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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 51 - Témoignages du 17 avril 2019 (séance du matin)


TERRACE, le mercredi 17 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, se réunit aujourd’hui à 9 heures pour étudier le projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance de ports ou d’installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Nous sommes honorés de siéger à Terrace ce matin pour entendre le point de vue des témoins sur ce projet de loi. Mais tout d’abord, j’invite tous les sénateurs à se présenter.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta, sur la route 16, à Edmonton.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le président : Je m’appelle David Tkachuk, je viens de la Saskatchewan et je préside le comité.

Voici notre premier groupe de témoins de ce matin. Nous avons le plaisir d’accueillir Joel Starlund, directeur général, Chefs héréditaires Gitanyow; Don Roberts, conseiller en chef de la bande de Kitsumkalum; Crystal Smith, conseillère en chef de la nation Haisla. Elle est accompagnée d’un autre invité qui ne témoignera pas, mais qui pourra lui venir en aide au besoin.

Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie d’avoir accepté de comparaître. Nous entendrons tout d’abord Joel Starlund.

Joel Starlund, directeur général, Chefs héréditaires Gitanyow : Bonjour. Je remercie le Sénat de bien vouloir prendre le temps de nous accueillir. Nous sommes ici pour appuyer les tribus alliées des Premières Nations côtières de Lax Kw’alaams, des Gitga’at, des Heiltsuks, des Haïdas et des nations de la côte qui sont directement touchées dans leurs territoires marins et terrestres et qui ont décidé de protéger ces territoires contre les risques de déversement et de défaillance des pétroliers qui font escale ou déchargent des marchandises dans les ports de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Depuis 1985, année où une bande non officielle a été créée, bien des choses ont changé, et nous avons encore plus de raisons de protéger la côte. Nous avons été témoins de la surpêche, de la mauvaise gestion des pêches, des changements climatiques, du réchauffement des océans et de la destruction de l’habitat dans des frayères essentielles. Poser de nouveau la question de l’autorisation de la circulation des pétroliers le long de notre côte, c’est faire complètement abstraction des études scientifiques menées et des efforts minutieux déployés pendant de longues années par les Premières Nations côtières et des nations qui vivent en amont le long des cours d’eau.

Nous, de la bande de Gitanyow, dépendons du saumon des bassins hydrographiques du Nass et de la Skeena. Notre récolte annuelle peut atteindre 11 000 saumons rouges et 1 000 saumons quinnats, qui sont une source de protéines pour notre population. La majorité de nos membres consomment du saumon et d’autres aliments traditionnels au moins deux ou trois fois par semaine, et beaucoup en consomment tous les jours. La transmission des connaissances culturelles n’est pas possible sans des stocks de saumon sains et abondants.

Outre les risques de déversement de pétrole, la bande de Gitanyow est très préoccupée par les répercussions actuelles des changements climatiques sur son territoire : diminution de l’enneigement, étés plus chauds et plus secs, conditions de sécheresse sans précédent et débit de faible à négligeable pendant les périodes critiques de frai.

En 2013 et en 2017, nous avons assisté à des fermetures sans précédent des pêches vivrière, sociale et rituelle dans les rivières Skeena et Nass. Pendant 12 des 20 dernières années, la Meziadin, un affluent important du Nass, sur le territoire de la bande de Gitanyow, n’a pas atteint ses objectifs d’échappées. Or, elle produit les deux tiers du saumon rouge du Nass.

Bien que nous soyons une petite nation qui a subi l’impact de gouvernements coloniaux qui ont passé outre à nos préoccupations et à nos décisions relatives aux changements climatiques, nous continuons de réclamer des partenaires fédéraux et provinciaux des mesures de lutte contre les changements climatiques. Nous voulons qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir collectif pour empêcher qu’une industrie des combustibles fossiles non contrôlée n’ait d’autres répercussions sur nos ressources hydriques, halieutiques et fauniques.

Le saumon est un moteur économique dans toutes nos économies locales. Le saumon de la Skeena rapporte 100 millions de dollars par année et celui du Nass 9 millions de dollars par année. Selon les rapports du gouvernement, dans le PGIP de 2016, la transformation du saumon sauvage rapporte 15 millions de dollars en salaires par année en Colombie-Britannique. Sa valeur marchande sur les marchés d’exportation s’élève à 100 millions de dollars par année. Le saumon transformé représente le quart des produits de la mer transformés en Colombie-Britannique et rapporte 1,3 milliard de dollars par année en Colombie-Britannique. C’est un exemple d’économie durable, pour peu qu’elle soit bien gérée et bien protégée, et elle peut faire vivre les générations futures à perpétuité.

Aujourd’hui, vous allez entendre plusieurs témoins qui ne s’embarrassent pas de ces préoccupations. Ils estiment peut-être qu’il est acceptable de risquer l’avenir de nos petits-enfants pour servir les objectifs économiques de la génération actuelle. Malheureusement, je suis l’une des rares voix que vous entendrez aujourd’hui vous inciter à la prudence. Il y en a beaucoup qui ne pouvaient pas être ici aujourd’hui parce qu’on leur a refusé une invitation à comparaître. Deux de ces groupes ont rédigé des lettres d’appui, que j’ai ici et que je vous remettrai. L’un est de la Skeena Fisheries Commission, un organisme-cadre qui représente les nations Gitxsan, Wet’suwet’en et Tsimshian. L’autre vient du groupe Friends of Morice-Bulkley Valley.

J’ai une mise au point à faire au sujet de la position de la bande de Gitanyow sur le projet de pipeline d’Eagle Spirit Energy et de la circulation de pétroliers qu’il entraînerait. En 2014, le chef Gwaslam a écrit au président de l’Eagle Spirit Energy Holding pour lui faire part de son opposition à tout pipeline qui traverserait le territoire Gwaslam. Cette position a été appuyée par d’autres Gitanyow wilps. Il a déclaré qu’un oléoduc violerait le principe de la loi Gwelx ye’enst, c’est-à-dire le droit et la responsabilité de veiller à ce que le territoire soit transmis de façon durable d’une génération à l’autre. Le fait que cette entreprise continue de présenter sous un faux jour le soutien que le projet reçoit parmi les Premières Nations de la côte nord-ouest nuit à l’intégrité et à la réputation de cette entreprise et des dirigeants qui l’appuient.

En tant que gouvernement autochtone agissant à titre de chefs héréditaires, Gitanyow assume la responsabilité de prendre des décisions qui ne priveront pas les générations futures de leur droit à une terre et à un environnement sains et à une économie durable. Depuis au moins 2008, la bande de Gitanyow donne un appui indéfectible aux Premières Nations côtières et à leur interdiction relative aux pétroliers. Elle maintient aujourd’hui cette position et la maintiendra à l’avenir. Merci.

Don Roberts, conseiller en chef de la bande de Kitsumkalum : Je remercie le comité sénatorial de s’être déplacé pour discuter avec nous du projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Il s’agit ici du territoire de Kitsumkalum et d’une partie de la nation Tsimshian. Il doit normalement y avoir un protocole initial, une forme d’accueil pour ceux qui sont ici. Il n’a pas été respecté. Je vais poursuivre néanmoins. De plus, il ne s’agit pas d’une vraie consultation. Nous avons cinq minutes pour discuter de la présence de grands pétroliers le long de la côte nord des Tsimshian, ce qui est irréaliste et va à l’encontre de nos droits et titres constitutionnels en vertu de l’article 35.

Sm’oogyet, sgyidmna’a, smgigyet, comité du Sénat canadien. Je m’appelle Sm’oogyit Wiidildal, Waap Lagaax/Gisbutwada, Kitsumkalum, et je viens du nord du détroit d’Hécate, du passage de Chatham, du chenal Grenville, du cours inférieur de la Skeena, de la rivière Ecstall et de Kitsumkalum, le territoire rattaché à mon titre de chef. Je suis maintenant chef élu pour un septième mandat. La bande de Kitsumkalum est l’une des premières tribus de la nation Tsimshian de la Skeena qui compte quatre groupes Waap, soit Gisbutwada, Ganhada, Laxsgiik et Laxgibuu, qui doivent tous être consultés. Les quatre territoires Waap de Kitsumkalum s’étendent depuis le cours supérieur de la Skeena et jusqu’à la côte marine de la péninsule de Tsimshian. Il y a maintenant 14 tribus et sept villages qui composent la nation Tsimshian. Les autres villages sont Kitselas, Metlakatla, Lax Kw’alaams, Kitkatla, Gitga’at et Klemtu.

La nation Tsimshian est un peuple de la Skeena et de la côte nord de la Colombie-Britannique. Au total, nous possédons environ le tiers de la côte de la Colombie-Britannique. Kitsumkalum vit de la mer, de la rivière et des terres. Le Waap ou le territoire dont je parle s’appelle le Laxyuup. Dans chaque zone de piégeage et de récolte, chaque groupe a des responsabilités à l’égard des eaux et des terres. Nous avons la protection de l’article 35 de la Constitution et des Tsimshian ayaawx, c’est-à-dire les lois de la constitution de la nation Tsimshian. Nous suivons le cycle annuel des saisons pour prélever de quoi nous alimenter et nous livrer à la pêche commerciale. Les pétroliers représentent un risque. Nous sommes comme les pointes d’une étoile. La marée et les vents vont dans toutes les directions. Tous les océans pénètrent dans les rivières deux fois par jour. Les marées n’attendent personne. Là où nous étions, à Rupert, hier, il s’agit d’une crique. Si un déversement devait se produire là-bas, lorsque la marée monte, le produit déversé remonterait dans toute la rivière deux fois par jour.

D’après ce que j’ai entendu hier, le Canada et la Colombie-Britannique sont loin d’avoir l’équipement nécessaire pour nettoyer les déversements de pétrole dans l’océan ou les rivières. J’ai entendu dire hier que le mieux qu’on puisse faire dans tout le Canada, c’est ramasser 3 p. 100 des produits déversés. Et dans le monde, on ne dépasse pas les 15 p. 100. J’ai vu au Knowledge Network que les propriétaires de grands navires changent leur immatriculation et ont toutes sortes d’assureurs. Ils prennent ces précautions au cas où il surviendrait quelque chose. Il est alors difficile de les tenir responsables. C’est vraiment alarmant. Il y a eu une émission spéciale de deux heures sur le Knowledge Network au sujet de ce qui se fait dans le monde concernant les grands navires. Le propriétaire s’en lave les mains et laisse à son avocat le soin de régler le problème.

Au Canada, pourquoi ne construisez-vous pas des raffineries? Pourquoi ne créez-vous pas des emplois ici au lieu d’essayer de nous refiler le problème? Je vous ai entendu parler hier et rejeter la responsabilité sur nous. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. À mes yeux, c’est de la foutaise. Nous utilisons du pétrole et ainsi de suite. Oui, nous le faisons, et nous vous offrons une autre solution : construire nos propres raffineries et vendre le produit.

Le Canada nous a pris beaucoup de choses en un siècle à peine : notre culture, nos terres et nos ressources halieutiques et forestières. Et il met maintenant en péril nos ressources en poisson et en fruits de mer.

Voici un autre exemple : la catastrophe survenue au Japon en 2011. Les radiations et les objets partis à la dérive se sont tous retrouvés sur nos côtes. Les radiations sont en train de perturber la chaîne alimentaire du plancton. Cela nuit aux baleines et aux gros saumons qui se nourrissent des plus petits. Ils souffrent de cette pollution.

Aujourd’hui, je vais vous présenter le rapport du 12 janvier 2012 du Joint Kitsumkalum-Enbridge Review Panel. Je l’ai sur une clé et sur papier. La bande de Kitsumkalum n’est pas en faveur de la circulation de pétroliers dans ses territoires côtiers telle qu’elle est actuellement prévue. Quelques éléments d’importance devront changer. Les Tsimshian prennent un risque. Si quelque chose survient, nous allons tous payer le plein prix parce que notre chaîne alimentaire sera perturbée. Tous les Tsimshian devront dire s’ils sont d’accord ou non au sujet de la navigation de pétroliers. Nous devrons mener des consultations, élaborer des plans et communiquer entre nous.

Crystal Smith, conseillère en chef de la nation Haisla : Je vous présente notre PDG, Jason Major. C’est lui qui fera rapport à nos équipes technique et juridique. Quant à moi, je suis conseillère en chef élue.

Notre nation autochtone occupe son territoire traditionnel depuis des temps immémoriaux. Nous avons des preuves extrêmement solides pour étayer notre titre ancestral à l’égard de notre territoire et de nos droits ancestraux sur l’ensemble du territoire. Nos droits ancestraux comprennent les droits de pêche, de chasse et de cueillette. Ils comprennent également le droit de gouverner notre territoire et de protéger notre environnement.

Au cours des dernières décennies, la nation Haisla s’est battue vigoureusement pour protéger l’environnement naturel. Nous avons été le fer de lance de la protection de la Kitlope, la plus grande forêt pluviale côtière tempérée de la planète. Nous avons pris les mesures nécessaires pour éliminer l’altération du poisson par l’industrie dans la rivière Kitimat. Nous continuons de rechercher des pratiques forestières responsables sur le territoire de la nation Haisla.

Notre volonté farouche de protéger l’intégrité de l’environnement a été mise à l’épreuve lorsque Enbridge Northern Gateway Pipelines a cherché à transporter du bitume dilué par pipeline à travers notre territoire et par des pétroliers dans nos eaux. Ce projet aurait pu créer des emplois et apporter des retombées économiques dont notre population a grandement besoin. Toutefois, la nation Haisla s’est fermement opposée au projet en raison des risques considérables que présente le passage d’un oléoduc sur notre territoire vierge. Le risque d’une catastrophe environnementale et de dommages irréparables pour notre peuple et notre culture a été jugé tout simplement trop élevé. Nous nous sommes réjouis de l’abandon du projet d’Enbridge, tout comme bon nombre de nos voisins du district de Kitimat, qui ont voté contre le projet d’Enbridge lors d’un plébiscite local.

Notre opposition à la circulation des pétroliers dans notre territoire n’est pas motivée par l’idéologie. Elle découle d’une analyse minutieuse des risques que comporte le transport de ce produit dans nos territoires et nos eaux traditionnels. Je tiens à préciser que la nation Haisla ne s’oppose pas à l’industrie. Elle a toujours fermement appuyé la construction d’un gazoduc et de terminaux sur son territoire ainsi que l’expédition de GNL par navire-citerne dans nos eaux. En effet, l’un des principaux projets de GNL sur notre territoire sera situé dans une réserve de cette nation.

La clé, pour nous, c’est toujours l’équilibre. Nous sommes à la recherche d’emplois, de formation et de retombées économiques pour nos gens, mais il est hors de question d’agir au détriment de l’environnement et des générations futures. Nous sommes chargés de protéger le titre et les droits ancestraux de notre peuple et nous ne resterons jamais les bras croisés devant ce que nous considérons comme une proposition dangereuse de l’industrie.

Le projet de loi C-48 donne suite à une promesse faite au cours de la dernière campagne électorale fédérale. La nation Haisla appuie sans réserve le projet de loi, car il protège l’environnement tout en permettant la poursuite de projets respectueux de l’environnement, comme l’exportation de GNL, sur son territoire traditionnel.

Notre appui au projet de loi n’est pas nouveau. Nous voudrions remettre aujourd’hui au comité deux lettres que la nation Haisla a écrites au Canada au sujet du moratoire. Elles ont été envoyées le 4 novembre 2015 et le 9 août 2016. Ni notre position ni notre raisonnement n’ont changé depuis. La lettre du 9 août 2016 est la plus détaillée. Elle est suffisamment éloquente en soi, mais je voudrais lire au comité certaines de nos principales réflexions dont il y est fait état.

Il y a depuis 44 ans un moratoire relatif aux pétroliers transportant du brut dans les eaux de la côte nord de la Colombie-Britannique. Nous avons exprimé des préoccupations profondes et bien étayées selon lesquelles des éléments liés au pipeline, au terminal maritime et aux pétroliers du projet Northern Gateway constitueraient des menaces importantes et inacceptables pour l’environnement, les droits ancestraux de la nation Haisla et le titre ancestral des Haisla.

L’officialisation du moratoire sur les pétroliers transportant du brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique est surtout perçue comme une décision politique du Canada visant à protéger cette région contre les effets dévastateurs d’un déversement de brut. Cette protection est conforme aux obligations constitutionnelles du Canada, qui doit respecter les droits ancestraux et les titres des Premières Nations côtières, qui sont protégés par la Constitution. Elle est conforme aux obligations du Canada envers tous les Canadiens : protéger ces cours d’eau intacts et fragiles contre les effets dévastateurs que peuvent avoir les pétroliers chargés de brut.

Tout projet d’exportation de brut à partir de Kitimat comprendrait le transport par pipeline jusqu’à un terminal situé au bord de l’eau. Comme le bitume est trop épais pour circuler dans le pipeline, il doit être dilué dans une substance cancérogène appelée condensat. Le NGP proposé pour transporter du bitume dilué franchirait pas moins de 70 cours d’eau et ruisseaux dans le territoire de la nation Haisla. Ces cours d’eau convergent tous vers la Kitimat, qui se jette dans la mer. Par conséquent, toute rupture de pipeline dans le territoire de la nation Haisla entraînerait un risque énorme de dévastation, non seulement pour l’environnement immédiatement touché, mais aussi pour la Kitimat et les étendues d’eau salée dont notre peuple dépend depuis des temps immémoriaux. Le moratoire relatif aux pétroliers chargés de brut protégera notre population contre le risque de préjudices catastrophiques.

Que ce soit bien clair et explicite : personne ne peut douter que le moratoire existe bel et bien et ne sera pas modifié à la légère. En conséquence, il devrait être consacré par voie législative. Nous demandons également qu’il soit confirmé par une entente officielle entre la nation Haisla et le gouvernement du Canada, ce qui aiderait à faire en sorte qu’il ait un impact durable et ne constitue pas une restriction politique qui pourrait disparaître s’il y avait changement de gouvernement fédéral. Nos préoccupations demeurent exactement les mêmes qu’en 2016.

En guise de conclusion, je dirai que le moratoire relatif aux pétroliers dans notre région est en place de façon officieuse depuis près d’un demi-siècle. Au nom de la nation Haisla, j’exhorte le comité à appuyer rapidement cet important projet de loi. C’est une façon pour le gouvernement de tenir les promesses qu’il a faites aux citoyens de protéger l’environnement de la côte nord et de progresser dans une certaine mesure dans la voie de la réconciliation avec les nations autochtones. Merci.

La sénatrice Simons : Ma première question s’adresse à M. Starlund. Nous avons entendu pas mal de tribus côtières hier à Prince Rupert. Je crois comprendre que votre territoire se situe davantage à l’intérieur des terres. Pourriez-vous donc expliquer de façon un peu plus détaillée où se trouvent vos territoires traditionnels, au juste, et comment vous craignez que la circulation des pétroliers n’ait des répercussions sur la pêche dans les eaux intérieures?

M. Starlund : Oui, nous sommes situés dans les bassins hydrographiques du Nass et de la Skeena. Nous sommes à environ 300 kilomètres de Prince Rupert, à côté du canal de Portland. Nous sommes inquiets parce que nous avons des frayères importantes sur notre territoire. Nous sommes également préoccupés par ce qui se passe sur la côte. Nous avons suivi le processus de l’île Lelu au sujet du GNL. Nous avons pu constater que les saumoneaux provenant de nos lacs descendaient dans l’estuaire de Flora Bank. Nous pourrions être touchés de diverses manières par un déversement de pétrole sur la côte ou sur notre territoire.

La sénatrice Simons : Vous avez dit croire que d’autres nations de l’intérieur des terres ne seraient peut-être pas d’accord avec vous. L’une des difficultés sur lesquelles bute le comité, c’est qu’il entend le point de vue de collectivités qui sont en faveur du projet de loi et d’autres qui s’y opposent. De part et d’autre, on dénonce l’insuffisance des consultations. Avez-vous l’impression que les nations de l’intérieur des terres ont eu à l’avance les consultations nécessaires au sujet du projet de loi?

M. Starlund : Pour notre part, nous n’avons pas beaucoup participé aux consultations. Nous avons la chance de pouvoir nous faire entendre ici même. Nous appuyons le projet de loi dans sa forme actuelle.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à tous les témoins, mais peut-être d’abord à la conseillère en chef Crystal Smith. Pourriez-vous nous donner une meilleure idée de ce qu’est l’accord sur le GNL? Vous avez dit que la canalisation passait par votre réserve. Pourriez-vous nous donner des explications? Cela va-t-il créer des emplois? Comment évaluez-vous le risque? Qu’allez-vous tirer de ce projet?

Vous avez tous parlé de la pêche et du saumon, mais pourriez-vous préciser le pourcentage de la population de votre collectivité qui participe à la pêche? Est-ce l’activité principale? Avez-vous d’autres activités? Je voudrais pouvoir me faire une idée de votre collectivité. Les activités sont-elles diversifiées? Y en a-t-il une seule? Si oui, combien y participent?

Mme Smith : Le GNL et le produit dont il est aujourd’hui question sont très différents. S’il y avait un déversement de GNL sur notre territoire, le produit se réchaufferait et s’évaporerait. Le produit en cause aujourd’hui n’a pas les mêmes caractéristiques. Comme le conseiller en chef Don Roberts l’a dit, dans le monde, on n’atteint guère qu’un taux de récupération de 15 p. 100 lorsqu’il y a déversement de pétrole. Les effets des deux produits sont très différents.

Sur le plan de l’emploi, le GNL a quelque chose de différent à offrir, non seulement à ma collectivité de la nation Haisla, mais aussi aux nations voisines. Il offre également des possibilités de formation. Ces projets peuvent changer la vie des gens.

Quant à la partie de mon exposé qui portait sur la réserve, l’un des projets proposés sera en fait réalisé dans une des réserves de notre territoire.

La sénatrice Miville-Dechêne : La deuxième partie de la question s’adresse à M. Starlund, à M. Roberts ou à Mme Smith. Vous avez parlé des pêches dans vos propres collectivités. Quel est le pourcentage de la population qui se livre à cette activité? Est-ce l’activité la plus importante ou non? Contribue-t-elle ou non à relever le niveau de vie?

M. Starlund : Nous avons fait une évaluation des besoins socioculturels de notre population en 2011 et en 2015. Les deux études ont montré que nos gens mangent du saumon environ deux ou trois fois par semaine et que 90 p. 100 d’entre eux en mangent au moins une fois par semaine. Nous dépendons beaucoup du saumon dans notre collectivité.

Nous avons eu récemment une fermeture de la pêche au saumon quinnat en 2017, ce qui a eu de vraies conséquences pour nos gens. C’était sans précédent dans notre région. Habituellement, il y a une dimension économique et, ensuite, alimentaire, sociale et rituelle. Ensuite, il y a la conservation. C’est l’une des raisons pour lesquelles le débat d’aujourd’hui nous préoccupe tant.

La sénatrice Miville-Dechêne : Combien de membres de votre collectivité pêchent et vendent du poisson?

Le président : Combien vivent de l’exploitation du poisson? C’est ce que la sénatrice veut dire.

M. Starlund : Vous et moi donnons peut-être un sens différent à ce que c’est, gagner sa vie. Pour nous, il s’agit en fin de compte de pouvoir nourrir sa famille. Alors, la pêche concerne les deux tiers de la population.

Le président : Monsieur Starlund, dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé des changements climatiques. Peut-être pourriez-vous m’éclairer. Comment l’interdiction relative aux pétroliers, si un pipeline est approuvé, influera-t-elle sur les changements climatiques? Le pipeline est loin d’être approuvé, même si le projet de loi n’était pas adopté.

M. Starlund : Nous ne pouvons plus rester dans notre bulle et nier les changements climatiques. Nous devons prendre des mesures proactives pour en atténuer les conséquences à venir. À mon avis, il est insensé de prendre plus de risques en réalisant les projets envisagés aujourd’hui. C’est une question de gestion des risques pour nous tous.

Le président : Mais qu’est-ce que cela a à voir avec les changements climatiques?

M. Starlund : Je ne vois pas comment je pourrais être plus clair.

Le président : Je voudrais que vous le soyez.

M. Starlund : Prenons l’industrie forestière, par exemple. Cela n’a pas vraiment contribué aux changements climatiques, mais certains éléments des activités de l’industrie forestière sur notre territoire exacerbent ces changements. Nous parlons aujourd’hui des fermetures de nos pêches vivrières, sociales et rituelles en 2013 et en 2017. Pourquoi envisager de prendre de nouveaux risques dans notre région?

Le président : N’importe lequel d’entre vous peut répondre à la question que voici. Nous avons déjà entendu parler du bitume, mais je n’ai pas entendu une bonne explication du problème. Le bitume est mélangé à du brut ordinaire. Est-ce le bitume qui vous inquiète ou le pétrole brut léger lui-même, par exemple? Si on transportait du brut léger, cela poserait-il un problème? Est-ce le bitume qui fait problème?

M. Roberts : Le pétrole en général peut détruire notre côte. Je voudrais revenir à la dame qui a parlé de l’importance du poisson de mer pour nos nations. Tsimshian signifie « les gens de la rivière et de la côte ».

Nos villages s’échelonnent au long de la rivière et de la côte. S’ils sont situés là, c’est parce que nous tirons notre subsistance de la rivière et de l’océan. Nous pêchons tous les types de saumon : le saumon quinnat, le saumon rouge, le saumon rose, le saumon kéta, le saumon coho, le saumon arc-en-ciel et la truite. La migration de l’eulakane vient de se terminer, et le hareng est toujours présent sur la côte. Nous obéissons au cycle des quatre saisons. À partir de mai et juin, nous serons là pour récolter des algues. Nous avions l’habitude de récolter l’ormeau et toutes sortes d’autres organismes. Sur le plan commercial, nous exploitons le flétan et tous les types de morue. Nous consommons ces espèces également.

Auparavant, nous atteignions les 100 p. 100. Ce taux est inchangé pour la pêche vivrière, mais l’activité économique fondée sur le poisson a ralenti. Là encore, les changements climatiques jouent, et ils ont un effet dramatique. Ceux qui vivent sur la côte peuvent le confirmer. Ceux qui vivent ici ne peuvent pas le constater. Ceux qui pratiquent la pêche savent bien que les choses changent. Quand le plancton est mort, on le voit bien. Quand il s’accumule dans les filets et est tout visqueux, on sait bien qu’il est mort. Quand on est là depuis 60 ans et que cela ne s’est jamais produit auparavant, et si cela arrive tout à coup, il y a un problème.

Sur le blogue, on parle des nouvelles avec le ministère des Pêches et des Océans. C’est la réalité. Les ouragans se multiplient dans le golfe. Les vents sont désormais si forts en novembre qu’on ne peut plus sortir. Tout cela est bien réel. J’ai un peu répondu à la question.

Le président : Merci d’avoir répondu à cette question. J’en ai posé une au sujet du bitume. Est-ce le bitume ou le pétrole qui pose problème? S’il s’agissait de pétrole brut léger, y aurait-il un problème?

M. Roberts : Quand Eagle Spirit est arrivé à Kalum, les gens d’Helin ont apporté un produit différent. Premièrement, ils ont apporté le pétrole brut pour montrer à quoi il ressemblait et ils ont dit qu’il serait raffiné. Ils envisageaient de construire une raffinerie ici et peut-être une là-bas. Le produit qu’ils ont apporté ressemblait à de l’huile végétale. Ce ne fut pas un oui, mais une réaction comme celle-ci : « Au moins, vous essayez quelque chose. » Nous sommes tout à fait contre le transport de brut ou de n’importe quel type de pétrole dans cet ordre de grandeur.

J’ai parlé de toutes les ressources pour montrer que nous avons des moyens de subsistance sur la côte et que ce produit va tout détruire.

Nous avons entendu parler du traversier qui a coulé là-bas il y a 11 ans. Il laisse encore échapper son vilain pétrole qui détruit tout ce qui pourrait être comestible dans cette zone. Nous avons aussi entendu parler du Fitz qui s’est échoué sur la plage là-bas. Les Premières Nations sont venues ici avec la Garde côtière, nous montrant où on en était 30 ans plus tard. Ils ont enfoncé une pelle dans le sable. La plage semblait revenue à son état normal. On voit bien dans le film des gens creuser pour attraper des palourdes. Ils soulèvent le sable et attendent. En l’espace d’une minute, le pétrole remplit le petit trou où l’eau est entrée. Cela, 20 ou 25 ans plus tard. Le type est venu montrer au peuple Tsimshian ce qui se passait.

La sénatrice Gagné : Madame Smith, vous souhaitez que des ententes soient signées entre le gouvernement du Canada et la nation Haisla. Pourriez-vous préciser votre pensée au sujet de ces ententes entre le Canada et la nation Haisla ou toute autre communauté, que le projet de loi C-48 soit adopté ou non? Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Quelles seraient, selon vous, les modalités de l’entente?

Mme Smith : Si on s’engageait dans la réconciliation, on pourrait établir des communications ouvertes au sujet de ce qui est acceptable dans notre territoire et des moyens de collaborer dans l’intérêt de notre population. Cette partie de la lettre fait allusion à l’établissement de cette relation avec le gouvernement du Canada.

La sénatrice Gagné : Ma question s’adresse au conseiller en chef Roberts. En ce qui concerne la capacité d’intervention en milieu marin, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des interventions en cas d’incident?

M. Roberts : Lorsque le pétrole a commencé à atteindre la rive, nous avons demandé au gouvernement de l’Alaska de dire ce qu’il pensait de l’intervention maritime du Canada et de la Colombie-Britannique, mais surtout de la Colombie-Britannique. Il a répondu que les mesures, lors du déversement de pétrole du Valdez, étaient ce qu’il y avait de plus perfectionné au monde, mais que lorsque le bâtiment a frappé les rochers, on a constaté qu’il n’y avait aucun moyen d’intervention. À l’heure actuelle, en Colombie-Britannique, c’est zéro sur toute la ligne. Elle n’a même pas encore progressé par rapport à ce qu’elle croyait être son point de départ.

Le gouvernement de l’Alaska estime qu’il faut une loi correcte. Il faut qu’il y ait un compte d’au moins un milliard de dollars pour verser des indemnisations. Il n’y avait pas de tribunaux, mais il y avait une foule de choses à faire là-bas. On a dit qu’il n’y avait pas de remorqueurs. C’est exactement ce dont parlait le type à Haida Gwaii. C’est à ce moment que ce type est venu ici. Il a utilisé cet exemple. Il a dit que le bateau dérivait. Il était à la dérive. Il l’a été pendant environ une semaine. Enfin, la Garde côtière américaine a dû venir à sa rescousse.

Il n’y a rien ici. Un remorqueur s’est échoué près de Bella Bella il y a deux ans. Il n’y avait aucun moyen d’intervention. Les gens auraient dû se procurer un treuil et le tirer, mais ils sont restés là à ne rien faire, laissant le pétrole s’écouler, et il a souillé toute cette anse. Au moins, ils ont sorti ce bateau pour qu’on puisse commencer à s’en occuper, mais il y a là-bas d’autres bateaux dont on ne s’occupera jamais.

Pour répondre à votre question, d’après ce que j’ai entendu hier, nous n’avons encore aucun moyen d’intervention. Je n’arrivais pas à croire ce chiffre de 3 p. 100. C’est le mieux que le Canada peut faire. Et dans le monde, le meilleur taux de décontamination qu’on puisse atteindre en ce moment est de 15 p. 100. Il faut que cela s’améliore.

Le sénateur Smith : Je lance une question à la cantonade. On a demandé à Marc Garneau si, lorsque le projet de loi C-48 serait adopté, il y aurait un engagement à l’égard d’un programme d’intervention. D’après ce que j’ai entendu, ce serait non.

Vous venez de parler avec éloquence, monsieur Roberts, du problème des interventions. Vous avez parlé de deux autres cas où 12 500 tonnes de pétrole étaient en cause. Ce sont les petits navires qui ont causé des problèmes. La difficulté, c’est que le projet de loi C-48 ne protégera pas les petits navires contre le même problème, mais je me demandais simplement ce que vous aviez à dire au sujet de toute la question de l’intervention. Vous avez dit qu’il fallait agir.

Avez-vous une sorte de lobby pour intervenir auprès du gouvernement fédéral? Si le ministre des Transports fait adopter ce projet de loi, c’est tout ce qu’on aura, un projet de loi adopté. Si on ne prépare pas un dispositif d’intervention grâce à un engagement important de la part du gouvernement fédéral et, espérons-le, de la province, alors il semble que cela ne vous donnera rien. Quelle est l’incidence sur vous?

Comment cela vous touche-t-il, monsieur Starlund? Vous dites que les gens mangent du saumon tant de fois par semaine et ainsi de suite, mais quel est l’état de l’industrie de la pêche? Combien de bateaux munis de permis avez-vous? S’agit-il d’un secteur en déclin?

Qu’en est-il de votre population? Une députée nous a dit hier que la population a beaucoup de mal. C’est la pauvreté, mais ceux qui veulent que certains de ces projets se réalisent disent qu’il faut affranchir ces gens de la pauvreté. Comment établir un équilibre entre les deux? Comment faire en sorte que le programme d’intervention soit bien conçu pour que les configurations existantes des navires puissent être mieux surveillées et gérées?

Ce sont mes deux questions.

M. Starlund : Pour moi, cette discussion n’empêche pas de débattre des délais d’intervention et des différents efforts qui doivent être déployés dans le cas des navires de moins de 12 500 tonnes. Je ne pense pas qu’un élément puisse exclure l’autre. Nous devons travailler ensemble là-dessus pour apporter des améliorations.

Pour ce qui est de l’économie, je dirais que c’est comme dans un jeu-questionnaire où un concurrent a gagné un prix. Il peut choisir entre un versement de 10 000 $ par mois à vie, et une Ferrari flambant neuve. Le gagnant opte pour la Ferrari. Vous n’en croyez pas vos oreilles : « Que faites-vous là? C’est une énorme erreur. Qu’arrivera-t-il à vos enfants et à vos petits-enfants? Ils pourraient profiter de cet argent. » C’est en quelque sorte un choix égoïste dans l’utilisation des ressources.

Le sénateur Smith : Revenons à la question initiale. Quel est le niveau de vie des simples citoyens de votre région en ce moment? Quelle est leur définition du confort? Espérons qu’il ne s’agit pas seulement de manger correctement. J’espère que l’éducation a son importance.

Une trentaine de jeunes Autochtones sont venus à Ottawa. Ils y viennent régulièrement avec différents groupes. Ces jeunes sont fantastiques; ils ont de l’ambition et attendent bien des choses de la vie. Le message qui semble passer dans certaines de ces discussions est que ce n’est peut-être pas la même chose dans certaines régions.

J’essaie simplement de comprendre. Quelle est la réalité sur le terrain? Quelles sont les conditions de vie? Où en sont l’économie et le chômage?

M. Starlund : La réalité, c’est que nous avons beaucoup de ressources sur notre territoire dont nous ne pouvons pas profiter à cause des politiques et des modèles gouvernementaux. Depuis 1956, 101 millions de dollars de billes de bois ont quitté notre territoire et ce sont les gouvernements qui en ont profité. Nous essayons de bâtir l’économie forestière. La Meziadin produit les deux tiers du saumon rouge du Nass, ce qui représente des retombées économiques d’environ 9 millions de dollars pour la région. Nous n’avons accès qu’à environ 2 000 poissons par année. Ce n’est pas juste.

Ce sont les secteurs dans lesquels nous essayons de bâtir notre économie locale pour nos gens. Une question de pétrolier nuit à ce que nous essayons de faire pour nos gens et pour notre économie locale.

Le sénateur Patterson : Merci de vos exposés. Je suis heureux que nous soyons parmi vous. Je suis désolé que nous ne puissions pas accueillir tout le monde, apparemment, mais nous pouvons quand même recevoir des mémoires et inviter des gens à Ottawa s’ils veulent se faire entendre. Cela dit, je respecte tout à fait ce que vous avez dit, monsieur Starlund. J’ai été un peu surpris que vous parliez d’une industrie des combustibles fossiles non contrôlée. Je crois que ce sont bien vos propos.

Notre travail consiste à représenter tout le Canada et toutes ses régions. Nous allons nous rendre en Alberta et en Saskatchewan pour discuter du projet de loi. Il y a environ 200 000 chômeurs en Alberta. Des investissements de 100 milliards de dollars se sont évanouis. Deux grands pipelines ont été annulés, et un troisième est en suspens. Les investissements fuient vers les États-Unis.

Certains diront que notre industrie des combustibles fossiles, comme vous l’appelez, dans l’Ouest du Canada est paralysée parce qu’il n’y a aucun moyen d’acheminer le produit vers un marché qui en a besoin. Qu’on le veuille ou non, le monde aura besoin de pétrole au moins jusqu’en 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Pourquoi dites-vous que l’industrie des combustibles fossiles est non contrôlée alors que nous entendons dire qu’elle est paralysée et qu’elle traverse une crise au Canada? Elle contribue à hauteur de 10 p. 100 à notre PIB, ce qui aide à financer les programmes sociaux qui nous tiennent tous à cœur. Pourquoi pensez-vous qu’elle n’est pas contrôlée?

M. Starlund : Je vais commencer par dire que je suis désolé pour certains de ces Albertains, des gens qui travaillent fort et tout et tout, mais savez-vous quoi? Leur gouvernement n’a pas très bien réussi à créer de la richesse grâce à cette industrie. Il a vraiment raté une belle occasion et maintenant, il pointe du doigt des gens comme nous qui essaient de protéger leur économie pour éviter de se retrouver dans la même situation.

Pourquoi non contrôlée? Je dirais qu’à l’heure actuelle, le gouvernement essaie de mettre en place des mesures comme le processus de lutte contre les changements climatiques. Encore une fois, il y a des gens qui ne voient pas l’avantage que présente cette lutte. Dans des endroits comme Calgary qui ont été inondés, quels ont été les dommages? Des villes entières ont brûlé. L’Alberta commence à souffrir. Les gens ne se rendront pas compte du problème tant que cela ne leur coûtera pas de l’argent. C’est ce qu’on commence à voir chez les Albertains, et je pense que le changement s’en vient.

Le sénateur Patterson : Je vous dirai que je suis le porte-parole au sujet de ce projet de loi. Mon travail consiste à examiner tous les angles et, je suppose, à cerner les lacunes du projet de loi, mais j’aimerais aborder la question du risque de déversement de pétrole. C’est un sujet difficile et délicat.

J’ai visité Valdez avec un comité sénatorial. Nous avons beaucoup étudié ce qui s’est passé là-bas. Nous avons vu les lieux du déversement. Ce que nous y avons appris, c’est que depuis le déversement, les normes d’intervention en cas de déversement de pétrole sont les plus élevées au monde. Beaucoup de choses ont changé en 30 ans. Les navires doivent avoir une double coque. Ils doivent être escortés à l’avant et à l’arrière pour quitter le chenal. Il y a une capacité d’intervention en cas de déversement de pétrole jour et nuit, 7 jours sur 7, avec un équipement de pointe très impressionnant. La Garde côtière participe au processus. Tout cela est payé par l’industrie.

J’aimerais vous demander ceci : nous avons appris que 500 navires circulent chaque année dans le port de Prince Rupert, apparemment sans incident. C’est un chenal abrité et un port en eau profonde. Si nous avions une capacité d’intervention suffisante en cas de déversement d’hydrocarbures en milieu marin, et celui de Valdez en Alaska a établi la norme dans le monde, et si nous établissions un chenal sécuritaire...

Le président : Arrivez-en à votre question.

Le sénateur Patterson : ...pensez-vous que le risque serait réduit et tolérable?

M. Roberts : Évidemment, nous avons l’équipement, mais il y aura toujours un risque. Des membres de la Première Nation de Valdez sont venus parler aux Tsimshian de ce qui s’est passé là-bas. Ils ont dit que le pétrole les entourait. Ils m’ont dit qu’il s’était propagé comme une maladie, jusqu’au suicide. Ils n’avaient plus rien à manger. La nourriture qui se trouvait là ne pouvait pas être consommée parce qu’elle était contaminée. Il y a encore des suicides. Ils ont parlé de tous les permis de pêche. Certains de ces permis valaient jusqu’à 300 000 $, mais ils ne valent désormais plus rien. Y a-t-il eu une indemnisation? Si nous avons perdu notre chaîne alimentaire sur cette côte, je ne crois pas qu’une indemnisation soit possible.

Vous avez demandé ce qui nous arriverait. Je pense que vous parliez de l’économie. Notre économie, c’est la côte. Nous parlons de la paralysie de l’Alberta, mais si quelque chose devait arriver ici, eh bien, nous serions paralysés parce que tout le pays en dépend, pas seulement l’un d’entre nous. Nous allons être complètement paralysés parce que cela va tout couvrir.

Je vais vous donner un enregistrement sur Enbridge qui renferme beaucoup de renseignements qui se trouvent dans notre exposé. Nous devons examiner des solutions et penser à installer des raffineries ici. Tout ce que nous voulons, c’est de l’argent rapidement afin de pouvoir exporter vers la Chine et ailleurs dans le monde. Nous vivons ici même. La raffinerie devrait être ici. Nous devrions aussi profiter de ces produits. Notre pétrole est exporté aux États-Unis et il nous est ensuite revendu. On nous impose des prix exorbitants, même si nous avons tout ce qu’il faut ici, dans notre pays.

La sénatrice Dasko : Vous avez parlé du projet Northern Gateway. Je voulais simplement entrer un peu dans les détails pour préciser que si je me rappelle bien, toutes vos communautés étaient opposées au projet Northern Gateway. Si c’est vrai, est-ce que chacun d’entre vous pourrait me dire pourquoi? Était-ce un problème de trafic de pétroliers? Était-ce plutôt un problème de perturbation de la construction? Était-ce parce qu’il n’y avait peut-être pas d’avantages pour vos communautés?

Pourriez-vous expliquer, madame Smith, monsieur Starlund et monsieur Roberts, comment vous perceviez ce développement par rapport à vos communautés?

Mme Smith : Chacune de nos déclarations répond en quelque sorte à cette question. Les risques associés à ce produit sont tout simplement trop grands.

La sénatrice Dasko : Vous voulez dire de façon générale?

Mme Smith : En général. Nous n’avons pas pris cette décision à la légère. Nous ne prenons pas à la légère les décisions qui ont des répercussions sur notre territoire. Nous avons répété à maintes reprises que nos territoires représentent les diverses formes de notre identité culturelle. Ils représentent nos liens avec la terre et avec ce que la terre fournit à notre communauté.

Vous dites que la pêche est un secteur de l’économie ou parlez de ce que cela signifie quand un dollar retourne à certains de nos membres. Cette industrie n’a pas été prise en charge sur notre territoire. En conséquence, il y a eu une baisse de la valeur de ce secteur. Ce qui n’est pas reconnu et ce que nous disons ici, c’est que l’industrie n’a pas que des avantages économiques à offrir à nos communautés.

Nous exercions des activités économiques dans nos communautés avant l’arrivée des Européens. Je l’ai dit à maintes reprises en public. Nos communautés échangent ces aspects de notre culture. Ce que nous avons été en mesure de fournir à nos communautés, c’est un moyen de subsistance pour leur permettre de faire du commerce. C’étaient nos activités économiques. C’est ce que le poisson, l’eulakane et le flétan signifient pour nos communautés.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Starlund, j’ai bien aimé votre analogie des 10 000 $ par mois ou de la Ferrari. Si j’avais le choix, je voudrais avoir les deux. Vos préoccupations au sujet du risque sont légitimes. Je pense que la gestion du risque est très importante.

Nous avons beaucoup d’expérience en gestion des risques sur la côte Est. Il y a six millions de tonnes de brut canadien qui sont acheminées vers des navires canadiens sur cette côte. Il se transporte 283 millions de tonnes par année sur la côte Est du Canada. Nous avons de bonnes unités d’intervention en cas de déversement. Je pense qu’il vous en faut une ici.

Je suis certain qu’un pipeline sera construit ici. Je pense qu’il faudra en construire un de toute façon. Comme le sénateur Patterson l’a mentionné, il y a 500 grands navires qui circulent et transportent des produits à Prince Rupert chaque année. Ce sont tous des navires à coque simple. Ma famille travaille dans l’industrie du transport maritime depuis des années. Il n’y a pas de navire à coque simple plus sûr qu’un navire à double coque. Les risques associés à tous ces navires sont plus élevés. À l’heure actuelle, vous êtes en danger sans unité d’intervention prête à agir en cas de déversement.

Je voulais simplement le souligner. Je comprends votre préoccupation au sujet du risque, mais le risque doit être géré dans la vie, peu importe ce que nous faisons. Nous avons fait du bon travail sur la côte Est pour gérer les risques et en tirer profit. Nous avons des pêches très lucratives sur la côte Est. On y pompe un demi-million de barils par jour à partir des Grands Bancs, et on y pêche. Ce sont les plus grands bancs de pêche au monde. Les Terre-Neuviens et les autres habitants de la côte Est veulent conserver les deux parce qu’ils sont tous deux très importants pour la subsistance de tous. Quand vous dites que vous voulez protéger l’environnement, je suis tout à fait sensible à vos préoccupations en matière de protection de l’environnement, mais je pense que les deux peuvent être gérés avec la bonne planification, la bonne technologie et le bon équipement.

Nous avons beaucoup entendu parler du Nathan E. Stewart, un navire qui a sombré. Encore une fois, il s’agissait d’un navire à coque simple. Ils peuvent causer beaucoup de dommages. Tous les navires qui peuvent percer et laisser échapper leur contenu peuvent causer beaucoup de dommages sans la capacité d’intervention qui s’impose.

Si le gouvernement, de concert avec l’industrie, mettait en place les mécanismes et l’infrastructure d’intervention appropriés pour vous donner l’assurance dont vous avez besoin, seriez-vous plus disposés à réévaluer votre approche afin que tout le monde ici puisse en profiter, y compris vous-même, tout en protégeant votre mode de vie et vos ressources?

M. Starlund : Je vous remercie de votre question. À cela, je réponds que nous parlons aujourd’hui de plus de 12 500 tonnes de pétrole brut et d’hydrocarbures persistants. Mon exposé vise à limiter les risques. En limitant le volume à 12 500 tonnes, nous réduisons le risque d’une catastrophe. C’est la menace qui pèse sur nous. Il est peu probable que cela se produise. Si cela se produit, les effets seront terribles, et nous pourrions ne jamais nous en remettre selon la situation.

C’est pour cela que nous essayons de gérer nos risques. Nous ne voulons pas miser sur un plan qui nous rassurera en matière économique au cours des 50 ou 75 prochaines années, mais plutôt régler le problème à tout jamais, pour nous tous. Je m’en tiendrais à ce dont nous parlons ici, à savoir les 12 500 tonnes de pétrole brut et d’hydrocarbures persistants.

Le sénateur MacDonald : Je tiens à dire que j’aimerais aussi que nous produisions davantage de nos propres produits finis. Nous avons déjà produit beaucoup plus au Canada. Sur la côte Est, quelques raffineries ont fermé leurs portes parce qu’elles avaient une faible capacité. Il faut des installations de grande capacité à la fine pointe de la technologie pour être concurrentiels sur le marché mondial. Oui, nous devrions produire davantage nos propres produits.

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à vous tous et concerne le projet de pipeline Eagle Spirit Energy. Dans son témoignage devant notre comité, Kenneth Brown a dit que le projet de loi C-48 pose problème en ce sens qu’il écarte unilatéralement des droits et des titres fonciers protégés par la Constitution qui ne peuvent pas être éteints par une simple loi. Il n’a pas donné lieu à la tenue d’un processus d’évaluation environnementale fédéral et provincial, il a exacerbé l’impuissance actuelle des communautés des Premières Nations, il a perpétué le monopole américain actuel sur notre ressource la plus précieuse et il a été fondé sur des préoccupations politiques plutôt que sur des impératifs économiques ou environnementaux.

Pourriez-vous commenter les arguments qu’il a soulevés devant nous? Êtes-vous d’accord avec ces arguments?

M. Starlund : Non, je pense que j’ai dit assez clairement dans ma déclaration que je ne souscris pas à ces arguments. Je pense qu’ils représentent le point de vue réel des Premières Nations de la côte Nord. Je pense que tous les arguments politiques possibles seront évoqués pour y arriver.

Vous savez quoi? On veut nous faire passer pour des radicaux, mais il n’est pas radical de vouloir protéger notre économie et notre mode de vie. C’est ce que pensent aussi certains sénateurs, mais le rôle du gouvernement est d’intervenir, de tenir compte de tous ces faits et de dire qui a raison.

M. Roberts : Nous sommes contre le pétrole tel qu’il est produit actuellement et contre le moratoire sur notre pétrole. Le risque est très grand ici. La solution consiste à construire des raffineries ici et à créer des emplois ici.

Il n’y aura pas beaucoup de création d’emplois une fois que le pipeline sera construit. Une fois la construction terminée, les emplois prennent fin. Les quatre cinquièmes des emplois seront perdus une fois que les pipelines seront construits, comme pour tout le reste. Si des raffineries sont construites ici, les emplois resteront ici. C’est comme pour Rio Tinto là-bas : la raffinerie est construite là-bas et les emplois sont tous là-bas. C’est ce que nous devrions faire au lieu de parler d’un moratoire sur les pétroliers et de tout risquer. Nous devrions essayer de créer quelque chose qui fonctionne pour tout le monde.

Si un accident se produit avec le produit raffiné là-bas, il est circonscrit. Le pétrole qui se trouve sur une barge ou un navire n’est pas circonscrit. Il ne peut que s’écouler et se répandre comme un jaune d’œuf.

Mme Smith : Des technologies et des règlements peuvent émerger, mais cela n’a pas de sens. Ce n’est pas le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Les choses peuvent changer, mais il n’est pas logique de sauter les étapes et de ne pas protéger nos ressources comme nous l’avons dit ici aujourd’hui.

Si et quand la technologie deviendra pertinente pour les pipelines, pour les pétroliers et pour les interventions en cas de déversement dont nous parlons aujourd’hui, peut-être que le moratoire pourra être réexaminé, mais nous ne pouvons pas sauter les étapes.

Le président : Je remercie les témoins d’être venus aujourd’hui et de nous avoir présenté leurs exposés.

Pour notre deuxième groupe de témoins de ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir Eva Clayton, présidente de la Nation Nisga’a; Gary Alexcee, chef héréditaire et vice-président, Eagle Spirit, B.C. First Nations Council Energy Corridor Group; et Larry Marsden, des chefs héréditaires de Gitsegukla.

Nous allons maintenant entendre nos témoins, en commençant par Mme Clayton.

Eva Clayton, présidente, Nation Nisga’a : J’aimerais commencer par remercier le gouvernement Nisga’a Lisims de m’avoir invitée à comparaître devant vous au nom de la Nation Nisga’a. Je suis accompagnée du président-directeur général et membre de l’exécutif du gouvernement Nisga’a Lisims, Brian Tait, qui est assis parmi les observateurs.

La Nation Nisga’a n’appuie pas l’imposition d’un moratoire qui s’appliquerait aux régions visées par notre traité. Nous croyons que le projet de loi C-48 va à l’encontre des principes de l’autodétermination et de la gestion de l’environnement qui sont au cœur du traité avec les Nisga’as. Je vais donner plus de détails sur les raisons pour lesquelles la Nation Nisga’a s’oppose au projet de loi tel qu’il est rédigé actuellement, mais j’aimerais commencer par parler un peu du contexte de la Nation Nisga’a.

Le traité avec les Nisga’as a été le premier traité moderne conclu en Colombie-Britannique. C’était aussi le premier traité au Canada, et peut-être dans le monde, à énoncer et à protéger intégralement nos droits à l’autonomie gouvernementale et notre pouvoir de légiférer sur nos terres et sur nos peuples.

En vertu du traité avec les Nisga’as, nous avons des droits importants sur la région de la Nass, qui couvre plus de 26 000 kilomètres carrés dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Nous possédons également et avons compétence législative sur environ 2 000 kilomètres carrés de terres dans la vallée de la rivière Nass, connue sous le nom de terres Nisga’a.

Lorsque notre traité est entré en vigueur le 11 mai 2000, après plus de 113 ans de lutte, la Loi sur les Indiens a cessé d’exister et de s’appliquer à nous. Pour la première fois, notre nation avait un pouvoir juridique et constitutionnel reconnu de mener ses propres affaires. C’est dans le contexte de la recherche du respect de notre traité moderne que nous nous présentons devant vous aujourd’hui pour vous faire part de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-48.

Ce projet de loi a été présenté sans qu’il y ait eu de discussion sur les répercussions importantes qu’il aurait sur la Nation Nisga’a et sur le traité avec les Nisga’as. Les discussions se sont limitées aux idées préliminaires sur les diverses approches de protection de la côte, la portée géographique potentielle de la loi et les produits qui pourraient être visés par la loi, tout cela de façon très hypothétique.

Au cours des semaines qui ont précédé la présentation du projet de loi C-48, nous avons exhorté le ministre, ses collègues du cabinet et son personnel à ne pas imposer le moratoire avant que les répercussions sur notre nation et notre traité ne soient bien comprises et à faire en sorte que le moratoire ne s’applique pas à notre région visée par le traité. Malgré ces efforts, nos appels sont restés lettre morte, et le projet de loi a été présenté sans aucun autre dialogue avec la Nation Nisga’a.

Cette absence de consultation et d’évaluation des répercussions du projet de loi sur notre traité va à l’encontre des attentes relatives au processus d’évaluation des répercussions des traités modernes qui a été établi dans la Directive du Cabinet de 2015 sur l’approche fédérale à l’égard de la mise en œuvre des traités modernes, c’est-à-dire le processus établi par le gouvernement même pour s’assurer que les engagements pris dans les traités sont respectés dans les processus d’élaboration des politiques.

De toute évidence, les consultations sur ce projet de loi n’ont pas été à la hauteur des attentes entre les parties aux traités. Nous croyons qu’il est clair que le projet de loi C-48 mine les principes de l’autodétermination et de la gestion de l’environnement qui sont au cœur du traité avec les Nisga’as. De plus, ce projet de loi n’est pas fondé sur des preuves scientifiques. Il ne fait rien pour protéger les écosystèmes fragiles de la côte Ouest et représente le choix arbitraire d’une côte au détriment des autres.

Nous aspirons à devenir une nation prospère et autosuffisante où sont offerts des débouchés économiques intéressants à notre population. Cette aspiration se reflète dans notre traité, qui énonce l’engagement commun du Canada, de la Colombie-Britannique et de la Nation Nisga’a de réduire au fil des ans la dépendance de la Nation Nisga’a à l’égard des transferts fédéraux. La Nation Nisga’a prend cet objectif très au sérieux. Toutefois, le projet de loi C-48 risque de le miner. La prospérité future et la capacité de notre peuple à jouir d’une meilleure qualité de vie requièrent la création d’une base économique dans la région de la Nass qui répond aux exigences de notre traité. C’est la principale priorité de notre gouvernement.

Au cours des 19 années qui ont suivi l’entrée en vigueur de notre traité, nous avons négocié avec succès de nombreuses ententes respectueuses de l’environnement dans les secteurs de l’exploitation minière, du transport hydroélectrique et du gaz naturel liquéfié. Malheureusement, le climat économique dans le nord de la Colombie-Britannique s’est assombri et peu de ces projets sont effectivement en cours. Les débouchés économiques qui découleront de bon nombre de ces accords ne se sont pas encore concrétisés. Nous voulons être bien positionnés afin que les dispositions de notre traité puissent permettre à notre nation de déterminer si une approche écologique du développement de projets d’exportation est possible lorsque la conjoncture économique le permettra.

Notre traité renferme des dispositions exhaustives en matière d’évaluation environnementale et de protection de l’environnement sur l’ensemble des 26 000 kilomètres de la région de la Nass. Ces dispositions et d’autres dispositions de notre traité ont ouvert la porte à des initiatives économiques conjointes pour le développement de nos ressources naturelles dans la région de la Nass. Elles assurent l’équilibre nécessaire entre la création d’une économie forte et la protection de nos terres et de nos eaux. Faire en sorte que les dispositions de notre traité permettent d’évaluer le bien-fondé de tout projet éventuel garantirait que les preuves scientifiques jouent un rôle essentiel dans l’évaluation des répercussions et dans la prise de décisions éclairées, au lieu de l’approche actuelle qui impose, unilatéralement et arbitrairement, une interdiction générale des pétroliers dans une région donnée du Canada.

Autrement dit, comment se fait-il que les mêmes systèmes et régimes qui suffisent à soutenir l’expansion du trafic de pétroliers dans le port de Vancouver et le long des côtes Nord ou Est du Canada ne suffisent pas à soutenir le trafic de pétroliers sur la côte Nord, où la facilité de navigation et le faible trafic maritime présentent encore moins de risques?

En conclusion, j’aimerais que vous sachiez que la Nation Nisga’a n’a jamais appuyé et n’appuiera jamais un projet qui pourrait avoir pour effet de dévaster notre territoire, notre nourriture et notre mode de vie. Nous avons tenté de persuader le gouvernement de préserver la possibilité pour la Nation Nisga’a, les Premières Nations côtières et les communautés locales de collaborer avec le gouvernement pour évaluer les propositions futures et leurs mérites scientifiques, et de nous assurer que nous continuons d’avoir voix au chapitre dans ce qui se passe sur nos terres et dans notre région.

Nous déplorons que le gouvernement n’ait pas pris de mesures concrètes pour répondre aux besoins des peuples autochtones qui ont le plus à perdre dans ce dossier qui a d’énormes répercussions sur la Nation Nisga’a et sur l’ensemble des Canadiens. Nous vous exhortons à envisager avec la plus grande fermeté des amendements à ce projet de loi qui refléteraient les engagements du Canada prévus dans le traité avec les Nisga’as. La modification de la limite nord de la région visée par le moratoire pour exclure la région de la Nass et les terres Nisga’a permettrait de respecter cet engagement.

Nous croyons qu’il y a une façon d’aller de l’avant, en utilisant les positions du traité avec les Nisga’as de concert avec les solides processus réglementaires du Canada, pour permettre au Canada d’atteindre les objectifs du moratoire proposé sans empiéter sur les droits de la nation Nisga’a en vertu du traité avec les Nisga’as.

Notre gouvernement s’est engagé à créer une assise économique dans la vallée de la Nass qui répond aux exigences de notre traité. C’est la principale priorité de notre gouvernement. Nous n’allons pas rester les bras croisés pendant que nous regardons notre mode de vie s’éroder et ainsi condamner nos enfants et nos petits-enfants à un mode de vie sans véritables possibilités, surtout en raison de la décision politique d’un gouvernement qui va à l’encontre de nos intérêts. En vertu de notre traité, c’est la nation Nisga’a qui décide elle-même ce qu’elle doit faire. Sur ce, je vous remercie.

Larry Marsden, chef, Chefs héréditaires de Gitsegukla : En ma qualité de chef Guxsen de Gitsegukla, je suis ici pour représenter les chefs Gitsegukla du clan de Fireweed.

En 2004, Calvin Helin et son groupe sont venus à Gitsegukla pour nous expliquer leurs projets de pipeline. Ils savaient que les Gitxsans ne veulent pas du pipeline près de leur territoire. Calvin nous a informés qu’il essaierait de déplacer le pipeline le plus loin possible du territoire gitxsan. Il nous a aussi dit que le gouvernement ne consulte pas les Premières Nations et qu’il nous consulterait. Comme les chefs de Gitsegukla ont vraiment aimé ce que Calvin a dit, nous nous sommes engagés avec eux et nous les appuyons.

Si ce pipeline n’est pas construit, le gouvernement expédiera le pétrole par le CN, ce qui est vraiment risqué pour les Gitxsans, surtout à Gitsegukla, parce que nous pêchons le long de la rivière Skeena. Nous savons comment le bitume explose en cas de déraillement. À Gitsegukla, nous pêchons tous le long de la Skeena, et la voie du CN longe la Skeena. Si le train déraille pendant que nous vérifions nos filets, le bitume nous catapultera carrément loin de la rivière. Nous dépendons de notre poisson. Tous les Gitxsans dépendent du poisson. Sans poisson, nous mourrions tous de faim. J’ai encouragé James Kennedy, qui est ici avec Eagle Spirit, à faire avancer ce projet parce que, comme je l’ai dit, si le pipeline n’est pas construit, les trains du CN qui transportent du bitume nous feront courir un grand risque.

C’est à peu près tout. Merci.

Gary Alexcee, chef héréditaire de Gingolx, vice-président du B.C. First Nations Council Energy Corridor Group, Eagle Spirit Energy, à titre personnel : Je remercie la nation Tsimshian de nous avoir permis de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Premièrement, nous sommes vraiment contre le projet de loi C-48 à cause de ce qu’il propose à toutes les Premières Nations du groupe Eagle Spirit Energy Corridor, soit 35 Premières Nations pour être exact. Nous espérons que les Premières Nations de la Saskatchewan et du Manitoba se joindront à notre groupe. Nous voulons transporter du pétrole brut léger à partir de Grassy Point, à sept minutes de l’océan et du marché, sans nous approcher d’autres terres de la région.

Pour rafraîchir la mémoire de tout le monde, une étude sur les ports a été faite en 1978 sur la côte Nord. Celui de Grassy Point était le port réputé le plus sûr de la Colombie-Britannique à l’époque. C’est celui qui est situé sur la côte Sud à Burnaby. Nous n’avons pas besoin d’aller là-bas ni de faire quoi que ce soit dans cette région parce qu’elle est déjà engorgée par les navires de croisière, les autres pétroliers, et ainsi de suite. Vancouver est un port achalandé, alors que si vous passez par le port de Prince Rupert, nous avons la capacité sans l’achalandage. Nous travaillons avec les gens d’Alyeska. Ce sont eux qui ont amélioré la sécurité des navires. Nous créerions un très grand nombre d’emplois grâce à cet oléoduc et au transport à partir du port de Grassy Point, à Prince Rupert.

Il y aura création d’emplois, de cours de formation et des possibilités d’éducation accrues pour nos enfants. À l’heure actuelle, en vertu de la Loi sur les Indiens, il n’y a rien. Il n’y a rien pour appuyer ce que nous faisons. Le taux de chômage se chiffre à 90 p. 100 dans tous les corridors des Premières Nations dont je vous ai parlé. Il est très important de défaire le projet de loi C-48. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous voulons qu’il soit défait. Le ministre des Transports, Marc Garneau, n’a consulté aucune des Premières Nations au sujet de leur opposition au projet de loi C-48.

Nous comprenons que les États-Unis veulent nous empêcher de livrer du pétrole à partir de la côte Ouest parce qu’ils veulent isoler les gens et le pétrole de l’Alberta, ce qui nous fait perdre de la valeur économique. Ce n’est pas très bon pour le Canada, alors que le pipeline d’ESE qui passe par le groupe du corridor est utilisé en appui.

Il y aura beaucoup d’emplois et d’énergie là-bas. Les fonds seront acheminés. Nous n’avons pas besoin de dépendre des Affaires indiennes. C’est ce qu’attend le gouvernement fédéral. Il laisse les Premières Nations continuer à dépendre de lui, en leur accordant des petits cadeaux ici et là.

Des gens dans le groupe des Premières Nations sont visés par le Traité 6 et le Traité 8. Ils ont dit qu’ils ne reçoivent même pas des miettes de ce que leur traité devait leur rapporter. Nous sommes en 2019, et ils ont conclu leurs traités avant que le traité avec les Nisga’as ne soit mis en place en 2000. C’est une des lacunes auxquelles le gouvernement fédéral ne pense pas. Le gouvernement n’a jamais consulté les Premières Nations le long du corridor ou à l’intérieur de la Colombie-Britannique.

Nous respectons les préoccupations exprimées au sein du groupe des Premières Nations. Il y a des environnementalistes dans les Premières Nations qui savent comment s’occuper de la terre, contenir les rivières, entretenir les zones de piégeage et assurer leur subsistance. C’est ce qui est important pour nous tous.

À l’heure actuelle, il n’y a pratiquement pas de pêcheurs le long de la côte. Il y a un manque de bateaux et un manque de permis. Il n’y a aucune possibilité à cet égard. On ne peut pas survivre avec un seul permis. Il faut plusieurs autres permis pour être accompagné de chacun des villages de pêcheurs. Je parle de Lax Kw’alaams et de Kitsumkalum. Il y avait autrefois une communauté de pêcheurs florissante. Il n’y a aujourd’hui plus rien ou très peu. La foresterie a disparu. Le gouvernement provincial s’est assuré qu’il ne reste rien pour compenser les répercussions de l’exploitation forestière, et c’est tout.

Les répercussions du projet de loi C-48 sont absolument énormes. Cela m’amène à l’aspect de sécurité de ce que nous voulons faire avec les Premières Nations en ce qui concerne la formation qui accompagne le projet de loi C-69. Je veux terminer parce que c’est très clair. Nous avons ici des composantes de formation qui dépendent de la terre, de la navigation, de l’entretien et de l’exploitation des remorqueurs. Celles-ci devraient être certifiées en fonction des débouchés que nous aurons. En travaillant avec Alyeska, le gouvernement fédéral et son nouveau projet de loi, nous pouvons prendre le projet de loi C-69, le Plan de protection des océans, et l’améliorer. Le gouvernement ne l’a pas fait. Il n’en a pas parlé. Merci.

La sénatrice Simons : Je suis gênée d’admettre à quel point je ne comprends pas les subtilités de la géographie de cet endroit. Je voulais d’abord demander à Mme Clayton si les Nisga’as ont accès aux zones côtières à partir de leurs terres visées par le traité. À quelle distance se trouve le territoire nisga’a de Grassy Point, qui, si j’ai bien compris, se trouve à environ 30 kilomètres au nord de Prince Rupert?

Mme Clayton : La nation Nisga’a compte une communauté située à l’embouchure de la Nass, soit la communauté Nisga’a de Git Gingolx.

La sénatrice Simons : J’essaie de comprendre si vous voulez un terminal de pipeline sur le territoire nisga’a. S’il y avait un terminal de pipeline à Grassy Point, espérez-vous en retirer des avantages collatéraux pour votre nation?

Mme Clayton : Oui, et ce que veut la nation Nisga’a, c’est d’être consultée par notre partenaire du traité pour entamer des discussions sérieuses sur de tels projets.

La sénatrice Simons : J’ai posé cette question de manière trop compliquée. Voulez-vous un port? Pourriez-vous avoir un accès en eau profonde à partir de l’entrée de la Nass, ou est-ce un endroit trop peu profond pour que les pétroliers puissent y circuler? Devraient-ils aller ailleurs, comme à Grassy Point?

Mme Clayton : Dans la nation Nisga’a, nous avons la portabilité en eau profonde.

La sénatrice Simons : Monsieur Alexcee, est-ce que Grassy Point est l’endroit privilégié ou y a-t-il d’autres endroits plus au nord où vous pourriez aller?

M. Alexcee : Oui, Grassy Point est la région privilégiée de la nation Tsimshian comme port ouvert parce qu’il s’agit de la région la plus sûre pour le transport du pétrole brut vers les marchés.

Nous avons examiné d’autres régions pour les ports en haute mer. Nous avons d’autres possibilités. Nous avons parlé à l’Alaska. Nous avons déjà parlé aux propriétaires fonciers de Hyder, en Alaska. Le gouverneur nous a remis un protocole d’entente avec lequel nous pouvons travailler. Ce sera à partir d’Observatory Inlet, qui est également un port en eau profonde.

Pour répondre à la question que vous avez posée à la présidente de la nation Nisga’a, Gingolx est déjà un port naturel en haute mer. Cet endroit a été établi à titre de port.

La sénatrice Simons : Sur quel territoire se trouve Grassy Narrows?

M. Alexcee : Je viens de vous dire que c’était celui de la nation Tsimshian. Lax Kw’alaams.

Le sénateur Patterson : Je viens de distribuer des cartes qui ont été préparées par la Bibliothèque du Parlement et qui montrent les terres nisga’as et la zone d’exclusion proposée.

Je remercie Mme Clayton de son exposé. Je crois comprendre que l’une de vos préoccupations au sujet du projet de loi C-48 est qu’il interdira la circulation des pétroliers sans qu’il y ait la moindre audience environnementale. Son adoption empêcherait la tenue d’une audience environnementale.

Je comprends que les Nisga’as ont le contrôle de leurs propres terres et qu’ils peuvent les gérer comme ils l’entendent. Vous seriez aux commandes si l’on proposait d’utiliser vos terres. Vous pourriez déterminer les conditions à imposer par suite d’un examen approfondi.

L’une de vos préoccupations au sujet du projet de loi C-48 est-elle qu’il empêcherait l’examen des projets et limiterait le contrôle que vous pourriez exercer autrement?

Mme Clayton : La principale préoccupation de la nation Nisga’a à l’égard du projet de loi C-48, c’est qu’il n’y a pas eu de consultations sérieuses sur la façon dont le projet de loi C-48 s’appliquerait et sur le fait qu’il a inclus le territoire nisga’a, dans la région de la Nass, sans consultation. Nous aurions pu travailler ensemble pour trouver cet équilibre.

Le sénateur Patterson : Pourriez-vous décrire vos droits ancestraux sur les terres et les eaux et nous dire si ces droits sont touchés par ce projet de loi?

Mme Clayton : Les droits de la nation Nisga’a sur les terres et les eaux sont touchés. Les répercussions sont très graves. Nous prenons cela très au sérieux parce que le traité avec les Nisga’as est un traité protégé par la Constitution. Notre traité énonce nos droits et notre titre. Pour que la nation puisse aller de l’avant, il faudrait que nous puissions dire que nous devons nous asseoir avec notre partenaire du traité. Pour répondre à votre question, nos droits sont profondément touchés par le projet de loi.

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Clayton. Vous avez parlé de l’absence de consultation et du non-respect des traités. Vous avez aussi parlé d’amendements possibles au projet de loi.

Pour s’assurer que les consultations se poursuivent avec la nation Nisga’a et d’autres Premières Nations, est-ce qu’un amendement indiquant qu’il doit y avoir une révision périodique du projet de loi pour assurer l’évaluation et la consultation qui s’imposent serait un bon ajout au projet de loi?

Mme Clayton : La nation Nisga’a a participé au dialogue lancé par le ministre Garneau à l’été 2016. L’initiative semblait viser à amorcer le dialogue à ce sujet avec les communautés locales et les Premières Nations.

Compte tenu de la nature générale des discussions, la nation Nisga’a s’attendait raisonnablement à ce que, une fois que le gouvernement aurait examiné les commentaires et élaboré une approche proposée pour le cadre de réglementation, une consultation approfondie avec la nation Nisga’a sur l’approche proposée suivrait. C’est ce que nous voulions. Cette façon de procéder serait conforme non seulement à la loi, mais aussi aux promesses que votre gouvernement a faites à plusieurs reprises aux peuples autochtones, plus récemment en adoptant le cadre de mise en œuvre des traités modernes par les sous-ministres conformément à la directive du Cabinet de 2015.

Le sénateur Cormier : Pensez-vous que la révision périodique du projet de loi pourrait faire partie de la solution pour poursuivre le dialogue et la consultation avec votre nation, si une révision périodique était ajoutée au projet de loi?

Mme Clayton : Oui, nous aimerions qu’une réunion ait lieu.

Le sénateur Smith : J’ai une question d’ordre économique. J’essaie de comprendre. Monsieur Alexcee, vous avez très fortement réagi dans votre réponse concernant le chômage. Je n’en suis pas certain, mais est-ce seulement sur votre territoire ou est-ce la même chose sur d’autres territoires et dans d’autres nations le long de la côte Ouest?

Nous posons la question pour essayer de comprendre la situation économique actuelle de beaucoup de membres et de nations. Cela semble être une réponse difficile, toujours liée au fait qu’ils ont du saumon à manger deux fois par semaine. Ils ont de la nourriture, mais qu’est-ce que les gens veulent d’autre? Quelle est la situation particulière? Le problème de chômage est-il aussi grave que vous le dites? Si j’ai bien compris que le taux de chômage se situe à 90 p. 100, c’est un problème très grave.

Quel est l’aspect économique de beaucoup de nations? Pourriez-vous parler au nom d’autres nations que vous avez peut-être observées, à part la vôtre?

M. Alexcee : Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, je parle au nom de 35 Premières Nations membres du corridor Eagle Spirit Energy. Le long de ce corridor, le taux de chômage est de 90 p. 100. Cela comprend le pétrole, le gaz et l’industrie de la pêche sur la côte. D’autres industries sont touchées par l’absence de pêche dans chacune des communautés. Il n’y a plus de ramendage. Il n’y a plus de services mécaniques ou électroniques d’entretien des bateaux. Il n’y a pas d’entretien des bateaux parce que personne n’a les fonds nécessaires pour faire de la pêche au saumon, au flétan, au hareng, au crabe et à d’autres mollusques et crustacés. Voilà ce dont je parle. Il y a plein de répercussions.

Rien de tout cela n’est disponible en raison de l’absence de débouchés. L’industrie forestière est complètement éteinte. Il n’y a plus d’exploitants.

Le sénateur Smith : Jusqu’où s’étendent les territoires géographiques des 35 nations qui font partie du groupe sur le plan conceptuel? Pouvez-vous aller du point d’origine où le pétrole entre en contact avec les bandes, les membres et les partenaires jusqu’au point de dépôt?

M. Alexcee : Bien sûr. Cela commence à Fort Mac, en Alberta, où se trouvent actuellement les sables bitumineux, en passant par ce groupe de corridor où nous avons indiqué sur la carte qui vous a été présentée à Ottawa. Je ne l’ai pas avec moi aujourd’hui, mais cela commence à cet endroit jusqu’à la côte.

M. Alexcee : Nous préférons expédier du pétrole plutôt que de le faire passer par le chemin de fer. Le transport par chemin de fer comporte trop de risques.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais d’abord préciser une chose. J’ai ici une carte. Je veux m’assurer que vous faites partie de la tribu de Gingolx et que c’est l’une des tribus de la nation Nisga’a. Est-ce bien exact?

M. Alexcee : C’est exact.

La sénatrice Miville-Dechêne : Grassy Point fait partie du territoire des Lax Kw’alaams, mais vous faites partie de la nation Nisga’a. Pourquoi ne voulez-vous pas que le terminal soit situé sur le territoire de la nation Nisga’a?

J’essaie simplement de comprendre la relation entre les tribus. Je suis désolée si ma question vous paraît trop fondamentale.

M. Alexcee : Vous essayez de semer la pagaille, n’est-ce pas?

La sénatrice Miville-Dechêne : Pas du tout. J’essaie de comprendre la géographie. J’ai ici cette carte où sont indiqués les emplacements de 100 tribus. C’est vraiment compliqué.

M. Alexcee : Je ne peux pas faire la promotion du territoire de la nation Nisga’a parce que je ne fais pas partie du gouvernement. Nous parlons au gouvernement de la nation Nisga’a pour voir où nous allons situer le projet, si ce sera dans le port de Gingolx, dans la vallée de la rivière Nass, à Observatory Inlet ou au canal Portland, les bassins hydrographiques de la nation Nisga’a. Étant donné qu’ils ne sont pas des partenaires d’Eagle Spirit ou qu’ils ne font pas partie des 35 Premières Nations, nous les invitons à se joindre à nous, et nous discuterons ensuite. Est-ce bien ce que vous vouliez entendre?

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais que vous soyez un peu plus précis au sujet de la création d’emplois. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels la création d’emplois se fait essentiellement pendant la construction du pipeline. Ce sont des emplois à court terme, et il est évident que les investisseurs obtiendront plus d’argent.

Êtes-vous un investisseur? Qui finance Eagle Spirit? Nous ne le savons pas. Je ne sais pas. Qui le finance? Comment pouvez-vous être si certain qu’il y aura des emplois pour vos gens? Avez-vous conclu des ententes? Avez-vous signé des ententes?

M. Alexcee : Nous y travaillons actuellement. Des investisseurs nous parlent et frappent à notre porte. La création d’emplois fait partie de la reconstruction des raffineries et du gazoduc. Il y aura un oléoduc, un gazoduc, du naphte et du propane. Tous ces produits seront expédiés à partir de cette raffinerie lorsqu’elle sera construite. Il y a plusieurs endroits le long du corridor où nous aurons une raffinerie et où nous pourrons l’agrandir. D’excellents spécialistes ont examiné cette question et nous détenons des preuves scientifiques établissant que c’est l’opération la plus propre qui soit.

Le sénateur MacDonald : Je trouve ce projet très intéressant d’un point de vue conceptuel. Je suis toutefois curieux au sujet de l’emplacement géographique et de l’endroit qui a été choisi pour le terminal.

L’emplacement du terminal a-t-il été choisi parce que c’est le plus facile à vendre politiquement aux communautés autochtones, ou y a-t-il un meilleur endroit pour le terminal qui est plus difficile à faire accepter par les communautés?

M. Alexcee : Ce n’est pas un endroit plus difficile à vendre, mais c’est le chemin le plus sûr et le plus court entre le pipeline et le marché. C’est pourquoi nous plaidons en faveur de Grassy Point.

Nous envisageons aussi deux autres ports. Nous y travaillons toujours. Nous avons déjà un protocole d’entente signé par le gouverneur de l’Alaska pour faire le travail, et le Canada ratera une belle occasion. Seules les Premières Nations en profiteront. Le Canada se pénalisera lui-même s’il s’entête à faire adopter les projets de loi C-48 et C-69.

Le sénateur MacDonald : Quand on regarde cette carte, on se rend compte à quel point nous sommes proches de l’Alaska et de l’autorité américaine. Nous en sommes très proches.

Vous avez dit que vous envisagiez deux autres ports. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Alexcee : Pour l’instant, non. Je ne peux pas, car nous sommes encore en pourparlers avec nos investisseurs.

La sénatrice Gagné : Monsieur Marsden, les craintes que vous exprimez au sujet des déraillements de train et de l’effet qu’ils pourraient avoir sur vos rivières et votre environnement sont les mêmes que celles que j’ai entendues de la part de nombreux pays côtiers au sujet des déversements de pétrole, si jamais des pétroliers étaient autorisés.

Examinons le scénario suivant. Je demande aux trois témoins de répondre. S’il n’y avait pas de moratoire, si le pipeline Eagle Spirit était construit et si les pétroliers étaient autorisés, en cas de déversement grave, de quelle façon vos communautés seraient-elles touchées par un déversement de pétrole?

M. Marsden : Nous avons vu un déraillement à Montréal et l’explosion du bitume. C’est ce qui nous préoccupe vraiment.

La sénatrice Gagné : Je décrivais un scénario. Disons que les pétroliers soient autorisés, que vous auriez le droit d’expédier par le pipeline Eagle Spirit et qu’il y aurait un port. S’il y avait un déversement, est-ce que vos communautés seraient touchées et de quelle façon?

M. Marsden : Comme je l’ai dit plus tôt, Calvin Helin nous a dit qu’on essaierait de déplacer le pipeline le plus loin possible vers le nord, loin de notre territoire et de nos communautés, si Eagle Spirit obtenait le pipeline.

La sénatrice Gagné : Mais quelqu’un pourrait être touché.

M. Marsden : Oui.

La sénatrice Gagné : Avez-vous la même réponse?

M. Alexcee : Nous éloignons le pipeline de la région de Gitsegukla et de ce territoire parce que nous envisageons la route la plus courte entre le point A et le point B jusqu’à la côte, et la ligne directe entre ce point et le point B est la route la plus sécuritaire. C’est la meilleure façon de construire un pipeline, qui transportera probablement jusqu’à la côte du gaz naturel liquéfié, du naphte, du propane et tout le reste en provenance de ces régions.

Le président : Le pétrole est-il maintenant transporté par le CN, le long de la Skeena, jusqu’à Vancouver? Est-ce la situation actuelle?

M. Alexcee : À l’heure actuelle, une partie du pétrole est expédiée dans des wagons-citernes qui vont à Rupert. Le pétrole est déjà déchargé dans des conteneurs de soute, puis il est chargé à bord des navires. Au cours des trois dernières années, il y a eu des déversements dans la région de la Skeena, mais par chance, il s’agissait de blé ou de soufre. Des dommages ont été causés à certaines zones le long de la Skeena, de Kitsumkalum à Prince Rupert.

Le président : Aucune partie de ce pétrole ne va vers le sud, vers le port de Vancouver.

M. Alexcee : Non, pas que je sache.

Le président : C’est le CP qui assure le transport.

M. Alexcee : C’est exact.

La sénatrice Dasko : En tant que Sénat, nous pouvons faire trois choses dès maintenant. Nous pouvons adopter le projet de loi, le rejeter ou le modifier. Je voudrais poser une question à chacun d’entre vous. De toute évidence, vous ne voulez pas que nous l’adoptions. Je l’ai bien compris. Que voulez-vous que nous fassions? Devrions-nous rejeter le projet de loi ou le modifier et, si c’est le cas, comment? J’aimerais que chacun réponde, s’il vous plaît.

M. Alexcee : Je préférerais que vous le rejetiez. Si vous le modifiez, vous devrez faire en sorte que nous puissions expédier du pétrole brut à partir du port de Prince Rupert ou de Grassy Point.

Je préférerais que vous le rejetiez parce que, premièrement, il n’y a pas eu de véritable consultation et, deuxièmement, la Constitution dit qu’il faut vraiment consulter les Premières Nations.

La sénatrice Dasko : Monsieur Marsden, faut-il le rejeter ou le modifier et si c’est le cas, comment devrions-nous procéder?

M. Marsden : Je suis d’accord avec M. Alexcee, seulement parce que cela va créer des emplois pour les gens de chez nous. Il y en a beaucoup qui sont sans emploi à l’heure actuelle.

Mme Clayton : Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous demandons un amendement pour exclure la région de la Nass du projet de loi.

Le sénateur Smith : J’ai une brève question sur le temps de réponse.

Le président : Je suis désolé, mais c’est maintenant au tour du sénateur Patterson.

Le sénateur Smith : S’il vous plaît, je signale que je suis à côté d’un ancien porteur de ballon de l’école secondaire de Grand Valley.

Le sénateur Patterson : En ce qui concerne l’amendement proposé par les Nisga’as, vous êtes déjà très près de l’Alaska, si je comprends bien. L’amendement que vous avez mentionné et qui exclurait les terres de la Nass aurait simplement pour effet de modifier légèrement la limite nord de la zone de moratoire proposée. Cela ne changerait pratiquement rien à cette zone qui se termine à la frontière américaine, près de vos terres.

Il s’agirait d’une modification très mineure du projet de loi. Ai-je raison?

Mme Clayton : Oui, et nous voulons rencontrer les rédacteurs du projet de loi C-48 pour que nous puissions travailler ensemble. Vous avez raison.

Le sénateur Patterson : Vous estimez que vos droits protégés par la Constitution ont été ignorés et violés par cette décision que le gouvernement du Canada a prise unilatéralement, sans vous consulter. Puis-je vous demander si vous prenez des mesures pour faire respecter vos droits ancestraux afin qu’ils soient respectés là où ils ne l’ont pas été?

Mme Clayton : Oui, nous avons fait un suivi diligent du respect du traité. Nous sommes allés à Ottawa à de nombreuses reprises. Nous avons levé la main chaque fois que l’application du traité posait des difficultés pour dire que nous aimerions rencontrer nos partenaires pour discuter de questions comme le projet de loi C-48. Nous collaborons actuellement avec le groupe national des traités modernes pour examiner les défis auxquels nous avons été confrontés dans la mise en œuvre des traités modernes.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour faire suite à votre question, je veux vérifier une chose, car je n’ai pas bien compris, madame Clayton. Vous dites qu’il faudrait modifier légèrement le moratoire, mais, d’après ce que je vois sur la carte et ce que je sais de votre nation, vous auriez également besoin d’un corridor maritime. Il faudrait modifier toute la frontière nord du moratoire si vous voulez utiliser la voie navigable jusqu’à la mer ou jusqu’aux eaux internationales. Ce n’est pas seulement une petite modification. Je voulais clarifier cela.

Mme Clayton : Merci d’avoir soulevé ce point. C’est une question dont il faut discuter, comme je l’ai déjà dit. Nous ne sommes pas en mesure de discuter des modifications ou amendements possibles ou de leur donner notre accord. Toutefois, nous sommes disposés à rencontrer le gouvernement du Canada et le ministre pour voir comment l’amendement serait formulé. Je ne peux pas vous dire maintenant à quoi il ressemblera.

Le président : Merci beaucoup aux témoins.

Pour notre troisième groupe de témoins de ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir Kevin Smith, chef de la direction de Maple Leaf Adventures et président de la Wilderness Tourism Association of B.C.; Brad Pettit, président et directeur de Stewart World Port; et Stewart Muir, directeur général, de la Resource Works Society.

Merci de participer à notre réunion d’aujourd’hui. Nous allons commencer par Kevin Smith.

Kevin Smith, chef de la direction, président, Wilderness Tourism Association of British Columbia, Maple Leaf Adventures : Il s’agit du point de vue d’une entreprise de la Colombie-Britannique au sujet du projet de loi C-48, que je présente respectueusement au nom de la Wilderness Tourism Association of British Columbia et de nos membres, ainsi que de ma propre entreprise, Maple Leaf Adventures.

Je vais vous ramener en juin 2010, lors du déversement de pétrole de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique. L’industrie de l’affrètement de navires a dégringolé en chute libre dans le sud du Mississippi. En moyenne, 70 p. 100 des affaires se sont effondrées à cause de ce déversement. Les statistiques ont attiré mon attention. Des baisses de 70 p. 100 sont désastreuses pour n’importe quel secteur. Il s’agissait d’une industrie touristique côtière très semblable à celle que nous avons ici, sur la côte de la Colombie-Britannique.

Je suis propriétaire d’une entreprise de croisières d’expédition de Colombie-Britannique en pleine croissance qui opère dans la forêt pluviale du Grand Ours, à Haida Gwaii. Je représente également la Wilderness Tourism Association à titre de président. Nous faisons partie de l’industrie émergente du tourisme écotourisme d’aventure en Colombie-Britannique, une économie fondée sur la conservation. La côte Nord est l’une des régions où la croissance est la plus rapide.

En 2010, lorsque j’ai vu les statistiques, mon équipe a fait des recherches. Nous avons constaté que l’annulation du moratoire sur la circulation des pétroliers mettrait en péril la faune, la santé des écosystèmes et la pêche alimentaire locale. Vous savez sans doute déjà que, d’après des études réalisées par des entreprises et des universités réputées, il y aurait un grand risque de dommage à long terme pour l’économie de la Colombie-Britannique en cas de déversement important de pétrole.

L’un des secteurs les plus menacés est le tourisme. À 18 milliards de dollars, le tourisme est une industrie importante en Colombie-Britannique. Ce secteur a connu une croissance plus importante que l’économie en général au cours des dernières années. À lui seul, le tourisme en milieu sauvage a connu une croissance de 8 p. 100 par année au cours de la dernière décennie. Il emploie des milliers de Britanno-Colombiens qualifiés et les trois quarts des entreprises de notre association ont plus de 10 ans. Un grand nombre d’entre elles existent depuis bien plus longtemps.

Selon les projections que vous utilisez, le tourisme en milieu sauvage en Colombie-Britannique rapportera entre 600 milliards et 5,6 billions de dollars au cours des 50 prochaines années, dont la moitié sur la côte. Notre forêt pluviale du Grand Ours est l’une des destinations émergentes les plus courues au Canada. Le potentiel de croissance durable de l’écotourisme d’aventure y est excellent. National Geographic Traveler a désigné la région comme l’une des 20 meilleures destinations au monde. Les entreprises de notre secteur ont remporté des dizaines des prix les plus prestigieux au monde pour ce que nous offrons.

Notre organisme national de marketing touristique, Destination Canada, explique que les vacances expérientielles de notre industrie dans le monde naturel sont un élément clé du succès du Canada sur le marché mondial du tourisme. Il s’agit d’une industrie précieuse à long terme, non seulement pour les gens de la région, mais pour l’ensemble du Canada. Que nous soyons des gîtes de luxe, des entreprises de croisières d’expédition, des guides de kayaking ou des pourvoyeurs de pêche, notre produit est la nature glorieuse et intacte de la côte de la Colombie-Britannique. Nous nous épanouissons dans des écosystèmes intacts et pleinement fonctionnels. La chaîne alimentaire de l’océan soutient les baleines à bosse, les épaulards et les rorquals communs. Les otaries et les dauphins nagent régulièrement à côté de nos bateaux à la recherche de nourriture. Les ours le long du littoral se gavent de mollusques et de saumons. Ils offrent une occasion recherchée de photographier la faune dans son habitat naturel. Les criques et les récifs riches en vie marine offrent certaines des meilleures plongées au monde. Un grand déversement de pétrole anéantirait cette ressource spectaculaire et des centaines de petites entreprises.

Qui plus est, toute notre industrie touristique et les industries connexes seraient touchées. De nombreuses études montrent que l’impact d’un important déversement de pétrole s’étend au-delà du lieu de la crise et se prolonge après que la crise est réglée. C’est parce que l’image de marque est entachée et que les idées fausses persistent auprès des voyageurs. Si un déversement important endommageait les côtes nord et centrale de la Colombie-Britannique, le tourisme en souffrirait pendant des années dans toute la province.

Par exemple, après des déversements majeurs en Alaska et dans le golfe du Mexique, les gens ont annulé leurs vacances dans toutes ces régions et pas seulement dans les zones touchées par le pétrole. Dans le cas du déversement de la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, qui a duré d’avril à juillet 2010, le tourisme a été décimé. La recherche, dans TripAdvisor, de destinations populaires dans cette région a diminué de 48 p. 100 à 65 p. 100 cet été-là. On a estimé que le déversement de pétrole coûterait aux collectivités de la côte du golfe du Mexique 22,7 milliards de dollars sur trois ans dans une économie où le tourisme est un important moteur économique.

En Alaska, où a eu lieu le déversement de l’Exxon Valdez, 40 p. 100 des entreprises de la région touchée ont déclaré des pertes importantes ou totales. Les demandes de renseignements adressées aux offices de tourisme ont chuté de 55 p. 100 dans l’année qui a suivi le déversement. De plus, 27 p. 100 des entreprises situées dans des régions de l’Alaska où il n’y a pas eu de déversement de pétrole ont signalé des pertes importantes ou modérées.

Maintenant, je suis un chef d’entreprise.

Le président : Nous allons manquer de temps dans une demi-minute.

M. Smith : Merci. Je ne crois pas qu’il faille arrêter l’économie de marché ou la surréglementer, mais je crois fermement à la responsabilité environnementale et sociale. Cela comprend la responsabilité envers les entreprises et les écosystèmes qui existent ici.

Les entreprises touristiques axées sur la nature de la Colombie-Britannique ont d’énormes possibilités, car les voyageurs cherchent de plus en plus à voir les derniers endroits sauvages de la planète, à investir dans cette opportunité et à s’en prévaloir. Nous avons besoin de certitudes. L’incertitude qui planera sur la côte de la Colombie-Britannique et sur ce secteur si l’on permet la circulation de pétroliers dans les régions de la forêt pluviale du Grand Ours et de Haida Gwaii serait un risque inacceptable pour les générations futures qui continueront de bâtir cette industrie de calibre mondial qui est importante pour la Colombie-Britannique et le Canada. Merci.

Brad Pettit, président et directeur, Stewart World Port : Bienvenue en Colombie-Britannique, et merci de me permettre de prendre la parole à cette occasion. Stewart World Port est le port le plus au nord de l’ouest du Canada, et nous sommes sur le territoire traditionnel nisga’a. Nous sommes une entreprise privée. À ce jour, nous avons investi 75 millions de dollars. Nous avons commencé la construction en 2015 et nous sommes entrés en service en 2016. Notre financement provient entièrement du secteur privé, d’une seule personne.

À l’heure actuelle, nous transportons des marchandises diverses, des marchandises qui ne sont pas conteneurisées, comme le pétrole et le gaz. Nous avons acheminé des modules pour le projet Redwater en Alberta. Nous avons transporté des projets éoliens pour la Colombie-Britannique. Une grande quantité d’équipement minier et de choses de ce genre est passée par notre port. C’est généralement de l’équipement lourd. Nous avons également signé un contrat à long terme avec Ciment Lafarge pour desservir le secteur minier dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

On a beaucoup parlé des projets énergétiques qui passent par Stewart au cours des dernières années. Nous avons parlé à des promoteurs et à des investisseurs de GNL, mais dernièrement, tout a porté sur le pétrole. À l’heure actuelle, nous n’avons pas de chemin de fer à Stewart. Le chemin de fer le plus proche est à Kitwanga. C’est à 216 kilomètres. Nous aimerions pouvoir avoir un pipeline à Stewart. Si cela arrivait, je pourrais voir, de mon quai, les pétroliers partir là où Eagle Spirit parlait d’aller en Alaska. Je suis au Canada; je suis en Colombie-Britannique.

Même si nous ne recevions qu’un ou deux pétroliers par mois ou deux par mois, ce serait très important pour Stewart et pour notre port. Ce serait énorme pour notre port. Cela suffirait à rapporter des centaines de millions de dollars de revenus, si vous prenez le transport des têtes de puits jusqu’aux navires. C’est beaucoup d’argent et c’est une excellente opportunité pour les collectivités locales.

Jusqu’à maintenant, toutes les discussions ont été seulement préliminaires, parce que l’interdiction imminente des pétroliers les a arrêtées. Personne ne consacrera beaucoup d’énergie et d’argent à l’examen de ces projets s’il n’est pas possible de les réaliser. Je suis bien placé pour savoir que cela représente des centaines d’emplois locaux, chez nous, pour les collectivités locales et les communautés des Premières Nations. Je viens de l’industrie pétrolière et gazière. Ce sont des emplois bien rémunérés. Ce sont des emplois à temps plein. Ils vous permettent d’envoyer votre enfant à l’école. Ils vous permettent d’élever une famille. Je le sais parce que c’est là que j’ai grandi, dans l’industrie pétrolière et gazière, et maintenant j’exploite un port à Stewart. Certaines de ces collectivités battent de l’aile. Il y a très peu d’emplois bien rémunérés à temps plein à Stewart. Le travail est surtout saisonnier. Quelques emplois de plus à Stewart changeraient grandement les choses pour les économies locales, pour tout le monde. C’est une opportunité que j’aimerais vraiment explorer avec la Nation Nisga’a, les collectivités locales et les investisseurs. Je pense que nous passerions à côté si l’interdiction des pétroliers était approuvée.

Stewart Muir, directeur général, Resource Works Society : Resource Work est une société sans but lucratif établie à Vancouver. Nous existons depuis cinq ans. Notre mandat consiste à communiquer aux Britanno-Colombiens des renseignements sur les avantages qu’un secteur des ressources naturelles responsable représente pour l’économie. Je suis journaliste depuis plus de 35 ans. En 1997, une équipe que j’ai dirigée au Vancouver Sun a remporté un prix pour avoir raconté l’histoire du traité nisga’a dans notre journal. J’aime beaucoup raconter des histoires.

Je ne suis pas ici pour polémiquer ou formuler des recommandations, bien que je pense que vous devriez envisager d’exclure un corridor. Je voudrais vous donner un peu de contexte, visuellement parlant, et c’est le but du livre que vous avez devant vous. Je dispose probablement d’environ 30 secondes par double page et j’en ai 12. Il y a deux pages par planche. J’ai appelé cela « Suivi des mouvements des pétroliers en Colombie-Britannique ». Quiconque veut voir ce document peut le consulter sur le site resourceworks.com. Vous le trouverez là. Il s’agit de comparaisons et du contexte. J’ai utilisé certains outils à la disposition des gens qui suivent les pétroliers pour des raisons commerciales et autres. Ce sont des renseignements sur la circulation des pétroliers. Ils sont tirés de renseignements commerciaux agrégés.

Je vais commencer par la notion de système de sécurité de calibre mondial, dont le ministre Garneau a parlé avec tant d’éloquence. Le Plan de protection des océans qui est mis en œuvre en est un. Comme on peut le lire à la page 2, le gouvernement a amélioré la sécurité maritime et réduit les risques de déversement afin de combler les lacunes qui existent depuis beaucoup trop longtemps. C’est une déclaration claire et solide. Sur la page d’en face, vous voyez, il y a quelques jours à peine, le 4 avril, une animation générée à partir d’un logiciel de trafic maritime montrant le pétrolier Erik Spirit qui traverse le Second Narrows sous le pont Ironworkers Memorial. Il est escorté par trois remorqueurs. L’une des choses dont parle le ministre Garneau, c’est le renforcement du système.

Une fois que le jumelage du pipeline Trans Mountain sera terminé, il y aura plus de remorqueurs pour protéger ces pétroliers et les conduire en mer en toute sécurité. Il y aura deux pilotes, pas un seul, qui se rendront plus loin qu’avant dans le détroit de Juan de Fuca. De nombreuses autres améliorations sont apportées dans le cadre du jumelage. C’est une histoire très positive.

Je passe aux pages 4 et 5 et j’ai un mot à dire au sujet de la sécurité du pilotage. Je sais que la question a été soulevée. Vous avez entendu des pilotes, mais je pourrais peut-être vous donner un aperçu national. Le bilan de sécurité du pilotage est excellent. Ce très bon bilan s’est encore amélioré. Nous voyons les données les plus récentes pour 2017 que j’ai pu obtenir. Pour l’Administration de pilotage du Pacifique, 99,97 p. 100 des opérations se sont déroulées sans incident. Il y a une légère amélioration de quelques centièmes de pourcentage par rapport aux dernières données que j’avais pour 2009. C’est la même chose pour l’Administration de pilotage des Grands Lacs. Le taux de sécurité a également augmenté dans les administrations des Laurentides et de l’Atlantique.

À la page suivante, il semble que votre comité ait entendu ceux qui ont parlé de deux poids, deux mesures. Je pense que c’est vrai si vous prenez la côte Est. Vous avez, par exemple, le travail du Secrétariat du groupe spécial sur la sécurité des navires-citernes effectué pour Transports Canada en 2013. C’est à gauche, à la page 6. Il y a une carte qui montre la sensibilité environnementale de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent, dans l’Atlantique. Vous pouvez voir que la sensibilité environnementale est très haute, à bien des égards. À droite, il y a une photo prise y a quelques jours, le 6 avril. Je vais l’expliquer parce que cela revient sur certaines des pages suivantes. Ces lignes rouges représentent toutes les traversées de pétroliers qui ont été suivies par le trafic maritime en 2017. Ensuite, les objets rouges sont des navires réels, soit en mouvement, soit ancrés. Les ronds sont des navires ancrés. Ceux qui bougent sont pointus. Ce sont tous les pétroliers qui se déplaçaient dans les eaux canadiennes le 6 avril lorsque cette carte a été produite. Vous pouvez voir qu’il y en a beaucoup et faire la comparaison avec les zones de sensibilité environnementale. N’est-ce pas intéressant de voir cela?

Aux pages 8 et 9, si vous regardez la partie nord de l’île de Montréal, il est question ici des hydrocarbures persistants présents dans une région dont la sensibilité environnementale est très grande, tout près d’un parc national. C’est un parc provincial, mais il s’appelle le Parc national des Îles-de-Boucherville de l’autre côté de la rivière. C’est intéressant à examiner.

Je vais avancer rapidement pour gagner du temps, mais vous avez ce document sur lequel réfléchir si vous le voulez. Les pages 10 et 11 montrent le golfe du Mexique. Ce sont des pétroliers que vous voyez à droite sur cette carte. Je les ai comptés. Plus de 430 pétroliers circulaient le 14 avril. C’était pendant le week-end.

Le président : Ce sont des nouvelles fraîches.

M. Muir : C’est effectivement le cas. Oui, monsieur.

Il y a beaucoup d’activités. Cet instantané, d’une seule journée, équivaut à combien d’années de pétroliers sur la côte Ouest? Il y a là un petit graphique qui montre les déversements de pétroliers dans le monde entier. Cela s’inscrit dans une tendance à l’amélioration de la sécurité. C’est comme dans les années 1970, quand vous montiez à bord d’un avion et que vous vous disiez peut-être : « Devrais-je monter à bord de cet avion? Sera-t-il sécuritaire? » Aujourd’hui, on n’y pense plus. C’est vraiment la même chose pour les pétroliers; ils sont très sécuritaires.

Un exemple figure aux pages 12 et 13. Je me suis limité au Venezuela. Regardez à droite. C’est l’un de ses principaux ports pétroliers dans la mer des Caraïbes. Ce sont des parcours de pétroliers en 2017. Tous ces cercles ronds, les cercles rouges, sont des navires qui se trouvaient là, il y a quelques jours. Que transportent-ils? Où vont-ils? Je vais vous le dire. C’est du pétrole d’Orinoco. C’est du pétrole lourd. C’est comme les sables bitumineux, le bitume. C’est vraiment la même chose. C’est le résultat d’un processus différent. Où va ce pétrole? J’ai des données récentes de TankerTrackers.com qui montrent probablement 300 000 barils par jour. Aujourd’hui, le pipeline Trans Mountain transporte 300 000 barils vers la côte. C’est la quantité de pétrole lourd qui va en Inde à l’heure actuelle. Je ne sais pas si cela passe par le canal de Suez ou le canal de Panama. Nous pourrions examiner cela si vous voulez, mais c’est intéressant. La Chine vient au deuxième rang. Elle reçoit plus de 200 000 barils. C’est le même genre de pétrole qu’elle recherche ici parce qu’elle en a besoin pour certaines choses. C’est excellent pour fabriquer du carburéacteur, du diesel. Elle peut aussi s’en servir pour asphalter des routes. Même si toutes les automobiles deviennent électriques en Chine, sur quoi rouleront-elles? Probablement sur des routes asphaltées.

Aux pages 14 et 15, mes amis européens me disent souvent : « Vous les vilains Canadiens avec vos pétroliers. » Eh bien, regardez-vous dans le miroir, mesdames et messieurs. Voilà où nous en sommes. J’aimerais passer à la page suivante. Le siècle du Pacifique, aux pages 16 et 17, est vraiment le plus important. À droite, vous avez un petit aperçu des pétroliers en route le 14 avril. Il doit y en avoir des milliers; il y en a beaucoup. Une des cartes en médaillon est celle de Singapour. Vous pouvez la zoomer et il y a deux cartes en médaillon que vous pouvez examiner. Il y a probablement 25 pétroliers dans ce petit espace. Ils sont en mouvement. C’est un endroit où il y a des typhons et des cyclones, tout comme nous avons des tempêtes ici. N’est-ce pas drôle de voir ce trafic? Encore une fois, cela date de 2017.

Il y a une note, à gauche, sur le changement dans l’utilisation quotidienne du pétrole. C’est plus que ce que le Canada produit aujourd’hui. L’Inde augmentera sa consommation quotidienne de pétrole de cinq millions de barils entre 2017 et 2040, selon les Perspectives énergétiques de BP, 2019, publiées en février par British Petroleum. Il y a là matière à réflexion. Cela semble se faire de façon très sécuritaire, n’est-ce pas? Je veux dire que les gens vont en Thaïlande et profitent du soleil et du sable. Pourtant, regardez ce qui se passe autour d’eux.

Je vais conclure très rapidement, mais vous pourriez peut-être jeter un coup d’œil aux pages 18 et 19. Je sais que vous avez beaucoup de données sur le Nord-Ouest, mais c’est ma contribution personnelle. J’ai identifié cinq navires commerciaux qui se déplaçaient le 12 avril. Ils avaient une capacité combinée de 9,8 millions de litres de mazout. Je sais qu’un autre témoin vous a dit qu’il est peut-être plus facile pour un tel navire de déverser son carburant que pour un pétrolier. Ce n’est qu’un instantané. Il n’y a pas beaucoup de navires par rapport à Singapour.

Aux pages 20 et 21, c’est le cœur de la question. C’est tellement sécuritaire ici que même le Secrétariat du groupe spécial sur la sécurité des navires-citernes a constaté que l’indice de risque environnemental pour les déversements de pétrole brut est très faible dans le Nord et très élevé dans le Sud. Pourtant, on parle de l’augmenter dans le Sud et de le faire disparaître dans le Nord.

Passons maintenant aux dernières pages 22 et 23. C’est le tableau d’ensemble. En 2019, les navires-citernes sont utilisés couramment et quotidiennement pour transporter le carburant ou la charge d’alimentation nécessaire pour toutes sortes d’utilisations industrielles partout dans le monde. Il n’y a pas beaucoup d’activités de ce genre sur la côte Ouest ou sur la côte Nord du Canada. Encore une fois, ce sont les voyages de 2017 que vous voyez dans les lignes. Je crois important qu’à Ottawa, le gouvernement se souvienne du rapport Barton.

Membre de l’auditoire : Votre temps est écoulé.

M. Muir : Le temps est écoulé?

Le président : Continuez.

M. Muir : Merci. Le rapport Barton a exhorté le Canada à se positionner comme une plaque tournante du commerce mondial en renforçant ses liens partout dans le monde. Comme 65 p. 100 de notre PIB provient du commerce, notre situation est très différente de celle des États-Unis, où ce pourcentage n’est que de 30 p. 100. Nous avons vraiment besoin du commerce.

En résumé, je dirais qu’il s’agit de renseignements qui aideront peut-être à prendre des décisions judicieuses, peu importe ce que vous déciderez de faire, et je vous remercie de votre attention.

La sénatrice Simons : Monsieur Smith, je vais devoir revenir pour faire l’une de vos visites parce que notre passage ici a été trop court et que cet endroit est très beau. Je comprends ce que vous dites. Je me souviens de l’époque où l’Alberta a eu son problème de la vache folle qui a fait chuter le tourisme. On ne pouvait pas expliquer aux gens que les vaches n’allaient pas les mordre.

Ma question s’adresse à M. Pettit. Votre port est nouveau pour moi. Pourriez-vous me dire où il se trouve exactement? Comment a-t-il accès à la côte? S’agit-il d’un port en eau profonde qui vous permettrait d’y ancrer en toute sécurité de gros pétroliers? Est-ce vraiment un endroit plausible pour créer un corridor, ou est-ce que votre port est vraiment trop petit pour le genre de trafic de pétroliers qu’exigerait un projet comme celui d’Eagle Spirit?

M. Pettit : Le port Stewart World se trouve à l’extrémité nord du canal Portland. La frontière entre l’Alaska et la Colombie-Britannique passe en plein milieu du canal. Le port sert au transport maritime depuis des centaines d’années. Il reçoit maintenant des navires transportant du minerai, des concentrés et toutes sortes de choses. C’est un port en eau profonde. À l’heure actuelle, les navires mouillent au large. Il se peut qu’un bateau s’y trouve en ce moment-même. Je n’en suis pas certain. Les navires chargent des billes et toutes sortes de cargaisons. Le chenal est très profond et présente très peu de dangers pour la navigation. C’est calme aussi.

La sénatrice Simons : Hier, nous avons entendu parler de l’un des défis que doit relever Prince Rupert. Certains témoins nous ont dit qu’il était difficile de s’y ancrer en raison de la profondeur de l’eau et de la dureté du fond marin. Pourriez-vous nous parler de votre port par rapport à celui de Prince Rupert?

M. Pettit : Oui, le fond marin du port de Stewart est constitué de gravier. Les navires y mouillent leur ancre et il est calme. Les vents sont calmes. Ils sont toujours nord-sud également. Il n’y a pas de vent ouest-est parce que les montagnes ont 7 000 pieds de hauteur des deux côtés. C’est un bon point d’ancrage.

La sénatrice Simons : Avez-vous des cartes ou des images que vous pourriez fournir à la greffière pour que nous les utilisions plus tard? Je ne veux pas dire à l’instant même.

M. Pettit : Je peux certainement les obtenir, oui.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Muir, vous avez là un document d’information très intéressant. Comme je viens de la côte Est, je ne suis pas vraiment surpris de ce qu’il contient. Nous avons l’habitude de gérer le pétrole.

Ici, nous entendons beaucoup de craintes au sujet du projet de loi C-48 en ce qui concerne le Nathan E. Stewart, le Queen of the North et le Shimshur. Bien sûr, aucun de ces navires n’était un pétrolier, encore moins un pétrolier à double coque. Le projet de loi C-48 ne fait rien pour remédier à un incident de cette nature.

Les grands porte-conteneurs naviguent-ils régulièrement dans ces eaux le long de la côte Nord, et quelle quantité de carburant peuvent contenir certains de ces navires à coque simple?

M. Muir : J’ai bien peur de ne pas avoir d’information sur les chiffres du trafic, mais lorsque j’ai examiné les navires qui vont à Prince Rupert, le jour où j’ai vérifié, il y avait des vraquiers. Il y a un port à conteneurs à Prince Rupert. Je suis sûr que vous l’avez vu. Un vraquier, le Shoryu, figure à la page 19 de mon exposé. Il contenait 3,8 millions de litres de diesel marin.

À l’échelle mondiale, l’OMI 2020 s’éloigne de certains des carburants marins plus denses et plus sales. Il y aura plus de diesel à l’avenir. Il n’est pas nécessairement vrai que s’ils étaient déversés, ces carburants seraient aussi nocifs qu’ils pourraient l’être aujourd’hui. Néanmoins, 3,8 millions de litres de diesel marin, c’est beaucoup à déverser en cas d’accident.

Le sénateur MacDonald : Il était intéressant d’examiner vos chiffres sur la sécurité du pilotage. Le pilotage fait partie intégrante de tous les grands ports. Le port de Prince Rupert et d’autres intervenants nous ont dit craindre que le gouvernement n’ait pas procédé à une analyse scientifique des risques dans la région visée par le moratoire actuel, l’interdiction proposée ou la liste des produits interdits en vertu du projet de loi C-48.

Avez-vous suivi l’analyse scientifique du gouvernement qui l’a conduit à proposer cette mesure? Pensez-vous que le projet de loi s’appuie adéquatement sur la science?

M. Muir : J’ai été frappé par les commentaires que le ministre a faits au comité, à savoir que le principe de précaution semble être le moteur de cette initiative. En théorie, on pourrait imaginer qu’à l’avenir, le gouvernement s’en tiendrait à ce principe plutôt qu’à l’opinion de ses propres scientifiques et conseillers techniques. Je trouve étonnant que cela fasse partie de la discussion.

Le sénateur MacDonald : Les scientifiques du gouvernement hésitent à en dire trop.

La sénatrice Dasko : Monsieur Muir, je vous remercie de ces belles cartes. Elles sont vraiment frappantes, et je suis très heureuse de pouvoir les voir.

M. Muir : Je vous en prie.

La sénatrice Dasko : Monsieur Pettit, ma question s’adresse à vous. Hier, nous avons entendu le maire de Prince Rupert, Lee Brain, qui est venu nous parler. Il nous a dit que les avantages d’un terminus de pipeline à Prince Rupert seraient minimes. Il a aussi déclaré qu’une vingtaine d’emplois seraient créés et que sa collectivité n’aurait aucun avantage financier à gagner si un pipeline devait être construit à l’extérieur des limites de la ville.

J’ai été très frappée par ce qu’il a dit. Je me demande ce que vous en pensez. Il a mentionné très clairement que les avantages réels sur le plan de l’emploi en dehors de la période initiale de construction et les avantages en matière de revenus seraient presque nuls. Je voudrais savoir ce que vous pensez de ses déclarations et de ce qu’il a dit quant au fait que Prince Rupert peut maintenant profiter de bien d’autres activités économiques. Il y a beaucoup d’autres possibilités avec le moratoire en place, des avantages pour le transport maritime et d’autres industries qui se développent là-bas.

Je me demande si ce sont des possibilités pour votre collectivité à l’heure actuelle. De toute évidence, vous profitez de certaines d’entre elles. N’y a-t-il pas d’autres opportunités qui s’offrent actuellement à votre collectivité et qui ne dépendent pas de la circulation des pétroliers? J’aimerais savoir ce que vous pensez des propos du maire. Je dirais qu’il les a émis avec beaucoup de conviction.

M. Pettit : La première question portait sur les emplois dans les terminaux. Je ne contesterai pas le chiffre de 20 emplois dans un terminal. Cela pourrait très bien être vrai. Je regarde toujours les emplois pour tout le Canada. Vingt emplois dans un endroit comme Stewart, c’est beaucoup d’emplois à temps plein. Ce sont aussi des emplois dans le secteur des services. Les entreprises de services viennent desservir le terminal.

Je ne sais pas comment c’est structuré là-bas. Il y a une administration portuaire. Nous n’en avons pas. La structure en place est probablement très différente de celle de Stewart. Pour chaque tonne de produit qui passe par notre port, une redevance est versée au district de Stewart. Pour chaque marchandise qui passe par notre port, le district touche des revenus. Il serait plus riche si le pétrole passait par Stewart.

La sénatrice Dasko : Y a-t-il d’autres possibilités?

M. Pettit : Oui. Nous avons toujours voulu être un port polyvalent. Nous aimerions faire du vrac, du concentré minier, et continuer à faire du transport de ligne classique. Nous aimerions faire tout cela. Je pense qu’il est possible de faire toutes ces choses. Nous sommes loin d’être aussi avancés que Prince Rupert, mais nous essayons d’obtenir ces différents types de marchandises. Nous aimerions pouvoir viser toutes les cargaisons. Tout ce que nous demandons ici, c’est d’y avoir accès et le pétrole en fait partie.

Le sénateur Patterson : Je tiens, moi aussi, à remercier M. Muir pour ces excellents renseignements. Je voudrais également poser une question à M. Pettit au sujet du port de Stewart.

Vous avez dit que, de Stewart, vous pouvez presque voir Hyder, en Alaska.

M. Pettit : Je peux le voir.

Le sénateur Patterson : J’ai entendu les promoteurs du pipeline Eagle Spirit et de Calvin Helin. Soit dit en passant, ils doivent produire du pétrole valorisé à très faible empreinte carbone. Les métaux lourds et la plus grande partie du CO2 resteront dans le sol. Que se passera-t-il si le Canada ne permet pas à ces entreprises d’expédition leur production à partir des eaux canadiennes? Un autre témoin nous a dit aujourd’hui qu’elles avaient un protocole d’entente avec l’Alaska, en particulier avec le port de Hyder. Elles s’y établiront, et les avantages iront aux États-Unis plutôt qu’au Canada. Je suppose que les pétroliers navigueraient dans le même chenal que vous, sauf du côté américain.

Si nous envisagions un changement mineur de la zone d’exclusion pour déplacer la limite un peu au sud de la frontière de l’Alaska d’afin d’y inclure Stewart et peut-être un terminus sur le territoire nisga’a de la vallée de la Nass ou même à Grassy Point, une légère modification de la limite nord de la zone du moratoire vous donnerait les possibilités dont vous voyez le projet de loi vous priver actuellement?

M. Pettit : Cela répondrait aux besoins de notre port. J’ai déjà dit que nous sommes sur le territoire traditionnel nisga’a. Même si j’aimerais que ce soit possible à Stewart, je souhaiterais que ce le soit aussi ailleurs. J’aimerais que la limite soit déplacée plus au sud que Stewart. Oui, un amendement de cette nature répondrait à mes besoins.

Le sénateur Patterson : Est-ce que Hyder, en Alaska, est un rival de votre port? J’ai fait un peu de recherche sur Internet, et j’ai eu l’impression que c’était un endroit plutôt tranquille. Est-ce actuellement un concurrent?

M. Pettit : Non, à l’heure actuelle, il n’y a pas de port en eau profonde. C’est une très bonne rampe de mise à l’eau, mais il n’y a pas de port.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Muir. À l’instar de mes collègues, je trouve vos cartes magnifiques. La question que je vais vous poser porte davantage sur le contenu; elle porte sur les risques.

Cette brochure nous montre que les risques sont minimes ou circonscrits. Toutefois, il est arrivé que des pétroliers à double coque soient à l’origine de marées noires majeures. Le dernier incident remonte à l’an dernier, lorsque le pétrolier iranien Sanchi a sombré en mer de Chine après une collision. Hier et aujourd’hui, nous avons entendu beaucoup de témoins dire qu’ils ne veulent courir aucun risque de déversement. Comme vous semblez avoir du talent avec les chiffres et les cartes, pouvez-vous calculer le risque que pose la présence de pétroliers pour la région de la côte nord de la Colombie-Britannique? S’il y a un seul pipeline, je crois comprendre que cela signifie environ un pétrolier par jour. Pouvez-vous calculer le risque de déversement? Nous parlons de pétroliers énormes. Il pourrait donc, en théorie, se produire un gigantesque déversement de pétrole.

M. Muir : C’est une excellente question. Je ne suis pas un expert en analyse de risques et je crains de ne pas pouvoir vous fournir mon propre avis d’expert sur le sujet, mais dans le cadre de mes recherches et de la communication d’information publique sur l’affaire Trans Mountain, je suis tombé sur une foule d’avis d’experts et de renseignements réalistes sur ce qui est à risque.

Les pétroliers modernes sont composés de 12 à 14 compartiments distincts. En cas de problème, ce n’est pas comme si une baignoire se vidait d’un coup de son contenu et inondait vos voisins d’en bas. Imaginez une caisse de bière dans laquelle une ou deux bouteilles se cassent à la suite d’un choc quelconque. Ce phénomène a été documenté dans l’une des évaluations des risques mentionnées par les promoteurs de Trans Mountain. Étant donné le type de risque qui existe, les promoteurs en sont venus à la conclusion que les collisions et les échouements ont toujours été la principale source de problèmes pour les pétroliers. Comme il y a une double coque et que les compartiments se trouvent à l’intérieur de cette double coque, le risque que Vancouver doive faire face au pire scénario possible avec l’expansion du pipeline Trans Mountain est d’environ une fois sur 2 000 ans.

Puisque certaines catastrophes sont le résultat du déversement d’une partie du contenu d’un navire, tout est question de quantité. Quel que soit le scénario envisagé par les experts, c’est une partie de la cargaison qui se déverse, pas toute la cargaison. Qu’un tel scénario ait la possibilité de se produire une fois tous les 2 000 ans est, à mon avis, une constatation importante.

Je sais que l’Exxon Valdez est couramment cité en exemple ici, mais ce déversement date d’il y a 30 ans. Pourtant, il ne se classe probablement qu’au 35e rang des pires marées noires enregistrées dans le monde. Cette catastrophe est tellement présente à l’esprit des gens de la côte Ouest qu’elle est devenue l’emblème du risque, mais elle n’est pas nécessairement représentative du risque réel qui existe aujourd’hui, 30 ans plus tard.

La sénatrice Miville-Dechêne : Toutefois, il y a un risque, et c’est là où je veux en venir. Il y a un risque.

M. Muir : Personne n’aurait l’idée de venir vous dire qu’il n’y a aucun risque, absolument personne.

Le président : Monsieur Smith, vous avez parlé de l’industrie touristique et écotouristique sur la côte Ouest. Les gens viennent de partout dans le monde, comment arrivent-ils ici?

M. Smith : En avion, bien sûr.

Le président : Exactement. Ils viennent par bateau, en voiture, en avion. Ils utilisent l’industrie pétrolière. Moi, je suis venu de la Saskatchewan. Une autre sénatrice ici présente est de l’Alberta. Je n’ai pas beaucoup entendu parler du Canada. En fait, le premier qui a parlé du Canada est M. Pettit.

Comment l’Alberta et la Saskatchewan pourraient-elles sortir leur pétrole du pays si elles ne peuvent pas l’acheminer vers la côte Ouest? Est-ce qu’elles le transportent quelque part ou quoi?

M. Smith : J’ai l’impression d’être mis sur la sellette.

Le sénateur MacDonald : Vous affirmez que les gens ne veulent pas de pétroliers, alors je vous demande comment l’Alberta et la Saskatchewan feront pour sortir leur pétrole.

M. Smith : Pour être clair, je dis que, grâce au moratoire actuel sur la circulation des pétroliers, nous avons jeté les bases d’une économie de calibre mondial. L’industrie est bien développée, elle crée de l’emploi. C’est un fleuron de la région, une industrie durable. Et voilà que nous mettons en péril ce mode de vie et les gens qui y vivent.

Le sénateur MacDonald : J’ai passé des vacances sur la côte Est. La route panoramique de l’île du Cap-Breton est probablement l’une des plus spectaculaires au monde, avec la route Vancouver-Whistler.

Le sénateur Smith : Il y a aussi la route de Terrace.

Le sénateur MacDonald : La route de Terrace est très pittoresque aussi. C’était seulement une remarque en passant. J’y suis déjà allé pour une semaine entière. Une autre fois, j’y ai passé quelques jours. Honnêtement, je n’ai jamais vu l’ombre d’un pétrolier; pourtant, il y en a beaucoup qui amènent du pétrole au Canada, puisque nous ne pouvons pas le sortir de là où il se trouve.

M. Smith : Je trouve intéressant que vous parliez des routes panoramiques qui sillonnent d’autres beaux endroits au Canada. Ce qui fait toute la particularité de la forêt pluviale du Grand Ours à Haida Gwaii, en particulier la réserve de parc national et site du patrimoine haïda Gwaii Haanas et les aires marines protégées, c’est qu’il n’y a pas de route. Ces sites sont uniques en ce sens qu’ils fonctionnent toujours en tant qu’écosystèmes sauvages.

Il y a de petits villages côtiers. Nos amis de ces villages côtiers, les Gitga’at, les Kitasoo et les Xaixais, les Heiltsuk et les Haïdas, y vivent depuis plus de 14 000 ans. De fantastiques protocoles d’entente sont en place pour nous permettre de nous déplacer respectueusement sur leurs territoires traditionnels. Il n’y a pas de route.

Le sénateur MacDonald : Ils se déplacent par bateau.

M. Smith : Oui, par bateau. C’est comme une croisière dans les Galapagos. L’archipel des Galapagos est une autre région du monde exempte de pétroliers, et tout fonctionne comme cela.

La sénatrice Gagné : Je suis allée aux Galapagos. Je pense que les pétroliers y sont interdits depuis qu’il s’est produit un déversement de pétrole. Je voulais simplement le mentionner.

L’initiative Great Bear des Premières Nations côtières a commandé une évaluation environnementale et économique du développement de la côte Nord du Pacifique. Le but de cette étude était de recenser les activités économiques, traditionnelles et de subsistance dans la région et d’évaluer les répercussions d’un déversement de pétrole sur les activités commerciales et traditionnelles de ces Premières Nations. L’analyse réalisée par les Premières Nations côtières a déterminé que les coûts d’un déversement de pétrole pourraient dépasser les profits générés par la communauté pendant la durée de vie d’un projet.

Je me demandais si vous aviez lu cette analyse et si vous pouviez commenter cette constatation en particulier.

M. Smith : Je vais commenter brièvement. Les Premières Nations côtières nous autorisent à nous déplacer sur leurs territoires traditionnels. Leur mode de vie est intrinsèquement lié à la côte, à une côte saine, qu’il s’agisse de leur sécurité alimentaire, de leur culture ou de leurs traditions. Je ne doute absolument pas des conclusions de l’analyse menée par les Premières Nations côtières. Si l’on pense aux courants nord-ouest et sud-est qui montent et descendent à travers tous les chenaux de la côte, un déversement de pétrole aurait un impact désastreux.

M. Muir : J’ai examiné l’incident de l’Exxon Valdez un peu plus à fond, mais je n’ai pas donné de détails à ce sujet. Puisque vous avez posé la question, un an après la catastrophe, le tourisme local avait augmenté. J’ignore pourquoi. À vrai dire, cela semble contraire à la logique.

La participation locale à un système de gestion des déversements, comme celui qui existe dans le détroit de Georgia, que ce soit à Nanaimo ou à Beecher Bay, offre aux Premières Nations la possibilité de faire partie du régime de gestion des déversements. Je sais, il y en a qui disent qu’il n’y a pas d’emploi là-dedans, ce qui n’est pas vrai à mon avis : il est clair que, pour les Premières Nations, il y a de l’emploi dans le fait d’avoir la possibilité de faire partie des régimes d’intervention en milieu marin.

S’agissant de gérer des risques comme ceux posés par le Nathan E. Stewart ou d’autres types de risques, nous pouvons toujours nous inspirer de ce qui s’est passé à Valdez après le déversement catastrophique du Exxon Valdez. On a assisté à la mise sur pied de toute une communauté d’intervenants à l’échelle régionale et locale. Celle-ci a des moyens. Elle a de l’argent. Avec le temps, elle a acquis la capacité d’appliquer les techniques de l’expertise locale.

Comme nous, vous avez entendu la chef Slett. Les gens qui suivent vos délibérations ont entendu parler de son idée de mettre en place une sorte de capacité d’intervention pour la sécurité des Autochtones sur la côte. Cela me semble une excellente idée. Pourquoi n’avons-nous pas, dans le cadre du programme de réconciliation, la possibilité de disposer d’une importante capacité d’intervention sur le front maritime, qu’il s’agisse d’amener les touristes voir des grizzlis ou d’assurer une présence là où il existe un risque de déversement? Dans les deux cas, il y a des personnes équipées de bateaux, qui possèdent l’équipement et l’expertise nécessaires et qui, d’une génération à une autre, nourrissent l’espoir de créer des emplois à long terme dans des collectivités où les emplois sont extrêmement rares, surtout s’ils sont non saisonniers.

Si je me fonde sur l’expérience antérieure, il me semble que l’idée de transformer le risque et le problème en débouchés économiques est loin d’être irréaliste.

La sénatrice Miville-Dechêne : Le comité a posé cette question à de nombreux groupes environnementaux. En toute déférence, j’aimerais que vous nous disiez comment vous êtes financés. Qui finance la Resource Works Society?

M. Muir : Comme nous aimons le dire au public, nous sommes financés par l’industrie.

La sénatrice Miville-Dechêne : L’industrie?

M. Muir : Par l’industrie, oui.

La sénatrice Miville-Dechêne : Quelle industrie?

M. Muir : Les industries d’exploitation des ressources naturelles. Nous avons l’industrie pétrolière et gazière, l’industrie forestière et l’exploitation minière. Par le passé, nous avons eu le secteur agricole et celui du transport des ressources. Toutes ces industries.

La sénatrice Miville-Dechêne : Comment assurez-vous votre indépendance, compte tenu de votre source de financement?

M. Muir : Comme nous nous plaisons à le dire, l’important n’est pas d’où vient l’argent. L’important, c’est comment nous l’utilisons. Je relève de mon conseil d’administration. Nous sommes une société sans but lucratif enregistrée en Colombie-Britannique. En tant que directeur général du conseil d’administration, je dois rendre des comptes. Nous cherchons à fournir des renseignements factuels. Nous avons notre point de vue et nous n’avons pas peur de l’exprimer.

Le président : De nombreux partisans du projet de loi croient que l’Asie est en train de faire la transition vers des sources d’énergie renouvelables et que très bientôt, sa demande en combustibles fossiles diminuera. Monsieur Muir, comment entrevoyez-vous la demande future en énergie, non seulement ici, mais dans la région Asie-Pacifique?

M. Muir : Même moyennant la réduction la plus stricte qui soit des émissions de GES gaz à effet de serre — pour respecter les cibles de 1,5 ou de 2 degrés de plus au milieu du siècle —, il faut tout de même investir au moins 25 000 milliards de dollars dans le pétrole et le gaz. Cela s’explique en partie par le taux de déclin des puits. C’est qu’il faut continuer de forer, encore et toujours, pour garder une longueur d’avance. Il faut aussi savoir se déplacer, c’est-à-dire gérer les infrastructures. Je trouve un peu utopique l’idée voulant qu’il soit possible d’éliminer notre dépendance aux hydrocarbures, parce que ce n’est pas ce que nous disent les experts.

À un niveau supérieur, il se peut qu’il faille jusqu’à 70 000 milliards de dollars américains pour atteindre ces objectifs. Alors que la grande histoire du milieu du siècle est de voir l’Inde sortir de la pauvreté énergétique et la Chine se rapprocher un peu plus de nous, il est impérieux que ces pays s’approvisionnent en hydrocarbures de façon responsable. Eux aussi ont des obligations en matière de changements climatiques. Eux aussi ont des systèmes politiques au sein desquels ils doivent fonctionner. De toute évidence, ces systèmes sont différents; ils chercheront avant tout à offrir à leurs citoyens ce que ces derniers attendent d’eux.

Sans ce type d’énergie, il est impossible de se tourner vers une économie moderne, même en diversifiant ses sources d’approvisionnement énergétique. Je ne vois rien de contradictoire dans le fait de diversifier ses sources énergétiques en recourant aux énergies renouvelables. C’est tout à fait logique. Sauf qu’il faut en même temps reconnaître que si nous parvenons, d’ici le milieu du siècle, à estomper considérablement notre recours aux hydrocarbures, nous ne serons pas pour autant véritablement affranchis de notre dépendance à cet égard. Donc, comment pouvons-nous les acheminer en toute sécurité là où il le faut?

Le président : Merci beaucoup. Nous avons eu une autre excellente séance. J’aime beaucoup cette carte, moi aussi.

(La séance est levée.)

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