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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 37 - Témoignages du 5 juin 2018


OTTAWA, le mardi 5 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 32, pour étudier les nouvelles questions liées à son mandat et les lettres de mandats ministériels.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Avant de présenter les témoins, je veux vous signaler que la réunion de demain soir est remise à mardi prochain, alors que nous avons invité d’autres témoins à comparaître. Nous ne tiendrons pas une partie de la séance d’aujourd’hui à huis clos. Nous allons le faire mardi prochain si nous le pouvons. Nous allons ainsi pouvoir partir un peu plus tôt.

Nous devons prolonger notre ordre de renvoi général sur le transport jusqu’à décembre prochain, probablement. Ce n’est pas l’étude, mais l’ordre de renvoi général visant le transport. J’espère obtenir cela cette semaine, jeudi ou vendredi. Sinon, ce sera lundi prochain.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous avons John Hinds, président et chef de la direction de News Media Canada, Carol Ann Pilon, directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada, Barry Rooke, directeur général de l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires inc., et Matt Thompson, directeur du conseil d’administration de l’Association canadienne des radiodiffuseurs, ainsi que Peter Miller, consultant au sein de la même organisation.

Je vous remercie de participer à notre réunion.

[Français]

Carol Ann Pilon, directrice générale, Alliance des producteurs francophones du Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Tout d’abord, j’aimerais remercier les membres du comité de me donner l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui et de contribuer ainsi à votre étude sur la déductibilité de la publicité sur Internet.

Je m’appelle Carol Ann Pilon et je suis directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada. L’alliance représente les producteurs indépendants francophones œuvrant dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Porte-parole de l’industrie francophone de la télévision, des médias numériques et du film à l’échelle canadienne depuis 1999, l’APFC regroupe la grande majorité des entreprises franco-canadiennes de production indépendante établies d’est en ouest au Canada.

L’APFC participe régulièrement aux processus de consultation du gouvernement canadien et assure la voix des producteurs francophones en région sur les enjeux, les droits et les aspirations des communautés francophones en situation minoritaire en matière de politique culturelle canadienne.

Les producteurs membres de l’APFC vivent au quotidien la réalité des francophones en milieu minoritaire et en sont les témoins les plus crédibles qu’on puisse trouver. Leurs histoires sont riches, captivantes et différentes de celles de la majorité, empreintes du lieu où ils habitent. D’est en ouest, nos producteurs sont des créateurs d’un contenu que nul autre producteur canadien ne peut offrir. Tout en participant à la diversité des contenus canadiens, ils contribuent aussi à retenir les artisans, les artistes et les créateurs dans leurs milieux respectifs, voire attirer les talents venus d’ailleurs. Ils donnent également une voix à leurs communautés et leur fournissent un miroir dans lequel elles se reconnaissent et qui les représente dans le paysage audiovisuel d’aujourd’hui, non seulement complexe et sursaturé, mais paradoxalement de plus en plus uniformisé. Ils ouvrent une fenêtre sur chacune de ces communautés pour l’ensemble de leurs concitoyens vivant dans d’autres régions. Cette contribution est importante à la diversité du contenu sur nos écrans contre l’assimilation des jeunes à la culture anglophone si dominante sur les médias numériques.

Bref, les producteurs francophones vivant dans les CLOSM en reflètent la réalité et, ce faisant, participent activement au façonnement de notre identité nationale commune.

Les membres de l’APFC mesurent pleinement les défis auxquels le système canadien de radiodiffusion se trouve aujourd’hui confronté avec l’avènement du contenu numérique. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) sont sur la ligne de front des pressions qui s’exercent sur la langue et la culture canadienne, car elles sont exposées à une quantité croissante de contenu étranger. Ils sont doublement minoritaires face à la majorité de leurs concitoyens anglophone et à des francophones du Québec dont les réalités sont passablement différentes des leurs.

La question qui se pose aujourd’hui n’est pas celle de savoir comment adapter l’industrie canadienne de la radiodiffusion et des médias à la nouvelle concurrence des entreprises étrangères, mais plutôt comment adapter les outils de la politique publique et des lois canadiennes pour faire en sorte que ces nouveaux joueurs contribuent leur juste part au financement, à la production et à la diffusion de contenus nationaux.

C’est pourquoi nous appuyons la recommandation des AMIS de la radiodiffusion canadienne de revoir l’exemption des entreprises technologiques étrangères relatives aux dispositions de l’article 19 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Comme l’indique le rapport intitulé Colmatons la brèche!, les dispositions sur la déductibilité des frais publicitaires ont été créées en ciblant la protection et l’avancement des intérêts économiques, culturels et démocratiques du Canada. Cet objectif est aujourd’hui plus valable que jamais.

Les contributions versées au Fonds des médias du Canada par les entreprises de distribution de radiodiffusion canadiennes sont en baisse en corrélation avec la diminution du nombre d’abonnés. Les marges bénéficiaires des entreprises canadiennes de radiodiffusion sont stagnantes, voire en baisse, et les revenus publicitaires également, avec la migration des annonceurs vers Internet. Google et Facebook s’emparent des trois quarts du marché publicitaire en ligne au Canada, selon l’Interactive Advertising Bureau of Canada. Cette diminution des revenus publicitaires aura une incidence directe et négative sur les investissements dans la production canadienne, d’autant plus que la majorité des télédiffuseurs sont assujettis à des conditions de licence les obligeant à faire des dépenses d’émissions canadiennes selon un pourcentage de leurs revenus.

La politique fiscale d’un État lui permet de déterminer comment seront prélevées les recettes permettant de financer les dépenses du gouvernement. Ces revenus peuvent être redirigés vers certaines catégories de citoyens ou d’organisations afin de compenser ou d’atténuer les inégalités inhérentes au fonctionnement de l’économie du marché.

L’objectif des gouvernements démocratiques est de maintenir une politique fiscale efficace, simple à gérer, mais aussi neutre et équitable. Or, l’évolution technologique et la mondialisation des échanges ont provoqué une distorsion en facilitant grandement l’évitement fiscal, particulièrement dans le domaine du numérique. Ce faisant, la neutralité des politiques fiscales se dégrade.

Dans son rapport sur l’avenir de la distribution de la programmation au Canada, publié jeudi dernier, le CRTC reconnaît la nécessité que tous les acteurs de l’industrie, incluant les plateformes numériques, participent au financement et à la visibilité des contenus canadiens. Le rapport note que nos approches sur les plans législatif et réglementaire ont déjà du retard sur les réalités technologiques et sociales culturelles.

L’APFC croit que l’avenir de la programmation destinée aux communautés de langue officielle en situation minoritaire est directement lié à la modernisation des lois et politiques en vigueur pour que les entreprises canadiennes et étrangères soient traitées équitablement en matière de fiscalité et de taxation, dès lors qu’elles font des affaires avec des consommateurs canadiens.

Je remercie le comité de m’avoir invitée à faire cette présentation ce matin. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

[Traduction]

John Hinds, président et chef de la direction, News Media Canada : Je vous remercie de tenir ces audiences aujourd’hui.

[Français]

Je m’appelle John Hinds, je suis président et chef de la direction de News Media Canada.

[Traduction]

Nous sommes l’association de l’industrie des journaux et des médias d’information et nous représentons plus de 700 journaux quotidiens, hebdomadaires et communautaires d’un océan à l’autre.

Nos membres publient en français et en anglais. Nous avons des membres qui ne produisent maintenant que des publications numériques, alors d’autres ne produisent que des imprimés. Cependant, ils fournissent maintenant en majorité de l’information aux lecteurs au moyen de diverses plateformes.

Vous ne serez pas surpris d’entendre que l’industrie a été perturbée par la révolution numérique et qu’elle fait face à un avenir rempli de défis.

Pendant des décennies, le modèle d’affaires relatif aux actualités était relativement simple. Les publicités imprimées, locales et nationales, servaient à payer pour les actualités. Les coûts de production des journaux traditionnels étaient en grande partie liés à l’impression et à la livraison du journal au lecteur.

Le modèle a récemment changé. Les publicités imprimées ont cédé leur place aux publicités en ligne, et la publicité numérique forme maintenant la plus importante catégorie de publicité au Canada. Les sommes consacrées aux publications numériques sont essentiellement celles qui servaient aux imprimés.

Depuis 2008, les revenus de publicité de la presse écrite sont passés de 3,9 milliards de dollars à 2,1 milliards de dollars. C’est une basse de 45 p. 100. Les revenus de publicité sur Internet ont grimpé pour passer de 1,6 milliard de dollars à 5,5 milliards de dollars sur la même période, ce qui équivaut à une hausse de 241 p. 100.

Les journaux ont réagi en passant également au format numérique en ligne, mais comme vous le savez, ce qui est vraiment attrayant de la publicité sur Internet, c’est qu’elle ne coûte pas cher. Comme on le dit, les dollars numériques cèdent le pas aux cents Internet.

L’un des défis auxquels l’industrie fait face est que les journaux ont été forcés d’investir de fortes sommes dans de nouvelles entreprises numériques alors qu’ils subissaient une baisse dramatique de leur principale source de revenus, soit la publicité imprimée. Le lectorat, cependant, est un défi auquel les journaux au Canada n’ont pas à faire face. En fait, il connaît une croissance. Sur une base hebdomadaire, 88 p. 100 des Canadiens lisent maintenant les journaux, peu importe le format. Près de 6 Canadiens sur 10 lisent des journaux imprimés, et 1 Canadien sur 4 lit des journaux sur au moins trois plateformes.

Il faut dire cependant que le bon journalisme n’est pas donné. Les journaux canadiens emploient près des deux tiers des journalistes actifs au pays. Je crois que nous pouvons continuer de produire le journalisme auquel les Canadiens s’attendent. L’aspect le plus important est le journalisme d’enquête et le journalisme d’intérêt public qui informe les Canadiens sur leurs collectivités et demande des comptes au gouvernement et aux institutions publiques.

Le coût annuel de la salle de presse d’un quotidien publié dans une petite ville canadienne se situe entre 1 million et 2,5 millions de dollars; dans les grands centres, le coût se situe entre 5 millions et 7 millions de dollars; dans les plus grandes villes canadiennes, le coût peut aller de 10 millions à 35 millions de dollars.

Comme vous le savez, il y a eu des pertes dans le sillage de cette transition. Nous avons vu de nombreuses salles de presse fermer ou fusionner, alors que de nombreuses autres ont rétréci. Nous estimons avoir perdu plus de 16 500 journalistes au cours des 10 dernières années. Il y a eu des fermetures très médiatisées, récemment, comme celle d’Orillia, mais il y en a eu bien d’autres qui n’ont pas fait les manchettes malgré leur importance pour les collectivités qu’elles desservaient.

Par exemple, nous avons perdu plus de 20 p. 100 des journaux de la Saskatchewan au cours des deux dernières années, ce qui m’amène à vous parler de l’article 19. Dans le monde des médias, l’article 19 faisait partie d’un cadre réglementaire soutenant les fortes voix locales des collectivités canadiennes. C’était une façon de reconnaître le marché de l’époque, axé sur le principe voulant que la publicité locale crée du contenu local, la fameuse économie circulaire.

Les sommes destinées aux publicités locales et nationales étaient consacrées aux médias locaux, ce qui permettait à ces médias d’investir dans du contenu local solide, lequel était consommé par les membres de la collectivité. Le gouvernement a appuyé cela en permettant que les sommes destinées aux publicités locales soient une dépense déductible.

Ce cycle a été rompu. Il y a maintenant de moins en moins de sommes destinées aux publicités locales qui sont dépensées localement à l’appui des médias locaux, et dans chaque collectivité du Canada, ces sommes destinées aux publicités s’en vont à l’étranger. Il en découle une moindre capacité de faire des investissements dans le contenu local, mais le régime d’application actuel permet aux annonceurs en ligne de déduire cette dépense comme s’ils soutenaient la création de contenu local. C’est la raison pour laquelle il faut que le gouvernement mette l’article 19 en application dans l’univers numérique.

Malheureusement, l’application de l’article 19 ne va pas à elle seule rétablir la santé des nouvelles locales au Canada. Il faut en faire beaucoup plus en matière de politiques, et la situation presse vraiment.

Il faut aussi que le gouvernement règle un autre problème fiscal, car en fait, il récompense ceux qui ne font aucun investissement dans le contenu canadien, et il s’agit de l’application de taxes de vente et d’autres taxes aux fournisseurs de contenu numérique.

Aucune politique publique ne peut justifier un régime fiscal qui pénalise les acheteurs parce qu’ils choisissent un produit local s’accompagnant d’investissements dans leurs collectivités et de la création de contenu canadien, plutôt qu’une entreprise internationale dont le seul investissement au pays — et on ne parle pas de collectivités particulières — est l’établissement d’un bureau de vente national. Encore là, on comprend mal qu’une politique fiscale soutienne un duopole étranger au détriment d’entreprises canadiennes locales.

En plus d’accaparer environ 80 p. 100 du marché de la publicité numérique, ces deux entreprises étrangères tirent profit du contenu des journaux. Aujourd’hui, le contenu des journaux est systématiquement décortiqué, copié et diffusé par des organisations commerciales qui tirent profit de la diffusion sans permission du contenu de journaux.

Il est évident que les lecteurs et les annonceurs apprécient le contenu rédactionnel des journaux qui sont diffusés sur les sites web, plateformes et moteurs de recherche de tiers. Cela représente une valeur importante pour ces tiers, mais le journal qui a produit le contenu n’en tire aucun revenu.

De plus en plus, les éditeurs constatent que ces tiers se substituent à la publication elle-même. Nous avons besoin d’un régime de droits d’auteur qui permettra aux créateurs de protéger et de gérer le contenu pour lequel ils ont payé.

Comme vous le savez, des pays comme le Royaume-Uni et l’Australie mènent des enquêtes sur les effets de ces entreprises mondiales sur les marchés locaux et sur les consommateurs. Nous voyons l’Union européenne travailler à équilibrer le marché. Je pense qu’il est nécessaire de le faire ici aussi.

En conclusion, nous soutenons vigoureusement des mesures relatives à l’article 19, mais ce n’est que la première étape. Pour que les collectivités canadiennes continuent de profiter de nouvelles locales de qualité, il faut résoudre diverses questions de politique publique, en particulier celles qui touchent au monde numérique.

Matt Thompson, directeur du conseil d’administration, Association canadienne des radiodiffuseurs : Je suis également directeur des affaires juridiques de Corus Entertainment, l’un des plus importants diffuseurs télévisuels et radiophoniques au Canada. Je suis accompagné de Peter Miller, conseiller en politique et ancien avocat général principal de l’ACR. Vous l’avez rencontré précédemment lors d’une de vos audiences. Il a coécrit le rapport du groupe des AMIS de la radiodiffusion canadienne sur la déduction des dépenses de publicité.

L’ACR est fière d’agir comme le porte-parole national des radiodiffuseurs privés du Canada. Nous représentons la grande majorité des services de programmation privés canadiens, y compris les stations de radio et de télévision, les réseaux et les services de télévision spécialisée, payante et à la carte à l’échelle du pays.

L’ACR appuie sans réserve ce que les AMIS de la radiodiffusion canadienne, ou FCB, propose, soit de modifier les règles relatives à la déduction des dépenses de publicité dans la Loi de l’impôt sur le revenu ou, de la même façon, de modifier la Loi d’interprétation afin d’y inclure une définition moderne et unique de la radiodiffusion qui s’appliquerait au contexte législatif canadien dans son ensemble.

Nous croyons que l’une ou l’autre des propositions du groupe FCB élargirait la portée de la politique gouvernementale actuelle et contribuerait à rendre les règles du jeu équitables pour les entreprises médiatiques canadiennes et pour leurs énormes concurrents étrangers en ligne. Nous croyons que cela aurait pour effet de donner un coup de pouce plus que nécessaire aux diffuseurs télévisuels et radiophoniques canadiens, mais surtout aux fournisseurs de services de télévision conventionnels qui relatent les histoires locales de tous les coins du Canada.

Dans le cadre des procédures en cours, on vous a déjà parlé de l’exode des revenus de la publicité vers des plateformes étrangères en ligne, ces dernières années. Mettons en contexte ce que cela signifie pour notre industrie. Imaginez que pour les télédiffuseurs conventionnels qui présentent des productions locales, la publicité représente plus de 90 p. 100 de leur revenu total.

Les télédiffuseurs locaux ont énormément souffert de cela. Depuis 2011, les revenus des services de télévision conventionnels ont diminué chaque année pour passer de 2,14 milliards de dollars en 2011 à 1,68 milliard de dollars en 2016, soit une baisse de 21,4 p. 100. Ces tendances ont amené le CRTC à conclure que les services de télévision conventionnels étaient en déclin, dans un rapport rendu public jeudi dernier.

Quand ils ont comparu devant vous, le 29 mai, les représentants des ministères des Finances et du Patrimoine canadien ont dit douter que la proposition des FCB représente une solution complète aux problèmes auxquels se heurtent les médias canadiens.

Soyons clairs. Nous ne croyons pas que l’élimination des déductions fiscales pour la publicité numérique étrangère représenterait une solution complète aux problèmes auxquels se heurtent les médias canadiens, mais nous croyons que cela aiderait assurément. En fait, les bienfaits potentiels sont considérables.

Selon l’hypothèse conservatrice des FCB voulant que 10 p. 100 des dépenses Internet à l’étranger reviendraient aux médias canadiens, cela correspondrait à une injection pouvant atteindre 400 millions de dollars en nouvelles recettes par année. Cela n’inclut pas les centaines de millions de dollars qui reviendraient dans les coffres du gouvernement et dont une partie pourrait aller aux médias locaux si le gouvernement choisissait de faire cela.

Pour mettre ces données en perspective, rappelez-vous que le budget de 2018 consacre 10 millions de dollars par année sur cinq ans au soutien du journalisme local. Nous applaudissons cette mesure, mais il est indéniable que ce que les FCB proposent correspondrait à une contribution grandement supérieure aux médias locaux, et que cela ne pourrait pas tomber à un moment plus crucial.

Il ne faudrait pas oublier ce qui a au début motivé l’adoption des règles relatives à la déduction des dépenses de publicité radiodiffusée de la Loi de l’impôt sur le revenu. Au milieu des années 1970, des stations de télévision à la frontière américaine détournaient environ 10 p. 100 de la publicité télévisée canadienne hors du marché canadien, en partie parce que les annonceurs canadiens pouvaient déduire cette dépense.

En 1976, le gouvernement a reconnu que cela causait un déséquilibre concurrentiel pour les radiodiffuseurs canadiens et que cela minait la programmation locale. Il a alors décidé d’agir.

Comme nous le savons, les menaces relatives aux recettes de publicité conventionnelles n’ont pas diminué. En fait, avec l’émergence des géants étrangers en ligne qui ont droit aux déductions fiscales, ces menaces n’ont fait qu’augmenter avec le temps. Comme vous l’avez déjà entendu, les médias locaux au Canada, dont la télévision, sont mis à rude épreuve.

J’ai fait allusion, tout à l’heure, aux pertes de revenus de la télévision conventionnelle des dernières années. Elles ont déjà des répercussions sur la couverture médiatique locale dans certains marchés. Des défis encore plus grands nous attendent.

Par exemple, le gouvernement exige des radiodiffuseurs conventionnels qu’ils évacuent la bande de fréquences de 600 mégahertz au cours des années à venir afin de pouvoir rapatrier le spectre pour le sans-fil. Le déplacement d’émetteurs de télévision pourrait représenter des centaines de millions de dollars en nouveaux coûts de transition.

Sénateurs, vous avez déjà entendu, lors de vos audiences, que les collectivités de partout au Canada profitent d’une façon unique des nouvelles locales. Nous ne pouvons pas tenir cela pour acquis, et nous ne pouvons pas présumer que ce sera remplacé. Tout comme en 1976, il est temps que le gouvernement agisse.

Merci de l’occasion que vous me donnez de comparaître devant vous, ainsi que de l’attention que vous portez à cet important enjeu pour notre industrie et pour les collectivités de partout au Canada. Nous serons plus que ravis de répondre à toutes vos questions.

Barry Rooke, directeur général, Association nationale des radios étudiantes et communautaires Inc. : L’Association nationale des radios étudiantes et communautaires est un organisme national sans but lucratif qui reconnaît, appuie et encourage les radiodiffuseurs de campus et les radiodiffuseurs communautaires du Canada qui sont axés sur le bénévolat, sont sans but lucratif et sont accessibles au public.

Nous offrons des conseils aux stations de radio étudiantes et communautaires individuelles, et nous défendons leurs intérêts. Nous menons également des activités de revendication et d’élaboration de politiques avec pour objectif d’accroître le rôle et l’efficacité de notre secteur. Nous représentons 110 stations membres, la très grande majorité étant des stations de radio étudiante et communautaire de langue anglaise au Canada.

Nos membres diffusent de la programmation dans 65 langues, y compris 13 langues autochtones. Quelques membres possèdent une licence de radiodiffusion bilingue ou diffusent principalement en français. Nous souhaitons donner à votre comité un survol de notre secteur et parler des recommandations du rapport Colmatons la brèche!

Les stations étudiantes et communautaires sont le reflet de la diversité des collectivités qu’elles desservent, et ce, à tous les égards. Elles sont exploitées, gérées et contrôlées à l’échelle locale, et leur programmation est produite, en tout ou en partie, par des bénévoles du milieu. Certaines stations disposent d’un budget inférieur à 5 000 $, n’ont aucun employé et comptent sur quelques bénévoles, comme la station CHBB-FM de Norris Point, à Terre-Neuve. D’autres stations de taille moyenne, comme CKDU-FM à Halifax, en Nouvelle-Écosse, comptent quelques employés et ont un budget variant entre 150 000 $ et 300 000 $. Enfin, des stations dans les grands centres urbains, comme CJSW-FM à Calgary, en Alberta, emploient plusieurs personnes et ont un bassin de centaines de bénévoles ainsi qu’un budget annuel de près de 1 million de dollars.

À l’heure actuelle, la plupart des stations recueillent des fonds de manière fragmentaire, à l’aide de subventions de projets, de vente de publicité et d’activités de financement communautaires. Au Québec, les stations peuvent obtenir des subventions provinciales d’aide au fonctionnement. Vous n’êtes pas sans savoir que le Comité permanent des langues officielles se penche sur les programmes de soutien aux radiodiffuseurs communautaires des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cela dit, à l’heure actuelle, la plupart des radiodiffuseurs étudiants et communautaires situés à l’extérieur du Québec ou dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire n’ont accès à aucun programme stable de financement opérationnel.

La publicité en ondes est une source importante de recettes pour les stations de radio étudiantes et communautaires. Le Rapport de surveillance des communications 2017 du CRTC indique que la publicité représente 46 p. 100 des recettes annuelles des stations communautaires, mais 9 p. 100 des recettes des stations étudiantes, dont le financement provient en grande partie des cotisations payées par les étudiants.

Le rapport indique à première vue une augmentation de la valeur des achats publicitaires dans le secteur de 2012 à 2016, mais ces données ne tiennent pas compte d’une augmentation du nombre de stations pour lesquelles des données ont été recueillies. La moyenne des recettes publicitaires montre plutôt une diminution d’environ 3 000 $ par année, par station. Une enquête interne auprès de nos membres a confirmé cette réalité. Nous croyons que cette diminution s’explique en partie par la multiplication des moyens publicitaires sur Internet et par le fait que le gouvernement fédéral n’achète plus de publicité ordinaire auprès des stations de radio communautaires.

Une telle perte de recettes peut avoir d’énormes répercussions sur certaines petites stations. Au moins six petites collectivités canadiennes ont perdu leur radiodiffuseur local au cours des dernières années, notamment à la suite de difficultés financières. La dernière à avoir fermé ses portes est CICV, une petite station de Lake Cowichan, en Colombie-Britannique, qui a mis fin à ses activités en janvier.

François Côté, directeur général de l’Alliance des radios communautaires du Canada, a comparu devant ce comité il y a quelques jours. Il a fait état d’une diminution importante des recettes publicitaires en ondes à la radio communautaire de langue française au pays.

En ce qui concerne le rapport Colmatons la brèche!, nous sommes d’avis que l’interprétation proposée de l’article 19.1 comportant l’élimination ou la restriction de la déduction des dépenses publicitaires pour les médias étrangers distribués sur Internet pourrait donner aux entreprises canadiennes qui souhaitent joindre le marché local une raison d’opter pour la publicité par les médias numériques canadiens. Cela pourrait ouvrir des possibilités pour notre secteur.

À l’heure actuelle, peu de stations étudiantes et communautaires au Canada offrent aux annonceurs la possibilité de faire de la publicité en ligne. Toutefois, il faut prévoir qu’un nombre important de ces stations vont un jour se doter de services numériques plus sophistiqués et chercheront à les monnayer le plus possible.

Encore selon le rapport Colmatons la brèche!, l’interprétation proposée entraînerait des gains fiscaux pouvant atteindre 1,3 milliard de dollars pour le fédéral et les provinces, et ces sommes pourraient servir à des initiatives d’appui aux médias canadiens.

Compte tenu de la situation financière précaire de notre secteur et de sa contribution importante à la diversité des voix dans la sphère médiatique canadienne, nous demandons qu’une partie de ces fonds soit consacrée à notre secteur. Je vous remercie.

Le président : Je commencerai par poser une question que j’ai déjà posée au dernier groupe de témoins. Au Canada, les annonceurs et les entreprises utilisent Internet, Google et Facebook, car ils croient que c’est un moyen moins dispendieux d’atteindre leur marché cible.

Lorsque la Loi sur la radiodiffusion a été modifiée pour retirer aux stations de télévision américaines leurs droits fiscaux, plusieurs choix s’offraient à elles. Elles pouvaient utiliser la télévision canadienne.

Où les entreprises canadiennes iront-elles si elles ne peuvent pas utiliser Google? Eh bien, elles peuvent l’utiliser, mais elles n’auront pas droit à une déduction, ce qui semble injuste, et elles ne peuvent pas faire de la publicité sur Facebook. Cela ne les désavantage-t-il pas comparativement à des entreprises étrangères comme les entreprises américaines qui commercialisent leurs produits sur le marché canadien?

M. Hinds : Pratiquement tous nos journaux ont une unité de vente numérique en ligne. En effet, on peut acheter de la publicité sur chaque site web.

Le prix est concurrentiel, étant donné que c’est le marché. Le problème avec le prix, c’est qu’il est trop bas pour investir dans le contenu. Les gens d’affaires peuvent choisir différentes options dans chaque collectivité du pays.

Le président : Manifestement, les gens d’affaires ont décidé que l’autre choix était un meilleur choix. C’est la raison pour laquelle ils vont là-bas. Ils ont maintenant accès à votre option, mais ils choisissent l’autre option, car ils croient qu’elle est préférable.

M. Thompson : C’est vrai dans une certaine mesure. Je comprends le point que vous faites valoir. Je crois que c’est la raison pour laquelle les membres des AMIS de la radiodiffusion canadienne ont fait preuve de retenue lorsqu’ils ont estimé le nombre de radiodiffuseurs qui reviendraient dans les médias canadiens. Environ neuf radiodiffuseurs sur dix resteraient avec Facebook et Google, car ils ont choisi ces plateformes pour les raisons que vous avez mentionnées. Ils pensent qu’elles représentent une valeur plus élevée.

Nous comprenons cela. Nous n’essayons pas de revenir en arrière, mais nous pensons qu’un sous-groupe d’annonceurs prennent leurs décisions en se fondant sur le prix et la capacité de déduire une dépense sur une plateforme numérique est un facteur qui contribue à cette décision.

Ils sont assez sensibles au prix, et nous pensons que nous offrons un produit suffisamment concurrentiel sur les plateformes de radiodiffusion pour les convaincre de revenir avec nous. Nous sommes très optimistes au sujet de l’avenir de la publicité dans la radiodiffusion.

Le président : Vous ne pouvez pas les convaincre de revenir sans avoir des règles du jeu équitables. Vous devez offrir un avantage concurrentiel, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas obtenir de déductions en utilisant Google et Facebook, mais qu’ils peuvent les obtenir par l’entremise de votre station de radio. En ce moment, vous avez des règles du jeu équitables. En effet, on peut obtenir des déductions sur toutes ces plateformes.

Peter Miller, consultant, Association canadienne des radiodiffuseurs : Les mots « règles du jeu équitables » ont différents sens. Vous avez raison, nous parlons de la présence ou de l’absence de la déductibilité. Nous suggérons que la publicité dans les médias étrangers sur Internet ne soit pas déductible.

Nous valorisons les médias canadiens. Je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus, mais ils n’offrent pas des règles du jeu équitables, comme M. Hinds l’a mentionné, en ce qui concerne ces autres fournisseurs de contenu. En effet, les médias canadiens produisent leur propre contenu. Ils embauchent des journalistes et des Canadiens d’un bout à l’autre du pays pour refléter nos collectivités. Les médias étrangers ne font pas cela.

Premièrement, nous croyons qu’il est possible de rendre les règles du jeu équitables en adoptant une mesure fiscale qui, nous le savons, a été utilisée dans les années 1960 et dans les années 1970.

Deuxièmement, il s’agirait d’une mesure neutre sur le plan de la concurrence. Autrement dit, toute entreprise qui fait de la publicité aux Canadiens aurait le choix d’utiliser un média canadien ou un média étranger, et tous ces médias seraient assujettis aux mêmes règles. Aucun n’offrirait un davantage ou ne représenterait un désavantage. Tous ces choix seraient neutres sur le plan de la concurrence.

Le président : Google et Facebook ne sont-ils pas simplement des annonceurs directs? Ne sont-ils pas différents des catalogues, du publipostage, du télémarketing ou de la vente porte-à-porte?

Ce sont tous des concurrents de votre industrie ici, au Canada. En raison de la perturbation du marché et du fait que les gens ne répondent pas aux appels téléphoniques, ce secteur a de gros problèmes. Ils ne sont pas ici pour demander un avantage concurrentiel.

C’est seulement une autre forme de commercialisation directe, et vous n’êtes pas en mesure de lui faire concurrence.

M. Miller : C’est une observation très valable, mais il faut établir deux distinctions. Tout d’abord, ces publicités directes, qu’il s’agisse de panneaux d’affichage ou de circulaires, entraînent des coûts de production que les publicités sur Internet n’entraînent pas. En effet, les annonceurs peuvent distribuer leur matériel gratuitement sur Internet.

Tout d’abord, leurs plateformes sont virtuellement gratuites une fois établies. Deuxièmement, et cela revient encore à ce point, la différence est attribuable au coût du contenu.

Les médias canadiens ont des coûts liés au contenu. Non seulement ces autres fournisseurs n’ont-ils pas de coûts liés au contenu, mais le précieux contenu journalistique qu’ils offrent est souvent du contenu de médias canadiens.

Le sénateur Dawson : Je présume, étant donné qu’aucun témoin de votre groupe ne l’a mentionné, qu’on ne vous a pas consulté sur ce que la ministre annoncera aujourd’hui. Vous n’avez aucune idée de ce qu’elle annoncera aujourd’hui, mais vous êtes des intervenants dans ce domaine et ne devrait-on pas présumer que vous auriez habituellement dû être consultés?

La réponse est évidente, et c’est un peu embarrassant. Nous devrons attendre son annonce. Elle sera au Sénat aujourd’hui et nous aurons donc l’occasion de lui poser directement la question pendant la période des questions du Sénat.

D’après ce que nous entendons, on parle d’une étude d’environ 18 mois. Madame Pilon, vous avez parlé de l’urgence d’agir. Est-ce qu’une période de 18 mois représente un délai raisonnable lorsque nous savons que ces gens sont arrivés sur le marché à pas de géants en seulement quelques années? Occupent-ils maintenant une portion disproportionnée du marché et devrions-nous réagir dans un cadre beaucoup plus restreint?

[Français]

Mme Pilon : Le gouvernement doit agir avec audace, mais aussi de façon judicieuse parce que ce sont de grandes questions. Le rapport du CRTC propose d’éliminer l’attribution de licences aux radiodiffuseurs et de les remplacer avec des ententes commerciales. Alors, cela s’appliquerait dans les services intégrés où il y a des services qui offrent l’accès à Internet ainsi que des réseaux de radiodiffusion. En ce moment, les fournisseurs d’accès à Internet sont exemptés de la contribution au contenu canadien.

Comment cela va-t-il s’articuler? Ce ne seront plus des licences, mais des ententes individuelles. Il faut réfléchir à l’impact économique de ce changement. Il y a des discussions sur le pourcentage de contribution, selon le contributeur, et c’est presque comme si on considère de fusionner la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.

Il est évident que dans l’intérim, des actions peuvent être posées. En travaillant avec le gouvernement, nous allons nous assurer que d’ici la révision complète, des actions plus ponctuelles, telle l’exemption pour les fournisseurs d’accès à Internet, feront l’objet d’une révision. On pourrait commencer à y travailler immédiatement.

Je crois qu’il y a des moyens de prendre des parties de cette révision et de cette transformation une à la fois, sans toutefois attendre les 18 mois complets. On attend également l’annonce de la ministre aujourd’hui. Il y a des recommandations dans le rapport du CRTC qui sont très encourageantes et qui reconnaissent l’urgence et le besoin de changer le système, car il est désuet. Il y a des composantes encore bonnes qu’on veut maintenir. La réglementation, on veut la maintenir, d’autant plus qu’on veut l’appliquer à ceux qui bénéficient de la distribution de contenu. C’est donc une très bonne nouvelle.

[Traduction]

M. Hinds : Dix-huit mois représentent une longue période pour mener une seule étude. Ensuite, les mesures législatives arriveront manifestement des années plus tard.

Nous pensons qu’on a déjà mené de nombreuses études. Il y a eu le rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, qui a pris 18 mois. Il y a eu le rapport de Greenspon, intitulé Le miroir éclaté, qui a aussi pris 18 mois. Il existe un grand nombre d’études. Nous participons maintenant à des audiences parlementaires sur le droit d’auteur, et le comité sur le droit d’auteur nous dit que rien ne se produira avant 2021 ou 2022.

Dix-huit mois, c’est une longue période. Comme je l’ai dit, au cours des deux dernières années, la Saskatchewan a perdu 20 p. 100 de ses journaux. Si cette tendance se maintient, vous pouvez voir la réalité.

Le sénateur Dawson : Si j’étais vous, je mentionnerais aussi souvent la Saskatchewan.

Cela me donne l’occasion de préciser que je sais que nous ne nous réunirons pas demain soir et que nous aurons une réunion à huis clos la semaine prochaine. Ce rapport ne peut pas attendre plus longtemps. Même s’il se peut que nous n’entendions plus d’autres témoins, nous devons veiller à commencer à penser à publier un rapport. Si nous ne le publions pas au cours des prochaines semaines, il sera seulement publié en octobre ou en novembre prochain.

Nous devrions certainement réfléchir à cela au cours des prochains jours et nous devrions également réfléchir aux mesures que nous voulons prendre relativement à la lacune.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Pilon. Vous venez de parler de la modification du modèle d’affaires et de ses enjeux. Pouvez-vous nous rappeler les plateformes de diffusion pour la production indépendante francophone et quels sont les enjeux spécifiques à la communauté francophone ou aux producteurs francophones pour accéder aux plateformes numériques?

Mme Pilon : Il est évident que nous avons du chemin à faire pour assurer la place du français sur ces plateformes numériques. Il y a la plateforme Tou.tv et la plateforme Illico. De plus en plus de câblodistributeurs offrent une plateforme numérique. Les contenus en français sont limités. Nous avons quand même eu une bonne nouvelle il y a quelques semaines : Tou.tv Extra a créé un partenariat avec la majorité des télédiffuseurs privés et publics francophones au Canada.

On espère que cela nous permettra d’avoir plus de contenu sur nos plateformes. Au Québec, les études démontrent que la part du marché de Netflix est moins importante que dans le reste du Canada, mais les francophones en situation minoritaire font partie du reste du Canada. Il n’y a pas de données à ce sujet. On n’est pas en mesure de déterminer la proportion de francophones à l’extérieur du Canada abonnés à Netflix, parce qu’on s’intéresse très peu à nos auditoires et très peu d’études sont faites à ce sujet.

En ce moment, l’APFC mène une étude avec Téléfilm Canada, qui fait une étude annuelle sur les comportements des consommateurs canadiens. Cette année, on a misé sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans les deux communautés, anglophone et francophone. C’était à l’extérieur du Québec, et à l’intérieur du Québec pour les anglophones. Donc, on devrait avoir un petit indice sur les comportements.

L’APFC réalise un projet en ce moment avec les télédiffuseurs privés et ses membres où on fait l’essai de stratégies de découvrabilité de contenu pour voir comment les communautés francophones et acadiennes accèdent au contenu et comment elles font leur choix.

On met les choses en place. Pour les plateformes étrangères, si on ne met pas de balises sur le taux du contenu canadien et francophone, on observe une migration. Il faut penser à des stratégies pour permettre cette découverte. Cela fait partie du financement de la production, du contenu, mais aussi de la visibilité.

Le sénateur Cormier : Est-ce que la révision de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications est un bon espace pour vous?

Mme Pilon : Oui. Nous allons être actifs dans ce dossier afin de nous assurer que cela s’applique à toutes les lois, tous les règlements et toutes les politiques publiques culturelles du Canada. C’est bien de revoir l’exemption qui existe à l’heure actuelle. Si on ne le fait pas et si on ne regarde pas, par exemple, la Loi sur la taxe d’accise, on peut ensuite utiliser une loi contre l’autre pour mettre au défi ce qu’on met en place. S’il n’y a pas de concertation avec tous ces mécanismes, on se tire un peu dans le pied. C’est bien de revoir la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur les langues officielles. Une nouvelle loi verra bientôt le jour pour les peuples autochtones. Il faut absolument mettre ces mécanismes en lien avec les autres pour s’assurer que ces lois aient le pouvoir que l’on souhaite.

Le sénateur Cormier : Merci.

La sénatrice Gagné : L’Association de la presse francophone, lors de sa comparution, la semaine dernière, a suggéré que le gouvernement fédéral réduise son utilisation d’Internet comme média publicitaire pour retourner à l’usage des journaux, de la radio communautaire et d’autres moyens pour rejoindre les plus petites communautés de façon à assurer leur développement et leur épanouissement.

D’autre part, la semaine précédente, des représentants de Patrimoine canadien ont comparu devant notre comité. Les fonctionnaires nous ont informés que le gouvernement avait recours à des publicités web sur Facebook et autres, parce qu’ils voulaient obtenir un bon retour sur leur investissement en matière de dépenses publicitaires. En ont-ils pour leur argent? J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

M. Hinds : C’est une discussion intéressante. Nous demandons toujours aux hauts fonctionnaires du gouvernement ce qu’ils savent et qui semble échapper à des entreprises comme General Motors et Chrysler. Ce qui s’est produit, c’est que le déclin de la publicité faite par le gouvernement fédéral est exponentiel. En effet, de nos jours, il n’y a aucune publicité du gouvernement dans les journaux. Pourtant, nous sommes le deuxième ou le troisième instrument de publicité le plus important pour le secteur privé. Il y a quelque chose que les intervenants de ce secteur semblent savoir et qui nous échappe.

L’une des choses dont nous avons beaucoup parlé, c’est que je ne crois pas que le renflouage nous intéresse lorsqu’il s’agit de remplacer la publicité par d’autre publicité. Il s’agit réellement d’avoir une cible et de faire ce qu’il faut avec la publicité.

Ce qui se passe dans le cas du gouvernement fédéral, c’est qu’il n’existe aucune politique pour vérifier si on utilise l’instrument approprié dans le cas d’une publicité qui cible les personnes âgées, par exemple. En effet, si votre publicité cible le tiers de la population rurale de l’Ouest et des régions éloignées du Canada qui n’a pas accès à Internet, pourquoi faites-vous de la publicité qui s’adresse à ces personnes sur Facebook? Pourquoi faites-vous de la publicité pour les personnes âgées sur Facebook?

Il s’agit réellement de faire de la publicité de façon intelligente et de veiller à cibler les personnes qui en ont besoin. Dans de nombreux cas, les programmes et les services ciblés visent des groupes qui ne sont pas nécessairement aussi à l’aise avec Internet que le reste de la population.

Un autre point est lié à votre cible. Une partie du problème concerne les services. Vous ne faites pas la promotion de votre marque, contrairement à de nombreuses autres entités qui tentent de faire la promotion de leurs marques. Les programmes et les services devraient être annoncés dans les journaux, car ce sont des renseignements que les gens veulent découper et conserver. C’est certainement ce qu’a fait le secteur privé, mais pas le gouvernement. On était essentiellement trop pressé d’épargner de l’argent, et on n’a pas agi efficacement.

De plus, le secteur privé tient compte du rendement du capital investi. En effet, les entreprises publient une annonce dans les journaux ou sur un site de nouvelles et elles peuvent vérifier ensuite comment cette annonce fonctionne et où elle fonctionne, alors que le gouvernement fédéral ne fait pas cela avec sa publicité.

Nous voulons simplement que la publicité du gouvernement soit faite de façon intelligente et qu’elle ait des objectifs réfléchis. Nous croyons que cela permettra de favoriser le retour de la publicité dans les journaux et sur les sites des journaux.

M. Rooke : Dans notre cas, nos collectivités sont souvent seulement desservies par nos membres. Nous sommes la seule organisation de médias à part les dépliants ou les publipostages mensuels, et cetera. Nous représentons et nous appuyons les collectivités qui n’ont aucune autre source d’information dans ce sens ou qui font partie d’une communauté, surtout dans le cadre des programmes multiculturels, qui sont au centre des activités de cette communauté.

Cela offre un espace sur la plateforme des trois piliers de la radiodiffusion pour communiquer avec les gens, alors qu’un grand nombre de nos auditeurs participent aux activités de la collectivité et ne sont pas en mesure d’utiliser ou n’utilisent pas d’autres formes de médias pour obtenir de l’information, du divertissement ou des développements communautaires.

Il y a une intéressante perspective selon laquelle il existe de nombreuses différentes sources de gens avec lesquels on peut communiquer. En utilisant seulement une région ciblée, vous passez à côté de nombreux différents Canadiens partout au pays.

Le président : De qui est-ce la faute? Est-ce votre faute, car vous ne faites pas la promotion de votre produit ou le gouvernement est-il dans le coma ou quelque chose d’autre?

M. Hinds : Nous faisons certainement la promotion de notre produit. Nous avons des discussions continues avec Travaux publics et avec le gouvernement. Je pense qu’on avait ce point de vue. Le gouvernement précédent a indiqué clairement que le milieu numérique avait la priorité. Ce gouvernement a donc adopté une politique qui accorde la priorité au contenu numérique.

Nous avons également mené des études avec le gouvernement sur les gens qui cherchent des publicités. L’une des choses intéressantes à cet égard, c’est que les Canadiens veulent voir de la publicité et ils veulent que le gouvernement fasse de la publicité dans leurs journaux communautaires locaux et sur leurs sites web communautaires. Nous avons communiqué cela aux hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé et de Travaux publics.

M. Rooke : Je pense qu’une grande partie du problème, c’est que, pour nos membres, les sources de financement de la publicité serviraient aussi à bonifier les stations communautaires mêmes.

Il y a une faille. Si le gouvernement ou les individus n’achètent pas de publicité en passant par nous, la station obtient une grande partie du financement qui ne peut pas venir d’ailleurs.

Le CRTC a établi un partenariat pour le développement du contenu canadien avec nos partenaires privés du secteur de la radiodiffusion. Or, il s’agit de la seule source de soutien. La réduction de la publicité sur les différentes plateformes depuis deux ou trois ans paralyse les stations de radio; pour cette raison, elles doivent déployer des efforts continus pour se maintenir à flot, ce qui les empêche de tenter de prendre de l’expansion au sein des communautés où elles travaillent.

Nous oeuvrons dans différents secteurs. Nous sommes un chef de file dans les domaines de la baladodiffusion et des émissions en extérieur diffusées en direct, mais ces activités requièrent tout de même le financement de base qui permet à peine aux stations de rester ouvertes.

La sénatrice Galvez : Plus j’entends de témoins durant notre étude, plus je me rends compte que la situation est très complexe. Il faut des solutions créatives venant de perspectives diverses.

Nous sommes d’accord avec vous, mais en même temps, nous avons des préoccupations quant aux solutions limitées visant la révision des règles de déductibilité et la définition du concept de radiodiffusion. Nous devons considérer le problème dans son ensemble.

Il y a le contenu, le contenant et le mécanisme de diffusion. Nous devons proposer des solutions pour chacun de ces éléments. Pouvez-vous m’aider à trouver des solutions créatives applicables à ces différents éléments?

M. Thompson : Une partie de ce qui rend la proposition des AMIS de la radiodiffusion canadienne attrayante, c’est sa simplicité. Les règles se trouvent déjà dans la Loi de l’impôt sur le revenu. On ne ferait qu’élargir la portée d’une politique déjà en place.

Vous avez tout à fait raison, sénatrice Galvez, lorsque vous dites qu’il s’agit d’un problème complexe. Je présume que nombre de vos préoccupations sont les mêmes que celles qui sont étudiées dans le cadre des examens de la politique sur la radiodiffusion. Nous avons participé activement à ces examens au cours des dernières années et nous continuerons à y participer durant la prochaine année.

Les différents éléments sont certainement reliés les uns aux autres, mais régler un seul problème, même un petit, pourrait indubitablement avoir des répercussions sur l’ensemble.

M. Hinds : C’est là une partie du problème. Pour ce qui concerne la situation dans son ensemble, de bonnes études fiables ont été faites.

Je vous renverrais au rapport bien équilibré du Comité permanent du patrimoine canadien. En conclusion, on y recommande de financer directement le contenu. L’autre étude est Le miroir éclaté du Forum des politiques publiques. Chose intéressante, les deux rapports en sont venus à des conclusions presque identiques concernant les solutions. Aussi, les deux sont exhaustifs, dans le sens qu’ils portent tant sur le contenu que sur la distribution.

La sénatrice Galvez : Nous avons reçu d’autres témoins, et je leur ai demandé comment nos lois se comparent aux mesures législatives adoptées ailleurs dans le monde. Par exemple, des changements importants ont été apportés en Europe.

Pouvons-nous nous inspirer des changements qui ont été faits en Europe et proposer des solutions complémentaires ou globales pour régler notre problème?

M. Hinds : L’Union européenne travaille très activement à ce dossier. Par rapport au duopole numérique, on a surtout recours au droit d’auteur. En Allemagne et en Espagne, des mesures intérieures ont été prises pour arrêter le vol de contenu. L’Union européenne se penche maintenant sur le droit d’édition.

C’est intéressant qu’une fois que les assemblées nationales ou l’Union européenne ont commencé à prendre des mesures, des négociations ont été ouvertes. Pour traiter avec les grandes multinationales, il faut entre autres pouvoir mener des négociations équitables. En Europe, les négociations entre les diffuseurs et le duopole numérique ont été plus équitables qu’ici. Beaucoup de choses ont été faites.

Le Royaume-Uni a accompli du travail remarquable par l’intermédiaire de la BBC. Il y a maintenant un programme dans le cadre duquel la BBC emploie 120 journalistes communautaires partout au pays, et les journaux communautaires ont accès au contenu qu’ils créent. Il s’agit de contenu à source ouverte.

Pour ce qui concerne la presse, un groupe d’experts se penchera sur les journaux et sur l’incidence des acteurs numériques sur l’industrie de la presse. Nous pouvons tirer maintes leçons du Royaume-Uni et de l’Union européenne.

La sénatrice Bovey : Je vais reprendre quelques points que ma collègue, la sénatrice Galvez, a soulevés.

Le portrait qu’on nous présente de la situation est cohérent : on nous parle de l’importance des médias locaux dans le secteur des médias nationaux, de la chute des revenus publicitaires, de la perte d’emplois, ainsi que de la fermeture d’un certain nombre de petits journaux et de petites stations.

Évidemment, cela a causé une baisse énorme du nombre d’emplois et, par conséquent, des perspectives de formation et de carrière pour les journalistes. C’est un des sujets dont j’aimerais que nous parlions.

La possibilité d’imposer la publicité sur les médias sociaux internationaux n’est qu’une solution, comme tous le disent, malgré les estimations prudentes quant aux recettes. Vous avez parlé du contenu que les plateformes numériques puisent chez nos journalistes.

Monsieur Hinds, vous avez attiré notre attention sur les droits d’auteur et vous en avez parlé brièvement. Vous avez dit, durant votre exposé :

Nous avons besoin d’un régime de droits d’auteur qui permettra aux créateurs de protéger et de gérer le contenu pour lequel ils ont payé.

Je vous demanderais de nous en dire plus à ce sujet, s’il vous plaît, parce que je pense que c’est important. L’examen en cours de la Loi sur le droit d’auteur tient-il compte de ces préoccupations?

M. Hinds : Vous remarquerez que nombre de médias sociaux et de plateformes numériques contiennent beaucoup de contenu provenant de journaux.

La sénatrice Bovey : Absolument.

M. Hinds : Une grande partie du contenu provenant de journaux n’a pas été placé là de manière volontaire. Nous avons actuellement recours à un régime d’utilisation équitable. Si un journal installe un verrou d’accès payant, vous pouvez le contourner, vous emparer du contenu, l’adapter et le vendre.

Nous connaissons tous les agrégateurs, qui peuvent être petits ou grands, étrangers ou nationaux. Google News n’est pas le seul en cause. Les agrégateurs vendent beaucoup de publicités. J’avancerais que chacun de vous utilise probablement, dans son bureau parlementaire, un agrégateur qui ne paie pas de droits de permis.

Nous devons absolument recevoir une compensation et être maîtres de notre contenu, parce que c’est tout ce que nous avons comme entreprises. Il faut resserrer l’utilisation équitable.

Nous nous sommes penchés sur les détails du droit d’édition que l’Union européenne considère. Nous avons également examiné une exemption sur les dernières nouvelles. Il s’agit d’un concept judiciaire venant des États-Unis, en vertu duquel l’utilisation équitable est suspendue pendant les 24 ou les 48 premières heures, période pendant laquelle le titulaire du droit d’auteur a le contrôle absolu du contenu. Le journalisme engendre des coûts, et les investissements doivent générer des recettes, particulièrement pour le journalisme d’enquête.

Le comité chargé de l’examen du droit d’auteur en parle. J’ai témoigné devant ce comité la semaine dernière. C’était une séance équitable. Notre préoccupation à cet égard, c’est qu’on vise la publication d’un rapport en 2021; on vise une mesure législative. Le problème, c’est que, comme nous le savons tous, il a fallu 10 ans la dernière fois pour que le dossier du droit d’auteur aboutisse, et je ne crois pas que nous ayons 10 ans.

La sénatrice Bovey : Liez-vous la question du droit d’auteur à celle de la publicité numérique?

M. Hinds : Je dirais que oui. Elles sont reliées. Plusieurs d’entre nous ont parlé de la complexité. Mme Pilon a affirmé qu’on ne peut pas régler seulement une partie de la question parce qu’elles forment un ensemble. C’est vraiment ce à quoi nous travaillons.

La sénatrice Bovey : Est-ce que quelqu’un aimerait ajouter quelque chose?

M. Miller : Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire, monsieur Hinds. Je ne pense pas que vous voulez dire qu’il faudrait lier les deux dossiers, de façon à ce que l’on ne puisse pas faire avancer l’un sans l’autre.

M. Hinds : Non.

M. Miller : Ils font partie de la solution. L’avantage, et la raison pour laquelle je pense que nous sommes tous ici aujourd’hui, c’est que nous croyons qu’il est possible pour vous d’agir, et ce, dès maintenant.

La sénatrice Bovey : D’accord, merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. Je partage l’opinion de la sénatrice Galvez. En fait, j’ai l’impression que la réflexion est encore axée sur le fait de corriger plutôt que de réinventer.

J’ai beaucoup d’amis qui sont dans le domaine des affaires. Comme moi, ils sont d’avis qu’Internet a révolutionné l’ensemble des entreprises. Aujourd’hui, j’en apprends bien plus avec Internet qu’avec une tonne de papier. À mon avis, les générations futures ne seront pas orientées vers le papier et la publicité.

Je pense à un de mes amis dans le domaine des affaires qui payait des milliers de dollars en publicité. Maintenant, il a sa propre page Facebook totalement gratuite et il est en contact direct avec sa clientèle. Il peut ajuster sa production à l’heure près, ce que la publicité ne lui permet pas de faire. On semble sous-estimer l’impact de cette révolution. On veut encore instaurer des gouvernements qui répondent à des besoins qui n’existent plus. J’ai l’impression que l’industrie s’accroche à des paradigmes qui ont complètement changé et qui ne cesseront d’évoluer.

Je suis inquiet lorsque j’entends dire qu’il faut revoir la fiscalité et les programmes de soutien. À mon avis, la population et les industries sont complètement ailleurs. Il faut réinventer les politiques, non pas en fonction de la réalité d’aujourd’hui, mais de celle qui prévaudra dans 5 ou 10 ans. Les voitures autonomes en sont un bon exemple. Il ne faut pas voir la réalité des voitures autonomes aujourd’hui. Il faut plutôt la voir dans 5, 10 et 30 ans, sinon nos entreprises se retrouveront totalement dépassées et grugées par la compétitivité.

Je ne sais pas si ma perception est correcte, mais c’est comme si on voulait corriger la situation actuelle sans se soucier de l’avenir.

[Traduction]

Le président : Passez à la question, sénateur Boisvenu.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est ma question.

[Traduction]

M. Miller : Permettez-moi de le dire ainsi, monsieur le sénateur. Depuis 100 ans, nous cherchons à soutenir le contenu canadien sous toutes ses formes. Au cours des 10 dernières années, il y a eu un changement fondamental. Le journalisme, c’est-à-dire les nouvelles, a toujours réussi à se soutenir lui-même grâce à la publicité, mais aujourd’hui, il est presque incapable de le faire.

Nous devons décider si c’est là une préoccupation pour notre pays et pour notre démocratie. Accordons-nous de l’importance aux nouvelles locales? Accordons-nous de l’importance aux personnes qui couvrent nos communautés? C’est la question fondamentale.

Nous ne cherchons pas à revenir en arrière et à faire en sorte que les gens recommencent à regarder la télévision linéaire, à lire les journaux imprimés ou à écouter la radio communautaire. Nous cherchons à prendre les mesures nécessaires pour que le contenu que ces médias produisent, qui se trouve déjà sur de multiples plateformes pour la plupart d’entre nous, ait la possibilité de soutenir la concurrence sur le marché et de survivre.

Nous nous sentirons peut-être un peu plus à l’aise si nous considérons la question sous cet angle.

M. Hinds : Pour ce qui concerne le modèle de gestion, au Canada, les actualités ont toujours reçu un soutien public considérable, qu’il s’agisse de revues, du radiodiffuseur public ou de la télévision. Je ne crois pas que le concept soit nouveau. Il s’agit de moderniser le concept en fonction de la réalité du marché.

À mon avis, personne ne dirait que le radiodiffuseur public n’est plus pertinent. Il a toujours été là. À cet égard aussi, nous demandons quelque chose de nouveau. Nous demandons simplement qu’il soit modernisé pour refléter la réalité du marché.

Au bout du compte, voulons-nous que les Canadiens de partout au pays puissent se voir, puissent exercer leurs activités, puissent connaître leur collectivité et puissent demander des comptes aux gouvernements?

Un des grands défis, c’est que le nouveau monde ne manque pas de vidéos de chats, mais si vous voulez du journalisme d’enquête et du journalisme civique qui informent les citoyens sur leurs tribunaux, leurs conseils scolaires et leurs hôpitaux, cela coûte de l’argent et nécessite des investissements. Si vous n’en voulez pas, il existe un marché.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Les petits médias locaux ne sont-ils pas confrontés aux mêmes défis que nos petites boutiques locales, il y a 20 ou 25 ans? Ces boutiques ont vu apparaître des géants comme IGA, Metro et Provigo, qui sont venus leur faire concurrence.

On n’a pas le même type de défi. Comment nos petits médias locaux peuvent-ils faire concurrence à ces grands médias internationaux? Je pense qu’il faut tirer profit des plateformes informatiques plutôt que de les voir comme des ennemis. Êtes-vous d’accord?

[Traduction]

M. Hinds : Un des grands défis pour les petites entreprises et les communautés, c’est que, si l’on perd le journal ou le site du journal, il n’y a nulle part où faire de la publicité. On perd l’espace commercial de la communauté parce qu’on peut aller aux grandes surfaces, et le marché prend de l’expansion.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je reviens à mon exemple de tantôt. Je connais une foule de petits commerçants qui ne font plus de publicité dans les journaux locaux, et c’est souvent à cause des coûts. Les petits médias régionaux que je connais au Québec vivaient de la publicité qu’ils vendaient. C’était un des apports financiers les plus importants à leur survie. Avec une baisse de publicité, leur survie est très fragilisée. Avec l’arrivée d’Internet et de Facebook, les gens sont devenus autonomes en matière de publicité. Ils ont leur propre page et font leur propre publicité dans leurs bureaux. Ils n’ont plus d’intermédiaire pour aller rencontrer leurs clients. C’est la réalité que l’on vit.

[Traduction]

M. Thompson : Je pense que c’est tout à fait vrai que les sociétés comme Facebook et Google ont complètement changé les règles du jeu. Nous ne reviendrons jamais à l’ancienne façon de vendre de la publicité. Nous n’essayons absolument pas de revenir en arrière. La nouvelle méthode a forcé l’industrie à être plus rigoureuse, à choisir plus judicieusement le type d’information qu’elle fournit à ses clients et à aider ses clients à cerner leur public cible de manière plus intelligente. Nous faisons les investissements nécessaires pour aider à intégrer cette fonctionnalité dans nos produits.

Ce que vous dites est tout à fait vrai, monsieur le sénateur. Une certaine partie de la population et des consommateurs trouvera plus économique d’utiliser les grandes plateformes. Ces gens ne reviendront pas. Nous le reconnaissons, mais nous pensons tout de même qu’il reste assez d’annonceurs potentiels au Canada pour continuer à soutenir le contenu que nous diffusons.

J’ajouterais un autre point en faveur des médias traditionnels. C’est certainement vrai que le nombre de téléspectateurs diminue, mais nous atteignons encore 87 p. 100 des Canadiens à l’échelle nationale. Notre accès aux Canadiens a encore de la valeur, et nous croyons que la publicité fait partie de notre avenir à long terme.

Le président : Qui incluez-vous dans ce pourcentage? Est-ce pour la télévision et la radio, seulement pour la radio, ou encore pour la télévision et les journaux?

M. Thompson : C’est juste pour la télévision. À notre connaissance, en plus de cela, les Canadiens écoutent environ 14 heures de radio par semaine.

Le sénateur Mercer : Je dois faire partie du problème, moi qui utilise mon iPad pour lire les nouvelles à partir de National Newswatch ou de Bourque Newswatch.

Je suis encore abonné au journal et je le reçois quotidiennement à la maison. Je marche jusqu’au bout de l’entrée chaque matin pour le prendre, mais c’est la façon dont je le lis qui a changé. J’en lis probablement une partie en ligne avant de m’aventurer dans le froid parce que j’ai accès à tout le journal en ligne.

Une chose qui m’intrigue, c’est le droit d’édition dont vous avez parlé par rapport à l’Union européenne. À quoi cela ressemblerait-il si nous l’instaurions au Canada?

M. Hinds : En vertu de ce droit, les diffuseurs pourraient contrôler leur contenu.

Le sénateur Mercer : Expliquez-moi comment.

M. Hinds : Grosso modo, si vous vouliez utiliser un titre ou du contenu, l’exemption relative à l’utilisation équitable ne serait plus applicable; il faudrait que vous obteniez un permis auprès du diffuseur.

Je parle strictement de l’utilisation à des fins commerciales et non à des fins personnelles. Cela concerne l’utilisation commerciale. Si vous réalisiez des profits d’une façon quelconque au moyen du contenu, il faudrait que vous concluiez une entente avec le propriétaire du contenu en question.

Le sénateur Mercer : Je suis sur le site National Newswatch. Le premier article vient de Mainstreet Research, il y en a un du National Post et un autre d’iPolitics. Il faudrait que tout le monde ait un permis.

M. Hinds : Il existe des accords d’octroi de permis, et ils sont faciles à passer.

Le sénateur Mercer : Dans l’exemple que vous avez donné pour l’Union européenne, quelle incidence la mesure a-t-elle sur le marché et fonctionne-t-elle?

M. Hinds : Les droits de l’éditeur font partie de la nouvelle directive sur le droit d’auteur; c’est donc à l’étude. Je ne suis pas un spécialiste des complexités de l’Union européenne, mais cela fait l’objet de discussions.

Les gouvernements allemand et espagnol ont modifié leurs droits d’auteur, essentiellement pour réduire considérablement la capacité des utilisateurs commerciaux de le faire sans licence. Cela permet aussi l’application de la loi de manière publique, car l’une des difficultés du régime actuel d’utilisation équitable, on peut aller en cour pour le faire, mais c’est extrêmement difficile s’il y a des millions d’abus.

Le sénateur Mercer : Comment peut-on protéger les aspects créatifs des nouvelles, même dans la section du divertissement? J’achète mes romans sur Kindle d’Amazon.

M. Hinds : Ce que vous demandez correspond à ce qui existe actuellement pour la musique, les logiciels et les films. La SOCAN serait à vos trousses si vous utilisiez un extrait quelconque d’une chanson. Or, dans le cas du contenu journalistique, l’utilisation équitable permet le partage sans restriction.

C’est la même chose pour les logiciels, qui ne peuvent être utilisés sans licence. Toutefois, pour une raison quelconque, le contenu journalistique est considéré comme étant du domaine public.

Le sénateur Mercer : Mon dernier commentaire est le suivant : il n’y a rien de mieux que le bon journalisme d’enquête. Je pense vraiment que c’est là où les médias ont manqué le bateau. Cela me choque.

La circulation au centre-ville de Fredericton ne m’intéresse pas, car j’habite à Halifax. Ce qui m’intéresse, ce sont les révélations des bons journalistes d’enquête. Nous ne les félicitons pas assez. Nous permettons que certains qualifient de « fausses nouvelles » les nouvelles qu’ils n’aiment pas. Nous l’avons accepté, et les médias aussi. Ils ne cessent de parler de fausses nouvelles, mais ce ne sont là que des nouvelles écrites qui ne plaisent pas à celui qui en fait la lecture.

Je suis désolé, c’est ainsi que fonctionne le monde.

La sénatrice Galvez : J’ai lu dans les nouvelles du jour que le PDG d’Apple a déclaré que la prochaine version du système d’exploitation permettra de contrôler ce que Facebook peut faire ou non.

Il y a le matériel, le système d’exploitation et les applications, soit Google ou Facebook, dans le cas présent.

Le PDG d’Apple a indiqué qu’il souhaitait donner aux utilisateurs, dans la prochaine version, la possibilité de choisir ce qu’ils reçoivent, de décider s’ils veulent que leur position soit suivie ou de déterminer la quantité de publicité qu’ils veulent sur Facebook.

Est-ce une bonne idée?

M. Rooke : Des sociétés comme Apple le font déjà pour la radio, par exemple en bloquant la réception de la radio FM sur les iPhone. Il s’agit d’une tentative, par une société, de contrôler l’information disponible.

Cela mène en quelque sorte à l’étape suivante, soit la capacité de restreindre l’accès. La question fondamentale est alors de savoir si nous voulons qu’une société internationale puisse restreindre le contenu auquel les particuliers ont accès, en fonction de la source d’information, et ce, en supposant que l’information est toujours disponible.

La sénatrice Galvez : Cela serait-il positif ou négatif, dans votre cas?

M. Rooke : Dans notre cas, cette restriction empêcherait les gens d’obtenir des informations par des sources locales et de savoir ce qui se passe dans leur propre collectivité.

À mon avis, ce n’est pas une bonne chose, du moins du point de vue des petits organismes locaux ou des organismes ruraux à but non lucratif.

M. Hinds : En faisant le suivi de son lectorat en ligne, un de nos importants membres a remarqué une hausse soudaine du lectorat pour un reportage, et a découvert que c’était lié à Apple. Il y a une hausse marquée lorsque le reportage fait partie des quatre qui sont installés sur l’iPhone. On donne beaucoup de contrôle à une tierce partie.

Cela nous ramène encore une fois au problème du contrôle qui est donné, dans le monde numérique, à une tierce partie sur laquelle on n’exerce absolument aucun contrôle. Que ce contrôle provienne du gouvernement ou même du lecteur, cela démontre le pouvoir économique formidable dont disposent ces fournisseurs en ligne. Cet enjeu est au centre de la discussion.

La sénatrice Gagné : Il est intéressant de voir où la discussion nous mène. En avril, je pense, Procter & Gamble a réduit d’environ 20 p. 100 son volume de publicité numérique par rapport à l’an dernier pour réinvestir dans les médias de portée générale, notamment la télévision, la radio et les médias électroniques.

Cette décision s’explique par l’inefficacité de la publicité de masse, qui n’atteignait pas le marché cible. L’entreprise a voulu reprendre le contrôle. De toute évidence, le fait qu’elle n’exerçait pour ainsi dire aucun contrôle sur la chaîne d’approvisionnement des médias suscitait des préoccupations sur le plan de la transparence, de la fraude, et cetera.

On constate un réajustement du marché. Il pourrait être intéressant de voir quelle incidence cela pourrait avoir au Canada.

M. Hinds : Je pense que vous avez tout à fait raison. Lorsque Facebook s’est retrouvé dans l’eau chaude, il était plutôt ironique de voir que la société n’a pas utilisé sa propre plateforme pour diffuser son message, mais qu’elle a plutôt eu recours à une annonce pleine page dans les journaux internationaux pour des questions de crédibilité, d’autorité, et cetera.

Le marché est en pleine évolution. On lit un peu partout que les publicitaires évincent Facebook et que la situation évolue, mais Facebook demeure un acteur important, en fin de compte, et il incombe toujours aux gouvernements d’examiner ces questions. Essentiellement, ce sont les seuls qui peuvent changer la donne. Je ne pense pas que les citoyens peuvent, collectivement, tenir tête à ces sociétés.

M. Miller : Cela nous ramène à la première question du président sur la façon dont le marché s’adapterait à ce genre de développement. J’ai un commentaire sur une observation présentée par les fonctionnaires du ministère des Finances lors de leur comparution au comité. Ils ont indiqué que cela entraînerait une hausse du fardeau fiscal des entreprises de l’ordre d’un milliard de dollars.

C’est leur point de vue, j’en conviens, mais je ne pense pas que c’est ainsi que fonctionne la publicité. Les publicitaires établissent leur budget sur une base annuelle. Si le marché évolue, ils s’ajustent.

Si cette mesure était mise en oeuvre, les annonceurs réajusteraient simplement leurs dépenses. Ils accroîtraient leurs dépenses pour les médias traditionnels, que nous avons estimées à environ 10 p. 100, ce qui est très conservateur. Ils réduiraient probablement leurs dépenses pour les services Internet à l’étranger qui, eux-mêmes, pourraient modifier leurs tarifs en conséquence. Donc, au moins trois choses pourraient se produire.

Il convient également de reconnaître l’importance de la croissance du marché de la publicité sur les plateformes en ligne. On estime à 800 millions de dollars la croissance de 2016 à 2017. Autrement dit, les dépenses sont passées de 4,6 milliards à 6,2 milliards de dollars. Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, on peut s’attendre à une augmentation comparable de 2017 à 2018 ainsi que de 2018 à 2019.

Honnêtement, l’effet le plus probable de cette mesure serait un ralentissement de la croissance de la publicité sur Internet. Cela n’imposerait pas un fardeau excessif aux entreprises canadiennes, car le marché s’ajusterait automatiquement. Je tenais à le préciser, aux fins du compte rendu.

Le président : Le site web de la station 650 de Saskatoon — spécialisée dans la radio d’opinion — est semblable à un site de nouvelles et fait concurrence au StarPhoenix. La station n’a que quelques journalistes, mais pas beaucoup, pas assez pour l’ensemble du contenu du site.

Je suis entièrement de votre côté. Je suis absolument favorable à l’adoption de mesures extrêmement rigoureuses en matière de protection de la propriété intellectuelle. Cela sert d’assise à la culture du pays. Si nous ne la protégeons pas, quelqu’un se l’appropriera.

Je me souviens du moment où Patrick Watson a proposé que CBC ait son propre site de nouvelles. Cela avait suscité la controverse et tout le monde avait dénigré l’idée. Vous connaissez la suite, n’est-ce pas? Le site actuel de CBC est essentiellement un journal, et il est subventionné. Le gouvernement déverse des centaines de millions de dollars dans CBC, et la société a un site de nouvelles qui est en concurrence avec l’industrie de la presse. Elle a un réseau de télévision qui est en concurrence avec les réseaux Global et CTV.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je ne pense pas qu’on ait besoin de CBC pour protéger notre vie culturelle. À mon avis, la protection de notre vie culturelle, passe par la diversité d’opinions, ce que n’offre pas CBC.

C’est mon opinion personnelle. J’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, puisque CBC reçoit un financement considérable auquel tous les autres acteurs de l’industrie n’ont pas accès. Je ne sais pas comment vous composez avec cela. Je serais certainement mécontent. J’ai attiré votre attention, Carol.

[Français]

Mme Pilon : Dans nos communautés, Radio-Canada est parfois le seul médium qui assure aux citoyens un accès aux nouvelles locales dans la mesure où des journalistes sont présents.

Maintenant, en ce qui a trait au contenu télévisuel, depuis 2013, un nouveau joueur s’est ajouté, ce qui nous permet d’avoir accès à du contenu francophone produit par et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire : Unis TV. Bien sûr, son mandat n’est pas le même que celui de Radio-Canada. Radio-Canada a un mandat régional qu’aucun autre télédiffuseur au Canada n’atteint. Si vous retirez cela, vous enlevez l’accès à du contenu non seulement local et journalistique, mais aussi du contenu de divertissement et d’affaires publiques. Ce serait dévastateur de nier que ce service ne rend pas le service qu’il rend à ces communautés.

Dans certains cas, notamment dans l’Ouest, je crois qu’un seul journaliste couvre les deux territoires et la Colombie-Britannique. J’admets qu’il y a eu un réinvestissement et qu’on voit en ce moment un réel changement en ce qui concerne la couverture médiatique et les journalistes qui présentent l’information sur le réseau national. La voix de nos communautés se fait entendre plus que jamais. Pour ce qui est de la production indépendante, cette année seulement, quatre séries dramatiques ont été produites dans nos communautés. Du jamais vu. Deux de celles-ci sont financées par Radio-Canada. Je ne crois pas qu’on peut sous-estimer le rôle que joue Radio-Canada dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il faudrait faire très attention à minimiser l’impact que cela peut avoir sur nos communautés. Dans certains cas, surtout avec la fermeture des radios communautaires et des journaux — vous l’avez entendu de l’Association de la presse francophone et de l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARC) la semaine dernière —, Radio-Canada est souvent le seul médium qui fournit de l’information locale.

[Traduction]

Le président : Quelqu’un d’autre a un commentaire?

M. Hinds : Concernant CBC, l’idée que CBC/Radio-Canada couvre les nouvelles locales ne correspond pas à la réalité. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, The Brunswick News compte 120 journalistes sur le terrain, contre 6 à 8 pour CBC. Voilà la réalité de la couverture médiatique dans les régions du pays.

Quant à l’autre aspect, vous avez raison de dire que CBC a fait son entrée dans un marché concurrentiel. Nous avons eu un incident il y a deux ans, à Hamilton, probablement le marché des médias le plus sursaturé au Canada, lorsque CBC a créé un portail en ligne. CBC y a vendu de la publicité; sur son effectif de cinq personnes, trois faisaient la vente de publicité, en concurrence directe avec une entreprise privée locale.

Fait intéressant, le portail en ligne d’une société privée avait fait faillite l’année précédente parce qu’elle n’arrivait pas être rentable dans ce marché sursaturé. CBC est arrivée et a attiré les annonceurs du Hamilton Spectator et d’autres journaux communautaires. Elle a ensuite décidé qu’elle ne pouvait vendre l’espace publicitaire et a donc fait de la publicité gratuitement pendant deux ou trois mois.

Il y a là des problèmes de concurrence qu’il faut absolument régler.

Le président : En effet. Je tiens à remercier les témoins, puisque personne d’autre ne semble vouloir intervenir. C’était une excellente discussion.

(La séance est levée.)

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