LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 20 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le comité examine aujourd’hui le projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports. Nous recevons deux groupes de témoins. Nous accueillons tout d’abord, dans le premier groupe, M. Allistair Elliott, représentant international de la Fédération canadienne des musiciens. Il est accompagné de Mme Francine Schutzman, présidente de l’Association des musiciens d’Ottawa-Gatineau et de Mme Marina Pavlovic, professeure adjointe, Université d'Ottawa, Faculté de droit, Section de common law.
Marina, je tiens à vous féliciter d’avoir été promue au poste de professeure adjointe depuis le 1er mai. Merci d’être venue. Nous allons commencer par votre allocution, puis nous entendrons M. Elliott. À vous la parole.
[Français]
Marina Pavlovic, professeure adjointe, Université d’Ottawa, Faculté de droit, Section de common law, à titre personnel : Bonjour, monsieur le président, honorables sénateurs. Je voudrais mentionner que nous sommes ici en territoire algonquin non cédé.
Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner et de présenter la perspective de la recherche lors de cette discussion sur la Déclaration des droits des passagers aériens dans le projet de loi C-49.
[Traduction]
Je suis professeure adjointe à la Section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Mon domaine d’expertise s’articule autour des droits des consommateurs dans le contexte contemporain de l’économie numérique en réseau transfrontalier. Mes travaux portent sur des sujets comme la protection des consommateurs, le règlement des différends et l’accès à la justice. Je suis également une administratrice indépendante, nommée par des groupes de consommateurs canadiens, à la Commission des plaintes relatives aux services de télécomtélévision, un titre grandiose qui désigne simplement l’ombudsman de l’industrie des services de communication au Canada. Cependant, cette allocution est livrée en mon nom personnel, et les opinions présentées y sont les miennes. J’y offre mon expertise du vaste domaine des droits des consommateurs, particulièrement du Code sur les services sans fil et des voies de recours offertes aux consommateurs.
Les domaines des télécommunications et du transport aérien sont différents, mais les droits et les recours offerts aux consommateurs comportent plusieurs points communs. Je vais me concentrer sur les trois enjeux suivants: le besoin d’établir une déclaration des droits des voyageurs aériens, le format que devrait prendre cette déclaration et le mécanisme de recours à y appliquer.
Dans le cadre de la Déclaration des droits des voyageurs aériens, le régime actuel de tarifs et les contrats que les transporteurs y appliquent sont beaucoup trop complexes et totalement inefficaces. Les droits des voyageurs aériens sont disparates et fragmentés. Ils dépendent de plusieurs facteurs, et il est difficile, voire impossible, pour les consommateurs de savoir quels sont leurs droits et de quels mécanismes de recours se prévaloir. À elles seules, les forces du marché ne résoudront pas ce problème. Il sera crucial de fixer pour les Canadiens une déclaration des droits des passagers aériens qui régisse toute l’industrie et qui confère des droits de base communs à tous les passagers, mais qui d’un autre côté impose un ensemble d’obligations minimales communes à tous les transporteurs.
Cette déclaration avantagera autant l’industrie que les consommateurs. Ces derniers pourront consulter tous leurs droits expliqués clairement à un seul endroit. Cela accroîtra leur confiance envers l’industrie. Cette déclaration favorisera également l’aspect concurrentiel du secteur dans le marché. Les transporteurs pourront se distinguer de leurs concurrents en offrant un service à la clientèle de niveau supérieur. Cette déclaration constituera un seuil et non un plafond.
Quant à son format, soulignons que le projet de loi C-49 ne prévoit pas de déclaration des droits des passagers aériens. Le paragraphe 86.11(1) en serait le fondement. On y prévoit une longue liste d’enjeux que la déclaration future des droits devra régir. On vous a probablement parlé, ou l’on vous en parlera certainement, des préoccupations liées au format et au processus de la création de cette déclaration. À mon avis, ce processus relève avant tout de l’Office des transports du Canada, l’OTC, qui régit toute l’industrie. Ce processus s’est déjà avéré très efficace pour le CRTC lors de la création du Code sur les services sans fil.
Pour créer un régime solide offrant des voies de recours efficaces aux consommateurs, il est crucial d’établir deux éléments fondamentaux: une déclaration des droits et un mécanisme de recours. Les droits sans voie de recours seront inutiles, et un mécanisme de recours sans l’ensemble des principes directeurs d’une déclaration appliquera les droits de façons inégales.
Les résultats d’un vaste corpus de recherches démontrent que les consommateurs déposent eux-mêmes leurs plaintes, parce que la valeur ne justifie pas les frais des démarches. Cependant, d'importantes recherches dans la documentation sur la consommation renforcent l’importance de permettre à d'autres parties, comme des organismes d'intérêt public, d’intervenir pour déposer des plaintes, ce qui permettrait d’aborder les problèmes du système et de l’industrie. Le libellé de l'article 67.3 est limitatif et peut mener à la compartimentation des problèmes systémiques et des plaintes individuelles. Par conséquent, il faudrait l’amender pour permettre aux tierces parties de déposer des requêtes.
Ce projet de loi présente une occasion exceptionnelle de consolider les droits des consommateurs canadiens. Les politiciens ne s’engagent que rarement à réglementer dans l’intérêt supérieur des consommateurs. Ne manquons donc pas cette occasion. Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
Allistair Elliott, représentant international, Fédération canadienne des musiciens : Bonjour. Je vous remercie de nous donner l’occasion de témoigner devant votre comité aujourd’hui.
[Traduction]
La Fédération canadienne des musiciens est le bureau national canadien de la Fédération américaine des musiciens des États-Unis et du Canada. Nous représentons 80 000 musiciens professionnels, et 17 000 d’entre eux vivent et travaillent au Canada. Nous représentons les intérêts des musiciens depuis 121 ans.
[Français]
Francine Schutzman, présidente de l'Association des musiciens d'Ottawa-Gatineau, Fédération canadienne des musiciens : Nous sommes ici, aujourd’hui, pour saluer avec enthousiasme l’honorable Marc Garneau et Transports Canada, qui ont inclus les instruments de musique dans le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada.
[Traduction]
M. Elliott : Au début de notre démarche, nous visions l’harmonisation, avec la United States FAA Modernization and Reform Act of 2012, des règlements sur le transport d’instruments de musique par des compagnies aériennes commerciales. Cette loi a radicalement changé la vie des musiciens américains qui voyagent en avion avec leur instrument à des fins professionnelles. Nous tenons beaucoup à ce que le Canada adopte le même type de loi. Vous trouverez avec notre mémoire la brochure intitulée AFM guide to flying with musical instruments, préparée aux États-Unis pour les musiciens après les avoir consultés et avoir promulgué des lois.
Vous trouverez aussi la fiche d’information que l’ACSTA a préparée pour les musiciens sur les procédures de sécurité à suivre ainsi que le nouveau concept ACSTA Plus déjà appliqué dans plusieurs aéroports canadiens.
[Français]
Mme Schutzman : Les musiciens qui voyagent à des fins professionnelles ont des étuis de forme inhabituelle. En général, les musiciens qui jouent de petits instruments n’ont pas de problème à apporter leur instrument en cabine. Il en va autrement pour les gros instruments.
Ce sont les violoncelles qui posent le plus de problèmes. Ces instruments en bois sont souvent fragiles et très vulnérables aux écarts de température, qui peuvent les endommager de manière irréversible.
Les instruments appartenant à des musiciens professionnels sont souvent très anciens et hors de prix. Les violoncellistes qui voyagent par avion doivent, normalement, acheter un autre siège pour leur instrument et se font parfois interdire de l’apporter à bord. Tout problème peut aboutir à la perte de possibilité d’emploi, de travail et de revenu.
Certains d’entre vous connaissent peut-être la chanson United Breaks Guitars, de David Carroll, inspirée d’un incident qu’il a vécu. En effet, le guitariste a été forcé d’enregistrer son instrument en soute, et, une fois arrivé à destination, l’a retrouvé en mille morceaux.
Nos instruments font partie de nous-mêmes. Quand il faut enregistrer un instrument, c’est comme enregistrer un bébé.
[Traduction]
M. Elliott : Nous félicitons Air Canada d’avoir dirigé l’initiative visant à aborder ces problèmes et le gouvernement du Canada de tenir compte des instruments de musique dans les droits des passagers aériens. Nous en attendons l’entrée en vigueur avec impatience. Nous sommes très heureux de participer à l’élaboration de ces règlements pour faciliter la vie des musiciens qui voyagent et pour assurer la sécurité de leurs instruments.
Nous sommes vraiment heureux que l’on applique une même politique dans tout le secteur afin que les musiciens puissent organiser leurs déplacements avec leurs instruments sachant qu’ils arriveront sans incident et à l’heure à leur entrevue ou à leur concert.
Permettez-moi de conclure en citant l’observation que l’une de nos membres, une musicienne de grande renommée, Mme Buffy Sainte-Marie, a prononcée au Sénat du Canada qui la remerciait de la grande contribution qu’elle avait apportée à la musique canadienne. Dans son discours, elle a demandé au gouvernement de faciliter les règlements pour que les musiciens puissent voyager avec leur instrument. Elle a cité l’exemple d’un musicien qui avait dû payer 1 367 $ pour sa valise et une guitare légère.
Au nom de tous les musiciens du Canada, nous vous remercions d’avoir inclus nos instruments dans la liste des droits des passagers aériens. Nous vous remercions pour ces travaux et nous vous prions de progresser le plus rapidement possible pour que nous ayons des règlements efficaces pour toutes les parties. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Que permet-on aux musiciens, aux États-Unis?
M. Elliott : La loi sur la Federal Aviation Administration, la FAA, permet aux musiciens de transporter leur instrument avec eux dans la cabine s’il s’insère bien dans le compartiment supérieur; elle ne précise pas de taille maximale. Le poids est limité à 160 livres, si je ne m’abuse. Une fois que l’instrument est rangé dans le compartiment, on ne peut pas demander au passager de l’en retirer. Les musiciens entrent parmi les premiers dans l’avion afin de pouvoir ranger les étuis de forme inhabituelle dans le compartiment.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma première question a été posée par le président, mais je veux d’une part vous féliciter et vous remercier pour votre travail, tant comme défenseur des musiciens que comme musicien vous-même. Vous faites beaucoup pour notre pays.
Vous nous avez dit que vous aviez très hâte de pouvoir travailler à la réglementation; selon vous, que devrait contenir cette réglementation pour vraiment répondre aux besoins des musiciens?
[Traduction]
M. Elliott : Nous désirons avant toute chose une politique qui s’applique dans toute l’industrie. Notre plus grand problème, à l’heure actuelle, est le manque de cohérence. Donc dans sa forme la plus simple, une politique qui s’applique à tous.
[Français]
Le sénateur Cormier : Inconsistence, à quel niveau?
[Traduction]
M. Elliott : Nous voudrions que toutes les lignes aériennes doivent observer les mêmes règles pour que leur personnel reçoive une bonne formation et connaisse la politique. De cette façon, les musiciens qui voyagent comprendront leurs droits et les règles qui les protègent.
[Français]
Mme Schutzman : Les avions doivent avoir un filet à bagages et parfois les avions n’ont pas cet équipement.
[Traduction]
Ils sont censés en être munis, mais ce n’est pas toujours le cas. On pourrait ainsi retenir un gros instrument, comme un violoncelle, dans un siège.
[Français]
Le sénateur Cormier : Certains membres du public ont été surpris en constatant qu’on incluait la question des instruments de musique dans ce projet de loi, que pouvez-vous nous dire sur la question des assurances liées aux instruments de musique?
[Traduction]
M. Elliott : Les musiciens peuvent prendre une assurance sur leur instrument. Nous demandons simplement une politique qui serait appliquée partout de la même façon. Nous ne vous en demandons pas plus pour le moment.
Mme Schutzman : Les instruments sont des objets très personnels. Chaque violoncelle a ses caractéristiques personnelles. Les bassons aussi, même s’ils viennent d’une même fabrique. Voilà pourquoi nous nous exclamons souvent que nous ne pouvons pas accorder notre instrument, parce que le fabricant l’a fait avant nous. Chaque instrument a ses propres qualités.
Il existe en fait une compagnie d’assurances au Canada qui assure les changements de ton. Je ne pense pas qu’elle offre ses services aux États-Unis. Cependant, quelle que soit la somme accordée pour un changement de ton, celui-ci ne reviendra plus jamais à la normale. L’instrument est fini. Le vernis a fondu. Ces éléments ne se remplacent pas.
Le président : Que fait-on au Canada, à l’heure actuelle?
M. Elliott : Vous parlez des lignes aériennes?
Le président : Oui.
M. Elliott : Chaque ligne aérienne applique sa propre politique, et ces politiques sont toutes différentes. Bien souvent, le personnel ne connaît même pas la politique. Cela rend les choses difficiles quand un musicien arrive à l’aéroport avec son instrument d’une taille inhabituelle. J’ai reçu des appels de musiciens qui me disaient que le personnel ne les laissait pas embarquer avec leurs instruments et qu’il refusait de les entreposer dans la soute. On leur dit d’expédier leurs instruments par fret aérien, mais comme ils ne sont pas propriétaires d’entreprise, les services de fret ne veulent pas faire affaire avec eux.
Ces musiciens travaillent un peu partout au pays. Ils sont pris de panique. C’est une expérience affolante. Comme l’a dit Francine, les instruments sont des objets très personnels. On ne peut pas venir de Vancouver à Toronto pour donner un concert et louer un instrument sur place. L’instrument est très personnel, individuel. C’est un peu comme si nous essayions de monter dans l’avion avec notre mallette et nos documents et que le personnel de la ligne aérienne nous interdisait d’amener la mallette avec nous. Qu’allons-nous faire quand nous arriverons à destination?
Les musiciens sont donc obligés de prendre une décision terrible: vont-ils monter dans l’avion ou non? Comment régler ce problème? À l’heure actuelle, nous nageons dans un vrai embrouillamini de règlements disparates.
Le président : J’ai une autre petite question. Quand un avion de Delta Airlines va de Saskatoon à Minneapolis, son personnel observe-t-il les règlements américains, ou canadiens?
M. Elliott : Je n’en ai aucune idée.
Le président : Je comprends.
La sénatrice Bovey : Merci pour vos exposés. Le transport des instruments de musique est très important. Ce que vous nous avez dit m’a beaucoup intéressée.
Ma question s’adresse à Mme Pavlovic. Vous avez dit des choses très intéressantes au sujet du projet de loi, des règlements et du rôle de l’Office des transports du Canada, l’OTC. Êtes-vous sûre que l’on insérera les règlements nécessaires dans le projet de loi?
Ensuite, des trois éléments dont vous avez parlé, lequel est le plus important? S’agit-il de l’amendement sur le statut des tiers? Si l’on vous accordait un seul de ces éléments, lequel choisiriez-vous?
Mme Pavlovic : Je vais répondre d’abord à votre deuxième question. Je crois que des trois éléments, je choisirais l’adoption de ce projet de loi pour que l’on accorde les mêmes droits à tous les consommateurs. Les lignes aériennes accordent toutes des droits différents. Une semaine vous voyagez avec la compagnie A et la semaine suivante avec la compagnie B, et vos droits sont chaque fois différents. Je choisirais donc l’adoption du projet de loi, puis celle des règlements pour que toutes les compagnies aériennes accordent les mêmes droits aux passagers.
J’en arrive donc à votre première question. En ce qui concerne les règlements, je suis prête à donner le bénéfice du doute au gouvernement. Le ministre et le PDG de l’OTC ont annoncé officiellement que les règlements entreront en vigueur très bientôt. Je ne m’inquiète pas du fait que les droits ne soient pas mentionnés dans le projet de loi, parce que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, a élaboré pour les consommateurs un code similaire, le Code des services sans fil, sans intervention législative. Il se trouvait tout entier dans les règlements. Ce processus s’est avéré très efficace. Il incluait tous les enjeux nécessaires. Le public a eu d’amples occasions d’exprimer ses opinions. Le sans-fil fonctionne très bien depuis et il a apporté beaucoup de changement.
D’après ce que nous avons entendu dire et ce qui s’est dit officiellement, je n’ai aucune raison de ne pas penser que ces règlements seront mis en place.
La sénatrice Bovey : Me permettez-vous une question de suivi rapide?
Le président : Oui.
La sénatrice Bovey : Le statut d’un tiers…
Mme Pavlovic : … est essentiel. Comme vous l’avez entendu, l’industrie s’inquiète du fait que cela encouragera l’industrie artisanale de l’intervention des tiers pour les consommateurs. À mon avis, si l’on établit un système efficace dans lequel les droits sont clairement définis et si les consommateurs en sont bien informés, il ne sera pas nécessaire que des tiers interviennent au nom des consommateurs.
Il est cependant crucial de prévoir une certaine forme d’intervention par des tiers pour remettre en question certaines pratiques systémiques. Les règlements pourront décourager la croissance d’une industrie de petits plaignants tout en permettant à des tiers et à des organismes d’intérêt public de déposer des plaintes.
Le sénateur Plett : Je remercie nos témoins. Dans une autre vie, quand j’étais entrepreneur, j’envoyais souvent des membres de mon personnel dans des communautés du Nord du Manitoba ou du Nord-Ouest de l’Ontario. Ils amenaient avec eux des pièces de rechange et leur boîte à outils pour réparer un système de chauffage qui était tombé en panne en plein hiver. Il fallait qu’ils se rendent sur place pour le réparer.
Ils montaient dans l’avion, mais leur boîte à outils se retrouvait à Sioux Lookout ou à Winnipeg, et ils ne pouvaient pas faire leur travail. En un certain sens, je comprends les musiciens qui arrivent à destination sans violoncelle ou sans un autre instrument. Que vont-ils faire une fois arrivés? Je les comprends tout à fait.
Vous nous dites que vous désirez de la cohérence, et je comprends cela. Cependant, il ne faudrait pas que toutes les lignes aériennes oublient d’amener les instruments, vous ne voulez pas cela bien sûr. Il nous faut de la cohérence, parce que la situation actuelle n’est pas bonne.
Mme Schuzman parlait de placer ces instruments dans un siège, mais on pourrait se demander si les musiciens seraient heureux de débourser 600 $ pour voler à côté de leur instrument. C’est une des questions à se poser, et il y en a une autre: les animaux voyagent dans la soute, donc la pression et la température sont sous contrôle. Ne pourrait-on pas arrimer fermement cet instrument dans la soute à bagages? Je ne crois vraiment pas que les gens soient prêts à payer 600 ou 700 $ pour voyager à côté de leur instrument. Peut-être qu’ils le feraient, cependant.
M. Elliott : Je vous remercie de poser cette question. Je vais vous y répondre de deux ou trois façons. Nous avons remercié Air Canada d’avoir répondu à notre requête quand nous avons lancé ce processus il y a environ trois ans sous le gouvernement précédent. Le bureau de l’honorable Lisa Raitt, qui était la ministre des Transports à l’époque, nous a encouragés à soumettre une demande dans le cadre du rapport de David Emerson. Nous l’avons fait, et nous avons ainsi déclenché ce processus.
Au cours de ce processus, Air Canada a modifié sa politique. Il est évident que tous les instruments sont différents. Il faudrait parler de chaque situation, mais nous avons choisi l’exemple du violoncelle, un instrument de grande taille qui ne rentre pas dans le compartiment supérieur de la cabine de l’avion.
Le sénateur Plett : Rentrerait-il dans un siège?
M. Elliott : Oui. Il y a une politique pour cela. En fait, Air Canada a modifié sa politique parce que les violoncellistes avaient pris l’habitude d’acheter deux sièges, un pour eux et un pour leur instrument. Cependant, il est arrivé que l’instrument perde sa place.
Le sénateur Plett : L’instrument ne pouvait pas résister quand on le forçait à sortir de l’avion.
M. Elliott : Il ne boit pas et ne mange pas non plus. Alors Air Canada a modifié sa politique pour permettre au passager d’acheter un siège pour son instrument à prix réduit.
Mme Schutzman : À moitié prix, je crois.
M. Elliott : À moitié prix si le passager achète son billet à un certain niveau du tarif. Nous avons donc fait un pas en avant. Alors pour répondre à votre question, oui, certains musiciens sont prêts à payer un siège pour leur instrument.
Il y avait une deuxième partie à votre question.
Le sénateur Plett : Oui, sur le fait que l’atmosphère de la soute est sous contrôle. Mais avant que vous y répondiez, le violoncelle se range facilement là. Je ne sais pas comment vous appelez les immenses guitares, ce sont des guitares basses? Il serait très évidemment difficile de les ranger dans bien des avions dans lesquels nous voyageons.
M. Elliott : Vous avez raison.
Mme Schutzman : Il existe des étuis pour les guitares basses qui sont très, très solides. Les violoncelles sont cependant plus petits, plus vulnérables aux changements et plus faciles à endommager. Leur bois est plus mince. Quant aux animaux, je ne sais pas si vous avez lu les rapports les plus récents, mais les animaux ne sont pas toujours bien pendant le transport.
Le sénateur Plett : On les transfère parfois sur le mauvais avion.
Mme Schutzman : Et ils arrivent à la mauvaise destination, oui, et quelques-uns sont morts aussi. J’ai aussi entendu parler de musiciens qui avaient payé le plein prix pour leur violoncelle et qui se sont bien rendus à destination, mais qui n’ont pas pu retourner chez eux avec leur instrument parce que tout d’un coup, l’équipage avait décidé de ne pas leur permettre de voyager avec leur instrument. Voilà pourquoi il nous faut de la cohérence.
Le sénateur MacDonald : J’ai des questions pour les deux groupes de témoins. Je crois que je vais m’adresser d’abord à Mme Pavlovic. Vous nous avez dit que vous seriez d’accord de confier l’élaboration d’une déclaration des droits des passagers à l’OTC pour qu’il fixe des règlements et des lignes directrices à cet effet. Que pensez-vous de l’idée de prolonger les retards de 90 minutes à trois heures?
Mme Pavlovic : Je suis professeur de droit, alors je me base sur les livres de droit. La période de retard de 90 minutes sur l’aire de trafic se trouve initialement dans le code d’éthique des transporteurs aériens. Il s’agit d’un code que l’industrie s’impose volontairement; ce n’est pas une loi. En outre, il n’est efficace que lorsqu’on l’applique dans le cadre d’un tarif.
Je vais donc vous lire, si vous me le permettez, la déclaration d’Air Canada au sujet de ses tarifs, que j’ai imprimée ce matin:
Air Canada ne permettra pas qu'un appareil reste sur l'aire de trafic d'un aéroport américain ou canadien plus de quatre (4) heures. Avant que ces quatre (4) heures soient écoulées, Air Canada ramènera l'avion à la porte ou à un autre endroit approprié…
Air Canada n’applique pas vraiment cette période de retard de 90 minutes sur l’aire de trafic. WestJet le fait, mais il offre ce qui suit:
Si le retard dépasse 90 minutes et que les circonstances le permettent, WestJet offrira aux passagers la possibilité de descendre de l’aéronef jusqu’au moment du départ.
Il en est de même dans le cas d’Air Transat. En fait, Air Transat prévoit une période de retard de 90 minutes à la porte d’embarquement et de quatre heures sur l’aire de trafic, et Sunwing affiche le même contenu. Cette période d’attente de 90 minutes est une disposition volontairement insérée dans le code d’éthique de l’industrie, donc elle ne fait pas loi. De ce point de vue, les passagers ne peuvent pas se prévaloir de ces droits, car ils diffèrent d’une ligne aérienne à une autre.
En outre, nous ne disposons d’aucune donnée. Nous n’avons pas assez de renseignements pour savoir combien de lignes aériennes retournent à la porte au bout de 90 minutes, combien d’entre elles permettent aux passagers de sortir de l’avion et combien permettent aux passagers d’accéder aux installations sanitaires et leur offrent de la nourriture, et cetera. De ce point de vue, ces lignes directrices claires, qu’il s’agisse de 90 minutes, de trois heures ou de cinq heures, donnent des chiffres arbitraires. Mais il n’est pas nécessairement vrai que nous en retirons des avantages, parce que tous les tarifs sont très incohérents.
Je ne peux pas vous donner de chiffres clairs, parce que nous n’avons pas de données. Mais je suis sûre qu’une fois que cela sera en place, si nous fixons une période de retard de trois heures et que nous remarquons qu’elle est trop longue, nous pourrons entamer le processus de remise en question et modifier ce chiffre.
Le sénateur MacDonald : Je suppose que vous avez plus ou moins répondu à ma question. Je voudrais que vous me disiez ce que serait pour vous une période de retard raisonnable. Je sais que c’est arbitraire, mais si j’avais le choix de rester enfermé dans un avion pendant 90 minutes ou pendant cinq heures, je sais ce que je préférerais.
Mme Pavlovic : Je ne peux pas vous citer un chiffre sans consulter des données sur ce qui se passe à l’heure actuelle. Autrement dit, je pense que nous n’avons pas assez de données sur ce que fait chaque ligne aérienne dans chaque aéroport pour savoir à quel point ces périodes de retard sont fréquentes.
Le sénateur MacDonald : Vous devez avoir une opinion sur la période qui serait raisonnable.
Mme Pavlovic : Bien sûr, mais mon opinion serait arbitraire, et je ne veux pas vous citer un chiffre sans vraiment savoir ce qui se passe.
Le président : Vous voulez dire que vous ne pouvez pas estimer au bout de combien de temps vous deviendriez folle? Une heure et demie ou deux heures?
Mme Pavlovic : Il est bien évident que tous les retards sont regrettables, n’est-ce pas? Mais un retard de 90 minutes est bien moins grave qu’un retard de trois heures. Cela dépend aussi beaucoup de ce qui se passe pendant ces 90 minutes ou pendant ces trois heures.
Le sénateur MacDonald : Il me reste une dernière question à poser.
Le président : Allez-y.
Le sénateur MacDonald : Quand nous parlons d’instruments de musique, je suppose qu’il s’agit de grands instruments mobiles. Il est bien évident qu’un pianiste ne va pas traîner son instrument d’un bout à l’autre du pays. Un violoncelle est un instrument assez grand. Une harpe mobile est aussi très grande, mais elle l’est probablement trop pour qu’on la transporte par avion.
Quelles sont donc les limites? Quelles limites raisonnables pourrait-on fixer pour transporter ces instruments par avion?
M. Elliott : Je crois que cela dépend de l’avion. Je voyage considérablement, et j’ai appris à choisir les avions qui me laissent un peu plus d’espace que les autres.
Nous pouvons éduquer un peu nos musiciens à ce propos. Je pense aussi que cette question relève du processus de réglementation.
Le problème, maintenant, est le fait que nous cherchons à harmoniser nos règlements à ceux des États-Unis. Si nous harmonisons les règlements, un voyage de Saskatoon à Minneapolis se fera sans accrocs. Il me semble que tout dépend de la taille de l’avion.
Aux États-Unis, la FAA a terminé ce processus, et certaines dispositions de sa loi, la FAA Modernization and Reform Act, sont très efficaces, comme le fait d’accepter les instruments qui s’insèrent bien dans le compartiment supérieur de la cabine. Cette loi facilite aussi l’achat d’un second siège pour les instruments comme le violoncelle. Nous savons que pour les lignes aériennes, la sûreté et la sécurité sont primordiales. Quels que soient les objets que les passagers transportent, ils doivent être solidement arrimés pour ne pas blesser d’autres passagers. Nous serons certainement en mesure de réglementer une condition si raisonnable.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de vous être joints à nous. Ma question s’adresse à Mme Pavlovic. Vous nous avez dit que la Déclaration des droits des passagers aériens est cruciale, qu’elle est très importante. Vous avez aussi dit que le projet de loi C-49 ne prévoit pas la création de cette déclaration des droits et que vous êtes prête à donner le bénéfice du doute au gouvernement. Vous avez ajouté qu’au paragraphe proposé 86.11(1) se trouve seulement une longue liste des enjeux et que l’OTC est le mieux placé pour diriger la création de cette déclaration des droits.
D’abord, de tous les enjeux mentionnés à l’article 86.11, lesquels sont essentiels? Vous nous dites que cette liste est longue, alors il doit y avoir des enjeux prioritaires et d’autres qui n’ont pas autant d’importance. Une fois que le projet de loi sera adopté, combien de temps faudra-t-il attendre la Déclaration des droits? Un an? Cinq ans?
Mme Pavlovic : Aussitôt que possible, à mon avis. Si j’en crois l’expérience vécue lors de la création du Code des services sans fil, il faut un certain temps aux fournisseurs pour mettre en place la déclaration des droits. Dans le cas du code, la période initiale a duré six mois. Dès que le Code des services sans fil est entré en vigueur, il a fallu six mois aux fournisseurs pour le faire.
L’organisme de réglementation a décidé pendant les consultations de la durée qui conviendrait le mieux. Une fois que le projet de loi sera adopté, il faudra adopter les règlements aussi rapidement que possible. Ensuite, il reviendra à l’OTC, en consultant le public sur les règlements, de déterminer le délai nécessaire à accorder à l’industrie pour mettre en œuvre tous les changements.
Tout dépendra des types de changements. Dans le cas des télécommunications, il fallait apporter des changements au système et changer les modes de facturation. Dans le cas qui nous occupe, il faudra voir s’il sera nécessaire de modifier des infrastructures ou des politiques, il faudra former le personnel, et cetera. Voilà ma réponse à votre question sur le délai à accorder.
Quant à la liste des enjeux, si vous désirez en ajouter, j’en serai ravie. D’un autre côté, je ne pense pas qu’il faille retirer des enjeux de cette liste.
La sénatrice Galvez : Alors qu’y ajouteriez-vous?
Mme Pavlovic : Le groupe de témoins qui nous suit vous le dira. Selon moi, les questions d’accessibilité sont très importantes. Le transport d’appareils d’accessibilité, comme les fauteuils roulants, les marchettes et autres, est très important.
On s’efforce de régler les problèmes que causent les listes d’interdiction de voler pour les enfants en suivant un mécanisme différent, mais nous pourrions y ajouter d’autres problèmes. À mon avis, les questions d’accessibilité sont très importantes.
Pour répondre à votre question, je vous dirai que nous ne devrions rien ôter de cette liste. Vous pourrez y ajouter des enjeux, mais pas en retirer.
Le président : À votre avis, combien de temps le processus d’audiences durera-t-il?
Mme Pavlovic : Le CRTC a suivi des procédures différentes pour le Code des services sans fil. L’audience a duré à peu près une semaine, mais il y a eu un délai entre la fin de l’audience et l’arrivée des propositions. Il faut en général environ six mois au CRTC pour rendre une décision.
Le président : Les audiences sont-elles publiques?
Mme Pavlovic : Elles le sont toutes. Un grand nombre de particuliers et de groupes y ont participé ce qui, à mon avis, est essentiel pour adopter un règlement. Le PDG de l’OTC vous a dit officiellement qu’il comptait l’adopter dans trois mois.
Le sénateur Manning : Je vous remercie de nous avoir présenté vos allocutions ce matin. J’ai deux ou trois questions à vous poser sur les instruments de musique. À Terre-Neuve-et-Labrador, d’où je viens, la plupart des musiciens se déplacent en avion, à moins qu’ils préfèrent le traversier ou qu’ils sachent marcher sur les eaux. Par conséquent, ce problème est grave pour eux. Au cours des années, j’ai entendu de nombreux musiciens se plaindre que les lignes aériennes avaient endommagé ou même perdu leur instrument parce qu’on ne leur avait pas permis de les prendre avec eux dans la cabine.
J’ai quelques préoccupations. Je comprends que vous désiriez de l’uniformité, mais parfois, les règlements ne nous reviennent pas en comité. Nous étudions les projets de loi. Votre industrie envisage-t-elle de demander une date d’échéance pour l’entrée en vigueur de ces règlements? Certains projets de loi contiennent un amendement, ou autre chose, exigeant que le gouvernement mette la loi en vigueur dans les délais exigés. Votre organisme y a-t-il pensé?
M. Elliott : Non. Nous travaillons à cela depuis trois ou quatre ans, et nous savons qu’il a fallu plusieurs années pour que la loi des États-Unis entre en vigueur. Nous nous efforçons d’être patients. Nous tenons à collaborer et non à créer des conflits. Bien que les États-Unis soient différents de notre pays, les avions sont de la même taille, et les problèmes sont à peu près les mêmes. La FAA a accompli le plus gros de notre travail, et nous espérons pouvoir nous en servir. Nous avons déjà montré les documents que nous vous remettons aujourd’hui au CRTC, qui les trouve excellents. Nous attendrons aussi longtemps qu’il le faudra. Les Terre-Neuviens sont généralement patients. Je suppose que ma réponse n’est pas fantastique, mais évidemment que le plus tôt sera le mieux.
Le sénateur Manning : L’OTC vous a-t-il indiqué à peu près à quelle date il pense que les règlements entreront en vigueur?
M. Elliott : Non, je n’en ai aucune idée.
Le sénateur Manning : Je sais que si je pars en voyage aujourd’hui et que la ligne aérienne endommage ou perd mes valises, elle me remboursera. Cependant, il y a toute une procédure à suivre pour cela. L’année dernière, j’ai entendu parler d’un musicien de Terre-Neuve dont une ligne aérienne a endommagé un appareil de musique d’une valeur de 2 000 $. Il se bat encore pour obtenir un remboursement. D’après les photos, l’appareil est cassé.
Je sais que les musiciens peuvent contracter une assurance, mais celui-ci ne l’avait pas fait. Que pourrions-nous faire, ou même suggérer, pour que les musiciens reçoivent un remboursement lorsqu’un appareil entre dans l’avion en parfait état et en ressort détruit? Que faire pour éviter aux propriétaires de mener une lutte qu’il est souvent très difficile à gagner?
M. Elliott : C’est une bonne question. Je le répète, nous encourageons nos musiciens à contracter une police d’assurance. D’un autre côté, ces polices sont limitées et ne couvrent pas la valeur réelle d’un grand nombre d’instruments de musique. Je ne trouve pas cela réaliste. Ce serait merveilleux, mais je suppose que nous devons apprendre à être réalistes et à accepter les règles qui seront fixées sur le dédommagement. Mais je le répète, nous encourageons les musiciens à prendre une assurance personnelle. Ce sont deux choses très distinctes.
Le sénateur Mitchell : Je vous remercie tous pour vos allocutions. Je suis très heureux des initiatives que vous nous décrivez pour protéger les instruments de musique. Je fais du vélo dans bien des régions du monde, et mon vélo est aussi un appareil finement ajusté. Je me demande si nous devrions fixer des règlements pour cela aussi. L’analogie du sénateur Plett sur les outils m’a frappé. J’imagine le sénateur Plett assis près de la fenêtre avec une boîte de clés à molette attachée dans le siège qui nous sépare. Je me demande si nous pourrons ajouter cela aux règlements.
Le président : Un vélo? Mais c’est tout différent!
Le sénateur Mitchell : Vous parlez comme ma femme.
Le président : Voilà une dame intelligente.
Le sénateur Mitchell : Oui, c’est certain. Madame Pavlovic, à propos des conséquences qu’entraînent les périodes de retard et les différentes durées de ces périodes, j’aurais besoin d’un éclaircissement. Vous nous dites que dans certains cas, une période de trois heures améliorerait la situation présente et que dans d’autres cas, lorsque la ligne aérienne s’efforce de limiter le retard à 90 minutes, la période de trois heures améliorerait aussi la situation, parce que l’on ne peut absolument pas promettre de s’en tenir à 90 minutes. Pouvez-vous me confirmer que j’ai bien compris? Je vois que vous hochez la tête.
Mme Pavlovic : Oui, je vous le confirme.
Le sénateur Mitchell : Il y a deux situations comprenant un retard de trois heures. La première consiste en un prolongement d’un retard de 90 minutes à trois heures, après quoi il y a des conséquences. Alors que dans la seconde, le retard dépasse légèrement les 90 minutes, et l’on considère cela comme une petite marge de manœuvre qui n’entraîne pas de conséquences.
Il est également important de trouver le juste équilibre en élaborant ces politiques. En effet, ces retards risquent de causer l’annulation de vols, les passagers risquent de manquer leurs correspondances, et d’autres avions partiront vides. Les coûts grimpent lorsqu’on permet aux passagers de sortir de l’avion et qu’ils n’y rentrent pas à temps pour que l’avion rattrape les correspondances. Est-ce que je me trompe?
Mme Pavlovic : Vous avez raison, et je dirais même qu’aucune ligne aérienne ne garde les passagers dans l’aire de trafic pour le plaisir. En général, elles sont obligées de le faire à cause de la météo ou parce que l’aéroport est congestionné ou encore à cause d’une panne du système informatique, comme il est arrivé il y a deux ou trois semaines.
Vous avez raison. À mon avis, il faudra établir un équilibre entre la durée de retard raisonnable et un mécanisme d’application du règlement assez puissant pour que dès que le retard atteint sa 91e minute ou dure trois heures et cinq minutes, la ligne aérienne dédommage ses passagers et subisse des pénalités. Je pense qu’il faudra pour cela améliorer le système. Nous espérons tous l’automatisation des dédommagements des passagers et nous voulons que les lignes aériennes subissent aussi des pénalités afin de les motiver à améliorer leur service à la clientèle.
Le sénateur Mitchell : Et les participants comme vous au processus réglementaire veilleront fortement à instaurer cela.
Mme Pavlovic : J’espère y participer et apporter toute ma contribution possible à ce processus. Mais vous savez comment vont les choses. Nous participons, puis le processus reprend le dessus, et un règlement sort à la toute fin.
Le sénateur Mitchell : En ce qui concerne les tiers qui déposent des plaintes pour les consommateurs, je pense que cela ne causera pas de grands problèmes, parce que nous disposerons de règlements définitifs, cohérents et officiels fondés sur la Charte des droits et libertés, n’est-ce pas?
Mme Pavlovic : En théorie, oui. Il faudra que l’on produise une déclaration des droits claire et précise, que l’on informe efficacement les consommateurs pour qu’ils connaissent bien leurs droits et que le processus soit assez simple pour qu’ils puissent présenter leurs requêtes eux-mêmes. Il n’y aura donc plus besoin de les aider à le faire. Toutefois, il demeurera nécessaire de remettre en question certains éléments du système auxquels les consommateurs ne s’intéressent pas nécessairement ou qu’ils ne pourront pas contester eux-mêmes.
Le sénateur Mitchell : Évidemment, si j’ai une plainte, je peux demander à un organisme tiers de m’aider à la déposer. Ce n’est là que la moitié du problème. Si un élément que les tarifs ne comprennent pas encore ne figure pas dans la Déclaration des droits, on pourra toujours s’adresser à des tiers. Cela n’a pas changé. N’est-il pas vrai et logique que si ma plainte ne me concerne pas directement, il s’agit d’un problème de politique? Le fonctionnement gouvernemental comprend des centaines de domaines politiques qui ne relèvent pas de l’organisme de réglementation qu’est l’OTC.
Donc, si je suis une tierce partie, une institution ou un organisme de consommateurs et que je n’ai pas de préoccupation précise, parce que ce n’est pas mon article qui a été perdu ou endommagé, j’ai alors un problème de politique. Dans notre démocratie, est-ce que je ne dispose pas de nombreuses façons d’élaborer cette initiative en matière de politique, par l’entremise de mon député, des comités sénatoriaux, du ministre, de la pression exercée par le public? C’est ainsi qu’on élabore une politique. On n’a pas d’OTC pour chaque secteur de politique publique.
Mme Pavlovic : Je vais être très prudente dans ma réponse. Les intérêts des consommateurs sont très diversifiés et très disséminés. Les consommateurs n’ont pas de groupes de pression ni une source de financement incroyable pour embaucher des lobbyistes. Donc, bien qu’il existe d’autres processus, comme celui-ci, qui n’est pas très accueillant et demande de la persévérance, les consommateurs n’ont pas ce pouvoir à titre individuel. On n’a pas au Canada un groupe unique qui représente tous les consommateurs pour toutes les questions liées à la consommation.
En ce qui concerne les questions de politique, bien qu’elles puissent être réglées ailleurs, l’accès à l’organe de réglementation par l’entremise d’une tierce partie qui a le statut de tiers est incroyablement important, parce qu’il s’agit de la façon la plus immédiate de changer ces politiques. Si nous pouvons trouver un système qui accordera plus de financement aux groupes de défense des consommateurs et aux organismes d’intérêt public, je serais fort heureuse d’en discuter en privé. Cependant, dans le climat actuel, les groupes de consommateurs ne jouissent pas vraiment d’un pouvoir particulier pour amener ce genre de changement en exerçant des pressions sur l’industrie.
Le sénateur McIntyre : Merci à tous de vos exposés. Ma question s’adresse à Mme Pavlovic.
Madame Pavlovic, l’automne dernier, vous avez présenté un mémoire au comité de la Chambre au sujet de cette question, mémoire dans lequel vous avez formulé huit recommandations, qui méritent toutes à mon avis d’être étudiées. Par exemple, dans les recommandations 6 à 10, vous avez abordé de bons points, notamment l’OTC comme fournisseur de règlement des différends, le statut de tiers, les recours collectifs, les chevauchements de régimes et les mesures d’application.
En ce moment, le projet de loi C-49 exigerait que l’OTC crée de nouveaux règlements au sujet des droits des passagers aériens. Cependant, certains soutiendraient que le projet de loi ne prévoit pas de sanctions en cas de non-respect de ces règlements. En outre, nous ne savons pas quelles seraient les sanctions, le cas échéant, contre les compagnies aériennes qui ne respecteraient pas ces futurs règlements. En ce qui me concerne, cela se résume en fin de compte à des sanctions et j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Pavlovic : Je vous dirais que cela revient à la question d’application de la loi et de la surveillance de la conformité. En théorie, ce sont là les mesures que l’organe de réglementation est le mieux placé pour juger, d’après la consultation publique. Encore une fois, il s’agit de mécanismes qui existent dans d’autres secteurs et je vous renverrai une fois de plus au CRTC, qui s’occupe aussi de suivi de la surveillance de la conformité et de l’application grâce à divers mécanismes.
Je pense que si vous voulez ajouter quelques-uns de ces éléments dans le projet de loi, vous devrez formuler le tout minutieusement, parce que nous ne savons pas à quoi ressemblera la réglementation et quelles seront les mesures d’application. En théorie, tous les billets d’avion pourraient être émis par l’entremise d’un contrat de chaîne de blocs qui s’appliquerait automatiquement, mais nous n’en sommes pas encore là.
On pourrait mettre en place différentes mesures et je pense qu’à ce moment-ci, il faut procéder une étape à la fois. Il pourrait s’agir d’un processus itératif. S’il y a des inquiétudes au sujet de l’OTC, le projet de loi n’est pas nécessairement le bon mécanisme pour les aborder, du moins de mon point de vue. Peut-être, mais il existe d’autres mécanismes pour le faire.
Le sénateur McIntyre : Dans un procès criminel, lorsqu’un juge préside un procès avec jury, il est le maître du droit et le jury est le maître des faits. Ici, il me semble que l’OTC veut être juge et jury. Il veut être les deux.
Mme Pavlovic : J’inviterais à la prudence et ne pas comparer des affaires criminelles et civiles, parce que ce sont deux choses très différentes.
Le sénateur McIntyre : Je donne tout simplement un exemple.
Mme Pavlovic : Mais je pense que l’on peut s’inquiéter du fait que l’organe de réglementation est en même temps l’organe de règlement des différends et, en télécommunications, ce n’est pas le cas. Il y a un ombudsman de l’industrie qui est complètement privé, financé par l’industrie, doté d’un conseil des parties concernées dont je fais partie pour m’assurer qu’il est indépendant de l’industrie. Donc, le mécanisme de règlement des différends est indépendant. Voilà une option. Cependant, ailleurs, dans d’autres secteurs, pas nécessairement uniquement dans le cas des compagnies aériennes, vous avez les deux modèles et les deux peuvent fonctionner.
Ma préoccupation en ce qui concerne l’OTC, c’est que le nombre de plaintes fondées sur le présent projet de loi va être considérable et que l’OTC devra modifier les politiques internes de règlement des différends pour devenir plus efficace. Par contre, il va être inondé de plaintes s’il continue avec le processus actuel.
Le président : Une fois qu’il décide ce qui devrait figurer dans la déclaration des droits, est-ce qu’il faut alors une loi?
Mme Pavlovic : Non. Tout figurera dans le règlement, ce qui facilitera les modifications. Ce point est très important: si tout se trouvait dans la loi, les modifications prendraient beaucoup de temps. Dans l’Union européenne, ils ont amorcé leurs modifications à la directive en 2013 et ils n’en sont pas encore là. Cela fait cinq ans.
Il est plus facile de modifier des règlements. Ils sont beaucoup plus souples et peuvent mieux réagir aux changements du marché.
Le président : Je suis désolé, sénateur McIntyre. Avez-vous autre chose à ajouter?
Le sénateur McIntyre : Non.
Le président : Parfait, nous avons terminé, à moins que quelqu’un n’intervienne au deuxième tour.
La sénatrice Bovey : Puis-je poser une question au deuxième tour?
Merci de ce que vous avez dit. Je vais revenir à la question de l’UE pendant un instant, si vous me le permettez. Mes collègues m’ont entendue parler de cette question auparavant: le moment du remboursement. Je vais être honnête et dire qu’il s’agit d’une affaire personnelle touchant un membre de la famille qui est cycliste. L’avion a été retardé, le remboursement devait venir et il n’était pas inquiet pour ce qui est de l’obtenir. La bicyclette a fini par arriver, de même que les bagages, mais la réclamation était passablement importante. Il a demandé le remboursement.
Trois mois plus tard, il a obtenu un chèque représentant le tiers de la somme. Il a alors présenté une nouvelle demande. Trois mois plus tard, il a reçu un chèque représentant le deuxième tiers. Il a de nouveau présenté une demande et trois mois plus tard il a reçu un chèque représentant le dernier tiers. Il se trouve qu’il est suffisamment perspicace pour faire cela et il a tout simplement continué d’insister.
Ce qui me préoccupe, c’est le voyageur qui ne sait pas quoi faire et qui n’est peut-être pas aussi perspicace et ne sait pas qu’il doit présenter la deuxième et la troisième demandes.
J’aimerais que vous parliez du délai et du processus, surtout s’il n’y a pas de tierce partie.
Mme Pavlovic : J’ajouterai que même si nous considérons le modèle européen comme un excellent modèle, dans toute question reliée aux consommateurs, il y a toujours des consommateurs qui sont conscients qu’ils ont des droits et qui cherchent effectivement à obtenir réparation. Donc, il y a environ deux ans, l’Organisation européenne des consommateurs a mené un sondage auprès des consommateurs et a constaté que seulement 30 p. 100 de ces derniers connaissent leurs droits lorsqu’ils prennent l’avion et que parmi eux, seulement 35 p. 100 ont effectivement déposé une plainte.
L’application des droits des consommateurs pose toujours problème. Cela revient en fin de compte à mon domaine de recherche immédiat — et je vous remercie d’avoir posé la question — d’informer en réalité les consommateurs. Il faudra déployer beaucoup d’effort pour s’assurer que les consommateurs connaissent leurs droits, parce que si vous ne savez pas quels sont vos droits, vous ne savez même pas qu’on y a porté atteinte pour commencer. Il s’agit donc de s’assurer que le mécanisme de règlement des différends est accessible et permet aux gens de porter plainte facilement. Il revient ensuite aux gens de décider si cela en vaut la peine ou non.
De mon point de vue, si je participe au processus de réglementation, ma plus importante contribution sera de déterminer comment nous informons les consommateurs. J’ai effectué beaucoup de recherches à ce sujet dans le domaine des télécommunications, qui se transfèrent toutes dans le présent domaine. Il s’agit en fait que l’information soit constamment disponible. À l’ère de la technologie, il suffira d’avoir une application grâce à laquelle vous pourrez porter plainte à votre sortie de l’avion. Cela faciliterait grandement la tâche.
Nous devons d’abord arriver à ce point avant de pouvoir même examiner la question de l’application de la loi.
Le président : Je remercie nos témoins. S’il n’y a pas d’autres questions, je vais excuser les témoins.
Nous allons maintenant poursuivre notre étude du projet de loi C-49. J’aimerais souhaiter la bienvenue à Diane Bergeron, vice-présidente, Mobilisation et Affaires internationales, Institut national canadien pour les aveugles, qui est accompagnée de Thomas Simpson, chef, Affaires publiques.
Nous accueillons également Bob Brown, coprésident du Comité des transports, Conseil des Canadiens avec déficiences; et Terrance Green, coprésident du Comité des transports, Conseil des Canadiens avec déficiences. Enfin, de Droits des passagers aériens, nous accueillons Gábor Lukács, fondateur et coordonnateur.
Merci d’être venus aujourd’hui. J’invite Mme Bergeron à nous présenter son exposé de quatre minutes.
Diane Bergeron, vice-présidente, Mobilisation et Affaires internationales, Institut national canadien pour les aveugles : Merci beaucoup. Je suis reconnaissante d’avoir la possibilité de vous adresser la parole aujourd’hui. Je suis la vice-présidente de la mobilisation et des affaires internationales de l’INCA et, comme l’a dit le président, Thomas Simpson, notre chef des affaires publiques, m’accompagne aujourd’hui.
L’INCA a été fondé en 1918 dans le but d’offrir des services aux anciens combattants aveugles ainsi qu’aux personnes rendues aveugles par suite de l’explosion à Halifax. Depuis 100 ans, nous offrons des services afin d’aider les personnes aveugles ou ayant une vision partielle à se déplacer dans leurs environnements et à être en sécurité dans leurs propres maisons grâce à des services de réadaptation et à certains de nos programmes communautaires et de soutien par les pairs. Demain soir, nous tiendrons une grande célébration au Musée de la guerre. J’espère que vous vous joindrez tous à nous pour souligner notre 100e anniversaire.
En 2012, quelque 750 000 personnes ont indiqué vivre avec des limitations visuelles. C’est beaucoup de gens qui ont perdu la vue et qui voyagent dans notre pays. De fait, j’effectue chaque année plusieurs voyages à l’étranger et beaucoup de voyages au pays, même au cours d’un mois. Étant une personne qui a perdu la vue, je suis confrontée à de nombreux obstacles, tout comme de nombreuses personnes qui vivent avec diverses déficiences.
Bien des gens que je connais qui voyagent et qui ont perdu la vue sont confrontés à des obstacles, qu’il s’agisse de l’accès à un espace supplémentaire pour un chien-guide ou un chien d’assistance à bord d’un avion. Essayer de placer un chien de 70 livres sous le siège devant vous et avoir encore suffisamment d’espace pour vos pieds n’est pas sécuritaire et, à mon avis, c’est cruel.
Un autre obstacle auquel nous sommes confrontés lorsque nous prenons l’avion est que le bouton d’appel des membres de l’équipage de cabine se trouve souvent sur l’écran tactile, complètement inaccessible à une personne qui ne peut pas voir cet écran. Je suis récemment allée au Japon et le bouton d’appel se trouvait sur l’écran. Heureusement, j’étais accompagnée par les membres de ma famille, mais plusieurs fois par année, je voyage seule et je n’ai personne pour m’aider à avoir accès à ces boutons ou même à pouvoir accéder à l’écran lui-même.
Cela crée tellement d’obstacles et il y a une multitude d’autres choses auxquelles nous sommes confrontés régulièrement lorsque nous prenons l’avion. Je serai heureuse de répondre à vos questions au sujet de ces obstacles le moment venu.
Entretemps, j’aimerais demander à Thomas de vous dire quelques mots au sujet de notre mémoire.
Thomas Simpson, chef, Affaires publiques, Institut national canadien pour les aveugles : Merci, Diane. Merci d’avoir mis en lumière certains des enjeux auxquels sont confrontés les Canadiens vivant avec une perte de vision lorsqu’ils voyagent. L’INCA appuie la création de la déclaration des droits des passagers aériens dans le projet de loi C-49. Cependant, nous recommandons que des modifications soient apportées au texte législatif de manière à y inclure une perspective des personnes avec des déficiences. Bien que le texte législatif vise à donner des droits aux Canadiens lorsqu’ils voyagent en avion, il ne prévoit pas de règlements renforcés qui seraient en vigueur pour les personnes vivant avec une perte de vision et pour les personnes avec déficiences.
Brièvement, l’INCA propose que le projet de loi C-49 soit modifié de façon à s’assurer que les modalités régissant les transporteurs aériens, de même les recours possibles contre un transporteur aérien, soient présentés dans un média substitut, ce qui comprendrait le braille ou un format en ligne ou électronique accessible.
De plus, l’INCA propose d’ajouter des dispositions de façon à inclure et prévoir des aménagements pour les personnes vivant avec une perte de vision, en particulier les personnes avec une perte de vision et des déficiences et, dans le cas des personnes qui ont recours à un chien-guide, un accès à des renseignements et des normes plus élevées relativement aux réservations en ligne. Vous trouverez les recommandations dans les mémoires fournis dans les deux langues officielles.
L’INCA vous remercie de votre temps et nous répondrons volontiers à vos questions.
Gábor Lukács, fondateur et coordonnateur, Droits des passagers aériens : Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie du privilège que vous m’accordez de comparaître devant vous aujourd’hui.
Je suis le fondateur et coordonnateur de Droits des passagers aériens, un réseau indépendant et à but non lucratif de bénévoles voués à l’émancipation des passagers par l’éducation, la défense des droits, la conduite d’enquêtes et l’initiation de poursuites.
Nous apportons un point de vue unique à votre comité, parce que nous n’acceptons aucun financement du gouvernement ou d’entreprises et que nous n’avons aucun intérêt commercial à l’égard du projet de loi C-49.
Nous représentons le point de vue des consommateurs, les passagers que nous aidons tous les jours à faire respecter leurs droits.
Même si le gouvernement a dépeint le projet de loi C-49 comme une amélioration des droits des passagers, ce n’est manifestement pas le cas. Le projet de loi cherche à supprimer ou réduire les droits dont les passagers jouissent déjà.
Imaginez que votre comité soit tenu en captivité dans un tube de métal doté d’ailes pendant trois heures avec une multitude d’autres personnes, avec peu ou pas de nourriture ou d’eau, des toilettes probablement engorgées, peu d’air neuf ou de chaleur et absolument aucun mot à dire à ce sujet.
Vous n’infligeriez jamais cela à vos pires ennemis, n’est-ce pas?
Pourtant, c’est ce que le projet de loi cherche à infliger aux Canadiens. Il vise à doubler la période pendant laquelle les passagers peuvent être confinés dans un aéronef sans eau ni nourriture, faisant passer la norme actuelle de 90 minutes à trois heures. Cela n’est pas seulement déraisonnable, c’est cruel.
La règle actuelle de 90 minutes est contraignante. Une compagnie aérienne qui contrevient à la règle peut être mise à l’amende, comme nous l’avons vu l’an dernier. Depuis près de 10 ans, les passagers et les compagnies aériennes se disaient satisfaits de la règle actuelle de 90 minutes. Je vous prie de conserver l’actuelle règle de 90 minutes et de modifier l’alinéa 86.11(1)f) proposé pour conserver 90 minutes.
Le projet de loi crée également une nouvelle catégorie de perturbations de vols qui relève de la compétence de la compagnie aérienne, mais à l’égard de laquelle aucune indemnisation n’est offerte aux passagers. Cette catégorie comprend les défaillances mécaniques. Il s’agit d’un recul. À l’heure actuelle, en vertu de la Loi sur le transport aérien, qui incorpore la Convention de Montréal, une compagnie aérienne est tenue de verser environ 8 800 $ CA par passager pour tout retard dans le transport. Il s’agit d’une limite uniforme pour toutes les compagnies aériennes.
Les tribunaux canadiens ont confirmé que les questions d’entretien ne dégagent pas la compagnie aérienne de sa responsabilité en cas de retard. Les tribunaux européens sont d’ailleurs arrivés à la même conclusion. En Europe, les compagnies aériennes sont tenues de verser une indemnisation précise pour les perturbations de vols en raison de problèmes d’entretien; pourtant, le marché est sain et concurrentiel et les compagnies aériennes sont rentables.
S’il vous plaît, donnez aux Canadiens la même protection qui est offerte aux passagers européens. Elle a été mise à l’épreuve et elle fonctionne.
Les plaintes d’intérêt public qui ont été accueillies comblent le fossé entre les lois actuelles sur la protection des consommateurs et les pratiques et politiques des compagnies aériennes qui, souvent, ne tiennent pas compte de la loi et la dénaturent auprès du public.
Récemment, la Cour suprême du Canada a confirmé que la loi permet que de telles plaintes soient déposées dans l’intérêt public. Ce jugement a été rendu après la troisième lecture du projet de loi à la Chambre des communes et la deuxième lecture au Sénat.
Le projet de loi C-49 annulerait la décision de la Cour suprême du Canada par voie législative. Il fermerait la porte à la défense de l’intérêt public et scellerait la question une fois pour toutes en restreignant le droit des personnes lésées de porter plainte.
La restriction proposée, présentée à la demande des compagnies aériennes, cible les groupes de défense des passagers aériens et les efforts du Conseil des Canadiens avec déficiences.
Veuillez protéger la défense de l’intérêt public et éliminer du projet de loi ces mesures visant à nous faire taire.
En terminant, le projet de loi, dans son libellé actuel, constituerait une attaque contre les droits des voyageurs pour lesquels on s’est ardemment battu et les affaiblirait considérablement. S’il vous plaît, faites preuve de « second examen objectif » et ne laissez pas cela arriver aux Canadiens.
Veuillez écouter les 100 000 courriels que des Canadiens vous ont fait parvenir, qui demandent tous la même chose — l’équité. Veuillez modifier le projet de loi C-49.
Terrance Green, coprésident du Comité des transports, Conseil des Canadiens avec déficiences : Au nom du Conseil des Canadiens avec déficiences, je tiens d’abord à remercier le comité de nous donner la possibilité de vous adresser la parole au nom des Canadiens avec déficiences.
Le Conseil des Canadiens avec déficiences existe depuis plus de 40 ans. Il a été créé en raison de problèmes de transport au Canada et il continue de faire valoir encore aujourd’hui le fait que le transport pour les Canadiens avec déficiences n’est pas accessible.
Les Canadiens avec déficiences sont des membres du public et les Canadiens avec déficiences sont convaincus que nous avons les mêmes droits que n’importe quel autre citoyen au Canada en matière de transport. Le transport devrait être accessible afin que tous les Canadiens puissent profiter de l’ensemble du pays et des systèmes de transport pour les y amener.
Le projet de loi nous pose effectivement des problèmes. Nous sommes d’accord avec M. Lukács et l’INCA sur bon nombre des points qu’ils vous ont présentés aujourd’hui, plus précisément l’attente de trois heures. Cela double le temps que les compagnies aériennes peuvent rester sur l’aire de trafic, ce qui peut occasionner de graves problèmes aux personnes avec déficiences.
Dans le mémoire que nous vous avons fait parvenir, nous avons exposé certains des problèmes qui peuvent survenir lorsque des personnes avec des déficiences sont coincées dans un siège pendant trois heures et n’ont aucune possibilité de se rendre aux toilettes, et cetera.
Nous croyons également que le droit d’organismes tels que le Conseil des Canadiens avec déficiences de saisir l’Office des transports du Canada de points en litige sous l’angle de l’intérêt public constitue un volet précieux à conserver dans le projet de loi, mais le projet de loi C-49 le retire. Nous sommes d’avis que le comité ne doit pas permettre que le projet de loi fasse disparaître ce droit.
Le Conseil des Canadiens avec déficiences s’est adressé aux tribunaux concernant des problèmes dans le secteur des transports, après avoir suivi le processus prévu par l’office, et la situation s’améliore depuis.
Le Conseil des Canadiens avec déficiences émet aussi l’opinion que le projet de loi à l’étude doit renforcer les pouvoirs ou la compétence de l’Office des transports du Canada. Actuellement, le processus de traitement des plaintes vise une plainte en particulier, une compagnie aérienne le plus souvent, et non le système dans son ensemble. La plainte ne traite pas le problème d’un point de vue systémique. L’Office des transports du Canada peut réussir à régler un problème avec une compagnie aérienne, mais toutes les autres compagnies peuvent continuer de se livrer à des pratiques discriminatoires. La situation a assez duré. Ça fait 40 ans que les Canadiens avec déficiences supportent la chose. Votre comité a l’occasion de changer les choses.
Pour terminer, il y a le fait que la Cour suprême a statué que les plaintes dans le domaine du transport aboutissent à l’Office des transports du Canada. Les Canadiens avec déficiences perdent ainsi le droit d’adresser leurs plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne, par exemple. Par conséquent, un grand nombre des recours possibles auprès de la Commission canadienne des droits de la personne ne sont pas offerts par l’Office des transports du Canada, et votre comité a l’occasion de corriger la situation de sorte que tous les recours à la disposition de tous les autres membres de la population soient également offerts aux personnes pour qui voyager pose des difficultés.
Je vais donner à Bob Brown l’occasion de s’exprimer. Je pense qu’il nous reste environ une minute et demie. Je te laisse le micro, Bob.
Bob Brown, coprésident du Comité des transports, Conseil des Canadiens avec déficiences : Je crois que Terry a parlé de la plupart des points que nous voulions soulever, en particulier les droits ou le pouvoir de l’office de condamner à payer dépens et dommages, ce qui n’est pas possible en ce moment. La Commission canadienne des droits de la personne jouit de cette compétence. L’intervenant précédent, dans le groupe précédent, a parlé de la capacité de voyager avec les aides à la mobilité. C’est entrer dans les détails du règlement, mais il faut le savoir. Le règlement oblige à fournir une aide de remplacement convenable en cas de perte ou de dommages au cours d’un vol. C’est chose impossible. C’est comme offrir un nouveau complet qui n’est pas nécessairement de la bonne taille. Ces sièges et orthèses sont fabriqués sur mesure et adaptés à la personne qui les utilise.
Il y a une affaire en cours que je ne devrais pas commenter, mais, peu importe, il est question d’une personne dont les escarres de décubitus et autres choses du genre le conduisent à l’hôpital. Que fait-on pour ce genre de dommages? Sous le régime actuel, il n’y a rien à faire, il n’y a aucun recours possible, comme l’a mentionné Terry, si ce n’est de remplacer la chaise roulante.
Selon la Convention de Montréal, on peut se demander s’il s’agit d’un bagage. Nous souhaiterions prétendre qu’une aide à la mobilité est un prolongement de la personne. Ce n’est pas un bagage. Ce sont des jambes, elle est une partie intégrante de la personne. Il ne faut pas oublier cela.
Je pense qu’il ne reste plus de temps à ma disposition.
M. Green : Bob a commencé à donner des exemples. Je vais en rajouter un peu. Vous remarquez qu’un chien-guide m’accompagne. Je voyage souvent. J’ai réduit mes activités professionnelles, mais quand je voyage, je dois apporter tout ce dont a besoin mon chien-guide, soit sa nourriture, les médicaments qu’il doit prendre, tout. Le poids de mes valises double. Je me retrouve dans la catégorie des voyageurs qui doivent débourser souvent des sommes ridiculement élevées pour emporter leur bagage à main à bord de l’aéronef.
En janvier, une personne d’Ottawa se rendait par avion en Floride pour des vacances. Le fils du couple leur avait offert une semaine de vacances. La mère se déplace en chaise roulante. Elle prend l’avion, mais à son arrivée en Floride, sa chaise roulante a disparu. Des sept jours qu’elle a passés en Floride, il en a fallu quatre à l’hôtel pour lui trouver une chaise roulante lui permettant de se déplacer.
La compagnie aérienne n’a assumé aucune responsabilité. À son retour, elle a retrouvé sa chaise roulante, heureusement, parmi les chaises roulantes utilisées par la compagnie pour accommoder les voyageurs qui demandaient une chaise roulante à leur arrivée.
Mardi dernier, en fait, je rentrais de Vancouver. Je me rends au comptoir de vente des billets. Ma conjointe est à mes côtés. La préposée s’adresse à ma conjointe pour savoir si j’ai un passeport. C’est une question de dignité et tout voyageur y a droit. Si elle m’avait posé la question, je lui aurais remis mon passeport, mais c’est porter atteinte à la dignité humaine que de ne pas prendre acte de la présence d’une personne. Je croyais que l’industrie aérienne et les cours de sensibilisation, une formation que j’avais moi-même organisée, avaient fait disparaître ce comportement depuis longtemps, mais ce n’est pas le cas. Ces attitudes doivent changer.
Vous avez l’occasion de changer la situation. Ce sont là les commentaires du Conseil des Canadiens avec déficiences.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie tous pour vos exposés. J’adresse ma question à M. Lukács. Si j’ai bien compris la nature de votre exposé et après avoir lu la documentation qui nous a été distribuée, je dirais que la position que vous adoptez ne vise pas à punir les compagnies aériennes de leurs activités courantes. Ce n’est pas votre intention. L’objectif recherché est de punir les compagnies aériennes qui ne suivent pas les règles; quand les règles ne sont pas respectées et que les voyageurs qui en sont les victimes sont peu ou pas indemnisés, l’action en justice au civil est le seul recours possible.
Au civil, l’avocat doit prouver deux choses, soit la responsabilité et les dommages. En ce qui concerne les dommages, il demandera des dommages-intérêts particuliers, des dommages-intérêts généraux et les dépens, lesquels peuvent être énormes.
En ce qui concerne les dépens, est-ce que vous iriez jusqu’à demander le paiement des frais entre procureur et client?
M. Lukács : Premièrement, je conviens que les compagnies aériennes ne doivent pas être punies de circonstances indépendantes de leur volonté. Face à l’annulation ou au retard d’un vol en raison d’une tempête de neige, nous ne recommanderions jamais qu’une compagnie aérienne en subisse les conséquences. La discussion porte sur les compagnies aériennes qui trompent la clientèle de façon éhontée quant aux droits des voyageurs et qui n’obéissent pas à la loi déjà en vigueur.
L’accès à la justice, c’est un enjeu sérieux. Des dépens procureur-client obligatoires aux compagnies aériennes qui n’ont pas suivi les règles et, par conséquent, les voyageurs n’ont pas d’autres choix que de poursuivre la compagnie aérienne en justices, voilà ce qui représenterait un très grand pas dans la bonne direction et une solide mesure de protection des consommateurs.
Le sénateur McIntyre : Est-ce que vous suggéreriez une compensation obligatoire et des amendes pour violation des droits des voyageurs?
M. Lukács : Oui, ce serait aussi un pas vers l’avant. À l’heure actuelle, en vertu de l’article 180 de la Loi sur les transports au Canada, l’agent verbalisateur de l’Office des transports du Canada peut dresser un procès-verbal qu’il fait notifier au contrevenant, à moins que, comme le montrent les données statistiques, ce pouvoir n’ait pas été exercé. En fait, jusqu’en novembre 2017, nous ne connaissons pas un seul cas où l’office a verbalisé une compagnie aérienne pour avoir violé les règles visant les droits des passagers.
Le sénateur McIntyre : À ce que je vois, le principal problème, c’est l’absence de mesures d’exécution.
M. Lukács : C’est exact.
Le sénateur McIntyre : Le projet de loi C-49 ne traite pas le problème majeur d’absence d’application des droits des passagers.
M. Lukács : M. Lukács: C’est l’un des gros problèmes, en effet. Je suis d’accord. En fait, le projet de loi confie le poulailler au renard. Les liens étroits de l’Office des transports du Canada avec les compagnies aériennes sont bien connus. Des documents divulgués au procès révèlent que, même pendant l’enquête sur Air Transat, l’Office des transports du Canada avait prévenu cette dernière, en toute confidence, de l’évolution de l’enquête et de l’amende qu’on lui infligerait, avant même que la population ne le sache. Après cela, le jour même où le montant de l’amende était fixé, l’office y renonçait.
Le sénateur McIntyre : Le règlement pose problème.
M. Lukács : M. Lukács: En effet. Nous avons ici un problème d’appropriation de la réglementation. Nous sommes en présence d’un organisme canadien qui est censé défendre l’intérêt public, qui a été critiqué par la magistrature et par les organisations de défense des libertés civiles et qui n’agit pas dans l’intérêt public mais pour des intérêts privés dans le secteur de l’aviation.
Le président : Faut-il inclure un article distinct sur les personnes handicapées, dans la partie qui énonce les droits des passagers?
M. Lukács : M. Lukács: Tout à fait. Nous soutenons fermement les droits des passagers avec déficiences. Nous sommes entièrement d’accord avec ce qui a été dit ici sur le sujet. Dans mes exposés devant le comité de la Chambre des Communes, j’ai fait la remarque que le projet de loi, dans sa version actuelle, laisse les passagers handicapés sur le bord de la piste, pour ainsi dire.
Le président : Oui, j’ai rencontré Mme Bergeron. Elle m’avait transmise un peu d’information sur la difficulté de se déplacer avec un chien d’aveugle et sur la nature des problèmes. Tous ces enjeux sont très particuliers et intéressants, et on devrait y regarder de plus près. À mon avis, dans un monde civilisé, ils seraient plutôt importants. Vous recommandez un article à part dans le même genre de déclaration des droits, ou peu importe l’appellation, concernant les passagers?
M. Lukács : Ma première recommandation appellerait à présenter leurs droits effectifs dans la loi votée au Parlement. La tâche ne saurait être confiée à l’Office des transports du Canada. Cependant, dans le contexte déjà défini, j’aimerais ajouter un amendement qui protégerait encore plus les droits des personnes handicapées, notamment les chiens d’aveugle, les passagers de forte taille, la règle une personne, un tarif, et diverses autres questions importantes du point de vue des personnes handicapées. Ces éléments formeraient le strict minimum que nous devrions réaliser, en tant que société évoluée, au XXIe siècle.
Le président : Vous n’êtes donc pas d’accord avec Mme Pavlovic qui a dit qu’il serait convenable que la CTC, la Commission canadienne des transports, s’occupe bel et bien de la réglementation, car l’inscrire dans la loi poserait un problème du fait qu’il serait difficile d’y apporter des modifications? Je pense que son argument est valable, mais vous pouvez peut-être me convaincre du contraire.
M. Lukács : D’accord. L’expérience et les recherches de Mme Pavlovic sont essentiellement dans le domaine des télécommunications. Le CRTC fait un travail fantastique. L’Office des transports du Canada était relativement bon avant 2013 à peu près, soit avant que l’on nomme un ancien lobbyiste des compagnies aériennes à la vice-présidence de l’organisation. Je ne confierais pas un verre d’eau à l’Office des transports du Canada de 2018. Il n’agit pas dans l’intérêt public. Par rapport au projet de loi, nous avons la preuve, à savoir des déclarations sous serment, qu’il a déjà consulté sur ce que devrait être la teneur du règlement, même si le projet de loi n’a jamais été adopté et qu’il n’y a pas eu de consultations publiques. Il a seulement consulté les compagnies aériennes.
Dans un monde parfait, c’est-à-dire si l’organisme de réglementation était impartial, ça pourrait être un règlement. Pourtant, en Europe, c’est une loi fondamentale. C’est une des raisons pour laquelle ça marche. On s’assure ainsi qu’elle ne pourra pas être changée facilement, sur un coup de tête d’un nouvel organisme de contrôle, et on entame un long processus qui crée de la stabilité. En Europe, ils ont conçu un système solide et fonctionnel qui aide non seulement les compagnies aériennes, de sorte que la norme appliquée est la même partout, mais également les passagers, qui arrivent rapidement à destination.
La sénatrice Bovey : Je continue sur le même sujet. Vous avez posé une partie de mes questions, mais je veux revenir sur l’alternative loi ou règlement. Je pense que mon idée n’est pas faite. Les témoignages du jour sont d’un grand intérêt. Je conviens qu’il y a des problèmes à régler.
Pourquoi trop de détails gêneraient dans trois à cinq ans, quand on se rendrait compte que l’information était peut-être fausse? Je veux bien vous croire quand vous dites que l’Office des transports du Canada est sorti du droit chemin. Devons-nous noyer le projet de loi dans les détails ou abonder dans les détails parce que la composition actuelle d’un organisme de réglementation n’est pas idéale, ou devons-nous faire le nécessaire pour que l’organisme de réglementation, collectivement, soit à la hauteur du travail qui l’attend? Est-ce que ça vous ferait changer d’avis sur les amendements à apporter?
M. Lukács : Je comprends ce qui vous inquiète. On pourrait en venir à un compromis en vertu duquel des détails seraient ajoutés au projet de loi, des définitions générales ou des montants de base, par exemple, que l’organisme de réglementation pourrait ultérieurement modifier à la hausse.
Ce qui m’inquiète, c’est l’absence d’obligation de rendre compte de la part de l’Office des transports du Canada. Cela permet aux représentants élus de clamer leur innocence et de tout mettre sur le dos de l’office. Donc, peu importe que la réglementation soit le fait du ministre ou de l’Office des transports du Canada, on aura avancé, puisque nous saurons qui doit rendre des comptes, à savoir un représentant élu, un député, qui ne sera pas réélu si les Canadiens ne sont pas d’accord avec la réglementation. Les membres de l’Office des transports du Canada ne sont pas élus à leurs postes.
La sénatrice Bovey : C’est un gros projet de loi, n’est-ce pas? Beaucoup de gens l’ont qualifié de projet de loi omnibus sur les transports. Nous avons entendu les agriculteurs. Nous avons entendu les producteurs de céréales. Je viens de l’Ouest, où on attend avec impatience que ce projet de loi soit adopté. Je ne remets pas en question les amendements que vous souhaitez, mais je cherche un moyen concret d’accélérer les choses.
Si ce projet de loi veut combler les besoins des producteurs de céréales au moment des cultures, dans un mois ou deux, espérons-le, il faut étudier les amendements, et il y en a beaucoup, alors qu’est-ce qui est le plus important?
Les impératifs du calendrier ou ceux du contenu? Y a-t-il un juste milieu dans les recommandations que vous avez formulées tous ensemble? Quelle est la grande priorité?
M. Lukács : J’admets que le fait qu’il s’agisse d’un projet de loi omnibus me dérange. Les intérêts des agriculteurs me tiennent à cœur, à moi aussi, et je vous ferai remarquer qu’eux aussi doutent de la neutralité de la Loi sur les transports au Canada. Nous partageons bon nombre de préoccupations.
En ce qui concerne les agriculteurs, il faut des mesures d’urgence. C’est tout de suite qu’ils ont besoin d’aide, mais ça ne veut pas dire que nous devons sacrifier les droits des passagers à l’urgence d’agir. À mon humble avis, nous devons bien faire les choses dès le départ. S’il faut six mois ou une année de plus pour y arriver, ce serait préférable. Si cela doit se traduire par une extraction des articles concernés du projet de loi dans sa forme actuelle, leur examen en comité et l’organisation d’une consultation auprès de la population canadienne, ce qui n’a pas été fait, ce serait mieux que de simplement les adopter en vitesse.
Si on veut le faire adopter à toute vapeur, j’ai suggéré 10 amendements qui sont simples, faciles à apporter et sans incidence sur le reste du projet de loi. C’est mon second choix.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Je crois que vous aviez raison de dire que nous ne consultons peut-être pas suffisamment le public et que nous n’avons que nos expériences personnelles à contribuer. Ce que j’ai entendu aujourd’hui m’inquiète beaucoup.
Je suis professeure, une scientifique, donc je suis considérée comme une geek et une introvertie. J’ai parcouru le monde. Je n’ai jamais cumulé de milles aériens ni de points de voyage. Je n’ai jamais utilisé cela pour voyager. Par ailleurs, je me rends compte qu’un vol manqué, non par ma faute, mais celle de la compagnie aérienne, me fait activer une ou deux autres options parce que j’ai de multiples assurances qui me sortent de toutes sortes de situations, sans frais, car la compagnie d’assurance paie.
Malheureusement, le commun des mortels n’a pas l’embarras du choix; il ne sait pas argumenter ni contourner un problème, et il a besoin d’un représentant, soit, dans le cas présent, vos associations et groupes. Je crains que ce projet de loi ne vous isole. Cela m’inquiète vraiment parce qu’il y a tellement de situations dans lesquelles les personnes handicapées, les jeunes voyageurs, les personnes âgées avec des problèmes et les personnes peu scolarisées ne connaissent pas leurs droits.
Comme l’a dit la sénatrice Bovey, il y a une longue liste d’amendements et cela préoccupe beaucoup le ministre Garneau; il prend les devants et réagit à ces amendements en affirmant avoir les réponses. Donc, dans votre cas, ils affirment qu’il n’y a pas assez de cas pour justifier votre présence ou votre participation. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de dossiers que vous avez sous la main, de la nature de ces dossiers et de ce à quoi vous servez?
M. Lukács : Merci de me poser la question. Nous avons un groupe Facebook de plus de 7 000 membres où nous aidons quotidiennement des passagers à traiter avec les compagnies aériennes, à faire une réclamation, à articuler leur revendication. Ce que cherche à faire ce projet de loi, c’est d’invoquer la défense de l’intérêt public pour nous faire taire, relativement à nos plaintes systémiques auprès de l’Office des transports du Canada. J’aimerais vous donner un exemple simple qui montre pourquoi il ne suffit pas d’avoir une loi en place.
Ma première plainte, quand tout cela a commencé, c’est en 2008, alors que Air Canada avait ces gros panneaux situés à côté de ses comptoirs pour les bagages égarés, où on pouvait lire que la compagnie n’était pas responsable des dommages causés aux poignées, aux roues et qu’elle ne pouvait être tenue responsable que dans très peu de circonstances, selon la loi. Une telle déclaration est illégale. C’est contraire à la loi. Elle contrevient à la Loi sur le transport aérien, qui englobe la Convention de Montréal. La loi était visible et les compagnies aériennes l’ignoraient délibérément, même si la Convention de Montréal était écrite sur leur propre grille tarifaire.
J’ai déposé une plainte et j’ai ordonné aux compagnies aériennes de changer leurs pratiques et d’enlever ces panneaux trompeurs. Il ne suffit donc pas d’avoir des lois. Elles ne seront pas forcément respectées. Les compagnies aériennes ne respecteront pas la loi et l’esprit de la loi dans leurs activités quotidiennes. Même après de nombreuses années, nous voyons encore des situations dans lesquelles une compagnie aérienne inscrit quelque chose dans son tarif, mais ne le met pas en pratique. Prenez l’affaire du retard sur l’aire de trafic d’Air Transat et la règle des 90 minutes selon laquelle on doit laisser partir les passagers après 90 minutes. C’était dans leur tarif. C’est la raison pour laquelle Air Transat a fini par recevoir des amendes.
Comme nous l’a appris l’enquête, l’équipage n’a pas reçu de formation à ce sujet, il ne savait pas qu’il avait cette obligation. C’est ce qui caractérise l’ensemble de ce secteur. Les obligations existent sur papier. Cela nous rappelle fortement ces sociétés non démocratiques dans lesquelles, bien sûr, vous avez des droits sur le papier, mais dans la pratique, vous ne pouvez pas les exercer.
Cela revient à ce que le sénateur Bovey a dit au sujet de son parent et de la bicyclette, lorsque les compagnies aériennes vous donnent de l’argent dans l’espoir que vous abandonnerez.
Le président : Est-ce à cause de la formation?
M. Lukács : C’est parce que les compagnies aériennes se rendent compte qu’elles peuvent économiser de l’argent de cette façon.
Le président : J’ai parlé à d’anciens stewards d’avion et ils m’ont dit que la formation qu’ils reçoivent aujourd’hui est bien inférieure à celle qu’ils recevaient autrefois. Auparavant, il fallait deux ans de formation pour devenir steward d’avion pour une compagnie aérienne, tandis qu’il n’y a pratiquement plus de formation désormais. Est-ce vrai?
M. Lukács : Il s’agit de questions de sécurité que je préfère ne pas commenter aujourd’hui. Pour revenir à mon sujet, nous parlons du centre de services à la clientèle ou du service des bagages des compagnies aériennes...
Le président : De toute évidence, ils n’étaient pas formés, car ils n’étaient pas au courant.
M. Lukács : Ce n’est pas parce qu’ils n’étaient pas formés. Ils ont un manuel de formation qui donne carrément de faux renseignements. Lorsque vous appelez Air Canada...
Le président : Ils ont donc reçu une formation inadéquate?
M. Lukács : Ils sont formés pour tromper les passagers. La compagnie aérienne elle-même a des manuels qui contiennent de faux renseignements. Appelez le service des bagages d’Air Canada et demandez-lui quels sont vos droits si vos bagages sont retardés. Ils vous diront qu’ils vous paieront 100 $ ou 150 $, selon le nombre de points de voyage que vous avez. La réalité, c’est qu’ils vous doivent beaucoup plus conformément à ce que prévoit la Convention de Montréal ou le tarif, au moins 10 fois plus.
Mais ils vous donneront de faux renseignements en espérant que vous aurez peur d’engager des dépenses et, par conséquent, lorsque vous aurez compris quels sont vos droits, vous aurez peu de reçus de dépenses à faire valoir. Il y a tout un système qui induit les passagers en erreur pour qu’ils n’exercent pas leurs droits et cela se passe sous les yeux de l’Office des transports du Canada, qui fait fi de ces questions, même s’il dispose de tous les outils, du budget et des outils juridiques nécessaires pour enquêter sur les compagnies aériennes. Il pourrait assigner à comparaître des documents et nommer un agent d’enquête. Ils ne le font pas.
J’ai fourni à l’Office des transports du Canada, officiellement et officieusement, des preuves de ce qui se passe depuis un an. À ma connaissance, aucune enquête n’a été lancée.
Le président : Avez-vous terminé, madame la sénatrice Galvez?
La sénatrice Galvez : Vous avez parlé du nombre de cas, des statistiques.
M. Lukács : Pour ce qui est du nombre de cas que j’ai portés à l’attention de l’Office des transports du Canada à titre de poursuite d’intérêt public, vous verrez en annexe de mon mémoire que nous avons mené un total de 26 poursuites fructueuses en matière de réglementation depuis 2008. Ce n’est pas un chiffre énorme, mais chaque poursuite cible des enjeux importants, comme l’indemnisation pour refus d’embarquement.
Jusqu’à ce que je dépose une plainte, Air Canada ne fournissait que 100 $ comptant quand on était expulsé d’un vol. L’Office des transports du Canada a ordonné à Air Canada de verser jusqu’à 800 $ comptant selon la durée du retard. C’est une poursuite que j’ai lancée et il est vital de maintenir la capacité de mettre en cause les compagnies aériennes, même sur des questions déjà traitées dans le règlement, pour s’assurer que ce qui est dans le règlement correspond à ce qui se passe en pratique. Autrement, nous allons simplement avoir plus de documents sans avoir davantage de droits.
Le président : Quelle indemnisation y a-t-il si vous êtes assis dans un avion pendant quatre heures à attendre?
M. Lukács : À l’heure actuelle, il n’y a pas d’indemnisation fixe pour les passagers qui attendent dans l’avion pendant quatre heures. En vertu de la Convention de Montréal, si vous voyagez dans le cadre d’un itinéraire international, la compagnie aérienne doit payer jusqu’à 8 800 $ par passager pour retard.
C’est une limite de responsabilité, mais il n’est pas nécessaire de prouver la responsabilité; il suffit de prouver les dommages. En vertu de la Convention de Montréal, la responsabilité est présumée. Cela fait déjà partie de la Loi sur le transport aérien.
Pourtant, quand les passagers se plaignent à l’OTC, on les renvoie et on leur dit qu’ils n’ont aucun droit. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai reçu un courriel d’un passager me disant qu’il était censé prendre un vol international. Le vol a été retardé et il a manqué environ une journée de son voyage. Lorsqu’il s’est adressé à l’Office des transports du Canada, ce dernier a oublié de mentionner l’existence de la Convention de Montréal. Ils ont simplement examiné les autres règles qui s’appliquent aux compagnies aériennes. La Convention de Montréal, qui fait aussi partie des règles — de façon explicite dans le tarif aérien — n’a jamais été mentionnée. Le passager s’est fait dire qu’il ne serait remboursé que de petites dépenses.
Le sénateur Mitchell : J’aimerais approfondir la question. Bon nombre des préoccupations que vous avez mentionnées de façon anecdotique, qui ont des conséquences et que vous avez le mérite d’avoir réglées, trouvent en fait une solution qui est implicite dans ce dont vous parlez. Ces problèmes n’étaient pas signalés. Ils n’étaient pas connus de façon très large. Ils n’ont pas été élevés au niveau de droits. Désormais, ils le seront. Je pense — je ne sais pas, mais je le crois — qu’il y aura davantage de conscience collective, d’éducation et ainsi de suite. Mais par leur existence même, les problèmes seront plus visibles, ce qui réglera une bonne partie de la question.
On pourrait dire que le problème, c’est que cela devrait figurer dans la loi et non dans les règlements. Un certain nombre de témoins nous ont dit que c’était très bien que cela soit dans les règlements.
Ma question porte sur un autre sujet. Vous dites que le projet de loi vise à doubler la durée de la période pendant laquelle les passagers peuvent être confinés dans un avion sans eau ni nourriture, passant de 90 minutes à 3 heures, ce qui est inacceptable. J’ai lu que tout cela est parfaitement pris en charge — sera traité — par le règlement en vertu des paramètres de ce projet de loi. Par exemple, l’alinéa 86.11(1)f) proposé dit ceci:
f) régir les obligations du transporteur en cas de retard de plus de trois heures sur l’aire de trafic, notamment celle de fournir des renseignements et de l’assistance en temps opportun aux passagers et les normes minimales à respecter quant au traitement des passagers;
Cette question n’a pas été réglée. C’est tout le contraire : il faut que ces normes soient établies.
Plus haut, sous une autre forme, le projet de loi établit de façon plus générale comment il faut établir des règlements sur le traitement des passagers en cas de retard.
Vous concluez dans votre exposé que tout cela est terminé et que les gens ne seront pas traités adéquatement. Nous ne le savons pas. Ces règlements n’ont pas encore été précisés et ils sont prévus dans ce projet de loi.
M. Lukács : Je pense qu’il y a un malentendu au sujet de l’alinéa f) qui est proposé.
Le sénateur Mitchell : Je suis d’accord.
M. Lukács : Actuellement, après 90 minutes, la compagnie aérienne doit offrir aux passagers la possibilité de débarquer, de s’alimenter et de boire de l’eau. L’adoption de ce projet de loi fera en sorte que le délai après lequel les obligations entreront en vigueur sera ramené à 3 heures, au lieu de 90 minutes. Actuellement, pendant 90 minutes, la compagnie aérienne n’a rien à faire. Au-delà de 90 minutes, la compagnie est dans l’obligation de faire quelque chose.
Vous dites que si la limite est portée à trois heures, il y aura une heure et demie de plus pendant laquelle la compagnie aérienne n’aura aucune obligation. Dans son libellé actuel, le projet de loi impose moins d’obligations que la norme canadienne en vigueur. C’est ce qui nous préoccupe. À l’heure actuelle, si le projet de loi est adopté en l’état, au bout de trois heures les compagnies aériennes n’auront aucune obligation de fournir de la nourriture et de l’eau, ni de permettre aux passagers de débarquer.
Le sénateur Mitchell : Je dis que nous ne le savons pas. C’est écrit ici même...
M. Lukács : C’est faux, nous le savons...
Le sénateur Mitchell : C’est moi qui parle, monsieur Lukács.
Le président : C’est lui le témoin, monsieur le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Je veux que ce soit clair; je ne sais pas si je le dis assez clairement. Il est dit ici même qu’il faut établir des règlements en vertu de cette loi pour régir le traitement que les compagnies aériennes sont obligées d’offrir aux passagers en cas de retard.
M. Lukács : C’est faux.
Le sénateur Mitchell : Rien n’est dit sur une durée inférieure à 90 minutes. Il est peut-être question d’une durée étendue à trois heures — c’est vrai —, mais les compagnies ont encore des obligations pendant ces trois heures.
Si je peux ajouter quelque chose, il n’est pas clair que ces 90 minutes sont valables dans l’ensemble de ce secteur de toute façon.
M. Lukács : Monsieur le sénateur, tout d’abord, le projet de loi dit qu’il traitera des retards sur l’aire de trafic supérieurs à trois heures. Dans la version anglaise, on utilise le mot « over ». Cela signifie que le règlement ne traitera pas des retards de moins de trois heures sur l’aire de trafic. C’est la lecture courante et ordinaire du texte.
En ce qui concerne ce qui se passe dans le secteur...
Le sénateur Mitchell : Non.
M. Lukács : Il est question des « retards de plus de trois heures sur l’aire de trafic ».
Le sénateur Mitchell : Et il est ensuite question de « normes minimales à respecter quant au traitement des passagers ».
M. Lukács : Il s’agit des normes minimales de traitement pour les retards sur l’aire de trafic qui dépassent les trois heures.
Le sénateur Mitchell : Je maintiens que ce n’est pas le cas.
M. Lukács : Si vous pensez que cela comprend déjà une période de 90 minutes, alors inscrivons-le dans le projet de loi. Au lieu d’avoir quelque chose d’ambigu... Si vous avez raison, modifions la formulation pour la rendre plus claire.
Pour ce qui est des autres points concernant les retards, vous oubliez peut-être que nous avons déjà une Loi sur le transport aérien qui incorpore ces droits dans une formulation très claire. C’est simplement que le gouvernement actuel ne veut pas parler des raisons pour lesquelles ce n’est pas appliqué. La Convention de Montréal est à l’annexe VI de la Loi sur le transport aérien, qui s’applique au paragraphe 2(2.1) de la Loi sur le transport aérien. Je ne sais pas pourquoi nous n’en entendons pas parler.
Il y a le Règlement sur le transport aérien. L’alinéa 107(1)(n) porte sur ce qui doit figurer dans le tarif, y compris ce qui se passe en cas d’irrégularité et d’incapacité à respecter l’horaire. Cela figure également au paragraphe 122(c) pour le transport international. Tout cela figure déjà dans le règlement.
Ce que je remets en question, c’est que tout ce projet de loi ne tient pas compte de l’ensemble des lois existantes. La création pour les compagnies aériennes de cette nouvelle catégorie de retards pour raisons mécaniques ou de problèmes de maintenance, fait que les passagers qui auparavant pouvaient demander une indemnisation ne pourront pas le faire.
Le président : Pourquoi cela a-t-il été proposé? S’ils demandent à l’OTC d’élaborer un ensemble de règlements ou une déclaration des droits, pourquoi ces trois heures ont-elles été mentionnées?
M. Lukács : J’aimerais le savoir aussi. Cela m’inquiète beaucoup. Cela n’a aucun sens à mes yeux et je n’ai entendu aucun témoignage expliquant pourquoi les 90 minutes actuelles ne devraient pas être la norme dans le projet de loi. Je pense que ce serait une bonne idée d’inclure les 90 minutes dans le projet de loi, parce qu’à l’heure actuelle, ces 90 minutes proviennent de l’article 67.2 de la Loi sur les transports au Canada et du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens. De nombreux règlements utilisent cette durée.
Le président : Je suis sûr que nous poserons la question au ministre mardi.
M. Lukács : Il est certain que j’écouterai attentivement.
Le sénateur MacDonald : Tous les témoins d’aujourd’hui représentent les droits des passagers, alors je crois que je vais adresser ma question à M. Lukács.
Pour mémoire, votre doctorat est dans quelle discipline?
M. Lukács : Les mathématiques.
Le sénateur MacDonald : Je trouve intéressant de voir comment le gouvernement peut s’en remettre à d’autres pays, comme l’Union européenne, pour certaines initiatives, mais il fait complètement abstraction de l’Union européenne pour ce qui est de la conception de la déclaration des droits des passagers aériens.
La semaine dernière, Air Canada a annoncé des changements au tarif pour un retard de quatre heures. Le témoin précédent ne s’est pas opposé à cela, disant que l’OTC s’en occuperait. Que pensez-vous de ce changement annoncé par Air Canada?
M. Lukács : Air Canada a récemment modifié ses tarifs, passant de la norme canadienne de 90 minutes à 4 heures de retard sur l’aire de trafic, ce qui est tout simplement illégal, à mon avis. Nous allons contester cela sous peu, car en vertu de certains articles du Règlement sur le transport aérien et de la Loi sur les transports au Canada, il s’agit d’une chose qui relève de la compétence de l’Office des transports du Canada à qui il appartient d’en évaluer le caractère raisonnable. Étant donné que cela fait 10 ans que la norme canadienne est de 90 minutes et que tous les transporteurs aériens, les passagers et la collectivité l’ont accepté, un écart important par rapport à ce genre de norme bien établie serait déraisonnable de la part d’Air Canada. Nous avons l’intention d’intenter des poursuites à cet égard.
Le sénateur MacDonald : Alors que nous assistons à toutes ces discussions au sujet des retards et que nous montrons que le gouvernement va accepter un retard dont le point de départ passerait de 90 minutes à 3 heures, pourquoi Air Canada se manifesterait-il pour revendiquer 4 heures?
M. Lukács : Il semble que le moment choisi est très intéressant. Cela donne l’impression qu’Air Canada vise trois heures et annonce donc quelque chose de plus extravagant pour que le gouvernement puisse justifier l’adoption de ce projet de loi dans sa forme actuelle. La trop grande proximité entre le gouvernement et ce secteur est l’un des problèmes que je constate.
Le sénateur MacDonald : Merci.
Le président : S’il n’y a pas d’autres questions, je remercie les témoins.
J’ai été particulièrement impressionné et ému par certains de vos commentaires, surtout en ce qui concerne les personnes handicapées. Vous avez soulevé d’excellents points que nous devrions examiner.
Aviez-vous quelque chose à dire, monsieur Brown?
M. Brown : Si vous me le permettez. Je sais que notre temps est écoulé. Je veux demander aux témoins de se rappeler qu’il s’agit de gens. La démographie du Canada est en train de changer. Il y a plus de personnes de plus de 65 ans — la génération du baby-boom — que de moins de 15 ans. Les données démographiques ne sont pas celles que nous avions il y a 40 ou 50 ans. Cela change énormément. C’est pourquoi il est si important de bien faire les choses du premier coup.
Je sympathise avec les céréaliculteurs. C’est un problème, mais il est un peu tard pour scinder le projet de loi. Il s’agit des gens et nous, les Canadiens, sommes en train de changer. C’est pourquoi je voulais vous rappeler cela, si possible.
Le président : Merci, monsieur Brown. Merci aux témoins.
Nous allons poursuivre à huis clos pendant quelques minutes.
(La séance se poursuit à huis clos.)