Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 24 - Témoignages du 25 octobre 2017
OTTAWA, le mercredi 25 octobre 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude des questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à notre témoin, M. Bernard Soriano, directeur adjoint, Département des véhicules à moteur de Californie, aux États-Unis. Il comparaît par vidéoconférence, de Sacramento.
[Français]
Merci d’être avec nous. Je vous invite à commencer votre présentation. Ensuite, les sénateurs auront des questions.
[Traduction]
Tout d’abord, je tiens à répéter devant tout le monde mes excuses pour les problèmes que nous avons eus la dernière fois, qui nous ont empêchés de communiquer avec vous, et nous vous remercions de nous donner une deuxième chance.
Bernard Soriano, directeur adjoint, Département des véhicules à moteur de Californie, États-Unis : Je vous remercie de m’accueillir. Je suis désolé que vous ayez eu ces problèmes techniques il y a un mois, mais je suis heureux d’être avec vous.
Chers sénateurs, bonsoir et merci de donner à la Californie cette occasion de vous parler des véhicules branchés et automatisés.
La Californie est à l’avant-garde de cette toute nouvelle technologie, et elle est désireuse de vous faire part de ses expériences et des leçons qu’elle en a retenues. La technologie comporte de très grandes promesses, non seulement d’une sécurité et d’une mobilité accrues, mais aussi en ce qu’elle va transformer les réseaux de transport de la société. Collectivement, nous sommes à l’aube d’une révolution des transports, comme nous l’étions lors du passage des calèches aux automobiles il y plus d’une centaine d’années.
En 2012, le gouverneur de la Californie, Jerry Brown, a promulgué le projet de loi 1298 du Sénat, qui a depuis été codifié dans le California Vehicle Code, à l’article 38750. Cette loi charge le Département des véhicules à moteur de la Californie, le DMV, d’adopter des règlements permettant la mise à l’essai et le déploiement de véhicules autonomes sur les routes publiques. De plus, la loi prévoit que la réglementation doit inclure les dispositions que le DMV juge nécessaires pour assurer la conduite sécuritaire des véhicules autonomes.
La réglementation, intitulée California Autonomous Vehicle Testing Regulations, a été achevée en 2014, avec la collaboration du Département américain des transports, l’USDOT, et d’autres intervenants. Elle est entrée en vigueur en septembre 2014, quand Volkswagen/Audi a reçu le premier permis de véhicules autonomes de la Californie. Maintenant, 43 entreprises sont désormais autorisées à faire des essais de véhicules autonomes en Californie, avec quelque 300 véhicules et 1 000 pilotes d’essai.
La Californie travaille actuellement à la prochaine étape, soit modifier le règlement sur les mises à l’essai pour permettre les essais de véhicules entièrement sans conducteur et l’adoption du règlement sur le déploiement des véhicules autonomes sur la voie publique. Nous sommes au milieu du processus réglementaire officiel et nous avons publié les règlements à des fins de commentaires du public il y a deux semaines, le 11 octobre. La période de commentaires pour le public se termine aujourd’hui, et notre objectif est de faire approuver ces nouveaux règlements avant la fin de l’année.
À ce jour, les efforts de réglementation de la Californie ont été axés sur les véhicules à passagers. La réglementation actuelle s’applique aux véhicules qui pèsent moins de 10 000 livres ou approximativement 4 500 kilogrammes. Dans un deuxième temps, la Californie va commencer à examiner les questions et les considérations uniques associées à la réglementation des véhicules commerciaux.
De plus, la Californie participe activement, avec l’American Association of Motor Vehicle Administrators, ou AAMVA, et le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, ou CCATM, aux discussions sur le fonctionnement sécuritaire des véhicules autonomes. La National Highway Traffic Safety Administration, ou NHTSA, du Département américain des transports, a financé le groupe de travail sur les pratiques exemplaires en matière de véhicules autonomes de l’AAMVA. Le groupe de travail a reçu le mandat de préparer un rapport pour aider les administrations à régir et à réglementer les systèmes autonomes et évolués d’aide à la conduite. La Californie préside ce groupe, qui est composé de représentants des États américains et de deux provinces canadiennes, soit la Colombie-Britannique et l’Alberta.
De nombreuses entreprises sont très intéressées de voir comment la Californie se prépare pour cette technologie transformatrice et emballante. Nous avons rencontré de nombreuses délégations étrangères et fait connaître notre approche pour mieux comprendre la technologie des véhicules autonomes.
C’est emballant, mais il y a de nombreuses questions sans réponse. En travaillant ensemble avec la communauté mondiale, nous pouvons contribuer à favoriser un déploiement et un développement sécuritaire de cette technologie innovatrice.
Je vous remercie et serai ravi de répondre à toutes questions que vous pourriez avoir.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre exposé, qui s’en tenait aux faits.
Nous faisons face à certains défis au Canada qui n’existent pas en Californie. Il neige beaucoup ici. Je comprends qu’il peut pleuvoir en Californie et qu’il peut pleuvoir très fort parfois, comme nous l’avons vu aux nouvelles.
Comment avez-vous pu réglementer les mises à l’essai pour différentes conditions météorologiques?
M. Soriano : C’est une très bonne question. Nos règlements permettent aux fabricants d’effectuer des mises à l’essai, et on ne leur impose pas de limites sur l’endroit où ils peuvent les effectuer. Essentiellement, ils peuvent les faire partout en Californie.
Contrairement à la croyance populaire, il peut neiger en Californie. Nous recevons beaucoup de neige dans le nord de la Californie, particulièrement dans la région du lac Tahoe. Un certain nombre d’entreprises effectuent des mises à l’essai dans la région de la baie de San Francisco et certaines ont indiqué qu’elles ont effectué des mises à l’essai dans d’autres régions.
On ne force pas les entreprises manufacturières à effectuer des mises à l’essai pendant des intempéries. Nous les laissons libres de le faire au fur et à mesure qu’elles développent la technologie.
Bien entendu, les mises à l’essai pendant des intempéries peuvent s’effectuer dans d’autres États, les entreprises ne sont donc pas restreintes à la mise à l’essai de leurs produits en Californie seulement. Par exemple, elles peuvent tester certains aspects en Californie et d’autres aspects au Michigan ou dans d’autres régions du pays.
Essentiellement, nous leur permettons d’effectuer des mises à l’essai là où elles le veulent en Californie.
Le sénateur Mercer : Cependant, bien que vous permettiez aux fabricants de faire des mises à l’essai un peu partout, j’imagine que lorsque vous étudiez les résultats, vous portez attention aux conditions météorologiques lorsqu’elles peuvent être un facteur.
M. Soriano : Oui. J’aurais dû mentionner plus tôt que nos règlements portant sur les mises à l’essai nécessitent qu’on nous fasse rapport expressément de tout accident qui s’est produit. Nous devons également recevoir un rapport annuel de tous les débrayages. Depuis que la réglementation est en place, le nombre total d’accidents rapportés est de 46.
Dans l’ensemble, il s’agissait d’accidents très mineurs. Dans un scénario typique, un véhicule autonome s’approche d’une intersection et effectue un arrêt complet à une lumière rouge avant de tourner à droite. Le véhicule qui le suit l’emboutit alors à très basse vitesse, autour de un à cinq milles à l’heure. Cela montre la nécessité de sensibiliser la population au sujet du comportement des véhicules autonomes sur les routes. Essentiellement, ces véhicules suivent à la lettre le Code de la route. Ils s’immobilisent donc complètement lors d’un arrêt. À l’approche d’une intersection, si le feu de circulation tourne au jaune, ils ralentissent en prévision du feu rouge. La plupart des conducteurs se comportent de façon contraire : ils accélèrent pour traverser l’intersection. Les véhicules autonomes se font donc souvent heurter par l’arrière.
Le sénateur Mercer : Le fait que, contrairement à nous, ces véhicules suivent le Code de la route semble être une bonne nouvelle. Merci.
La sénatrice Bovey : Merci beaucoup. Je suis heureuse que vous soyez ici aujourd’hui, car nous n’avions pas pu vous rencontrer il y a quelques semaines.
Plusieurs d’entre nous ont eu l’occasion d’aller en Californie voilà deux semaines pour examiner le travail fait dans ce domaine. Je dois vous dire que j’ai été très impressionnée. Cette visite a répondu à certaines questions et en a soulevé d’autres. Certainement, beaucoup s’intéressent au travail effectué.
Je m’intéresse à ce que vous disiez au sujet du groupe de travail qui élabore un rapport pour aider les gouvernements à régir et réglementer les véhicules autonomes et les systèmes avancés d’assistance au conducteur. Vous avez mentionné des représentants gouvernementaux des États-Unis ainsi que de la Colombie-Britannique et de l’Alberta.
Est-ce que tous les États y participent? Est-ce que la Californie, le Michigan et l’Arizona sont les principaux intervenants ou est-ce que d’autres États américains y participent?
M. Soriano : Seize États font partie de notre groupe de travail. Du côté des États-Unis, il s’agit de la Californie, du Nevada, du Michigan, de la Floride, de la Virginie, du Texas, de l’Indiana et de quelques autres États. Toutefois, ce ne sont pas tous les États américains qui font partie du groupe de travail.
La sénatrice Bovey : On nous a entre autres demandé de fournir des suggestions et des recommandations au gouvernement fédéral et à la Chambre des communes sur des règlements concernant les véhicules autonomes. Vous avez de l’expérience et vous travaillez avec beaucoup de gens partout sur la planète, alors quels règlements nous recommanderiez-vous de proposer au gouvernement fédéral? Je suis particulièrement inquiète au sujet des règlements transfrontaliers.
Je comprends bien qu’ici comme aux États-Unis, il y a un partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, ou étatiques, et les gouvernements municipaux, mais que devrions-nous recommander au gouvernement fédéral selon vous?
M. Soriano : Nous sommes conscients du partage des responsabilités pour ce qui est des véhicules à moteur et de l’utilisation de ces mêmes véhicules. De plus, selon nous, le gouvernement fédéral américain est responsable, et il devrait l’être, de la sécurité automobile, c’est-à-dire, la résistance à l’impact du véhicule et les éléments qui rendent ce véhicule sécuritaire.
Les États, eux, sont responsables d’une utilisation sécuritaire du véhicule. À l’heure actuelle, les personnes ayant démontré qu’elles sont capables d’utiliser un véhicule de façon sécuritaire obtiennent un permis. L’enjeu des véhicules autonomes est toutefois plus complexe, car c’est le véhicule lui-même qui prendra les décisions de conduite.
Pour ce qui est de recommandations, je crois qu’il est essentiel que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements locaux afin de déterminer le partage des responsabilités. Les normes de sécurité automobile fédérales aux États-Unis sont obligatoires pour les fabricants. Par contre, à ce stade, il n’existe aucune norme de sécurité automobile fédérale pour les technologies autonomes. Il y en aura probablement un jour, mais d’ici là, il nous faut tout de même avoir des véhicules sécuritaires. Tout le processus doit être sécuritaire, passant de la construction, à la fabrication, à la programmation et à l’utilisation de ces véhicules sur nos routes. Le gouvernement fédéral et les gouvernements locaux doivent donc collaborer.
La sénatrice Bovey : Qu’en est-il du gouvernement fédéral américain et du gouvernement fédéral canadien?
M. Soriano : Une certaine réciprocité est de mise pour les normes de sécurité. À ce que je sache, c’est déjà le cas.
La sénatrice Bovey : Merci beaucoup.
Le sénateur Cormier : Tout d’abord, je dois dire que je suis heureux du rôle de chef de file que joue la Californie dans ce dossier. Comme vous êtes assez avancés en matière de réglementation, je me demandais quel était le soutien de la population? Que pense la population de l’arrivée des véhicules autonomes?
Lorsque nous discutons de cet enjeu au pays, certaines personnes estiment que c’est de la science-fiction. Où en êtes-vous? Pensez-vous organiser une campagne de sensibilisation? Si non, de quoi auriez-vous besoin pour obtenir le soutien de la population à l’égard de ces véhicules innovateurs?
M. Soriano : Vous soulevez un bon point. Nous sommes au courant de plusieurs sondages qui visaient à connaître l’opinion de la population sur les véhicules autonomes, et les résultats divergent.
Le problème avec certains de ces sondages, c’est que les répondants se font poser des questions sur des produits dont ils ignorent l’existence. Ils ne sont jamais montés dans ces véhicules. Ils peuvent avoir lu quelque chose sur le sujet ou en avoir entendu parler.
Il est difficile de déterminer la légitimité de ces sondages, car si vous posez une question à quelqu’un sur les véhicules sans chauffeur, instinctivement, cette personne va immédiatement penser à un véhicule qui se conduit de lui-même, et ce, sans intervention humaine. En fait, il existe tout un spectre de véhicules autonomes. D’ailleurs, certains véhicules sur nos routes aujourd’hui peuvent être considérés comme étant autonomes, même si ceux-ci sont minimalement autonomes.
Certains s’interrogent sur la façon dont les choses vont évoluer jusqu’à ce qu’on arrive à des véhicules totalement autonomes. Cela nous indique qu’il faut sensibiliser la population. Les gens de l’industrie ont de la difficulté à s’entendre sur une nomenclature commune. C’est la situation au sein même de l’industrie, alors vous pouvez imaginer à quel point il peut être compliqué de parler de véhicules autonomes à l’extérieur de l’industrie.
J’ai parlé plus tôt du problème des collisions et du fait que les gens ne savent pas que le véhicule suivra le Code de la route, alors il faut organiser une campagne d’information là-dessus.
Dans les règlements que nous proposons, nous avons une disposition qui enjoint les constructeurs à se doter de plusieurs choses. Premièrement, ils doivent avoir un plan pour l’application de la loi. C’est un plan pour les forces de l’ordre et les premiers intervenants pour leur expliquer comment intervenir lors d’un accident. Par exemple, quelle sera la procédure à suivre pour les premiers intervenants? Quelle sera la procédure à suivre pour un policier après avoir fait ranger le véhicule sur le bas-côté? Comment un policier pourra-t-il savoir que le véhicule est en mode autonome? Comment saura-t-il désactiver le mode autonome? Quelle est la marche à suivre pour obtenir les renseignements sur le véhicule? Ces renseignements doivent être indiqués dans le plan en question.
De plus, du point de vue du fabricant, on a besoin d’un plan de sensibilisation de l’utilisateur final. Comment va-t-on informer l’utilisateur final sur cette technologie?
Le sénateur MacDonald : Monsieur Soriano, merci de votre patience au cours des dernières semaines pour venir nous parler. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous étions en Californie il y a quelques semaines — en fait, nous étions à San Francisco lorsque les incendies se sont déclarés — et je sais que les dernières semaines ont été difficiles là-bas. Nous espérons que tout se passe pour le mieux.
Nous avons été témoins de méthodes de gestion de la technologie et de progrès technologiques impressionnants. Je me demande quel échéancier envisagez-vous pour avoir une infrastructure de véhicules autonomes complète en Californie? Où et comment pensez-vous que cela verra le jour en premier? Est-ce plus probable que cela se fasse dans les transports en commun ou dans les transports personnels? Pourriez-vous nous en dire plus sur l’échéancier?
M. Soriano : On me pose souvent la question. La réponse n’est pas simple, car c’est comme prendre une boule de cristal pour essayer de dire de manière définitive à quel moment la technologie sera assez avancée pour être offerte au public. C’est donc sous cette réserve que je vous réponds.
Ce que j’ai retenu des diverses réunions que nous avons eues avec des représentants de l’industrie, il semble qu’avant le premier déploiement de cette technologie il faudra régler le problème du premier et dernier mille. En d’autres mots, on aura peut-être d’abord des navettes à faible vitesse qui transporteront des passagers du métro à une autre destination ou d’un arrêt d’autobus à une autre destination, mais en avançant à des vitesses assez basses tout en pouvant transporter un certain nombre de passagers. On fait des essais avec de telles navettes qui pourraient être déployées prochainement.
Pour ce qui est de savoir si les véhicules appartiendront à un propriétaire privé ou feront partie d’une flottille, tout semble indiquer qu’on aura d’abord des véhicules qui font partie d’une flottille, mais on ne sait jamais. Il pourrait s’agir d’un modèle de flottille, c’est-à-dire un service de covoiturage exploité par un fabricant, par exemple.
Pour ce qui est de savoir quand cela pourrait se produire, j’aurai beaucoup de mal à vous dire en quelle année, mais on nous a dit que ça s’en vient. Notre tâche est de veiller à ce que la réglementation soit prête pour que le gouvernement ne devienne pas un obstacle. C’est pourquoi nous allons de l’avant avec la réglementation.
Le sénateur MacDonald : D’après vous, aurais-je raison de dire que le plus grand défi c’est d’informer le public et non pas l’évolution de la technologie?
M. Soriano : Je pense que ce sera au moins aussi difficile. Il est essentiel que la société accepte la technologie et c’est un enjeu qu’il ne faut certainement pas oublier. Ce n’est pas une question technique. La technologie va continuer à évoluer. L’éducation, la sensibilisation et l’acceptation du public sont certainement essentielles.
Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur.
Le sénateur Eggleton : Merci de votre exposé. Le Département des Transports des États-Unis a publié une politique étatique type, d’après ce que j’ai compris. J’imagine qu’on essaie de coordonner les efforts des différents États par rapport à la réglementation des véhicules autonomes.
Comment cette politique fonctionne-t-elle? Est-elle respectée, ou le gouvernement s’immisce-t-il dans les compétences des États? Est-ce que c’est un succès?
M. Soriano : Le groupe de travail sur les véhicules autonomes dont j’ai parlé est celui qui veille à réduire le risque de réglementation disparate d’un État à l’autre. En fait, le groupe de travail a participé à la rédaction de cette politique étatique type qui faisait partie des documents initiaux de la NHTSA. Par l’entremise de cette organisation commerciale, et par l’entremise de l’AAMVA, les États peuvent adopter ce document d’orientation et choisir d’adopter la réglementation des véhicules autonomes à cette étape.
Mais les divers États réglementent de différentes façons. Certains sont prescriptifs, d’autres sont plus permissifs. Il y a toute une fourchette de styles de réglementation et ce document d’orientation résume les pratiques exemplaires dont peuvent s’inspirer les États et vise à faire en sorte qu’il y ait certains points communs à tous les États.
Le sénateur Eggleton : Ce groupe de travail qui a créé cette politique type, comment a-t-il été créé? S’agissait-il d’une initiative volontaire, ou le fédéral l’a-t-il nommé? Comment cela s’est-il produit?
M. Soriano : Permettez-moi d’expliquer. Le groupe de travail a collaboré avec la NHTSA pour élaborer cette politique étatique type. L’administration fédérale, à savoir la NHTSA, a financé ce groupe de travail par l’entremise de l’American Association of Motor Vehicule Administrators. Ainsi l’AAMVA a formé le groupe de travail, et, de par sa relation avec la CCMTA, les deux provinces canadiennes y ont également participé. C’est ainsi que le groupe de travail a vu le jour. Il a été composé de divers États qui travaillaient déjà dans le dossier des véhicules autonomes, mais également d’autres États qui n’avaient pas encore abordé la question. En fait, il n’avait aucune expérience. Ainsi, il y avait toute une variété d’États, et c’est ainsi qu’est né le groupe de travail. Nous poursuivons nos travaux et sommes presque au point de produire notre premier rapport. Nous espérons le publier d’ici le début du premier trimestre de l’année prochaine. Ensuite, nous passerons à la prochaine étape, qui sera d’y inclure les véhicules commerciaux.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie.
Le président : Étant donné que vous parlez de votre rapport, je vais en profiter pour vous poser une question. Lorsque notre rapport sera rendu public, vous pouvez être certain que nous vous en enverrons un exemplaire. Nous espérons que vous ferez la même chose de votre côté.
Cela m’amène à parler de l’échange de données. Vous avez de nombreuses entreprises qui travaillent à ces projets. Échangent-elles entre elles les données portant sur les accidents et les échecs? Les échangent-elles également avec l’État de la Californie? Comment cette information est-elle diffusée?
M. Soriano : L’information que j’ai mentionnée plus tôt, c’est-à-dire l’obligation imposée aux manufacturiers lorsqu’ils sont contrôleurs autorisés, est en fait les rapports d’accidents de même que les rapports annuels de débrayages.
Ces rapports sont disponibles en ligne; quiconque le souhaite peut voir ces rapports d’accidents. N’importe qui peut obtenir ces rapports d’accidents et lire la description de ce qui s’est passé et parvenir à ses propres conclusions quant au rôle éventuel que le véhicule autonome a pu jouer, s’il y a lieu, dans ces accidents.
Il ne nous appartient pas de déterminer qui est à blâmer; nous amassons simplement les données et les mettons à la disposition du public.
Cette façon de faire aide à assurer la transparence. Elle aide le public à s’informer sur le développement de la technologie. Dans le cas des rapports de débrayages, ces rapports indiquent le nombre de milles parcourus lors de tests en Californie ainsi que le nombre de débrayages qui sont survenus, en d’autres mots, combien de fois la technologie n’a pas fonctionné par rapport à la distance parcourue lors des tests. C’est pourquoi ces rapports sont rendus publics.
En ce qui concerne l’échange de données entre les entreprises, ce n’est pas une réponse que je peux vous fournir. J’imagine que si ces entreprises ont un accord les unes avec les autres, cet accord porterait probablement également sur l’échange de données, mais je ne peux certainement pas le confirmer.
Le président : Une des préoccupations du secteur des services est qu’une fois le véhicule sur la route, on devient en quelque sorte captif, car certains de ces véhicules ne fournissent pas d’information. Auparavant, on allait à un garage, le mécanicien branchait la voiture et pouvait faire un diagnostic. Or, la technologie est maintenant si avancée qu’on ne peut pas nécessairement se rendre à une station-service locale pour faire réparer les caméras, les radars ou l’imagerie LIDAR, même pour les réparer de façon temporaire. Comment peut-on réglementer cette information pour qu’elle soit disponible afin que les gens ne soient pas captifs des constructeurs d’automobiles?
M. Soriano : Nos règlements précisent que les données provenant des capteurs doivent être saisies 30 secondes avant une collision et converties en un format que les policiers peuvent récupérer, s’ils en ont besoin. Les policiers auraient besoin d’un mandat ou d’un consentement pour obtenir ces données.
Du point de vue du respect de la vie privée, nous précisons que les passagers doivent être informés de toute donnée qui est amassée pour des raisons autres que le fonctionnement sécuritaire du véhicule. Nous nous en tenons à cela.
Ainsi, si les données sont amassées pour une fin autre que le fonctionnement sécuritaire du véhicule, par exemple des données sur la destination ou quelque chose de similaire, les occupants du véhicule doivent en être informés.
Le sénateur Cormier : Bon nombre d’experts croient que la technologie des véhicules autonomes pourrait réduire la congestion et améliorer l’environnement. Toutefois, d’autres laissent entendre que ces avantages ne se concrétiseront pas si l’on continue de se concentrer sur les véhicules de particuliers plutôt que sur les initiatives de transport public.
Je dois admettre que depuis le début de cette étude, je me demande ce qui sera plus avantageux pour les villes et les collectivités rurales, étant donné que je viens d’une collectivité rurale. A-t-on établi une priorité en ce qui concerne la réglementation et l’importance donnée au transport public plutôt qu’aux véhicules autonomes de particuliers? Qu’en pensez-vous?
M. Soriano : Nous ne prenons pas position sur cette question. Nous savons qu’il y a différentes écoles de pensée quant à l’avenir des véhicules automatisés. Certains pensent qu’ils permettront de réduire la congestion. D’autres pensent que ce ne sera pas le cas avant qu’il y ait une plus grande pénétration de ces véhicules sur le marché. Pour l’instant, nous ne savons tout simplement pas.
Cela étant dit, nous constaterons sans doute une augmentation du nombre de milles parcourus par ces véhicules. La question des véhicules privés par rapport aux flottilles de véhicules entrera en ligne de compte. Je ne peux vous offrir une réponse définitive pour l’instant.
Le sénateur Cormier : Merci.
Le sénateur Mercer : Plus tôt pendant votre exposé, vous avez parlé des résultats issus d’un des rapports. Ce dernier relevait 46 accidents dont plusieurs étaient des collisions arrière. Je ne sais pas si vous l’avez mentionné dans votre exposé, mais selon moi, le problème découle du fait que les conducteurs derrière ces véhicules ne savaient pas qu’il s’agissait de véhicules automatisés. À l’approche d’un feu rouge, les conducteurs ont sans doute pensé que comme la plupart des autres conducteurs, les véhicules feraient un arrêt partiel plutôt qu’un arrêt complet.
Avez-vous envisagé une réglementation qui forcerait les véhicules automatisés à arborer un symbole facilement reconnaissable de façon à ce que les autres conducteurs sachent qu’il s’agit d’un véhicule automatisé? Ainsi, à l’approche d’un feu rouge — et cette réglementation s’inscrirait dans le processus de sensibilisation tant pour les personnes au volant d’un véhicule automatisé que pour les autres conducteurs —, les conducteurs sauraient que, lorsqu’ils suivent un véhicule automatisé, ce dernier fera un arrêt complet au feu rouge.
M. Soriano : Nous en avons discuté. En fait, nous avons eu des discussions rigoureuses sur le sujet et trouvons qu’il s’agit d’une arme à deux tranchants.
Le sénateur Mercer : Par « rigoureuses », vous voulez dire que ce fut un débat.
M. Soriano : Il s’agit d’une arme à deux tranchants. D’un côté, tel que vous l’avez décrit, s’il y avait un symbole pour indiquer qu’il s’agit d’un véhicule automatisé ou que le véhicule est en mode autonome, cela enverrait un message aux personnes se trouvant autour de ces véhicules quant à son état.
Cela étant dit, certaines personnes pourraient profiter du fait qu’il s’agit d’un véhicule autonome et pourraient ne pas se comporter comme elles devraient. Nous y avons réfléchi, et nous croyons que tous types d’indicateurs à l’extérieur du véhicule devraient être établis au niveau fédéral pour qu’il y ait une uniformité partout au pays.
La Californie n’a pas inséré quoi que ce soit dans la réglementation à propos d’un indicateur visible, comme une lumière ou un autre genre de signalisation, alors nous n’en avons pas tenu compte.
Le sénateur Mercer : Ce pourrait être une bonne idée que le gouvernement fédéral ait une réglementation nationale pour ces véhicules, comme une norme d’identification disant qu’il s’agit peut-être d’un véhicule sans conducteur. Ainsi, lorsque nous conduisons, nous saurions comment réagir, ou du moins, nous pourrions anticiper ce qui pourrait survenir.
M. Soriano : Je crois que cela pourrait être pris en compte. Tous les avantages et inconvénients doivent être examinés. Mais il faut absolument que cela se fasse au niveau fédéral.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de rapports portant sur des collisions et vous avez dit qu’on s’est concentré sur les collisions arrière légères. Y a-t-il eu de graves collisions?
M. Soriano : Certaines ont été plus graves et elles ont retenu l’attention des médias. D’après moi, la plus importante concernait un véhicule Google. La voiture Google était sur une route à trois voies, dans la voie la plus à droite. La voiture s’approchait d’une intersection et allait tourner à droite. Le feu était rouge, la voiture Google était au bord de la voie et avait assez d’espace pour s’avancer vers l’intersection alors que d’autres véhicules étaient arrêtés aux feux de circulation.
Alors que la voiture s’approchait de l’intersection, elle est arrivée à une barrière entourée de sacs de sable. Le véhicule ne pouvait passer par-dessus les sacs de sable et a essayé de se réinsérer dans la circulation au moment où le feu de circulation est passé au vert. Toutes les voitures se sont mises à avancer et alors que le véhicule a commencé à s’insérer dans la circulation, un autobus était dans la voie et il y a eu une collision.
Le véhicule autonome croyait que l’autobus l’avait vu et lui permettrait de s’insérer dans la circulation. Ce ne fut pas le cas, et il y a eu une collision. Personne n’a été blessé, mais il s’agit d’un exemple de collision plus important.
Le sénateur Mercer : Est-ce que le propriétaire du véhicule autonome a reçu une contravention? Lui a-t-on donné une citation à comparaître?
M. Soriano : Je ne sais pas si on lui a donné une contravention. Je devrai relire le rapport de collision et vous répondre plus tard.
Le sénateur Mercer : Je vous en saurais gré, merci.
Le président : Monsieur Soriano, sur cette note réaliste, nous vous remercions de votre exposé et de votre deuxième participation au comité.
Honorables sénateurs, mardi prochain, nous entendrons des représentants du Conseil du Canada de l’accès et la vie privée et des représentants de l’entreprise New Flyer.
De plus, comme vous le savez, nous ne siégerons pas mercredi soir prochain.
(La séance est levée.)