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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 31 - Témoignages du 27 février 2018


OTTAWA, le mardi 27 février 2018

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous étudions le projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports.

Nous recevons deux groupes de témoins aujourd’hui. Je souhaite la bienvenue au premier groupe : Greg Northey, directeur des Relations avec l’industrie chez Pulse Canada, Dan Mazier, président de Keystone Agricultural Producers of Manitoba, et Cam Goff, deuxième vice-président des Opérations de l’Union nationale des fermiers.

Merci d’être parmi nous aujourd’hui. J’invite M. Northey à commencer sa présentation, puis ce sera le tour de M. Mazier, et enfin de M. Goff.

Greg Northey, directeur, Relations avec l’industrie, Pulse Canada : Merci à vous, monsieur le président, et aux membres du comité de me donner l’occasion de discuter du projet de loi C-49 avec vous. Pendant le temps qui m’est imparti, j’aimerais donner un complément d’information sur un amendement clé, sur le secteur des légumineuses et sur nos partenaires de l’industrie. Je crois que vous avez reçu une lettre conjointe de plusieurs différents groupes sectoriels demandant au Sénat d’envisager l’adoption de l’amendement que nous proposons.

Pulse Canada est une association sectorielle nationale représentant plus de 35 000 producteurs et 132 transformateurs et exportateurs de petits pois, de lentilles, de haricots, de pois chiches et de produits de spécialité comme les graines d’alpiste, de tournesol et de moutarde. Le Canada est aujourd’hui le premier producteur et exportateur mondial de petits pois et de lentilles, représentant plus du tiers de tous les échanges commerciaux de légumineuses dans le monde. La valeur des exportations dans ce secteur a dépassé 4 milliards de dollars en 2017.

Le marché des légumineuses et des produits de spécialité est très compétitif. Maintenir et accroître la part de marché du Canada dans les plus de 140 pays que le secteur canadien approvisionne sont les priorités absolues de l’industrie.

Les légumineuses et les produits de spécialité sont les cultures qui utilisent le plus de modes de transport différents dans l’Ouest canadien. Quarante pour cent des exportations de ces produits qui passent par Vancouver sont transportés par conteneurs. Une bonne gestion de la logistique et des chaînes d’approvisionnement renforce la compétitivité du secteur. Il est de plus en plus vital de pouvoir compter sur un service ferroviaire prévisible et fiable pour assurer cette compétitivité et la croissance économique.

Malheureusement, un service ferroviaire prévisible et fiable, ce n’est pas ce que les expéditeurs ont obtenu cette année. Dans le plus récent rapport de l’Ag Transport Coalition concernant l’itinéraire du grain no 29, publié il y a deux semaines, on constate que le CN a fourni 17 p. 100 des wagons qui ont été commandés dans les Prairies cette semaine-là, c’est-à-dire 6 p. 100 des wagons commandés au Manitoba, 12 p. 100 des wagons commandés en Saskatchewan et 26 p. 100 des wagons commandés en Alberta.

Pour les expéditeurs de légumineuses et de produits de spécialité, ce manque de fiabilité et de prévisibilité du service — parfois, aucun wagon n’est reçu pendant plusieurs semaines d’affilée — arrive au moment où le secteur se heurte à d’importantes difficultés pour ce qui est de l’accès au marché indien, le plus gros marché pour les légumineuses canadiennes. L’impossibilité d’obtenir le service de transport dans les délais requis — voire d’obtenir le service tout court — nuit à la compétitivité du Canada dans les marchés d’utilisation finale, ce qui a un effet notable tant sur les producteurs que sur les expéditeurs.

Ce n’est pas une surprise s’il y a des problèmes d’accès au service dans notre secteur. Dès septembre, les rapports hebdomadaires sur les grains du CN et les rapports de l’Ag Transport Coalition montraient que le CN commençait déjà à rationner la demande des expéditeurs à un taux bien supérieur aux années précédentes. Clairement, la capacité n’était pas suffisante pour répondre à la demande des expéditeurs et il s’agissait manifestement d’un problème systémique.

Ces signes avant-coureurs en septembre sont maintenant devenus de véritables perturbations du service qui semblent s’étendre aux deux transporteurs ferroviaires. Le service de transport offert aux expéditeurs de légumineuses, qui expédient aujourd’hui de moins grandes quantités de produits à plus bas prix à cause de ces problèmes d’accès aux marchés, est le pire depuis 2013-2014. Cette année-là, sept mois après la catastrophe, le gouvernement avait invoqué l’article 47 de la Loi sur les transports au Canada pour intervenir et faire en sorte que les grains soient expédiés.

À n’y a pas un meilleur moyen de faire les choses. Est-il possible de s’attaquer aux problèmes systémiques plus rapidement sans qu’on doive attendre sept mois avant que quelque chose ne soit fait pour limiter les dégâts économiques?

Pour les petits et moyens expéditeurs, qui forment l’essentiel du secteur des légumineuses et des cultures de spécialité, les dispositions actuelles de la loi et certaines de celles qui sont proposées dans le projet de loi C-49, même si elles ont du potentiel, entraînent trop de dépenses, n’entrent pas en vigueur assez rapidement et ne règlent pas nécessairement les problèmes liés au service. De plus, tirer parti de ces mesures peut exposer les expéditeurs à des pénalités subtiles.

En ce moment, face à des problèmes systémiques liés aux services de transport, les seuls outils disponibles dans la Loi sur les transports au Canada sont les articles 47 et 49. Ces articles exigent une action politique après une perturbation extraordinaire de la chaîne d’approvisionnement.

Il est temps de changer cela. Avec toutes les données précises sur la chaîne d’approvisionnement dont on dispose aujourd’hui — et le projet de loi C-49 améliorera encore plus l’information disponible —, il n’y a aucune raison de ne pas intervenir rapidement pour régler les problèmes systémiques avant qu’ils ne dégénèrent en catastrophes. Il est temps de donner à l’Office des transports du Canada le pouvoir d’agir de sa propre initiative à titre ex parte pour veiller à ce que les agriculteurs, transformateurs et exportateurs du Canada, de même que leurs clients sachent que le gouvernement n’attendra pas que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement atteignent des proportions extraordinaires avant d’agir.

Le gouvernement du Canada ne peut limiter sa capacité d’agir en aidant un expéditeur à la fois, surtout compte tenu des problèmes systémiques qu’on constate. Tel qu’expliqué dans le mémoire de Pulse Canada que vous devriez avoir reçu, cet amendement a été proposé par la commission d’examen de l’Office des transports du Canada, la commission Emerson. C’est un changement que réclame l’Office des transports du Canada lui-même dans son rapport annuel. Pourquoi un amendement qui fait consensus parmi la commission d’examen, les experts dans le domaine, les regroupements d’expéditeurs et l’organisme de réglementation lui-même ne serait-il pas adopté?

La compétitivité du Canada à l’échelle mondiale dépend de notre capacité de livrer nos produits à temps de manière fiable. Il est temps que le gouvernement fédéral fasse pression sur la chaîne d’approvisionnement pour s’assurer que l’on ait cette capacité. Merci.

Dan Mazier, président, Keystone Agricultural Producers of Manitoba : Merci à vous, monsieur le président, et aux membres du comité de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.

Keystone Agricultural Producers of Manitoba est l’organisation agricole générale du Manitoba. Je représente plus de 7 000 familles d’agriculteurs. Je suis moi-même un producteur de céréales et d’oléagineux établi près du village de Justice, au nord-est de Brandon.

On estime que la crise du transport des grains de 2013-2014 aura coûté environ 6,5 milliards de dollars aux agriculteurs de l’Ouest canadien. Lorsque les expéditeurs et les acheteurs de grains sont incapables d’acheminer leurs produits jusqu’aux ports, ils commencent à offrir des prix plus bas aux agriculteurs. Donc, bien que les agriculteurs ne soient pas eux-mêmes des expéditeurs qui commandent des wagons, ce sont eux qui finissent par subir les conséquences financières du mauvais service ferroviaire.

En 2013-2014, les compagnies de chemin de fer n’offraient pas un service fiable aux expéditeurs, et les agriculteurs ont essuyé d’énormes pertes de revenu — on parle de milliards de dollars — en raison de ces défauts de service. De nombreux acheteurs internationaux ont aussi commencé à se tourner vers d’autres marchés pour se procurer les produits qu’ils achètent normalement au Canada, parce qu’ils ne pouvaient plus compter sur une livraison en temps voulu.

Il semble que le spectre de la saison 2013-2014 plane encore une fois, puisque deux grands transporteurs ferroviaires ont de nouveau de la difficulté à assurer un service fiable aux expéditeurs cette année.

Selon les données de l’Ag Transport Coalition concernant le Manitoba, le CN offre un rendement exceptionnellement médiocre cette année. Il y a cinq semaines, pendant la semaine 26, le CN a exécuté 19 p. 100 des commandes des expéditeurs au Manitoba; pendant la semaine 27, c’était 6 p. 100; pendant la semaine 28, c’était 14 p. 100; et pendant la semaine 29, soit il y a deux semaines, le taux d’exécution des commandes au Manitoba par le CN était retombé à 6 p. 100. Compte tenu de ces chiffres, je suis sûr que vous comprenez les inquiétudes des agriculteurs.

C’est pour cela que je tiens à être très clair : nous avons besoin que le projet de loi C-49 soit en vigueur dès juin 2018 pour les cultures que les agriculteurs vont planter d’ici 60 jours. Nous avons besoin des protections qu’il prévoit pour les expéditeurs, de la reddition de comptes qu’il impose aux transporteurs ferroviaires et des mesures qu’il contient pour assurer notre compétitivité.

Ce n’est pas un projet de loi parfait, mais au bout du compte, nous avons besoin que nos lois permettent une intervention dans les situations de ce genre. Il doit y avoir des conséquences pour les transporteurs ferroviaires de catégorie 1 lorsque ceux-ci ne satisfont pas à des normes de service acceptables. Ce que fait le CN actuellement montre bien que c’est nécessaire.

Depuis l’expiration de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains l’été dernier, les expéditeurs n’ont plus accès à l’interconnexion au-delà des 30 kilomètres habituels. L’avantage des distances d’interconnexion étendue de 160 kilomètres était que cela obligeait les transporteurs ferroviaires à être en concurrence les uns contre les autres pour attirer les expéditeurs. Par contre, depuis l’expiration de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains, cette mesure qui favorisait la concurrence n’existe plus.

La Loi sur la modernisation des transports prétend offrir une option encore meilleure : l’interconnexion de longue distance. Toutefois, nous croyons que cette disposition, dans sa forme actuelle, est problématique. L’option d’interconnexion de longue distance telle qu’elle est actuellement conçue dans le projet de loi C-49 est trop restrictive pour ce qui est des expéditeurs qui y sont admissibles. Actuellement, tout expéditeur situé à 30 kilomètres ou moins d’un lieu de correspondance avec le réseau d’un autre transporteur ou dont les installations sont desservies par deux transporteurs n’est pas admissible. C’est problématique parce que ces restrictions vont empêcher des expéditeurs d’accéder à l’interconnexion de longue distance même si les transporteurs ferroviaires auxquels ils ont accès ne vont peut-être pas dans la bonne direction pour que les produits atteignent leur destination finale.

De plus, le transporteur peut ne pas être en mesure de transporter les produits sur toute la distance jusqu’à la destination finale.

Nous vous invitons donc à envisager d’amender l’article 129 proposé dans le projet de loi. Si la disposition sur l’interconnexion de longue distance n’est pas élargie afin que plus d’expéditeurs puissent y avoir accès, elle ne sera probablement pas efficace pour favoriser la concurrence.

Un autre changement que nous aimerions voir est l’ajout des fèves de soja à la liste des grains qui peuvent être couverts par le Programme du revenu admissible maximal, qui se trouve à l’annexe II de la loi.

Au Manitoba, les fèves de soja arrivent au troisième rang des cultures selon la superficie à un peu plus de 1,6 million d’acres. Actuellement, les coûts de transport des fèves de soja peuvent être jusqu’à 40 p. 100 plus élevés que ceux d’autres grains couverts par le Programme du revenu admissible maximal, mais les producteurs de fèves de soja n’ont pas plus de garantie que les autres d’obtenir des wagons. Ils peuvent toujours payer pour le transport, mais ils n’auront quand même pas de wagons. Cette situation pourrait dissuader les producteurs de cultiver des fèves de soja à l’avenir.

Enfin, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons à cause du piètre rendement des transporteurs ferroviaires, nous vous invitons à envisager d’amender le projet de loi C-49 pour donner à l’Office du transport du grain la capacité de faire enquête lorsqu’il est mis au courant de problèmes liés au service et de mettre en place des solutions au besoin. L’Office des transports du Canada a les outils nécessaires pour détecter les problèmes touchant le réseau ferroviaire avant les autres intervenants. Il devrait donc être habilité à faire enquête et à prendre des mesures avant qu’on soit plongé dans de véritables crises.

Le bien-être économique de l’Ouest canadien est intrinsèquement lié au transport ferroviaire. Si on veut que le secteur agricole grandisse et occupe une plus grande part des exportations canadiennes à l’avenir, les lois qui le régissent doivent être à jour et doivent veiller à ce que les produits agricoles puissent être acheminés jusqu’aux ports. Il faut mettre à niveau la Loi sur les transports pour régler les problèmes d’aujourd’hui et de demain et permettre à l’économie canadienne d’atteindre son plein potentiel.

Merci beaucoup de votre attention.

Cam Goff, deuxième vice-président, Opérations, Union nationale des fermiers : Bonjour. Je m’appelle Cam Goff. Je fais partie d’une exploitation agricole céréalière familiale à Hanley, en Saskatchewan. Je suis le deuxième vice-président, Opérations, de l’Union nationale des fermiers, une organisation à adhésion directe et volontaire composée de familles d’agriculteurs de partout au Canada.

En gros, je vais résumer le mémoire que vous avez devant vous. Je tiens à dire à quel point nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant vous et de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

L’Union nationale des fermiers — l’UNF — est d’avis que, du point de vue des agriculteurs, ce projet de loi est extrêmement déficient. Il expose les fermes canadiennes à encore plus d’exploitation économique qu’actuellement.

L’assouplissement des obligations de transporteur public des compagnies de chemin de fer fait que celles-ci ne sont plus forcées d’acheminer les wagons dûment chargés directement de leur point de départ à leur destination en temps opportun. Les exigences actuelles sont plutôt claires et simples, mais le projet de loi introduit tellement de facteurs et de variables dans l’équation qu’il sera presque impossible de déterminer que les transporteurs ferroviaires auront satisfait à leur obligation, peu importe à quel point les services qu’ils offrent sont mauvais.

Les expéditeurs captifs, comme les producteurs de grains, seront les premiers à pâtir, de même que les petits expéditeurs et ceux qui sont situés en région éloignée. Ces expéditeurs subiront des torts en raison de ce qui pourrait aller jusqu’à l’absence totale de service.

Les coûts associés aux plaintes sur le niveau de service et la complexité du processus privent pratiquement tous les expéditeurs de cette option, mis à part les plus grandes sociétés et les plus gros clients des transporteurs ferroviaires.

Bien que l’UNF soit heureuse que les dispositions concernant le revenu admissible maximal aient été maintenues dans le projet de loi, elle est d’avis qu’il faut impérativement procéder à un examen complet du calcul des prix des compagnies de chemin de fer et ajuster la formule de calcul du revenu admissible maximal au besoin.

Cet examen améliorerait la transparence et l’équité, considérant les changements structurels majeurs que le secteur a connus depuis que le dernier examen exhaustif du calcul des prix a eu lieu il y a 20 ans.

On estime que les transporteurs ferroviaires font payer des dizaines de millions de dollars de trop aux agriculteurs pour le transport de leurs grains, comparativement à ce que ces derniers devraient payer si un examen du calcul des coûts avait lieu maintenant.

Les wagons de producteurs sont un autre enjeu important, selon nous. Le système de wagons de producteurs a été établi il y a plus de 100 ans pour faire contrepoids au pouvoir des sociétés céréalières et des compagnies de chemin de fer. Il permet aux agriculteurs d’avoir directement accès au réseau pour acheminer leurs produits aux ports ou aux clients locaux ou nationaux.

Les changements apportés depuis 2012 avaient rendu les wagons de producteurs pratiquement inutiles et avaient même privé les agriculteurs de la capacité d’en commander. Il faut régler cela.

L’UNF est d’avis qu’un système de transport ferroviaire doit être exploité dans l’intérêt public. Les compagnies de chemin de fer doivent favoriser l’intérêt économique de l’ensemble du Canada. Elles ne doivent pas être considérées comme un moyen, pour des acteurs du secteur privé, de s’enrichir.

Nous croyons également qu’il est impératif que le gouvernement ne permette pas que la proportion d’actions, avec droit de vote du CN qu’une seule personne peut détenir, passe de 15 à 25 p. 100, parce que cela concentre le pouvoir entre un plus petit nombre de personnes, ce qui n’est pas bon pour le pays.

Les gouvernements doivent accepter de jouer leur rôle légitime en réglementant activement les compagnies de chemin de fer à titre d’infrastructures essentielles.

Il faut accorder la priorité au réseau ferroviaire afin d’améliorer l’efficacité énergétique du Canada, et il faut bien réglementer ce secteur pour relier et soutenir les collectivités de partout au pays.

Merci. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

La sénatrice Griffin : Je suis en train de parcourir le mémoire de l’Union nationale des fermiers. Merci à vous trois d’être ici aujourd’hui. Le transport des produits agricoles est un sujet qui m’intéresse vivement puisque je suis maintenant présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. J’ai trouvé vos présentations très intéressantes.

L’Union nationale des fermiers recommande que le projet de loi C-49 soit amendé afin que la définition de « wagon-trémie du gouvernement » ne soit pas supprimée et que le gouvernement fédéral renouvelle le parc de wagons-trémies à titre de projet d’infrastructure publique financé par des fonds publics afin de maximiser l’avantage pour le public. Cela fait beaucoup de « publics ». Pourriez-vous élaborer là-dessus?

M. Goff : Nous croyons qu’un parc de wagons de transport du grain qui appartiendrait au public, que ce soit par les provinces ou par le fédéral, car ces deux ordres de gouvernement ont fourni par le passé des wagons pour le transport du grain des agriculteurs, est un élément très important pour assurer que le matériel roulant soit disponible pour transporter le grain.

Nous ne sommes pas à l’aise avec l’idée que le secteur privé a la mainmise complète là-dessus, parce qu’il peut alors faire grimper les prix autant qu’il leur est possible de le faire. En l’absence de réglementation et de capacité du gouvernement de jouer un rôle actif là-dedans, ce sont les agriculteurs qui en pâtissent.

Étant donné que l’on souhaite que le secteur agricole contribue à la balance commerciale du Canada, il est vraiment important que le gouvernement fédéral joue un rôle dans ce processus.

La sénatrice Griffin : C’est intéressant. Quand je travaillais pour le gouvernement de l’Alberta dans les années 1970 et 1980, le Fonds du patrimoine de l’Alberta fournissait des wagons. On en voit encore sur les voies ferrées.

M. Goff : C’est vrai, il en reste encore.

La sénatrice Griffin : Les wagons bleus. J’ai été vraiment très surprise de voir qu’il y en a encore.

Ma question suivante est pour Keystone, mais peut-être qu’elle vous intéressera tous les trois. Vous avez parlé de l’ajout des fèves de soja à la liste de l’annexe II, et je suis d’accord, mais j’entends d’autres gens me dire : « Pourquoi seulement les fèves de soja? Pourquoi pas les produits miniers ou d’autres types de produits? »

Quelle serait votre réponse à ce genre de réaction?

M. Mazier : Ce que nous essayons de faire à l’heure actuelle, c’est établir une industrie des fèves de soja parallèlement aux autres industries qui sont déjà bien établies. Il s’agit donc d’un enjeu agricole.

Pour ce qui est d’ajouter des produits à la liste de l’annexe, pourquoi pas? S’ils veulent être couverts par le Programme du revenu admissible maximal, j’imagine que c’est une discussion qui pourrait avoir lieu à un autre moment. Quoi qu’il en soit, ce dont nous parlons, c’est un produit agricole bien précis qui est complètement écarté à l’heure actuelle.

Nous ne pouvons pas encourager la culture des fèves de soja au Manitoba avec un déficit allant jusqu’à 40 p. 100 au chapitre du transport. Nous cultivons de plus en plus de fèves de soja; c’est une culture en plein essor. Je crois que c’est pour cela que les gens réagissent. Nous ne pouvions pas faire pousser de fèves de soja auparavant, mais les avancées génétiques et les changements climatiques nous permettent maintenant de le faire. La prochaine culture à suivre la même tendance sera le maïs.

Si nous commençons à exporter des fèves de soja — et la demande est très forte dans l’Est, ou plutôt dans l’Ouest dans ce cas-ci —, il faut que ce produit soit inscrit à l’annexe II pour qu’il soit concurrentiel et qu’il soit une option viable pour les agriculteurs.

La sénatrice Bovey : Merci à vous tous. Je crois que nous avons déjà entendu certains des points que vous faites valoir, ce qui en renforce l’importance.

Monsieur Mazier, vous avez dit qu’il fallait que le projet de loi C-49 soit en vigueur d’ici juin 2018. Si mes calculs sont exacts, c’est dans quelques mois à peine.

Compte tenu du nombre d’amendements proposés par les témoins qui comparaissent devant notre comité, qu’est-ce qui serait le plus important selon vous, adopter tous les amendements proposés ou faire adopter le projet de loi d’ici juin 2018?

Si on vous disait que vous pouvez avoir seulement un ou deux des amendements que vous proposez, lesquels choisiriez-vous?

M. Mazier : Un ou deux? J’en propose à peine quatre.

La sénatrice Bovey : Tous les amendements apportés à cette étape-ci doivent être renvoyés à l’autre endroit, et les discussions commencent. Je regarde le calendrier, et juin arrive vite.

M. Mazier : J’ai parlé à mes homologues. Ils étaient ici il y a deux semaines, je crois, et il y a eu toute une discussion sur le moment où vous vouliez que le projet de loi soit adopté. Il est impératif qu’il le soit le plus vite possible. Il y a eu une discussion à propos des retards possibles, et un sénateur a dit quelque chose comme : « Ne vous inquiétez pas des retards. Faites ce que vous avez à faire, et laissez faire le Parlement et tous les autres. » Des députés nous ont dit la même chose.

C’est l’approche que nous avons suivie. Il est mieux pour nous de faire nos demandes maintenant. Nous faisons le travail de notre côté sans attendre, mais nous avons besoin que ce projet de loi soit adopté. Je ne saurais trop insister là-dessus.

La campagne agricole va commencer. Nous l’avons vu en 2013-2014. Il nous a fallu deux ans pour nous débarrasser de cette récolte. Ce sera la même chose pour 2017, 2018 et 2019. Les récoltes vont rester là, d’une année à l’autre. C’est un autre problème qui se dessine.

Actuellement, le système est dans une sorte de purgatoire. Il est régi par des lois qui remontent à je ne sais plus quand, en ce qui concerne l’interconnexion dans un rayon de 30 milles. Il faut régler cela, et nous avons besoin de ces amendements. Les amendements sont suffisamment ouverts pour qu’on puisse en discuter dans les règlements, mais il faut bouger. Nous ne pouvons pas essuyer d’autres pertes de 7 milliards de dollars. C’est trop pour l’économie canadienne. Voilà ce qui est en jeu. Il faut que ce projet de loi soit adopté avant que le Parlement ajourne pour l’été.

Je suis en train de m’occuper de la vente de mes récoltes. J’ai justement parlé à mon acheteur pendant que j’étais en route vers Ottawa. Dans 60 jours, je vais commencer à mettre en marché mes récoltes de cette année pour l’automne prochain. Les expéditeurs vont commencer à réserver leurs wagons cet été pendant que les récoltes poussent. C’est pourquoi le facteur temps est si crucial. L’automne prochain, nous aurons perdu une autre année. Voilà pourquoi il est si important de régler les choses de ce côté-ci du cycle.

M. Northey : Quand les discussions ont commencé lors des consultations avant le dépôt du projet de loi, on présentait toujours ce dernier comme une solution à long terme. Il était censé faire en sorte que le Canada soit un exportateur efficace et compétitif sur le marché mondial jusqu’en 2030. Il y a des perturbations malheureuses à l’heure actuelle. C’est le résultat que Pulse Canada a toujours entrevu.

Ce projet de loi ne concerne pas des mesures d’urgence. Il n’est pas du tout comme le projet de loi C-30. Les dispositions, une fois adoptées, pendront du temps avant d’être mises en œuvre. Le projet de loi C-49 ne contient aucune mesure d’urgence. Il vise le long terme.

Notre vision est axée sur les résultats. Nous proposons des amendements clés, et j’en ai abordé un qui revêt une énorme importance pour nous, qui stabiliseront la situation jusqu’en 2030. Bien d’autres personnes pensent comme nous. Donc, bien que je comprenne qu’il y a des tensions liées à l’adoption rapide du projet de loi, il ne faut pas perdre de vue quelle est la raison d’être de celui-ci.

Pour revenir aux amendements, si on nous expliquait clairement qu’il y a des raisons parfaitement légitimes sur le plan stratégique de ne pas donner à l’Office des transports du Canada le pouvoir d’agir de sa propre initiative — et nous n’avons jamais rien entendu de la sorte; personne ne nous a jamais expliqué pourquoi cela n’avait pas été adopté —, alors nous lâcherions probablement le morceau parce que nous ne voulons pas retarder les choses ni proposer une mesure inefficace ou inutile. Toutefois, nous, et bien d’autres personnes, pensons que ce serait efficace.

Qu’on nous dise clairement pourquoi il est impossible de donner à l’Office des transports du Canada le pouvoir d’agir de sa propre initiative, par exemple.

M. Goff : Oui, à l’heure actuelle, puisque le projet de loi comporte des lacunes aussi importantes selon nous, nous préférerions trouver une bonne solution plutôt qu’une solution rapide. Si la solution n’est pas bonne pour les agriculteurs, comme M. Northey l’expliquait, elle ne sera pas bonne pendant des décennies, possiblement. Il faut faire les choses correctement.

Les problèmes actuels existent depuis des dizaines d’années. Nous ne pouvons pas nous permettre de précipiter l’adoption du projet de loi simplement pour respecter une échéance artificielle.

Les deux éléments qui sont les plus importants selon moi sont, premièrement, l’examen complet du calcul des prix, parce que cela ferait économiser des dizaines de millions de dollars aux agriculteurs chaque année, et, deuxièmement, même si ce n’est abordé que brièvement dans notre mémoire, établir des organismes indépendants chargés de réglementer le transport du grain et de régler rapidement les différends. Actuellement, les différends peuvent s’étirer pendant des mois, voire des années. C’est très difficile.

Un autre aspect très important est la représentation des agriculteurs au sein de ces organismes, lesquels doivent être indépendants. Je ne crois pas que donner ces pouvoirs à l’Office des transports du Canada est une bonne idée. Ce sont des entités séparées qui devraient s’occuper de ces différentes questions.

Le président : Le fait qu’il s’agit d’un projet à long terme est une opinion qui semble être partagée par tous les témoins qui comparaissent devant notre comité. Seulement trois groupes ne réclament aucun amendement : le CN, le CP et le gouvernement du Canada. Nous verrons bien comment la situation évoluera, si je peux me permettre une observation un tantinet partisane.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D’abord, merci beaucoup de vos témoignages. Ils sont très percutants. Vous décrivez une situation presque dramatique pour votre secteur. Ma première question s’adresse à M. Northey. Entre ce projet de loi non amendé et le statu quo, quelle situation préférez-vous comme solution à long terme?

[Traduction]

M. Northey : Les amendements.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question n’est pas là. Avec un projet de loi non amendé, on risque de ne pas avoir...

[Traduction]

M. Northey : Le projet de loi C 49, tel qu’il a été adopté par la Chambre…

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Il y aura des échanges entre l’opposition et le gouvernement. Il se peut qu’il n’y ait aucune recommandation de modification. Entre le statu quo et un projet de loi non amendé, qu’est-ce que vous préférez?

[Traduction]

M. Northey : Le projet de loi non amendé.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma deuxième question s’adresse à M. Mazier. Je trouve la situation dramatique par rapport à la quantité de grains que vous ne pouvez pas transporter. Pouvez-vous bénéficier d’alternatives pour transporter vos produits ou dépendez-vous exclusivement du chemin de fer?

[Traduction]

M. Mazier : C’est intéressant, parce que, au Manitoba, nous sommes plus près de Thunder Bay que de la côte Ouest. Je viens de téléphoner à Thunder Bay pour voir si je pouvais y apporter mon grain par camion, mais il n’y a aucun site de dépôt actuellement à Thunder Bay. À tout le moins, les deux endroits où j’ai téléphoné n’ont aucun moyen de décharger un camion.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, vous dépendez strictement du chemin de fer pour la réussite économique de votre secteur.

[Traduction]

M. Mazier : Pour les exportations, oui. Nous ne savons pas où s’en va le grain. Pour les producteurs d’oléagineux et leurs produits, c’est pareil. Pour tout ce qui est destiné aux exportations, nous dépendons du transport ferroviaire.

M. Northey : Cela dépend beaucoup de la pression financière que subissent les expéditeurs. Prenons l’exemple d’un transformateur de légumineuses qui ne peut pas avoir de wagons depuis des semaines et qui ne peut littéralement pas respecter ses contrats. Est-il préférable de poursuivre les opérations de transformation à l’usine pour protéger les emplois, essuyer les pertes sur le produit et essayer de trouver un débouché en expédiant par camion? Il peut y avoir des choix difficiles à faire, mais ce n’est jamais une situation idéale.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous ne pouvez pas tout transporter par chemin de fer. À la fin de l’année, avez-vous des pertes économiques ou réussissez-vous à transporter l’ensemble de vos produits?

[Traduction]

M. Mazier : En tant que producteur de grains, c’est mon acheteur qui commande les wagons. Mais vous pouvez imaginer ce qui arrive au prix de vente si l’acheteur ne sait pas s’il va obtenir ses wagons. Le prix va baisser parce que la part de risque de l’acheteur augmente. Le risque pour l’acheteur est plus grand, et le prix offert reflète cela. Si vous n’avez pas d’accès aux ports et que votre option la moins chère est le transport ferroviaire et que c’est ainsi que vous êtes organisé, le prix offert va s’en ressentir. On parle donc du « prix de base », qui commence à remonter quelque peu. Le prix va de 20 $ jusqu’à parfois 100 $ la tonne. Peut-on parler de pertes? Certains disent que non, que ce sont seulement les variations du marché.

Il y a aussi des occasions perdues. D’autres produits sont en train d’être cultivés partout dans le monde en ce moment même. Pendant ce temps, nos acheteurs essaient d’acheminer nos grains vers les marchés avant que les autres produits ne soient récoltés. Quand des problèmes comme ceux dont il est question aujourd’hui surviennent, nous ratons toutes sortes d’occasions. Le manque à gagner est bien réel, et je crois que ce sont des milliards de dollars que nous avons perdus en 2013-2014, pas seulement dans le secteur agricole, mais dans l’ensemble de l’économie canadienne.

M. Goff : Du point de vue de l’Union nationale des fermiers, je crois que nous préférerions le statu quo au projet de loi dont vous êtes actuellement saisis. Si le projet de loi est adopté sans être amendé dans une bien plus large mesure que ce qu’il est réaliste d’envisager, nous sommes mieux de continuer de faire pression sur le gouvernement et l’industrie pour trouver une issue favorable. Depuis l’abolition de la Commission canadienne du blé en 2012, les agriculteurs ne sont plus considérés comme des expéditeurs. Les agriculteurs ne sont plus des expéditeurs, et ils n’ont donc plus voix au chapitre. On nous permet de nous exprimer seulement si les autres acteurs le permettent. Nous devons être présents à la table lorsque les décisions sont prises.

La grande majorité des grains canadiens sont exportés. Il y a tout ce qui est envoyé à l’étranger, évidemment, mais une très grande partie du grain qui est acheminé d’un endroit à l’autre au Canada est transporté par voie ferrée. Nous sommes durement touchés par tous les problèmes actuels, et nous voulons tout mettre en œuvre pour que ce que nous obtiendrons au bout du compte soit aussi bon que possible.

Le sénateur McIntyre : Merci, messieurs, pour vos présentations.

Monsieur Goff, pendant votre exposé, vous avez parlé de six amendements, dont un sur les wagons-trémies du gouvernement. C’est celui-là qui a surtout attiré mon attention.

Comme vous l’avez souligné, le parc de wagons-trémies devrait demeurer un projet d’infrastructure financé avec des fonds publics, ce qui maximiserait l’avantage pour le public. Il ne fait aucun doute qu’il est important pour les chemins de fer d’intérêt local et pour les grandes sociétés ferroviaires de continuer de transporter les produits agricoles vers les points d’exportation et qu’il faut investir pour assurer leur viabilité à long terme.

Le parc de wagons-trémies est vieillissant. Je crois comprendre que tous ces wagons seront retirés du réseau d’ici 2044. Quels genres d’investissements devraient être faits dans le parc de wagons entre aujourd’hui et 2044?

M. Goff : Selon moi, la totalité du matériel roulant devra être remplacé d’ici là. Quand devrait-on commencer? Probablement dès maintenant. Il y a certainement eu des améliorations. Les nouveaux wagons peuvent transporter plus de grains à plus haute vitesse que les plus anciens modèles. Il faut absolument commencer tout de suite afin de répartir l’investissement. Il ne faut pas croire que nous pensons que le secteur privé, c’est-à-dire les sociétés céréalières, sont incapables d’acheter des wagons et de les gérer, mais les laisser gérer la totalité des wagons serait une erreur. Nous pensons que le gouvernement, en tant que propriétaire de wagons, aurait une bien meilleure idée des coûts et de tous les facteurs qui entrent en jeu dans l’utilisation de ces wagons que des sociétés privées, qui ne pensent qu’à tirer le maximum de profits de l’industrie.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Northey, je reviens aux recommandations que vous avez faites. Comme vous l’avez dit, le projet de loi C-49 clarifie le pouvoir du ministre de demander à l’office d’enquêter sur les enjeux liés au système de transport ferroviaire. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est que le projet de loi ne rétablit pas le pouvoir de l’office d’agir de sa propre initiative. L’ancien Office national des transports avait le pouvoir de rendre des ordonnances ex parte provisoires. Le pouvoir d’agir de sa propre initiative n’est pas un pouvoir exceptionnel dans la réglementation économique canadienne. Vous parlez dans votre mémoire du pouvoir d’agir de sa propre initiative dont disposait l’ancien Office national des transports, qui pouvait régler lui-même toute question relative à une licence ou un permis délivré.

Vous affirmez donc clairement que nous devrions revenir à l’époque du système de l’Office national des transports. Est-ce que j’ai bien compris?

M. Northey : Oui. L’ancien office avait de tels pouvoirs et de nombreuses autres agences de réglementation au Canada ont ces mêmes pouvoirs. Il est tout à fait normal que les agences de réglementation soient en mesure de s’acquitter de leurs responsabilités elles-mêmes. Elles en ont le pouvoir. L’Office des transports du Canada ne fait pas exception. Il réclame lui-même ces pouvoirs, et pas seulement en ce qui concerne le transport ferroviaire des marchandises. Il réclame la capacité de s’occuper des questions de transport accessible, par exemple, ce qui est un gros enjeu. Il a réclamé le pouvoir d’agir de sa propre initiative dans ce dossier. Ce n’est donc rien de farfelu ou d’inusité.

À l’heure actuelle, quand on constate qu’il y a des problèmes systémiques, comme c’est le cas présentement, le ministre doit prendre la décision de demander à l’office de faire enquête, ce qui complique le processus. Prendre cette décision difficile revêt un caractère politique. Les gens qui travaillent à l’Office des transports du Canada sont des experts dans le domaine, et ils ne lanceraient pas d’enquêtes s’ils n’étaient pas certains que cela s’imposait. C’est beaucoup plus logique que de laisser un processus politique faire obstacle au règlement des problèmes systémiques. Nous aurions pu avoir une discussion dès septembre à propos des problèmes que nous avons maintenant, et la situation aurait pu être réglée alors, ou, sinon, tout le monde aurait au moins su à quel point l’heure était grave et aurait pu essayer de prévoir la suite des choses. Pour nous, tout cela s’inscrit logiquement dans l’établissement d’un système de transport à long terme.

Le sénateur McIntyre : Donc, le pouvoir d’agir de sa propre initiative est très important pour l’office?

M. Northey : Oui. Dans ses rapports annuels, l’office mentionne précisément que c’est un des outils qu’il voudrait que Transports Canada lui redonne.

[Français]

La sénatrice Gagné : Ma question s’adresse à M. Northey, de Pulse Canada. Le sénateur McIntyre a fait allusion à la recommandation afin que vous insistiez sur le pouvoir qu’a l’Office des transports du Canada de mener des enquêtes de sa propre initiative. Je comprends que les producteurs que vous représentez craignent des représailles dans le dépôt d’une plainte. On l’a entendu de vous ainsi que d’autres témoins. Est-ce qu’un organisme comme le vôtre voudrait porter plainte sur des manquements systémiques? Dénonceriez-vous une telle situation auprès de l’office?

[Traduction]

M. Northey : Oui. Je crois que c’est là où des données solides entrent en jeu. Des organisations de partout au pays, des organisations agricoles et des agriculteurs, pourraient finir par soulever le problème. Le travail de notre organisation repose beaucoup sur les données probantes. Les données dont nous disposons actuellement montrent que les problèmes en question sont fréquents et systémiques, et nous l’avions vu en septembre. Idéalement, les décisions sont prises en fonction des données. Les agriculteurs et les expéditeurs ont beaucoup de difficultés en ce moment en raison des problèmes actuels. Au bout du compte, ce sont les données qui orientent les décisions. Le projet de loi C-49 prévoit un bien meilleur régime de collecte de données. Nous pouvons toujours faire mieux. Selon nous, d’une part il y a les données, et d’autre part il y a les gens qui doivent signaler les problèmes. Bien souvent, on ne sait pas ce qui se passe, mais l’office, lui, le sait. Si l’office dispose de bonnes données, il verra ce qui se passe. Les expéditeurs peuvent aussi signaler les problèmes à l’office. Pour ce qui est des craintes de représailles, je dirais que si on se fie à 100 p. 100 à un transporteur ferroviaire pour faire fonctionner une entreprise, il faut que la relation avec le système soit la meilleure possible. Cela va de soi. Même si les expéditeurs s’adressent à l’office et qu’il y a des outils disponibles pour régler les problèmes de service, il y a automatiquement une situation de conflit. Les expéditeurs ne veulent pas se lancer là-dedans. Agir en fonction des données permet d’éviter cela et d’être proactif.

Lorsqu’un expéditeur voit qu’il n’obtiendra aucun wagon pendant trois semaines en janvier, il est déjà dans le pétrin. Si nous avons des données qui montrent des mois à l’avance qu’il s’agit d’un problème systémique, il est préférable d’agir à ce moment-là.

La sénatrice Patricia Bovey (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Je vous demanderais de garder vos questions et réponses courtes pour qu’on puisse poser un maximum de questions.

[Français]

Le sénateur Cormier : On a répondu à ma question en grande partie, mais j’aurais encore une mini question. Pourquoi le gouvernement résiste-t-il autant à donner ces pouvoirs à l’Office des transports du Canada? Quelles sont ses motivations à ne pas pouvoir redonner à l’office cette capacité?

[Traduction]

M. Northey : Il y a des questions de champs de compétence qui entrent en jeu. Par exemple, selon nous, l’élaboration de politiques est du ressort de Transports Canada à 100 p. 100. L’Office des transports du Canada devrait s’acquitter de ses responsabilités réglementaires au moyen des outils qui lui sont conférés par le processus réglementaire. On pourrait craindre qu’en donnant à l’office le pouvoir d’agir de sa propre initiative dans les domaines, par exemple, du transport ferroviaire de marchandises ou de transport accessible, on s’aventurerait un peu trop du côté de l’élaboration de politiques. Mais cela peut s’arranger. Ce n’est pas une raison de ne pas conférer ces pouvoirs à l’office. Il suffit de clarifier les choses dans le système réglementaire ou dans la façon dont les règles sont faites pour s’assurer que ce genre de chose ne se produise pas. Nous ne sommes pas convaincus qu’il s’agit d’une crainte légitime. L’idée que l’office pourrait devenir trop activiste, ce que personne ne souhaite non plus, est une autre préoccupation. Dans ce cas, le projet de loi C-49 établit un régime de collecte des données. Nous avons des indicateurs bien établis pour évaluer cela. C’est aussi une raison possible.

Je crois qu’il serait très utile de demander à Transports Canada, et peut-être aussi à l’office, pourquoi cette demande faite à plusieurs égards est refusée.

M. Mazier : Les choses ont changé. La réalité est différente maintenant pour ce qui est du transport de marchandises au Canada. La technologie a évolué et les locomotives sont plus grosses. Il y a maintenant des trains qui font 10 000 pieds de long avec des locomotives au milieu. La quantité de produits que ces trains peuvent transporter est ahurissante. Ce que je n’arrive toujours pas à comprendre, c’est qu’on parle encore d’anciennes lois. Nous avons évolué comme pays. Nous ne faisons plus les choses de la même façon qu’avant. Ce projet de loi modernise de nombreux aspects. Au moins, nous pouvons commencer à discuter des réalités d’aujourd’hui. Donner plus de pouvoirs à l’Office des transports du Canada, comme l’industrie le réclame, garde le gouvernement à l’écart du système et rend ce dernier beaucoup plus souple. Je pense que le gouvernement est réticent parce que cela représente un énorme changement. C’est un retour en arrière.

Notre capacité de surveillance s’est elle aussi beaucoup améliorée. Greg a parlé de la récupération des données. Nous n’aurions pas pu avoir la même conversation en 2013-2014. Nous essayions seulement de nous débrouiller. C’est pourquoi une mesure législative d’urgence a dû être adoptée. Je crois vraiment que la situation a beaucoup changé au Canada et que nous avons besoin d’une loi moderne pour nous aider à faire croître notre économie.

M. Goff : Comme je l’ai dit plus tôt, tout cela devrait être réglementé par une tierce partie, pas par l’Office des transports du Canada, parce que l’office est trop proche du gouvernement, selon nous. À notre avis, si le gouvernement est si réticent, c’est probablement parce qu’il est mal à l’aise. Il ne faut pas oublier qu’on a ici à faire aux grandes compagnies ferroviaires, deux des plus grosses entreprises du pays, qui ont un pouvoir de lobbying pratiquement illimité et qui ont accès à différents intervenants du gouvernement. Les actionnaires de ces entreprises comptent parmi les personnes les plus riches du monde, des gens comme Warren Buffet et Bill Gates. Toute organisation commerciale cherche à protéger ses propres intérêts, et avec raison. Ce qui compte pour elles, ce sont leurs résultats financiers, pas ce qui est le mieux pour les agriculteurs ou l’ensemble du pays. Je crois que c’est pour cela que le gouvernement est si récalcitrant.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous tous. Monsieur Northey, la notion de capacité d’agir de sa propre initiative m’intéresse. Vous êtes convaincu que c’est une question de données. C’est bien. Si l’Office des transports du Canada a ces données, les autres acteurs du système de transport les ont probablement aussi.

N’y a-t-il donc personne, à l’heure actuelle, qui utilise ces données pour anticiper les problèmes avec les wagons? Ces problèmes ont-ils lieu parce que personne ne les a anticipés ou parce que les agriculteurs, les expéditeurs et les autres n’ont pas de pouvoirs nécessaires, tels que les sanctions réciproques, qui sont prévues dans le projet de loi, pour régler les problèmes maintenant? Est-ce que c’est simplement parce que personne n’analyse les données et n’anticipe les problèmes?

Vous pensez que, si l’office pouvait faire de la recherche proactive, il aurait aussi le pouvoir réglementaire de forcer les transporteurs ferroviaire à envoyer leurs trains quelque part? Pourquoi ne peut-il pas le faire maintenant? Nous savons qu’il y a un problème actuellement, alors pourquoi l’office ne force-t-il pas les transporteurs à obtempérer? En quoi la capacité de mener des études proactives sera-t-elle la panacée que vous semblez décrire?

M. Northey : Pour ce qui est de la dernière question, l’office dispose de nombreux outils, mais il ne peut s’en servir que s’il y a une plainte liée au niveau de service de la part d’un expéditeur. Sans cela, il ne peut se servir de ses outils.

Le sénateur Mitchell : Personne ne fait de plainte?

M. Northey : C’est un processus officiel. Il faut faire intervenir des avocats, et peut-être que dans un an la décision ira en appel et vous obtiendrez une audience. C’est un processus très long qui ne fait rien pour régler les problèmes dans l’immédiat. Peut-être que les expéditeurs vont commencer à faire des plaintes concernant le niveau de service, mais cela ne règlera pas les problèmes maintenant, mais plus tard. Il faut qu’un expéditeur entame des démarches réglementaires, ce qui prend du temps et de l’argent et ne se règle pas rapidement.

Pour ce qui est d’analyser les données et d’anticiper les problèmes, c’est ce que nous faisons depuis trois ans en tant qu’industrie agricole. Nous avions constaté le problème au début de septembre. Mais entre analyser les données, anticiper les problèmes et évaluer la situation de notre côté et demander au ministre d’intervenir, il y a toute une marge. Il en faut beaucoup pour convaincre le ministre, avec les pouvoirs dont il dispose, de décider de faire sa propre analyse parce qu’il croit qu’un problème systémique est en train de s’installer.

En 2013-2014, il a fallu attendre jusqu’en mars pour que le ministre prenne des mesures, et il était trop tard.

Le sénateur Mitchell : Vous avez de bons arguments, mais je me fais l’avocat du diable. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a un an, nous avions les données. Nous aurions pu anticiper — peut-être que oui, peut-être que non; il y a des inconnues — qu’il y aurait des pénuries de trains, des pénuries de wagons à des moments critiques.

Vous nous dites que l’Office des transports du Canada, un organisme de réglementation qui n’a pas de compte à rendre sur le plan stratégique ou politique, aurait le pouvoir d’obliger les transporteurs ferroviaires à envoyer les trains huit mois plus tard, mais que le ministre n’aurait pas ce pouvoir. Je ne comprends pas pourquoi nous excluons Transports Canada de ce processus alors que c’est le ministère qui doit rendre des comptes sur le plan politique. C’est le ministre qui est élu, après tout.

M. Northey : Je vais prendre l’exemple de 2013-2014. Il y a eu un décret qui a réduit les exigences en matière de volume minimum. C’était la mesure réglementaire la plus forte que le ministre pouvait prendre. L’Office des transports du Canada peut prendre toutes sortes de mesures réglementaires, et la solution n’est pas toujours d’envoyer des trains. À pareille date l’an dernier, tout allait très bien du côté du CN. Il avait la capacité de transporter beaucoup de chargements, pas seulement des produits agricoles, mais toutes sortes de marchandises. Entre ce moment-là et le mois d’août, quelque chose s’est produit.

Il n’est donc pas nécessairement question de l’office lorsqu’il s’agit d’un problème systémique. L’office n’aurait peut-être rien pu faire pour obliger le CN à s’attaquer au problème systémique au début de septembre. Cependant, cela nous aurait permis de tenir des audiences. Nous aurions pu bien comprendre ce qui nous attendait. Nous aurions pu nous assurer que tous les expéditeurs de produits, et non seulement ceux du grain, comprennent qu’il y aura bel et bien un manque de capacité et que nous pourrions nous retrouver dans une situation où aucun wagon n’est livré, mais que nous pouvons toutefois établir des plans et ajuster nos programmes de vente pour cette éventualité. Étant donné que nous savons qu’il y aura un manque de capacité, nous pouvons réfléchir à ce que nous ferons en novembre et décembre pour ajuster nos programmes de vente en conséquence.

Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous continuions de croire que la capacité augmenterait et que la situation s’améliorerait, mais cela ne s’est jamais produit.

Le sénateur Mitchell : M. Goff pourrait prétendre que la Commission canadienne du blé aurait réglé certains de ces problèmes.

M. Goff : La Commission canadienne du blé possède certainement la capacité de sanctionner, en quelque sorte, les compagnies de chemin de fer. Il s’agit du seul organisme à les avoir trainées en justice et à avoir gain de cause. Il n’avait pas de biens matériels en jeu. Selon M. Northey, le véritable problème est que, lorsque les compagnies de chemin de fer ne vous aiment pas, elles ne se gênent pas de vous le faire savoir et vous en payez le prix.

Le sénateur Mitchell : Vous ne jouissez actuellement d’aucune protection parce que vous n’avez pas la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Dawson : Les compagnies de chemin de fer ont besoin de règles claires à l’avenir afin de savoir combien elles investiront pour commercialiser des wagons plus modernes. C’est pour cette raison que nous avons besoin du projet de loi. Nous avons reçu 50 demandes de modification au cours des cinq derniers mois. Je serai heureux lorsque nous serons rendus à l’étape des amendements et que nous aurons entamé le débat.

Avec tout le respect que je vous dois, je n’ai rien entendu de vraiment nouveau ce matin qui facilitera ma prise de décision relativement aux amendements. Je comprends les divisions qui existent entre certains d’entre vous. J’aimerais mieux adopter le projet de loi sans amendement que de revenir au statu quo. Vous aimeriez mieux revenir au statu quo. Nous devons trancher la question.

Vous comprenez que si nous n’adoptons pas le projet de loi, vous ne recevrez pas de nouveaux wagons-trémies puisque les compagnies n’investiront pas si elles n’ont pas des règles claires régissant les investissements. Pour que de telles décisions en matière d’investissement soient prises, vous devez prendre une décision bientôt car le délai entre l’établissement des règles et la construction des wagons est très long.

M. Mazier : Ce n’est pas les wagons-trémies qui manquent. Comme je pense que cela a déjà été mentionné, la flotte de l’Alberta sera la première à être touchée. Le problème est le manque de pouvoir et de personnel. C’est ce qui s’est produit en 2013-2014, et les deux compagnies de chemin de fer ont décidé de le faire cette année-là. L’année dernière, c’est le CP qui provoquait des difficultés dans le sud du pays et, cette année, c’est le CN. Lors d’une réception en automne, un représentant du CN a déclaré ce qui suit : « Nous avons de bonnes et mauvaises nouvelles. Nous n’avons pas réalisé que l’économie canadienne croîtrait de 12 p. 100. Nous avons estimé que la croissance s’élèverait seulement de 2 p. 100, ce qui représente un problème. »

Les compagnies de chemin de fer n’ont rien vu venir. Elles n’ont pas pensé que la croissance économique serait si forte. Leur solution consiste à limiter la circulation de tous les produits, et non seulement celle des produits agricoles. Nous avons un problème; ce n’est pas seulement une question de wagons, mais aussi de pouvoir. Nous parlons de capacité et nous utilisons ces termes de façon interchangeable. Elles n’ont pas assez de pouvoir ou de personnel pour transporter ces produits. C’est pour cette raison qu’ils ne circulent pas actuellement.

Elles nous l’ont prouvé au cours des deux dernières années qu’elles peuvent transporter les produits. Elles ne sont pas loin d’être capables de les transporter, mais elles n’en ont pas la capacité à cette période-ci de l’année. Elles n’ont pas le pouvoir ou le personnel nécessaire pour les transporter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je suis surpris d’entendre que vous avez encore ce problème-là. Je siège au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et, chaque année, les agriculteurs, les compagnies de transport, le CN et le CP sont présents. C’est devenu un balancier. Quand ce n’est pas le CN, c’est le CP, et cetera. Quand on a les deux à la même table, c’est de la faute du port de Vancouver, qui n’est pas capable de faire de la place pour les wagons.

Advenant le cas où l’on adopterait une loi au Parlement, on n’aurait pas d’influence directe sur ces compagnies. C’est plus rentable pour le CP d’envoyer leurs wagons aux États-Unis. Le CN commence à faire la même chose. C’est toujours à la même période qu’on manque de wagons. Où est le problème et comment le régler?

Y a-t-il un avantage particulier sur le plan financier pour ces deux entreprises à partir du mois d’août jusqu’au mois de novembre de ne plus être au Canada et d’aller aux États-Unis? Comment le gouvernement peut-il régler ce problème?

[Traduction]

M. Mazier : Je répète que les wagons ne sont pas la source du problème. Il y en a partout. C’est le manque de pouvoir qui pose problème. Ce sont les locomotives. Elles en ont mis beaucoup trop au rancart.

Je comprends que les compagnies de chemin de fer ont besoin de plus de pouvoir pour déplacer des wagons en hiver. Cependant, elles n’ont tout simplement pas assez de wagons. Elles ont tellement réduit leur nombre parce qu’elles voulaient le plus…

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous arrête, c’est la quatrième raison. Quand ce n’est pas les États-Unis, ce n’est pas Vancouver, ce n’est pas le CP, ce n’est pas le CN, ce sont les locomotives. Il y a toujours une raison. Lorsqu’on aura assez de locomotives, on dira que c’est la voie qui est usée.

[Traduction]

M. Mazier : C’est vrai.

La vice-présidente : Je ne suis pas aussi pessimiste.

M. Northey : Il est très probable que nous serons de retour ici dans trois ans — ou peut-être même l’année prochaine — pour discuter d’une nouvelle mesure législative. Idéalement, celle-ci est censée régler le problème jusqu’en 2030, mais ce n’est pas le cas…

Le sénateur Dawson : La mesure législative dont nous sommes saisis.

M. Northey : Le projet de loi est censé être la solution.

Une situation dans laquelle vous avez affaire à deux monopoles qui ont un énorme pouvoir de marché n’est pas unique au Canada. Chaque fois qu’une telle situation se présente dans une compétence économique, vous vous retrouvez avec le présent problème. Vous essayez simplement de créer une situation où vous pouvez imiter les forces du marché.

Nous cherchons toujours à créer de la concurrence avec les amendements. À l’heure actuelle, il importe peu aux compagnies de chemin de fer de ne pas jouir d’une capacité suffisante pour servir un client, car, même après une attente de deux mois, celui-ci se prévaudra de leurs services pour transporter son grain. Elles ne s’en soucient tout simplement pas.

Il n’y a aucun doute qu’elles doivent planifier leur capacité et elles ne veulent clairement pas que des tonnes de ressources soient inutilisées. Cependant, dans le secteur agricole, nous intégrons une capacité supplémentaire dans nos ascenseurs et les agriculteurs intègrent une capacité supplémentaire dans leur ferme pour y entreposer du grain. Nous engouffrons plus d’argent dans la capacité. En ce qui concerne les compagnies de chemin de fer, elles ne sont pas vraiment présentes, car elles ne veulent pas posséder cette capacité de réserve. Elles veulent avoir de faibles ratios d’exploitation.

Telle est la réalité du fonctionnement des compagnies de chemin de fer. Malheureusement, c’est pour cette raison que nous devons examiner la loi et la réglementation. En réalité, nous devons le faire constamment.

M. Goff : J’aimerais seulement confirmer les propos de mes collègues. Essentiellement, le problème est que les compagnies de chemin de fer peuvent agir en toute impunité. Il y aura encore du grain à transporter dans un an pour la simple raison que le transport ferroviaire est l’unique moyen de réellement acheminer notre produit à nos clients. Le problème ne se réglera jamais à moins que le gouvernement du Canada fournisse la réglementation et les sanctions dont l’industrie a besoin. C’est pour cette raison que le Syndicat national des cultivateurs estime qu’il est préférable d’abandonner le projet de loi s’il ne peut pas être modifié convenablement et de continuer d’exercer des pressions pour bien faire les choses, car la situation existe depuis plus de 100 ans.

Chaque année, ou tous les deux ans, nous éprouvons des problèmes.

Il est excellent d’avoir des lois et des policiers. Cependant, si les policiers demeurent dans leur quartier général ou se promènent peut-être un peu dans un quartier sans jamais sortir de leur véhicule, les compagnies vont faire ce qui leur plaît.

La sénatrice Griffin : Savez-vous pour quelle raison le soja n’a pas été inclus dans l’annexe II?

M. Northey : Cela ne nous a pas vraiment été clairement expliqué. Selon le document d’information qui nous a été fourni par Transports Canada, tous les autres éléments mentionnés dans le projet de loi seraient acceptables pour les expéditeurs de soja, mais il s’agit d’une industrie tellement intégrée. Nous n’avons jamais compris cette décision stratégique fondée sur des données probantes.

Il se peut qu’il existe une plus grande préoccupation relative à l’ALENA ou un enjeu lié au soja que nous ne considérons pas comme un problème. Chose certaine, les pois chiches ne sont également pas inclus dans l’annexe II et notre secteur. Savez-vous quoi? Idéalement, l’annexe II ne nécessiterait pas de mise à jour réglementaire pour être modifiée. Vous feriez en sorte qu’il soit assez souple pour s’adapter aux nouvelles cultures au Canada. Nous ne voulons pas devoir revenir sur la question et essuyer constamment des refus lorsque nous tentons d’inscrire une nouvelle campagne agricole à l’annexe II dans le cadre du revenu admissible maximal. Nous aimerions que l’annexe soit assez souple pour accepter de nouvelles campagnes agricoles.

Nous n’avons rien reçu que nous pouvons examiner pour ensuite dire : « Vous savez quoi? C’est logique. Excluons-le de la liste. » Nous n’avons rien vu de tel. Nous aimerions recevoir un tel document et tenir une discussion stratégique sur celui-ci, mais nous n’avons jamais reçu un document semblable de Transports Canada.

La sénatrice Griffin : Merci.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je vais remercier les témoins.

Je ne sais pas si j’ai raison, mais je crois que personne ne veut rejeter le projet de loi. Par conséquent, le projet de loi sera adopté. Il ne reste qu’à savoir s’il sera adopté avec des amendements ou non.

De plus, je ne crois pas que l’adoption du projet de loi sera retardée si nous acceptons des amendements. Elle pourrait être retardée d’un jour ou deux, au maximum. Le projet de loi sera adopté rapidement par le Sénat et tout aussi rapidement, à mon avis, par la Chambre avec les amendements.

Pour que tout le monde comprenne bien, je ne pense pas qu’un seul sénateur — ou du moins un seul membre de notre parti — rejettera le projet de loi. Tant que cela reste le désir du parti ministériel, je pense que le projet de loi sera adopté.

Merci pour cela. Je remercie les témoins qui ont comparu de leur temps et de leur présentation.

Honorables sénateurs, poursuivant notre étude du projet de loi C-49, je souhaite la bienvenue à George Petsikas, directeur principal, Affaires gouvernementales et de l’industrie, Air Transat, Andrew Gibbons, directeur, Relations gouvernementales et affaires réglementaires, WestJet, et David Rheault, directeur principal, Affaires gouvernementales et relations avec les collectivités, Air Canada.

Cela dit, je vous remercie de votre présence. Nous commencerons par M. Petsikas et sa présentation de quatre minutes et nous passerons ensuite à M. Gibbons, suivi de M. Rheault. Vous avez la parole.

[Français]

George Petsikas, directeur principal, Affaires gouvernementales et de l’industrie, Air Transat : Merci beaucoup et bonjour à tous. La compagnie aérienne Air Transat est reconnaissante d’avoir été invitée à témoigner devant votre comité dans le cadre de son étude du projet de loi C-49. Nous espérons apporter une contribution positive à vos délibérations en ce sens. Vous devriez avoir en main le mémoire que nous avons déposé auprès du greffier à la fin du mois dernier. J’aimerais profiter des quelques minutes qui me sont accordées ce matin pour me concentrer sur le processus d’approbation ministériel proposé relativement aux coentreprises entre les transporteurs aériens.

[Traduction]

Transat est d’avis que l’éventuel processus d’approbation des coentreprises décrit dans le projet de loi C-49 s’avère problématique au niveau du maintien d’une concurrence loyale et durable dans notre secteur à long terme et, ultimement, de protéger les intérêts des consommateurs, tout en visant un équilibre avec les objectifs plus généraux d’intérêt public.

Ainsi, nous souhaitons souligner les points suivants.

D’abord, Transat est consciente que le processus actuel laisse place à un léger manque de considération envers l’intérêt public et des objectifs légitimes de développement du transport aérien.

Cependant, plutôt que de cibler un équilibre adéquat à ce sujet en tenant compte de la politique sur la concurrence et de la protection des consommateurs — comme la loi actuelle y est parvenue dans les cas de fusions de transporteurs aériens —, le projet de loi C-49 a envoyé le balancier vers l’autre extrême et, à notre avis, a court-circuité un processus crucial de surveillance et d’application de la loi au profit d’une solution strictement politique.

[Français]

Il ne doit également subsister aucun doute laissant croire que la fusion de fonctions comme la création de routes, le déploiement des capacités, l’établissement des tarifs, le partage des recettes et la coordination des horaires entre les partenaires des coentreprises, qui demeurent en soi des concurrents, n’est autre chose qu’une fusion de facto de leurs activités commerciales respectives dans les marchés affectés.

[Traduction]

À ce titre, certains commissaires de la concurrence ont déjà exprimé de graves préoccupations quant au comportement potentiellement anticoncurrentiel de la part de telles coentreprises, particulièrement dans les cas où celles-ci ont accaparé et conservent une grande part de marché.

C’est pourquoi dans l’analyse annexée à notre mémoire, nous tentons de mettre en relief les tendances inquiétantes et émergentes dans plusieurs des principaux marchés du transport aérien transatlantique au Canada, où la coentreprise existante et dominante a déjà bâti une forteresse autour de ses parts de marché et où s’opère déjà une pression à la hausse des tarifs.

À son humble avis, AirTransat croit que la solution est simple et ne nécessite aucune modification importante du projet de loi. Bref, il s’agit de considérer les fusions de facto susmentionnées, à savoir les coentreprises, comme relevant d’opérations révisables, conformément aux articles 53.1 et 53.2 de la loi, et de les assujettir subséquemment au mécanisme d’examen parallèle plus équilibré et entièrement transparent du ministre des Transports et du commissaire de la concurrence avant de soumettre toute recommandation au gouverneur en conseil à des fins d’approbation.

[Français]

Merci de votre aimable coopération. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie beaucoup. Monsieur Gibbons, vous avez la parole.

Andrew Gibbons, directeur, Relations gouvernementales et affaires réglementaires, WestJet : Je vous remercie, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’avoir invité à témoigner devant votre comité ce matin. Je suis directeur des relations gouvernementales et des affaires réglementaires de WestJet.

Au nom des plus de 13 000 WestJetters, je suis ravi de participer à vos délibérations sur le projet de loi C-49 et le rôle essentiel que jouent les entreprises comme la nôtre dans l’établissement de liens entre les économies et les gens du Canada à l’échelle nationale et internationale.

Au cours des 21 dernières années, nos investissements et notre croissance ont entraîné des tarifs plus bas pour les Canadiens et ont permis de stimuler l’ensemble du marché et de créer énormément d’emplois dans de nombreux secteurs de l’économie, notamment l’aérospatiale, le tourisme et le développement économique régional. Notre succès dans une industrie très difficile à faibles marges bénéficiaires est tout à l’honneur de nos employés de première ligne qui s’efforcent quotidiennement de fournir un service de qualité à nos clients.

Notre culture primée axée sur le service à la clientèle est une énorme source de fierté. Ce n’est pas seulement ce que nous faisons, c’est qui nous sommes, et cela influence notre approche et notre respect pour notre obligation d’obtenir une forte approbation sociale et économique. Nous avons connu une évolution extraordinaire depuis notre lancement en février 1996 à titre de compagnie aérienne qui comptait 200 employés et trois avions et qui desservait cinq destinations dans l’Ouest canadien.

L’année dernière, nous avons transporté 24 millions de clients. C’est tout un défi logistique et opérationnel de transporter ces clients, en toute sécurité et dans les délais prévus, aux endroits où ils ont besoin de se rendre. Des problèmes surviendront. Lorsque cela se produit, nous faisons de notre mieux pour les régler. Avec environ 690 vols par jour et plus de 66 000 clients qui se prévalent quotidiennement de nos services, un avion WestJet décolle environ toutes les deux minutes.

En avril 2016, nous sommes devenus la première compagnie aérienne canadienne à déménager son équipe des médias sociaux à un centre des opérations ouvert 24 heures sur 24, 7 jours dur 7, 365 jours par année. Nous avons pris cette mesure parce que nous reconnaissons que de plus en plus de consommateurs se servent de médias sociaux pour communiquer avec des entreprises en temps réel. Notre équipe de réponse dans les médias sociaux se trouve maintenant dans le centre de contrôle des opérations et peut répondre immédiatement aux questions et aux préoccupations des clients. Le centre de contrôle des opérations est responsable de tous les aspects de nos activités, dont l’horaire des vols, l’affectation des équipages, l’entretien, les réactions à la météo, les retards opérationnels et le service à la clientèle.

Ces améliorations sont conformes à notre objectif de nous assurer que nos clients reçoivent de bons renseignements en temps opportun. Le service à la clientèle est à la fois une source d’innovation et d’investissement à WestJet.

En ce qui concerne le projet de loi C-49 qui porte sur la protection des passagers, nous appuyons les dispositions du projet de loi et le vaste cadre qu’il vise à créer.

Je tiens à faire remarquer aux membres du comité que WestJet inflige déjà des sanctions exécutoires dans de nombreux secteurs pour lesquels le projet de loi exige une meilleure réglementation, notamment bagages égarés ou endommagés, les vols annulés ou retardés et les retards au sol. Nos obligations sont énoncées dans nos documents tarifaires et ceux-ci sont entièrement accessibles en ligne, sont interrogeables et sont utilisés par nous-mêmes et notre organisme de réglementation, l’Office des transports du Canada, pour régler les plaintes. Le projet de loi C-49 permettra d’établir des normes uniformes concernant ces questions et nous appuyons cette mesure. Je veux toutefois souligner aux sénateurs que nos clients ont des droits et que nous fournissons des renseignements sur ces droits de façon proactive.

Dans le contexte des droits et des obligations, j’aimerais encourager les sénateurs à examiner de façon plus générale le rôle de nos partenaires dans la chaîne d’approvisionnement en transport aérien. Cela devrait inclure les aéroports, le contrôle de la circulation aérienne, les frontières, l’immigration, la sûreté aérienne et Transports Canada. Notre rendement est scruté, à juste titre, par le Parlement et le public. Cependant, tous les organismes devraient avoir à satisfaire aux mêmes exigences en matière de production de rapports sur le rendement et de reddition de comptes globale sur les services qu’ils fournissent.

En principe, nous appuyons l’approche du gouvernement du Canada à l’égard des coentreprises entre transporteurs aériens, qui propose de permettre au ministre des Transports d’approuver certaines demandes, en dépit des objections du Bureau de la concurrence. Les partenariats représentent un aspect essentiel du modèle d’affaires de WestJet. Nous ne sommes pas membres d’une alliance internationale. Nous avons toutefois 45 partenaires de partage des codes et intercompagnies qui offrent tous plus de choix et une plus grande souplesse à nos clients. La décision de transférer la responsabilité d’approuver certaines entreprises du Bureau de la concurrence au ministre est une décision stratégique importante pour l’industrie aérienne canadienne et les consommateurs.

En ce qui concerne la propriété étrangère, les modifications prévues dans le projet de loi C-49 sont déjà en vigueur et des exemptions sont accordées aux transporteurs aériens à très faibles coûts potentiels. Notre préférence stratégique en matière de propriété étrangère était que tous les changements et toutes les limites devraient être réciproques, surtout en ce qui concerne les États-Unis. Le gouvernement a choisi une approche unilatérale. Nous respectons sa décision.

Je tiens aussi à rappeler aux sénateurs que nous avons récemment annoncé la création de notre propre transporteur aérien à très faibles coûts du nom de Swoop. Cela a été accompli sans investissement étranger ou possible modification stratégique par le gouvernement. L’objectif est simple : offrir aux Canadiens plus de choix en frais de déplacement. Je suis heureux de dire que Swoop ouvrira ses portes en l’espace de quelques mois.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions qui permettent aux petits aéroports d’acheter des services de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien et aux grands aéroports d’ajouter des services, nous sommes d’avis qu’elles représentent une solution provisoire. Les retards causés par des facteurs comme le contrôle des passagers deviennent de plus en plus fréquents dans le cadre de nos activités. Il s’agit d’une tendance troublante. Malheureusement, elle n’est pas surprenante.

Nous avons recommandé des réformes en profondeur au modèle de financement et à la gouvernance de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Nous exhortons le comité à recommander que tous les fonds recueillis relativement au droit pour la sécurité des passagers du transport aérien soient alloués aux services de contrôle dans les aéroports canadiens.

En conclusion, WestJet reconnaît que l’industrie aérienne et les consommateurs canadiens pourraient profiter du projet de loi. Nous espérons pouvoir participer à vos sessions afin d’améliorer l’expérience de voyage globale des Canadiens.

[Français]

David Rheault, directeur principal, Affaires gouvernementales et relations avec les collectivités, Air Canada : Monsieur le président et honorables membres du comité, bonjour. Je m’appelle David Rheault. Je suis le premier directeur des relations gouvernementales avec les collectivités pour Air Canada. Je tiens à vous remercier de l’invitation à témoigner devant votre comité aujourd’hui.

En 2017, Air Canada a transporté plus de 48 millions de passagers vers 200 destinations dans 6 continents et a lancé 30 nouvelles routes. Parmi nos 30 000 employés, 3 000 ont été engagés au cours des trois dernières années.

[Traduction]

Nous vous avons transmis le mémoire que nous avons présenté à la Chambre des communes en septembre. Aujourd’hui, j’aborderai trois questions : les coentreprises, la propriété étrangère et les droits des passagers. Nous proposons respectueusement des modifications afin que le projet de loi puisse atteindre ses objectifs stratégiques.

En ce qui concerne la participation étrangère, Air Canada appuie son augmentation jusqu’à 49 p. 100 à condition qu’un plafond de participation de 25 p. 100 soit établi pour les entités étrangères et les transporteurs aériens étrangers. Toutefois, le libellé du projet de loi fait une distinction entre la restriction applicable aux entités étrangères et celle applicable aux transporteurs aériens étrangers, ce qui pourrait miner la réalisation de ses objectifs stratégiques.

Alors que le projet de loi mentionne qu’une entité étrangère ne peut détenir à elle seule plus de 25 p. 100, cette condition n’apparaît pas à la ligne suivante, qui se rapporte aux transporteurs aériens étrangers. En raison du principe selon lequel chaque mot d’une loi a un sens, l’omission des mots « directement ou indirectement », en ce qui a trait aux transporteurs aériens étrangers, entraîne un risque important de mauvaise interprétation.

Nous exhortons le comité à clarifier le projet de loi et à ajouter ces mots au sous-alinéa 55(1)c)(ii).

[Français]

Cet amendement est simple et fondamentalement logique. Il vise à ce que les restrictions en matière de propriété étrangère soient rédigées de façon cohérente et qu’il ne reste pas dans ce projet de loi un risque inutile de mauvaise interprétation. Nous vous avons distribué des scénarios qui ne sont actuellement pas couverts par la phraséologie du projet de loi, mais que cet amendement pourrait prévenir.

Abordons maintenant la question des coentreprises. L’industrie du transport aérien est complexe et hautement compétitive. En plus des transporteurs canadiens, il existe environ 70 transporteurs étrangers présents, ici au Canada. Les besoins des passagers changent alors que l’économie se mondialise davantage. Les Canadiens veulent avoir accès à un plus grand nombre de destinations, et ce, de façon plus efficace. Vu la taille de la population canadienne, le développement de nouvelles routes à l’échelle internationale doit miser sur le trafic provenant de grands marchés comme les États-Unis, la Chine et l’Europe.

[Traduction]

Dans ce contexte, les coentreprises sont cruciales. Grâce à une intégration accrue entre les partenaires, les coentreprises réalisent des économies d’échelle, ce qui permet aux compagnies aériennes d’offrir aux passagers un meilleur accès aux vols, de meilleurs sièges, davantage de destinations et d’itinéraires, de meilleures correspondances, des services améliorés et des prix plus concurrentiels.

Le projet de loi C-49 prévoit un nouveau processus pour l’examen des coentreprises, qui tient compte de l’intérêt public général et qui met l’accent sur les objectifs relatifs à la politique canadienne sur les transports.

Nous appuyons cette disposition et nous présentons des amendements pour qu’on puisse en tirer tous les avantages. Il est important que le processus offre un degré de certitude suffisant afin d’encourager les partenaires à affecter des ressources à la coentreprise. Le projet de loi prévoit une période d’autorisation de deux ans avant que la coentreprise fasse l’objet d’un examen à partir du moment où le ministre autorise sa formation. Nous proposons de prolonger cette période à trois ans et de la faire commencer au moment où la coentreprise est créée.

De plus, les sanctions prévues dans le projet de loi devraient refléter la nature commerciale des coentreprises. Notamment, la peine d’emprisonnement pourrait dissuader un partenaire potentiel de former une coentreprise ou nos employés de travailler sur des projets d’entreprise de ce genre.

[Français]

Les coentreprises sont fondamentales à la réussite des transporteurs canadiens sur la scène internationale. Elles sont avantageuses pour les passagers, essentielles pour appuyer la croissance de nos transporteurs et contribuent à la compétitivité de notre nation.

En terminant, j’aimerais parler de la question du régime des droits des passagers. Il convient de définir des normes claires pour tous les transporteurs sans imposer de fardeaux financiers indus ou limiter la capacité des transporteurs de se distinguer par leurs politiques respectives.

[Traduction]

Cela dit, la collaboration de nombreux intervenants — l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l’Agence des services frontaliers du Canada, NAV CANADA, les essenciers et les dégivreurs — joue également un rôle important dans l’expérience générale vécue par les voyageurs.

Le projet de loi exige que les transporteurs fournissent des données, mais nous estimons que les organismes gouvernementaux devraient rendre des comptes de la même manière en fournissant aussi des données de façon publique et transparente.

[Français]

Dans une économie qui se mondialise, le transport aérien est une industrie importante pour la réussite économique du Canada. Nous sommes fiers de notre contribution et nous sommes ici pour répondre à vos questions.

[Traduction]

Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je m’intéresse particulièrement aux droits des passagers. Je vous poserai mes questions en français. À l’article 19 du projet de loi, le ministre accorde à l’Office des transports du Canada le pouvoir de réglementer sur des obligations entre le transporteur et les voyageurs.

Alors, force est de constater que la liste n’est pas exhaustive et semble délaisser certaines obligations, notamment en ce qui a trait à l’offre de services dans les deux langues officielles. Bien que le rapport Emerson ait recommandé que la Loi sur les transports du Canada puisse assurer des services dans les deux langues officielles aux aéroports, entre autres par les compagnies aériennes, nous ne trouvons pas de recommandations allant dans ce sens dans la loi.

Ma question s’adresse à vous trois, particulièrement à Air Canada qui a une responsabilité envers les langues officielles. Quelle serait la position d’Air Canada à l’idée d’introduire une disposition dans le projet de loi qui permettrait à l’Office des transports du Canada, après consultation auprès du ministre, d’établir un règlement obligeant les compagnies canadiennes à fournir des services dans les deux langues officielles lors de vols intérieurs?

M. Rheault : Merci de votre question. D’abord, en ce qui concerne les langues officielles, nous sommes très fiers de notre engagement en matière de langues officielles. Chez Air Canada, environ 50 p. 100 des employés qui servent le public sont bilingues. Par exemple, c’est une portion qui est plus élevée qu’au sein du gouvernement fédéral.

On a toujours appuyé le principe que les Canadiens aient accès à des services dans les deux langues officielles, peu importe le transporteur qu’ils choisissent, là où il y a une demande importante. Donc, oui, nous serions prêts à entreprendre cette discussion.

Le sénateur Cormier : Quels sont les points de vue des autres compagnies?

M. Gibbons : Merci de votre question. Permettez-moi de répondre en anglais.

[Traduction]

Je vous remercie beaucoup de votre question, sénateur. En ce qui a trait aux langues officielles, il est dans notre intérêt commercial d’offrir des services dans la langue de nos invités. Nous sommes persuadés d’avoir fait de bons investissements à ce chapitre. Par exemple, depuis de nombreuses années, nous appliquons une politique visant à embaucher obligatoirement des agents de bord bilingues. Cette politique a multiplié les débouchés économiques pour les francophones aux quatre coins du pays.

En 2017, nous avons annoncé l’élargissement de la gamme de services offerts au Québec, notamment le premier vol point à point entre Montréal et Québec, et, grâce à nos investissements, nous avons amélioré l’ensemble de nos correspondances pour les Québécois.

Enfin, à la fin de janvier, nous avons annoncé une liaison directe d’Halifax à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle. Ces vols ont été très bien accueillis par la collectivité, que ce soit parce qu’ils permettent d’attirer des immigrants francophones au Canada atlantique, ou que les collèges ou le milieu des affaires recrutent des étudiants ou des travailleurs étrangers dans cette partie du monde, et nous sommes très fiers d’apprendre que ces investissements améliorent la vie des francophones du Canada atlantique et qu’ils leur ont donné de nouvelles occasions d’affaires.

Nous n’appuyons pas l’élargissement de la portée de la Loi sur les langues officielles. Il s’agit d’un vestige de la privatisation de notre concurrent. C’est un problème entre lui et le gouvernement.

[Français]

M. Petsikas : Nous sommes une compagnie d’envergure nationale et internationale qui a été fondée au Québec par des francophones, il y a 30 ans. Le bilinguisme est dans notre ADN. Ça fait 30 ans qu’on le fait partout à bord de tous nos avions, dans tous nos services partout au Canada. Donc, nous n’avons aucun souci de tenir le débat que vous proposez.

Le sénateur Cormier : Merci, j’ai une deuxième question qui s’adresse directement à Air Canada. Dans votre rapport soumis au comité de l’autre endroit, vous faites état d’une discordance dans les mots utilisés dans l’article 15. Vous en avez parlé. Pourriez-vous nous guider afin que l’on comprenne un peu mieux la différence dans la terminologie et son impact?

M. Rheault : Au nouvel article 55 de la loi, on prévoit les limites à la propriété étrangère. Le premier alinéa qui parle des limites imposées — je vais répondre en français — aux entités étrangères utilise l’expression « directement ou indirectement », « directly or indirectly ». Lorsqu’on fait état des limites imposées aux compagnies aériennes étrangères, ces mots ne sont pas présents.

[Traduction]

À notre avis, si on ne mentionne pas ces mots dans la phrase qui suit, il y a un véritable risque d’interprétation erronée parce qu’il existe un principe de droit fondamental selon lequel tous les mots d’une loi sont chargés d’un sens.

[Français]

Si on n’utilise pas la même phraséologie dans deux alinéas qui sont essentiellement formulés de la même façon, la cour va chercher à produire un effet différent. Évidemment, il y a le concept de groupe ou «  affiliation »— en anglais — qui est également mentionné dans ces articles. Ce matin, nous vous avons présenté des scénarios qui ne seraient pas couverts par le concept d’affiliation, mais qui seraient couverts si on introduisait la notion « indirectement ».

Essentiellement, le concept d’affiliation fait référence à une parenté corporative. Une compagnie doit détenir des actions de l’autre compagnie. Le concept « indirectement » est plus large. Il pourrait couvrir des arrangements sur le droit de vote, même si deux compagnies ne font pas partie d’un même groupe.

[Traduction]

Aux termes de la loi, elles ne font pas partie du même groupe.

[Français]

Il pourrait y avoir un arrangement sur le droit de vote qui ferait en sorte que les compagnies aériennes détiendraient plus de 25 p. 100. C’est pourquoi nous estimons que cet amendement est approprié afin de s’assurer que le tout soit clair.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : J’ai une question sur les coentreprises et une question sur les droits des passagers.

Monsieur Rheault, vous avez mentionné que, après la formation d’une coentreprise, il s’écoule une période de deux ans avant qu’elle soit soumise à un examen et vous recommandez qu’on prolonge cette période à trois ans. Je me demande si vous pouvez nous expliquer pourquoi.

M. Rheault : Je vous remercie de votre question.

Tout d’abord, il s’agit de la période au cours de laquelle il n’y aura pas d’examen. C’est en quelque sorte la période de lancement de la coentreprise qui fera l’objet de l’examen pour s’assurer qu’elle a l’incidence souhaitée.

Nous demandons à ce qu’on prolonge la période pour deux raisons. Premièrement, lorsque la formation de la coentreprise a été autorisée, la coentreprise en soi n’est pas encore formée. L’autorisation permet d’échanger des renseignements afin de terminer les discussions contractuelles.

Deuxièmement, dans l’industrie du transport aérien, quand on parle de deux ans, il ne s’agit pas nécessairement de deux années complètes parce que cette industrie est très saisonnière. Il est donc impossible d’établir des comparaisons mensuelles.

Il faut établir des comparaisons saisonnières.

Par conséquent, il se peut que, en deux ans, on ne soit pas en mesure de se faire une bonne idée de l’évolution de la coentreprise. Voilà pourquoi nous croyons qu’une période de trois ans à partir de la formation de la coentreprise constituerait un meilleur délai en vue d’évaluer son incidence.

Cette disposition est importante parce que, en tant que compagnie aérienne, nous devons convaincre des compagnies aériennes internationales d’entamer des discussions avec nous en vue de créer une coentreprise. À ce chapitre, nous sommes souvent en concurrence avec des transporteurs mondiaux, comme les transporteurs des États-Unis, il faut donc s’assurer que nous avons d’entrée de jeu un outil qui est certain de convaincre des partenaires d’entamer des discussions avec nous. Nous estimons que ces amendements amélioreront cet outil.

La sénatrice Bovey : Merci. Avez-vous les mêmes inquiétudes que WestJet et Air Transat?

M. Petsikas : Nous ne voyons pas d’objection à ce qu’on prolonge la période à trois ans. Ce qui nous intéresse, c’est la transparence. Nous tenons à ce qu’il y ait un mécanisme d’examen actif. Ce que nous voulons, c’est qu’on nous donne ce qu’on a promis en échange de la levée de l’interdiction et des protections relatives aux coentreprises prévues dans la loi fondamentale sur la protection des consommateurs.

Je tiens à signaler, pour la gouverne du comité, que, depuis plus de 15 ans, aux États-Unis, un processus d’exemption de l’application de la législation antitrust est en vigueur. Aux États-Unis, on a exempté environ 20 coentreprises, sauf qu’il y a un petit problème : il n’existe aucun processus public visant à déterminer si ces coentreprises apportent les bénéfices promis aux consommateurs.

En fait, la semaine dernière, aux États-Unis, je discutais avec des représentants d’une compagnie aérienne, qui ont carrément demandé au département des Transports des copies des examens qu’ils mènent régulièrement avec les partenaires des coentreprises — mais en toute confidentialité, à huis clos. Ils ont demandé ces documents, et les représentants du département des Transports des États-Unis ont déclaré : « Trainez-nous devant les tribunaux. Nous ne les leur donnons même pas. »

Il s’agit manifestement d’un vrai problème, et le département doit avoir une raison pour agir de la sorte. C’est ce que nous souhaitons obtenir grâce à ce projet de loi. Une période de trois ans n’est pas un problème.

M. Gibbons : Dans l’ensemble, nous sommes satisfaits des dispositions relatives aux coentreprises. Nous croyons qu’elles établissent un juste équilibre entre la certitude et la cohérence, ce que nous cherchons à obtenir en tant que grande compagnie aérienne. Nous ne nous opposons pas à l’idée de prolonger la période à trois ans, mais cet amendement n’est pas le nôtre.

La sénatrice Bovey : J’ai une petite question sur les droits des passagers. Chacun d’entre nous a une histoire à raconter, et il est risqué de le faire. Au cours des 10 derniers jours, j’ai pris cinq aéronefs, et aucun n’était à l’heure. Dans deux cas, on n’a donné aucune information. Par contre, l’autre soir, en prenant un avion de Vancouver à Winnipeg, le pilote a déclaré : « J’ignore pourquoi nous sommes en retard, mais je vous remercie de votre patience. » Nous attendions peut-être un plus gros appareil parce que le vol avait fait l’objet d’une survente.

Je suis consciente qu’il faut du temps pour qu’un aéronef se rende du point A au point B, mais, si nous avions été informés de la situation une heure et demie auparavant, je sais que cela aurait permis à de nombreux passagers avec de jeunes enfants de quitter les lieux afin de prendre le temps de dîner.

Je me questionne au sujet des droits des passagers. Je ne parle pas d’indemnités financières à ce stade-ci; je parle de la transparence de l’information. Quelles sont les pratiques quant au droit à l’information des passagers?

M. Rheault : Je vous remercie de votre question. De toute évidence, il m’est difficile de commenter une situation précise.

La sénatrice Bovey : Je ne demande pas de commenter un incident précis. Je sais que je ne suis pas la seule passagère à voyager d’un bout à l’autre du pays en avion et à avoir vécu ce genre de situation — et je n’ai pas nommé la compagnie aérienne.

M. Rheault : M. Petsikas ne peut pas répondre.

Il est très important que l’équipage informe les passagers. Bien entendu, la situation n’est pas toujours idéale, on peut faire mieux et nous en convenons. Les retards peuvent être causés par de nombreux facteurs. Beaucoup de ces facteurs ne relèvent pas de la compagnie aérienne, mais je suis d’accord avec vous pour dire qu’il est important d’informer les passagers et les clients.

M. Gibbons : Madame la sénatrice, la technologie a une incidence considérable à ce chapitre. J’espère que vous et les autres invités réguliers possédez l’appli WestJet sur votre iPhone. Les mesures que nous prenons en ce qui a trait aux courriels, aux renseignements qu’ils contiennent, aux droits et aux obligations que nous avons et au moment où vous devriez recevoir de l’information seront toujours un enjeu. Lorsqu’il est question du transport de 24 millions de personnes et des difficultés liées aux activités hivernales, ce n’est pas facile, mais c’est notre problème. Nous devons assurer une forte acceptabilité sociale auprès de nos invités, et c’est ce que nous nous efforçons de faire.

De plus, les investissements que nous faisons dans Twitter et les médias sociaux ont une incidence. Nos invités sont en mesure de communiquer avec nous sur Twitter 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ils n’ont plus à composer un numéro sans frais en opération de 9 heures à 17 heures lorsqu’ils sont coincés dans un aéroport à 10 heures et qu’ils ignorent ce qui se passe. Il est possible d’obtenir de l’information en temps réel au sujet des problèmes auxquels on fait face, ce qui a été bien accueilli par les invités, et nous sommes fiers d’avoir pris cette initiative.

Le sénateur Dawson : En réalité, on publie actuellement des gazouillis, et vous êtes tous les trois préoccupés par certains des commentaires qui sont publiés sur Twitter. Par contre, je ne les répéterai pas parce que ce serait trop long. En fait, ce serait trop long si nous voulions tenir une réunion plénière avec Air Canada. Je présume que nous passerions quelques heures à discuter des milles Aéroplan et de ce dont il s’agit.

Étant donné que ce n’est pas l’objectif d’aujourd’hui, je peux vous garantir une chose : le cabinet du ministre nous écoute, et j’espère que le ministre tiendra compte de vos suggestions d’amendements parce que, au bout du compte, au cours des prochaines semaines, nous devrons en examiner.

On proposera des amendements, certains seront rejetés et certains seront acceptés. Si l’amendement est raisonnable, mais que l’autre endroit relance le débat sur l’amendement du projet de loi, ce dernier ne sera peut-être pas adopté. Nous appuyons ces amendements — et je suis heureux de présider ce comité — et tout le monde est d’accord pour dire que nous souhaitons que le Sénat adopte le projet de loi. Donc, nous voulons améliorer le projet de loi, si possible, toutefois, nous voulons qu’il soit adopté.

Je peux vous assurer que je vais demander au ministre de tenir compte de votre amendement parce qu’il semble raisonnable. Par contre, comme je l’ai mentionné, si nous relançons le débat sur le projet de loi et qu’il reste longtemps à l’étude au Sénat, puis que nous le renvoyons à la Chambre des communes et qu’il y reste longtemps à l’étude, le projet de loi ne sera pas adopté. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’agit d’un projet de loi équilibré et qu’il devrait être adopté.

[Français]

Cela dit, j’aimerais vous poser une question concernant l’incident qui s’est produit à Ottawa. Il y a divers commentaires sur Twitter et Facebook concernant les incidents entre vous et l’agence.

[Traduction]

Peu importe quelles sont les règles, si l’office vous impose une amende et que vous déclarez au cours d’une émission de télévision : « Faisons un marché », pourquoi les gens croiraient-ils en l’utilité d’un régime de droits des passagers si les compagnies aériennes semblent conclure des ententes avec l’Office des transports?

M. Petsikas : Je suis désolé, mais, pour clarifier les choses, quand vous parlez d’ententes…

Le sénateur Dawson : Pour l’incident d’Ottawa, on vous a imposé une amende, puis on vous l’a retirée. Pourquoi les gens croiraient-ils que…

M. Petsikas : L’amende n’a pas été retirée, sénateur. Je suis désolé, mais je ne suis pas certain que j’arrive à vous suivre.

Au titre d’un certain nombre d’obligations tarifaires relevant de l’Office des transports du Canada, cet organisme nous a imposé une certaine amende pour l’incident que vous avez mentionné. Ce qui s’est passé, c’est que l’office nous a offert la possibilité de verser une indemnité aux passagers touchés sur les deux vols — qui font l’objet de l’enquête publique — en échange de crédits applicables à l’amende payable au Trésor.

Donc, l’amende n’a pas été retirée. Ce qui s’est produit, c’est que l’office nous a donné une mesure incitative, si l’on peut dire, et nous avions déjà versé une indemnité aux passagers peu de temps après l’incident. Par contre, grâce à cette mesure incitative, tout ce que nous avons fait, c’est bonifier en quelque sorte l’indemnité, et l’office a accepté cette mesure à titre de crédit applicable à l’amende.

À ce stade-ci, je devrais mentionner qu’il m’est impossible d’en dire davantage à ce sujet parce que nous sommes actuellement devant les tribunaux. Malheureusement, quelqu’un n’a pas approuvé la façon dont l’office a géré la situation, et, par conséquent, nous sommes actuellement devant la Cour fédérale. Je n’en dirai pas plus.

Le sénateur Dawson : Je tenais simplement à ce que ce soit consigné au compte rendu. Ces critiques ont été soulevées ici. Je souhaitais vous donner une chance d’émettre vos commentaires à ce sujet.

Je sais que vous voulez apporter un amendement, mais je crois que vous voulez surtout que le projet de loi soit adopté, alors, au bout du compte, nous devrons décider, à titre de comité, à quel point nous rouvrirons le débat sur le projet de loi et à quel point nous sommes prêts à proposer l’amendement mentionné précédemment.

M. Rheault : Puis-je émettre un commentaire à ce sujet, sénateur? Je comprends qu’il y a du travail à faire et que le projet de loi doit être adopté à un moment donné. Je tiens seulement à souligner que, lorsque le projet de loi sera adopté, il faudra s’en accommoder pendant longtemps. Nous avons proposé de nombreux amendements à la Chambre des communes. Nous avons vraiment proposé moins d’amendements au Sénat afin qu’ils améliorent réellement le projet de loi et qu’ils l’aident à atteindre ses objectifs.

[Français]

On propose des amendements qui vont vraiment dans le sens du projet de loi et avec lesquels le Sénat pourra bonifier ce texte de loi afin que les compagnies aériennes et les passagers puissent en bénéficier.

La sénatrice Gagné : J’ai un commentaire à faire en réaction à une réponse de M. Gibbons. Selon le dernier recensement, il y a 2,7 millions de personnes à l’extérieur du Québec qui connaissent le français. Je voulais donc préciser que la connaissance du français ne se limite pas au Québec et aux immigrants de la région de l’Atlantique. Je suis du Manitoba et, comme vous pouvez le constater, je suis francophone.

Ma question porte sur la charte des voyageurs. Selon ce projet de loi, en ce qui concerne les plaintes déposées à l’Office des transports au sujet des droits des voyageurs protégés par cette éventuelle charte des voyageurs, celles-ci ne pourront pas être déposées par une tierce partie. En effet, ce ne sont que les personnes lésées qui pourront déposer une plainte.

Cela fait-il concrètement une différence pour vous si, à la suite d’un manquement allégué, un tiers, tel un organisme de défense des droits, porte plainte, plutôt que la personne lésée elle-même?

M. Rheault : Il est important que le concept d’intérêt en droit soit présent, c’est-à-dire que le plaignant a l’intérêt de déposer la plainte. C’est important, car cela nous assure que la personne qui dépose la plainte a vraiment vécu la situation et cela évite également des abus.

Je rappelle que dans le cadre du projet de loi déposé, il est possible pour l’Office des transports d’élargir quelque peu la portée d’une décision à d’autres passagers à bord du même avion.

Nous avons formulé des commentaires à ce sujet et je dois réitérer que la présence du concept d’intérêt réel, un concept reconnu en droit, est importante pour nous.

M. Petsikas : Nous sommes tout à fait d’accord avec ce que M. Rheault a dit. Je vais m’arrêter là.

[Traduction]

M. Gibbons : Nous sommes d’accord aussi. De toute évidence, nous concluons un contrat de transport expressément avec nos invités, qui ont dépensé de l’argent. Nous respectons cet engagement et nous appuyons la disposition excluant les tiers. L’Association du transport aérien international, notre partenaire international, a mentionné au comité de la Chambre des communes que des entreprises artisanales ont fait leur apparition en Europe et qu’elles intentent des poursuites et réclament des dommages-intérêts.

Les tiers posent de nombreux problèmes, mais nous sommes satisfaits des dispositions du projet de loi à ce chapitre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos trois compétiteurs. C’est intéressant de vous voir partager un avis somme toute similaire à propos du projet de loi C-49.

Ma question s’adresse à M. Petsikas. Au dernier paragraphe de votre mémoire, vous mentionnez un mécanisme d’examen parallèle plus équilibré et entièrement transparent. Pourriez-vous, d’une part, préciser davantage votre pensée à ce sujet?

D’autre part, lorsqu’on parle de coentreprises entre les compagnies aériennes, quels en sont les avantages ou les inconvénients pour les passagers et les citoyens?

M. Petsikas : Comme je le disais plus tôt lors de mes remarques portant sur les États-Unis, nous faisons face à la situation suivante : aux États-Unis, l’administration a pris la décision de lever l’application d’une loi qui sert — je pense qu’on est tous d’accord là-dessus — à protéger l’intérêt des consommateurs. Il s’agit de la loi sur la concurrence aux États-Unis qui se nomme « Antitrust Laws ». Malheureusement, aucune exigence n’intervient afin que les considérations dans la prise de décision ou que les raisons soient publiques ou afin que l’analyse ou la révision des résultats ou des bénéfices de cette coentreprise soient publiques. Comme je l’ai également mentionné plus tôt, il faut éviter tout cela au Canada.

Nous sommes d’avis que la Loi sur la concurrence est fondamentale et nous sommes d’accord, comme mon collègue de la compagnie Air Canada l’a dit, sur le fait qu’il y a de bonnes raisons pour que les coentreprises soient permises. Nous sommes également entièrement d’accord avec le fait que des bénéfices très intéressants pour les consommateurs pourraient en être tirés.

La compagnie Air Canada est de loin la compagnie aérienne la plus importante au Canada. Elle fait partie de réseaux très intéressants et elle peut peaufiner l’offre aux consommateurs. Toutefois, une question demeure : faut-il faire fi des considérations et de l’application de la Loi sur la concurrence dans ce contexte et dans cet objectif? Nous croyons que non.

Pourquoi alors ne pas appliquer ce qui existe déjà en ce qui a trait aux fusions? Actuellement, deux petites compagnies aériennes canadiennes pourraient faire une demande au ministre afin de fusionner. En vertu des dispositions actuelles, on va voir le commissaire à la concurrence qui fera l’analyse de cette fusion en tenant compte des impacts pour les consommateurs desservis. On examinera l’impact sur le plan de la politique aérienne et ainsi de suite et, à la fin, on s’adressera au gouverneur en conseil qui décidera. Il s’agit là d’un exemple de deux petites compagnies qui pourraient peut-être représenter 500 000 passagerspar année.

Avec respect, la coentreprise dont nous parlons ici concerne des compagnies aériennes telles United Airlines, Lufthansa et Air Canada. Avec 1 600 appareils à leur disposition, cela peut toucher des millions de consommateurs par année. Et là, tout à coup, on dit que la Loi sur la concurrence n’est pas si importante que cela, qu’il faut faire la suggestion au ministre et qu’il décidera. Je pense que ce n’est pas la bonne façon de faire.

En ce qui concerne les implications relatives aux consommateurs, selon nos analyses, que vous trouverez à l’annexe de notre mémoire, on note déjà des parts de marché dominantes de cette coentreprise, comme pour l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et la Belgique qui commencent à se développer.

Aussi, d’après les données publiques disponibles, les prix sont à la hausse. Pourquoi? Ce n’est pas compliqué. Il y a deux ou trois mois, on a vu une annonce — malheureusement, je ne l’ai pas avec moi, alors vous devez me croire sur parole — dans laquelle nos collègues ici ont annoncé des destinations en Europe, à gros rabais, au prix de 600 $ pour aller à Paris ou à Lisbonne, et ainsi de suite, mais au prix de 1 000 $ pour aller à Francfort. À un moment donné, il faut se poser la question et la réponse est simple : ils n’ont pas de concurrence et ils dominent le marché, car ils travaillent avec leur coentreprise pour le faire. Est-ce bon pour le consommateur? Dans ce cas, je dirais que non.

M. Rheault : Permettez-moi d’apporter un point de vue différent. Il y a une chose importante à comprendre. Mon collègue dit que le gouvernement veut mettre de côté la Loi sur la concurrence dans le nouveau projet d’approbation de coentreprise. C’est inexact. Le projet de régime ou le projet de loi conserve un élément très présent d’analyse de la concurrence. Le commissaire à la concurrence sera consulté et les lignes directrices pour tenir compte de l’intérêt public seront publiées. Cela a été dit, tant par le ministre que par le Bureau de la concurrence, comme par le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Également, les représentants du Bureau de la concurrence, qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes, ont confirmé qu’ils allaient continuer de faire des analyses robustes.

Le sénateur Boisvenu : Mais cela se fera de façon timide.

M. Rheault : Ils ont confirmé qu’ils allaient continuer à jouer leur rôle. Il s’agit d’un nouveau régime qui reflète ce qui se fait dans d’autres juridictions, comme aux États-Unis, où les éléments de concurrence continueront d’être pris en considération, mais il y a un élément d’intérêt public qui sera aussi examiné, comme c’est le cas pour les fusions. Dans le cas d’une fusion de compagnies aériennes, il est vrai que la question de la concurrence est importante, mais la décision finale ne revient pas non plus au Bureau de la concurrence.

Ce que les représentants du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique ont dit, c’est que le processus mis en place tente de refléter un peu le processus pour les fusions, en tenant compte du fait que ce sont aussi des transactions différentes.

On parle de grosses coentreprises, mais il y en a de plus petites également. Il peut y avoir des coentreprises sur une route ou deux faites de façon saisonnière. Le processus mis en place sur la flexibilité pour s’adapter à l’envergure de la transaction sera étudié.

Cependant, d'une manière ou d'un autre, l’aspect de l’analyse de la concurrence demeurera très présent et fera partie des considérations. J’ai aussi noté que des amendements ont été introduits pour s’assurer que les décisions et les sommaires de celles-ci soient rendus publics. Les intervenants pourront donc faire valoir leurs considérations dans l’analyse de ce processus.

J’aimerais également mentionner que nous avons témoigné devant le comité de la Chambre des communes pour dire qu’il s’agissait d’une demande de la compagnie aérienne Air Canada et que ce n’était que cette compagnie qui le faisait. On a toutefois appris, en décembre dernier, que des discussions avaient lieu entre la compagnie aérienne WestJet et un transporteur américain pour mettre en place une coentreprise. Il s’agit donc vraiment d’un modèle d’industrie commun dans le monde pour les transporteurs qui visent à élargir leur réseau, mais ce n’est pas un modèle qui appartient à la compagnie Air Canada.

Le sénateur McIntyre : Ma question fait référence à celle qu’a posée le sénateur Boisvenu à propos des coentreprises. Si je comprends bien, plusieurs compagnies aériennes européennes et américaines ont conclu des accords de coentreprise qui couvrent leurs trajets transatlantiques.

Monsieur Rheault, dans votre présentation vous avez abordé la question du régime canadien de supervision des coentreprises. Comment le régime proposé dans le projet de loi C-49 se compare-t-il à celui d’autres pays?

M. Rheault : C’est une très bonne question, sénateur McIntyre. Le régime canadien de supervision des coentreprises est semblable au régime américain. La participation du ministère de la Justice est sollicitée, mais la décision finale revient au départment des Transports, l’équivalent du ministère des Transports du Canada, qui possède l’expertise pour traiter non seulement les questions de concurrence, mais aussi les questions d’intérêt public inhérentes à une telle entreprise.

Par exemple, les représentants du Bureau de la concurrence disent qu’ils concentrent leur analyse essentiellement sur les questions d’origine et de destinations de certains vols, alors que l’intérêt public peut tenir compte de la connectivité que créent ces coentreprises.

À titre d’exemple, cette année, nous parlons beaucoup des relations commerciales entre le Canada et la Chine, étant donné que c’est l’Année du tourisme Canada-Chine entre les deux pays. Air Canada offre des vols à destination de Beijing et de Shanghai. Évidemment, il y a une demande de la part d’entrepreneurs canadiens qui veulent explorer des marchés comme Chongqing, Shenzhen, Hangzhou, Chengdu et bien d’autres encore. Une coentreprise partenaire comme Air China donne accès à ces marchés. Avec ce partenariat, nous faisons en sorte que nos horaires offrent une bonne connectivité, favorisant ainsi à la fois le tourisme et l’accès aux marchés, parce qu’on ne peut pas non plus développer directement tous ces marchés en même temps.

M. Petsikas : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter un commentaire à ce sujet.

[Traduction]

Certes, le mécanisme proposé est très semblable à celui qu’on trouve aux États-Unis, où le secrétaire aux Transports est celui qui prend les décisions, avec la participation de la division antitrust du département de la Justice.

Cependant, permettez-moi maintenant de dire quelque chose d’absolument scandaleux. Le Canada n’est pas les États-Unis. La taille du marché du transport aérien du Canada représente un dixième de celui des États-Unis. Avec tout le respect que je dois à mes très chers collègues de WestJet, le marché du transport aérien des États-Unis est beaucoup plus concurrentiel et beaucoup moins concentré que celui du Canada. On y trouve beaucoup plus de transporteurs à faibles coûts dynamiques, comme JetBlue et Southwest, de transporteurs à très faibles coûts et d’alliances concurrentielles importantes.

L’un des principaux facteurs dont le gouvernement des États-Unis tient compte, c’est de savoir s’il y a des facteurs du marché qui contrôleront le comportement des coentreprises qu’il soustrait de l’application de la législation antitrust. Il est essentiel que les États-Unis tiennent compte de cet élément.

Le Canada ne possède pas ces facteurs disciplinaires relatifs au marché. En fait, je dois dire, comme je l’ai déjà mentionné — et ce n’est pas un commentaire sur la politique, étant donné que nous l’appuyons — que, aux États-Unis, il est inconcevable que des politiques entravent la concurrence aux coentreprises qui sont soustraites à la législation. Le gouvernement du Canada a adopté des politiques pour entraver la concurrence que certaines compagnies aériennes internationales majeures, qui sont actives au Canada et qui pourraient constituer des concurrents redoutables, surtout pour les vols transatlantiques, pourraient faire subir à une coentreprise soustraite à la législation au Canada. Au titre de la politique, ces concurrents n’ont pas le droit de faire de concurrence à plus de quelques…

Je ne dis pas s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise idée; en fait, nous avons publiquement appuyé cette politique pour d’autres raisons. Par contre, dans le contexte entourant ce que nous faisons actuellement, il faut en tenir compte.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, messieurs. Il est évident que le problème de concurrence auquel vous êtes confrontés, c’est que vous êtes pris entre l’arbre et l’écorce, à savoir que, d’un côté, vous devez être Canadiens, ce qui signifie que vous devez protéger les intérêts des Canadiens à l’égard de leurs propres compagnies aériennes, et que, de l’autre côté, vous devez être efficaces sur la scène internationale, où on subit de fortes pressions concurrentielles, afin de servir les Canadiens.

Manifestement, la pénétration de ce marché relève d’une évaluation de l’intérêt public. Je suis donc persuadé qu’un politicien élu et responsable, comme le ministre des Transports, serait très bien placé pour avoir cette responsabilité.

Par contre, pouvez-vous énumérer plusieurs des éléments qui favoriseront l’intérêt public? Par exemple, il y aura un accroissement du rayonnement international du Canada en Chine, où, idéalement, la concurrence s’intensifiera de plus en plus, on y établira plus de commerces et on y fera davantage d’affaires. Sera-t-il plus facile de s’y rendre?

M. Rheault : La Chine est un bon exemple. Nous mettons actuellement la dernière touche à la création d’une coentreprise avec Air China. Lorsque la coentreprise sera formée, nous pourrons mieux coordonner les horaires, la tarification et l’offre de sièges. Si nous voulons transporter des Canadiens dans des villes que nous ne desservons pas directement parce qu’il n’existe pas de marché avec lequel nous pouvons faire affaire directement pour leur offrir un service, la coordination accrue que nous aurons avec notre partenaire nous permettra d’assurer une correspondance pratique et un prix uniforme.

Dans un monde où les fusions des compagnies aériennes sont complexes en raison des restrictions sur la propriété étrangère, qui ont leur place dans la législation, les coentreprises sont une façon d’élargir la portée de notre réseau et de garantir que la compagnie aérienne demeure entre les mains de Canadiens. Il s’agit d’une mesure très efficace.

Elle n’est pas unique au Canada. Mon collègue a mentionné qu’il existe une part de marché entre le Canada et l’Europe, mais il ne faut pas oublier non plus la part de marché entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Nous faisons concurrence aux coentreprises nord-américaines — les grandes entreprises comme American Airlines, British Airways, KLM, Air France et Delta. Ce sont également de puissants concurrents. Ils cherchent aussi à transporter le public canadien vers leurs plaques tournantes aux États-Unis. Il s’agit aussi d’une partie de l’équation. On en tiendra compte lorsque le ministre mènera son examen.

Il faut aussi faire la distinction suivante : nous ne demandons pas que les coentreprises soient approuvées par le projet de loi ou le Sénat. Nous demandons à ce qu’un processus soit mis en place. Il s’agit d’un nouveau modèle d’entreprise dont on n’a pas tenu compte lors de la rédaction de la mesure législative parce qu’il a été développé seulement au cours des dernières décennies. Comme Industrie Canada l’a mentionné, avec le nouveau régime proposé, le système vise désormais à reproduire les dispositions relatives aux fusions afin qu’il soit maintenant possible d’envisager ces transactions.

Le président : Donnez-moi un exemple. Vous offrez actuellement des vols vers la Chine, n’est-ce pas?

M. Rheault : Oui.

Le président : Donc, vers quelles autres destinations offrez-vous des vols à partir de Vancouver? Shanghai?

M. Rheault : Pékin et Shanghai.

Le président : Qu’en est-il d’Air China? Quelles destinations offre cette compagnie?

M. Rheault : Air China offrira des vols Vancouver-Pékin et Montréal-Pékin, que nous n’offrons pas.

Le président : Dans ce cas, quel genre de coentreprise formeriez-vous?

M. Rheault : La coentreprise nous permettra tout d’abord de tenir des discussions pour que le prix de ces vols soit semblable.

Le président : Que voulez-vous dire par « prix semblable »?

M. Rheault : L’établissement du prix sera coordonné.

Le président : Ne s’agit-il pas d’une pratique monopoliste?

M. Rheault : Non. Premièrement, il existe d’autres transporteurs positionnés sur le marché entre le Canada et la Chine.

Le président : Je suis sûr qu’il y en a.

M. Rheault : Je crois qu’il y a sept transporteurs chinois.

Deuxièmement, l’horaire de ces vols sera coordonné afin d’offrir de meilleures correspondances. Je vais vous donner un exemple. Si on souhaite ajouter un vol entre Toronto et Pékin, il se peut que l’horaire de ce vol soit le même que celui de son partenaire parce qu’il est prévu au cours d’une heure de pointe. Si vous avez formé une coentreprise, l’un des partenaires peut offrir un vol le matin tandis que l’autre peut offrir un vol l’après-midi, par conséquent, les voyageurs ont davantage de choix. Les partenaires se partagent les recettes de ces vols.

En fait, les partenaires réunissent leurs actifs afin d’offrir des prix et des horaires plus avantageux et pour offrir davantage de choix aux passagers.

Le président : Par contre, s’il est possible de remplir deux avions et qu’Air Canada en remplit un pour un vol de nuit, est-il possible qu’Air China déclare : « Je vais offrir un vol de jour et remplir l’autre avion »? Pourquoi les deux compagnies aériennes se disputeraient-elles le même créneau horaire?

M. Rheault : Le nombre de voyageurs peut varier selon l’heure du vol. Les voyageurs d’affaires ont peut-être tendance à se déplacer à une heure précise. Si on souhaite offrir de meilleurs choix aux consommateurs, il faut coordonner l’horaire de ses vols et partager ses recettes. C’est ainsi qu’on arrive à offrir davantage de choix aux passagers, puis on se partage les recettes des deux vols. Voilà l’idée de la coentreprise.

Le président : J’y croirai quand je le verrai.

M. Petsikas : Monsieur le président, la réaction que vous avez eue par rapport à la coordination des prix est ce que j’appelle une réaction du monde réel. Dans le milieu, on aime parfois se moquer de nous-mêmes en affirmant qu’il y a la façon de faire du secteur du transport aérien, puis il y a le monde réel. Par conséquent, dans le monde réel, on sait que les concurrents ne sont pas censés coordonner les prix que les consommateurs paient parce que, ainsi, il est évident que les entreprises ne réalisent pas les gains d’efficacité qu’ils devraient normalement réaliser dans l’intérêt des consommateurs.

Tout ce que nous voulons dire, c’est que nous comprenons qu’il est possible d’en tirer des avantages, mais qu’il faut tenir compte de la réalité et examiner concrètement la situation. À ce chapitre, c’est la Loi sur la concurrence qui entre en jeu et le commissaire de la concurrence qui doit se prononcer sur ce processus.

Je comprends les commentaires précédents sur le fait qu’il est possible de consulter le commissaire, mais soyons clairs : le commissaire donne une analyse, il formule des recommandations, et les législateurs en sont très heureux, mais ils les mettent de côté, puis ils font ce qu’ils veulent. Les dispositions actuelles sur les fusions prévoient un processus parallèle entièrement transparent qui se déroule auprès du cabinet du ministre. C’est le cabinet qui prendra la décision. Si le cabinet estime qu’il s’agit d’une bonne idée, tant mieux. S’il croit que le commissaire de la concurrence soulève des préoccupations sérieuses qui doivent être étudiées, alors il faudra tout recommencer.

M. Gibbons : Le sénateur a posé une question au sujet de l’intérêt public et de ce qui servirait l’intérêt public. À mon avis, veiller à ce que notre compagnie demeure rentable et dynamique est très important. Lorsqu’on examine les lignes de tendance dans l’aviation, les tarifs sont à leur niveau le plus bas depuis six ans selon Statistique Canada. Dans mon intervention, j’ai discuté de l’acceptabilité sociale et économique. Nous croyons que nous atteignons cet objectif au nom des Canadiens et nous en tirons beaucoup de fierté.

Pour notre compagnie, c’est notre rentabilité qui nous permet d’acheter 10 appareils 787 Dreamliner — avec possibilité d’achat de 10 appareils supplémentaires. C’est notre dynamisme et notre rentabilité qui nous ont permis d’élargir notre offre de services de six villes canadiennes à l’aéroport international Gatwick, à Londres, soit l’un des services les plus saturés qu’on puisse imaginer aux dires de tout le monde.

C’est donc la concurrence et la rentabilité dynamique de notre compagnie qui permettent aux consommateurs d’avoir d’autres choix, qui accroissent la concurrence et qui font diminuer les tarifs au Canada. Voilà ce qui est dans l’intérêt public.

Le président : Si les tarifs ont diminué, ne croyez-vous pas, monsieur Gibbons, que c’est parce que vous faites concurrence plus agressivement à Air Canada?

M. Gibbons : La concurrence est une bonne chose.

Le président : Exactement. Voilà où je veux en venir.

M. Gibbons : Il y a cinq ans, nous avons lancé une compagnie aérienne régionale nommée WestJet Encore. Nous détiendrons la troisième flotte de Bombardier Q400 en importance dans le monde, et Bombardier offre certains des meilleurs emplois dans l’aérospatiale au pays. Ce que ces avions permettent, c’est la réduction du prix des déplacements régionaux. Donc, on ne devrait pas payer autant pour un vol Halifax-Sydney que pour un vol Montréal-Paris. Nous essayons de répondre aux besoins des Canadiens sur les marchés où ils exigent ces services.

Le président : Je suis désolé, sénateurs, mais j’ai enfreint ma propre règle. Je me suis étiré interminablement. C’est la seule question que je tenais à poser.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je poserai trois petites questions en rafale et vous pourrez y répondre par la suite.

L’idée d’une charte des voyageurs est tout à fait louable. Toutefois, j’aimerais parler au nom de la majorité silencieuse, soit celle des personnes qui ne se plaignent jamais. Vous êtes les trois principaux transporteurs aériens du Canada et vous comparaissez devant nous aujourd’hui.

Une chose que plusieurs personnes détestent est la suivante. À l’enregistrement, on a droit à une petite valise que l’on peut placer dans le compartiment situé au-dessus des sièges, à bord de l’avion. Or, plusieurs ne respectent pas cette consigne. Ils apportent leur petite valise et trois ou quatre autres sacs. L’agent de bord doit leur demander, à deux ou trois reprises, de laisser ces sacs sur le chariot et personne ne les écoute. Je parle ici de transport régional et non de vols internationaux. Mes collègues et moi prenons souvent ces avions et nous nous trouvons embourbés avec des sacs. Nous payons le même tarif, mais n’apportons pas le contenu de notre maison au complet dans l’avion.

D’autre part, Air Canada a-t-elle l’intention de renouveler sa flotte d’appareils DASH à long ou à court terme?

Troisièmement, êtes-vous toujours confrontés à une pénurie de pilotes?

Je pose ces questions aux trois témoins. Libre à celui qui se sent visé d’y répondre.

M. Gibbons : Merci de votre question.

[Traduction]

Votre première question porte sur la politique concernant les bagages. Il s’agit d’un enjeu en hiver. Il s’agit d’un enjeu d’espace. Je peux affirmer que le nouvel appareil que nous avons acheté possède de très grands compartiments de rangement. Votre question porte-t-elle expressément sur la différence entre les bagages à main et les bagages enregistrés? Cette question demeure problématique.

Notre objectif a toujours été d’offrir le plus de choix et de souplesse possibles à nos invités. C’est toujours l’objectif. Croyez-moi, le pilote et l’équipage de l’aéronef sont ceux qui souhaitent le plus que le départ ait lieu à l’heure. C’est notre travail d’être à l’heure. Nous serions heureux d’obtenir des suggestions en vue de faciliter le déplacement des aéronefs et des solutions pour empêcher les retards.

Étonnamment, je ne commenterai pas la flotte de mon collègue.

En ce qui a trait au manque de pilotes, il s’agit d’un problème qui fait manifestement partie de nos priorités. Nous surveillons attentivement la réglementation concernant les temps de vol et les temps de service de vol. Elle aura une incidence sur le recrutement des pilotes. Je crois que c’est ce que de nombreux groupes vous diront, même si cela ne fait pas partie du projet de loi C-49, mais il ne s’agit pas d’un problème qui nous préoccupe énormément à l’heure actuelle. Il se pourrait que ce soit un nouvel enjeu.

[Français]

M. Rheault : Je ne répéterai pas les propos de mon collègue. Ma réponse visera plutôt la question qui s’adresse davantage à Air Canada, soit celle de la flotte de DASH 8. En ce moment, nous refaisons l’intérieur de ces avions, ce qui procurera une expérience plus agréable pour les passagers. Ces avions ont une capacité plus restreinte. Nous avons des avions de 37 sièges et de 50 sièges.

Le sénateur Maltais : Vous parlez du DASH 100?

M. Rheault : Je parle du DASH 100 et du DASH 300. Ces avions nous permettent de desservir des marchés là où les plus gros avions ne le permettent pas. Ces avions ont vraiment une utilité. Nous avons annoncé le prolongement de l’entente avec Jazz, qui fera en sorte que ces avions demeureront actifs au cours des prochaines années. Je ne peux toutefois pas en dire davantage aujourd’hui sur les plans à plus ou moins long terme.

Le sénateur Boisvenu : Depuis des années, des familles communiquent avec mon bureau pour nous faire part de ce qui se produit dans le cas du décès d’un proche alors qu’elles se trouvent dans un pays étranger. Croyez-vous que ce projet de loi devrait être plus précis pour ce qui est du service offert par les compagnies aériennes à ces familles afin de rapatrier le corps et les cendres, ou si dans vos politiques internes, vous offrez déjà ce service gratuitement?

M. Rheault : Je devrai vérifier, mais je crois que nos règles tarifaires prévoient quelque chose à cet égard. Je ferai une vérification supplémentaire pour vous donner plus de précisions.

Le sénateur Boisvenu : Pouvez-vous nous communiquer cette information?

M. Rheault : Oui. Des règles tarifaires sont prévues à cet égard et chaque compagnie a probablement les siennes.

M. Petsikas : Je suis d’accord avec M. Rheault. Je devrai aussi vérifier nos règles. Nous procédons actuellement au cas par cas pour nous assurer d’être en mesure d’aider notre clientèle qui pourrait être en difficulté.

Le sénateur Boisvenu : Ou pour bien les informer.

M. Petsikas : Exactement. Il s’agit de déterminer s’il faudrait inclure une disposition dans la loi à cet égard. C’est une tout autre question. Je dirais que non. On pourrait le faire davantage dans nos règlements ou traiter de ce problème dans nos tarifs.

[Traduction]

Le président : Merci.

Sénateurs, je tiens à vous rappeler l’étude article par article du projet de loi que nous effectuerons. Nous nous sommes tous entendus sur le 27 mars. Si vous souhaitez proposer des amendements, communiquez avec le service juridique, plus précisément la légiste, afin que nous n’ayons pas à le faire a posteriori, pour garantir que les amendements soient appropriés et que, s’ils sont présentés après cette date, ce soit une affaire réglée.

On enverra une note pour que tout le monde obtienne aussi ces amendements afin de faire avancer le processus.

(La séance est levée.)

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