LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 17 octobre 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui à 9 h 30 pour étudier les questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Ce matin, le comité poursuit son étude des véhicules branchés et automatisés.
Le premier témoin à qui je souhaite la bienvenue est le directeur du Département des transports du Michigan, M. Kirk Steudle, qui est aussi membre du comité consultatif du programme des systèmes de transport intelligents auprès du ministère des Transports des États-Unis.
Monsieur le directeur, je vous remercie d’être présent à notre séance et de bien vouloir discuter avec nous. Je vous invite à commencer votre exposé. Ensuite, les sénateurs vous questionneront.
Kirk Steudle, directeur, Département des transports du Michigan : Bonjour et merci de m’avoir invité à parler des questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés ainsi que de l’expérience de l’État du Michigan en la matière.
Quatre conseils peuvent résumer l’affaire : soyez souple; voyez grand; demeurez modeste; ayez le désir d’apprendre.
Je crois que vous avez reçu mon mémoire. Je vais donc glisser rapidement sur certaines parties et insister sur les points saillants.
D’abord, la souplesse. Le Michigan a adopté ses premières lois sur les véhicules autonomes en 2013, et, en 2014, elles entraient en vigueur. Fruit de bonnes intentions et d’efforts honnêtes, ces lois n’ont pas duré. À peine deux ans plus tard, les chefs de file en matière de construction et de technologie nous disaient qu’elles entravaient les développeurs qui avaient le plus de vision, lesquels songeaient à délocaliser leurs activités.
Le problème est que ces lois ne couvraient que les essais. Elles les autorisaient avec un encadrement serré, mais sans plus. Elles tentaient de maintenir le développement à un rythme lent et contrôlé, mais la technologie accélérait. Les développeurs étaient déjà prêts à faire des essais sur les voies publiques et à s’approcher du déploiement quotidien. À peine deux ans après l’édiction de dispositions prévoyant uniquement des essais, le législateur du Michigan modifiait la loi pour permettre des essais à la vue de tous sur les voies publiques et le plein déploiement des véhicules. L’essentiel est que la loi autorise maintenant des opérations plutôt que de se borner à des essais.
Si nous nous en étions tenus aux lois de 2013, nous aurions mis fin à d’importants travaux de recherche au Michigan et favorisé leur poursuite ailleurs. Il importe de se rappeler qu’il faut être souple dans la réglementation alors que les technologies s’affinent et que de nouvelles occasions se présentent. Les lois de 2106 ont apporté d’importantes modifications et levé les restrictions qui n’autorisaient que les essais. Cependant, je prévois que les discussions reprendront l’année prochaine ou dans deux ans, alors que nous commencerons à examiner des détails plus précis comme des renvois à des notions telles que « conducteur » et « conduite ».
Ensuite, il faut aussi voir grand. À première vue, nous pensions qu’une bonne révision des lois de 2013 consisterait à simplement en biffer la restriction concernant les essais. Nous nous sommes rapidement aperçus que plus de faits nouveaux et plus d’enjeux avaient vraiment besoin d’une réponse complète. L’industrie du camionnage désirait qu’on autorise la circulation en pelotons, c’est-à-dire de files de camions connectés par voie électronique derrière un premier véhicule qui règle leur vitesse et, en conséquence, la distance entre eux.
Les développeurs et les fabricants avaient besoin de lieux d’essai nouveaux et innovants. Sous le régime des lois, on a officiellement créé l’American Center for Mobility, à l’emplacement de l’ancienne usine de Willow Run où on construisait des bombardiers pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Les fabricants et les entreprises de technologies tenaient beaucoup à la possibilité de déployer des réseaux de véhicules autonomes. Pensez à Uber ou à Lyft, mais sans conducteurs. Le premier jet de la loi n’envisageait même pas cette possibilité, qui est cependant devenue, et de loin, l’enjeu principal et le plus litigieux dans le débat.
On aurait pu étudier ces enjeux chacun à son heure, à la pièce. Il importait de les aborder simultanément afin d’être réceptif à des demandes très distinctes des développeurs eux-mêmes. En second lieu, étudier ces enjeux collectivement contribuait à souligner le message que, à mon avis, nous désirons transmettre: que le centre de recherche et de production automobile conventionnel demeurera à l’avant-scène de cette nouvelle phase de la mobilité.
Le troisième conseil : demeurer modeste. Il peut sembler contredire le précédent, voir large, mais je tiens à souligner que les autorités doivent comprendre leur rôle et s’y tenir. Ce n’est pas à l’État du Michigan de dire aux constructeurs automobiles et aux jeunes pousses des technologies où investir et comment développer leurs produits. Nous avons l’importante responsabilité de protéger l’intérêt public, mais cela ne signifie pas de « microgérer » ou d’orienter des recherches hautement techniques et novatrices.
En même temps, les États américains doivent reconnaître leurs limites en matière de réglementation des véhicules. Aux États-Unis, les éléments de la conception, de la construction et de la performance des véhicules qui concernent la sécurité ont toujours été de ressort fédéral, c’est-à-dire de la National Highway Traffic Safety Administration. Les États ont réglementé les permis de conduire, la responsabilité civile, la conduite et la régulation de la circulation. Ils doivent résister à la tentation de s’égarer dans l’élaboration, ne serait-ce que d’une poignée de normes relatives à l’équipement, en raison de la nouveauté de ces véhicules. À court terme, de tels efforts éloigneront les développeurs vers d’autres cieux où ils pourront travailler plus librement, mais, à long terme, la multiplication de leurs règlements ne fera qu’embrouiller l’industrie et elle donnera un grand avantage aux concurrents d’outre-mer.
Enfin, le désir d’apprendre. Il nous faut revenir à la composante absolument fondamentale du succès. Nous devons cultiver un environnement d’apprentissage de la technologie et voir loin, de manière à visualiser et à résoudre de nouveaux problèmes. Voilà plusieurs mois, la question de l’heure était de savoir comment le véhicule autonome reconnaîtrait les signaux d’un agent de la circulation pendant une panne des feux ou à la sortie d’un grand événement sportif. Nous avons d’abord dû analyser la situation pour nous rendre compte qu’il s’agissait d’un processus en deux étapes: le système de conduite autonome du véhicule doit apprendre à ignorer le signal traditionnel, puis à réagir à l’agent. Une solution prometteuse se dessine déjà. Les agents pourraient porter des vestes réfléchissantes sur lesquelles l’équipement de signalisation serait cousu ou auxquelles il serait intégré afin de communiquer avec les véhicules.
Au fond, nous devons être conscients que ce domaine exigera un apport régulier de nouveaux ingénieurs, spécialistes des logiciels et penseurs, qui proviendront peut-être d’horizons inhabituels. La technologie est nouvelle et fascinante, mais elle carbure toujours à l’ingéniosité et à la créativité. Ce qui nous amène à la question plus vaste du renouvellement de notre système d’éducation, mais c’est vraiment essentiel.
Je termine en vous remerciant de m’avoir permis de faire ces quelques commentaires. Je me réjouis sincèrement de votre intérêt et j’espère que ces exemples venus du Michigan vous seront utiles. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le vice-président : Merci, monsieur Steudle. Passons aux questions.
La sénatrice Griffin : J’ai bien aimé votre exposé. Vos conseils m’ont intéressée et je vous en remercie, bien sûr, particulièrement pour le dernier, avoir le désir d’apprendre. J’ignore si, aux États-Unis, c’est différent du Canada, mais je soupçonne que ce ne l’est pas tant que cela. Une forte proportion d’adultes sont analphabètes fonctionnels. En ce qui concerne votre quatrième conseil, renouveler notre système d’éducation, je peux entrevoir d’éventuels bons résultats pour le réseau scolaire, mais qu’en est-il de la masse d’entre nous, censés être diplômés et posséder une certaine quantité de connaissances, mais incompétents au quotidien, parce que mauvais lecteurs et mauvais calculateurs? Avez-vous d’autres observations qui ne vaudraient pas uniquement pour le système scolaire — j’en ai, je crois, une bonne idée — mais qui s’adresseraient aussi à la population adulte? C’est elle qui, maintenant, achète les véhicules.
M. Steudle : Je le verrais de deux façons. D’abord, une partie des apprenants… Les écoles, notamment et je tiens à le préciser, ont une double mission. Celle de former les futurs développeurs de technologies et enseigner à la population en général les possibilités qu’offrent ces technologies. Je pense que nous en conviendrions tous, plus les apprenants sont jeunes, plus facilement ils s’adaptent aux technologies et aux changements de tous les jours.
Ensuite, nous avons constaté que, dans la population en général, quand on circule dans l’un de ces véhicules, un véhicule vraiment automatisé, on se sent assez rapidement très à l’aise avec la technologie. Cela dit, la technologie doit être intuitive, ne pas satisfaire à une longue liste d’exigences, par exemple accomplir l’étape A, la B, la C. Elle doit se comporter en grande partie comme un ascenseur. Dans les premiers temps, cela s’appelait une « boîte magique ». On y entrait et on appuyait sur un chiffre qui correspondait au numéro d’un étage. Employée comme véhicule, cette boîte devient un module dans lequel on s’assoit et on appuie sur une destination, désignée peut-être par « à la maison », « à l’école » ou « à l’épicerie », ou quelque chose de ressemblant. Le choix étant fait, le module interagit de façon autonome et s’organise pour vous transporter à destination.
Nous sommes au beau milieu d’une transition très anarchique. Je pense que nous pouvons tous comprendre que, quand nous parviendrons à cette utopie, elle nous paraîtra très intelligible, mais que la transition, entretemps, sera très difficile.
La sénatrice Griffin : C’est ce que je pense aussi.
J’ai une autre question, sur un sujet différent. Beaucoup d’experts pensent que les véhicules automatisés conduiront à la congestion de nos routes; d’autres affirment le contraire. Qu’en pensez-vous?
M. Steudle : J’ai entendu les deux. En beaucoup d’endroits, on m’a demandé que faire de nos vastes parkings et quand les transformer en parcs? J’ai répondu: « Pas encore. C’est une version de l’avenir ». Comme vous l’avez laissé dit, le kilométrage total parcouru par les véhicules pourrait très bien diminuer… ou augmenter. En fait, selon une étude que j’ai lue, il quadruplera par rapport à aujourd’hui.
L’une des différences est que si une file complète de véhicules est contrôlée un peu à la manière d’un essaim d’abeilles qui se déplacent toutes ensemble, on évite la congestion due aux arrêts et aux départs. Dans les congestions d’aujourd’hui, le freinage se propage vers l’arrière. Les conducteurs ne font pas nécessairement toujours attention. On l’évite beaucoup si le débit de la circulation est uniforme, ce qui se produit quand les véhicules sont mutuellement connectés et détectent ce qui se passe autour d’eux.
Je suis d’accord avec la première partie de votre affirmation: l’avenir nous réserve beaucoup de variables différentes. Je le constate quand la circulation est fluide, particulièrement sur une autoroute, urbaine ou pas, orientée dans la même direction et peu souvent interrompue par des voies transversales. Je comprends que le débit s’égalise, parce qu’on peut diminuer la distance entre les véhicules, qui ne dépendent plus du chauffeur pour la surveiller et apercevoir les feux arrière. Le véhicule qui fait partie de cette file sait que tous les autres ralentissent ou accélèrent.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie de votre exposé. Ayant eu la chance de m’être déplacée dans l’un de ces véhicules, je peux affirmer que les passagers s’y sentent très rapidement à l’aise.
Je m’intéresse à l’accord de juillet 2017 entre l’Ontario et le Michigan pour la poursuite de la collaboration aux essais, à la mise au point et à la commercialisation des technologies des véhicules automatisés et connectés. Pouvez-vous nous donner des détails sur cet accord?
M. Steudle : En fait, c’est un sujet que j’ai effleuré dans mon exposé. En juillet, nous sommes partis de Détroit, dans un véhicule autonome, pour nous rendre à Windsor puis à Sarnia, pour ensuite traverser le pont Blue Water et nous rendre à Charter City. Le moment culminant de cette promenade a été la signature de cet accord, de collaboration, essentiellement.
L’une des manifestations prévues à très court terme aura lieu dans deux semaines, à Montréal: le Congrès mondial sur les systèmes de transport intelligents. Au Michigan, nous en sommes de très fervents partisans. Dans ce document, on lit que l’Ontario participera très activement à cette conférence. Alors, dans quelques semaines, ce sera l’une des manifestations à court terme que nous pourrons cocher dans cette liste et dont nous pourrons dire que nous sommes parvenus à cette étape convenue.
De façon plus générale, cet accord vise le partage de démonstrations et d’expériences de part et d’autre de la frontière, par exemple de technologies. Il y a une dizaine de jours, je me trouvais au pont Blue Water, avec le TARDEC, l’organe de recherche-développement de l’armée américaine. Son convoi de véhicules a traversé le pont jusqu’à la place publique, puis il a fait demi-tour. Beaucoup de fonctionnaires de l’Ontario se trouvaient là et discutaient, avec des représentants du centre de recherche, de la façon de mieux tenir compte de cette manifestation en Ontario.
Cet accord vise vraiment la collaboration. Ce n’est pas le genre d’accord qui promet tel montant en échange de telle prestation, dans un sens ou dans l’autre. Il vise vraiment la collaboration entre les deux pays, reconnaissant que nos actions, dans cet espace particulier, se répercutent vraiment sur notre économie et que nous sommes beaucoup plus étroitement liés et en harmonie que, par exemple, les États-Unis et quelque État du Sud-Ouest.
La sénatrice Bovey : Qu’en est-il des règlements? Je suis confuse, inquiète, les deux peut-être. Au Canada, comme, visiblement, les États aux États-Unis, les provinces ont des responsabilités qui ne sont pas du ressort fédéral, et cet accord transfrontalier m’intrigue. Que signifie-t-il pour les règlements internationaux et la sécurité de ces véhicules? Si, sur la route, il se forme une de ces files de véhicules connectés qui prennent beaucoup de place, comment sortir de la route?
M. Steudle : Excellente question! On l’a posée pendant une discussion sur la circulation des camions en pelotons. La loi en vigueur au Michigan précise que la file doit se morceler pour autoriser l’accès aux bretelles d’entrée et de sortie. Pour un véhicule arrivant par une bretelle d’entrée, on comprend facilement qu’une telle formation de deux camions ne présente pas un obstacle incontournable, mais qu’en est-il si la formation en compte dix? La loi impose son morcellement.
Détail important : dans la circulation des camions en pelotons, un chauffeur muni de son permis de conduire du secteur commercial tient toujours le volant et dirige toujours le camion. La seule différence est qu’il n’a pas les pieds sur les pédales et que les camions se suivent de près. Le camionneur doit donc rester vigilant. Alors que le véhicule s’approche, il doit appuyer sur les freins, laisser une certaine distance à l’intérieur du groupe et laisser le véhicule entrer ou sortir, le cas échéant.
La sénatrice Bovey : Est-ce que ces manœuvres sont prévues dans les règlements internationaux convenus entre le Canada et les États-Unis?
M. Steudle : C’est dans la loi de l’État du Michigan. J’ignore si, actuellement, la loi de l’Ontario le prévoit. Les fonctionnaires consultent les lois du Michigan pour déterminer les dispositions à adopter. Je ne crois pas qu’il soit possible, opérationnellement, je le répète, de former des pelotons de camions. C’est possible dans des essais, mais je ne crois pas que ça le soit, opérationnellement, comme au Michigan. J’hésiterais beaucoup à l’affirmer ou à le nier, faute de connaître la loi en vigueur en Ontario.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour votre exposé et votre participation.
Je m’intéresse aux détails plus techniques et plus particuliers de votre expérience, de votre protocole expérimental et de votre programme pilote. Vous avez dit que vous aspiriez à des relations plus modernes, plus productives et réciproquement plus avantageuses. Pouvez-vous, s’il vous plaît, au moyen de paramètres, dire si vos objectifs ont été atteints?
M. Steudle : Cela correspond à la nécessité de voir grand. Alors que nos lois se trouvaient encore à limiter les essais, en 2013, des entreprises nous ont annoncé leur départ prochain, se sentant entravées au Michigan et attirées par un autre État où les lois seraient plus progressistes, laisseraient la porte ouverte à plus que des essais et où ces entreprises iraient les faire.
Il s’agit du rouage économique. L’inaction pourrait nous coûter le départ du pan majeur de notre économie, l’emploi. C’est une chose que de perdre une usine aux mains d’un autre État, mais perdre la recherche-développement technique aurait des effets considérables au Michigan. Soixante-quinze pour cent des entreprises nord-américaines de recherche-développement se trouvent dans un rayon de 100 milles du sud-est du Michigan, y compris en Ontario. Ça représente 376 entreprises. Nous nous sommes donc dit que nous devions vraiment protéger ce marché, sous peine de le voir partir ailleurs.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Cela explique les motifs de votre programme pilote. Je comprends votre volonté de protéger votre recherche-développement et la propriété intellectuelle. Je la comprends très bien.
Cela nous conduit aux raisons pour lesquelles nous avons besoin de véhicules connectés et au problème qu’ils contribuent à résoudre. Dans des nouvelles sur votre autoroute Katy, j’ai lu qu’elle comptait 26 voies. Elle a été construite en 2008. C’est la plus grosse de votre pays, et elle est déjà congestionnée. Pouvez-vous me dire comment ces véhicules automatisés résoudront les problèmes de ces autoroutes rendues inutiles?
M. Steudel : Pour commencer, j’ignore de quelle autoroute vous parlez. Je sais que, au Michigan, nous n’en avons pas de 26 voies de largeur. Il s’en trouve peut-être ailleurs dans notre pays, dans l’une de nos grandes métropoles comme Los Angeles ou Atlanta.
Cependant, au ministère des Transports, nous nous soucions de la sécurité. L’année dernière, 35 000 automobilistes sont morts sur les routes des États-Unis. Au Michigan, 1 081. Il a été prouvé que la technologie des véhicules automatisés et connectés réduira le nombre de victimes de collisions d’environ 80 p. 100. Quatre-vingt-quatorze pour cent de toutes les collisions sont causées par l’erreur humaine. Même si on ne pouvait éviter que la moitié de ces collisions et de la mortalité, cela signifierait que 17 000 personnes seraient encore vivantes, parmi lesquelles 500 du Michigan. Un facteur est la sécurité. Au ministère des Transports, c’est celui qui nous intéresse le plus.
Le deuxième facteur est la congestion. On accède à de vastes zones urbaines encombrées par beaucoup de congestions. Si on ne fait rien, la situation ne se résorbera pas, si elle n’empire pas. La seule autre solution est d’essayer de rendre les routes plus efficaces. Si la distance entre les véhicules est constante, c’est-à-dire de 20 pieds toujours, comme ce l’est surtout à l’heure de pointe, en zone urbaine — mais que les véhicules avancent à vitesse constante, on finit par supprimer beaucoup de manœuvres de départ et d’arrêt qui sont à l’origine de la congestion.
Poursuivons le raisonnement. Actuellement, aux États-Unis, les voies de circulation ont 12 pieds de largeur, mais la largeur maximale d’un véhicule est de 8 pieds. Chaque véhicule dispose de deux pieds de chaque côté, ce qui laisse quatre pieds entre les véhicules. Si les véhicules savent exactement où ils se trouvent et où les véhicules voisins se trouvent, cette distance n’a plus besoin d’être de quatre pieds. On pourrait facilement rapprocher ces voies pour faire circuler plus de véhicules en pelotons.
La sénatrice Saint-Germain : Merci beaucoup, monsieur Steudle, pour votre présentation très intéressante. Dans votre conclusion, vous avez souligné l’importance de travailler à d’éventuels problèmes d’interopérabilité transfrontalière. Comme vous le savez, à l’issue de nos audiences, nous devons formuler des recommandations au gouvernement du Canada. Pourriez-vous nous parler plus en détail de certains de ces problèmes d’interopérabilité qui vous préoccupent et que le gouvernement canadien devrait peut-être consacrer plus d’énergie à régler?
M. Steudle : Je vais vous donner ce qui est probablement le meilleur exemple qui me vienne à l’esprit. À l’heure actuelle, au Congrès des États-Unis, il existe deux versions de projets de loi qui traitent du déploiement des véhicules automatisés. Un a été adopté à la Chambre des représentants, tandis que l’autre est actuellement à l’étude au Sénat. Ces projets de loi tentent de quantifier le rôle du gouvernement fédéral, donc en ce qui concerne la réglementation des véhicules, et celui du gouvernement étatique. Comme je l’ai dit plus tôt, ce sont les questions relatives aux conducteurs, aux opérateurs, à l’assurance et à la responsabilité, ainsi qu’à la régulation de la circulation.
Les projets de loi actuellement à l’étude à Washington se débattent exactement avec le problème que vous avez soulevé. En ce moment, nous avons 50 États. Nous tentons, en quelque sorte, de concerter nos efforts concernant certains de nos règlements étatiques, mais ils sont différents. La loi californienne est très différente de celle du Michigan. Ensuite, il y a les États entre les deux. La réglementation de la Floride s’apparente davantage à celle du Michigan. Afin d’harmoniser ces règlements, même aux États-Unis, nous devons faire en sorte qu’ils soient tous parallèles de façon à ce que, lorsque vous vous rendez du Michigan à la Californie en voiture, vous ne deviez pas vous arrêter et éteindre le système au Kansas.
Je pense que ce sera la même chose pour le gouvernement du Canada dans toutes vos provinces. Je sais qu’il y a des gens à la grandeur de votre pays qui cherchent des façons de procéder. Je crois que vous aurez la même approche. Bien que vos provinces soient plus grandes que nos États, vous aurez toujours une frontière entre le Québec et l’Ontario qui pourrait poser problème. Le gouvernement fédéral essaie de clarifier la nature des déplacements inter-États et celle de l’interopérabilité nécessaire.
D’un point de vue technologique, nombre d’entreprises de technologie ont dit qu’elles n’avaient pas besoin d’interaction supplémentaire, que leur véhicule était suffisamment intelligent pour circuler sur une route, reconnaître ce qui se trouve autour de lui et faire l’interface avec l’environnement actuel. C’est vrai, mais cela ne donne pas un système très efficace dans lequel le véhicule parle à l’autre véhicule qui sait qu’il est sur le point de s’immobiliser, ou qui avance, ou qu’il y a un accident plus loin sur la route. C’est l’aspect connexion de la chose.
C’est là que les choses se compliquent, car il y a diverses entreprises qui ne s’entendent pas sur la façon dont elles devraient communiquer entre elles et les renseignements qu’elles devraient se transmettre. C’est un peu difficile, car vous ne voulez pas choisir de gagnant et de perdant. Cependant, d’un point de vue technologique, elles se servent d’une plateforme de communication réglementée par la Federal Communications Commission. Elles se retrouvent rapidement entremêlées avec la politique gouvernementale fédérale.
En 2010, on a déployé un modèle pilote de sécurité qui a examiné ces véhicules branchés. C’était avant l’avènement des véhicules automatisés. Du côté des véhicules branchés, les voitures communiquaient entre elles et avec les panneaux routiers. Les constructeurs d’automobiles ont défini ce protocole de communication, si bien que si elles envoient des renseignements, il s’agit des mêmes types pour qu’ils puissent être reçus à l’autre extrémité.
Quant à la technologie, elle doit trouver une solution. Cependant, du point de vue général du gouvernement, je pense que la capacité d’aplanir certaines des difficultés sur le plan de l’interopérabilité — donc de faire en sorte que les lois régissant la circulation soient semblables — constitue aussi une étape importante. C’est un peu risqué. Je ne peux pas parler précisément de l’expérience canadienne. Cependant, aux États-Unis, les fervents partisans des États ont le droit de fixer les règles exactement comme ils l’entendent et peuvent interdire des choses s’ils n’en veulent pas. Le gouvernement fédéral dit: « Non, vous ne pouvez pas faire cela. Il faut que tout soit uniforme ». Ce débat donne lieu à d’intéressantes discussions.
Le sénateur Saint-Germain : Pensez-vous qu’un projet pilote entre, disons, une province canadienne et un ou deux États américains serait utile dans la perspective d’une meilleure harmonisation?
M. Steudle : Absolument. En fait, j’accueillerais favorablement une occasion de poursuivre la collaboration entre le Michigan et l’Ontario. Nous faisons beaucoup de choses avec l’Ontario. Comme je l’ai mentionné, l’État du Michigan a plus en commun avec l’Ontario, honnêtement, qu’avec nombre de nos autres États. Je me réjouirais à la perspective d’une collaboration continue entre le Michigan et l’Ontario. Nous avons trois points de passage internationaux qui pourraient être très utiles.
Le vice-président : Avant de passer à la deuxième série de questions, monsieur Steudle, je veux revenir à la question des projets pilotes que la sénatrice vient de mentionner. En janvier dernier, le Département des Transports des États-Unis a annoncé 10 lieux désignés d’essai pour encourager les essais et l’échange de renseignements sur la technologie des VA. Un de ces lieux a été désigné au Michigan. Pouvez-vous nous donner une mise à jour des progrès qui ont été réalisés à cet égard, le cas échéant?
M. Steudle : C’est l’American Center for Mobility sur le site de l’ancienne usine Willow Run, site de 500 acres qui, à l’heure actuelle, est probablement à quatre semaines d’avoir une voie à haute vitesse, c’est-à-dire une voie de 4,02 kilomètres qui compte des échangeurs à trois niveaux que les véhicules empruntent. Elle compte des bretelles d’accès et de sortie et un tunnel qui est en courbe si bien que, lorsque le véhicule s’approche du tunnel sombre, il ne voit qu’un trou noir. Il ne peut pas voir la lumière au bout du tunnel à cause de la courbe. Sa chaussée est bétonnée et asphaltée, et elle contient différents types de glissières de sécurité. Cette voie à vitesse élevée pourra servir aux essais début décembre.
Parallèlement, on travaille à d’autres environnements multiples qui comprennent un boulevard à plusieurs voies qui passe sous la voie à haute vitesse, ainsi qu’un pont à voies multiples qui passe au-dessus. Il y a ce qu’on appelle l’intersection de la NHTSA, qui est une conception très précise du gouvernement fédéral dans laquelle les véhicules doivent pouvoir manœuvrer. Elle est aussi en construction.
Au fil du temps, on procèdera à des essais hors route pour permettre d’essayer différentes manœuvres sur une surface très plane, et on construit actuellement un campus. Certains immeubles en construction permettront à des entreprises qui se trouvent sur place temporairement de louer un emplacement d’environ 20 pieds par 80 pieds. Ensuite, au printemps, on entreprendra la construction d’immeubles beaucoup plus grands, qui seront pour les membres fondateurs.
L’État du Michigan finance la majeure partie des travaux de construction. Puisqu’il s’agissait d’une subvention de sollicitation du Michigan Strategic Fund versée à l’American Center for Mobility, on a trouvé le financement privé en contrepartie et on a obtenu le soutien de bailleurs de fonds.
Il y a sept postes de fondateurs. AT&T a été parmi les premiers signataires, tout comme Toyota et Ford Motor Company. Il y en a trois qui sont sur le point d’être annoncés. Je ne peux pas vous les nommer avant qu’ils aient publié des communiqués pour annoncer qu’ils se joindront aux autres. Enfin, on met actuellement la dernière main aux négociations avec un septième fondateur. Ces sept membres fondateurs ont chacun fait une contribution de quelque 5 millions de dollars pour faciliter les choses pendant les trois premières années. Ils commencent maintenant à travailler à la prochaine étape, qui est celle des commandites et qui, je pense, se situe dans les 2 millions de dollars; on en attend aussi environ une vingtaine.
Une autre composante de l’ACM est son volet éducatif. Ce matin même, le gouverneur signera un accord avec les 17 universités, collèges et collèges communautaires à l’ACM pour collaborer à leurs programmes éducatifs et développer les études en STIM dès les deux cycles du secondaire, le collège et le collège communautaire afin qu’on puisse y acquérir les compétences techniques nécessaires, par exemple, à un mécanicien qui finira par travailler à ces voitures. Ensuite, bien sûr, on offrira un volet éducatif au niveau universitaire pour les ingénieurs et les programmeurs informatiques.
Ce consortium sera signé aujourd’hui et réunira ces 17 établissements d’enseignement pour qu’ils collaborent au lieu de se faire concurrence, car il arrive fréquemment que des collèges et universités soient en compétition les uns avec les autres pour attirer les mêmes étudiants. Ce faisant, on essaie d’utiliser les fonds publics et le financement de façon plus efficace.
Le vice-président : Merci beaucoup. C’est une réponse très exhaustive.
La sénatrice Galvez : Pour faire fond sur ma première question concernant les objectifs de l’utilisation des véhicules branchés, je crois savoir qu’ils se rapportent à l’efficacité et à la sécurité. Je peux comprendre, si on parle de transports en commun et si tous ces véhicules sont standards et très semblables, car on rehaussera l’efficacité avec l’électrification, les transports en commun, la sécurité et les camions de transport, mais êtes-vous en train de dire que ces entreprises — Toyota, General Motors, Chevrolet — commenceront à construire le même type de véhicule et pas divers modèles? Je vous vois rire. Pourquoi?
M. Steudle : C’est une excellente question. Je vis juste à côté de Détroit, alors ma famille travaille depuis longtemps dans l’industrie automobile. Je ris quand vous parlez des différents modèles, et c’est ce qui les distingue tous. Je pense que ces modèles seront ici pour longtemps. Nous devons aller beaucoup plus loin pour nous retrouver seulement avec une capsule utilitaire qui ne fait qu’aller du point A au point B. Peut-être que les membres de la société finiront par choisir de dépenser leur argent à faire autre chose, mais on n’a toujours pas décidé.
Je me souviens d’avoir lu un article de Bob Lutz, directeur de longue date chez Ford, Chrysler et General Motors, dans lequel il parlait de sa vision. Il est dans les 70 ans avancés, je crois. J’espère ne pas m’être trompé au sujet de son âge. Il avait une vision qui paraissait semblable à celle dont vous parlez, c’est-à-dire que dans une vingtaine ou une quarantaine d’années, le réseau de transport sera différent et les gens conduiront un type de capsule. La question qui se pose alors est celle de savoir s’il s’agit d’une capsule personnalisée qui ne vous appartient qu’à vous ou si vous en utilisez une que tout le monde utilise? C’est une question à laquelle la société devra répondre. Cependant, je pense qu’il y aura des automobiles pendant longtemps.
Comme vous l’avez mentionné, nous pensons aussi à General Motors et à Toyota ou à Ford. Pas plus tard que la semaine dernière, une nouvelle entreprise d’Ann Arbor, au Michigan, faisait l’essai d’une nouvelle navette autonome de six à huit sièges dans les rues de Détroit. Elle transportait les employés de leur stationnement à leur bureau situé à l’administration centrale, qui se trouvait à environ 1,6 kilomètre de là. Elle circulait de sept heures à 22 heures et assurait l’aller-retour. Elle suivait un trajet fixe, alors elle n’allait pas, comme qui dirait, « dans la nature ». Elle connaissait les rues et savait où elle allait.
Je crois que cette navette a été construite par Polaris au Minnesota. Elle respecte toutes les normes fédérales et elle se trouvait dans la circulation avec les autres véhicules. Elle peut atteindre une vitesse maximale de 38,6 kilomètres-heure, mais les automobiles circulent peut-être à 24 ou à 32 kilomètres-heure au centre-ville. Elle transportait les passagers d’un point à un autre. Elle n’avait ni volant ni freins. Une personne, un ambassadeur de la sécurité, prenait place sur le siège avant. Si elle avait besoin d’interagir avec le véhicule, elle pouvait le faire mais, à ma connaissance, cela n’a pas été nécessaire. La navette transportait les passagers d’un endroit à l’autre.
Selon les commentaires que j’ai lus dans les médias, les gens étaient très à l’aise avec ce véhicule. Ils n’estimaient pas qu’il aurait dû s’arrêter lorsqu’il ne l’a pas fait ou qu’il aurait dû accélérer. Ils se sentaient à l’aise avec la façon dont le véhicule fonctionnait.
Voici ce que je suggère. Il est ici question d’une petite entreprise en démarrage qui pourrait être achetée par une plus grande société, mais ce qui compte, c’est l’élément technologique qui se trouve sur le dessus de la navette. C’est l’élément qui se rapporte à la « volonté d’apprendre » dont j’ai parlé. Il permet de se poser la question de savoir comment cet élément va régler une situation future maintenant qu’on en dispose.
Une des questions les plus importantes en ce qui concerne les réseaux de transport est celle du premier et du dernier kilomètre. Vous descendez à l’arrêt et il vous reste encore quelques kilomètres à parcourir. Si ces types de navettes peuvent transporter les gens dans ces secteurs, cela aide à régler le problème. Selon moi, cela aide aussi à accroître la mobilité rurale. Je pense que nous pouvons prendre cette technologie et l’étendre jusqu’aux régions rurales de notre État, ou à un pays ou, honnêtement, au monde entier une fois que le plan aura été dressé. Vous devez savoir où tout se trouve. Le trajet est, en quelque sorte, fixe, mais je pense que la technologie peut nous amener au point où nous sommes en mesure d’accroître la mobilité des aînés et des personnes qui sont handicapées ou peut-être coincées chez elles.
La sénatrice Bovey : Je veux revenir aux essais. Je suis intriguée par l’installation que vous dites avoir mise en place avec des bretelles d’accès et de sortie et autres. J’ai eu l’occasion de circuler à bord d’un de ces véhicules. Nous avons emprunté une route où il n’y avait qu’une ligne en plein milieu et pas sur le côté. Vous avez parlé de lignes des deux côtés et mentionné que nous n’aurions pas besoin de garder quatre pieds entre les voitures. Qu’en est-il des nombreuses routes au Canada et dans votre pays qui n’ont qu’une ligne au centre? Cela s’inscrit dans la question des essais.
À Winnipeg, ma ville, nous avons une saison qu’on pourrait appeler la saison des nids-de-poule. Vous avez parlé de différentes surfaces. Je me pose des questions au sujet des nids-de-poule — qui sont nombreux tant chez vous que chez nous — et du temps. Encore une fois, au Manitoba, une bonne partie du transport hivernal dans le nord se fait sur des routes glacées. Je me demande si on tient compte de ces scénarios habituels et moins habituels pour l’avenir.
M. Steudle : Tout à fait. Il existe une autre installation dont je n’ai pas parlé qui s’appelle Mcity. Elle se trouve à l’Université du Michigan, à Ann Arbor. Elle a été créée et inaugurée en 2015. Il s’agit d’un site de 35 acres qui compte 30 éléments différents qu’un véhicule rencontrera sur les voies publiques, comme un rond-point, des chemins de terre, un passage à niveau et une zone urbaine en très petits segments.
Pour répondre à votre question concernant les essais en hiver, il y a un an et demi, Ford Motor Company a procédé à son premier essai de ce type à Mcity avec un véhicule autonome. C’était un de ses premiers prototypes de véhicules dotés de capteurs LIDAR. On l’a fait circuler sur ces routes la nuit pendant une tempête de neige. On a appris de façon exponentielle. On a vraiment appris concernant la technologie LIDAR, la façon dont la neige s’entasse dessus, dont elle bousille le signal et dont elle fait en sorte qu’il soit impossible de détecter une marque sur la chaussée.
Il est primordial de voir un véhicule automatisé comme une série de listes de vérification. Est-il muni d’une carte GPS? L’ordinateur dit: « A-t-il une carte GPS? Sait-il précisément où il se trouve? Est-il doté d’une fonction LIDAR? Possède-t-il des caméras dirigées vers l’avant et vers l’arrière? Est-il équipé de systèmes de radar et de tous les différents systèmes qui lui permettront même de détecter les lignes peintes? » Au fur et à mesure qu’il coche des cases sur sa liste, il se sent à l’aise et se dit qu’il sait où il se trouve et peut avancer. Si la moitié de ces cases ne sont pas cochées, il pourrait ne pas savoir exactement où il se trouve et rester immobile. Peut-être que j’invente ce chiffre. Peut-être qu’il y a 10 cases et que le véhicule se dit que seulement deux ont été cochées, alors il refuse de bouger. Je ne suis pas ingénieur de l’automobile et je ne veux pas prétendre l’être, mais vous comprenez ce que je veux dire. Le véhicule est muni d’une liste de vérification pour déterminer s’il peut avancer ou pas.
Pour ce qui est des lignes peintes pour la circulation, voici un bon exemple. J’ai réclamé cela à l’échelle nationale, et même avec Google il y a quatre ans, soit que tous les États devraient avoir une bonne ligne peinte. Au Michigan, il y a 122 000 milles de routes publiques, mais 50 p. 100 sont en gravier. Ils n’auront jamais une ligne peinte.
J’en ai parlé à un ami qui travaille dans ce domaine chez Ford, et il m’a dit « On a réglé le problème. On peut voir le bord d’une route en gravier très facilement, sans avoir une ligne peinte. » Depuis quelques années, la technologie a fait de tels progrès qu’elle peut maintenant voir le terrain tout autour.
J’habite dans un lotissement où il n’y a pas de ligne centrale. La route est pavée, mais il n’y a pas de ligne centrale sur la route. J’habite le long d’une route de campagne où il n’y a pas de lignes latérales. Je sais exactement de quoi vous parlez.
C’est ce qu’a fait la loi qui a été adoptée en 2016 au Michigan. Elle a ouvert toutes ces routes aux essais. On ne s’en remet donc plus uniquement aux essais effectués dans des installations. On peut donc conduire son véhicule sur une route à deux voies qui n’a qu’une ligne centrale peinte ou sur une route de gravier et voir comment il réagit.
La sénatrice Bovey : Merci.
Le vice-président : Merci, monsieur Steudle, de votre participation aujourd’hui. Le Sénat du Canada vous remercie d’avoir pris le temps de nous parler.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter maintenant nos prochains témoins: M. Finch Fulton, sous-secrétaire adjoint à la politique de transport au Département américain des transports. M. Fulton a fait partie de l’équipe de transition du président Trump qui s’est penchée sur la politique de transport et d’infrastructure. Il est accompagné de M. Nathaniel Beuse, administrateur associé pour la recherche sur la sécurité des véhicules à l’Administration nationale de la sécurité du trafic routier.
Je vous remercie d’être avec nous ce matin. Nous vous offrons nos félicitations à l’occasion du 51e anniversaire du Département américain des transports, dimanche dernier. J’invite M. Fulton à faire son exposé, après quoi les sénateurs lui poseront des questions.
Finch Fulton, sous-secrétaire adjoint à la politique de transport, Département américain des transports : Je m’appelle Finch Fulton et je suis sous-secrétaire adjoint à la politique de transport, ici au Département des transports.
J’aimerais vous présenter M. Nat Beuse, administrateur associé à la recherche sur la sécurité des véhicules à l’Administration nationale de la sécurité du trafic routier. Nat a énormément d’expérience au sein du ministère, et il a travaillé de nombreuses années sur la directive fédérale sur les véhicules autonomes que nous avons aujourd’hui. Il sera en mesure d’expliquer comment nous en sommes arrivés là où nous en sommes aujourd’hui, ainsi que de répondre aux questions techniques.
C’est un honneur pour nous de représenter la secrétaire Elaine Chao et le Département américain des transports pour contribuer à l’étude du Comité sur les questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés. Nous remercions le Comité sénatorial permanent des transports et des communications ainsi que son président, M. Dawson, de nous avoir invités à participer à la séance d’aujourd’hui.
Avant de parler de l’approche et du cadre actuellement mis en place par le Département quant aux véhicules branchés et automatisés, je tiens à souligner l’importance accordée par la secrétaire Chao aux liens qu’entretiennent le Département américain des transports et Transports Canada. Comme vous le savez tous, les deux entités ont signé leur premier accord de coopération il y a plus de 45 ans et l’administration Trump est déterminée à maintenir la coopération et l’échange d’informations, surtout en ce qui concerne la sécurité et les domaines d’innovation émergents comme les véhicules branchés et automatisés, ainsi que nos systèmes de contrôle de la circulation aérienne. En fait, le ministre Garneau a été l’un des premiers représentants étrangers avec lesquels la secrétaire Chao s’est entretenue et qu’elle a rencontrés. De plus, au mois de mars, en compagnie de la secrétaire Chao, du ministre Garneau et d’autres hauts fonctionnaires américains et canadiens, j’ai eu le privilège de constater par moi-même les excellents résultats du transfert, par le gouvernement canadien, du système de contrôle de la circulation aérienne à NAV CANADA. Nous sommes ravis de pouvoir vous rendre ne serait-ce qu’une infime partie de l’amabilité et de l’esprit de collaboration dont vous avez déjà fait preuve à notre égard.
Nous savons aussi qu’il existe une collaboration active entre le Canada et les États-Unis dans le domaine des véhicules branchés et automatisés. Je me suis réjoui de constater les résultats de ces efforts dans le livre blanc intitulé Les véhicules automatisés au Canada, qui a été récemment publié par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Nous avons l’intention de continuer à travailler avec nos homologues canadiens pour veiller à ce que les préoccupations des parties nord-américaines trouvent un écho sur la scène internationale.
La sécurité est la priorité absolue du Département américain des transports. La mise en marché de systèmes utilisant la connectivité, des caméras améliorées, la technologie LIDAR et les radars, la réalité virtuelle et amplifiée, les avancées réalisées dans le domaine de l’apprentissage machine et d’autres technologies automobiles a rapidement pris de l’ampleur au cours des dernières années. Ce sont ces systèmes qui constitueront le fondement de niveaux d’automatisation accrus et nous nous attendons à ce qu’arrivent très bientôt sur le marché mondial des systèmes automobiles automatisés qui prendront en charge de plus en plus d’aspects de la conduite automobile.
Vous avez souvent entendu dire que l’erreur humaine est la cause de plus de 90 p. 100 des accidents de voiture, une statistique préoccupante. En 2016, 37 461 personnes ont perdu la vie dans des accidents sur les routes américaines. Les technologies de sécurité actuelles de prévention des collisions et d’autres technologies automobiles automatisées sont susceptibles d’aider les conducteurs à éviter les collisions.
En septembre dernier, le Département américain des transports a lancé la nouvelle directive fédérale intitulée Automated Driving Systems 2.0: A Vision for Safety afin de soutenir et d’encourager l’avancement des véhicules automatisés. Cette directive s’appuie sur la politique précédente et tient compte de la rétroaction obtenue auprès du public, de nos partenaires étrangers et des audiences du Congrès. La directive A Vision for Safety prépare l’arrivée sécuritaire de technologies d’aide à la conduite de pointe en présentant des directrices volontaires qui encouragent l’application de pratiques exemplaire et accordent la priorité à la sécurité. Elle offre également une aide technique aux États et propose des pratiques exemplaires aux décideurs politiques. La directive aborde de façon particulière le déploiement sécuritaire des systèmes de conduite automatisée de niveaux 3 à 5, qui correspondent aux systèmes d’automatisation de catégories conditionnelle, élevée et complète. Elle propose également l’étude de 12 éléments de conception prioritaires en matière de sécurité, notamment la cybersécurité automobile, l’interface opérateur-machine, la résistance aux chocs, l’éducation et la formation des consommateurs et le comportement des systèmes de conduite automatisée après une collision.
Ces lignes directrices volontaires offrent aussi à l’industrie un cadre de travail souple sur la manière d’aborder un élément de conception donné en matière de sécurité, tout en laissant la porte ouverte à l’innovation émanant du secteur privé. Par ailleurs, afin de renforcer la confiance du public, A Vision for Safety invite les entités qui participent aux essais et au déploiement à divulguer publiquement des autoévaluations de sécurité volontaires de leurs systèmes afin de démontrer les différentes approches adoptées pour en assurer la sécurité. Vous avez peut-être entendu parler de Waymo, qui, le 12 octobre, est devenu la première entreprise à publier son évaluation de sécurité volontaire.
De plus, A Vision for Safety plaide en faveur de la multitude de possibilités de transport que représentent les systèmes de conduite automatisée pour les personnes handicapées en encourageant la prise en compte des besoins particuliers de ce segment de la population lors de la conception et de la création des véhicules autonomes et de l’élaboration des politiques les concernant.
Au cours des prochains mois et des prochaines années, le Département américain des transports, l’Administration nationale de la sécurité du trafic routier et d’autres organismes fédéraux continueront à jouer un rôle de chef de file en encourageant l’intégration sécuritaire des technologies automobiles automatisées au parc automobile et sur la voie publique en ce qui a trait aux politiques, à la recherche, aux normes de sécurité, au transport de marchandises et à l’usage commercial, aux infrastructures et au transport en commun.
À la demande de la secrétaire Chao, dès qu’elle a eu publié A Vision for Safety, le Département a entrepris l’élaboration d’un cadre de travail ministériel global afin de faciliter l’adoption des systèmes de conduite automatisée de surface qui inclura l’Administration nationale de la sécurité du trafic routier, l’Administration fédérale des autoroutes, l’Administration fédérale de la sécurité des transporteurs automobiles, l’Administration fédérale du transport en commun et l’Administration maritime.
Le Département américain des transports est déterminé à faciliter 1’avancement des véhicules automatisés et à y contribuer, tout en maximisant les résultats avantageux en matière de sécurité, de déplacements et d’efficacité. Nous continuerons de chercher des moyens de modifier les règlements qui pourraient retarder inutilement ces innovations. Nous nous réjouissons à l’idée de continuer à travailler avec nos homologues canadiens pour promouvoir les véhicules automatisés, notamment en ce qui concerne d’éventuels problèmes d’interopérabilité transfrontalière. Nous envisageons un avenir où les véhicules pourraient nous aider à prévenir les accidents, améliorer les possibilités de déplacement pour les personnes âgées et les personnes handicapées, et représenter de nouvelles possibilités économiques, où le coût du carburant et le temps consacré au transport diminueraient considérablement, où des millions de personnes auraient accès à un transport abordable et fiable et où, plus important encore, le nombre de décès et de blessures sur les routes connaîtrait un énorme déclin.
Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez parlé des accidents et des décès et du fait qu’on espère pouvoir réduire leur nombre considérablement grâce aux véhicules branchés et automatisés, mais j’aimerais vous poser une question au sujet de la collision survenue en mai 2016 entre un véhicule Tesla et un camion. Les enquêteurs ont conclu que le conducteur du camion était en faute pour ne pas avoir cédé le passage, et que le conducteur du véhicule l’était également pour avoir été inattentif et s’en être remis de façon excessive à l’automatisation. Quelles mesures ont été prises à ce sujet? La décision soulève des préoccupations concernant le fait de trop se fier à l’automatisation, et pourtant, nous nous dirigeons vers une plus grande automatisation des véhicules, le niveau 5, et des conducteurs de moins en moins attentifs à ce qui se passe si des situations similaires se produisent. Avez-vous tiré des leçons de ce malheureux accident mortel pour les appliquer à la politique publique?
Nathaniel Beuse, administrateur associé pour la recherche sur la sécurité des véhicules, Administration nationale de la sécurité du trafic routier, Département américain des transports : Cette collision a mis en lumière deux choses dont M. Fulton a parlé. Une se trouve dans la directive publiée par la secrétaire Chao. Il y a un élément qui porte surtout sur les facteurs humains. C’est la dépendance excessive dont vous avez parlé. C’est l’avenir pour les véhicules L3, L4 et L5, soit ceux pour lesquels le véhicule est vraiment responsable de la conduite, comparativement à ceux de niveau 2, comme celui que vous avez mentionné, où c’est le conducteur qui en est responsable.
Du point de vue de la politique, nous avons fait deux choses. Nous avons veillé à ce que le programme de recherche examine de près ce genre de problème, et nous avons travaillé directement avec les constructeurs pour nous assurer qu’ils y portent eux aussi une attention particulière.
Pour ce qui est de comprendre et de gérer le système, c’est différent de notre façon d’imaginer les niveaux supérieurs d’automatisation. Nous avons déjà dit que certains éléments de la directive pouvaient s’appliquer à un système de ce genre, et que les problèmes liés aux facteurs humains sont différents, mais les compagnies doivent se concentrer sur ceux-ci de toute façon.
Le rapport du National Transportation Safety Board vient tout juste d’être publié. Nous examinons notre programme en ce moment même pour vérifier si nous voulons y apporter d’autres changements.
Le sénateur Eggleton : Est-ce que l’un des changements pourrait être d’exiger que quelqu’un soit derrière le volant et prêt à prendre le relais? Et à partir de quel niveau la confiance serait-elle suffisante pour ne plus avoir cette exigence?
M. Fulton : Cela dépendra en partie du niveau d’automatisation de chaque véhicule. Les constructeurs se font concurrence sur la sécurité. Ils veulent tous avoir le produit le plus sécuritaire que les gens comprennent le mieux. Leur façon d’informer le public sur les outils technologiques de leurs véhicules sera garante du succès de leur produit. Ils savent qu’ils doivent dire exactement à leurs clients ce qu’il en est du niveau de sécurité et de l’attention qui est requise, alors il n’est sans doute pas nécessaire de l’exiger. Les constructeurs d’automobile savent que ce sera un des points chauds de la concurrence.
Nous ne voulons pas réglementer leur façon de faire à chaque étape. Nous voulons que ce soit basé sur la performance. Ils savent qu’ils doivent avoir le plus haut niveau de sécurité possible et qu’ils doivent dire exactement aux conducteurs ce qu’il en est le mieux possible. Ils nous disent qu’ils doivent se concentrer sur la sécurité, et nous allons les y aider.
Le sénateur Eggleton : Les gouvernements doivent se soucier de la sécurité. Dans votre exposé, vous avez dit que les lignes directrices « A Vision for Safety » invitent les entités qui œuvrent aux essais et au déploiement à divulguer publiquement des autoévaluations de sécurité volontaires de leurs systèmes afin de démontrer les différentes approches adoptées pour en assurer la sécurité. Cela fait suite à ce que vous venez de dire. Cependant, quelle est la limite des exigences volontaires et quand des exigences gouvernementales doivent-elles être imposées? Où cette limite se situe-t-elle? Les gouvernements doivent se soucier de la sécurité des gens. Nous espérons évidemment que l’industrie s’en soucie également; les constructeurs veulent être concurrentiels et offrir des véhicules sécuritaires. Toutefois, comment déterminons-nous ce qui est fait de manière volontaire et ce qui devrait faire l’objet de mesures réglementaires en matière de sécurité?
M. Fulton : Vous soulevez un bon point, et cela nous donne l’occasion de souligner que, dans nos lignes directrices, l’Administration nationale de la sécurité du trafic routier conserve toutes les responsabilités en matière d’application des mesures et de rappels. Si quelque chose de non sécuritaire se trouve sur la route, l’Administration nationale de la sécurité du trafic routier peut encore émettre un rappel concernant ces véhicules ou prendre des mesures pour assurer la sécurité. Nous devons établir de manière proactive l’approche que nous pensons que nous devrions avoir. Nous devons être prêts à intervenir là où nous jugeons nécessaire de le faire, sans toutefois nuire à l’innovation.
La sénatrice Griffin : Je vous remercie de votre exposé d’aujourd’hui. C’est très intéressant. Je crois comprendre qu’en septembre votre département a publié une politique sur les véhicules automatisés et que la population vous a fait part de ses commentaires à ce sujet lors d’audiences du Congrès et par d’autres moyens. Quels sont les principaux thèmes que nous pouvons dégager des commentaires reçus durant ce processus?
M. Beuse : Il y avait quelques grands thèmes. Premièrement, il y avait le résultat positif; les gens étaient satisfaits de la démarche volontaire, soit le cadre flexible qui a permis le déploiement de ces véhicules et surtout leur mise à l’essai. Ce processus a donné l’occasion aux entreprises de parler de sécurité et d’aller plus loin que de seulement rappeler que nous avons conduit cinq millions de miles sans avoir d’accident. Les commentaires visaient davantage à nous informer des domaines de sécurité concrets sur lesquels l’industrie peut mettre l’accent. Bref, c’était vraiment un résultat positif. Même en ce qui concerne la nature volontaire des lignes directrices, le milieu semblait reconnaître qu’il pouvait appuyer une telle approche et croire que c’était important pour expliquer aux consommateurs comment le milieu traitait de la question de la sécurité.
Certains commentaires plus négatifs visaient davantage à obtenir des précisions et concernaient des formulations qu’il fallait modifier pour rendre le tout plus clair. L’un des éléments qui méritent d’être mentionnés est l’éthique. Au départ, nous avions proposé que l’éthique fasse partie de l’un des éléments de sécurité dont les entreprises devraient tenir compte. Nous avions retenu au départ ces éléments en nous appuyant sur nos travaux et des travaux du Conseil de recherche sur les transports aux États-Unis et d’autres partenaires internationaux; peu importe les gens avec lesquels nous parlions des véhicules autonomes, l’éthique était toujours l’un des éléments que les gens mentionnaient.
Nous en avons fait l’annonce et avons reçu des commentaires. Toutes les personnes qui ont fait des commentaires ont dit que l’éthique était importante, mais elles ont mentionné qu’elles n’étaient pas certaines de ce qu’est la norme pour déterminer ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas. Il n’y avait pas de lignes directrices sur lesquelles les entreprises pouvaient s’appuyer pour répondre à cette question pour elles-mêmes et la population. Certains ont fait valoir que cet élément pourrait mener l’industrie à suivre une certaine voie, alors que ce n’est pas ainsi que les véhicules sont programmés. Nous avons retiré cet élément dans la dernière mouture. Voilà un exemple d’un aspect que le milieu n’était tout simplement pas prêt à adopter.
À mon avis, un autre thème important qui est ressorti est l’importance de très clairement énoncer — M. Fulton a touché à cette question — que c’est la responsabilité du gouvernement fédéral de réglementer les véhicules automobiles et les équipements automobiles aux États-Unis et que c’est la responsabilité des États de réglementer la délivrance des permis, les assurances et les autres aspects liés aux véhicules automobiles. Dans la version précédente de notre document, même si nous avons essayé de très clairement l’énoncer, nous avons en effet connu certaines ratées. Donc, dans la dernière mouture, nous avons précisé le tout et nous avons en fait ajouté une partie qui met l’accent sur les assemblées législatives des États. Nous avons reçu bon nombre de commentaires qui nous disaient que c’était bien de nous concentrer sur le personnel du département des Transports, mais qui nous indiquaient aussi que nous avions vraiment raté une occasion de nous adresser directement aux assemblées législatives des États qui envisagent des mesures législatives dans ce domaine. Nous avons donc aussi ajouté des lignes directrices et des pratiques exemplaires à leur intention.
La sénatrice Bovey : Merci. J’aimerais m’inspirer de la question de mon collègue, le sénateur Eggleton, et de vos réponses. Je comprends certainement que vous ne voulez pas stimuler la recherche-développement, et je respecte votre décision. Cependant, comme nous examinons les activités transfrontalières entre le Canada et les États-Unis pendant que le gouvernement fédéral essaie de déterminer les mesures réglementaires fédérales qui seraient appropriées en fonction des pouvoirs des provinces, j’aimerais aller un peu plus loin. Recommanderiez-vous que le gouvernement canadien adopte des lignes directrices volontaires plutôt que des mesures réglementaires obligatoires? Je comprends la flexibilité que procurent des mesures volontaires, mais je m’inquiète également de la sécurité publique. À un moment donné, les mesures volontaires doivent certainement être réglementées.
M. Fulton : L’approche que nous avons adoptée vise certainement à améliorer chaque année nos lignes directrices en collaboration avec nos partenaires au Congrès, l’industrie et la population dans son ensemble pour nous assurer de prendre des mesures dans chaque nouvelle mouture pour aider tout le monde à être sur la même longueur d’onde.
Nous avons l’impression qu’il serait prématuré d’adopter trop de mesures réglementaires obligatoires dans ce domaine. Il y aura énormément de travaux et de discussions dans l’avenir, mais nous ne nous sentons pas à l’aise à ce stade de rendre obligatoires des mesures qui influeront sur ces technologies durant des décennies, alors que ces technologies en sont encore à leurs premiers pas et qu’il y a encore tellement de choses à apprendre et à faire. Nous voulons définir la voie à suivre, mais nous ne voulons pas la prescrire, parce que nous choisirons peut-être de mauvais éléments technologiques ou de mauvaises voies à suivre qui ne nous permettront pas d’arriver au meilleur résultat.
M. Beuse : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter quelque chose à ce que vient de dire M. Fulton. À mon avis, l’un des aspects que nous avons constatés aux États-Unis par rapport à la nature de la technologie est qu’il faut être très clair quant aux aspects précis dont nous parlons exactement. Il n’y a actuellement aucun véhicule de niveau 3 sur la route, soit les véhicules que visent les lignes directrices. Ce document met l’accent sur des véhicules qui ne sont pas encore une réalité. Même le premier constructeur qui a publiquement annoncé qu’il produira un véhicule de niveau 3 continue de repousser la date de lancement. Au départ, c’était censé se faire cette année; le constructeur dit maintenant que ce sera l’an prochain.
Le sénateur a soulevé plus tôt un enjeu très précis; appelons cela le problème relatif aux véhicules de niveau 2 et à l’espèce de confusion chez les conducteurs. Dans quelle mesure suis-je responsable des tâches liées à la conduite? Les icônes sont-elles suffisamment grandes, et cetera? C’est un enjeu fondamental lié aux facteurs humains, tandis que dans les véhicules de niveaux 3, 4 et 5 il est question du logiciel qui s’occupe de la conduite du véhicule, de problèmes de cybersécurité et de véhicules dont la forme sera peut-être différente. Comme M. Fulton l’a mentionné, ces aspects évoluent continuellement. Tous les six mois, une personne présente une version différente de ce qui avait été présenté six mois plus tôt. Nous n’avons qu’à penser à Waymo dans son ensemble. Au départ, l’entreprise devait produire un véhicule de niveau 3 ou 4 pour la conduite sur les autoroutes qui se transformerait en un véhicule pour la conduite à basse vitesse; elle dit maintenant qu’elle ne construira même pas un véhicule; elle commercialisera seulement le logiciel.
Voilà certains points que nous examinons. Au lieu de juger d’avance la direction que tout le monde suivra, nous essayons davantage de trouver comment inciter les gens à se soucier de la sécurité et à discuter de cet aspect, tout en les laissant faire leur excellent travail en raison du potentiel. Je crois qu’il est important de rappeler que nous ne renonçons à rien; nous avons encore tous nos outils et toute notre capacité d’application des mesures. Nous n’avons pas non plus besoin d’attendre qu’un grand nombre d’accidents surviennent ou même qu’un accident survienne pour en fait y avoir recours. Nous sommes très conscients que nous devons veiller à la sécurité de ces véhicules.
La sénatrice Bovey : J’aimerais très rapidement traiter de l’éthique et de l’aspect juridique. L’autre élément ayant trait à la sécurité est la cybersécurité et la protection des données. Pouvez-vous brièvement nous en parler?
M. Beuse : Avec plaisir. Aux États-Unis, nous avons adopté une approche en matière de cybersécurité qui mise sur une très grande collaboration avec les constructeurs automobiles. Aux États-Unis, il y a eu certains progrès au cours des 12 derniers mois qui méritent peut-être d’être mentionnés. Premièrement, l’industrie automobile a mis sur pied ce que nous appelons un centre d’échange du renseignement et de l’information. Cette initiative a essentiellement débuté avec un groupe de constructeurs de véhicules légers, et le groupe se compose maintenant de plus de 40 entités qui échangent de manière anonyme de l’information concernant des cyberévénements. Bref, l’information n’est pas que GM a vu ceci; c’est plutôt qu’une entreprise a vu ceci. Cet environnement permet d’en apprendre grandement, et c’est une initiative empruntée à d’autres secteurs, comme les banques, l’énergie, le réseau électrique, et cetera. Cela s’est avéré un bon modèle pour détecter quand des cyberévénements se produisent et aider l’industrie à intervenir rapidement. Ce même groupe a aussi élaboré des pratiques exemplaires pour les industries dans le milieu.
Nous avons en fait repris cette initiative et avons publié nos propres pratiques exemplaires; nous sommes en train d’y mettre la touche finale. Ce document met davantage l’accent sur les aspects liés à la conception du véhicule. Parallèlement, nous encourageons fortement la Société des ingénieurs de l’automobile à élaborer une norme de l’industrie en matière de cybersécurité, et ce travail est également passablement avancé. La première norme a été publiée à la fin de l’année dernière. Notre approche vise à cerner les problèmes et à demander à l’industrie de les régler.
En ce qui concerne les données et surtout la protection des données, nous sommes d’avis que c’est un domaine où les responsabilités en la matière sont clairement définies aux États-Unis entre le département des Transports et un autre organisme, la Commission fédérale du commerce. La Commission fédérale du commerce est principalement chargée des enjeux liés à la protection de la vie privée aux États-Unis, y compris tout vol ayant trait à un véhicule, mais nous avons mentionné que nous nous occupons de la sécurité et que l’autre organisme s’occupe des aspects liés à la vie privée. J’espère que cela répond à votre question.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Nous entendons beaucoup de témoins nous dire que nous devons passablement laisser les coudées franches aux technologies et à la recherche pour que des innovations en émergent, pourvu que tout le monde pense à la sécurité. Je suis plutôt d’accord avec cela.
Étant donné qu’il y aura de plus en plus d’essais pilotes, d’exercices et de démonstrations et maintenant que certains organismes gouvernementaux comme le vôtre, le département des Transports, élaborent des politiques évolutives, cela m’amène à me poser une question. Durant un certain temps, aurons-nous des passagers qui auront une couverture différente? Nous affirmons que ce moyen de transport réduira les accidents et sera plus sécuritaire. Êtes-vous en train de dire que certaines personnes auront un type d’assurance, tandis que d’autres auront un autre type? En ce qui concerne les permis de conduire et les permis de circuler sur les autoroutes, les mesures réglementaires seront-elles compatibles ou incompatibles, et ce, durant combien de temps? À quoi vous attendez-vous?
M. Fulton : À mon avis, c’est un aspect qu’un précédent témoin devant votre comité a en fait très bien expliqué. Je ne me souviens plus de son nom, mais il représentait le département des Transports de l’État de l’Arizona. J’ai trouvé qu’il a réussi à l’expliquer de manière plutôt simple. Lorsqu’il achète un véhicule, il souscrit à une assurance. Si sa femme conduit son véhicule et est impliquée dans un accident, c’est quand même son assurance qui couvre le véhicule et c’est sa responsabilité, même s’il ne prenait pas place à bord du véhicule et que c’était sa femme qui le conduisait.
Cela semble être la manière fondamentale de voir comment fonctionneraient les assurances dans les États. Les assurances relèvent évidemment des États aux États-Unis. C’est donc un élément dont nous discuterons avec nos partenaires étatiques et locaux pour nous assurer de tous être sur la même longueur d’onde. Cela fait partie des éléments dont nous discutons déjà et des pratiques exemplaires que nous proposons pour les décideurs.
La sénatrice Galvez : D’accord. Je vais y revenir. Merci.
Le vice-président : Avant de passer à la deuxième série de questions, j’aimerais discuter avec vous de la communication entre véhicules. À la fin de l’année dernière, le département américain des Transports a émis un avis de projet de règlement pour l’établissement d’une nouvelle norme fédérale pour les véhicules automobiles pour rendre obligatoire la communication entre véhicules pour les nouveaux véhicules légers et uniformiser le message et le format des transmissions entre véhicules. Pouvez-vous faire le point quant au statut de ce projet de règlement? Quelles mesures ont été prises à cet égard?
M. Fulton : C’est certainement encore en cours. Une partie du problème est que, lorsqu’un nouveau gouvernement arrive, il faut nommer plusieurs personnes à divers postes. C’est une initiative que nous coordonnons avec le Bureau de la politique scientifique et technologique et la Commission fédérale des communications; divers autres intervenants y participent également.
Je peux vous dire que c’est un projet que nous n’avons certainement pas délaissé. C’est en cours. Il y a actuellement des discussions sur l’avenir de ce projet de règlement et de ces technologies.
Le sénateur Eggleton : Je crois comprendre que le département a annoncé la désignation de 10 centres d’essais pilotes en vue d’encourager les essais et l’échange d’information concernant la technologie propre aux véhicules autonomes. Pouvez-vous me dire comment cela se passe? Collaborez-vous avec des homologues canadiens à ce sujet?
M. Fulton : Les 10 centres d’essais qui ont été désignés continuent évidemment à mener régulièrement des essais. Ils coordonnent leurs activités entre eux et avec nous et nous fournissent des renseignements.
À mon avis, ce que nous avons appris à ce chapitre, c’est qu’il n’y a pas seulement des essais dans ces centres. Des essais ont lieu de diverses manières partout au pays. Je crois que nous avons même vu une étude qui rapporte que 80 milliards de dollars ont été investis dans les essais et le développement de ces technologies depuis deux ou trois ans. Nous avons appris que ces 10 centres d’essais peuvent s’avérer un outil précieux, mais nous ne devrions en aucun temps limiter les recherches et les activités à ces 10 centres d’essais.
Avez-vous de l’information concernant des essais canadiens dans le cadre de nos partenariats en la matière?
M. Beuse : En ce qui a trait au Canada, nous coordonnons normalement nos activités avec PMG et ces partenaires par l’entremise de Transports Canada. Mon bureau participe actuellement à une étude qui se penche sur nos capacités actuelles et les capacités dont nous aurons besoin et nous en communiquerons les résultats à Transports Canada dès que l’étude sera terminée l’an prochain, selon ce qui est prévu.
Le vice-président : Avant de conclure, j’aimerais poser une question relativement à ce dont a parlé le sénateur Eggleton. Vous avez désigné ces 10 lieux, dont un qui se trouve au Michigan. Des témoins du Michigan ont témoigné plus tôt devant le comité. Tous ces centres mènent-ils tous les mêmes essais? Ces 10 centres distincts fonctionnent-ils de manière complètement autonome en ce qui a trait aux types d’essais qu’ils réalisent?
M. Fulton : Ils sont complètement autonomes. Ils coordonnent leurs activités entre eux; ils s’appellent et s’envoient régulièrement des courriels. Ils n’ont aucun intérêt à reproduire les travaux des autres; ils le font donc de manière décentralisée. Le département des Transports ne leur dit pas de mener telle ou telle recherche. Cette décision revient essentiellement à chaque centre d’essais.
M. Beuse : Pour compléter la réponse de M. Fulton, au Michigan, si nous regardons Mcity et les autres centres d’essais dans la région, certains centres ont des capacités que d’autres n’ont pas. Nous pouvons avoir le contraste frappant entre un environnement urbain et un environnement pour la conduite à haute vitesse.
Ce que nous constatons, même au centre d’essai dont je suis chargé de m’occuper en Ohio, c’est que les installations prennent de l’expansion, parce qu’il y a des besoins criants en vue d’évaluer divers aspects. Nous parlons vraiment ici d’un véhicule de niveau 4 ou 5 plutôt que d’un véhicule de niveau 2 ou 3. Ce sont les véhicules les plus sophistiqués qui n’ont pas encore été commercialisés, et les intervenants reconnaissent que les capacités des laboratoires doivent être accrues, en plus de tout ce qui peut être accompli par des simulations et des essais routiers, ce qui est très important. Je ne le répéterai jamais assez.
Le sénateur Eggleton : J’aimerais poser une question complémentaire à ce chapitre. Ces centres pilotes sont-ils exploités par l’industrie ou s’agit-il plutôt d’établissements de recherche universitaires? Qu’en est-il?
M. Beuse : C’est tout cela et même plus pour les 10 centres qui ont précédemment été désignés. Vous avez des villes; vous avez des installations d’essais typiques. Il y a de tout.
Le vice-président : Je tiens à remercier MM. Fulton et Beuse d’avoir participé à nos discussions aujourd’hui.
Chers sénateurs, nous accueillerons demain des représentants d’Uber à l’occasion de notre prochaine réunion.
(La séance est levée.)