Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la
Modernisation du Sénat
Fascicule n° 16 - Témoignages du 28 février 2018
OTTAWA, le mercredi 28 février 2018
Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat se réunit aujourd’hui, à 12 h 1, pour étudier une ébauche de rapport sur le système de Westminster.
Le sénateur Stephen Greene (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. J’aimerais souhaiter un bon retour au sénateur McInnis et lui dire qu’il nous a manqué à la dernière réunion.
Je tiens également à souhaiter la bienvenue au sénateur Gold, qui remplace la sénatrice Verner aujourd’hui. On me dit en outre que le sénateur Neufeld, qui remplace le sénateur Maltais, se joindra à nous. Le voici justement, très bien.
Aujourd’hui, nous allons étudier une ébauche revue du rapport sur le système de Westminster, ou les principes du système de Westminster, si vous préférez. L’ébauche du rapport a été mise à jour en fonction des commentaires formulés par les membres du comité à la dernière séance.
Comme la dernière fois, je propose que nous procédions section par section plutôt que page par page.
Je demanderais aux membres de se concentrer sur le texte surligné en jaune, qui représente les modifications proposées par le personnel en réponse aux commentaires formulés à la dernière réunion.
Le texte surligné en bleu représente des modifications proposées par le sénateur Joyal au niveau du comité directeur. Il estime — et je suis d’accord — que ces modifications constituent un ajout utile.
Je demanderais à ceux qui ont des questions ou des observations à propos d’une section donnée de bien vouloir attendre que nous nous y attaquions au lieu de formuler toutes leurs remarques d’un seul coup. Le greffier commencera une nouvelle liste d’intervenants au début de chaque section.
Avant de commencer, j’aimerais mentionner une modification qui n’est pas visible puisqu’il s’agit d’un élément qui a été supprimé plutôt que d’un ajout.
Cette modification touche la liste à puces de la page 10. La liste comportait un élément mentionnant la suprématie parlementaire comme l’un des principes du système de Westminster canadien. Cet élément a été retiré à la suggestion du sénateur Joyal car, au Canada, le Parlement n’a jamais eu de pouvoir suprême. Son fonctionnement a toujours été restreint par la Loi constitutionnelle, d’abord en 1867, avec le partage des pouvoirs, puis, à nouveau, en 1982, par la Charte des droits et libertés.
À moins qu’il n’y ait des commentaires de portée générale, je voudrais maintenant entamer l’étude de l’introduction.
Si on regarde l’ébauche, on peut voir que les changements apportés à la table des matières touchent principalement la numérotation des pages. Pouvons-nous donc commencer à la section 1, soit l’introduction? Des commentaires?
La sénatrice Frum : J’aurais une question avant que nous allions plus loin. Quel est l’objet de ce rapport et à quoi servira-t-il?
Le président : Comme vous le savez, dans la dernière année, nous avons recueilli un vaste éventail de témoignages sur ce en quoi consiste le système de Westminster. Nous le faisons, en fait, depuis la publication du rapport précédent il y a environ un an et demi. Nous avons entendu les opinions d’universitaires, des gens autour de cette table et, aussi, des leaders. La question est donc celle-ci : en quoi consiste le cadre qui régit notre travail? Voilà sur quoi porte le rapport.
La sénatrice Frum : Qu’est-ce que ce rapport est censé appuyer? Quel travail est-il supposé appuyer? Quel en est l’objet?
Le président : Nous sommes le comité de la modernisation, un comité spécial. Je ne sais pas vraiment et ne saurais prédire combien de temps ce comité sera sur pied mais, pour le moment, nous sommes en train d’élaborer un rapport portant sur les questions liées à la modernisation du Sénat. La structure des débats est une de ces questions. On peut ou non faire valoir que la structure des débats est limitée par le système en place.
La sénatrice Frum : D’accord. Ce rapport ne renferme pas de recommandations précises.
Le président : Non.
La sénatrice Frum : Il s’agit donc, en réalité, d’un document général. Je pose ces questions, car je veux savoir s’il est utile d’en débattre vigoureusement, honnêtement, parce que, comme il a été mentionné à la dernière réunion, certains d’entre nous estiment que ce rapport n’est pas très équilibré compte tenu des témoignages entendus. Il penche d’un côté. On n’y a pas vraiment apporté beaucoup de modifications. On nous a dit à la dernière réunion que le rapport serait réécrit. Il y a eu certains…
Le président : Il n’a jamais été question de le réécrire.
La sénatrice Frum : Je croyais que si. Bref, quelques petits changements ont été apportés, mais le corps du rapport reste le même. Ce dernier n’est donc pas plus équilibré qu’il ne l’était. J’en ai pris connaissance il y a seulement cinq minutes, juste avant la séance, ce qui ne donne pas assez de temps pour vraiment…
Le président : Ce rapport a été transmis à tous vos bureaux lundi, si je ne m’abuse, non?
La sénatrice Frum : Oui? D’accord. Il reste qu’on avait relevé un manque d’équilibre des avis présentés dans ce rapport à la dernière réunion et que, par conséquent, si seulement une demi-douzaine de changements lui ont été apportés, rien n’a été fait pour changer la nature fondamentale des objections qui avaient alors été soulevées par certains d’entre nous. Ainsi, oui, nous pouvons passer ces changements en revue, mais l’objection principale reste.
Le président : Passons aux modifications.
La sénatrice Frum : D’accord.
Le président : Des commentaires à propos de l’introduction?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
Passons à la section 2, « Qu’est-ce que le système de Westminster? » Quelques petits changements ont été apportés dans cette section.
Le sénateur Eggleton : Je pense que les lignes 1 à 4 de la page 6 de cette section résument assez bien le système de Westminster. Je cite :
De façon générale, les témoignages recueillis par le Comité soutiennent la thèse suivante : le système de Westminster, plutôt qu’une norme fixe et restrictive, est un ensemble de principes adaptables aux réalités particulières du pays ou de la communauté auquel on l’applique.
Je pense que ce passage résume assez bien la situation et que ce texte constitue une bonne synthèse des témoignages que nous avons entendus. Il y a peut-être d’autres témoignages que certaines personnes auraient aimé qu’on mette en évidence et qui auraient modifié l’idée présentée dans ce passage. Personnellement, je pense que c’est un bon résumé, que cela correspond à la réalité. Je pense que les caractéristiques du système de Westminster se retrouvent, dans l’ensemble, à la Chambre basse, dans l’ensemble, à la Chambre des communes, et que, en gros, d’après ce que je comprends, il en va de même pour d’autres parlements. Les Chambres hautes peuvent être assez différentes les unes des autres. Je pense que c’est notre cas. Notre Sénat est propre à nos besoins et au pays qui est le sien.
Je tenais simplement à soulever ce point. Je suis d’accord avec le texte. Je suis d’accord avec la section à l’étude, mais je voulais relever cet énoncé.
Le président : Je vous remercie. Quelqu’un d’autre a-t-il des commentaires sur cette section ou pouvons-nous passer à la section 3, « La version canadienne du gouvernement de Westminster »? Il y a quelques petits changements qui ont été apportés à cette section.
Vient ensuite la section 4, « Les gouvernements de Westminster dans le monde ». Comme vous pouvez le voir, le premier paragraphe a été quelque peu remanié.
Cela vous convient-il? Aux pages 11 et 12, nous avons les modifications proposées par le sénateur Joyal, avec lesquelles je suis d’accord.
[Français]
La sénatrice Bellemare : En ce qui concerne la section intitulée « Westminster Governments Around the World », j’ai un commentaire à faire en ce qui concerne le Royaume-Uni où l’on parle des différents changements survenus à la Chambre des lords. Il y a eu des changements dans le processus de nomination des lords qui ont été, je crois, confirmés par une mesure législative. Dans la version française, à la page 12, on pourrait ajouter qu’il y a eu également des changements dans le processus de nomination des lords. On pourrait ajouter une note après la note 38 ou l’insérer dans la foulée des changements où l’on a reconnu vraiment le groupe des indépendants.
Selon l’historique, l’augmentation des crossbenchers au Royaume-Uni s’est faite progressivement. Ils se sont organisés. En l’an 2000, il y a eu un changement dans le processus de nomination. On a créé une commission qui reçoit les curriculums de personnes qui souhaitent devenir des lords. Des partis politiques peuvent aussi suggérer des noms. J’aurais aimé qu’on fasse état de ce changement. Je ne sais pas si c’est possible de le faire. Je me contenterais d’une note en bas de page, mais je trouvais intéressant de le mentionner.
[Traduction]
Le président : Des commentaires à propos de cette intervention?
Le sénateur Joyal : Je suis d’accord avec la suggestion de la sénatrice Bellemare. Si j’ai bonne mémoire — je n’ai pas le texte de la mesure législative devant moi; j’ai seulement le rapport de la Commission royale Wakeham sur la réforme de la Chambre des lords —, on va jusqu’à consulter les chefs des partis respectifs pour assurer l’équilibre entre les différents partis représentés à la Chambre des lords.
Autrement dit, s’il y a des sièges qui devraient être occupés par des libéraux démocrates, par exemple, le premier ministre consultera le chef des libéraux démocrates au sujet des nominations.
Il y a donc, en d’autres termes, un principe d’équilibre. Les personnes qui seront choisies pour assurer cet équilibre le seront, bien entendu, par les chefs des partis respectifs. Ainsi, le premier ministre ne peut nommer, par exemple, que des conservateurs ou des travaillistes. Il doit conserver un équilibre.
Nous pourrions assurément trouver un moyen de le mentionner. La commission a pour rôle de proposer un membre indépendant. Elle a un certain nombre de critères à respecter, dont des facteurs régionaux, des questions liées à la représentation des minorités et autres. Ils en viennent à plus ou moins essayer de reproduire ce que nous tentons de respecter au Sénat lorsque le premier ministre nomme des personnes de différentes régions du Canada.
La sénatrice Bellemare : Cette commission tente cependant bel et bien de confirmer, comme l’exige son mandat, les qualifications des personnes qui présentent leur candidature.
Le sénateur Joyal : Je n’ai pas le texte de la loi devant moi, mais nous pourrions mentionner que le processus a été modifié et amélioré.
Le président : Nous pourrions peut-être le faire au moyen d’une note de bas de page.
La sénatrice Frum : À mon avis, l’endroit le plus logique pour cette mention serait à la page 12. J’avais l’intention de formuler un commentaire du même genre. Merci, sénateur Joyal. Ce serait à la fin du premier paragraphe.
Le président : À la fin du premier paragraphe?
La sénatrice Frum : À la fin de la ligne 5, là où on peut lire qu’il est « crucial qu’aucun parti politique ne puisse dominer la deuxième chambre ». Il pourrait être utile d’ajouter à cet endroit l’explication que le sénateur Joyal vient de donner, à savoir que le premier ministre nomme bel et bien, après consultation des chefs des partis de l’opposition, des membres de l’opposition en fonction des besoins.
La sénatrice Bellemare : Il serait question du processus de nomination des lords.
Le sénateur Joyal : Cela découle des recommandations formulées dans le rapport.
La sénatrice Frum : Je tiens à souligner que les partis de l’opposition sont consultés au sujet du choix des membres de leur parti qui seront nommés. Cet élément est très important : le premier ministre ne prend pas la décision lui-même.
La sénatrice Bellemare : En fait, je pense que oui, mais les intéressés présentent leur candidature à une commission qui, elle, confirme que ces personnes sont qualifiées avant de transmettre les candidatures au premier ministre, qui décidera qui peut présenter une demande. Tous les partis peuvent cependant proposer des candidats, des groupes et des particuliers. Il y a donc divers types de candidatures.
La sénatrice Frum : Cependant, le premier ministre ne nommerait pas un lord travailliste sans consulter le chef du Parti travailliste.
La sénatrice Bellemare : Je n’en suis pas certaine.
Le sénateur Joyal : Non, c’est la façon de procéder. Il y a consultation au sujet de la personne qui sera nommée sous la bannière d’un parti; la nomination n’est pas imposée.
La sénatrice Bellemare : C’est logique.
Le sénateur Joyal : C’est logique qu’il y ait de la cohésion au sein d’un groupe politique donné.
C’est parmi les membres indépendants qu’on trouve des gens dont la candidature a été proposée par la population ou par les divers groupes car, comme vous le savez, la société britannique est très bien structurée. Certains groupes d’intérêt ont toujours été représentés; ils peuvent donc proposer des candidats, et ainsi de suite. La commission formule des recommandations, mais il appartient entièrement au premier ministre de faire un choix parmi les candidats qui lui sont proposés.
Le sénateur Massicotte : Question d’animer le débat, je suis d’un autre avis. Je suis d’accord, monsieur le président, avec l’ajout de la phrase recommandée par la sénatrice Frum à la ligne 5. Par contre, en ce qui concerne les renseignements de nature générale recommandés par la sénatrice Bellemare, je pense que nous devrions utiliser une note de bas de page. Autrement dit, il faudrait ajouter la phrase parce que c’est un fait, mais pour ceux qui ont des connaissances plus poussées, il y aurait une note de bas de page expliquant l’historique et la pertinence des éléments relevés par la sénatrice Bellemare. Je laisserais en outre au comité exécutif le soin de décider de la formulation définitive de ces éléments.
Le président : Êtes-vous d’accord avec cette idée? Je vois et j’entends des signes de la tête affirmatifs autour de la table.
Des voix : D’accord.
La sénatrice Lankin : Avez-vous dit que vous entendiez des signes de la tête autour de la table?
Le président : Effectivement, c’est ce que j’ai dit. Vous avez l’ouïe fine.
La sénatrice Bellemare : J’ai une question au sujet du système australien. Vous avez peut-être la réponse, et il pourrait peut-être être intéressant, en fonction de cette réponse, d’ajouter une note de bas de page au sujet de l’Australie.
Dans certains cas, les sénateurs ou les lords sont affiliés à un parti politique de l’autre Chambre. Il en est ainsi au Royaume-Uni.
Or, étant donné la façon dont fonctionne le processus de nomination en Australie, les sénateurs sont élus tous les six ans, comme on le précise, alors que, dans l’autre Chambre, les députés ont des mandats de trois ans. J’avais constaté, il y a un certain temps, que les sénateurs australiens sont affiliés à toutes sortes de partis politiques, mais je ne saurais dire si ces partis sont tous reconnus à l’autre endroit.
Le savez-vous? Je ne pense pas que les élections aient nécessairement lieu en même temps pour les deux Chambres. Les personnes qui se présentent pour devenir sénateurs en Australie peuvent être des membres du Parti Rhinocéros ou d’un autre parti quelconque, car il existe de nombreux partis au Sénat australien. Avez-vous vérifié si les sénateurs australiens étaient tous affiliés à un parti politique représenté officiellement à l’autre endroit ou s’il y a un groupe qui ne l’est pas, en totalité ou en partie?
Le président : Nos analystes sont ici.
David Groves, analyste, Bibliothèque du Parlement : Je peux revérifier. Si je comprends bien, les partis ne sont pas nécessairement les mêmes dans les deux Chambres parce que le processus de sélection est différent.
La sénatrice Bellemare : C’est ce que j’avais compris.
M. Groves : Je ne sais pas s’il y a des partis sans liens officiels dont les représentants se réunissent informellement en caucus ou dans chaque Chambre. Je peux vérifier si vous voulez.
La sénatrice Bellemare : J’aimerais beaucoup, oui.
Le sénateur Massicotte : Où en sommes-nous?
Le président : Je pense que nous venons de finir la page 12. Il n’y a aucun changement à la page suivante.
Afin de tenir compte des commentaires formulés à la dernière réunion, quelques modifications et ajouts ont été apportés à la conclusion.
La sénatrice Stewart Olsen : À la ligne 3 de la page 15, on peut lire : « le rôle à l’égard de la reddition de comptes du pouvoir exécutif, de la détermination de sa composition et de la constitution d’une tribune pour l’opposition ».
Je ne comprends pas très bien ce qu’on veut dire par « la constitution d’une tribune pour l’opposition » et je pense qu’il y aurait lieu ici d’être un peu plus précis.
Le président : Avez-vous une recommandation à formuler à ce propos?
La sénatrice Stewart Olsen : En fait, j’aimerais bien entendre les avis de mes collègues.
La sénatrice Frum : J’ai une recommandation.
La sénatrice Stewart Olsen : D’accord.
La sénatrice Frum : Après les lignes 23 et 24 de la page 14, où on indique que les « principes suivants font partie intégrante », il me semble que le principe le plus évident et fondamental est celui de l’opposition. Je suis étonnée de voir qu’il ne figure pas dans la liste. À mon avis, il devrait figurer immédiatement après la ligne 24, en tant que caractéristique la plus essentielle et la plus constante. Si on lit les pages précédentes au sujet des autres modèles, qu’ont-ils tous en commun?
Le président : Selon la Cour suprême, le Sénat est un organe complémentaire et non pas nécessairement un organe d’opposition.
La sénatrice Frum : On demande en quoi consiste le système de Westminster. Il s’agit là du grand principe qui fait partie intégrante du système de type Westminster. En réalité, il y a un seul grand principe. On peut y ajouter les autres, mais il y a un grand principe. Nous ne parlons pas du Sénat du Canada. Il ne s’agit pas d’une étude au sujet du Sénat du Canada. Il s’agit d’une étude sur le système de Westminster. Que cette notion ne figure pas dans la liste des grands principes — de base et essentiels même — constitue une grave omission.
La sénatrice Stewart Olsen : Si je puis me permettre, quand vous parlez d’un « organe complémentaire », le mot « complémentaire » revient à peu près au même. Je pense que, à la Chambre des communes, il y a différents partis, mais il y a le gouvernement et il y a l’opposition.
À mon avis, si le Sénat est un organe complémentaire, la notion de l’opposition doit figurer dans la conclusion.
Le sénateur Wells : Je veux passer directement à la conclusion et au fait qu’on n’y trouve aucune mention que ce soit de l’opposition officielle. Il s’agit d’un des piliers du système de Westminster. Comme l’a dit la sénatrice Frum, il n’est pas question ici du Sénat du Canada, mais bien du système de Westminster. On dit, à la ligne 3, « le rôle à l’égard de la reddition de comptes du pouvoir exécutif, de la détermination de sa composition et de la constitution d’une tribune pour l’opposition ». L’expression « une tribune pour l’opposition » est une façon astucieuse de dire autre chose; « une tribune pour l’opposition », ce pourrait être un journal, un blogue, une estrade ou une personne comme moi qui s’installe dans le coin. Or, nous parlons du système de Westminster, dont l’un des éléments essentiels est « l’opposition officielle ». Elle est officielle, elle est financée et elle est mentionnée, mais on omet d’en parler dans ce rapport et sa conclusion plus particulièrement.
La sénatrice Lankin : Je viens juste de préciser avec le sénateur Wells qu’il est bien sûr question de l’opposition dans le rapport. Ce qu’il me dit, c’est qu’elle n’est pas mentionnée assez clairement dans la conclusion. Il en est question dans cette partie du texte, mais pas assez clairement.
Personnellement, cela ne me pose pas vraiment de problème. Ce qui me dérange, c’est que vous disiez que c’est le seul grand principe. C’est faux. Je ne suis pas d’accord avec les faits sur lesquels repose votre hypothèse. Il est bien vrai qu’il existe une opposition officielle dans la plupart des systèmes de Westminster. Je pense qu’on peut l’indiquer sans problème. À mon avis, cela ne change pas l’utilité fondamentale de ce rapport.
Encore une fois, la dispute, les joutes politiques et les manœuvres prennent la place d’une vraie discussion sur les points à régler, à savoir comment allons-nous organiser les débats et le fonctionnement du Sénat? Quel est le rôle du financement et des ressources affectés à l’opposition officielle par rapport à d’autres groupes? Ce sont là des questions réelles et importantes. Nous avons consacré tant de temps au comité du Règlement et ici aux joutes politiques pour de petits ajouts ou la suppression de quelques mots — cela va dans les deux sens — pour en arriver en fin de compte, selon moi, à un document que nous pouvons tous interpréter à notre façon si nous le voulons. Il est important de produire ce document, car il témoigne de ce que nous avons entendu et de l’importance des questions abordées. Donc, je dirais d’ajouter cette notion parmi les principes. Si nous voulons être vraiment précis, nous pourrions ajouter « dans les Chambres basses des systèmes de Westminster ». Peu importe, il n’est pas nécessaire de…
La sénatrice Frum : Ce n’est pas vrai. Au Royaume-Uni, il y a une opposition dans la Chambre des lords.
La sénatrice Lankin : Oui, il y en a une, et on nous a dit aussi que, dans d’autres pays, il n’y en a pas, que le Sénat va au-delà des deux Chambres ou des partis de la Chambre basse du Parlement et que le processus de sélection a de grandes répercussions, comme on commence à le constater ici même. C’est différent. Tout évolue.
Bref, sénatrice Frum, je comprends ce que vous dites. Je le comprends depuis le début. Toutefois, comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, pourrions-nous cesser de nous livrer à des joutes politiques de ce genre pour que nous puissions discuter vraiment de la question? Nous nous demandons par exemple si nous devons nous doter d’une structure permettant d’organiser collectivement les débats, au lieu d’une seule suite de séances de négociations sur un projet de loi donné. Ce serait toujours possible, mais il faut s’entendre sur une certaine façon de procéder. À quoi les choses pourraient-elles ressembler si elles étaient différentes? Quels sont les privilèges, les ressources et les liens hiérarchiques associés au rôle de l’opposition officielle par rapport aux autres sénateurs? L’organisation du Sénat, le fonctionnement de ses débats et le financement de ses travaux de recherche sont des questions essentielles. Je suis désolée; je poursuis.
Je veux bien que certains tiennent à inclure ce point dans la liste, mais cessons les joutes politiques et discutons vraiment des aspects que nous voulons modifier et voyons si nous arrivons à nous entendre.
Le président : Bien dit.
Le sénateur Gold : C’est si bien dit que j’ai très peu de choses à ajouter, si ce n’est que — et je ne veux pas me lancer à mon tour dans une joute politique parce que je conviens qu’il y a des questions plus importantes dont nous devons nous occuper —, bref, si ce n’est que l’idée d’opposition officielle n’a carrément pas sa place au Sénat. Elle ne fait pas partie de la Loi sur le Parlement du Canada. Il s’agit peut-être d’un lapsus, sénateur Wells, mais je n’approuve pas l’utilisation de ce terme dans le document. Cette idée ne repose sur aucun fondement juridique.
Cela dit, lorsque la Cour suprême, John A. Macdonald et d’autres autorités ont dit que le Sénat était complémentaire à la Chambre des communes, je ne crois pas qu’ils voulaient dire que ces deux Chambres étaient semblables.
La sénatrice Stewart Olsen : Je crois que vous parlez de choses que vous ne connaissez pas. Selon moi, ils voulaient bien dire semblables.
Le sénateur Gold : Admettons. Personnellement, je maintiens qu’ils ne voulaient pas dire semblables, mais plutôt que les travaux du Sénat devaient compléter ceux de la Chambre des communes.
En plus de différences structurelles qui existent depuis leur création, les tribunaux nous ont aussi fait comprendre que ces différences structurelles — notamment le fait que les sénateurs ne soient pas élus — ont contribué à orienter différemment nos façons de faire par rapport à celles des parlementaires de l’autre endroit.
Selon moi, la sénatrice Lankin a tout à fait raison de dire que, pour ce qui est du système de Westminster au sens large, il vaut mieux faire la distinction entre la Chambre haute et la Chambre basse parce que leurs rôles sont différents. Le document qui nous occupe ne fait pas complètement cette distinction, ce qui me va tout de même. La notion de gouvernement responsable, dont on doit exiger des comptes, ne s’applique qu’à la Chambre basse, qui est assujettie à des votes de confiance. Elle n’a pas sa place au Sénat malgré son rôle important, qu’il s’agisse de protéger la population canadienne contre les excès de la majorité, et j’en passe.
À mon avis, la notion de gouvernement représentatif et responsable explique qu’il y ait habituellement un parti de l’opposition dans les Chambres basses. Je crois toutefois, comme je l’ai déjà dit, que tant que nous évitons des termes qui n’ont vraiment pas leur place dans ce document, comme « opposition officielle », nous pouvons y tolérer quelques assertions. Je ne vais pas m’y opposer outre mesure. Je vous remercie.
Le sénateur McInnis : Merci beaucoup. Pour rédiger la partie I de notre rapport, nous avons beaucoup discuté de la notion d’opposition. Permettez-moi de lire un extrait de la partie I du rapport Modernisation du Sénat : Aller de l’avant, à la page 28 :
Enfin, conformément à la longue tradition d’efficacité de notre Chambre du Parlement, le Sénat se compose depuis toujours de sénateurs qui proposent, et d’autres qui s’opposent; ceux qui sont affiliés à un parti qui est reconnu en vertu de la Loi électorale du Canada et qui compte le plus grand nombre de sénateurs n’appartenant pas au parti du gouvernement forment l’opposition.
C’est ce que nous avons convenu et établi après de longues discussions. Je crois comprendre que l’idée est importante — et je ne veux juger des intentions de quiconque —, mais nous devrions peut-être l’exprimer, non pas où on le suggère, mais plutôt à la ligne 8 de la page 15, où il est question du système bicaméral : « […] la seconde chambre, ou chambre haute, n’est pas habilitée à prendre un vote de confiance, mais peut avoir de multiples rôles, notamment assurer la diversité de la représentation, la profondeur des délibérations et la fonction d’examen et de surveillance du pouvoir exécutif ». C’est peut-être dans ce paragraphe qu’il faudrait ajouter quelque chose à propos de l’opposition. À mon avis, ce serait le bon endroit.
Je ne veux pas dire que l’opposition, telle qu’elle est actuellement, est vulnérable, mais à mon avis, elle joue un rôle important dans le système de Westminster. Parfois, nous devenons un peu chatouilleux et nous ne voulons pas qu’on l’oublie. L’opposition existe et elle fait un travail sérieux.
Je ne veux minimiser en rien le fait que le Sénat se modernise et que les nouveaux sénateurs sont indépendants, qu’ils peuvent parler en leur nom et se regrouper en caucus. Je ne sais pas. Je vous dis seulement que, certes, il est question de la modernisation du Sénat, mais il ne faut pas oublier un groupe dont il a été fait mention dans la partie I et dont il faut reparler à l’occasion : l’opposition.
Voilà probablement le meilleur endroit où nous pourrions en parler.
Le sénateur Eggleton : Je ne vois pas d’inconvénient à ce que le mot « opposition » soit utilisé ici. Il se trouve déjà à la ligne 5. J’accepterais même qu’on l’ajoute dans la première moitié pour en faire l’un des principes faisant partie intégrante des systèmes de gouvernement de type Westminster.
Par contre, je m’oppose fermement à l’utilisation du terme « opposition officielle ». Ce terme a sa place dans les Chambres basses du système de Westminster, mais pas nécessairement dans les Chambres hautes.
Quelle que soit l’appartenance des sénateurs à un groupe et à une opposition, je ne crois pas que le Sénat manquera à son devoir de second examen objectif ou qu’il ne sera plus capable de changer ce qui, selon les sénateurs, doit l’être. C’est d’ailleurs ce qu’on peut déjà constater. L’étude de nombreux projets de loi se fait déjà sans égard aux allégeances politiques. Tout le monde prend au sérieux le devoir de second examen objectif. Selon moi, c’est le rôle du Sénat dans le cadre du processus législatif.
À mon avis, il n’y a pas lieu au Sénat d’avoir une opposition officielle qui s’oppose pour s’opposer et qui cherche avant tout à faire élire les représentants de son parti aux élections fédérales suivantes. La loyale opposition de Sa Majesté, comme on l’appelle officiellement, a sa place dans la Chambre basse. Toutefois, la notion d’opposition est toujours essentielle dans l’ensemble du système. Je ne vois pas d’inconvénients à ce que ce mot se trouve dans le rapport, mais selon moi, l’« opposition officielle » n’est pas nécessaire à la Chambre haute.
Le président : Je suis tout à fait d’accord.
La sénatrice Frum : Cela ne me dérange pas qu’on n’emploie pas le terme « opposition officielle », mais j’estime que, lorsqu’il est question des principes, il faut parler soit d’« opposition reconnue », soit d’« opposition protégée ».
Sénatrice Lankin, je comprends ce que vous dites quand vous parlez de joutes politiques.
La sénatrice Lankin : Non.
La sénatrice Frum : Que voulez-vous dire, non?
La sénatrice Lankin : Je ne pense pas que vous comprenez, non. Je crois au contraire que vous avez prouvé, avec vos propos, que vous pensez exactement le contraire. Une opposition protégée, voilà ce dont nous devrions discuter et oui, la réponse est peut-être effectivement là. Absolument rien dans ces principes ou dans ce que j’ai entendu ne me permet de croire que le concept d’opposition protégée est un principe de Westminster.
Je crois que vous essayez encore de trouver le moyen d’arriver à la conclusion à laquelle vous voulez arriver à tout prix au lieu de laisser la discussion suivre son cours.
La sénatrice Frum : Absolument pas. Il y a toutefois une chose que je trouve étrange : à la section précédente, l’Australie est citée en exemple, mais je me demande bien pourquoi, parce que les sénateurs australiens sont élus. Cet exemple n’a donc aucun intérêt pour nous. La Nouvelle-Zélande et l’Écosse n’ont pas de Chambre haute, mais nous continuons à dire que nous avons des leçons à tirer de leur expérience. Pourquoi? Je croyais que nous nous intéressions au rôle des Chambres hautes. Comment se fait-il que ces deux États soient encore dans l’étude, alors?
Je crois que les gens choisissent bien l’information qui leur plaît. Vous invoquez l’Écosse, même si elle n’a pas de Chambre haute, mais ce n’est pas un problème si votre but est de pousser la représentation proportionnelle.
Une chose est sûre : si vous insistez pour que ces exemples demeurent dans l’étude, nous devrons convenir qu’ils n’ont tous qu’une chose en commun, et une seule, et c’est pourtant la seule chose que vous refusez d’inclure dans le rapport, et c’est ce que j’appelle manipuler les résultats. Et pas qu’un peu. Je ne peux pas approuver une étude qui est aussi inexacte, contraire à l’histoire et éloignée de la réalité des parlements de type Westminster.
Le président : Je crois personnellement que l’exemple australien est intéressant parce qu’à l’heure où on se parle, le Sénat compte quelques sénateurs élus — de l’Alberta — et il se peut qu’il y en ait plus, ne l’oublions pas.
La sénatrice Frum : D’accord.
Le président : La nature de l’opposition demeure toutefois un débat intéressant. Je suis d’accord avec le sénateur Eggleton. Je n’ai aucune objection à ce que ce soit écrit quelque part, à moins qu’on parle d’opposition « officielle », ce qui est une tout autre histoire. Les mots ont un sens, et il faut en tenir compte.
La sénatrice Frum : Bref, la majorité pourra imposer ses vues et faire supprimer la notion d’opposition des principes fondamentaux du système de Westminster, alors que ce principe fonctionne si bien ici.
Le président : Vous m’avez interrompu avant que je puisse terminer. J’allais dire que la notion d’opposition « protégée » me plaît davantage. L’opposition doit avoir les moyens de s’opposer. Là, je suis d’accord.
La sénatrice Frum : Excellent, et vous m’en voyez ravie, mais j’aimerais aussi que ce soit inscrit dans le rapport.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je veux simplement préciser que dans ce même texte, à la page 14, en français, quand on parle du Parlement écossais, on précise très bien qu’il n’y a aucune opposition officielle, et c’est le système de Westminster. Géographiquement, on est situé là. Il n’y a pas de Sénat, mais c’est la Chambre basse, il n’y a aucune opposition officielle. Tout parti ne formant pas le gouvernement est un parti d’opposition. L’opposition est formée d’une coalition peut-être de personnes, mais il n’y a pas d’opposition officielle. Je me rallie beaucoup à la suggestion du sénateur Eggleton que d’autres partagent : on peut rajouter le mot « opposition ». Mais de là à dire que partout dans Westminster, on a une opposition officielle avec un statut particulier, c’est contredire le rapport même qu’on écrit juste avant la conclusion.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Merci à tous. Je ne veux pas jouer les trouble-fêtes, mais, à la ligne 8 de la page 15, on peut lire : « [L]a seconde chambre […] n’est pas habilitée à prendre un vote de confiance, mais peut avoir de multiples rôles, notamment assurer la diversité de la représentation, la profondeur des délibérations […] »
Si c’est la voie que nous souhaitons emprunter, je crois que le Sénat, ou à tout le moins le comité de la modernisation, devra revoir le processus de nomination, parce que, si on part du principe voulant que le Sénat doit représenter la diversité du pays, ce n’est pas ce qui arrive à l’heure actuelle. Il faudra donc revoir ce processus. Il y a du travail à faire de ce côté-là. Nous devons… Le Sénat ne compte qu’un agriculteur, et c’est parce que la sénatrice Griffin s’est élevée contre la manière dont les nominations sont faites.
J’en aurais long à dire sur tout cela, mais pour que la Chambre haute fonctionne, il doit y avoir une opposition, et il faut des gens favorables au gouvernement. On ne peut pas juste étudier les projets de loi comme ils viennent. Comment choisir la personne qui devra représenter les sénateurs qui s’y opposent? Impossible. Quant à vous, sénateur Eggleton, vous étiez aussi heureux lorsque vous étiez sur les banquettes ministérielles que celles de l’opposition officielle. Je ne veux pas nécessairement m’embarquer là-dedans, mais je crois sincèrement que nous devrions réfléchir sérieusement au fonctionnement de notre assemblée.
Je crois que c’est ce qu’essayait de dire la sénatrice Lankin, et je suis d’accord avec elle. Je crois surtout que, dans le rapport final, il devra être fait mention de l’opposition.
La sénatrice Lankin : Je suis d’accord.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends, mais tout le monde ne voit pas les choses du même œil. Le sénateur Gold, par exemple. Je crois pourtant que c’est essentiel.
Le sénateur Gold : J’attendrai mon tour pour répondre.
Le président : Je crois que nous avons un consensus : nous devons ajouter quelque chose au sujet de l’opposition et préciser qu’elle doit toujours être protégée d’une quelconque façon.
La sénatrice Stewart Olsen : Pardonnez-moi, mais j’ai bel et bien…
Le président : Mais sans parler d’opposition « officielle ».
La sénatrice Stewart Olsen : J’ai fait remarquer que, dans le régime britannique, « […] il est néanmoins crucial qu’aucun parti politique ne puisse dominer la deuxième chambre ».
Je crois donc que c’est précisément là que nous nous en allons, et nous devons éviter de nous retrouver avec une assemblée homogène où tout le monde pense pareil. Comment faire pour atteindre ce but? Je l’ignore, mais je demeure convaincue que la notion d’opposition doit figurer dans le rapport.
La sénatrice McCoy : Je trouve que nous perdons du temps. Je ne peux pas croire, avec toute notre bonne volonté et tous les grands esprits autour de cette table, que nous soyons incapables de rédiger un rapport qui reflète le point de vue de tout le monde ici présent, ou de tous les sénateurs, quand on y pense.
Je ne vois pas en quoi c’est utile, pour dire vrai. Il ne s’agit pas d’une recommandation. Ce fut tout un apprentissage, mais les leçons que nous en retenons ne sont pas toutes les mêmes.
Personnellement, je demeure fermement convaincue que les principes de Westminster peuvent s’appliquer de toutes sortes de façons. Il faut au moins un organe législatif et, au sein de cet organe législatif, un gouvernement responsable qui doit lui rendre des comptes.
Si je ne m’abuse, la première fois que l’opposition officielle a été désignée comme telle — la loyale opposition de Sa Majesté était le nom retenu, si ma mémoire est bonne —, c’était au XIXe siècle. C’était après la Confédération en tout cas. Aussi tard que cela, oui. Ce concept a vu le jour pendant la période victorienne. Le but était alors d’avoir toujours un gouvernement en attente. Au fil des ans, toutefois, les gouvernements ont de moins en moins fait appel aux lords de la Chambre haute anglaise.
C’est ce que nous apprend l’histoire, et là est toute la beauté de la chose : ce modèle peut évoluer. Je crois donc que nous devrions arrêter nos chichis, mettre ce rapport de côté, prendre conscience des choses que nous avons tous apprises et nous attaquer à quelque chose d’important. Parlons plutôt des vraies affaires.
Quoi qu’on en dise, il y aura toujours une pluralité d’opinions, et nous aurons toujours besoin de débats vigoureux. Si nous voulons faire notre travail, nous devons aussi étudier soigneusement les politiques qui nous sont soumises sous forme de mesures législatives. Voilà ce sur quoi devrait porter notre prochaine réunion, selon moi.
Une dernière chose. Le texte de dernière puce à la page 15 est mal formulé. En tout cas moi, quand je l’ai lu, j’ai accroché sur la formulation. J’ai dû m’y prendre par trois fois, et encore, je ne trouve toujours pas qu’il veuille dire grand-chose.
Voici ce que je crois qu’on devrait comprendre, même si je demeure convaincue que ce n’est pas ce que dit le texte : premièrement, les régimes peuvent être monocaméraux ou bicaméraux. Deuxièmement, dans les régimes bicaméraux, la seconde Chambre, ou Chambre haute comme elle s’appelle généralement, n’est pas habilitée à voter ou à refuser la confiance. Eh bien, c’est faux, parce qu’en Australie, elle a ce pouvoir. Dieu sait ce que nous découvririons d’autre si nous continuions à décortiquer ce qui se fait ailleurs.
Ce qui compte avec ce remarquable ensemble de principes, c’est qu’ils sont adaptables. Ici même au Canada, nous les avons adaptés à notre réalité, et nous nous en portons très bien. En fait, il y a une seule question à laquelle nous devrions tenter de répondre : nos façons de faire sont-elles encore pertinentes ou y a-t-il certaines choses que nous pourrions améliorer, que ce soit aujourd’hui ou plus tard?
Le sénateur Gold : De toute évidence, j’ai du mal à faire passer mon message, parce que, dans les faits, je suis d’accord avec la sénatrice Lankin et vous. La seule chose où je ne suis pas d’accord, c’est sur l’emploi de l’expression « opposition officielle ».
Moi aussi, je trouve que nous devrions nous occuper des vraies affaires. Comment organisons-nous nos débats? Comment faire pour, à la fois, qu’il y ait une pluralité d’opinions qui puissent s’exprimer quand nous étudions une mesure législative ou menons une étude et qu’il y ait toujours quelqu’un, ou un groupe, qui puisse jeter un œil critique sur les mesures dont nous sommes saisis, au lieu que nous approuvions toujours tout ce qui nous est soumis? Comment répartir les ressources et les privilèges entre les groupes qui composent le Sénat moderne?
J’ai mon opinion, et j’en ai fait part au Sénat lorsqu’il a été question de partisanerie. Je l’ai aussi exprimée dernièrement lorsque j’ai fait valoir la force des arguments en faveur d’une opposition au sein de la Chambre haute, mais cela, vous le savez déjà.
J’aimerais dire une dernière chose, après ce sera tout. Comme vous le savez, j’ai participé de façon intermittente aux travaux du comité. Je suis seulement suppléant, et on a eu besoin de moi à quelques occasions. Je suis au Sénat depuis plus d’un an, et je peux vous dire qu’au Comité du Règlement, sur le parquet, dans les couloirs — partout, en fait —, la notion d’opposition, et d’une opposition protégée, ou « reconnue » comme le disait la sénatrice Frum, a toujours été perçue comme faisant partie intrinsèque du système de Westminster. Dès le premier jour, ce sont les échos que j’ai eus. Je comprends pourquoi le comité a voulu définir le système de Westminster, mais selon ce que je retiens des témoignages et du rapport, c’est qu’il est plutôt malléable et cela, je crois que le document le rend bien.
Je le répète : je n’ai pas d’objection à ce qu’on fasse mention, plus ou moins explicitement, de l’opposition, que ce soit dans les puces ou dans le corps du texte, tant qu’on ne va pas plus loin que ce qu’ont dit les témoins et la diversité que prévoient les différentes itérations du système de Westminster au sujet des deux Chambres, basse et haute. Nous devons choisir soigneusement nos mots afin de ne pas dire quoi que ce soit d’inexact, même par inadvertance.
Une fois que ce sera fait, j’espère que nous pourrons passer à autre chose, ou plutôt que nous pourrons continuer d’avancer afin que nous puissions nous attaquer à des questions plus pratiques et plus importantes, à mes yeux, pour le Sénat et les Canadiens.
Le sénateur Dean : Je n’étirerai pas le débat plus longuement. Je vous remercie.
Le président : Je crois que c’est ce que nous avons entendu de mieux jusqu’ici.
La sénatrice Frum : Je crois que nous sommes plus d’accord que nous ne le pensons, parce que moi aussi, j’aimerais que nous tournions la page sur ce rapport.
Sénatrice Lankin, ce que j’essayais de dire, tout à l’heure, c’est que je suis d’accord avec vous, le sénateur Gold et la sénatrice McCoy. Il y a des questions pratiques à régler. Vous voulez moderniser le Sénat? Alors, discutons-en, je ne demande pas mieux. Pas besoin de faire tout ce raffut et de chercher les affrontements. Nous sommes tous d’accord. Vous non plus, vous ne voulez pas que ce soit aussi difficile. La sénatrice McCoy et le sénateur Gold disent la même chose, c’est-à-dire : « Pourquoi ne pas proposer quelque chose de concret à ajouter au sujet de l’opposition après la ligne 28 de la page 15? Les grands principes suivants font partie intrinsèque du régime parlementaire de Westminster, que l’on parle d’une opposition “protégée” ou “reconnue”. »
Le sénateur Eggleton : Nous devrions placer ce segment après celui sur le gouvernement responsable, mais avant celui sur la prérogative royale.
La sénatrice Frum : Si c’est ce que cela prend pour qu’il en soit question, allons-y.
Le sénateur Eggleton : Je crois que c’est le meilleur endroit, oui.
La sénatrice Frum : D’accord.
Le sénateur Eggleton : Avant le segment sur la reine?
La sénatrice Frum : Eh bien, oui. L’opposition est plus importante pour la démocratie que la monarchie.
La sénatrice Lankin : Je crois que je suis d’accord.
La sénatrice Frum : Je parlerais d’opposition protégée, ou reconnue, en tout cas de la présence d’une opposition.
Le problème, c’est que le sénateur Eggleton se voit actuellement comme l’opposition au Sénat, alors que ce n’est pas le cas.
Le sénateur Eggleton : Je n’ai jamais dit cela.
La sénatrice Frum : Non, mais je crois que vous le pensez.
Le sénateur Eggleton : Ce que je dis, c’est que chacun a un rôle à jouer pour que les mesures législatives fassent l’objet d’un second examen objectif et que cette réalité suscite énormément d’opposition.
La sénatrice Frum : Il y a une différence entre une opposition protégée, désignée, et une autre formée de gens qui s’autoproclament comme tels.
Le sénateur Gold : Nous nous éloignons.
La sénatrice Frum : Parce que nous ne nous entendons pas sur le mot à employer. Une dernière chose, après quoi je laisse la parole à quelqu’un d’autre, parce qu’il y a autre chose dont j’aimerais parler.
À la ligne 12 de la page 15, on peut lire que « le système de Westminster n’impose pas de modèle qui scléroserait le fonctionnement parlementaire ».
Eh bien, oui, il impose un modèle sclérosant le fonctionnement parlementaire. Aucune des deux Chambres ne peut agir unilatéralement. Il s’agit donc d’une contrainte. Il doit y avoir des députés favorables au gouvernement et d’autres dans l’opposition. Il s’agit de principes fondamentaux et essentiels du système de Westminster. Le système de Westminster impose bel et bien un modèle sclérosant le fonctionnement parlementaire. Sénateur Gold, vous nous avez prévenus de ne rien dire d’inexact; eh bien ça, c’est inexact. C’est aussi inexact de dire, à la ligne 25, que les principes de Westminster sont des concepts beaucoup plus descriptifs que normatifs. C’est inexact. Il y a des normes dans le système de Westminster.
À la ligne 1 de la page 16, en terminant, on peut lire que nous pouvons penser à la modernisation du Sénat avec ouverture. Pourtant, la Cour suprême nous a dit que c’était impossible. Nous ne pouvons pas, pour ne donner que quelques exemples, limiter la durée des mandats, tenir des élections, ni abolir le Sénat lui-même. Nous ne pouvons pas agir avec ouverture. Ce n’est pas vrai. Toutes ces choses sont inexactes, et j’aimerais bien savoir pourquoi elles se retrouvent dans notre rapport.
Le sénateur Joyal : Je vais tâcher de mieux expliquer le concept derrière ces mots, puisque c’est essentiellement là-dessus que nous accrochons.
Quand la Loi sur le Parlement du Canada ou le Règlement de l’autre endroit parlent de l’opposition officielle, c’est directement lié au principe de la responsabilité gouvernementale. Autrement dit, il doit toujours y avoir un parti prêt à prendre la relève si le parti au pouvoir perd le soutien de la Chambre. L’opposition officielle est le parti qui compte le plus grand nombre de sièges après le parti au pouvoir ou le parti à qui le gouverneur général a demandé de former le gouvernement. Dans ce contexte, c’est-à-dire à la Chambre des communes, l’adjectif « officielle » renvoie au principe de responsabilité gouvernementale.
Au Sénat, l’expression « opposition officielle » prend un autre sens. Il n’y a pas de gouvernement en attente au Sénat, puisque, comme vous le savez tous, il n’y a pas de gouvernement qui puisse tomber.
Selon moi, le mot « opposition » est toutefois essentiel dans le contexte sénatorial. Quel est le rôle du Sénat? L’étude des mesures législatives. Pas seulement y jeter un œil distraitement en se disant à quel point c’est intéressant que tel ou tel projet de loi porte sur l’environnement parce que c’est tellement d’actualité.
Ce n’est pas cela, une étude. Étudier un texte de loi, c’est le passer au crible pour en faire ressortir les forces et les faiblesses. Or, tant qu’il y aura un groupe reconnu qu’on appellera l’opposition, peu importe de qui il est formé, cela voudra dire qu’il y aura toujours quelqu’un pour remettre en question les décisions du gouvernement et les mesures qu’il présente, qu’il y aura des débats où de nombreux points de vue pourront être exprimés, entendus et soupesés et qu’à terme, la décision reviendra à l’assemblée.
Selon moi, si vous avez du mal avec le concept d’opposition au Sénat et que vous songez à supprimer carrément cette notion du Règlement, vous aurez bien du mal à organiser l’opposition au cas par cas. Supposons que le Sénat est composé de 105 indépendants, certains faisant partie de groupes définis, et d’autres, non. Disons qu’il y a trois groupes d’indépendants. Eh bien, il viendra immanquablement un moment où vous devrez vous demander qui devra s’opposer au gouvernement pour telle ou telle mesure législative. Pensons seulement au cannabis. Qui organiserait concrètement l’opposition à ce projet de loi extrêmement important, car je rappelle qu’au Canada, la population s’attend généralement à ce que les mesures législatives fassent l’objet d’un débat démocratique et que ses différentes dispositions soient amplement décortiquées et remises en question. Nous aurons évidemment un groupe de sénateurs en faveur du projet de loi tel quel, mais il doit aussi y en avoir un qui en contestera l’objectif et le bien-fondé, qui en fera ressortir les lacunes, et cetera.
Croyez-vous que vous pourrez continuer de remettre en cause les mesures législatives du gouvernement s’il n’y a pas de groupe formellement chargé de cette tâche et dont la composition variera en fonction des résultats des plus récentes élections? Les débats vont partir dans tous les sens, croyez-moi.
Il est là, le véritable problème, selon moi, et il sera porté à son extrême si le Sénat se retrouve avec 105 indépendants et pas d’opposition organisée.
Le président : Pourtant, n’avez-vous pas remarqué vous aussi que, depuis quelques années, l’opposition aux projets de loi, quels qu’ils soient, vient d’un peu tout le monde? Des libéraux ont proposé des amendements à des projets de loi libéraux au même titre que les conservateurs et les indépendants. De toute son histoire, notre assemblée n’a jamais été aussi encline que maintenant à proposer des amendements.
Le sénateur Joyal : C’est vrai, je suis d’accord.
Le président : L’opposition peut donc venir de n’importe où.
Le sénateur Joyal : À mon avis, dans un régime démocratique, il doit néanmoins y avoir un groupe désigné dans les règles comme étant celui qui est chargé de talonner le gouvernement au quotidien. Rien n’empêche les autres de proposer des amendements ou de critiquer les mesures proposées, mais les gens doivent savoir que, quand le Sénat siège, il y a un groupe dont le rôle au quotidien consiste à demander des comptes au gouvernement.
Je ne suis pas en train de dire que les sénateurs indépendants ou appartenant à un autre groupe politique ne peuvent pas se joindre au débat et qu’ils doivent s’abstenir de remettre en question les décisions du gouvernement, simplement que cette tâche doit revenir officiellement à un groupe de sénateurs appelés « opposition ».
Prenons un autre exemple. Supposons encore qu’un de ces jours, le Sénat comptera 105 indépendants. Le gouvernement change, les nouveaux élus prennent position dans un dossier et cette position est perçue comme contraire aux valeurs typiquement canadiennes. Quelle certitude aurons-nous que la Chambre haute aura la responsabilité d’étudier les mesures législatives de ce nouveau gouvernement? Et quand je dis « étudier », je veux dire « analyser d’un œil critique », pas seulement lire pour la forme et approuver sans broncher, parce que, quand on étudie pour vrai un texte législatif, on va jusqu’au bout. Le mot « étude » peut prendre bien des sens selon la personne à qui on parle.
À mes yeux, il doit absolument y avoir une opposition dans n’importe quelle assemblée démocratique, à plus forte raison lorsque l’assemblée en question est censée représenter la diversité des points de vue du pays. Or, ici au Canada, il y a le point de vue des conservateurs, celui des libéraux, des néo-démocrates et des verts, sans oublier les bloquistes. Le Canada compte une multitude de points de vue. C’est tout à fait normal qu’ils trouvent tous écho au Sénat. Autrement dit, il doit y avoir un groupe de sénateurs qui, jour après jour, a la responsabilité de demander des comptes aux personnes qui sont au pouvoir pendant un laps de temps donné.
Le président : Je ne suis pas sûr d’être d’accord.
Le sénateur Joyal : C’est pourtant le modèle de Westminster.
Le sénateur McInnis : Le sénateur Joyal l’a très bien expliqué, mais de mon point de vue à moi, l’opposition est davantage un regroupement de gens ayant des vues philosophiques semblables et qui finissent par former une équipe. Les circonstances font qu’aujourd’hui, ce sont des conservateurs et que nous partageons les mêmes objectifs.
Le président : Même chose pour moi.
Le sénateur McInnis : C’est bien possible, mais je préfère ne pas m’embarquer là-dedans. Pour l’heure, nous formons le plus gros parti reconnu. Or, selon ma façon de voir les choses, nous fonctionnons comme un groupe et quand nous arrivons ici, c’est dans le but d’analyser les mesures législatives du gouvernement d’un œil critique et de proposer des amendements au besoin. Pas seulement pour le seul principe d’en proposer; nous agissons toujours de manière constructive. Il nous arrive même d’approuver certains projets de loi. Pour toutes ces raisons, le Sénat s’est doté d’un groupe organisé appelé « opposition ». Vous n’avez pas besoin de lui accoler l’adjectif « officielle »; « opposition » suffit.
C’est ce qui nous a menés jusqu’ici, et c’est pour cette raison que nous avons été nommés : parce que nous sommes des conservateurs. Nous voyions les choses du même œil que le premier ministre de l’époque, alors nous avons été nommés. Nous formons un groupe; un groupe reconnu au sein d’un parti reconnu. Et ça, il ne faut pas l’oublier, comme le disait le sénateur Joyal. L’opposition est un des rouages importants du système de Westminster et des régimes démocratiques en général. Ne l’oublions pas. Voilà pourquoi, selon moi, nous devrions le répéter aussi souvent que nous le pouvons.
Je ne sais pas ce qui nous attend. J’ai fait mes calculs pour savoir quand partiront la plupart des sénateurs. Or, le Sénat comptera encore beaucoup de conservateurs en 2023. Ils feront partie d’un parti reconnu, et ils formeront l’opposition.
Il faudra beaucoup de temps, sénateur Joyal…
Le sénateur Joyal : Vous pourriez aussi être au pouvoir.
Le sénateur McInnis : Nous pourrions aussi être au pouvoir, c’est vrai.
Je tiens à dire une dernière chose au sujet de la modernisation : ne nous enfermons pas dans des carcans. Si tout va bien, les réformes que nous apportons seront là pour longtemps, et elles ne devraient pas changer d’un mandat à l’autre. Il faut donc que ces changements se fassent dans un certain esprit de constance, de continuité.
Soit dit en passant, je crois que l’opposition joue un rôle très important, mais j’estime aussi que les sénateurs indépendants sont extrêmement compétents et qu’ils font du bon travail d’opposition. Je ne sais pas comment vous fonctionnez, si vous vous réunissez… Je n’en ai pas la moindre idée. Vous êtes un groupe indépendant et vous faites du bon travail. Mais je peux vous assurer que nous ne nous sentons pas seuls de notre côté, car nous savons que nous avons collègues qui pensent comme nous et avec qui nous pouvons échanger. Il y a quelque chose de réconfortant, selon moi.
Le sénateur Massicotte : Personnellement, je crois que nous devrions nous entendre sur la teneur du rapport. Ce n’est qu’un document de référence, et je doute qu’il serve à prendre des décisions concrètes, mais il s’agit néanmoins d’un débat important. Si on essaie de dégager une constante, je crois que nous nous entendons pour dire qu’il doit y avoir une opposition. Oublions les adjectifs du type « dynamique » ou « réelle ». Il doit y avoir une opposition, point. Pour le moment, nous ne savons pas si elle doit être officielle ou non, ni sur la forme qu’elle doit prendre. J’attends avec impatience le débat que nous ne manquerons pas d’avoir, mais à mon avis, ce n’est pas avec ce rapport-ci que nous réglerons la question. Pour le moment, contentons-nous du consensus sur la présence d’une opposition, ensuite nous pourrons discuter de la manière dont le débat aura lieu. Selon moi, il s’agira d’un débat extrêmement important.
Nous devrions aussi discuter des indépendants. Peut-être devrait-il y en avoir un nombre maximal. Au Royaume-Uni, il n’y a jamais un seul groupe qui contrôle la Chambre. Peut-être devrions-nous envisager de dire qu’aucun parti ne pourra jamais occuper plus de 50 p. 100 des sièges du Sénat. Peut-être devrions-nous au moins en discuter. Chose certaine, l’opposition serait encore plus vigoureuse.
Pour en revenir au rapport, je suis d’accord avec la sénatrice Frum dans un certain sens : il faut choisir les bons mots et agir à l’intérieur du cadre que nous impose le modèle de Westminster. Nous avons amplement de marge de manœuvre, je ne dis pas le contraire, mais il y a tout de même des limites, comme la durée des mandats, ce genre de chose.
Il faut choisir nos mots afin que personne ne pense que tout est permis et qu’il n’y a aucune restriction. Il y a des balises à respecter, mais à l’intérieur de ces balises, nous avons la latitude voulue pour nous organiser comme nous le voulons et donner la forme que nous voulons à l’opposition tout en servant les intérêts des Canadiens. Je crois que c’est la voie à suivre.
Un détail, en terminant. Je crois que nous devrions choisir des mots que les Canadiens comprendront mieux, parce qu’idéalement, les gens le liront, ce rapport. Les expressions « gouvernement responsable » et « prérogative royale » n’y sont pas très bien définies, alors je crois que nous devrions nous en tenir à des mots que les gens vont comprendre.
Quand vous parlez du législatif, je crois que vous parlez surtout de la Chambre des communes, mais le Sénat fait partie lui aussi du législatif. Les formules du genre « demander des comptes à l’exécutif » n’ont pas leur place, et je suis convaincu qu’on pourrait dire la même chose en termes plus aisément compréhensibles pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde; moins jolis peut-être, mais accessibles à un plus grand nombre.
Le président : Quand nous aurons entendu tous les sénateurs, nous demanderons aux analystes de nous dire ce qu’ils ont entendu comme commentaires. Je demanderais à tout le monde d’être bref parce que le temps file.
Le sénateur Wells : Il a beaucoup été question d’opposition et d’opposition officielle. Je suis d’accord avec la sénatrice McCoy : cette discussion ne mène nulle part. J’ai entendu les arguments des sénateurs Eggleton et Gold, et plus en profondeur lors de l’exposé que vous avez fait au Sénat il y a deux semaines. Selon moi, il ne devrait pas y avoir d’opposition. C’est ce que le sénateur Eggleton vient de dire. Je paraphrase, évidemment.
Le sénateur Gold : Avec tout le respect que je vous dois, ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai été très clair.
Le sénateur Wells : Pour ce qui est du sénateur Joyal — et j’ai sur mon bureau l’ouvrage Protéger la démocratie canadienne : Le Sénat en vérité, qu’il a lui-même écrit — il ne nous a pas donné son opinion. Il nous a expliqué les tenants et aboutissants du système de Westminster et le rôle fondamental de l’opposition officielle.
Le sénateur McInnis a lu un extrait du rapport antérieur. Je crois que c’est le premier endroit où il était question de ceux qui proposent et de ceux qui s’opposent, et il est là, l’équilibre. C’est de cette façon que nous pouvons nous faire entendre. Quand nous sommes dans l’opposition, nous savons que nous ne gagnerons pas tous les votes. En fait, nous en gagnons très peu, mais l’important, c’est que nous pouvons nous faire entendre et présenter nos arguments afin qu’ils soient pris en compte.
Je ne crois pas que nous réussirons à trouver un consensus aujourd’hui. Nous avons fait le tour de tout le monde, et certains sénateurs sont farouchement opposés à ce qui est écrit dans le rapport. Personnellement, je ne trouve pas qu’il reflète les témoignages que nous avons entendus. La position du sénateur Carignan concernant l’opposition officielle, par exemple, y est pour ainsi dire occultée.
Si vous permettez, j’aimerais proposer une motion afin que nous passions à autre chose et que, comme le disait la sénatrice Lankin tout à l’heure, nous discutions des enjeux véritables relativement à la structure du Sénat.
Je propose donc que nous mettions ce document de côté et que nous passions à autre chose.
La sénatrice Frum : J’appuie la motion.
Le président : Nous sommes saisis d’une motion. Nous devons y répondre, alors nous pouvons soit en débattre, soit la mettre aux voix dès maintenant. Personnellement, j’aimerais savoir ce que les autres en pensent.
Le sénateur Wells : Si vous permettez, je crois que le débat a déjà eu lieu, alors j’aurais tendance à suggérer… oui, évidemment.
La sénatrice Bellemare : Quelle est la motion?
Le sénateur Wells : Je propose que nous mettions ce document de côté. Nous n’arriverons jamais à un consensus, si vous voulez mon opinion. Je sais en tout cas que je ne changerai pas d’avis, et je suis pas mal sûr aussi que ceux qui pensent le contraire ne changeront pas d’avis non plus. Je propose donc que nous mettions ce document de côté et que nous cessions d’essayer de nous entendre sur une formulation commune, parce que nous n’y arriverons jamais. « Mettre de côté » n’est peut-être pas le bon mot, mais qu’on le remplace par la formule officielle équivalant à « tabletter ».
Le président : Je suis plutôt optimiste, moi. Nous avons réussi à trouver un consensus sur bien des points.
Le sénateur Wells : Je ne dis pas le contraire, monsieur le président, mais pour ce qui est du point principal, je ne crois pas qu’il y ait consensus.
Le président : Je pense au contraire que c’est peut-être le cas.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J’avais des commentaires à ajouter pour ouvrir le débat parce que, de toute évidence, il y a confusion. On a des positions très campées. En ce qui concerne la suggestion du sénateur Wells, j’ai déjà fait partie de comités dans d’autres instances où il est important d’avoir un rapport. Si l’unanimité ne peut se faire — parce que le consensus ne signifie pas nécessairement l’unanimité —, on pourrait tenir un vote sur le rapport tel qu’il est présenté.
Je veux soulever un point important au débat en ce qui a trait à la nécessité d’avoir une opposition. On s’est entendu sur le mot « opposition » sans le mot « officiel ». Il y a des sénats dans le monde que nous n’avons pas examinés. Le Sénat français, par exemple. Le sénateur Joyal, j’en suis persuadé, le connaît très bien. Il n’y a pas d’opposition officielle et il n’y a pas d’opposition au Sénat français, et les débats fonctionnent avec des groupes. Certains groupes politiques se répartissent selon les affinités politiques. Le Sénat français n’est pas le dernier des sénats. On ne parle pas d’un pays où il n’y a presque personne. Si on avait examiné l’organisation du Sénat français, on aurait pu arriver à des solutions. Sur cette motion, si l’on ne peut pas ouvrir le débat à d’autres choses...
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Nous sommes saisis d’une motion. Elle ne porte pas sur la notion d’opposition. Elle porte sur la mise au rancart du rapport. La sénatrice Bellemare parle plutôt du sujet dont nous discutons depuis une heure et demie.
Monsieur le président, je crois que, pour le moment, les gens qui veulent prendre la parole doivent parler de la motion, et non du contenu du rapport.
Le président : Je suis d’accord. Voulez-vous ajouter quelque chose, sénatrice Bellemare? Faites-vous allusion à la motion dont on est saisi?
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je suis d’avis qu’on devrait tenir un vote sur le rapport plutôt que de le mettre sous couvert. À mon avis, la motion qu’on adopte, c’est l’équivalent de ne pas adopter le rapport. Soyons francs et transparents. Est-ce qu’on adopte ou non le rapport? Je n’ai pas le droit de vote de toute façon. Je suis ici comme membre non affiliée. Je ne représente pas le représentant du gouvernement non plus.
[Traduction]
Le sénateur Gold : La seule réserve que j’ai à propos de la motion, sénateur Wells, est que nous n’avons pas eu l’occasion d’examiner dans quelle mesure les conclusions du débat pourraient ou non être intégrées dans un texte révisé.
Il est clair que nous ne pourrons pas nous mettre d’accord sur certaines questions fondamentales dont le document ne traite pas. Mais je croyais que nous pouvions au moins tomber d’accord sur un texte, à condition que l’on puisse se pencher sur certaines observations que la sénatrice Frum a faites au sujet des derniers paragraphes.
Je préférerais prendre la décision de mettre ou non de côté le rapport après que nous ayons eu la possibilité de voir si nous pouvons nous entendre sur un libellé.
Le président : C’est ce que je pense aussi.
Le sénateur Massicotte : Je suis d’accord. Je pense que nous avons bien avancé et que nous sommes près d’arriver à une entente. Seriez-vous d’accord pour mettre votre motion de côté pendant une semaine, le temps de voir si nous pouvons nous entendre sur un texte?
Le sénateur Wells : Oui, je serais d’accord pour cela.
Le président : D’accord, c’est très bien. Nous avons pu nous entendre.
Êtes-vous d’accord pour que la motion soit retirée?
Le sénateur Wells : Oui, à condition de trouver un texte acceptable ou qui puisse faire l’objet d’un consensus en prévision de la prochaine réunion ou au moment qu’en décidera le président.
Le président : D’accord, nous avons les sénateurs Dean, Eggleton et Lankin. J’aimerais savoir ce que les analystes ont entendu.
La sénatrice Lankin ne figure pas dans la liste.
Le sénateur Dean : À propos des commentaires que le sénateur Joyal a faits sur la nécessité d’une opposition et de contestations, et sur la nécessaire garantie de pouvoir s’opposer au cas improbable où — et cela ne risque pas d’arriver dans un proche avenir — le Groupe des sénateurs indépendants s’alignerait sur une position commune, je dis que l’opposition est une bonne chose. Je ne pense pas non plus qu’il faille qualifier cette opposition, mais à mon avis, d’après ce qu’en dit le sénateur Joyal, l’opposition est importante. Ce que je souhaite, c’est qu’une opposition se manifeste chaque fois qu’elle est nécessaire et opportune, plutôt qu’une opposition permanente, sur tous les sujets, à laquelle j’ai l’impression d’assister de nos jours. Je ne veux donc pas parler d’une opposition qui ressemble à celle que nous constatons à la Chambre des communes, mais d’une opposition sélective, réfléchie et significative, contrairement à l’opposition systématique que l’on constate tous les jours.
Je serais beaucoup plus à l’aise à l’idée d’une opposition — je l’ai déjà d’ailleurs dit et l’on pourrait en reparler — qui découlerait de l’indépendance de tous les sénateurs qui se sentiraient libres de parler, de voter et d’exprimer leurs opinions sans crainte de sanctions ou de représailles. Nous y reviendrons, mais j’ai trouvé important de pouvoir exprimer publiquement mon opinion et mes préférences, comme d’autres l’ont fait d’ailleurs.
Le président : Très bien, ce que vous dites est très intéressant.
Le sénateur Eggleton : À ce sujet, permettez-moi de préciser simplement que l’opposition officielle, que le gouvernement et l’opposition participent du système de Westminster, mais surtout de la Chambre basse, de la Chambre des communes. Voulons-nous vraiment que le Sénat soit un simple reflet de la Chambre des communes? Je ne pense pas que cela soit particulièrement utile de reprendre cette même dynamique — même si c’est ce que nous avons fait jusqu’à cette session, jusqu’à cette législature.
Appuyer le gouvernement par principe ou appuyer l’opposition par principe, c’est reproduire ce qui se fait à la Chambre des communes. Je ne pense pas que cela soit particulièrement utile.
Je crois qu’il y aura toujours une opposition. J’en ai déjà donné l’exemple, je le redonnerai à nouveau. La sixième plus importante administration de ce pays, plus importante que celles de la moitié des provinces réunies, dont le budget et la population dépassent ceux de la moitié des provinces, n’a pas d’opposition officielle. Je veux parler du conseil municipal de Toronto. C’est une administration importante dans ce pays. J’en parle d’expérience, ayant été maire de Toronto pendant 11 ans. L’opposition ne manque pas au conseil municipal. Le maire et toute une bande de conseillers pensent avoir les bonnes solutions et l’opposition, sous forme de second examen objectif, ne manque pas. Selon leur personnalité, les gens voient les choses différemment, il y a toutes sortes d’orientations philosophiques. Il n’y a pas d’opposition officielle, mais de nombreuses tendances de gauche ou de droite. Cela donne une dynamique qui découle d’un système qui n’a même pas d’opposition officielle.
L’un des territoires de taille modeste, je veux parler du Nunavut, n’a pas non plus, je crois, d’opposition officielle.
La sénatrice McCoy : Les Territoires du Nord-Ouest n’en ont pas non plus.
Le sénateur Eggleton : Dans le système de Westminster, ce genre de dynamique caractérise, je crois, la Chambre basse, mais nous pouvons certainement trouver quelque chose de différent pour la Chambre haute.
Le président : D’accord.
Le sénateur Massicotte : Voulons-nous résumer le débat?
Le président : Oui. Sénateur Gold?
Le sénateur Massicotte : Nous devrions éviter de débattre de…
Le président : Résumons.
Le sénateur Gold : Oui, certainement, cela peut attendre une autre session.
Le président : Voudriez-vous?
M. Groves : Je vais essayer. Si j’ai bien compris, on s’était entendu pour ajouter une phrase dans la partie relative à la Chambre des lords, ainsi qu’une note en bas de page, décrivant le processus de nomination des membres de l’opposition. C’est ce que j’ai compris. On parlait, de façon générale, des pairs, mais il s’agissait, en particulier, des membres de l’opposition.
Pour aller dans le détail, la deuxième phrase devait préciser la présence de l’opposition et devait s’ajouter à la liste des points figurant à la page 15, mais je ne sais pas si on s’était mis d’accord sur l’endroit où l’insérer dans la liste.
Le sénateur Eggleton : Après la ligne 26.
M. Groves : Après la ligne 26, d’accord, donc entre les lignes 26 et 28, pardon, 27.
Le dernier changement sur lequel on s’était, je crois, entendu, se trouve à la dernière page. Il s’agissait de retirer les termes « or limiting » à la ligne 5 de la version anglaise et, aux lignes 25 et 26 de la version française, de retirer la première phrase et de remplacer « Ils » par « Les principes de Westminster ». Il s’agissait donc de supprimer la phrase : « Les principes de Westminster sont des concepts beaucoup plus descriptifs que normatifs. » et, dans la phrase suivante de remplacer « Ils » par « Les principes de Westminster ».
La sénatrice Frum : Et que fait-on de l’expression « avec ouverture » aux lignes 1 et 2? Il n’y a pas… Il faut trouver la phrase que nous voulons.
M. Groves : D’accord.
Le président : Avez-vous un texte à proposer?
La sénatrice Frum : Je pense qu’il faut complètement reformuler la phrase et, si vous voulez, je peux le faire, mais peut-être pas immédiatement.
Le sénateur Gold : Pourrais-je proposer « Sous réserve de la Constitution » ou autre expression d’ordre général qui laisse entendre qu’il y a, après tout…
Le président : C’est une bonne idée.
Le sénateur Joyal : C’était le mandat.
Le sénateur Gold : Oui, en dépit de ces contraintes, nous sommes libres.
M. Groves : « Compte tenu de ses conclusions et sous réserve des restrictions imposées par la Constitution… » Peut-être que « restrictions » n’est pas le mot juste. « Sous réserve de la Constitution, le Sénat a la liberté de penser sa modernisation avec ouverture, en se concentrant sur la façon… »
La sénatrice Frum : L’« existence d’une opposition » ne convient peut-être pas. Je vais devoir y réfléchir afin de déterminer si c’est la bonne expression, car elle pourrait ne pas être suffisamment énergique pour certains d’entre nous, mais on peut en discuter à la prochaine réunion. Quelle joie!
M. Groves : Nous pouvons aussi procéder comme avec le sénateur Joyal et intégrer ses propositions, que nous allons faire circuler.
Le président : On devrait terminer.
La sénatrice Frum : Je ne veux pas vous faire perdre votre temps et je pense que l’expression « opposition structurée » est un compromis très raisonnable.
Le sénateur Eggleton : On en revient à « officielle ».
La sénatrice Frum : Si c’est cela qui va être déterminant…
Le sénateur Massicotte : Discutons-en à la prochaine réunion. Je pense que l’on peut trouver une expression satisfaisante, même si je sais que les gens ont des idées bien arrêtées.
La sénatrice Frum : Mais puisque nous sommes ici et que nous savons quelles sont nos positions, je pense que l’expression « opposition structurée » vient de la sénatrice Lankin et pas de moi.
Le sénateur Massicotte : « Structurée » me convient, mais nous devrions en discuter.
Le sénateur Eggleton : Je pense que le qualificatif est assez juste.
La sénatrice Frum : Pas moi.
La sénatrice McCoy : Je ne suis pas entièrement d’accord, mais, par souci de concorde…
Le sénateur Massicotte : Quel qualificatif aimeriez-vous, sénatrice McCoy?
Le sénateur Gold : Elle n’en veut pas.
La sénatrice McCoy : Je ne vois pas en quoi cela peut s’appliquer au Sénat du Canada. On peut dire qu’une Chambre d’un Parlement de Westminster doit constituer un gouvernement responsable et, s’il n’y a qu’une seule Chambre, la pratique veut qu’il y ait normalement une « opposition officielle ». Ce n’est même pas le cas partout, ce n’est pas le cas au Nunavut, ce n’est pas le cas en Tasmanie, ce n’est pas le cas en Écosse, et cetera. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire.
Une chose est sûre cependant et c’est de cela que nous devrions débattre : comment allons-nous faire en sorte qu’au sein du Sénat du Canada, il y ait des débats convenables, animés et utiles?
Pour le sénateur Joyal, il faut qu’il y ait une opposition pour que quelqu’un soit responsable. Je pense qu’il y a trois ou quatre façons d’y parvenir sans avoir le sénateur McInnis comme chef de l’opposition officielle. Voilà le débat que nous devons avoir.
Le sénateur Massicotte : Nous convenons tous que c’est un débat très important, mais nous nous écartons du rapport. La seule chose à déterminer, c’est s’il faut ajouter un qualificatif au terme d’« opposition ». Essayons de régler le problème, faute de quoi nous n’irons nulle part.
Le président : Pouvons-nous faire circuler une ébauche au comité? Les gens pourraient faire des propositions par rapport au mot « opposition ». On pourrait procéder ainsi.
M. Groves : La phrase sera surlignée dans le texte que nous ferons circuler. On pourra ainsi, espérons-le, trouver une solution.
Le président : Quand l’ébauche pourrait-elle être prête?
M. Groves : Très bientôt.
Le président : Très bien.
La sénatrice Lankin : Je pense que nous devrions citer le sénateur McInnis qui, dans notre premier rapport, a simplement affirmé : « Comme nous l’avons dit dans notre premier rapport, l’importance de quelqu’un qui s’oppose et de quelqu’un qui propose » et…
La sénatrice Frum : Pourquoi pas?
La sénatrice Lankin : C’est déjà là, nous en avons déjà convenu.
La sénatrice Frum : Pourquoi pas? C’est d’accord.
Le président : Cela ne me dérange pas non plus. Y a-t-il d’autres commentaires ou pouvons-nous clôturer la réunion?
(La séance est levée.)