développement et l'éducation au niveau technique. Nous voulons que les gens dans cette industrie puissent avant tout acquérir les compétences et les connaissances nécessaires à un pipelineur compétent. Nous voulons établir une base solide qui permette aux membres de notre industrie de continuer de respecter les normes rigoureuses canadiennes.
L'autre partie consiste à attire des gens vers notre secteur des pipelines et ses activités. Une grande partie de notre programme de sensibilisation consiste à attirer des gens, à les intéresser et à les faire participer à l'industrie des pipelines. S'ils le veulent, ils peuvent participer au processus d'approbation. Notre principal objectif a toujours été le développement et l'éducation de ces personnes.
Vous avez peut-être remarqué que bon nombre des universités canadiennes n'ont pas de programme en ingénierie des pipelines, ni de certification en pipelines. Certaines commencent. Ce que les étudiants nous demandent c'est de savoir comment entrer dans notre industrie. C'est là où nous intervenons. Nous leur disons qu'il n'existe pas de cheminement défini pour arriver. Lorsque vous étiez à l'école, je suis sûr que vous ne vous disiez pas que vous alliez devenir sénateurs ou documentalistes. C'est ainsi que les choses se passent. Nous avons tous des cheminements et des plans de carrière différents. Je pense que nous devons mieux communiquer ce message aux nouveaux diplômés.
C'est pourquoi nous allons dans les universités et nous leur disons : « C'est mon cheminement, il est intéressant et voici comment j'y suis arrivé ».
Le sénateur Mercer : Mais vous avez tous un intérêt dans les pipelines et la construction de pipelines. Vous auriez donc intérêt à ce que l'un ou plusieurs des pipelines proposés soient approuvés pour que vous puissiez commencer à construire.
Je vous encourage à réfléchir à la possibilité de mobiliser vos 1 200 membres, ce qui n'est pas un petit nombre, pour les mettre à contribution afin d'aller parler aux députés, en particulier aux membres du gouvernement, de les encourager à obtenir l'approbation pour un plusieurs pipelines, parce que c'est dans votre intérêt. C'est un autre moyen de développer l'industrie. Vous voulez faire partie de l'industrie et faire partie du processus qui permettra d'obtenir les approbations.
Le sénateur Black : J'aimerais simplement ajouter une recommandation. Vous êtes de jeunes pipelineurs et je suis un jeune sénateur. Je crois donc que le sénateur Mercer a fait là une très bonne suggestion.
Vous faites du bon travail avec vos collègues, mais vous devriez vous lancer dans le militantisme. Je vous laisse y réfléchir. Chacun d'entre nous autour de cette table serait heureux de vous aider à comprendre de quoi il retourne, mais vous êtes un groupe très important, plus important, je pense, que vous ne le pensez et je crois que vous devriez en ce moment assumer un rôle de plaidoyer.
Je vous laisse y penser. Je pense que le sénateur Mercer vous donne là des conseils très utiles.
M. Tsang : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Nous faisons partie de nombreux autres groupes de jeunes professionnels dans le domaine de l'énergie. Il y a le Young Professionals in Energy, les sections de Calgary et d'Edmonton. Il y a également le Young Women in Energy, qui représente un groupe souvent sous-représenté et qui a tenu des ateliers formidables ici à Calgary et à Edmonton pour promouvoir la participation des femmes en ingénierie et en particulier dans l'industrie de l'énergie.
Et je suis tout à fait d'accord. Nous aimerions beaucoup...
Le sénateur Black : Vous devriez peut-être collaborer avec toutes ces organisations et former un groupe de pression. Mais nous allons poursuivre parce que j'ai deux ou trois questions pour vous si vous le permettez.
Nous les sénateurs et les autres parlons tout le temps de faire en sorte que votre génération jouisse de la même prospérité que notre génération a connue et nous en parlons dans le vague parce que nous n'avons pas souvent l'occasion de rencontrer la génération qui va bénéficier ou non de la construction des pipelines
Je me demande si certains d'entre vous ont réfléchi à ce que sera votre monde si le Canada ne construit pas de nouveaux pipelines.
M. Tanchak : Je vais répondre.
Si le Canada décide de ne pas construire de nouveaux pipelines, que ce soit vers une côte ou même vers les États-Unis, même si nous préférerions diversifier les marchés, car ce n'est pas le meilleur modèle commercial que d'avoir un seul client. On est alors dans un marché captif. C'est la situation actuelle et nous y sommes tous. Je ne vois pas là un avenir très prometteur. Je vois des déplacements dans la plupart des modes d'établissement et de migration intérieure dans le pays, y compris une mobilité des travailleurs. Un avenir sans l'industrie du pétrole et du gaz ou sans une plus grande capacité pipelinière ne serait pas à l'avantage des Canadiens parce que la demande mondiale de pétrole et de gaz ne cesse d'augmenter à l'horizon 2030 et au-delà.
Nous allons avoir besoin des produits ici dans notre pays et on en aura besoin également dans le reste du monde.
Le sénateur Black : Quel serait l'impact sur vous?
M. Tanchak : Personnellement, si aucun nouveau pipeline n'était construit, nous aurions encore beaucoup de travail. Ne vous méprenez pas. Il y a du travail à faire sur bon nombre des infrastructures actuelles, que ce soit le remplacement de pipelines et des projets de remplacement parce que c'est la meilleure voie à suivre, mais le travail diminuerait certainement du fait que l'industrie serait en déclin.
On perdrait un ensemble de compétences spécifiques qui sont d'une énorme importance pour notre pays et notre industrie. On aurait en fait une industrie en perte de vitesse. Il y aurait un impact direct sur moi en ce sens que je n'aurais rien sur quoi retomber. C'est comme une chance unique dans mon rôle actuel et dans mon travail. Si ce travail disparaissait, je ne pourrais plus faire vivre ma famille par exemple.
Le sénateur Black : Nous faisons tout notre possible pour que cela ne se produise pas. Merci beaucoup.
Le vice-président : J'ai quelques questions que j'aimerais vous poser.
Comment sont répartis vos membres dans le pays, leur nombre par province ou par région?
M. Mah-Paulson : Ils sont les plus nombreux dans les régions d'Edmonton et de Calgary, la région de l'Alberta, parce que c'est là où nous avons commencé. Nous avons commencé en 2012 à Calgary avant d'aller à Edmonton vers 2013, 2014, et depuis, nous avons pris de l'expansion à Vancouver et maintenant à Toronto.
Nous avons maintenant quatre sections. Les membres restent concentrés en Alberta, mais je pense que 10 p. 100 se trouvent à l'extérieur de l'Alberta. Nous travaillons très fort pour établir ces sections et nous avons connu quelques difficultés dans la région de Vancouver. Le nom de l'association suscite des réactions dans ces régions. Nous avons constaté que c'est un domaine très axé sur une région. Quant à moi, je suis très fier de travailler dans l'industrie des pipelines à Edmonton, mais il est beaucoup plus difficile d'en être fier à Vancouver par exemple.
Le vice-président : Vous avez 1 200 membres.
M. Mah-Paulson : Oui.
Le vice-président : Combien d'entre eux ont actuellement un emploi à temps plein?
M. Mah-Paulson : Nous avons divers membres, les uns étudiants, les autres employés. Ce n'est pas une statistique que nous avons examinée, mais je dirais que nous en avons environ 45 p. 100 qui sont étudiants, soit de l'Université de l'Alberta, de l'Université de Calgary, de l'Université de la Colombie-Britannique, car celle-ci offre un programme sur l'intégrité des oléoducs également, et y en a quelques-uns de l'Université de Toronto et de McGill. Les autres proviennent de l'industrie, et je dirais que 10 à 15 p. 100 d'entre eux sont en recherche d'emploi.
Le vice-président : Rappelez-le moi encore une fois, vous dites avoir quatre sections locales?
M. Mah-Paulson : Oui.
Le vice-président : Une à Toronto; une en Colombie-Britannique.
M. Mah-Paulson : Oui.
Le vice-président : Il y en a deux en Alberta?
M. Mah-Paulson : Oui.
Le vice-président : Vous n'en avez pas en Saskatchewan?
M. Mah-Paulson : Non.
Le vice-président : Ne devriez-vous normalement pas avoir une section locale en Saskatchewan?
M. Tsang : Oui, ce serait tout naturel d'avoir une section de volontaires en Saskatchewan, mais j'ignore si on a l'expérience voulue pour attirer des volontaires et les amener à lancer une entreprise indépendante en quelque part.
Le vice-président : Je vous félicite pour ce que vous avez accompli. Je pense que cela a exigé beaucoup d'efforts de votre part pour le faire en si peu de temps.
Le sénateur Mercer : Bravo, bravo.
Le sénateur Tannas : Oui.
Le sénateur Black : Oui.
Le vice-président : Je pense que c'est un effort remarquable et que nous devons mousser ce projet enjeu et aider ce genre d'initiative. Si je peux me permettre, vous dites que la plupart des gens sont concentrés la région de l'Alberta où il y plus d'oléoducs, mais je suis sûr que beaucoup de ceux qui gens travaillent en Alberta n'y sont pas nés. Beaucoup viennent d'ailleurs au pays.
Je vous incite à en faire votre propriété intellectuelle, à vous en servir de truchement pour favoriser la dissémination de l'organisation dans les Maritimes, au Québec, en Saskatchewan et au Manitoba, car si vous pouvez organiser quatre chapitres en moins de trois ans, et recruter 1 200 membres, je pense que vous faites mouche. Les excuses sont superflues, c'est un effort fantastique.
Il faudrait reproduire ce modèle pour d'autres volets de l'industrie énergétique, car ce pays a besoin d'un sérieux coup d'épaule collectif. Beaucoup de gens pourraient mettre l'épaule à la roue sans faire partie de votre Young Pipeliners Association, mais d'une autre association qu'on pourrait créer.
Le sénateur Mercer : Pour reprendre les propos du sénateur MacDonald, avec 1 200 membres vous avez tout un mouvement, mais comme il l'a précisé, vous devez envisager une percée vers l'est, car advenant l'approbation d'Énergie Est vous aurez alors plein de gens travaillant sur les oléoducs à l'est d'ici. Nous devons les coopter et nous assurer de l'engagement de jeunes professionnels afin qu'ils en touchent les bénéfices et, à long terme, en prenant de l'âge, ils seront là pour entretenir l'oléoduc. Je vous invite à y réfléchir.
Je reviens à l'une de mes premières questions concernant le lobbying auprès de vos députés locaux. Si vous allez vers l'est, alors vous pouvez amener ces nouveaux membres à faire de même, car cela nécessite pas mal de lobbying et n'en soyez pas gêné.
Si votre député entend parler de vous, il ou elle s'en souvient, c'est sûr. Beaucoup de gens n'en profitent pas. Au cours des années, j'ai eu le privilège de travailler avec beaucoup de députés qui écoutent leurs électeurs et encore plus les jeunes professionnels qui essaient de faire bouger les choses ici, c'est ce qu'ils veulent entendre. Alors l'expansion serait une bonne idée.
Le sénateur Tannas : Qui finance les opérations de l'association? Est-ce que ce sont les membres? Doivent-ils cotiser ou est-ce financé par l'industrie ou par les employeurs, ou par la CEPA? Le savez-vous?
M. Tanchak : Oui, je peux répondre.
Les sources de financements sont diversifiées. Lors de la création de l'organisation, en 2012, on a jonglé avec l'idée de demander une cotisation, mais comme nous voulions attirer de nouveaux membres et que notre but est d'éduquer de jeunes professionnels sur l'industrie pipelinière, nous voulions être accessibles. Nous avons renoncé à la cotisation.
Pour certains événements, nous essayons de rentrer dans nos frais et nous demandons un droit d'entrée pour couvrir une partie des coûts de location des salles. Par contre, le reste, comme les conférenciers sont gratuits, car ils interviennent sur leur temps de travail. À la YPAC, nous gardons notre indépendance parce que nous misons sur plus d'une source de financement.
Il existe des organisations semblables de par le monde. Les Australiens avaient le Young Pipeliners Forum avant nous, et ils en ont le crédit. L'idée vient d'un cadre supérieur de notre industrie qui souhaitait la même chose pour le Canada. Pourquoi en Australie et pas au Canada, n'est-ce pas?
Nous avons pris l'initiative et avons mis l'organisation sur pied, mais il y a une différence notable avec le modèle australien, car au Canada, nous maintenons notre indépendance en ne dépendant pas d'un seul bailleur de fonds.
Nous menons nos propres campagnes de commandite à la YPAC en organisant des tournois de golf ou des conférences bisannuelles commandités dont les recettes vont aux initiatives de la YPAC. La fondation CEPA, la CEPA et l'ASME PSD — La American Society of Mechanical Engineers — Pipelines Systems Division — cotisent tous. Étonnamment, les contributions sont demeurées constantes malgré la baisse du cours des denrées. Nous avons connu une légère baisse du financement, mais nous avons pu maintenir notre programme année après année et tout a bien été.
M. Tsang : Au sujet des commandites, nous avons choisi de dresser nous-mêmes notre plan d'entreprise. Personne ne nous remet un chèque en disant : « Bon boulot! » Nous devons préparer notre proposition de valeur. Nous devons nous vendre. Pour faire tout cela et recruter 1 200 membres, ce ne fut pas facile. Maintenant, nous sommes sur une lancée et nous sommes reconnus, mais il a fallu du temps pour y arriver, car lorsque l'on sollicite des fonds d'une société, on vous demande pourquoi? Alors tout cela fonctionne indépendamment, ce n'est pas l'industrie qui nous dit : « Prenez cet argent et faites du bon boulot. »
Le sénateur Tannas : Je reprends les propos de mon collègue. Il fait chaud de voir une organisation valable comme la vôtre, et je vous souhaite bien du succès.
J'ai une autre question : Que pouvons-nous faire? Que peut faire le gouvernement fédéral pour vous aider à transmettre votre message à vos commettants.
M. Tsang : Ce que le gouvernement fédéral peut faire? Souvent les médias présentent ma génération, celle du millénaire, comme étant généralement opposée aux projets d'infrastructure, et nous pensons vraiment que c'est faux.
Encore une fois, je vous renvoie à d'autres organisations de jeunes professionnels, la Young Professionals in Energy, la Young Women in Energy. Il y a aussi la National Association of Corrosion Engineers, ou NACE, des groupes de jeunes professionnels, la American Society of Civil Engineers, les groupes d'ingénieurs en début de carrière. Nous existons. Nous aimerions que l'on reconnaisse qu'il y a un corps de jeunes professionnels actifs ouverts à une discussion juste et équilibrée sur le développement.
Si l'on parle de stratégie nationale, c'est surprenant, souvent quand nous sommes invités à de grandes conférences ou à la fondation CEPA ou aux conférences de la CEPA, nous sommes de loin les plus jeunes participants. Le fait de participer à des discussions comme celle-ci, nous rend très fiers de notre organisation, car nous avons fait beaucoup de chemin et c'est un processus auquel nous aimerions beaucoup participer.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le vice-président : Vous dites être ingénieur en soudure. Bien sûr, lorsqu'on pense oléoduc, on pense soudeurs, mais les 1 200 membres de votre association ne sont pas tous des soudeurs. Quels sont les autres principaux métiers parmi les membres de votre organisation?
M. Mah-Paulson : Nous avons surtout des ingénieurs professionnels, c'est la principale composante de notre organisation. Il y a une pénurie de métiers parmi les membres que nous représentons.
Nous envisageons une stratégie d'extension incluant la NAIT et la SAIT. Nous avons tenu un salon des carrières, comme moyen de sensibilisation. Nous misons davantage sur la sensibilisation, car nous n'offrons pas d'emploi; nous offrons des postes de bénévole et les gens travaillent gratuitement.
En même temps, les gens viennent à nous et, pour nous, c'est idéal, car nous pouvons leur dire que nous n'offrons pas vraiment d'emplois, que nous offrons des postes de bénévole, mais il y a aussi ces autres compagnies qui ont des emplois à offrir. Nous disons : voilà le genre de travail que peuvent vous offrir ces compagnies pipelinières.
Vous seriez surpris, beaucoup de participants ignoraient que les membres de leur profession pouvaient y travailler. Par exemple, si un biologiste vous approche en disant : « Je ne peux pas faire ce travail. » Nous lui répondons : « Vous pouvez vous occuper de la gestion des terres humides; vous pourriez travailler à la remédiation environnementale, n'est-ce pas? »
Pour les soudeurs, c'est assez évident. Étant de l'Alberta, nous voyons bien que la voie est ouverte pour les soudeurs. On apprend la soudure à l'école professionnelle, puis on peut faire de la soudure en structures ou sur les pipelines. À l'université, c'est plus difficile de savoir où on va aboutir. Du moins, c'est mon expérience.
J'ai obtenu un diplôme d'ingénieur civil et j'ignorais que j'allais travailler dans la soudure et dans l'industrie pipelinière; cela aurait pu être dans le bâtiment ou dans autre chose.
Le vice-président : Êtes-vous en contact avec le réseau de collèges communautaires partout au pays ou est-ce une chose que vous envisagez dans l'avenir?
M. Mah-Paulson : C'est certainement ce que nous visons, mais pour l'instant nous sommes plus axés sur les universités afin d'exploiter notre réseau actuel pour rejoindre différents secteurs. Notre réseau est plus centré sur le milieu des ingénieurs et des professionnels. C'est dans les plans, mais nous ne voyons pas comment nous brancher dans ces domaines.
Le vice-président : Évidemment, nous souhaitons, comme vous, que des oléoducs soient construits. Vous voulez voir autour de la table tous ceux qui peuvent renforcer votre position et vos arguments. Avez-vous essayé de travailler avec les communautés autochtones situées le long des tracés actuels ou proposés des oléoducs, et comptez-vous des Autochtones parmi vos membres?
M. Tsang : L'une de nos fondatrices, Deanna Burgart, vient d'une communauté autochtone. Elle a son propre cabinet-conseil sur Pipeline 101, elle est instructrice et enseigne l'ensemble du processus de conception. Nous avons eu d'excellents engagements de ce côté et notre participation aux conférences CEPA nous a aussi mis en contact avec cette communauté.
Tout le processus de sensibilisation et d'ouverture vers les réserves est un des éléments que nous n'avons pas abordés. Nous ignorons comment nous y prendre, car nous n'avons pas d'expérience sur la façon d'amorcer cette discussion.
Le vice-président : Celle que vous venez de mentionner serait peut-être la personne ressource idéale, car je pense que cela en vaut la peine.
M. Tanchak : Permettez-moi d'ajouter que YPAC est tout à fait d'accord avec l'idée de consulter et de mobiliser les Autochtones dans les projets de ressources. Nous avons eu des séances de travail avec des représentants autochtones. D'abord, nous avons recueilli des fonds pour Indspire, par exemple, lors d'un tournoi de golf et de bienfaisance. IndsPire a participé en délégant un conférencier invité qui nous a parlé du développement des ressources. Nous avons aussi eu Mark Podlasly, du B.C. First Nations Energy and Mining Council, qui s'est adressé aux membres du YPAC.
Nous nous efforçons de traiter de tous ces grands enjeux différents et l'engagement des Autochtones en fait assurément partie.
Le vice-président : Messieurs, ce fut un plaisir de vous accueillir tous les trois ici. Tous nos vœux vous accompagnent. Nous pensons que vous êtes sur la bonne voie.
Comme le sénateur Tannas l'a mentionné, si vous pensez que le gouvernement fédéral peut vous aider dans vos objectifs et pour élargir votre empreinte, faites-nous le savoir et nous veillerons à transmettre le message.
Merci d'être venu.
Avant de vous présenter nos invités, je tiens à préciser pour le compte rendu que nous avons invité la première ministre de la province et le leader de l'opposition à faire un exposé. Le cabinet de la première ministre a décliné notre invitation, mais nous a fait parvenir un mémoire. Le chef de l'opposition est absent pour sa lune de miel, mais il a délégué des représentants.
Je vous présente Prasad Panda, député à l'Assemblée législative pour Calgary—Foothills et Bill Bewick, directeur des politiques du caucus du parti Wildrose.
Commencez par vos exposés, après quoi les sénateurs poseront leurs questions.
Prasad Panda, député de Calgary—Foothills, Assemblée législative de l'Alberta : Bonjour honorables sénateurs. Je m'appelle Prasad Panda et je représente Calgary—Foothills à l'Assemblée législative de l'Alberta. Je suis immigré économique, Canadien de première génération et ingénieur professionnel agréé.
Ma famille a choisi le Canada après en avoir évalué les ressources naturelles, les possibilités économiques, le niveau de vie et le respect des Canadiens pour la diversité.
Pendant 28 ans, j'ai travaillé dans l'industrie des hydrocarbures et, pendant 11 ans, j'ai géré la chaine d'approvisionnement à Suncor Energy. Quand j'étais dans les champs de pétrole, beaucoup de mes fournisseurs et entrepreneurs étaient de l'Ontario et du Québec. Je suis également fier de dire que plusieurs commandes ont été accordées à des entrepreneurs des Premières Nations sur une base préférentielle. C'est toujours la pratique dans l'industrie.
Avant Suncor, j'ai travaillé pour le Reliance Goup de l'Inde pendant 16 ans. L'un des plus gros projets sur lequel j'ai travaillé a été la construction de la plus grande raffinerie au monde à Jammagar dans le Gujarat en Inde. Plus tard, cette raffinerie s'est jumelée à une autre pour raffiner 1,24 million de barils par jour en une seule installation.
Alors que j'y travaillais, nous avons construit cette raffinerie, y compris les installations maritimes et le complexe aromatique en à peine trois ans, en fait en 26 mois. De nos jours, cinq ans après la première annonce, nous argumentons toujours sur la construction d'un oléoduc de l'Alberta vers le Nouveau-Brunswick.
J'étais un membre clé de l'équipe de gestion de projet chargée de la construction des oléoducs pour Suncor, Reliance et le client de SNC-Lavalin, Saudi Aramco. À l'expérience, je sais que l'industrie canadienne prend la responsabilité, la sécurité et la durabilité très au sérieux.
Au Canada, la rémunération des employés du secteur énergétique est liée aux paramètres de rendement, de sécurité et de durabilité. Ce qui n'était pas le cas quand je travaillais outre-mer.
Au cours des années, la technologie a fait d'énormes progrès. De nos jours, les ingénieurs conçoivent des oléoducs avec des tuyaux, des valves et des pompes faits d'alliages solides et résistants à la corrosion. Grâce à la haute technologie dans les salles de contrôle, il est maintenant possible de surveiller, de suivre, de contrôler et d'isoler les fuites dans une très grande mesure. Le confinement des déversements s'est beaucoup amélioré et les exploitants d'oléoducs sont très conscients des risques pour la santé ainsi que des conséquences sociales économiques des déversements.
Bien que le secteur pétrolier et gazier soit le plus écologique au monde, l'industrie canadienne peine à faire approuver les oléoducs dans des délais raisonnables. Entre temps, d'autres pays moins socialement responsables et moins respectueux de l'environnement voient leur part du marché croître sans entrave. La croissance canadienne est étouffée.
Les oléoducs sont une infrastructure de transport nationale essentielle qui unit le pays. Les oléoducs transportent la prospérité de l'Alberta pour la distribuer aux Canadiens de partout au pays. Selon la CIBC, le manque d'oléoducs représente chaque année une perte de revenu potentielle de 15 milliards de dollars, soit 50 millions de dollars par jour selon la Chambre de commerce du Canada.
Honorables sénateurs, les Albertains ont hâte de reprendre le travail. Le taux d'inoccupation de 22 p. 100 des espaces à bureau ici au centre-ville de Calgary est très inquiétant. On prévoit qu'en décembre, à l'approche de Noël, le taux de chômage à Calgary dépassera 10 p. 100. C'est seulement quand la fédération des provinces et des territoires travaillera selon l'esprit et la lettre de notre constitution que nous pourrons continuer d'attirer des émigrés économiques au Canada.
Nous avons besoin de ces oléoducs pour accroître notre capacité et écouler nos produits sur les marchés aux prix mondiaux. Ainsi, nous pourrons gonfler notre production. L'accès du Canada aux marchés est insuffisant. Ce qui est peut-être plus problématique, c'est que l'infrastructure est surtout conçue en fonction d'un seul client qui ne dépend plus des importants volumes de brut canadien. La révolution de l'huile et du gaz de schiste a sursaturé le marché américain de sorte que notre unique client est devenu notre plus grand compétiteur.
Les producteurs albertains sont si désespérés qu'ils écoulent leur produit à prix réduit. Cette réduction équivaut à des milliards de profit en moins, soit des milliards de moins en redevances et en taxes pour les gouvernements de l'Alberta et du Canada. Donc, moins d'argent pour les hôpitaux, les écoles, les aînés et les projets d'infrastructure essentiels.
Selon l'Agence internationale de l'énergie, la demande énergétique globale augmentera de 37 p. 100 d'ici 2040 et les combustibles fossiles représenteront 75 p. 100 du mix énergétique. Si le Canada ne construit pas de nouveaux projets d'oléoduc, cela reviendra à céder ce marché à d'autres pays moins respectueux de l'environnement et des droits de la personne. Aucun autre pays au monde ne gaspille son temps et ses opportunités pour ne pas réaliser la pleine valeur de ses ressources de façon opportune.
Notre industrie pétrolière et gazière doit accéder à de nouveaux marchés. Et cela exige des oléoducs donnant l'accès à toutes nos côtes pour assurer la prospérité à long terme de notre secteur énergétique.
Quoique les marchés asiatiques prospères soient une priorité dans le cas de projets d'expansion comme Trans Mountain, on ne peut pas nier l'importance d'Énergie Est. Énergie Est aura une capacité de 600 000 barils par jour pour le brut importé. Il est prévu que 23 498 emplois seront créés pendant la construction et que 4 252 autres le seront pendant la phase d'exploitation. Il s'agit là uniquement d'investissements privés, sans apport de fonds publics.
Les oléoducs sont la façon la plus sécuritaire de transporter le pétrole sans incidence sur les émissions de carbone, purement et simplement. Dans son analyse exhaustive du projet Keystone XL, le Département d'État américain a démontré que, comparativement aux chemins de fer surtout, les oléoducs n'ont pas d'incidence nette sur les émissions de carbone.
À défaut d'oléoducs, notre produit transitera par chemin de fer avec un accroissement marqué des risques de déraillement, d'incendie, d'explosion, de décès et de destruction.
Nous croyons que, si les nouveaux projets d'oléoduc continuent de se heurter aux mêmes genres d'obstacles réglementaires, le gouvernement fédéral devra explorer la possibilité de créer un corridor de transport national unique pour les services publics et pour l'énergie, afin d'harmoniser le processus d'approbation de tous les projets futurs.
Il est question d'ouvrir une nouvelle ligne ferroviaire de Fort McMurray vers l'Alaska et de reconstruire la ligne jusqu'à Churchill au Manitoba. Encore là, la réglementation fédérale va-t-elle, encore une fois, empêcher ces développements? Est-ce que le gouvernement du Canada gardera un brise-glace à Churchill à longueur d'année?
En mai 2016, l'Assemblée législative de l'Alberta a unanimement demandé au gouvernement fédéral de lever l'interdiction faite aux pétroliers de brut d'accéder à la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Rien n'est plus essentiel pour l'économie albertaine que d'avoir accès à la mer pour nos produits d'énergie. Tout retard dans l'accès au marché est un marché raté. Le défaut d'accès au marché a une importante incidence sur les moyens de subsistance des Albertains et des Canadiens. Il n'y a plus de temps à perdre.
Le parti Wildrose a constamment et fièrement appuyé notre secteur énergétique pour les emplois et la prospérité qu'il apporte en Alberta et au Canada.
Je vous remercie de votre invitation.
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Panda, pour ce savant et exhaustif exposé. Nous l'avons vraiment apprécié.
Le sénateur Tannas : Bienvenu, monsieur Panda. Je suis heureux de votre présence. Vous avez fait allusion à un corridor énergétique national.
M. Panda : En effet.
Le sénateur Tannas : Je me souviens que Danielle Smith, votre ancienne chef, en avait parlé et que cela en avait interpellé plusieurs d'entre nous. Je remarque que cela a piqué l'attention de M. Mintz et de la School of Public Policy.
Avez-vous eu l'occasion d'étudier son document sur l'idée d'un corridor et qu'en pensez-vous?
Au Sénat, nous envisageons d'étudier la question à la faveur d'un processus semblable à celui-ci. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et, plus précisément, ce qu'est votre politique officielle en la matière et quels encouragements vous pouvez nous apporter sur le sujet?
M. Panda : Merci. Je suis ravi d'entendre que votre comité sénatorial s'intéresse à cette étude.
Je n'ai personnellement pas étudié ce qu'a fait M. Mintz jusqu'ici, mais un article est récemment paru au sujet de l'étude de la School of Public Policy de l'université de Calgary et du Centre de recherche et d'analyse organisationnelle interuniversitaire de Montréal. S'agit-il bien de cela?
Le sénateur Tannas : Oui.
M. Panda : Je pense que c'est une très bonne idée. En fait, au Canada, il faut des décennies pour bâtir quoi que ce soit. Quand les citoyens canadiens nous demandent de construire des projets d'infrastructure nationaux, ce ne sont pas uniquement des projets de biens économiques pour les Canadiens, ils servent aussi à unir le pays.
Nous devrions tous nous rallier derrière cette idée et faire une étude de faisabilité, demander des rapports de rentabilité sur les aspects techniques et étudier toutes les possibilités d'aménagement d'un tel corridor pour les oléoducs, d'exploitation de lignes ferroviaires et de construction de lignes à haute tension. Une fois cette infrastructure en place, ou véritablement envisagée, nous attirerons des investisseurs privés qui pourraient éventuellement contribuer aux études visant à dégager la valeur de ces ressources nordiques en reliant la Colombie-Britannique à l'Est du Canada. Je l'appuie et la majorité de notre caucus l'appuie.
Le sénateur Tannas : Merci, monsieur.
Le sénateur Black : Merci beaucoup pour votre exposé et merci également pour le service que vous rendez aux Albertains.
Vous avez parlé très éloquemment de la situation actuelle. J'aimerais que vous disiez au comité quelle serait la situation si l'oléoduc n'est pas approuvé.
M. Panda : Merci pour la question. C'est une bonne question. Tout le monde se la pose partout, pas seulement en Alberta et tous disent la même chose. Sans oléoduc, ils perdent des occasions d'emploi ainsi que tous les investissements en infrastructure sociale et les avantages sociaux connexes.
C'est vraiment aigu maintenant. La plupart de mes anciens collèges et amis, ici et partout au Canada, sont en recherche d'emploi. Sans oléoduc, impossible de livrer le produit si nos installations de production sont agrandies ici. Sans construction de nouveaux projets, pas de débouchés d'emploi.
Au lieu d'aménager des projets de sable bitumineux, les compagnies établies comme Suncor améliorent le rendement de leurs exploitations existantes et investissent leurs bénéfices dans les opérations de fusionnement d'entreprises, et pas pour la construction de nouveaux projets. Après les fusions, elles recensent les fonctions redondantes, les éliminent et regroupent les tâches au niveau de certains emplois. À terme, nous perdons encore plus d'emplois.
Sans oléoduc, tous les promoteurs du DGMV n'obtiendront pas de financement des banques et des institutions, car il n'y a pas d'accès au marché. Voilà pourquoi les oléoducs sont vraiment une bouée de sauvetage.
Nous savons tous que ces marchés sont cycliques et qu'ils vont rebondir. Durant mon court séjour ici, j'ai déjà connu trois ou quatre cycles d'expansion et de ralentissement. Quand l'occasion se présentera, nous devrons être prêts à exporter nos produits sur le marché et à en tirer la pleine valeur.
Mais, si nous ne lançons pas ce processus maintenant, les choses risquent de traîner en longueur et nous pourrions rater la prochaine vague. Voilà pourquoi tous ces gens récemment mis à pied en Alberta et partout au Canada ont très hâte de se remettre au travail.
Ces projets d'oléoduc sont entièrement financés par le privé, il n'y a pas de fonds publics. Ce sont des projets valables prêts à démarrer. Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient s'activer et lancer certains de ces projets.
Le sénateur Black : Merci, monsieur Panda.
Le sénateur Mercer : Monsieur Panda, merci de votre participation. Vous nous avez fait un des exposés les plus impressionnants que ce comité ait entendus.
J'attire votre attention sur l'un de vos commentaires. Vous dites qu'Énergie Est devrait créer 23 498 emplois durant la construction et 4 252 durant la phase d'exploitation. Ce sont là des chiffres très impressionnants.
Toutefois, le problème pour nous est le suivant : si nous rejetons Énergie Est et faisons appel au cabinet disons — vous savez que, pour un politicien, toute politique est locale — alors, nous devons ventiler ces chiffres de 23 498 et de 4 252 par localité. Ainsi, les députés de l'Est canadien, surtout de l'Ontario, du Québec et de l'Atlantique connaîtront le coût en emplois perdus dans leurs circonscriptions et dans leur région à long terme si on rejette Énergie Est.
Un des problèmes c'est l'acceptabilité sociale requise pour construire l'oléoduc, mais personne ne requiert l'acceptabilité sociale pour la création d'emplois.
M. Panda : En effet.
Le sénateur Mercer : Ce qui nous intéresse vraiment c'est la création d'emplois, eux qui sont porteurs de richesse. C'est le cercle vertueux.
Pouvez-vous ou quelqu'un d'autre peut-il ventiler ces 23 498 emplois pour le Nouveau-Brunswick, le Québec et l'Ontario ou ailleurs, parce que cela parlerait davantage aux politiciens locaux et au cabinet, si celui-ci devait décider de rejeter le projet.
Prenons l'exemple du Nouveau-Brunswick. En cas de refus par le cabinet, Dominic LeBlanc du Nouveau-Brunswick, qui siège au cabinet, devra expliquer au Néo-Brunswickois pourquoi le projet a été rejeté, tout comme mon député, Scott Brison, devra l'expliquer aux Néo-Écossais. C'est de la politique à l'état pur. Si je viens dans votre circonscription de Calgary en vous disant que, si le projet est refusé, 3 000 personnes de Calgary perdront leur emploi, alors j'ai votre attention.
M. Panda : Oui.
Le sénateur Mercer : Vous voudrez savoir comment éviter cela et renverser la vapeur.
Si vous pouvez arriver avec des chiffres utilisables et les communiquez aux gens, au public, aux médias et aux autres députés... je pense que vous devez approcher tous les députés, surtout ceux qui sont ministres, car ils sont plus près du pouvoir décisionnel. Vous leur direz : « Voilà l'incidence sur les emplois dans votre voisinage. »
M. Panda : Excellente remarque. Il y a les emplois, mais aussi l'impôt sur le revenu de chaque province et du pays, cela représente des milliards de dollars. En ne construisant pas les pipelines prévus, nous perdons aussi les revenus fiscaux.
Mais, je ne suis pas là pour politiser le débat. Je ne fais que citer des sources fiables. Le Conference Board du Canada a fait des projections d'emploi pour chaque province, mais pas par circonscription. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, cela représente 47 366 emplois durant la phase de développement du projet et 6 410 par la suite. C'est pour la durée du projet. Ce ne sont pas les chiffres du parti Wildrose, mais du Conference Board du Canada.
Le sénateur Mercer : C'est très important que les chiffres ne soient pas ceux du parti Wildrose, et ce n'est pas une critique à votre endroit.
M. Panda : Oui. Les données existent pour l'ensemble des provinces. Si vous voulez, je peux déposer ce rapport.
Le sénateur Mercer : Vous pouvez le remettre au greffier.
M. Panda : On y donner le nombre d'emplois pour le Québec, par exemple : 49 195. C'est le rapport de synthèse du Conference Board du Canada.
Entre 2013 et 2040, le projet devrait générer 260 695 emplois, en années-personnes et équivalents temps plein. Pour la même période, le projet générerait 81 milliards de dollars en revenus fiscaux. La ventilation a été faite par province et par territoire.
Le sénateur Mercer : Voilà qui est très utile, tous ceux qui appuient Énergie Est, et non seulement le parti Wildrose, doivent communiquer ces chiffres aux députés afin qu'ils les comprennent.
En voyant ces chiffres le maire de Montréal va accuser le coup quand quelqu'un se présentera dans son bureau en disant : « Votre opposition à Énergie Est est coûteuse pour le Québec, » et, dans son cas, à Montréal, « c'est X nombre d'emplois. »
M. Panda : Oui.
Le sénateur Mercer : Cela vient vraiment vous chercher, si j'arrive dans votre bureau en vous disant que le projet représente 2 000 emplois dans votre circonscription. Là, j'ai toute votre attention et vous allez réagir.
M. Panda : En fait, ce qui me surprend ici, entre autres choses, c'est que cela se passe dans une démocratie occidentale comme le Canada où le transport interprovincial est de compétence fédérale, mais où n'importe quel palier inférieur, comme les maires de Montréal, de Burnaby ou de Vancouver, peut tenir toute l'économie du pays en otage. Nous ne voulons pas de cela, ce n'est pas bon.
Voilà pourquoi nous avons dû séparer cela de la politique en laissant des organismes indépendants comme l'Office national de l'énergie procéder à l'examen en se fondant sur les données factuelles et scientifiques.
Le sénateur Mercer : Je pense à votre autre commentaire, à savoir que, le 16 mai, l'Assemblée législative de l'Alberta a demandé unanimement au gouvernement fédéral d'abandonner le plan envisagé pour la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique. Voilà pourquoi nous devons nous assurer que ce soit le moins politique possible, bien que, en cas de refus d'Énergie Est par l'Office national de l'énergie, politiquement, une seule formation politique serait visée, car il n'y en a qu'une. Mon parti politique étant au pouvoir, nous sommes dans la mire. Cela me fera plaisir de vous aider à cibler mes collègues.
M. Panda : Je l'apprécie vraiment. Alors, si Énergie Est ne se concrétise pas, parmi nos autres options, il y a Northern Gateway qui est déjà en eaux troubles.
Le sénateur Mercer : Oui.
M. Panda : L'autre est Trans Mountain, mais sans la construction d'Énergie Est, nous devrons donc continuer d'importer environ 600 000 barils de pétrole de pays comme le Venezuela, l'Algérie et le Nigéria où le respect des droits de la personne laisse à désirer.
Le sénateur Mercer : Je discutais avec le sénateur MacDonald du témoin précédent qui nous a tous encouragés à parler aux 11 députés du Parlement de la Nouvelle-Écosse, et je vous encourage de le faire, surtout si vous ne voulez pas vous limiter à Saint John, Nouveau-Brunswick. Si les gens veulent aboutir à Saint John, c'est qu'il s'y trouve la grande raffinerie Irving, mais si pour ce qui est de déboucher sur la mer, il y a le problème de la baie de Fundy dont l'environnement est sensible et où l'on retrouve un grand nombre d'espèces menacées, surtout en été avec les énormes baleines franches. Par contre, si vous allez vers le détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse, il y a déjà sur place de grands terminaux pour l'importation de pétrole au Canada. Cette solution serait logique si nous pouvions exporter et non importer. Il y a déjà des réservoirs sur place, prêts pour le transbordement sur les pétroliers, et il ne serait pas nécessaire d'aboutir à Saint John.
Ainsi, on éviterait toute la question environnementale. À mon avis, sur le plan environnemental, la Nouvelle-Écosse sera plus accommodante. Il reste le problème du transport terrestre. Le sénateur MacDonald me signale avec raison que nous avons un gazoduc entre la côte et nos champs pétrolifère et gazier de l'île de Sable. Selon le sénateur MacDonald, nous allons manquer de gaz d'ici 18 mois. J'ignore la période précise, mais d'ici peu, il n'y aura plus de gaz. On pourrait inverser la direction du flux, mais pour accommoder notre projet, il faudra accroître le diamètre du gazoduc qui est plus petit. Cela me paraît logique.
Voyons maintenant la solution de la Nouvelle-Écosse. L'oléoduc traverserait le Nouveau-Brunswick pour alimenter la grande raffinerie Irving de Saint John, car c'est un marché à ne pas négliger. La raffinerie obtiendrait ainsi le pétrole à un meilleur prix que celui importé d'Arabie saoudite ou d'ailleurs. N'oublions pas que le détroit de Canso met l'Inde à une journée — non, à une journée et demie de moins — que Saint John, Nouveau-Brunswick, par exemple.
M. Panda : Oui. Une fois que le pétrole arrivera à la côte Atlantique, l'Inde sera prête à en importer en grande quantité.
Le sénateur Mercer : Bien, alors faisons-le.
M. Panda : La capacité de la raffinerie de la compagnie où je travaillais auparavant est de 1,24 millions de barils et il en faut plus. Cette raffinerie peut traiter notre bitume, c'est la plus moderne. On peut y raffiner les pétroles bruts les plus durs.
Le sénateur Mercer : Je tiens à vous remercier, Je vous remercie pour vos commentaires sur l'aspect non partisan du dossier. Il faut être les moins partisans possible, car nous devons obtenir la collaboration de toutes nos collectivités et nous avons tous des collectivités différentes que nous pouvons mobiliser... Wildrose; je suis libéral; le sénateur MacDonald est conservateur et il a des collectivités différentes. Au sujet de l'acceptabilité sociale, sauf l'obstacle que nous avons rencontré avec le maire de Montréal pour la traversée du Saint-Laurent, je ne vois pas beaucoup d'opposition importante dans l'Est du Canada. Je sais qu'il y aura des groupes bruyants et perturbateurs.
Toutefois, si nous leur expliquons pour les emplois et les avantages fiscaux pour l'Alberta et le Canada, nous pouvons aussi rappeler aux Canadiens que si l'Alberta a suffisamment de revenus fiscaux, elle aura alors plus d'argent à verser en paiements de péréquation, ce qui profitera à l'ensemble du pays, particulièrement dans nos provinces au sénateur MacDonald et à moi, qui reçoivent des paiements de péréquation.
M. Panda : En rétrospective, l'Alberta n'a reçu aucun paiement de transfert ni de péréquation. Tout le Canada en profite.
Quand vous parlez d'acceptabilité sociale, je suis un peu mêlé. Quelle est l'autorité compétente qui émet le permis d'approbation sociale? Quelles sont les exigences pour l'obtenir? Je ne comprends pas.
Le sénateur Mercer : Ce n'est pas comme le DMV. On ne fait pas de demande pour un permis d'acceptabilité sociale. L'acceptabilité sociale se mérite et, comme je l'ai dit plutôt à certaines personnes de l'industrie, dont j'ai été très critique, l'acceptabilité sociale se gagne jour après jour.
M. Panda : Tout à fait.
Le sénateur Mercer : Ils ont fait de bonnes choses, mais personne n'est au courant. Ils oublient qu'ils sont dans la vente, ils pensent qu'ils sont dans les hydrocarbures. Cela fait partie de ce qu'ils font, mais ils ne peuvent être dans les hydrocarbures que si les ventes marchent.
M. Panda : Exactement. Nous savons tous que nous devons consulter tout le monde. Nous devons entendre les organismes indépendants comme l'ONÉ. Ils devraient écouter et analyser toutes les préoccupations de chaque intervenant, y compris des Premières Nations. Toutes les préoccupations raisonnables devraient être prises en compte et l'ONÉ devrait y assujettir l'approbation conditionnelle du projet et demander aux promoteurs de traiter des préoccupations et des besoins raisonnables de tous les intervenants. Mais si nous permettons à chaque juridiction et à chacun de prendre les choses en main, à ce moment-là nous devons, et pas seulement les sénateurs, les législateurs et les parlementaires, mais chacun de nous, faire preuve de leadership et éduquer les gens sur les avantages économiques pour tous, comme vous l'avez dit sénateur. Autrement, les protestataires vont prendre le contrôle et fixer des conditions inacceptables. Il y aura toujours des protestataires anti-croissance. Certaines provinces peuvent dire : « Pas dans ma cour. » Si tout le monde dit cela, comment pouvons-nous fonctionner comme pays?
Il y a ces ententes commerciales que nous signons avec d'autres pays afin que tous les Canadiens puissent travailler et en profiter. En fait, nous devrions évacuer la politique de ce dossier et construire ces oléoducs de façon opportune afin de profiter de ces ententes commerciales avec les autres pays.
Le sénateur Mercer : Si l'Office national de l'énergie rejetait le projet ou imposait trop de restrictions, nous devrons aussi rendre ces données incontournables de sorte que ceux qui sont dans le processus d'appel, le Cabinet, pourront difficilement dire non. Ce n'est pas une mince affaire, mais nous devons le faire. C'est toute une entreprise et nous avons tous un rôle à jouer, je parle de ceux d'entre nous qui sont pour l'énergie.
Je ne veux pas préjuger des propos éventuels de ce comité, mais j'ai une drôle d'impression.
Merci.
Le vice-président : Monsieur Panda, j'aimerais aborder quelques points.
Comme vous, je reconnais la nébulosité des arguments touchant l'acceptabilité sociale. Ce pays est quadrillé d'oléoducs depuis 75 ans, ce n'est pas une nouveauté ni une nouvelle technologie. La seule nouveauté, c'est que la technologie est meilleure, que les oléoducs sont meilleurs, comme les systèmes de sécurité et les systèmes d'appoint qui sont supérieurs à tout ce qui existait. Nous avons des oléoducs de 75 ans dans le sol qui sont encore en service. Tout ce qui va être construit aujourd'hui est tellement plus efficace et tellement plus sûr.
M. Panda : Oui.
Le vice-président : Les tribunaux ont décidé contre le projet d'oléoduc Northern Gateway, et je suppose que le gouvernement fédéral n'aura pas les tripes de renverser la décision. Peut-être. Je ne peux pas en préjuger. Nous verrons ce qui va arriver, mais parfois si une porte se ferme, une autre s'ouvre.
M. Panda : Oui.
Le vice-président : Êtes-vous au courant du projet de corridor énergétique Eagle Spirit vers Prince Rupert? Avez-vous discuté avec ce groupe?
M. Panda : Au lieu de Kitimat, vous parlez de Prince Rupert?
Le vice-président : Prince Rupert. Êtes-vous au courant de cette proposition? Nous en avons discuté ici hier avec quelques témoins.
M. Panda : Non, je ne le suis pas.
Le vice-président : Je pense que le gouvernement albertain et les Albertains seraient très intéressés par les détails de ce projet. Nous veillerons à ce que notre greffier et notre comité vous transmettent cette information. Nous avons été en contact avec les gens d'Eagle Spirit. Nous espérions que le groupe puisse nous faire un exposé, mais cela n'a pas été possible jusqu'ici.
M. Panda : Oui, d'une façon ou d'une autre, que ce soit Kitimat ou Prince Rupert, dans la mesure où nous avons accès à la mer, pour nous ce n'est pas un problème.
Le vice-président : Ce sera là un corridor très utilisé pour le transport du GNL, de l'électricité à haute tension, de tout.
M. Panda : Oui, ce serait fantastique. Je peux appuyer cela.
Le vice-président : Pour revenir sur les propos du sénateur Mercer, nous créons des emplois, mais si nous créons la richesse, les emplois viendront automatiquement de bien des façons. Cependant, au cours des 15 dernières années, l'Alberta a transféré 200 milliards de dollars aux instances fédérales.
M. Panda : En effet.
Le vice-président : C'est beaucoup d'argent. Ensuite, cet argent a été remis aux provinces pour la santé, l'éducation, les Premières Nations; pour les différents niveaux d'infrastructure sociale que nous appuyons au pays.
Je le répète, ce n'est pas le Canada de mes grands-parents. À leur époque, le gouvernement ne faisait rien pour eux. Ce n'est que vers la fin des années 1930 qu'ils ont touchés un chèque de pension, il n'y avait pas de sécurité sociale ni aucun filet social dans ce pays. Nous devons être en mesure de payer pour cela.
Avez-vous une idée des chiffres sur ce que sera la baisse des transferts albertains au fédéral, disons dans les trois à cinq prochaines années?
M. Panda : J'ignore combien proviennent de l'Alberta, mais j'ai les tableaux ici pour la durée totale des paiements de péréquation entre les provinces et le Québec a reçu 198 milliards de dollars.
Le vice-président : C'est à partir de quelle année?
M. Panda : Depuis le début.
Le vice-président : Depuis le début de la péréquation.
M. Panda : C'est depuis le début de la péréquation Le Québec a donc touché 198 milliards de dollars, soit 50,5 p. 100. Cela veut dire que le fédéral a transféré 400 milliards de dollars aux provinces en paiements de péréquation, ventilés comme suit : Québec, 198 milliards de dollars; Ontario, 17 milliards de dollars; Terre-Neuve et Labrador, 25 milliards de dollars; Nouveau-Brunswick, 43 milliards de dollars de dollars; Nouvelle-Écosse, 44 milliards de dollars; et l'Île-du-Prince-Édouard, 9 milliards de dollars.
Dans l'Ouest canadien, le Manitoba a reçu 46 milliards de dollars; la Saskatchewan, 8 milliards de dollars; et surprise, l'Alberta n'a reçu que 92 millions de dollars au cours des 30 ou 40 dernières années, depuis le début; et la Colombie-Britannique a reçu 3 milliards de dollars.
Le vice-président : Oui et c'est un chiffre cumulatif.
M. Panda : Oui. Présentement, avec ce ralentissement économique, l'Alberta, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador ne reçoivent rien, alors que le Québec reçoit actuellement 10 milliards de dollars.
Le vice-président : Mais la plus grande province, l'Ontario, qui fut pendant des années le cœur industriel du pays, est maintenant une province démunie.
M. Panda : Oui.
Le vice-président : Dans ces années cumulatives, l'Ontario est seulement incluse dans l'équation depuis les trois ou quatre dernières années, à peu près.
M. Panda : Oui.
Le vice-président : Dans un avenir prévisible, du moins à court terme, il semble que l'Ontario demeurera une province démunie. Le siphonage potentiel d'importants montants du programme de péréquation par l'Ontario est significatif et, il n'y aura pas d'argent pour le renflouer.
M. Panda : Oui, c'est malheureux. Voilà pourquoi le parti Wildrose a recommandé la création d'un groupe d'étude indépendant sur la péréquation. Ce ne sont pas des politiciens, ni des militants de Wildrose; ce sont des experts indépendants en économie, en calcul de redevances et dans des domaines connexes. Ce sont des experts qui nous feront rapport après avoir analysé la formule de calcul de ces paiements de péréquation afin de voir si elle est encore équitable après tant d'années parce que cela ne fonctionne pas pour nous en Alberta.
Nous leur avons demandé de l'examiner et de la commenter, nous recevrons le rapport à l'automne. À ce moment-là, nous pourrons vous le communiquer. Ce n'est pas un rapport partisan, mais indépendant, préparé par des experts, pas par nous, simplement pour vérifier l'équité de la formule et voir si elle répond aux besoins actuels ou non.
Le vice-président : Je tiens à vous assurer qu'à mon avis la plupart des Canadiens apprécient la contribution substantielle de l'Alberta à ce pays au cours des 40 dernières années.
Le sénateur Mercer : Bravo, bravo.
Le vice-président : Je pense que la plupart des Canadiens veulent aider l'Alberta et leur pays à acheminer ce produit vers les marchés. Je tiens à vous rassurer que ce comité fera tout son possible, de façon raisonnable et professionnelle, pour transmettre ce message au gouvernement fédéral.
Je vous remercie tous d'eux d'être là.
M. Panda : Merci de nous avoir invités et de visiter l'Alberta, le cœur de notre secteur énergétique. Vous avez pris le temps de venir et de nous écouter, et nous vous en remercions.
Si vous pouvez transmettre nos préoccupations, pour nous le temps presse. Nous devons obtenir l'approbation de ces projets assez rapidement, surtout quand notre premier ministre dit à la planète qu'il est là pour aider tout le monde, mais nous devrions nous aider d'abord ici au Canada.
Le vice-président : Bien sûr.
M. Panda : Et remettre les gens au travail.
Le vice-président : Charité bien ordonnée commence par soi-même.
M. Panda : Merci.
(La séance est levée.)