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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 5 - Témoignages du 14 mars 2016


MONCTON, le lundi 14 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures, afin d'étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec, et je préside ce comité. Tout d'abord, je demanderais aux sénateurs de se présenter, à commencer par le vice-président.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur McIntyre : Je suis le sénateur McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Oh : Je suis le sénateur Oh, de l'Ontario.

La sénatrice Poirier : Je suis la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Je ne suis pas membre ordinaire du comité, mais puisque je viens du Nouveau-Brunswick, j'ai décidé d'assister à la réunion ce matin.

La sénatrice Hubley : Je suis la sénatrice Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis également membre invitée du comité, qui est d'ailleurs excellent, et je suis heureuse d'être parmi vous.

Le président : Merci beaucoup. Le comité poursuit aujourd'hui, l'étude qu'il a entreprise au cours de la dernière législature sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Nous sommes très heureux de nous réunir à Moncton pour entendre les témoignages des intervenants et des ministères gouvernementaux du Canada atlantique qui œuvrent dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Mesdames et Messieurs, nous vous remercions vivement de votre présence ce matin. Le comité est très heureux de vous recevoir.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir M. Alan McIsaac, ministre de l'Agriculture et des Pêches, et M. John Jamieson, sous-ministre de l'Agriculture et des Pêches, qui représentent tous deux le gouvernement de l'Île-du-Prince- Édouard.

Pour ce qui est du gouvernement du Nouveau-Brunswick, nous accueillons Mme Cathy LaRochelle, sous-ministre adjointe, Division des programmes de l'industrie et des politiques, ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches, ainsi que Mme Shirley Stuible, directrice, Planification stratégique et élaboration de programmes, ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches.

Nous accueillons aussi M. Keith Deering, sous-ministre adjoint Agroalimentaire, Agence des forêts et de l'agroalimentaire, du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.

Monsieur McIsaac, vous avez la parole.

Alan McIsaac, ministre de l'Agriculture et des Pêches, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Merci beaucoup. Je suis ravi d'être ici. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. Je suis très heureux que le Sénat s'intéresse de près à l'agriculture, car il s'agit de la principale industrie de l'Île-du-Prince-Édouard. Je sais que le comité sénatorial est chargé d'étudier des dossiers relatifs à l'agriculture et aux forêts. Avant les dernières élections, les forêts relevaient de notre ministère, mais ce secteur a depuis été placé sous la responsabilité du ministère des Collectivités, des Terres et de l'Environnement. L'agriculture et les pêches relèvent toutefois de notre ministère et nous souhaitons faire un bref exposé sur nos marchés, nos priorités et nos inquiétudes.

Nous avons donc un feuillet que nous allons distribuer et que nous allons parcourir pendant quelques instants, si cela vous va.

Nous allons commencer par parler des marchés internationaux. Il y a ici un graphique qui illustre les exportations à l'étranger, qui ont atteint 1,29 milliard de dollars en 2015, et les principales catégories d'exportation. Les secteurs de l'agriculture, des pêches et de la transformation des aliments sont les véritables moteurs économiques de l'Île-du- Prince-Édouard. J'expliquais plus tôt au sénateur Oh que l'économie de notre province n'est pas axée sur le pétrole, comme c'est le cas pour de nombreuses autres provinces, mais plutôt sur l'agriculture, les pêches et le tourisme. Nous disons souvent que, chez nous, les véritables moteurs du tourisme sont l'agriculture, les magnifiques exploitations agricoles — je vous invite d'ailleurs tous à venir voir à quel point l'île est belle, au milieu de l'été peut-être —, les pêches, le littoral, les villages de pêcheurs et ainsi de suite. La pêche et l'agriculture sont donc nécessaires pour stimuler concrètement le tourisme, notre troisième industrie en importance. Je pense que vous le constaterez si vous visitez l'île au beau milieu de l'été, quand les activités de tous les secteurs sont vraiment bien coordonnées.

La valeur des produits exportés à l'étranger par l'Île-du-Prince-Édouard dépasse le milliard de dollars. Les principales catégories sont énumérées sur la diapositive, où vous pouvez constater l'importance de la production primaire, dont dépend l'industrie de la transformation des aliments. Aussi importantes que soient les exportations à l'étranger, en 2012 — dernière année pour laquelle des statistiques sont disponibles —, la valeur des échanges commerciaux de biens et de services avec le reste du Canada s'élevait à 1,4 milliard de dollars, dépassant ainsi la valeur des exportations à l'étranger. Quelque 87 p. 100 des exportations interprovinciales de l'Île-du-Prince-Édouard sont destinées à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Québec, à l'Ontario et à l'Alberta. Les principaux produits exportés vers d'autres provinces sont très semblables à ceux exportés à l'étranger, auxquels s'ajoutent les produits laitiers, car 85 p. 100 de la production laitière de l'Île-du-Prince-Édouard, soit le pourcentage le plus élevé au Canada, sert à la fabrication de fromages de style européen, de lait évaporé et d'autres produits. Bien que notre province ne compte que 0,46 p. 100 de la population canadienne, nous produisons un peu moins de 2 p. 100 du lait de transformation et une grande partie de notre production industrielle sert à la fabrication de fromages havarti et feta, qui sont les principaux fromages produits dans notre usine de Sommerside. Notre usine ADL fabrique aussi près de 50 p. 100 du lait évaporé produit au Canada.

Dans le graphique illustrant les marchés internationaux, vous pouvez voir que les États-Unis sont évidemment notre plus gros client. En effet, 65 p. 100 de nos exportations y sont destinées. Les principaux produits exportés aux États- Unis sont : les pommes de terre, surgelées et fraîches, dont la valeur totalise 245 millions de dollars; le homard surgelé, dont la valeur s'élève à 87 millions de dollars; les produits préparés ou conservés, dont la valeur atteint 45 millions de dollars; et les moules — vivantes, fraîches ou réfrigérées —, dont la valeur s'élève à 37 millions de dollars.

La fin de semaine dernière, nous nous sommes rendus au Boston Seafood Show et il nous est arrivé quelque chose d'intéressant. Quand nous allons aux États-Unis et que nous parlons de l'Île-du-Prince-Édouard, les gens nous demandent souvent où cela se trouve. Nous avons pris un taxi pour nous rendre à un événement et le chauffeur nous a demandé : « D'où venez-vous? » J'ai répondu que nous venions de l'Île-du-Prince-Édouard et il a répliqué : « Mon gars, j'adore vos moules. » Notre province commence à être vraiment reconnue pour ses moules. Environ 80 p. 100 des moules du Canada viennent de notre petite province, et il faut dire qu'elles sont vraiment délicieuses.

Donc, quand vous viendrez visiter notre province pendant l'été, profitez-en pour vous régaler. Vous pouvez les déguster à l'année, alors chaque fois que vous en voyez — vous les verrez au menu partout au Canada —, profitez de l'occasion pour savourer un des produits de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le marché américain est essentiel pour l'économie de l'île, et il le demeurera dans le futur. Cependant, la dépendance de nos exportations à l'étranger envers le marché américain a diminué, passant de 75 p. 100 en 2006 à 65 p. 100 à l'heure actuelle, et ce, bien que la valeur de l'ensemble des exportations ait augmenté d'environ 600 millions de dollars. Les États-Unis demeurent néanmoins notre principal partenaire commercial.

L'accroissement de nos exportations est certainement l'une de nos priorités en matière d'accès aux marchés. L'Île- du-Prince-Édouard souhaite établir un programme de stratégie de marché canadien global avec les provinces et le gouvernement fédéral afin de tirer parti des nouveaux accords commerciaux. L'autre priorité est la promotion de notre secteur alimentaire. Vous voyez ici l'adresse du site web du partenariat en matière d'alimentation que nous avons lancé au cours de la dernière année afin de stimuler notre économie en nous proclamant « île gastronomique du Canada ». C'est exactement sur cela que se fonde notre économie.

Dans le mandat ministériel qu'il m'a confié, le premier ministre MacLauchlan m'a chargé d'accroître la contribution au PIB des secteurs de l'agriculture et de la pêche primaires ainsi que de la transformation des aliments. Nous avons dit à maintes reprises au cours de nombreuses rencontres avec certains groupes que le premier ministre nous a mis au défi, mon sous-ministre et moi, de stimuler l'économie de l'île par l'intermédiaire de nos deux premières industries en importance, et nous y travaillons d'arrache-pied. Le premier ministre souhaite aussi accroître les revenus provenant de l'exportation à l'étranger de produits agroalimentaires, de fruits de mer et d'aliments transformés.

C'est là où nous voulons en venir. L'Île-du-Prince-Édouard souhaite établir un programme de stratégie de marché canadien global avec les provinces et le gouvernement fédéral afin de tirer parti des nouveaux accords commerciaux. Les Canadiens doivent se compléter au lieu de se faire concurrence. Par exemple, pouvons-nous utiliser les moules de l'Île-du-Prince-Édouard pour faire la promotion du bœuf de l'Ontario au Japon? Pouvons-nous utiliser le porc du Manitoba et les vins de la Colombie-Britannique pour faire la promotion de l'expertise de l'Île-du-Prince-Édouard en matière d'entretien des turbopropulseurs en Europe, ou encore ajouter le fromage de l'Île-du-Prince-Édouard aux fruits de mer exportés à Singapour par Terre-Neuve-et-Labrador?

À titre d'exemple, l'Île-du-Prince-Édouard et l'Ontario viennent de mener une mission commerciale conjointe en Inde. Nous avons travaillé et voyagé ensemble pour promouvoir les atouts de nos provinces. Pendant cette mission, il y a eu des discussions commerciales entre l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard. À la mi-mars, mon sous-ministre rendra visite à une personne que notre premier ministre a rencontrée au cours de la mission commerciale en Inde. Grâce à ces missions, nous pouvons prospérer ensemble, stimuler la vente de nos produits à l'étranger et favoriser les échanges commerciaux entre les provinces.

Notre taxe sur le homard est un autre exemple de collaboration entre les Canadiens. J'ignore si vous avez suivi ce dossier — les sénateurs des Maritimes sont sûrement au courant —, mais notre province a adopté une loi et des règlements afin de percevoir deux cents par livre de homard, par l'intermédiaire des pêcheurs ou des transformateurs, afin d'en faire la commercialisation générale. Cette taxe n'est pas destinée à la mise en marché d'une marque, mais bien à la commercialisation du homard canadien en général.

À l'occasion du Boston Seafood Show, nous avons rencontré les ministres du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle- Écosse et de Terre-Neuve, ainsi que le ministre Tootoo d'Ottawa, afin d'expliquer que nous prélevons cette taxe pour faire la promotion du drapeau canadien, si je puis dire, parce que, à l'étranger, les gens qui voient notre homard voient d'abord un produit canadien avant de voir un produit de l'Île-du-Prince-Édouard ou d'une autre province. Les provinces travaillent ensemble et utilisent ces fonds pour promouvoir le homard en général à l'échelle canadienne. Nous estimons que c'est une excellente initiative. Nous n'entrons pas en concurrence avec nos partenaires de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick, nous travaillons ensemble pour développer ce marché et faire la promotion du homard canadien. Nous devons procéder de la sorte pour d'autres produits également, et pas seulement pour le homard.

Notre partenariat en matière d'alimentation — qui est mentionné là et dont l'adresse du site web est indiquée ici — est une initiative majeure de l'Île-du-Prince-Édouard visant à favoriser la croissance et la réussite des entreprises alimentaires de la province et à améliorer la commercialisation à l'étranger. La division cherche à faire connaître et à promouvoir l'Île-du-Prince-Édouard en tant que lieu d'origine reconnu à l'échelle internationale pour ses produits alimentaires de première qualité et son excellence culinaire.

Nous devons continuer de déployer des efforts dans notre propre province afin de pouvoir travailler avec nos voisins et leur montrer les résultats que nous avons atteints. Nous faisons aussi la promotion de la province. Au cours de la dernière année, nous avons placé des images pittoresques de l'Île-du-Prince-Édouard, comme des pommes de terre et des fruits de mer, sur des semi-remorques qui ont parcouru tout le Canada et qui sont allées aussi loin que la Californie aux États-Unis pour promouvoir les produits de la province.

Nous avons des inquiétudes relativement à l'accès aux marchés, à l'importance du marché américain et à la production durable. Nous allons aussi aborder la question des changements climatiques.

En ce qui concerne l'accès aux marchés, à mesure que les droits de douane visant les produits sont réduits ou éliminés, la nécessité de prévenir et de régler rapidement les obstacles commerciaux non tarifaires se fait sentir davantage, ce dont nous nous réjouissons. Nous comprenons les avantages que comportent l'AECG et le PTP pour un grand nombre de nos produits de base. Toutefois, nous sommes aussi préoccupés par la mise en application de ces accords commerciaux dans le cas des produits soumis à la gestion de l'offre.

Du point de vue de l'Île-du-Prince-Édouard, l'importance du marché américain fait ressortir la nécessité, pour le gouvernement et les organismes fédéraux — comme l'ACIA —, d'entretenir des relations étroites avec leurs homologues du ministère de l'Agriculture des États-Unis. Par exemple, il est avantageux d'entretenir de bonnes relations pour faciliter les affaires courantes, mais cela devient essentiel quand surviennent des problèmes susceptibles d'entraîner de graves perturbations commerciales, comme ce fut le cas pour la galle verruqueuse en 2014. Voilà un exemple des résultats que peuvent donner une bonne compréhension des considérations scientifiques et de bonnes relations entre l'ACIA et le ministère américain de l'Agriculture. Le problème a été résolu et les perturbations au commerce des pommes de terre fraîches ont été mineures. Au début des années 2000, notre industrie avait été véritablement paralysée par ce même problème de galle. Les rapports qui ont été établis depuis n'existaient pas. En fait, c'est aux États-Unis que la galle verruqueuse était présente et, bien que nous n'en ayons pas constaté la présence ici, nos frontières ont été fermées et l'Île-du-Prince-Édouard a été exclue. Le Nouveau-Brunswick pouvait toujours exporter des pommes de terre, mais notre province avait été exclue à cause de la galle verruqueuse. Grâce aux bonnes relations qui sont maintenant établies, nous arrivons à affronter ce genre de petites difficultés ainsi que, dans une certaine mesure, les grands obstacles.

En ce qui concerne la production durable, nous devons mettre en œuvre de bonnes pratiques de gérance environnementale si nous voulons accroître l'importance des produits du terroir et de la mer, ainsi que celle des produits alimentaires qu'ils servent à fabriquer. La semaine dernière, nous étions justement ici, à Moncton, pour discuter de l'acceptabilité sociale, une question à laquelle travaillent actuellement tous nos représentants des divers secteurs. L'industrie laitière, l'industrie du porc et l'industrie du poulet ont toutes des codes d'usages. C'est nécessaire parce que nos consommateurs sont essentiels pour notre avenir, et nous en sommes conscients. Nous devons leur prouver et leur démontrer que nous produisons nos aliments et nos poissons, quels qu'ils soient, de façon responsable et nous devons faire passer ce message. C'est un élément vraiment très important qui est en train de devenir l'un des principaux sujets de discussion dans notre industrie.

Les changements climatiques sont bien réels et ils ont une incidence sur l'Île-du-Prince-Édouard. Par exemple, une évaluation des conditions météorologiques effectuée sur une période normale entre 1981 et 2010 a permis de constater une diminution faible, mais constante, des précipitations pendant la saison de croissance. La modification de la distribution des précipitations et la diminution de celles-ci au début de la saison de croissance, soit en avril, mai et juin, représente une tendance plus persistante. Nous recevons donc moins de pluie pendant cette période. De plus en plus d'agriculteurs souhaitent avoir recours à l'irrigation pour certaines cultures afin d'assurer une production suffisante pour l'exportation. L'Île-du-Prince-Édouard évalue actuellement l'incidence de toute utilisation d'eau dans la province. Grâce à l'élaboration d'une loi globale sur l'utilisation de l'eau et à une meilleure gestion du sol, la province espère trouver un juste milieu qui rendra possible la production agricole et aquacole tout en protégeant l'intégrité de l'environnement de l'Île-du-Prince-Édouard dans son ensemble. La diminution de la quantité de pluie et le besoin accru d'eau pour nos pommes de terre est un grand problème pour la province. Près de 65 p. 100 de notre production est destinée à la fabrication de pommes de terre frites. La société Cavendish Farms, qui achète la majorité de cette production, exige que les pommes de terre soient grosses et longues pour produire ses frites. Pour satisfaire cette exigence, il faut plus d'eau et il faut avoir davantage recours à l'irrigation. Nous avons décrété un moratoire sur le forage de puits d'eau profonde à l'extérieur des municipalités.

Sénatrice Hubley, vous savez qu'il s'agit d'une grande préoccupation.

Nous n'avons pas levé le moratoire, mais nous étudions la question et nous allons proposer une nouvelle loi sur l'utilisation de l'eau. Nous tenons des audiences dans toute la province pour recueillir les commentaires de nos concitoyens sur la question. Nous sommes conscients que l'agriculture est notre industrie principale, qu'il faut faire pousser nos pommes de terre, car elles représentent notre principal produit d'exportation, mais toute l'eau utilisée sur l'Île-du-Prince-Édouard provient de la nappe souterraine et c'est une grande source de préoccupation. De nombreuses données scientifiques brossent un portrait de la situation avec lequel nous ne sommes pas tout à fait d'accord. C'est donc un problème important et difficile qu'il faut aborder et auquel le gouvernement devra faire face sous peu.

En conclusion, en tant que province exportatrice, l'Île-du-Prince-Édouard est déterminée à miser sur sa réussite et à développer à la fois les marchés étrangers et nationaux. Le soutien du marché par le gouvernement fédéral est essentiel. Les priorités en matière d'accès aux marchés devraient être orientées vers la coopération plutôt que vers la concurrence, afin de stimuler toutes les exportations canadiennes. Nous devons faire notre possible pour que nos systèmes et nos méthodes de production évoluent de façon à assurer la viabilité à long terme.

L'Île-du-Prince-Édouard dispose d'une excellente industrie qui se porte relativement bien à l'heure actuelle. Nous envisageons d'entreprendre de nouvelles cultures et notre regard est tourné vers l'avenir ainsi que le potentiel de notre industrie de la pomme de terre. Nous nous intéressons à la science des sols, à l'état actuel de nos sols et aux moyens de les conserver. La pomme de terre est notre principale industrie, nous y portons un grand intérêt et nous devons nous en servir pour stimuler notre économie. Une chose est certaine, nous ne pouvons pas le faire au détriment de nos sols.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Jamieson, voulez-vous ajouter quelque chose?

John Jamieson, sous-ministre, ministère de l'Agriculture et des Pêches, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Je vais me contenter d'appuyer les propos du ministre. La seule chose que je puis dire, c'est que le ministre a présenté une bonne vue d'ensemble de la question.

Le président : Nous allons entendre tous les témoins puis, nous passerons aux questions des sénateurs.

C'est avec un immense plaisir que nous accueillons Keith Deering, qui représente le gouvernement de Terre-Neuve- et-Labrador. Soyez le bienvenu.

Keith Deering, sous-ministre adjoint Agroalimentaire, Agence des forêts et de l'agroalimentaire, gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador : Merci, monsieur le président. Je salue tous les autres sénateurs.

Je vous remercie de me permettre de représenter Terre-Neuve-et-Labrador à l'occasion de cette importante audience. À l'approche du milieu de notre siècle, nombreux sont ceux qui prédisent une crise alimentaire mondiale. Les décisions que nous prenons en 2016 peuvent être d'une importance capitale, pas seulement pour les échanges commerciaux et pour l'accès aux marchés étrangers dans l'avenir, mais aussi en ce qui concerne la sécurité alimentaire de notre propre population. Bien que la prochaine décennie puisse offrir de nombreuses possibilités d'expansion, nous serons également confrontés à bien des difficultés, et je suis ravi de donner le point de vue de Terre-Neuve-et-Labrador sur cet enjeu très important.

Avant 1950, les Terre-Neuviens et les Labradoriens étaient autosuffisants en matière d'alimentation. À l'époque, notre population disposait non seulement de fruits de mer en abondance, mais aussi de produits agricoles. Dans toute la province, quelque 20 000 personnes habitaient et travaillaient dans des exploitations agricoles. Grâce à la modernisation des réseaux de transport, nous nous sommes habitués à importer des aliments d'autres parties du Canada et, bien sûr, du monde entier. Aujourd'hui, bien que nous soyons autosuffisants pour les produits laitiers et les œufs, et presque autosuffisants pour le poulet, nous importons la grande majorité des autres produits alimentaires. De plus, en dépit de notre autosuffisance relative pour ce qui est des produits soumis à la gestion de l'offre, nous sentons le besoin d'importer pratiquement toutes les céréales et les aliments du bétail nécessaires à cette production. Au cours des dernières années, nous avons pris des mesures progressives pour remédier à cette situation.

Comme vous pouvez le voir sur la deuxième diapositive, je suis désolé qu'elle ne soit pas en couleur, mais vous pouvez voir la répartition de la majorité de la production agricole dans l'ensemble de la province. L'autre élément important que j'aimerais souligner dans cette diapositive, c'est qu'à peine 1 p. 100 du territoire de l'île de Terre-Neuve est considéré cultivable. Bien que la plupart de nos exploitations agricoles soient situées dans l'est de l'île, vous pouvez voir qu'elles sont regroupées dans le Nord-Est d'Avalon — là où notre population est principalement concentrée —, nos meilleures terres arables sont plutôt situées dans le centre et dans l'ouest de l'île. C'est dans ces régions que se trouvent nos plus grandes exploitations agricoles et que s'installent les nouvelles exploitations. Étant donné que notre production agricole s'étend actuellement sur environ 25 000 acres, son empreinte est relativement faible. Cela dit, certaines de nos exploitations laitières et avicoles comptent parmi les plus grandes et les plus modernes du pays. Grâce à nos programmes à frais partagés, nous avons réussi à bâtir notre industrie au moyen d'innovations et de technologies de pointe. Nous avons eu l'avantage de nous fonder sur les recherches les plus récentes pour bâtir notre secteur, et ce, en ayant recours à des pratiques de gestion exemplaires dans toute la chaîne de valeur.

Nous élaborons actuellement une stratégie qui permettra de multiplier par quatre le territoire consacré à la production agricole au cours des 15 prochaines années. Notre production, qui est actuellement évaluée à environ 500 millions de dollars, pourrait facilement dépasser les 2 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Bien que nous nous concentrions sur les besoins nationaux, nous nous intéressons aussi de près aux possibilités d'exportation.

La troisième diapositive présente des renseignements sur nos recettes agricoles et vous constaterez que les produits laitiers comptent pour environ 36 p. 100 de la production agricole totale. Le poulet, qui représente environ 23 p. 100 de la production, connaît une croissance constante depuis 2006, fort probablement comme dans le reste du Canada. Les œufs, qui figurent au troisième rang de nos produits en termes de valeur, représentent environ 14 p. 100 de la production agricole. Comme vous pouvez le constater, les produits soumis à la gestion de l'offre occupent une place très importante dans notre industrie agricole, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres régions du Canada. Cela témoigne de l'importance de la gestion de l'offre à Terre-Neuve-et-Labrador. Puisque les possibilités de croissance et la production primaire seront limitées pour ces produits, on peut s'attendre à ce que la majeure partie de notre croissance soit enregistrée dans le secteur des cultures, ainsi que dans le secteur de la culture en serre.

La quatrième diapositive présente quelques images de la production céréalière de Terre-Neuve. Vous serez probablement étonnés d'apprendre que nous importons annuellement 70 000 tonnes de céréales pour alimenter notre bétail, secteur qui est évalué à environ 28 millions de dollars par année. Grâce à nos activités de recherche et de développement, nous avons été en mesure de démontrer clairement la viabilité de certains de ces produits pour Terre- Neuve-et-Labrador, et ce secteur est actuellement positionné pour connaître une croissance significative. Bien sûr, au fur et à mesure que nous nous rapprochons de l'autosuffisance en matière de céréales, nous nous attendons à ce que la compétitivité de nos éleveurs de bétail s'améliore et à ce que de nombreux produits d'élevage pour lesquels nous dépendons largement des importations connaissent une certaine croissance.

La cinquième diapositive est en noir et blanc. Pour la plupart d'entre vous, l'image ressemble probablement à un chemin de terre. J'aurais vraiment aimé qu'elle soit en couleur, surtout pour mes homologues de l'Île-du-Prince- Édouard. Si l'image était en couleur, vous verriez que le sol est rouge vif comme à l'Île-du-Prince-Édouard. La réputation de Terre-Neuve selon laquelle l'île n'est qu'un rocher est quelque peu exagérée, surtout dans l'Ouest. À court terme, nous concentrerons nos efforts sur l'expansion du territoire consacré à la production primaire. Nous créerons des possibilités pour les nouveaux venus et nous réduirons les tracasseries administratives pour que les agriculteurs actuels puissent prendre de l'expansion. Malgré le fait que seule une petite portion de notre territoire est arable, nous disposons de vastes espaces continus qui ressemblent à cette photo, qui a été prise dans l'Ouest de Terre- Neuve. La lettre de mandat qui a été remise récemment au ministre indique très précisément qu'il doit donner accès à de nouvelles terres pour l'agriculture et simplifier le processus de demande.

La sixième diapositive met en évidence l'importance des jeunes agriculteurs dans notre province. À Terre-Neuve-et- Labrador, l'âge moyen des agriculteurs est de 58 ans, et nos agriculteurs sont probablement les plus âgés au pays. Statistiquement parlant, ce groupe est parmi ceux dont l'âge est le plus élevé au pays, ce qui nous préoccupe considérablement. Bien que l'expérience soit un élément crucial dans l'évolution de notre secteur, on pourrait dire que, à l'heure actuelle, l'importation agricole la plus essentielle sont les jeunes qui reviennent chez eux pour devenir agriculteurs. Nous sommes très encouragés par cette tendance qui s'est amorcée au cours des dernières années et nous avons hâte que notre profil démographique change. À notre avis, l'avenir de notre industrie en dépend. De la même façon, nous estimons que nous devons porter une attention particulière à la relève agricole. Comme je le disais, cette diapositive présente une jeune famille dont l'entreprise est devenue l'une des exploitations laitières les plus modernes et les plus progressistes de notre province. Le travail de cette famille a été reconnu à l'échelle nationale et le couple a été récemment nommé Jeunes agriculteurs de l'année du Canada atlantique.

Nous en sommes à la septième diapositive et je vais parler brièvement de nos exportations. Il y a beaucoup de travail à faire de ce côté. Un nouveau gouvernement a été élu récemment à Terre-Neuve-et-Labrador et nous avons reçu des signaux très encourageants quant à l'importance accordée aux progrès dans cet important dossier. Comme c'est le cas pour de nombreuses autres provinces, notre situation financière à court terme est très difficile, et l'expansion de l'agriculture est considérée comme une priorité pour stimuler notre économie.

Cela étant dit, nous exportons activement plusieurs produits agricoles depuis de nombreuses années. Du point de vue environnemental, nous avons créé un secteur de la fourrure de pointe. Nos produits sont très bien accueillis à l'étranger, principalement en Chine, et c'est de loin notre plus grand secteur d'exportation. En 2012, les fourrures exportées ont été évaluées à 20 millions de dollars. Comme la plupart d'entre vous le savent sans doute, ce secteur a connu un certain déclin au cours des dernières années et la baisse des prix a entraîné une diminution de la valeur globale des produits exportés en 2014. Les chiffres définitifs de 2015 ne sont pas encore disponibles, mais nous nous attendons à une autre baisse. Cette industrie s'attend à ce que cette tendance change au cours des prochaines années.

En outre, nous disposons de vastes territoires propices à la culture de la canneberge. Nous travaillons en partenariat avec le gouvernement fédéral pour créer une industrie de la canneberge saine et vigoureuse. Bien que notre objectif consiste à ce que la production soit suffisante pour établir une capacité de transformation locale, jusqu'à maintenant, la majeure partie de notre production a été exportée en Europe. Ce produit est très bien accueilli là-bas et, récemment, des pays des Caraïbes ont manifesté un vif intérêt à son égard. Nous espérons atteindre au cours des trois prochaines années une production de canneberges suffisante pour entreprendre leur transformation.

Nous avons eu des problèmes relatifs à la transformation du lait industriel à Terre-Neuve-et-Labrador. Malgré les investissements réalisés du côté de la production de fromage et de yogourt à plus grande échelle, les usines n'ont pas survécu, de sorte que nous exportons désormais tout notre quota de lait de transformation. Nous sommes très vulnérables, et on nous a souvent demandé de laisser tomber le lait de transformation en raison des interruptions du traversier dans le golfe, ou encore de la production industrielle de la Nouvelle-Écosse. Même si nous avons réussi à éviter la crise dans la plupart des situations, nous convenons que pour régler le problème, il faudra mettre en place un secteur de transformation industrielle à grande échelle à Terre-Neuve. Nous avons déjà une petite fromagerie artisanale, et nous croyons que le secteur est appelé à connaître une croissance considérable non seulement sur les marchés intérieurs, mais aussi sur les marchés internationaux. Nos exportations actuelles de produits laitiers se limitent à de petits volumes de produits de crème glacée qui sont expédiés vers l'Europe, où les produits reçoivent d'ailleurs un très bon accueil.

Même si nous réalisons toujours des progrès quant à nos cibles et objectifs en matière de sécurité alimentaire, nous reconnaissons aussi que ce secteur se traduira tôt ou tard par une augmentation des exportations.

Nous avons un secteur vinicole modeste, mais en croissance, qui est d'ailleurs très bien arrivé à commercialiser ses produits. Ces derniers temps, nous avons aussi très bien réussi à cultiver des raisins dans les régions de l'ouest et du centre de Terre-Neuve, ce qui pourrait aussi contribuer à la croissance du secteur vinicole au cours de la prochaine décennie. La marque que vous voyez sur la bouteille de vin apparaissant sur la diapositive est Three Sheets to the Wind. La plupart des gens ont probablement vu les publicités touristiques de Terre-Neuve. La lessive étendue sur des cordes à linge est devenue un emblème du tourisme de la province, et ce produit particulier est devenu un des meilleurs vendeurs à destination des détaillants de produits alcoolisés et des établissements vinicoles.

Nous avons une modeste industrie ovine dont le marché national semble être insatiable, mais en plus, elle a récemment fait la page couverture du Wall Street Journal, qui affirmait que le produit est extraordinaire. Les marchés américains disent que c'est un agneau à l'eau salée. J'ignore s'il y a une grande différence entre le mouton de Terre- Neuve et celui qui est produit ailleurs, mais si vous pouviez voir la photo en couleur, vous verriez qu'il s'agit d'un exemple remarquable du mode de production de la plupart des moutons sur la côte est de la province.

Tandis que nous continuons à augmenter le volume de canneberges que nous exportons, nous espérons vivement exporter très bientôt des produits de canneberges transformés.

Ces dernières années, la question de la santé des abeilles a attiré beaucoup d'attention à l'échelle mondiale. La province de Terre-Neuve-et-Labrador a toutefois été reconnue comme étant un des rares endroits au monde où les abeilles sont encore en santé, ce que bien des gens considèrent comme une grande occasion de croissance et d'exportations. Notre industrie apicole semble s'organiser en fonction de cette possibilité et prend rapidement son élan.

Voici ma dernière diapositive. J'ai pris cette photo le week-end dernier à l'épicerie la plus près de chez moi. Ces dernières années, je semble malheureusement voir ce genre de situation bien plus souvent qu'auparavant. Vous comprendrez qu'en 2016, il s'agit là d'un sujet de discussion généralisé dans notre province. À mon avis, c'est probablement notre plus important problème d'approbation sociale. Même si la plupart des gens doivent composer avec une pression publique énorme à propos d'un côté négatif de l'agriculture, ce qu'on nous reproche le plus souvent, c'est de ne pas produire suffisamment. Et nous voyons fréquemment ces affiches dans certaines des plus grandes chaînes d'alimentation d'un bout à l'autre de Terre-Neuve. Si le service de traversier est interrompu quelques jours seulement, les tablettes des magasins ne tardent pas à se vider, ce qui représente un problème de taille pour nous.

Pour terminer, nous sommes très fiers du rôle de chef de file que notre gouvernement fédéral a joué sur les questions du commerce international et de l'accès aux marchés. Nous profitons probablement aujourd'hui du travail préparatoire réalisé à cet égard, et nous sommes convaincus que nous en profiterons encore plus au fil de la croissance de notre secteur.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui, et je serai ravi de répondre aux questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Deering.

La parole est maintenant à Mme Cathy LaRochelle, du Nouveau-Brunswick.

Cathy LaRochelle, sous-ministre adjointe, Division des programmes de l'industrie et des politiques, ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches, gouvernement du Nouveau-Brunswick : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis ravie d'être ici ce matin. Nous vous avons fait parvenir notre présentation PowerPoint à l'avance, et elle devrait se trouver dans vos documents. Je n'ai pas l'intention de parcourir l'ensemble des diapositives, mais je devrais présenter les cinq ou six premières.

Pour ce qui est des statistiques récentes, le secteur agricole et agroalimentaire du Nouveau-Brunswick est un moteur économique fort important pour la province. Le secteur compte plus de 2 600 exploitations agricoles et environ 140 usines de transformation. En 2014, le secteur a généré des recettes monétaires agricoles de près de 570 millions de dollars, et des produits agroalimentaires transformés valant plus de 1 milliard de dollars. Cette année-là, les exportations totales étaient estimées à 400 millions de dollars.

La diapositive suivante porte sur la diversification du secteur agricole au Nouveau-Brunswick, et vous constaterez que celui-ci est bel et bien diversifié. Nos recettes monétaires agricoles les plus importantes proviennent des pommes de terre, mais à l'instar de bien d'autres provinces, nous sommes fortement axés sur les industries dont l'offre est gérée, comme les produits laitiers, la volaille et les œufs. La gestion de l'offre représente entre 35 et 45 p. 100 de nos recettes monétaires agricoles par année, selon le rendement des autres denrées.

En ce qui concerne l'information au sujet des exportations, les principales exportations agricoles et agroalimentaires de la province sont attribuables aux pommes de terre et aux produits de pomme de terre, qui représentent 220 millions de dollars, à la bière, avec 47 millions de dollars, et aux produits de l'érable, avec 10 millions de dollars. À vrai dire, le Nouveau-Brunswick est aussi un des plus importants producteurs de bleuets sauvages au monde, mais pour l'instant, ces fruits sont surtout transformés et exportés par la Nouvelle-Écosse. Ces chiffres n'apparaissent donc pas dans nos données, mais la situation pourrait changer compte tenu de la nouvelle usine de transformation de taille qui est presque terminée dans le nord-est de la province. Les installations devraient être prêtes pour la récolte de l'automne.

Les principaux marchés d'exportations agroalimentaires de la province sont les États-Unis, le Japon, le Costa Rica, le Venezuela et le Mexique. D'après les chiffres de 2014, ce sont les États-Unis qui ont acheté la plus grande part de nos exportations agroalimentaires, à une proportion de plus de 80 p. 100. Il convient de noter qu'à l'heure actuelle, le Nouveau-Brunswick n'exporte en moyenne que 5 millions de dollars par année vers l'Union européenne, mais nous prévoyons une augmentation de ce chiffre.

Passons maintenant à la diapositive qui porte sur les possibilités découlant des accords conclus récemment. Le Nouveau-Brunswick est très favorable aux accords commerciaux et aux retombées qu'ils entraînent pour la province. Dans le cas plus particulier de l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG, on peut s'attendre à des gains d'exportation lorsque les droits tarifaires de 18 p. 100 sur les produits de pomme de terre surgelés seront abolis au moment de la mise en œuvre de l'accord. Mais pour l'instant, nous ne savons pas trop à quels gains la province peut s'attendre puisqu'il semble que McCain Foods Limited est déjà en train de combler les marchés européens au moyen de ses installations européennes. Par ailleurs, les droits tarifaires sur les bleuets congelés, qui peuvent aller jusqu'à 15 p. 100, et sur le sirop d'érable, qui sont de 8 p. 100, seront exonérés dès l'entrée en vigueur de l'accord. Bien sûr, l'AECG permettra de réaliser des gains du côté de la viande et d'autres produits d'exportation, et même si le Nouveau-Brunswick ne s'approprie pas les données d'exportation de ces denrées, nos secteurs primaires profiteront bel et bien de ces exportations canadiennes. Bien sûr, la province s'attend aussi à réaliser des gains importants du côté des fruits de mer, compte tenu de l'élimination progressive des droits tarifaires sur sept ans dans le cadre de l'AECG.

Du côté de la région de l'Asie-Pacifique, le nouvel accès attribuable au Partenariat transpacifique, ou PTP, devrait beaucoup intéresser nos exportateurs. Le secteur agricole et agroalimentaire du Nouveau-Brunswick exporte en moyenne 350 millions de dollars par année à destination des pays du PTP, ce qui comprend les États-Unis. Par ailleurs, nos 915 millions de dollars d'exportations de fruits de mer vers les pays du PTP sont une belle occasion de réaliser des plans de mise en marché conjoints avec nos produits agricoles. Plus particulièrement, l'accès aux produits de pomme de terre transformés et aux bleuets suscite un certain intérêt dans le cadre du PTP. Et à l'instar de l'AECG, les gains réalisés avec d'autres produits profiteront directement aux producteurs primaires.

Je mentionnerai également au passage que l'accès accru au marché sud-coréen est attribuable à l'accord bilatéral que le Canada a signé récemment. Voilà qui devrait permettre aux exportateurs de bleuets de récupérer certaines parts de marché qu'ils avaient perdues au profit des États-Unis, étant donné que l'accord entre la Corée et les États-Unis avait bloqué l'accès des fruits canadiens pendant plusieurs années.

Mais pour ce qui est des préoccupations concernant les accords conclus récemment, on s'attend à ce que l'AECG et le PTP posent tous les deux des défis aux industries dont l'offre est gérée. Comme je l'ai déjà mentionné, ce sont des secteurs importants pour le Nouveau-Brunswick qui représentent chaque année plus de 200 millions de dollars de recettes monétaires agricoles. La transformation des denrées soumises à la gestion de l'offre génère aussi des retombées économiques importantes dans la province. Vous n'êtes pas sans savoir que le nouvel AECG éliminera immédiatement les taux de droit contingentaire des produits laitiers pour le Canada, en plus d'augmenter le volume du contingent tarifaire pour les fromages pouvant être importés sans droit au Canada. Par ailleurs, aux termes du PTP, certains contingents d'importation seront augmentés du côté des produits laitiers, des œufs, du poulet, de la dinde et des œufs d'incubation de poulet à chair. En raison de ces concessions, nous surveillons la situation de près pour nous assurer que le gouvernement fédéral tiendra les promesses qu'il a faites à ces secteurs quant au resserrement de l'administration des contrôles frontaliers. Malheureusement, l'industrie peut démontrer que les contrôles frontaliers font l'objet d'abus, plus particulièrement du côté des produits laitiers et de la volaille. On peut s'attendre à ce que certains trouvent des façons plus créatives encore de faire traverser la frontière à ces produits, de sorte que nous devons demeurer vigilants.

Nous surveillons aussi la situation pour veiller à ce que le gouvernement fédéral offre des indemnisations appropriées, de façon à atténuer les conséquences au pays. Puisque nous attendons de savoir comment ces indemnisations fonctionneront, mes remarques se fondent sur les programmes que le gouvernement précédent avait annoncés. Du côté du Nouveau-Brunswick, il est bien important que toute indemnisation ou tout programme ciblant le secteur de la transformation parvienne aux succursales en activité dans la province. Dans le cas des denrées soumises à la gestion de l'offre, les activités à valeur ajoutée sont fort importantes pour la province. Aussi, nous surveillons étroitement l'indemnisation proposée relativement à la valeur du quota, et nous suggérons que tous les fonds non engagés du programme soient plutôt consacrés à d'autres types d'indemnisations.

Il me reste des diapositives, mais je ne vais pas les commenter puisque le temps file et que je veux laisser du temps pour la discussion, si tout va bien.

Je vais tout de même vous présenter une conclusion que vous pourrez comprendre. Dans le contexte économique actuel, le Nouveau-Brunswick trouve extrêmement intéressant d'encourager tous les secteurs à mettre la main à la pâte et à prendre de l'ampleur et diversifier notre économie. Nos activités agricoles ne représentent actuellement que 5 p. 100 des activités de la province, et il nous semble que ce n'est qu'un début étant donné qu'une bonne partie du territoire pourrait convenir à un type d'agriculture. Nous croyons que la province est bien placée pour connaître une croissance vigoureuse dans le secteur agricole et agroalimentaire au cours des prochaines décennies. Cela dit, à moins que notre faible population de 750 000 habitants ne s'accroisse de façon inattendue, le secteur devra conquérir des marchés d'exportation dynamiques pour concrétiser la croissance en question. Nous considérons que les échanges commerciaux deviendront encore plus essentiels à notre secteur, même si nous essayons de remplacer les importations par un système alimentaire local et plus durable.

Le président : Merci beaucoup.

C'est le sénateur Mercer, vice-président du comité, qui va entamer le premier tour.

Le sénateur Mercer : Mesdames et messieurs, merci infiniment d'être avec nous. Nous vous sommes reconnaissants de vos exposés très rigoureux. Vous avez suscité bien des questions. Je vais donc tenter d'être rapide et de vous en poser à tour de rôle, à commencer par les représentants de l'Île-du-Prince-Édouard. En ce qui concerne la concurrence par rapport aux possibilités, vous avez dit qu'il y avait un potentiel de croissance. Quelle est selon vous la meilleure façon d'augmenter les exportations de l'Île-du-Prince-Édouard?

M. McIsaac : Eh bien, il s'agit de la diversification. Bien sûr, nous avons actuellement un énorme secteur des pommes de terre, qui est naturellement notre principal moteur économique. Dans l'ensemble, je pense que notre croissance la plus forte reposera probablement sur la transformation, et c'est dans ce secteur que nous souhaitons intensifier nos activités. Nous voulons qu'il y ait plus de transformation sur l'île, pas seulement du côté des pommes de terre, mais aussi de nos différentes denrées. Je pense que les possibilités sont énormes. Le programme pour la relève en agriculture est un des éléments intéressants, j'imagine, car il incite certains à venir dans notre province, et il amène même de nouvelles personnes à ce lancer en agriculture. M. Deering, qui représente Terre-Neuve, en a parlé dans son exposé, et il a mentionné un jeune couple du secteur laitier qui a été lauréat des jeunes agriculteurs d'élite du Canada. Cette année, le jeune couple de lauréats venait du Nouveau-Brunswick. Il est formidable de voir les émotions et la mentalité des jeunes. Cette année, notre nouveau programme pour la relève en agriculture compte 55 agriculteurs de la relève; ils participent à un programme au moyen duquel nous distribuons de l'argent dans cinq secteurs pour les encourager à grandir et à trouver de nouvelles idées. Sur les 55 participants, 14 réunissent un père et son fils ou sa fille. En fait, les 41 autres sont de nouveaux venus dans le milieu agricole qui possèdent de petites exploitations. Ils cultivent des baies ou participent à des programmes selon lesquels ils font pousser des légumes qu'ils vendent ensuite dans les marchés fermiers et dans ce genre d'endroits.

Dans ma province, le domaine de l'industrie agricole est en pleine effervescence, je dirais. Des gens se lancent en agriculture, et c'est fantastique. Nous devons collaborer avec eux sur les plans de la commercialisation et de l'exportation, ce genre de choses. L'optimisme règne. Il y a aussi des sujets d'inquiétude, bien sûr, notamment en ce qui concerne le sol, mais je pense que l'avenir de l'agriculture s'annonce très prometteur à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné une nouvelle loi relative à l'eau pour l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne suis pas certain d'avoir compris ce qu'elle accomplit. Peut-être qu'elle n'accomplit rien, mais à quoi sert-elle?

M. McIsaac : La nouvelle loi n'est pas encore en vigueur. Nous n'en sommes encore qu'aux audiences. À l'Île-du- Prince-Édouard, nous tirons toute notre eau du sol. Nous ne la puisons nulle part ailleurs, donc toute notre eau potable vient essentiellement de puits artésiens résidentiels. Or, il faut davantage d'eau pour l'agriculture, et beaucoup d'agriculteurs envisagent de faire creuser des puits d'eau profonde afin d'irriguer leurs récoltes à même la nappe phréatique. Cependant, une bonne partie de la population redoute que cela entraîne l'assèchement de leurs puits.

Le sénateur Mercer : Est-ce déjà arrivé?

M. McIsaac : Tout ce que je peux dire, c'est que les gens redoutent cette éventualité. Aucun puits d'eau profond n'a été creusé depuis 2000, environ, mais il y a des craintes. Voulez-vous dire quelque chose?

M. Jamieson : Il existe un certain nombre de puits à grande capacité de pompage à l'Île-du-Prince-Édouard. Certains permettent de répondre aux besoins de municipalités, d'autres servent à la transformation d'aliments et d'autres encore sont utilisés en agriculture. Notre province dépend exclusivement des eaux souterraines, alors certaines personnes redoutent les conséquences potentielles pour la nappe phréatique. Essentiellement, la loi relative à l'eau prend les ressources en eau dont nous disposons, c'est-à-dire environ 1 100 millilitres de pluie par année, ce qui représente un excellent apport en eau, la ressource est suffisante, mais la loi régira l'affectation, la protection et l'utilisation de cette ressource. Une partie de l'eau sera réservée à la consommation personnelle et une autre partie, à l'agriculture et à la transformation des aliments. Dans l'ensemble, la loi présente le plan d'affectation et de protection de la ressource dont nous disposons parce que, je le répète, nous dépendons exclusivement des eaux souterraines.

M. McIsaac : Nous avons déjà creusé des puits d'eau profonde, mais ils sont réservés à Stratford ou à Charlottetown, dans ces coins-là. C'est cependant l'industrie agricole qui suscite des craintes. Peut-on permettre que l'on creuse davantage de puits d'eau profonde dans la région? Il faut aussi tenir compte du fait que l'Île-du-Prince- Édouard est la province la plus densément peuplée. Il y a des maisons à peu près partout dans la province, et les fermes sont au milieu de tout cela. Est-ce que puiser à même la réserve aquifère entraînera l'assèchement d'autres puits, comme les puits résidentiels? Les chiffres indiquent que l'apport en eau est amplement suffisant, mais la population est très inquiète. Voilà pourquoi nous tenons actuellement les audiences.

Le sénateur Mercer : Évidemment, la population est plus dense l'été que l'hiver.

M. McIsaac : Oui, nettement plus.

Le sénateur Mercer : Monsieur Deering, j'ai été frappé de vous entendre dire que des jeunes reviennent s'installer dans la province pour travailler en agriculture. Hélas, ces temps-ci, c'est dans toutes les provinces de l'Atlantique que davantage de jeunes rentrent au bercail. Ils reviennent surtout de l'Alberta, à cause du ralentissement de l'industrie des hydrocarbures, et ils ont deux choses en poche : de lourdes dettes et un gros appétit, car ils ont l'habitude de gagner beaucoup d'argent. Vous avez dit que les jeunes reviennent pour travailler dans l'agriculture, mais comment parvenez- vous à convaincre les personnes qui reviennent à Terre-Neuve-et-Labrador de s'intéresser à l'agriculture?

M. Deering : Je connais quelques exemples de personnes qui arrivent de l'Ouest. Il y a même un jeune agriculteur qui a quitté l'Île-du-Prince-Édouard dernièrement pour s'installer à Terre-Neuve. La plupart de ces gens n'ont pas besoin d'être convaincus. Tout ce qu'ils veulent, ce sont des débouchés et des terrains. À notre avis, du moment que nous pouvons donner accès à des terrains, c'est suffisant pour attirer des nouveaux venus.

Le sénateur Mercer : Il y a un produit que vous n'avez pas mentionné. Je veux simplement l'ajouter à votre liste, car c'est un produit terre-neuvien que j'achète moi-même. Je n'en achète pas souvent, mais au minimum une fois par année. C'est la sarriette d'été. C'est un classique pour le temps des Fêtes, mais c'est difficile d'en trouver à l'extérieur de Terre-Neuve.

Madame LaRochelle, dans votre présentation, vous avez dit que la valeur des exportations de pommes de terre a diminué en 2014. J'aimerais savoir ce qui explique la chute de 7,1 p. 100. Est-ce un problème financier ou est-ce bel et bien un problème d'exportation?

Mme LaRochelle : Dans le cas des pommes de terre, je dirais que les raisons varient. Nous avons un grand transformateur — vous le connaissez sans doute, McCain Foods —, et tout dépend souvent de l'endroit d'où se fait l'exportation, des usines d'où partent concrètement les produits exportés. Les pommes de terre du Nouveau-Brunswick peuvent se retrouver ailleurs au Canada et être en fait exportées de ces usines-là. Il est donc difficile de faire une comparaison parce que tout dépend des décisions qui sont prises. Je pense que, globalement, le volume est resté essentiellement le même.

Le sénateur Mercer : Vous avez exprimé des réserves relativement aux conséquences éventuelles de certains nouveaux accords commerciaux sur la gestion de l'offre. Selon vous, quel serait le plus grand risque sur le plan de la gestion de l'offre advenant la ratification du Partenariat transpacifique, ce qui viendrait élargir la concurrence, surtout pour les produits soumis à la gestion de l'offre?

Mme LaRochelle : Je pense qu'ils seraient sans doute mieux à même de vous répondre que moi. Je veux dire, pour les secteurs soumis à la gestion de l'offre, réduire les quotas de production et inhiber la croissance ne serait pas sans conséquence. Même si, dans l'ensemble, la demande était en hausse au Canada, les quotas pourraient être réduits. On a vraiment l'impression qu'ils ne pourraient plus prendre d'expansion dans le marché limité où ils évoluent et qui s'amenuise un peu.

Le sénateur Mercer : Merci beaucoup. L'une de mes réserves reste que les Canadiens ne se soucient pas de l'autosuffisance alimentaire. La gestion de l'offre nous procure une certaine autosuffisance, mais les gens se soucient de l'autosuffisance pour d'autres raisons. Monsieur le ministre?

M. McIsaac : Sur ce point, je vais vous donner un exemple qui concerne ma province. Amalgamated Dairies, ou ADL, procède à la transformation du lait là-bas. Avant l'Accord économique et commercial global, ADL collaborait avec une entreprise danoise, Arla. ADL transformait le lait produit chez nous afin de fabriquer du fromage. Or, avec l'Accord économique et commercial global, Arla peut maintenant transformer du lait d'origine européenne et exporter ses produits au Canada. L'usine qui se chargeait de la transformation pour Arla cessera de le faire, et les contingents tarifaires suscitent des préoccupations là-bas. Que fait notre usine désormais? Aussi, une autre usine d'ADL produit 50 p. 100 du lait évaporé destiné au marché canadien. Aux termes du Partenariat transpacifique, cette activité pourrait se faire ailleurs. Nous avons donc des craintes par rapport à la transformation de feta et de havarti, mais aussi de lait évaporé. Le Canada est un pays commerçant. Nous en sommes pleinement conscients et nous voulons absolument accroître nos exportations. Cependant, nous avons des réserves sur le plan des produits soumis à la gestion de l'offre. D'autres provinces ont d'ailleurs dit la même chose au comité. Nous nous concertons avec le gouvernement fédéral à la recherche de solutions afin de surmonter cet obstacle, qui représente une préoccupation certaine pour ma province.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le président : Avant de poursuivre, je me permets de présenter l'honorable sénateur Joe Day, du Nouveau- Brunswick.

Monsieur le sénateur McIntyre?

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de vos présentations. Ma question concerne les aliments bio.

Comme on le sait, il y a la consommation d'aliments bio, la production d'aliments bio et, évidemment, le marché mondial du bio. On sait que les aliments bio gagnent en popularité dans le marché canadien de la santé et du bien-être. Cela dit, certains des témoins qui ont comparu devant le comité nous ont informés que, dans les provinces de l'Atlantique, la production d'aliments bio est peu répandue par rapport aux autres provinces canadiennes. Que font vos provinces pour favoriser la production biologique et l'exportation de produits bio? À quels obstacles vous heurtez- vous lorsque vous tentez de diversifier le marché — on sait que la diversification, c'est le nerf de la guerre —, lorsque vous tentez de diversifier les exportations agroalimentaires? Commençons peut-être par Terre-Neuve?

M. Deering : Merci, monsieur le sénateur.

À Terre-Neuve-et-Labrador, plusieurs producteurs se qualifient de biologiques, disent que leur production est bio. Leurs pratiques de production sont essentiellement biologiques. Hélas, ils n'ont pas d'homologation officielle. Comme je l'ai déjà dit dans ma présentation, à ce moment-ci, nous nous soucions davantage des besoins alimentaires dans la province que des débouchés à l'exportation, et c'est exactement la même chose pour le bio. La demande pour le bio est supérieure à la capacité de production actuelle, même pour les produits non homologués. J'imagine que nous ne nous sommes pas encore vraiment intéressés aux perspectives d'exportation et à la diversification de ces produits dans le but de percer les marchés étrangers, car nous nous concentrons surtout sur les marchés intérieurs.

Le sénateur McIntyre : Merci.

L'Île-du-Prince-Édouard?

M. McIsaac : Nous subventionnons le bio, c'est sûr. Il y a des agriculteurs qui cultivent du soya bio, ce genre de choses, et nous collaborons avec eux. Nous avons déjà eu du lait bio. Certains des producteurs laitiers de la province ont mis trois ans pour faire homologuer leur lait. Je crois que le principal problème dans la province, c'est qu'il n'y a pas de grand centre où écouler la production. L'usine de transformation d'ADL s'en est chargée pendant trois mois environ. Ce ne fut pas un succès, et cette période d'essai en est essentiellement restée là. Les trois années d'homologation des agriculteurs sont maintenant chose du passé. Dans la province, il y a un fort mouvement pour l'achat local. Il ne s'agit pas nécessairement d'aliments bio, même s'il y en a beaucoup, mais bien des gens s'intéressent désormais au caractère naturel de la nourriture et au fait qu'elle soit produite sans cruauté. Cela dit, les gens qui fréquentent les marchés de la province veulent avant tout acheter des aliments produits dans la région. Certains agriculteurs font dans le bio, bien sûr, et nous cherchons à les aider, mais la tendance, ces derniers temps, est surtout à l'achat local. Les gens veulent savoir d'où vient un aliment. Ils veulent connaître l'agriculteur qui l'a produit. Nous sommes également très actifs pour ce qui est d'expliquer d'où vient la nourriture, et nous devons l'être encore davantage, que ce soit en amenant l'agriculture dans les classes ou en faisant connaître les gens du domaine, ce qui nous ramène à la notion d'approbation sociale.

En discutant avec des élèves, on constate qu'ils pensent que la nourriture vient de Sobeys ou du Superstore, du supermarché, quoi. Nous tentons de les rencontrer pour leur faire comprendre précisément d'où vient ce qu'ils mangent, qui sont vraiment les agriculteurs et ainsi de suite. Sur le plan du bio, cependant, nous collaborons toujours avec des groupes, mais, je le répète, au-delà du bio, beaucoup de gens privilégient le côté local, naturel et sans cruauté. Nous poursuivons nos efforts et continuons à offrir des subventions.

Le sénateur McIntyre : Et qu'en est-il de ma propre province, le Nouveau-Brunswick?

Mme LaRochelle : Le ministère offre du soutien à la production biologique. Nous avons un spécialiste du domaine qui collabore avec les producteurs et nous proposons aussi des subventions. Par le passé, des programmes de financement étaient exclusivement réservés à la production bio. Cette année, il y a eu de l'aide pour les serres, de manière à prolonger la saison pour les producteurs biologiques. Cela reste toutefois une assez petite industrie. Comme l'a dit le ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, on constate un intérêt marqué pour l'achat local. Il y a quelques années, la province a adopté un règlement régissant l'emploi du mot « biologique ». Les aliments biologiques relèvent de l'Agence canadienne d'inspection des aliments lorsqu'ils traversent les frontières provinciales, mais le Nouveau- Brunswick a adopté le règlement pour contrôler l'emploi du mot « biologique » à l'intérieur de la province. En conséquence, les producteurs dont les produits sont bel et bien bio peuvent l'afficher.

En ce qui concerne l'exportation de produits bio, il y a quelques personnes qui en font, notamment des producteurs de canneberges, mais pour l'instant à très petite échelle. Au fur et à mesure que l'industrie actuelle prendra de la maturité, il y aura, souhaitons-le, des débouchés à l'exportation.

Le sénateur McIntyre : Trouvez-vous que la demande d'aliments biologique est en hausse, dans toutes les provinces canadiennes et ailleurs dans le monde?

M. Jamieson : À ce sujet, je pense que des travaux de recherche ont montré que, dans les marchés nord-américains, la demande pour le bio a atteint un certain plateau alors que le local gagne en popularité.

Pour revenir aux éléments mentionnés par les représentants des autres provinces, nous avons pour notre part nommé un coordonnateur de la recherche pour épauler l'Association de certification des produits biologiques de l'Île- du-Prince-Édouard, qui représente les agriculteurs biologiques de la province. Le coordonnateur collabore avec l'association pour mettre au point des méthodes novatrices, trouver de nouvelles récoltes à homologuer et ouvrir des marchés. Je pense qu'une partie du secteur de la production bio tient à rester modeste et à vendre ses produits localement. Ces producteurs misent sur l'agriculture soutenue par la collectivité. En revanche, des grandes sociétés et exploitations agricoles perçoivent des débouchés. En particulier, le plus grand producteur de pommes de terre de l'Île- du-Prince-Édouard est également le plus grand producteur bio de la province, car il a vu un marché prometteur. Il y a aussi de grandes exploitations maraîchères qui comportent un volet biologique. Alors que de petits agriculteurs estiment que la production bio doit presque être un mode de vie et ne veulent pas prendre d'expansion, certaines des grandes sociétés et exploitations agricoles, qui voient une occasion d'affaires, ont ajouté un volet biologique à leur production, ce qui leur permet de commercialiser leurs produits dans divers marchés.

Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question porte sur la main-d'œuvre et le faible taux de croissance démographique dans les provinces de l'Atlantique. Si je la pose, c'est parce que les acteurs du secteur agroalimentaire qui ont témoigné au comité ont indiqué, entre autres facteurs, que la pénurie de main-d'œuvre pourrait les empêcher d'accroître leur capacité de production et de répondre à la demande qu'engendra éventuellement les accords de libre- échange que le Canada a conclus dernièrement.

Voici ce que je veux savoir : le taux de croissance démographique est plus faible dans les provinces de l'Atlantique que dans le reste du Canada, alors quelles mesures votre gouvernement provincial respectif applique-t-il pour régler le problème?

J'ajouterais également une autre question. Quelles recommandations formuleriez-vous au gouvernement fédéral pour qu'il soutienne mieux les provinces, autrement dit pour qu'il les aide à régler la pénurie de main-d'œuvre?

M. McIsaac : C'est tout un problème dans notre région. Il y a des travailleurs qui nous arrivent du Mexique. Je pense qu'il s'agit probablement du groupe le plus nombreux du côté de l'agriculture. Il y en a aussi qui viennent des Philippines pour aider les pêcheries, mais les Mexicains représentent une bonne partie de la main-d'œuvre agricole, et nous en avons grandement besoin. Nous collaborons avec les producteurs locaux dans le cadre de salons et de foires d'emploi, ce genre d'événement, pour tenter de convaincre les travailleurs de revenir dans la province. Nous menons des campagnes auprès des élèves du secondaire et des étudiants en proposant des emplois d'été et en leur faisant découvrir des débouchés.

Cependant, la pénurie de main-d'œuvre représente un problème majeur, surtout pour les usines de transformation. Lorsqu'il est question de dynamiser l'économie et d'accroître les exportations, la transformation constitue un maillon névralgique. Il nous faut vraiment de la main-d'œuvre dans ce secteur. Les réductions imposées à l'égard des travailleurs étrangers temporaires ont assurément suscité des inquiétudes, mais nous cherchons à faire appel à autant de travailleurs locaux que possible.

Nous avons également lancé un petit projet intéressant. Des amish partent de l'Ontario pour s'installer dans notre province. C'est une première. Je pense que c'est en partie en raison du prix des terrains et du fait qu'ils sont incapables de prendre de l'expansion en Ontario. Je suis allé les voir il y a quelques semaines. Ils se sont installés dans le bout de Millbank. D'autres groupes arrivent également de quelques autres endroits, et nous avons l'impression qu'ils pourraient élargir le bassin de main-d'œuvre. Ce sont des familles nombreuses. J'ai parlé à des gens qui envisagent d'employer des amish. Nous tentons de faire notre possible pour élargir le bassin de main-d'œuvre à même les résidants de la province, mais, pour l'instant, nous avons besoin des Mexicains.

M. Jamieson : J'aurais quelques points à ajouter. Nous avons entre autres envisagé de soumettre la candidature de certains travailleurs étrangers pour qu'ils deviennent résidents permanents de la province; à cet effet, nous collaborons avec le secteur de la transformation. L'un des problèmes pour nous vient des exigences linguistiques que le Canada impose à certains immigrants. Il faut une grande maîtrise, et je pense que c'est un obstacle jusqu'à un certain point, car les gens qui travaillent dans les usines de transformation, notamment du poisson, ou les exploitations agricoles n'ont pas nécessairement de maîtriser l'anglais dès le départ. C'est ce que nous constatons et c'est ce que nous disent également les représentants de l'association des nouveaux arrivants; ils conviennent que les exigences linguistiques pourraient être assouplies un peu.

Mme LaRochelle : Dans la même veine, au Nouveau-Brunswick, le ministère de l'Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail déploie évidemment des efforts concertés pour recruter de la main-d'œuvre et faciliter le recrutement de travailleurs. Il n'y a pas beaucoup de travailleurs étrangers dans le secteur agricole du Nouveau- Brunswick, mais il y en a. De toute évidence, comme l'a dit le représentant du Nouveau-Brunswick, ce sont les usines de transformation du poisson et des fruits de mer qui font le plus appel au Programme des travailleurs étrangers, et le ministre réclame ouvertement que l'on revoie certaines règles. Je sais que le programme est en cours de révision, mais nous poursuivrons sur cette lancée, car c'est essentiel à ces usines. On veut de la main-d'œuvre, c'est sûr, mais il y a toujours la mécanisation.

Qu'il s'agisse du secteur du poisson et des fruits de mer ou de celui de l'agriculture, nous soutiendrons la mécanisation et l'innovation si elles peuvent permettre de composer avec la pénurie de main-d'œuvre. Les travailleurs sont assez polyvalents; ceux qui travaillent dans certains secteurs de l'industrie du poisson et des fruits de mer pourraient éventuellement collaborer aux activités agricoles, notamment la récolte. De toute évidence, nous tentons de favoriser le recours à la main-d'œuvre au sein des filières des pêches et de l'agriculture.

La sénatrice Hubley : Je vous souhaite la bienvenue à tous. Nous en avons beaucoup appris ce matin, et c'est toujours intéressant de découvrir ce qui se passe dans sa province d'origine.

Ma question porte sur la recherche-développement. Je crois que vous avez tous parlé, dans vos présentations, des secteurs industriels où la recherche-développement pourrait éventuellement être améliorée et élargie. Pourriez-vous nous parler rapidement des installations auxquelles vous faites appel dans votre province respective et des problèmes que, selon vous, elles devraient chercher ou qu'elles cherchent déjà à régler?

Je pense que je vais commencer par M. McIsaac, car il a mentionné l'état du sol à l'Île-du-Prince-Édouard. Si je ne me trompe pas, l'une des premières grandes études sur l'agriculture réalisée par le Sénat, sous la présidence du sénateur Herb Sparrow, qui venait de l'Ouest, s'intitulait « Nos sols dégradés ». À l'époque, il y a bien des années, le sénateur avait constaté que l'agriculture — la céréaliculture, j'imagine — entraînait une dégradation de l'état du sol dans les provinces de l'Ouest. Pourriez-vous me donner un aperçu de ce qui se passe dans votre province respective?

M. McIsaac : C'est une question qui tombe à point. Dans ma province, comme je l'ai dit précédemment, une bonne partie des terres, l'essentiel de nos exportations et la culture principale, c'est la pomme de terre. Or, la culture de la pomme de terre épuise le sol. Nous tentons d'inciter les agriculteurs — il n'y a pas de loi à ce sujet — à procéder par rotation de trois ou quatre ans : la première année, on cultive des pommes de terre, puis, l'année suivante, des grains puis, du foin avant peut-être de revenir à la pomme de terre. On étale cela dans le temps. Il se cultive également beaucoup de soya. Si l'on ajoute du soya à la rotation, il faut essentiellement procéder selon un cycle de cinq ans. Justement, un ingénieur des sols viendra faire une présentation au Cabinet provincial, demain matin, à propos de l'évolution du sol au fil du temps et de sa composition d'ici au moins 20 ans. Le sujet nous préoccupe vivement.

Cependant, pour que la rotation soit efficace, durant les années de transition, nous devons cultiver un produit qui peut être utilisé en rotation avec les pommes de terre et qui est également rentable pour l'agriculteur. Si l'agriculteur fait de l'argent grâce à la culture des pommes de terre une année, mais qu'il en perd avec le grain et le foin les deux années suivantes, il doit compenser durant l'année où il cultive la pomme de terre. Or, si le prix des pommes de terre est en baisse, il pourrait perdre de l'argent les trois années.

Nous avons eu un problème dans l'Ouest dans le passé. Je ne sais pas si je devrais le mentionner, mais les gens disaient à la blague que pour la rotation, c'était : des pommes de terre, de la neige, des pommes de terre. Nous n'arrivions pas à obtenir une bonne récolte; l'économie était si précaire que nous cultivions trop souvent des pommes de terre, et cela a été néfaste pour nos sols. Il faut que la station de recherche de la province travaille dès maintenant avec notre industrie et nous aide à produire des cultures qui pourront être utilisées efficacement en rotation avec les pommes de terre. Nous devons également collaborer avec notre secteur commercial dans le cadre des missions commerciales en Inde, à Singapour ou ailleurs, afin de trouver des cultures adéquates pour la rotation avec les pommes de terre et rentables pour nos agriculteurs durant les années de transition. Si nous pouvions faire de l'argent les années où nous ne cultivons pas les pommes de terre, nous pourrions peut-être faire passer le cycle de rotation de trois à quatre ou même cinq ans. C'est une grande préoccupation pour nous.

L'autre question qui nous préoccupe, actuellement, concerne la recherche sur les vers fil-de-fer. Nous avons eu une infestation de vers fil-de-fer dans nos sols. Il s'agit d'un petit ravageur qui fait des trous dans les pommes de terre, jusqu'à un certain point seulement, mais lorsqu'il y a des trous dans les frites, cela ne passe pas très bien chez Burger King et McDonalds, par exemple. Les vers fil-de-fer dévastent également beaucoup de plantes racines, même dans ma circonscription. J'en ai entendu parler pour la première fois il y a neuf ou dix ans. Les deux agriculteurs cultivaient des choux. Ils avaient été nommés jeunes agriculteurs d'élite du Canada en 2009. Ils avaient planté des choux. Ils les ont fait pousser dans la serre puis, les ont transplantés dans leur champ. Durant la nuit, les corbeaux qui faisaient le trajet de vol entre Charlottetown et la région de Stafford sont venus et ont tout déterré. Pour les corbeaux, les petits vers fil- de-fer situés à la base de la plante sont une friandise, et ils les ont tout simplement arrachés. Ces agriculteurs ont perdu leur culture, une perte de 15 000 $ en une nuit, uniquement à cause de ce ver.

Nous ne pouvons utiliser aucun produit chimique pour tuer le ver fil-de-fer, mais nous tentons de trouver une solution. Des recherches montrent que le sarrasin et la moutarde brune permettent de ralentir sa progression, mais il a un cycle de vie de sept ans, et il est difficile de s'en débarrasser.

Il existait bien un produit chimique appelé le Fipronil. Le ver fil-de-fer a diverses souches. Le Fipronil aurait permis de tuer le ver fil-de-fer, mais l'utilisation de ce produit à l'Île-du-Prince-Édouard n'est pas approuvée par Santé Canada. Nous ne pouvons donc pas l'utiliser là-bas. Fait intéressant, on utilise ce produit aux États-Unis, et si nous ne pouvons pas cultiver le chou à l'Île-du-Prince-Édouard, nous le faisons venir des États-Unis. Que gagnons-nous, en réalité? Toutefois, nous ne voulons pas utiliser davantage de produits chimiques; c'est toujours une préoccupation sur l'île.

En ce qui concerne les recherches effectuées actuellement, la chercheuse Christine Noronha a mis au point un piège qui permet d'attraper le taupin, soit le ver fil-de-fer au stade adulte. Nous n'avons pas encore entendu ce qu'elle dit à ce sujet, mais nous le saurons. C'est le type de recherche qu'il nous faut pour nos cultures, car ce ver fil-de-fer dévaste davantage que les récoltes de pommes de terre. Les deux principaux problèmes sont donc la qualité du sol et ces ravageurs, et nous nous employons à les résoudre.

M. Deering : Sénatrice, je suis ravi que vous ayez posé la question, car j'estime que la recherche et le développement sont essentiels pour le développement futur de ces secteurs dans toutes les provinces. J'aimerais d'abord parler de notre solide partenariat avec le groupe local de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada à St. John's.

On avait annoncé, il y a une dizaine d'années, qu'on fermerait le laboratoire fédéral à Terre-Neuve. Je suppose qu'on est revenu sur cette décision à la dernière minute, mais depuis ce temps, nous avons constaté une érosion constante de la capacité dans ce laboratoire fédéral, et nous en sommes préoccupés. Cela dit, nous maintenons actuellement des relations de travail solides avec le personnel de ce laboratoire.

Pendant de nombreuses années, jusqu'à il y a deux ou trois ans, nous avons eu une entente de recherche avec le gouvernement fédéral, entente qui était financée grâce au Fonds Agri-flexibilité. Il y a environ deux ans, ce fonds contenait quelque 2,5 millions de dollars; la part de la province était de 1 million, et celle du fédéral, de 1,5 million. Évidemment, il y a environ deux ans, le gouvernement fédéral a mis fin à cette entente. J'imagine que le programme devait se terminer de toute façon. Le programme existe encore, mais seulement avec des fonds provinciaux; nous offrons donc une version condensée du programme de recherche agricole avec un budget de 1 million de dollars.

Ce qui est également très important pour nous, c'est que le président actuel de l'Université Memorial a été doyen de la faculté de l'agriculture de l'Université de l'Alberta. M. Gary Kachanoski est venu s'installer à Terre-Neuve il y a plusieurs années et il s'intéresse beaucoup au développement de la recherche en agriculture dans notre province. Il a fondé dans l'ouest de Terre-Neuve ce que nous appelons l'institut IREB, soit l'Initiative de recherche sur les écosystèmes boréaux. Elle devait être destinée aux recherches sur l'agriculture et la foresterie, mais les cinq groupes qu'on a établis là-bas mettent surtout l'accent sur les questions liées à l'agriculture. Nous avons un spécialiste des sols, un spécialiste des changements climatiques. Un économiste agricole d'une université du Colorado est récemment arrivé à Terre-Neuve et il accomplit un travail remarquable. Il semble donc y avoir beaucoup de dynamisme dans la recherche en agriculture, en particulier dans l'ouest de la province.

Et vous avez tout à fait raison de dire qu'il est essentiel de maintenir cette capacité afin de faire progresser notre secteur en 2016, en particulier à Terre-Neuve, où nous tentons de le bâtir à partir de rien. Nous avons l'occasion d'utiliser les meilleures pratiques de gestion et les technologies de pointe dès le début, et nous pensons que c'est extrêmement important.

Mme LaRochelle : Au Nouveau-Brunswick, nous n'avons pas de faculté universitaire d'agriculture comme telle. Le Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse est le plus proche établissement; sinon, il faut aller au Québec. Cependant, des travaux de recherche importants sont effectués à Fredericton, au Centre de recherches sur la pomme de terre d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ces travaux sont très importants pour le Nouveau-Brunswick et pour l'ensemble du Canada. D'ailleurs, nous travaillons en étroite collaboration avec Agriculture Canada et l'industrie de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick. Nous avons un projet de grande envergure visant à évaluer la compétitivité de l'ensemble du secteur de la pomme de terre, et beaucoup de recherches sont effectuées tout juste à côté de notre immeuble, à Fredericton, au Centre de recherches sur la pomme de terre. La recherche et le développement sont importants partout.

Nous renforçons activement notre industrie du bleuet sauvage ici, au Nouveau-Brunswick, et nous avons lancé une stratégie en 2013, je crois, en matière de production du bleuet sauvage. L'un des principaux volets de cette stratégie porte sur la recherche et le développement. Nous avons réalisé des gains de productivité importants. Nous avons plus que doublé nos rendements en ce qui a trait aux bleuets sauvages, et c'est en grande partie grâce à la recherche. Nous nous penchons donc sur certains des besoins en matière de recherche.

Je mentionnerai également que nous essayons de collaborer avec les autres provinces de l'Atlantique. Nous avons ce que nous appelons un programme panatlantique dans lequel nous tentons d'encourager la recherche et l'innovation dans les industries des provinces, d'en faire la promotion et de les financer, principalement grâce au programme Cultivons l'avenir 2, qui relève du gouvernement fédéral. Notre province est trop petite pour que nous fassions seuls la recherche, alors nous essayons de travailler avec les autres provinces. Il y a un très bon exemple qui ne concerne pas seulement le programme panatlantique : le Conseil des grains de l'Atlantique a un programme important qui porte sur la recherche sur les grains, ici, dans les provinces de l'Atlantique. Il a réussi à obtenir des fonds du gouvernement fédéral, et chaque province a aussi contribué. Je pense qu'il est très important de continuer à promouvoir la recherche dans les provinces de l'Atlantique.

Le président : Monsieur Jamieson?

M. Jamieson : Pour faire suite à la réponse de Cathy, il existe un autre excellent exemple de recherche interprovinciale : un plan de pollinisation par les abeilles auquel nous travaillons et qui aura une incidence sur notre secteur des fruits et des bleuets. Encore une fois, nous pouvons financer beaucoup plus de recherches avec nos fonds provinciaux parce que nous travaillons en partenariat avec les autres provinces. Nous avons au moins quatre projets : un dans le secteur laitier, celui du Conseil des grains dont a parlé mon homologue du Nouveau-Brunswick, celui de la pollinisation par les abeilles, et le quatrième m'échappe pour l'instant, mais c'est un moyen formidable pour nous de collaborer dans le domaine de la recherche et du développement.

La sénatrice Hubley : J'ai une brève question à poser, mais je vais attendre au second tour.

Le président : Sénateur Oh.

Le sénateur Oh : Je tiens à remercier les témoins de ces renseignements très intéressants. Vos trois provinces sont de toute beauté. En 1987, j'ai visité les trois provinces : le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Dans mon camping, tôt le matin, j'ai trouvé des bleuets sauvages; il y en avait partout sur l'aire de camping. À bien y penser, il s'agissait en fait de bleuets biologiques.

Aujourd'hui, je veux parler un peu des exportations. Votre production agroalimentaire est très importante. Vous avez mentionné tout à l'heure que les États-Unis sont la principale destination de vos exportations, mais vous ne pouvez pas compter uniquement sur les États-Unis. Je pense que vous devez exporter davantage vers l'Asie. La situation est différente d'il y a 30 ans. De nos jours, il y a de nombreux liens directs sur le plan du transport et des compagnies aériennes entre l'Asie et le Canada. Il y a des liaisons directes vers n'importe quelle région de Chine à partir de Toronto. On m'a dit qu'on exporte beaucoup de homards de la côte Est par des camions porte-conteneurs; il faut 12 heures pour les transporter à Toronto, et 12 heures de plus pour les acheminer en Asie. Comme le homard peut survivre sans eau durant 72 heures, lorsqu'il arrive en Asie, il est encore vivant et sain.

Je me suis aussi rendu à Shanghai et à Hong Kong pour assister à des salons des produits de la mer, afin de promouvoir nos produits agroalimentaires et de la mer. Vos trois provinces mettent-elles actuellement en place une stratégie, de concert avec le gouvernement fédéral, pour exporter nos produits vers l'Asie, pour développer le marché de la région Asie-Pacifique? C'est un énorme marché.

M. McIsaac : J'ai mentionné tout à l'heure que nous commençons, grâce à la redevance sur le homard cette année, à faire la promotion du homard. Nous avons actuellement de bons marchés d'exportation en Asie. Nous voulons les développer et nous travaillons avec les autres provinces de l'Atlantique pour promouvoir la marque canadienne. Je pense que cela fonctionnera très bien.

En ce qui concerne nos bleuets, comme l'a indiqué mon sous-ministre, nous avons connu une excellente croissance grâce au programme de pollinisation. Nous avons développé les marchés de la canneberge et du bleuet à Taïwan. La canneberge est séchée et emballée, et c'est un vrai régal. Ils prennent presque toutes nos canneberges. L'établissement de Wyman a doublé sa capacité pour la transformation des bleuets au cours des dernières années, et nous introduisons également des bleuets séchés sur le marché taïwanais. Nous travaillons beaucoup là-dessus.

Notre premier ministre vient tout juste de revenir de la mission commerciale en Inde, où il s'est rendu avec des représentants de l'Ontario, comme je l'ai déjà mentionné. Il a percé de nouveaux marchés là-bas. Je crois qu'il est question d'une autre mission commerciale en Europe prochainement. Nous misons donc sur cette initiative, mais nous travaillons aussi de bien des façons avec nos homologues des provinces de l'Atlantique.

De plus, certains de nos ministères travaillent avec le gouvernement fédéral, avec Affaires mondiales Canada, pour explorer les possibilités d'exportation.

Le sénateur Oh : Avez-vous des commentaires?

M. Deering : Oui, merci.

À l'heure actuelle, nous exportons de grandes quantités de fourrure vers les pays d'Asie. Presque toute notre production de fourrure est exportée vers les pays d'Asie. Au bout du compte, nous serions ravis d'amorcer une discussion avec nos homologues des provinces atlantiques sur des stratégies de collaboration et d'accès aux marchés asiatiques pour d'autres produits, mais actuellement, notre principale préoccupation, ce sont les besoins locaux au pays. Dans cinq ou dix ans, si nous pouvons exporter une partie des aliments que nous produisons, nous en serons ravis, mais nous ne le ferons certainement pas avant d'avoir trouvé un moyen de nourrir d'abord notre propre population.

Le sénateur Oh : À combien s'élèvent vos exportations de produits de la mer vers l'Asie?

M. Deering : C'est une bonne question. Je ne suis pas vraiment au courant du dossier des pêches. Il serait probablement risqué pour moi de tenter de répondre à cette question, mais je pourrai certainement vous fournir des chiffres là-dessus.

Le sénateur Oh : D'accord, merci.

Cathy?

Mme LaRochelle : En ce qui concerne les produits de la mer, je ne peux pas dire que je suis spécialiste de la question, mais cela relève de notre ministère, et nous faisons des efforts concertés pour les exporter précisément vers l'Asie. Nous savons que grâce aux récents accords commerciaux, il y aura beaucoup plus de débouchés pour les produits de la mer.

Nous assistons aux salons des produits de la mer avec nos homologues des provinces atlantiques. L'Agence de promotion économique du Canada atlantique du gouvernement fédéral, l'APECA, est un partenaire clé lorsque nous nous rendons dans ces salons. Chaque fois qu'il y a un salon des produits de la mer, nous disons : « Apportez des bleuets sauvages du Nouveau-Brunswick avec vous ». Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Association des bleuets sauvages de l'Amérique du Nord, qui s'occupe du marketing à l'exportation des bleuets, et nous voyons également d'énormes possibilités en ce qui concerne le sirop d'érable. Comme je l'ai mentionné, en plus des grandes possibilités pour les produits de la mer, nous présentons quelques-uns de nos produits agroalimentaires et nous faisons la promotion des exportations canadiennes provenant de l'est du pays.

Le sénateur Oh : Oui. Notre feuille d'érable représente des aliments sûrs et de bonne qualité en Asie. Merci.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie de votre présence ce matin, de tous vos exposés et de vos réponses aux questions. C'est très intéressant.

J'ai quelques questions. La première porte sur le secteur laitier canadien et le PTP, qui a octroyé aux pays partenaires un accès graduel à un maximum de 3,25 p. 100 de l'industrie laitière canadienne. Le gouvernement fédéral a proposé de mettre en œuvre deux nouveaux programmes de compensation si le PTP est ratifié. Le Programme de garantie du revenu offrira une protection intégrale du revenu aux producteurs pendant 10 ans à compter de l'entrée en vigueur de l'accord du PTP, et le Programme de garantie de la valeur des quotas protégera les producteurs de la baisse de la valeur des quotas au moment de leur vente à la suite de la mise en œuvre de l'accord du PTP. Je sais, madame LaRochelle, que vous en avez parlé un peu en ce qui concerne le Nouveau-Brunswick, mais pourriez-vous m'expliquer un peu plus en détail en quoi, selon vous, ces programmes seront utiles aux producteurs laitiers dans vos provinces respectives? Est-ce que ce sont les programmes dont les producteurs laitiers du Canada atlantique ont besoin pour les aider à l'échelle internationale, si le PTP est ratifié? Pourquoi?

Mme LaRochelle : Les programmes de compensation seront certes nécessaires lorsqu'il y aura une perte sur le plan de la production. Nous avons mené des consultations avec le gouvernement fédéral sur la conception des programmes. Je ne prétends pas être une spécialiste, en particulier sur la question du revenu. Je sais que le gouvernement fédéral mène aussi des consultations avec les producteurs, et nous travaillons en étroite collaboration avec les producteurs pour veiller à ce qu'on mette en place de bons programmes de compensation.

Nous avons entendu parler de celui qui concerne la valeur des quotas, mais nous ne sommes pas certains qu'il donnera les résultats prévus ni comment les fonds affectés à valeur des quotas seront dépensés. Je crois que c'est à propos de ce programme que nous avons le plus de questions. D'ailleurs, si ce programme relatif à la valeur des quotas est mis en place, à notre avis, l'industrie laitière devrait être consultée au sujet de la meilleure façon de l'aider en cas de perte de production.

J'ai aussi parlé de la transformation. De toute évidence, c'est un élément important du côté primaire. Nous comptons beaucoup sur le processus de transformation ici, au Nouveau-Brunswick. Nous avons deux usines de transformation de lait au Nouveau-Brunswick, comme vous le savez sans doute, et leurs sections principales des opérations sont à l'extérieur du Nouveau-Brunswick. Ce sont des succursales. Nous voulons donc nous assurer que les usines de transformation provinciales auront elles aussi accès à la compensation.

La sénatrice Poirier : Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Deering : Certainement. Je vous remercie de la question.

Je sais que votre question portait précisément sur le secteur laitier, mais je siège également au conseil d'administration des Producteurs de poulet du Canada, et nous discutons également du PTP, de la garantie du revenu et de la garantie de la valeur des quotas. Je pense qu'il subsiste une certaine incertitude quant à la façon dont cela sera structuré et à la compensation qui sera réellement accordée au bout du compte.

Je sais, comme l'a mentionné Cathy, que les responsables d'AAC mènent des consultations partout au pays. Ils seront à Terre-Neuve ce jeudi pour nous consulter et pour consulter également les producteurs concernés. Nous espérons qu'on précisera un peu plus les choses, mais pour le moment, je pense qu'il y a encore beaucoup d'incertitude, même du point de vue de l'industrie, quant à ce que tout cela signifie.

La sénatrice Poirier : Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. McIsaac : Je pense que c'est vrai. Nous n'avons pas encore obtenu de précisions à cet égard. J'ai travaillé dans l'industrie laitière; je vais donc vous donner mes impressions sur toute cette question.

L'industrie laitière canadienne et les agriculteurs canadiens sous gestion de l'offre se sont débrouillés pratiquement sans aucune aide du gouvernement. Nous avons eu des offices de commercialisation du lait, du poulet et de la dinde qui s'occupaient eux-mêmes de leurs produits. Leurs membres étaient élus par les producteurs pour administrer l'office, et cela fonctionnait très bien. Nous avions une formule de calcul des coûts de production qui nous indiquait combien nous devions obtenir pour un litre de lait, un poulet, une douzaine d'œufs, ou peu importe. Si on demandait à n'importe lequel des ministres de l'Agriculture des 40 dernières années comment fonctionnait la gestion de l'offre, s'ils ne venaient pas eux-mêmes de ce secteur, ils ne sauraient peut-être même pas comment fonctionnait le système; il était à ce point efficace.

En tant que producteurs de denrées sous gestion de l'offre, nous comprenons que les échanges commerciaux sont nécessaires entre les pays. Si nous devons perdre 3,25 p. 100 de notre quota dans le secteur laitier ou 2 p. 100 dans le secteur du poulet, nous devons être mis au courant des détails.

Il y a un autre élément intéressant au sujet de la valeur des quotas — nous devons maintenir la valeur des quotas — et de la compensation. La seule chose dont nous nous réjouissions, en ce qui concerne les produits soumis à la gestion de l'offre, c'est que nous n'avions reçu de la part du gouvernement fédéral ni aide financière, ni subvention, ni contribution. Nous nous sommes occupés nous-mêmes de notre industrie, et une grande part du mérite revient aux producteurs. Or, nous avions la formule de calcul des coûts de production, qui nous indiquait tous les coûts des intrants et ce qui serait payé pour un litre de lait ou une douzaine d'œufs, et cela fonctionnait très bien. Maintenant, nous perdons 3,25 p. 100 et on nous dit que nous allons recevoir un chèque du gouvernement. Cela va tout simplement à l'encontre de ce dont notre industrie a toujours été si fière, soit du fait que notre argent ne provenait ni du gouvernement fédéral ni des gouvernements provinciaux; il provenait directement du marché. Cela fait un peu mal, mais en même temps, il nous faut une compensation.

Si seulement nous avions un délai. Nous pensions qu'il en serait ainsi avec l'AECG, qu'il y aurait une période de mise en œuvre de sept ans pendant laquelle nous pourrions accroître suffisamment notre part du marché intérieur pour compenser les pertes commerciales attribuables à l'arrivée des fromages fins d'Europe. Si nous disposions de ce délai et étions mieux informés, nous pourrions mieux vous répondre. Mais il nous faut plus de détails. Je sais que les documents de l'AECG sont toujours en cours de traduction, car il faut compter avec environ 20 langues. Bref, si nous en savions un peu plus sur la forme que doit prendre le programme d'indemnisation ou le programme de garantie de la valeur des quotas, nous pourrions bien mieux vous répondre. Notre industrie est remarquable et le système de gestion de l'offre l'est tout autant.

Il est heureux que ce ne soit que 3,25 p. 100. Nous avons entendu des rumeurs voulant que ce soit 10 p. 100, ce qui aurait été dévastateur. Donc, 3,25 p. 100, ce n'est pas si mal. Si le gouvernement fédéral avait dit : « Eh bien, vous perdrez peut-être un ou deux pour cent » et que nous avions appris que ce serait 3,25 p. 100, tout le monde serait monté aux barricades. Nous attendons simplement d'en savoir un peu plus et de voir quelle forme prendra l'indemnisation.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie de vos réponses.

Je siège actuellement au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Au cours des dernières semaines, nous avons examiné les différents accords commerciaux, notamment l'AECG et le Partenariat transpacifique, au sujet desquels de nombreux témoins nous ont donné leur opinion et dit pourquoi ils y sont favorables ou non. En outre, le Comité des affaires étrangères examine aussi — un peu dans le même ordre d'idée — la possibilité d'accroître les exportations vers l'Argentine. J'ai d'ailleurs remarqué, sauf erreur, que l'Argentine ne figurait ni dans la liste que nous a remise le Nouveau-Brunswick ni dans celle de l'Île-du-Prince-Édouard. Les gouvernements du Canada atlantique, sur le plan individuel ou collectif, entrevoient-ils la possibilité d'exporter davantage en Argentine, vu le changement de gouvernement et l'évolution de la situation dans ce pays? Y avez-vous pensé?

M. McIsaac : Je dirais que nous envisageons tous les pays et toutes les possibilités. Je vais vous donner un autre exemple. Je sais peu de choses de l'Argentine, mais je sais que nous cherchons à élargir nos marchés au Pérou. Lorsque nous avons eu l'épisode de fièvre aphteuse en 2003, certains pays nous ont fermé leurs portes et ils ne les ont pas rouvertes depuis. Par exemple, nous ne pouvons pas envoyer de bovins vivants au Pérou, ce qui est préoccupant. J'ai demandé à M. MacAulay, qui s'occupe de l'agriculture, d'examiner cette possibilité. Certains pays qui nous ont fermé leurs portes n'étaient pas d'importants partenaires commerciaux à l'époque, nous n'avons donc pas vraiment insisté pour obtenir la réouverture des frontières. Aujourd'hui, nous aimerions faire avancer ce dossier. Il y a des débouchés là-bas pour nos produits. Nous envoyons des embryons au Pérou, mais nous pourrions y envoyer des bovins vivants également. Je le répète, ce sont de petits pays; nous n'avons sans doute pas examiné d'assez près quels étaient les obstacles. Mais les possibilités existent, et nous sommes à l'affût. J'espère bien que nous considérerons de très nombreux pays.

La sénatrice Poirier : Ma prochaine question est pour M. Deering, de Terre-Neuve. Vous avez parlé d'assurer votre propre approvisionnement alimentaire pour répondre à la demande de votre population. Dans les années 1950, vous dites que vous étiez en mesure de le faire, mais qu'au fil des ans, vous avez perdu cette capacité. Vous en êtes conscients et cherchez des moyens d'en faire plus à l'avenir, surtout en ce qui a trait à la demande de produits locaux. Je suis convaincue que le problème n'est pas exclusif à Terre-Neuve et qu'il en va de même dans toutes les provinces du Canada atlantique. Pouvez-vous nous expliquer brièvement quelles ont été les principales difficultés et les raisons pour lesquelles vous croyez qu'il en a été ainsi? Comment composez-vous avec ces difficultés et avec ces motivations qui vous incitent à vous rapprocher, du moins en partie, de la situation d'antan?

M. Deering : C'est une excellente question, merci.

Évidemment, dans les années 1950, la population était beaucoup moins importante qu'aujourd'hui et les gens avaient un régime alimentaire bien plus simple. Je crois que la décision de Terre-Neuve de se joindre à la Confédération en 1949 lui a apporté d'excellents avantages, notamment un meilleur accès à un réseau de transport complexe. Nous avons pris l'habitude d'importer des produits, pas seulement des denrées alimentaires, mais toutes sortes de produits provenant de l'extérieur de la province. Je dirais que nous sommes bien conscients qu'il y a des choses que les Terre- Neuviens et les Labradoriens aiment manger que nous ne pourrons jamais cultiver à Terre-Neuve. Il faudra donc toujours importer certaines denrées. Mais nous croyons fermement que si nous pouvons cultiver un produit, nous devons réaliser des progrès considérables pour atteindre, au cours des 10 prochaines années, l'autosuffisance à l'égard de ce produit.

Nous nous attendons à ce que le boom démographique prévu dans les pays asiatiques d'ici 2050 entraîne une pression sur le prix de ces commodités, de sorte que celles-ci nous coûteront fort cher si nous continuons de les importer du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et de l'Ontario. Nos programmes de fermage-métayage et nos programmes provinciaux nous ont permis d'avoir une forte croissance au cours de la dernière décennie. Il va sans dire que nous espérons quadrupler celle-ci au cours des 10 prochaines années. C'est l'une de nos grandes priorités.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie.

Ma dernière question fait simplement suite aux questions du sénateur McIntyre sur les aliments biologiques. À l'échelle locale, bien des gens nous disent, surtout depuis les deux dernières années, que de nombreux foyers n'ont pas un budget suffisant pour payer la différence de prix entre les aliments biologiques et ceux qui ne le sont pas. Les gens ont du mal à comprendre pourquoi il y a une telle différence de prix. Il serait utile que vous nous expliquiez un peu plus en détail pourquoi il en est ainsi.

En outre, en raison de cette grosse différence de prix, il me semble que les gens, plus que jamais, vont dans les marchés pour acheter des aliments locaux, où ils peuvent obtenir des aliments de bonne qualité à prix très concurrentiel. Par conséquent, qu'est-ce qui explique cette différence?

M. McIsaac : Eh bien, obtenir une certification biologique coûte cher. La terre doit être totalement exempte d'engrais chimiques ou de toute autre forme de produits chimiques. Il y a donc un coût pour la mettre en état. Il vous faut des graines biologiques, qui coûtent plus cher. Lors de la récolte, les plantes cultivées — fèves de soya biologiques ou autres — ne donneront pas nécessairement un rendement par tonne et par acre aussi élevé. Le produit coûte plus cher, mais il faut faire la part des choses. Si l'agriculture conventionnelle vous permet d'obtenir deux tonnes de blé et l'agriculture biologique vous en donne une tonne, même en doublant le prix, vous faites tout juste vos frais.

Dans le cas des marchés, je crois que les gens ne se soucient pas tellement du coût supplémentaire —ils sont prêts à payer plus —, mais plutôt de savoir s'ils connaissent l'agriculteur et s'ils savent d'où vient le produit. Je crois que cela l'emporte sur l'aspect biologique. Bon nombre de nos agriculteurs produisent des produits biologiques. Ils n'ont pas la certification, mais leur production suit le modèle biologique, et c'est ce que les gens recherchent. Ils cherchent des produits locaux et naturels davantage que biologiques. Mais les produits biologiques occupent tout de même une place importante.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie.

Le président : C'est maintenant au tour du sénateur Day, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Day : Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais tout d'abord m'excuser de mon retard. C'est toujours la personne qui habite à deux pas qui est la dernière arrivée.

M. McIsaac : On dit que qui est près de l'église est souvent loin de Dieu.

Le sénateur Day : Je crois que c'est juste dans ce cas-ci.

J'ai eu l'occasion d'examiner vos présentations depuis mon arrivée. Il y a une chose qui m'a sauté aux yeux : la diversification du secteur de l'agriculture au Nouveau-Brunswick. La première question qui m'est venue en tête concerne la diminution de 7 p. 100 de la culture des pommes de terre entre 2013 et 2014. Est-ce aussi le cas à l'Île-du- Prince-Édouard? Il me semble que 7 p. 100 du montant total de la production de pommes de terre, c'est un gros montant. Est-ce une tendance ou bien s'est-il passé quelque chose en 2014? D'autres provinces sont-elles dans la même situation?

Mme LaRochelle : Sept pour cent peuvent sembler beaucoup, mais c'est une variation normale, surtout pour la culture de pommes de terre. Je crois que les chiffres de 2015 seront encore un peu plus bas. Tout dépend du prix, des quantités disponibles et du contrat négocié; il y a eu quelques changements à cet égard. Cela dit, le nombre d'acres a diminué. Je ne sais pas si les producteurs de pommes de terre se manifesteront de nouveau. Ils ont tenté volontairement de diminuer la superficie, mais il s'agit d'une culture plutôt stable. Je ne dirais pas que ces deux années ont été désastreuses; elles étaient plutôt stables en ce sens.

Le sénateur Day : Monsieur le ministre?

M. McIsaac : Nos recettes agricoles en espèces sont restées à peu près les mêmes pour toutes les cultures. Nous en sommes maintenant à 85 000 acres de pommes de terre. Il y a plusieurs années, c'était plutôt 110 000 acres, ou presque. Mais nous nous sommes rendu compte qu'il y a des limites à la quantité que nous pouvons cultiver. À vrai dire, la superficie a diminué, mais les recettes agricoles en espèces sont plutôt stables à l'heure actuelle.

Le sénateur Day : J'ignore quelle est la production de pommes de terre à Terre-Neuve?

M. Deering : Elle est très modeste. D'ailleurs, je ne pourrais pas vous donner un chiffre précis sur la diminution, mais l'un de nos plus importants producteurs de pommes de terre des deux dernières années a cessé sa production. Il y a donc probablement eu une diminution semblable aux chiffres dont vous parlez. Cela dit, un appel d'offres est en cours pour reprendre cette ancienne exploitation ainsi que 1 600 acres tout autour. Si le projet se concrétise, la production de la province pourrait augmenter de 50 p. 100 d'ici l'an prochain.

Le sénateur Day : Au bénéfice de mes collègues, pourriez-vous comparer la production de pommes de terre du Nouveau-Brunswick à celle, par exemple, de l'Île-du-Prince-Édouard sur le plan du volume et de la valeur pécuniaire?

M. McIsaac : Le Nouveau-Brunswick compte environ 50 000 acres, et nous en avons entre 85 000 et 90 000 bon an mal an.

L'un des problèmes avec la saisie des chiffres d'exportation, c'est que ceux-ci sont souvent attribués au port d'où sont expédiés les produits. Par exemple, nous faisons pousser beaucoup de grains à l'Île-du-Prince-Édouard. Celui-ci est expédié du port d'Halifax; il fait donc partie des chiffres de la Nouvelle-Écosse. Il se peut que ce soit aussi le cas de certaines données du Nouveau-Brunswick. Si le produit a transité par un autre endroit, il n'y a pas nécessairement eu de changement dans la production; c'est peut-être simplement le lieu d'expédition du produit qui a changé.

Le sénateur Day : Je voulais aborder un autre point : les produits de l'érable. Chaque fois que nous voyageons dans un autre pays, nous apportons une bouteille de sirop d'érable ou un autre produit acéricole. C'est un produit extrêmement bien connu à l'échelle internationale, représentatif des Maritimes, et plus particulièrement du Nouveau- Brunswick. Pouvez-vous me faire un portrait de cette industrie, étant donné l'importante pression des secteurs du bois d'œuvre et des pâtes et papiers au Nouveau-Brunswick et les conséquences du reboisement des forêts avec des résineux, qui n'aide pas les produits de l'érable, qui est un bois dur? Pouvez-vous m'aider à comprendre ce qui se passe?

Mme LaRochelle : Je ne m'avancerai pas dans le dossier de la foresterie et du bois d'œuvre, mais en ce qui a trait aux produits acéricoles, je crois que le Nouveau-Brunswick se classe au deuxième rang, derrière le Québec. Les terres publiques accueillent une grande partie de la production acéricole. Il y a des débouchés pour les terres publiques.

Récemment, le ministère des Ressources naturelles, non pas notre ministère, mais celui des Ressources naturelles, a affiché un appel d'offres pour amodier des terres publiques afin d'y pratiquer l'acériculture. Nous sommes conscients du potentiel, surtout lorsque nous examinons les accords commerciaux et la réduction des droits de douane sur les produits acéricoles. Nous travaillons en concertation pour accroître la production acéricole que la province peut contrôler par l'attribution de terres amodiées. Naturellement, les acériculteurs qui prennent de l'expansion ont accès à une aide financière. Nous voyons de véritables débouchés pour le secteur acéricole, surtout grâce aux traités commerciaux.

Le sénateur Day : Les autres provinces pratiquent-elles l'acériculture?

M. McIsaac : Il y en a très peu à l'Île-du-Prince-Édouard, mais nous favorisons la coopération des Maritimes à cet égard, car nous sommes plutôt friands du sirop d'érable du Nouveau-Brunswick.

M. Deering : Nous n'en produisons pas, du moins pas pour la peine, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Day : Le ministre a fait un commentaire au sujet de la diminution ou de la perte de 3,2 p. 100 relativement à la gestion de l'offre. Il est quotidiennement question de la pression qui s'exerce sur la gestion de l'offre et sur le concept qui l'entoure. Il n'y a pas de meilleur exemple que la Nouvelle-Zélande, qui a entièrement renoncé à la gestion de l'offre. Elle s'en tire beaucoup mieux qu'avant, année après année. C'est un point qui m'inquiète lorsque j'examine les statistiques du Nouveau-Brunswick. Parmi les trois principaux produits, le deuxième et le troisième sont soumis à la gestion de l'offre. Il faut être prêts, vu la pression reconnue que subit ce concept, même si cette fois-ci, ce ne semble pas être le cas de l'accord avec l'Europe —s'il finit par voir le jour — ou du Partenariat transpacifique. J'espère simplement que nous ne nous disons pas l'avoir échappé belle cette fois-ci, car même si c'était le cas, la situation se représentera.

M. McIsaac : Je pense que nous devons nous assurer — et c'est l'une des raisons qui font que c'est bon de tenir ces audiences — que tous les sénateurs et députés à Ottawa reconnaissent pleinement les avantages de la gestion de l'offre dans notre pays. La situation est stable depuis 40 ans maintenant, et c'est avantageux pour nos agriculteurs et nos gouvernements. Nous n'avons pas de subventions. La gestion de l'offre est un système autonome, qui permet aux consommateurs d'avoir un produit de grande qualité.

Si vous voulez nous comparer à la Nouvelle-Zélande, vous devez considérer que les Néo-Zélandais ne produisent pas leur lait dans les mêmes conditions que nous. J'y suis allé plusieurs fois. Leur produit est bon, sans nul doute, mais pendant l'un de mes séjours là-bas le beurre coûtait 5 ¢ de moins que la margarine. Ils peuvent l'exporter dans le monde entier, et ils le font.

Voyons maintenant ce qui se passe aux États-Unis. Je pense que la subvention fédérale pour une ferme moyenne de 115 têtes de Holstein ou vaches laitières s'élève à quelque 78 000 $. Au Canada, nous n'avons rien de tel, et n'en voulons pas non plus. Nous voulons que les producteurs reçoivent un prix juste, versé directement par les consommateurs.

Je ne crois pas que quiconque au gouvernement fédéral veuille créer un système de subventions ou quoi que ce soit du genre. Nous aimons la façon dont notre système fonctionne ici. En outre, aux États-Unis, on utilise la somatotropine bovine, ou le BST, pour stimuler la production. Nous ne voulons pas de cela ici. Nous avons ici un système fantastique, et avons besoin du soutien de tous les sénateurs et députés et de l'ensemble des Canadiens pour que nous puissions le conserver. Un taux de 3,25 p. 100 est déjà beaucoup pour un agriculteur, mais tâchons d'examiner les détails et de nous assurer que les choses n'empirent pas, parce que nous avons en ce moment le meilleur système au monde, et de loin. Si vous parlez à des agriculteurs américains ou néo-zélandais, ils vous diront qu'ils aimeraient beaucoup avoir un tel système. Aussi, en Nouvelle-Zélande, ils achètent des parts dans leurs usines de transformation et leurs entreprises. C'est différent du système de quotas, mais c'est semblable.

Mme LaRochelle : Je ne le dis pas seulement parce que nos producteurs laitiers sont ici présents, même si je suis consciente qu'ils me surveillent, mais vous avez certainement constaté l'importance des produits soumis à la gestion de l'offre au Nouveau-Brunswick. Ils sont la pierre d'assise d'une bonne partie de l'économie rurale, et de la totalité de l'industrie agricole de la province. Comme l'a dit le ministre, le Nouveau-Brunswick est très favorable à la gestion de l'offre.

J'ajouterai que notre ministre est allé à Atlanta durant les négociations en vue du PTP. Il a vu l'importance de soutenir la gestion de l'offre. Ce système n'a aucun autre appui. Nous avons beaucoup de programmes de gestion des risques de l'entreprise, et il n'y a aucune forme de financement prévue pour la gestion de l'offre. De fait, ce système est très efficace, de magnifiques exploitations agricoles sont en jeu et ces produits sont très importants pour le Nouveau- Brunswick. Nous jugeons donc qu'il importe que tous comprennent le système de gestion de l'offre.

Il importe aussi que le gouvernement fédéral surveille la frontière afin que certains des produits visés n'entrent pas au Canada sans droits de douane, que les douaniers sachent quels produits peuvent ou ne peuvent pas entrer. Il est très important que le gouvernement fédéral surveille l'entrée de produits à la frontière pour que seuls ceux qui sont autorisés puissent entrer.

M. McIsaac : C'est un excellent point. J'en ai parlé au ministre MacAulay, pour que nous puissions soutenir et assurer le maintien de nos principales normes ici. C'est l'un des facteurs les plus nuisibles pour notre système, à l'heure actuelle : le passage de produits en cachette à la frontière. Il faut exercer un contrôle plus serré. Encore une fois, une chose est sûre, nous devons maintenir notre système de gestion de l'offre.

Le sénateur Day : Très bien. Merci.

Le sénateur Mercer : Le sénateur Day a soulevé un point important. Je n'ai plus de cheveux sur la tête, mais j'en ai encore sur la nuque, et ils se dressent lorsque j'assiste à une discussion sur la gestion de l'offre. C'est malheureux qu'un certain membre de notre comité ne soit pas ici aujourd'hui, pour suivre la discussion, parce qu'il a de la difficulté à comprendre le fonctionnement de ce système. La gestion de l'offre au Canada et la gestion de l'offre en Nouvelle- Zélande sont deux bêtes complètement différentes. En bref, avec le système de la gestion de l'offre en Nouvelle- Zélande, l'argent sortait du Trésor de la Nouvelle-Zélande pour aller droit dans les poches de l'agriculteur. Comme je le dis toujours, la pièce d'équipement la plus importante d'une exploitation agricole américaine est la boîte aux lettres, en raison des chèques envoyés par le gouvernement. On vous assurera qu'il n'y a pas de subventions, mais c'est pourquoi les chèques continuent d'être déposés dans la boîte aux lettres.

Quoi qu'il en soit, ma question porte sur la gestion de l'offre. Nous avons parlé de la valeur des quotas et du taux de 3,25 p. 100 qui est prévu dans le PTP. Comment fera-t-on pour trouver un nouveau marché pour cette concurrence qu'on nous fera alors au Canada? Existe-t-il une possibilité d'exercer la gestion de l'offre pour des produits d'exportation? Peut-on se mettre à exporter? La gestion de l'offre présente beaucoup d'avantages, et j'en suis un grand défenseur, mais l'un des inconvénients, quand il est question de commerce international, c'est que beaucoup des entreprises soumises à la gestion de l'offre sont bien petites quand vient le temps d'affronter un marché important. Quelles sont les possibilités? Quels débouchés devrions-nous viser advenant la signature du PTP?

M. McIsaac : Je vais parler du secteur laitier, vu mon expérience au conseil d'administration des Producteurs laitiers du Canada et le fait que nous avons la gestion de l'offre depuis longtemps. Nous avons eu la chance, grâce à un prélèvement sur notre production laitière, de promouvoir notre produit et de développer notre marché au Canada, pour le beurre et le fromage, entre autres. Si, pendant la période de mise en œuvre de l'AECG ou du PTP, on nous donne suffisamment de temps pour faire croître ce marché, nous pourrions combler les pertes que nous subirions probablement si la période de mise en œuvre est trop courte. Le problème, c'est que nous ne savons pas tous les détails. Personnellement, je ne crois pas que nous voulions nous lancer dans l'exportation, parce que cela ne fait qu'ouvrir les portes encore plus, mais certains pourraient ne pas être d'accord avec moi là-dessus.

Je suis allé récemment à Denver, au Colorado, à une rencontre des ministres de l'Agriculture et des responsables des départements d'État de l'Agriculture. Je participe à cette rencontre une fois par année et, cette année, c'était à Denver, où se trouve le plus grand producteur de mozzarella dans le monde. J'ai eu la chance d'y visiter une de ses usines de transformation. Il était tellement excité au sujet du PTP et de la possibilité d'exporter au Canada, mais il était vraiment déçu qu'ils n'aient obtenu que 3,25 p. 100. J'ai discuté avec lui de la gestion de l'offre et de la façon dont notre système fonctionne ici, et des différences entre notre système et le leur. Ce producteur s'occupe de la transformation. Il ne s'occupe pas de l'étape qui est subventionnée par le gouvernement. Il constate qu'il y a un marché, et il achète son lait à un certain prix. Le lait se vend ici à un autre prix, mais il l'achète aux prix des États-Unis, le transforme et le vend au Canada. En fait, le gouvernement fédéral des États-Unis subventionne alors les consommateurs canadiens pour qu'ils achètent le fromage américain, mais il ne voyait pas cela, parce qu'il ne s'occupe que de l'étape de la transformation.

Encore une fois, aux États-Unis, on investit dans l'industrie laitière de façon complètement différente de ce qu'on fait au Canada. Notre système est dirigé par les producteurs, selon une formule de calcul des coûts de production, et les producteurs sont payés directement par les consommateurs. Je pense que tous les niveaux de gouvernement doivent en prendre bien conscience. Je ne crois pas qu'il soit avisé de nous lancer sur un marché d'exportation grand ouvert. Je pense que nous avons besoin d'un peu de temps pour élargir notre marché intérieur.

Le sénateur Mercer : Selon moi, nous devons continuer de profiter au maximum des avantages de la gestion de l'offre. J'ai été désappointé par ce 3,25 p. 100. J'aurais préféré 0, mais 3,25, c'est mieux que 5 p. 100. Par contre, c'est plus que 1 p. 100, et j'espère que cela ne fera pas trop de tort. J'ai une grande confiance dans les agriculteurs qui œuvrent dans l'industrie assujettie à la gestion de l'offre. Je sais qu'ils peuvent surmonter cet inconvénient et s'en sortir mieux que tous les autres, comme ils le font habituellement.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup.

Ce fut un grand plaisir de recevoir et d'entendre des témoins de la région de l'Atlantique. Monsieur Deering, monsieur Jamieson, monsieur McIsaac, madame Cathy LaRochelle, madame Stuible, vous avez été des témoins formidables pour notre comité. Nous vous remercions sincèrement.

M. McIsaac : Puis-je faire une dernière petite observation? Je suppose que vous connaissez Cultivons l'avenir 2. Nous sommes en train d'évaluer ce programme et nous renégocierons Cultivons l'avenir 3, qui commencera en 2018. J'aimerais que nous ayons l'appui de tous les sénateurs pour réunir une série de mesures extraordinaires dans Cultivons l'avenir 2, afin que nous puissions assurer la croissance continue de notre industrie agricole au Canada. Les programmes prévus pour Cultivons l'avenir 3 sont certainement avantageux, et nous espérons qu'ils resteront solides. Merci.

Le président : Notre deuxième panel de témoins de ce matin est composé de MM. Paul Gaunce et Richard vanOord, respectivement président et vice-président des Producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick; et de MM. John Vissers et Brian Cameron, respectivement directeur national et directeur général des Dairy Farmers of Nova Scotia.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Le comité est très heureux d'être venu vous rencontrer ici, dans les provinces de l'Atlantique.

Monsieur Gaunce?

M. Paul Gaunce, président, Producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick : Je n'ai pas d'objection à commencer. Comme c'est nous qui recevons, j'avais offert aux représentants de la Nouvelle-Écosse d'intervenir en premier, mais ça va. Je connais un sénateur qui vient d'une localité tout près de chez moi, alors j'espère que je ne lui ferai pas honte.

Merci de nous avoir invités. Nous sommes toujours contents de répandre la bonne nouvelle concernant l'agriculture et, surtout, l'industrie laitière. Je me présente : avant tout, je suis un père. Je suis aussi un producteur de lait, et mon fils et ma fille travaillent avec moi. Je suis le président des Producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick et je vis près de Hampton, à environ 80 kilomètres d'ici, en allant vers Saint John.

M. Richard vanOord, vice-président, Producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick : Je m'appelle Richard vanOord. Ma femme et moi sommes propriétaires d'une ferme laitière tout près de Fredericton. Récemment, au cours des six derniers mois, nous avons installé des robots de traite. Alors non, je n'ai pas eu la chance de traire les vaches ce matin, mais le robot fonctionnait bien quand je suis arrivé à l'étable. Les vaches étaient occupées à ruminer, couchées sur leurs beaux matelas en sciure de bois et en mousse de caoutchouc. Elles mastiquaient tranquillement. Elles avaient l'air heureuses et le robot fonctionnait bien, alors j'ai jugé que je pouvais m'absenter. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner.

M. Gaunce : Je vais prononcer notre exposé. On m'a dit que j'avais de cinq à sept minutes, mais Cathy m'a dit que vous ne me couperiez pas la parole si je parlais trop longtemps. J'ai cette réputation...

Le secteur de la production laitière du Nouveau-Brunswick représente 200 producteurs qui vendent environ 400 000 litres de lait chaque jour de l'année. Les revenus tirés de la vente du lait s'élèvent à environ 300 000 $ par jour, ou à 110 millions de dollars par année. Voici quelques indicateurs de l'apport du secteur à l'économie du Nouveau-Brunswick. Nous contribuons au PIB pour 330 millions de dollars. Quatre-vingt-dix pour cent de la transformation se fait ici et soixante pour cent de notre lait cru est consommé ici. La différence, 40 p. 100, est vendue surtout pour la fabrication de beurre et de divers types de poudre de lait écrémé sur différents marchés, au Canada et ailleurs dans le monde. En effet, nous faisons de l'exportation. Nous payons annuellement 63 millions de dollars d'impôt aux gouvernements fédéral et provincial, pour 3 600 emplois. Le secteur engendre aussi l'activité de l'infrastructure de transformation, des transactions bancaires, de la provenderie, de la machinerie, de la vente d'équipement et des services après-vente, des concessionnaires d'automobiles, des épiceries, ainsi de suite.

Lorsque les Producteurs laitiers du Canada ont témoigné devant votre comité, il y a près d'un mois maintenant, nous avions reçu un exemplaire de leur mémoire. Nous sommes certainement d'accord sur les choses qu'ils demandent et les faits qu'ils ont rapportés. Nous ne parlerons pas de ce mémoire, parce que vous en êtes saisis maintenant, mais sachez que nous appuyons pleinement les demandes des Producteurs laitiers du Canada. L'un de leurs principaux arguments était que la gestion de l'offre fonctionne tellement bien, et nous le constatons aussi en tant qu'agriculteurs. Je sais que vous, sénateurs, faites valoir que le reste du monde semble bien se débrouiller sans la gestion de l'offre, mais je vous le dis, nous sommes probablement les plus chanceux du monde parce que nous avons conservé ce système. Nous le constatons tous les jours.

Partout dans le monde, des producteurs sont en train de perdre leur chemise. Le prix du lait n'a jamais été aussi bas sur le marché mondial parce que le seul objectif a toujours été la croissance plutôt que la viabilité financière. La gestion de l'offre n'est pas axée sur l'exportation et elle ne le sera jamais étant donné le prix du lait. Nous ne pouvons tout simplement pas soutenir la concurrence à un tel prix, et ce, peu importe les gains d'efficience que nous parviendrons à réaliser. Lorsque le gouvernement se met à subventionner les producteurs, cela fausse le prix du lait à l'échelle mondiale et nuit au bon déroulement des choses. Le marché mondial devient alors saturé, et les producteurs perdent leur chemise. Cela ne fonctionne tout simplement pas. Plusieurs personnes ont dit que des agriculteurs partout dans le monde aimeraient bien bénéficier d'un système comme le nôtre, et je les comprends parfaitement.

Richard me disait tout à l'heure que, en ce moment, le taux de suicide chez les producteurs français est le plus élevé au monde en raison de leurs piètres rendements. Vous avez parlé de la situation en Nouvelle-Zélande. Dans ce pays, le prix du lait à la consommation est plus élevé qu'ici et, pourtant, les producteurs néo-zélandais ne font pratiquement aucun profit sur les exportations. Cette situation est-elle équitable pour le marché national de la Nouvelle-Zélande? Non. Je ne suis pas contre les échanges commerciaux. Je pense qu'un bon accord commercial peut être avantageux pour toutes les parties concernées. Oui, nous avons ouvert notre marché dans le cadre de l'Accord économique et commercial global et du Partenariat transpacifique. Toutefois, si notre pays connaît une croissance économique accrue grâce aux accords commerciaux, nos concitoyens achèteront plus de lait, ce qui, espérons-le, permettra de compenser les pertes.

Nous devons ensuite nous demander comment nous pouvons soutenir la concurrence. Notre système est fondé sur la gestion de l'offre et il est fermé. Nous sommes protégés par la frontière et les droits de douane, mais nous devons tout de même être conscients du fait que, dans le contexte actuel, il faut constamment améliorer l'efficience. Alors, que doivent faire les producteurs du Nouveau-Brunswick pour accroître leur efficience? Dans cette province et le reste des Maritimes, nous avons d'abord et avant tout besoin d'infrastructures et d'installations de transformation. Au cours des 10 dernières années, l'industrie laitière a connu une très bonne croissance — sauf erreur, de l'ordre de 10 p. 100. Il n'est donc pas vrai d'affirmer que le marché national est au point mort. Nos transformateurs font d'excellents produits, et les consommateurs en achètent de plus en plus. La qualité du lait produit au Canada est parmi les meilleures au monde. Il en est ainsi parce que les producteurs disposent du rendement sur le marché nécessaire pour suivre le rythme des nouveautés technologiques.

Cela dit, il faut aussi être conscient de ce que demandent les consommateurs. Cela complique la vie des producteurs, car les consommateurs sont très conscients de l'origine des aliments et ils souhaitent connaître tous les détails à ce sujet. Nous avons mis sur pied plusieurs programmes, dont l'initiative proAction. Nous serions certainement très heureux d'obtenir des fonds fédéraux pour implanter ces programmes dans nos exploitations laitières. L'initiative proAction comporte cinq volets, dont la qualité du lait, ou « Lait canadien de qualité », qui est maintenant implantée dans toutes les exploitations laitières du pays. Les quatre autres volets sont le bien-être des animaux, la traçabilité, la biosécurité et l'environnement — toutes des choses dont le consommateur se soucie. Le projet pilote sur le bien-être des animaux sera mis en œuvre au Nouveau-Brunswick au cours du printemps. Il montrera aux consommateurs et aux défenseurs du bien-être des animaux que les producteurs prennent soin de façon exemplaire de leurs vaches.

Richard nous a dit que les vaches sont très heureuses dans son étable. Je pense que j'aimerais bien dormir à cet endroit, car les lits y semblent très confortables. Les producteurs sont pleinement conscients du fait qu'ils ne peuvent pas faire d'argent si leurs vaches ne sont pas heureuses ni en santé. Chacun d'entre nous fait de son mieux pour que les vaches soient heureuses et en santé et qu'elles mangent bien.

Les changements climatiques ont un effet très concret sur nos récoltes. Les producteurs de notre région sont loin d'être aussi rentables et équitables que ceux situés dans des zones jouissant d'un climat plus favorable, comme le Sud- Ouest de l'Ontario et la Colombie-Britannique, où ils pourront commencer à couper l'herbe dans une quinzaine de jours. Nous avons besoin de beaucoup plus de recherches sur la façon dont les producteurs peuvent accroître leur efficience en cultivant un plus grand volume de fourrage et en améliorant sa valeur nutritive. Nous pouvons certainement faire pousser des herbages dans le climat des Maritimes, car il est très humide. Toutefois, il est essentiel de cultiver convenablement des herbages de bonne qualité et en quantité suffisante, qui sont adaptés aux conditions climatiques de la région.

Je vais m'arrêter ici.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Gaunce.

Monsieur Vissers, vous avez la parole.

John Vissers, directeur national, Producteurs laitiers de la Nouvelle-Écosse : Je m'appelle John Vissers. Je suis producteur laitier à Stewiacke, en Nouvelle-Écosse. Il y a deux ans, nous avons construit une nouvelle étable munie d'un système de traite automatisé et de toutes les commodités nécessaires au confort des vaches. Nous souhaitions que les visiteurs de notre exploitation agricole constatent que nous prenons bien soin de nos animaux. Si vous souhaitez nous rendre visite un jour, sachez que notre porte est toujours ouverte.

Je m'appelle John Vissers. Je suis un producteur laitier néo-écossais de deuxième génération et le directeur national des Producteurs laitiers de la Nouvelle-Écosse. Notre province compte 220 fermes laitières familiales, qui produisent plus de 170 millions de litres de lait de qualité supérieure par année et qui emploient directement plus de 600 travailleurs agricoles. Ces fermes laitières versent plus de 350 millions de dollars au produit intérieur brut du Canada et paient 65 millions de dollars en impôts fédéraux et provinciaux ainsi qu'en taxes municipales. Et tout cela sans recevoir un seul sou des contribuables.

Notre ferme fait travailler cinq membres de la famille, qui traient 160 vaches à l'aide d'un système de traite automatisé. La nouvelle génération a fièrement relevé le défi de la modernisation de notre ferme et de ses pratiques agricoles. Notre investissement dans cette nouvelle technologie est la conséquence directe de la stabilité que procure le système de gestion de l'offre au pays.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, le système de gestion de l'offre, qui a été instauré dans les années 1970, est axé sur le marché intérieur et repose sur trois fondements : la planification de la production, le contrôle aux frontières et la garantie d'un rendement équitable pour les fermes laitières familiales qui travaillent de manière efficiente. La gestion de l'offre n'a cessé d'évoluer au fil des ans et a connu beaucoup de changements afin de s'adapter à l'évolution des méthodes de production, de transformation et de mise en marché du lait. Toutefois, nous continuons de nous concentrer sur le marché intérieur. Comme notre mission première consiste à nourrir les Canadiens, nous ne souhaitons pas particulièrement conquérir les marchés étrangers. Nous craignons d'ailleurs que l'inverse soit en train de se produire.

En vertu de l'Accord économique et commercial global et du Partenariat transpacifique, le gouvernement du Canada a accordé à des pays où l'agriculture est fortement subventionnée, comme les États-Unis et les pays membres de l'Union européenne, un plus grand accès au marché canadien des produits laitiers. Cette situation nuit aux producteurs et transformateurs laitiers canadiens et entraîne des compressions immédiates et permanentes au sein de notre industrie. Qui plus est, elle nuit à nos perspectives de croissance. Pire encore, nous ne pouvons pas accroître nos exportations vers les marchés étrangers à cause des restrictions imposées par l'Organisation mondiale du commerce et d'une décision contre les exportations de produits laitiers canadiens remontant à 2002. Notre frontière ne pourra bientôt plus être traversée que dans un sens. La gestion de l'offre permet d'assurer la sécurité alimentaire des familles canadiennes en garantissant une offre adéquate de lait et de produits laitiers salubres, abordables et disponibles en tout temps. La population canadienne nous appuie aussi en raison de nos pratiques de production responsables et exemptes de cruauté. Le nouveau programme proAction montre clairement notre engagement à l'égard de la qualité et de la salubrité des aliments, de la traçabilité du bétail, du bien-être des animaux, de la biosécurité et de la durabilité environnementale. Lorsqu'il sera totalement opérationnel, le programme permettra aux 11 000 fermes laitières de prouver qu'elles respectent des normes qui sont parmi les plus rigoureuses au monde.

Nous vendons collectivement notre lait à des transformateurs, par l'intermédiaire des Producteurs laitiers de la Nouvelle-Écosse, ce qui nous permet d'offrir aux Néo-Écossais une grande variété de produits laitiers tout en soutenant nos communautés et entreprises rurales. Produire du lait sous un climat nordique exige des investissements en capital et en main-d'œuvre. L'augmentation de l'efficacité de la production est une preuve de la compétitivité et de la rentabilité des fermes laitières canadiennes, qui se mesurent avantageusement à celles des pays les plus avancés du monde.

En guise de conclusion, j'aimerais remercier le gouvernement de son appui à l'endroit du système de gestion de l'offre et dire que notre industrie demeure forte, autant maintenant que pour la prochaine génération.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter ce matin. Je serais maintenant très heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Vissers.

Monsieur Cameron, vous souhaitez ajouter quelque chose?

Brian Cameron, directeur général, Producteurs laitiers de la Nouvelle-Écosse : Merci et bonjour. Comme on l'a dit, je suis directeur général des Producteurs laitiers de la Nouvelle-Écosse. Je travaille à Truro, en Nouvelle-Écosse, depuis 13 ans. Je suis heureux de travailler non seulement avec M. Vissers et les membres de notre conseil d'administration, mais aussi avec les provinces voisines. Si je dis cela, c'est que l'une des forces collectives de la gestion de l'offre dans l'industrie laitière, c'est que les conseils sont habilités à gérer ce système à l'échelle provinciale. En outre, nous avons la possibilité de travailler ensemble, de manière collective en tant que secteur, afin de renforcer la présence des producteurs sur le marché. Cela est possible en raison de la consolidation au niveau de la transformation et de la vente au détail. Il est plus important que jamais que les producteurs travaillent ensemble. Je me contenterai de ces commentaires pour l'instant.

Le président : Pour la première série de questions, nous allons donner la parole au vice-président du comité, qui est originaire de la Nouvelle-Écosse, soit le sénateur Terry Mercer.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président.

Comme vous avez pu vous en rendre compte dans mes questions aux témoins précédents, je suis un ardent défenseur de la gestion de l'offre. Je comprends pourquoi notre système fait l'envie de producteurs partout dans le monde.

M. Vissers a utilisé une expression que l'on entend très peu souvent de la part des agriculteurs canadiens. Je pense que vous devriez parler plus souvent de ce concept, en particulier ceux qui œuvrent dans la gestion de l'offre. Il s'agit de la « sécurité alimentaire ». La sécurité alimentaire est l'une des raisons pour lesquelles le milieu agricole, plus particulièrement en Europe, bénéficie de subventions. Les gens veulent être sûrs de pouvoir se nourrir. C'est le cas parce qu'ils ont dû traverser des périodes de grande disette. Pour leur part, les Canadiens ont été chanceux ou choyés — selon le point de vue —, car ils n'ont jamais manqué de nourriture. Lorsque, à certains moments de l'année, nous ne pouvons pas produire des aliments, nous sommes suffisamment riches pour les importer auprès de pays producteurs. Je vous saurais gré de nous parler un peu de la sécurité alimentaire.

J'aimerais aussi poser une question d'ordre pratique, car vous avez tous deux parlé des systèmes de traite automatisés. Pourriez-vous nous parler des coûts en capital? Ceux d'entre nous qui ne sont pas agriculteurs se disent peut-être que certaines pièces d'équipement doivent coûter très cher. Combien de temps faut-il avant de pouvoir rentabiliser un système de traite automatisé?

M. vanOord : Je peux répondre à cette question puisque j'en ai fait l'expérience récemment. Notre ferme compte environ 80 vaches laitières et est située tout près de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. À un certain moment, nous dépensions environ 70 000 $ par année en main-d'œuvre de l'extérieur. Je continuais quand même à travailler tous les week-ends et à faire des semaines de travail de 60 heures. Ma femme participait aux tâches elle aussi. Elle commençait à s'impatienter un peu de devoir se lever à 5 heures tous les matins pour traire les vaches et à refaire la même chose 17 heures. Les vaches doivent être traites au moins deux fois par jour, parfois même trois fois.

Nous nous sommes alors rendu compte que, malgré nos investissements assez importants dans de la main-d'œuvre de l'extérieur, nous devions quand même travailler 60 heures par semaine. Nous ne savions plus où donner de la tête. Nous avons consulté quelques entreprises, envisagé quelques scénarios et passé en revue divers budgets. En très peu de temps — je dirais un mois —, nous sommes passés de la parole aux actes et avons installé un système de traite automatisé dans notre ferme.

L'appareil nous a coûté 300 000 $. Il permet de traire une centaine de vaches. Nous avons réduit les coûts de la main- d'œuvre d'environ 50 000 $ par année. Uniquement au titre de la main-d'œuvre, une machine de ce genre est donc rentable au bout de six ou sept ans. Une des conséquences de cette décision — et à laquelle on ne s'attendait vraiment pas —, c'est qu'elle nous a permis d'améliorer considérablement notre qualité de vie. Nous ne sommes plus obligés de nous lever à 5 heures, à moins qu'une alarme nous avertisse que le système automatisé est défectueux.

Mon épouse aime de nouveau être dans l'étable. C'est une personne très sociable. Elle travaillait dans l'industrie automobile. Elle a vendu des automobiles pendant de nombreuses années. C'est quelqu'un de très sociable. Mon épouse n'aimait pas être coincée dans une partie de l'étable pendant de longues périodes pour traire les vaches, mais elle aime se trouver dans l'étable avec les animaux. Ce système de traite automatisé est, en fait, son bébé. C'est elle qui en assume essentiellement la responsabilité. La raison pourquoi elle l'apprécie tellement est qu'elle peut se promener avec les vaches parce que c'est le système qui s'occupe de la traite. Si une vache doit être traite et qu'elle ne l'a pas été, elle va la taper doucement et lui dire que c'est à son tour. Elle peut le faire pendant qu'elle consulte les médias sociaux à l'aide de son téléphone. Mon épouse aime être dans l'étable. Nous y avons installé une chaise confortable. Nous y avons aussi installé un climatiseur gainable monobloc afin qu'elle puisse demeurer au frais en été et au chaud, en hiver. Elle a assumé la responsabilité de ce système.

En plus de nous permettre de réduire la main-d'œuvre, le système de traite automatisé a permis à mon épouse, qui est ma partenaire égale dans l'exploitation agricole, de raviver son intérêt pour celle-ci au cours des six ou sept derniers mois. Ce système est vraiment son bébé. En outre, puisque nos vaches sont traites de manière plus confortable, elles produisent 15 à 20 p. 100 plus de lait. Ce système me permet non seulement de réaliser des économies de main-d'œuvre, mais aussi d'obtenir — je dirais — 400 ou 500 litres de lait supplémentaires de 80 vaches, à 75 cents. Nous gagnons 200 $ ou 300 $ supplémentaires parce que les vaches sont traites quand elles veulent l'être plutôt que lorsque nous croyons qu'elles devraient l'être.

Le bien-être des vaches joue un rôle énorme dans la décision d'adopter ce système. Le temps que nous passons dans l'étable est aussi un facteur important. Nous pouvons organiser des activités sociales non pas en fonction de nos horaires de traite, mais en fonction de nos invitations à un dîner ou à une fête d'anniversaire. Nous pouvons déterminer quand nous irons à l'étable en fonction de ces occasions. La situation a changé radicalement.

Au Nouveau-Brunswick, je pense que plus de 10 p. 100 des exploitations agricoles utilisent un système de traite automatisé. Ce nombre augmentera à 20 p. 100 d'ici un an, et je crois qu'il s'élèvera à 30 ou 40 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Ce système change réellement la dynamique des fermes familiales. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Mercer : Oui.

Le président : Monsieur Vissers?

M. Vissers : Notre situation est à peu près la même. La prochaine génération qui s'intéressait à l'agriculture ne voulait pas poursuivre ce que nous faisions. Quand mon beau-frère et moi étions agriculteurs, il y avait bien des semaines où nous nous estimions chanceux si nous avions une demi-journée de congé toutes les deux semaines. Nous vivions pratiquement dans l'étable de 5 heures à 19 heures. Si nous recevions des appels pendant la nuit parce que des vaches mettaient bas ou pour une autre raison, nous devions y retourner. La prochaine génération d'agriculteurs ne voulait pas cela. Elle voulait faire de l'agriculture, mais se servir des technologies existantes comme les robots. Les premiers robots ont fait leur apparition il y a probablement 22 ou 23 ans. La technologie s'est tellement améliorée depuis la dizaine d'années où les robots sont devenus un outil fiable. Cela faisait probablement partie de la motivation de ces nouveaux agriculteurs.

Lorsqu'ils se sont occupés de l'aménagement de l'étable, nous les avons envoyés dans différentes parties du Canada — l'Ontario, le Québec et l'Ouest —, et même aux États-Unis, pour voir des étables robotisées. Ils voulaient voir les 10 p. 100 supérieurs. Ils souhaitaient connaître la clé de leur succès. Mon fils demandait aux propriétaires de ces fermes pourquoi ils avaient adopté cette technologie. Quelques-uns ont répondu que c'était parce qu'ils avaient des problèmes de main-d'œuvre, mais la majorité a répondu que c'était pour améliorer leur mode de vie. Si leur fils ou leur fille jouait au hockey à 16 heures, par exemple, ils n'avaient pas à s'occuper de la traite. Ils pouvaient se rendre d'abord au match de hockey puis, aller à l'étable après. Les robots permettent ce mode de vie. Quant à nous, même si nous vieillissons, nous pouvons encore apporter notre aide, bien que pas autant qu'avant, et remplacer un employé absent au besoin, au lieu d'embaucher d'autres personnes. Le système est payant au bout du compte pour ceux qui doivent construire une nouvelle étable et installer une salle de traite, entre autres. Aux États-Unis, où il y a de plus grandes étables, on construit de grosses salles parce que les agriculteurs y travaillent 20 heures par jour, et procèdent à la traite des vaches trois fois par jour. Là-bas, on construit de grandes étables, on installe une salle de traite et on tente de traire toutes les vaches en deux heures. Les vaches ont déjà été traites deux ou trois fois pendant la journée. Elles restent donc inactives souvent. Dans une telle situation, les robots sont efficaces parce qu'ils traient 24 heures par jour et les vaches s'adaptent à cet horaire. Vous y allez à minuit, et il y a quelques vaches qui font encore la queue pour être traites. C'est donc plus relaxant pour les vaches. L'atmosphère est plus relaxante.

Un des grands avantages de cette technologie est qu'elle améliore le mode de vie des agriculteurs. Elle exige peut-être un investissement financier un peu plus élevé mais, en échange, ceux qui l'utilisent ont un meilleur mode de vie.

Le président : Monsieur Cameron?

M. Cameron : C'étaient deux excellentes réponses qui vous donnent une idée de ce qu'est la traite automatisée.

Vous avez aussi parlé de la sécurité alimentaire, un sujet mentionné par M. Vissers. Je pense qu'il y a toute une série d'éléments probants et de renseignements à jour sur la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et même l'achat de produits locaux. Les trois correspondent tous un peu au même thème. Lorsque les gens de la région se rendent à l'épicerie, ils accordent beaucoup d'attention aux aliments produits dans l'Atlantique ou, dans notre cas, en Nouvelle- Écosse. Nous croyons que la situation de l'industrie laitière dans cette région est vraiment bonne.

Vous avez mentionné le pourcentage de lait produit au Nouveau-Brunswick qui reste là-bas. C'est similaire en Nouvelle-Écosse. Les pourcentages sont très élevés. Nos marchés du lait de consommation sont efficacement servis par les provinces. Il est vraiment important que les consommateurs de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick sachent que le lait dans les crèmes qu'ils achètent est produit localement. Étant donné la composition du pays et du secteur de la transformation, une grande partie des produits industriels, comme le fromage, le beurre, le yogourt et la crème glacée, viennent de l'extérieur de notre région. Les Producteurs laitiers du Canada ont marqué nos produits afin d'encourager les consommateurs à chercher le symbole Lait 100 % canadien. Il se trouve au bas du document, et il s'inscrit dans un programme de promotion de l'image de marque mis en place par les Producteurs laitiers du Canada au nom de tous les producteurs afin d'encourager les consommateurs à chercher ces produits.

Par exemple, si vous cherchez de la crème glacée dans la section des produits congelés, la marque portant ce symbole est entièrement canadienne et contient des ingrédients laitiers venant de vaches canadiennes. Juste à côté, il peut y avoir un produit qui n'a pas cette étiquette. Je ne vais pas donner de noms de compagnies. Ce produit est appelé un dessert glacé. Il y a très peu, voire pas du tout, de matière grasse butyrique dans ce produit. On y trouve plutôt de l'huile de palme. Il s'agit d'un produit très différent. En incitant les Canadiens à chercher le symbole Lait 100 % canadien, on répond d'une certaine manière aux souhaits des Canadiens, et on favorise la sécurité et la souveraineté alimentaires, ainsi que l'achat de produits locaux.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie de vos réponses. J'encourage les producteurs laitiers, les producteurs d'œufs, les producteurs de poulets et les éleveurs de dindon du Canada à mettre l'accent sur le fait que la sécurité alimentaire est un problème. Vous avez peut-être remarqué qu'une célèbre chaîne de restauration rapide au Canada a commencé à parler de sécurité alimentaire et de la façon dont le bœuf dans son Teen Burger est produit. Je trouve intéressant qu'elle parle maintenant de ces choses. Je ne veux pas que l'on m'accuse d'être un hypocrite parce que nous nous sommes opposés à l'imposition, par les États-Unis, de l'étiquetage indiquant le pays d'origine. Cependant, quand je fais mon épicerie, et je la fais surtout à partir de chez moi, je cherche les produits canadiens. Je cherche aussi les produits de la Nouvelle-Écosse si j'ai le choix et, si ce n'est pas possible, les produits du Canada atlantique.

Je pense que les Canadiens sont assez avertis maintenant pour savoir ces choses, mais les producteurs laitiers, les producteurs d'œufs et les producteurs de poulets pourraient leur rappeler, dans leurs publicités, que la sécurité alimentaire est importante et que l'achat de produits locaux est une bonne chose.

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci.

Monsieur Gaunce?

M. Gaunce : À ce sujet justement, la promotion d'achat de produits locaux par les producteurs laitiers et leurs annonces sur la durabilité de l'empreinte carbone comptent probablement parmi les meilleures initiatives mises en place par une industrie canadienne. Mon lait parcourt 30 kilomètres. D'un côté, il est envoyé à l'usine industrielle et, de l'autre, à l'usine de transformation laitière. C'est le meilleur exemple de produit local.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, messieurs, de vos interventions. Ma question porte sur le lait diafiltré et sur les matières protéiques de lait.

Selon ce que j'ai cru comprendre, le lait diafiltré que le Canada importe des États-Unis est exempté de droits de douane, tandis que les matières protéiques de lait sont soumises aux contingents tarifaires. Je comprends que, et je suis certain que vous savez, que l'Ontario et le Québec ont exprimé des préoccupations à propos de l'importation à grande échelle de lait diafiltré des États-Unis. Ma question est donc la suivante : l'importation de lait diafiltré des États-Unis a-t-elle nui à l'industrie laitière du Canada atlantique? Si oui, de quelle manière? Les provinces de l'Atlantique cherchent-elles aussi à établir une nouvelle catégorie de lait qui comprenne le lait diafiltré? Quel effet cela aurait-il sur l'industrie laitière du Canada atlantique?

M. Gaunce : Je vais tenter de répondre à vos questions.

Le lait diafiltré est un gros problème pour l'industrie laitière, non seulement au Canada atlantique, mais aussi partout au pays. L'importation d'IPL, qui sont des isolats protéiques de lait ou des concentrés protéiques de lait, est passée d'approximativement 5 millions de kilos en 2005 à environ 40 millions cette année. Je ne blâme pas les transformateurs parce que ces produits sont évidemment meilleurs pour leurs fromageries. Le problème, c'est que nous n'avons pas cette technologie dans nos usines. Nous avons des infrastructures vieillissantes dans nos usines industrielles partout au pays, et nous devons mettre en œuvre cette technologie dans de nouvelles usines, tout d'abord, afin que ces transformateurs puissent l'utiliser, mais aussi pour qu'ils utilisent nos produits. C'est probablement la cause de la moitié de notre surplus actuel de lait écrémé. Ce produit entre au pays comme un ingrédient mais, d'après notre définition, quand il est versé dans la cuve à fromage, il devient du lait. Nous pensons donc que les États-Unis contournent les lignes tarifaires. Si nous avions de meilleurs contrôles frontaliers, ce ne serait pas un problème. Cela dit, si cette technologie était mise en œuvre dans les usines ici, les transformateurs n'auraient pas à l'importer. Ils utiliseraient la nôtre. Et oui, nous travaillons sur une solution fondée sur les ingrédients pour tenter d'établir une liste de prix et de mettre en œuvre cette technologie dans de nouvelles usines. Je n'ai pas conclu d'entente. Nous avons une sorte d'entente de principe.

Le sénateur McIntyre : Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à dire?

M. Cameron : C'est une excellente question. Elle vient probablement de témoignages précédents que vous avez entendus des producteurs laitiers d'autres provinces. Pour faire suite aux observations de M. Gaunce, les plus grandes conséquences en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, ou dans la région atlantique, sont financières, à savoir la réduction du prix payé aux producteurs. Ce qui se passe est que, au lieu d'utiliser des protéines produites localement qui proviennent du lait des vaches de nos troupeaux, les transformateurs importent les protéines sous diverses formes et achètent donc moins de nos protéines. Il est possible de séparer le lait de façon à séparer la crème et le lait écrémé. Vous avez peut-être entendu parler il y a quelques années des écrémeuses. Elles existent encore aujourd'hui. Il y a une demande importante de matière grasse butyrique au Canada. Toute la crème est donc requise. Toutefois, comme M. Gaunce l'a mentionné, il y a un surplus de lait écrémé. À mesure que les débouchés et les marchés pour ce produit continuent de diminuer, le prix diminue lui aussi. Lorsque le prix diminue, cela influe sur le prix que les producteurs reçoivent de la part du marché.

Il est vrai qu'à l'heure actuelle l'industrie ne ménage pas ses efforts pour tenter de moderniser la gestion de l'offre, suivant l'expression, afin d'utiliser plus de protéines de lait de nos vaches dans la fabrication de produits laitiers canadiens. J'en reviens à mon argument sur le logo 100 p. 100 canadien.

Le président : Monsieur vanOord?

M. vanOord : Je ne sais pas tout à ce sujet, mais je sais que le lait diafiltré a été filtré deux fois. Pour obtenir une citerne de lait diafiltré, il faut quatre citernes de lait ordinaire. Le ratio est de quatre pour un. L'Agence canadienne d'inspection des aliments, si elle considère qu'une citerne de lait diafiltré qui passe aux frontières équivaut à une citerne de lait ordinaire, laisse en fait passer quatre fois cette quantité. Nous nous inquiétons de la façon dont l'Agence canadienne d'inspection des aliments comptabilise ce produit. Nous croyons que la Commission canadienne du lait, qui est une société d'État fédérale, a les moyens de contrôler ce produit ainsi que les connaissances voulues pour en déterminer la composition exacte. Une citerne de lait diafiltré correspond en fait à quatre citernes de lait, mais considère-t-on alors qu'il s'agit de quatre citernes de lait qui traversent la frontière ou d'une seule citerne? Voilà qui nous préoccupe beaucoup.

Comme Paul l'a dit, nous ne critiquons pas les transformateurs de la situation. Un litre de lait diafiltré permet de produire, je ne sais pas, disons 25 p. 100 plus de fromage qu'un litre de lait ordinaire. Ils le font pour des raisons de coûts et parce que cela améliore la rentabilité de leurs usines. Ils peuvent fabriquer plus facilement leur produit. La question nous préoccupe, car nous voulons produire ce type de lait et nous voulons nous assurer que le gouvernement — l'Agence canadienne d'inspection des aliments — comptabilise la quantité réelle de lait qui traverse les frontières. Voilà ce qui me préoccupe.

Le sénateur McIntyre : Je veux simplement parler des deux accords de libre-échange que le Canada a signés avec l'Union européenne, l'AECG, et le Partenariat transpacifique. Évidemment, l'entrée en vigueur de ces deux accords commerciaux aura d'importantes répercussions économiques et entraînera son lot de difficultés. Que peuvent faire le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces pour vous aider à atténuer ces difficultés? Les accords ont été signés, mais ils n'ont pas encore été ratifiés. Devraient-ils l'être?

M. Gaunce : Tout d'abord, je dirais que oui, ces accords nous feront du tort. Nous avons calculé qu'il en coûtera environ 30 000 à 40 000 $ par ferme, par année, lorsque les répercussions de l'AECG et du PTP se feront pleinement sentir. Dans le cas du Partenariat transpacifique, le gouvernement fédéral a promis un financement pour la transformation, l'infrastructure et les exploitations agricoles sous forme de remises pour aider à compenser le coût. Prenons ces deux accords commerciaux dans leur ensemble. S'il s'agit de bons accords commerciaux pour le pays, et qu'il y a croissance économique, les personnes qui profitent de cette croissance économique achèteront plus de produits laitiers. Ainsi, avec un peu de chance, nous pourrons compenser les pertes qu'engendreront pour nous les deux accords commerciaux.

D'un autre côté, si nous avons l'expertise commerciale voulue et que les prix sur les marchés mondiaux s'y prêtent, il sera possible d'exporter dans des créneaux. Lorsque nous avons signé l'Accord sur l'OMC, nous avions une entente pour vendre 3 000 tonnes de fromage en Europe. Mais le prix ne cessait de diminuer, il était de plus en plus bas. Ce marché n'était plus suffisamment lucratif pour en valoir la peine. Bref, nous n'exportons à peu près plus aucun fromage en Europe. Nous en exportons dans d'autres pays. Si les transformateurs et les détaillants ont l'expertise voulue pour développer des créneaux suffisamment lucratifs pour nos producteurs, nous exporterons vers ces pays puisque ces accords commerciaux nous en donnent la possibilité. Mais il ne doit pas s'agir de n'importe quels marchés. Ils doivent être lucratifs.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. À vrai dire, le sénateur McIntyre a abordé les sujets sur lesquels je voulais vous poser des questions : le Partenariat transpacifique, le Programme de garantie du revenu et le Programme de garantie de la valeur de quotas. Si j'ai bien compris vos propos, vous croyez que la ratification vous fera perdre de 30 000 à 40 000 $ par an, en raison du 3,25 p. 100. Y a-t-il quelque chose dans ces accords — moyennant que le Programme de garantie du revenu entre en vigueur et que le Programme de garantie de la valeur de quotas vous protège — qui pourrait aider les producteurs laitiers de l'Atlantique? Avez-vous besoin d'aide à l'heure actuelle? S'il est possible de vous venir en aide, quelle forme devrait-elle prendre à votre avis?

M. Gaunce : Je crois que nous avons besoin de recherche sur les cultures, pour améliorer notre capacité de rendement, et de technologie, pour améliorer la productivité de nos exploitations agricoles. Les robots sont une technologie plutôt récente au Canada. L'Europe les utilise depuis un bon moment. Ils fonctionnent bien. C'est une question de qualité de vie, car les producteurs travaillent 24 heures et se rendent malades. C'est beaucoup mieux si vous avez une qualité de vie. Je m'estime très chanceux d'avoir mes enfants à la maison. Grâce à leur aide, j'ai un peu de répit.

Je soupçonne que nous n'utiliserons jamais le fonds pour la valeur de quotas. Il faudrait que la gestion de l'offre s'effondre avant de pouvoir espérer en retirer le moindre sou. Plutôt que de mettre de l'argent dans ce fonds, il vaudrait mieux investir dans la recherche et la technologie afin d'améliorer la productivité des agriculteurs et des transformateurs.

La sénatrice Poirier : Si j'ai bien compris les représentants des deux provinces, une forte proportion du lait que vous produisez reste dans vos provinces. Il y en a un petit pourcentage qui en sort. Où va ce lait? Est-il possible d'en produire plus, pour en envoyer davantage ailleurs? Serait-il possible d'exporter davantage de produits à valeur ajoutée ou autre chose du genre?

M. Vissers : À ce sujet, je dirais simplement que nous avons une entente de mise en commun, l'Entente P5, avec l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. Nous partageons la croissance des marchés et les prix. Si, par exemple, les produits sont en demande en Ontario, la Nouvelle-Écosse envoie une partie de sa production au Nouveau-Brunswick, qui l'envoie au Québec, qui l'envoie en Ontario pour répondre aux besoins du marché. Une partie de notre production est pour l'Ontario ou toute autre province faisant partie de l'entente de mise en commun où il y a de la croissance.

Il y a des produits que nous consommons dans notre propre province. Par exemple, l'entreprise Scotsburn est un gros fabricant de crème glacée; elle en vend partout au pays. Nous ne pourrions jamais manger autant de crème glacée, ou nous serions tous très bien enveloppés. Le partage se fait à l'échelle du pays. Il est possible d'en faire encore plus. Pour ce faire, il faudrait notamment plus d'investissements afin que les transformateurs puissent en faire davantage. Notre vieille usine à Salmon River était une fromagerie. Aujourd'hui, elle ne produit que de la poudre. Le beurre est fabriqué au Nouveau-Brunswick. Il serait donc possible d'investir dans la transformation. C'est en partie de cela qu'il est question, trouver une nouvelle classe d'ingrédient pour permettre de le faire. Cela viendra et permettra une plus grosse production.

Il y a eu une croissance au fil des ans. Nous sommes moins d'agriculteurs, mais nous sommes plus productifs. Nous n'avons pas réduit la production, nous l'avons accrue. Je crois que c'est un domaine très prometteur.

M. vanOord : Pour revenir brièvement sur l'exportation, nous en avons beaucoup entendu parler. La Commission canadienne du lait continue de nous répéter qu'il y a des débouchés et que l'AECG nous offrira des occasions d'affaires. Nous ne savons pas encore de quoi il s'agit exactement. Il semble que ses représentants ont des idées; j'espère qu'ils nous diront exactement en quoi elles consistent. La Commission canadienne du lait travaille à ce dossier. Comme les accords n'ont pas encore été signés, nous ne pouvons pas beaucoup nous renseigner. Nous pouvons aller à la pêche, et voir ce que nous trouverons dans le filet. Il est difficile de vous donner une réponse ferme au sujet des exportations.

Je sais que l'idée de l'exportation plaît à tous les pays, car celle-ci apporte de l'argent étranger. Les producteurs laitiers savent que c'est important. C'est important pour l'économie canadienne. Nous n'avons pas joué ce rôle par le passé. Y aurait-il là des possibilités? Peut-être bien. La Commission canadienne du lait nous a répété à maintes reprises, lors de nos rencontres provinciales, qu'il y aura des débouchés. Quelles formes prendront-ils, je n'en ai aucune idée. Ce que nous savons, c'est que les agriculteurs du monde entier sont en difficulté.

Il a été question de la Nouvelle-Zélande. Eh bien, hier, sur Twitter, on m'a transmis un lien vers un article affirmant que les transformateurs de la Nouvelle-Zélande ne paient pas leurs producteurs. Non seulement les agriculteurs néo- zélandais traversent une période difficile en raison de la faiblesse des prix mondiaux, mais en plus, on retient le paiement pour leur lait. L'article a été écrit en Nouvelle-Zélande, et il parle des difficultés des agriculteurs là-bas. Je l'ai partagé sur Twitter. La situation est la même en Europe. Ma famille est originaire de Hollande. Je suis né ici, au Nouveau-Brunswick, mais j'y retourne souvent. Les membres de ma famille ne sont pas dans le domaine agricole, mais ils m'ont souvent répété : « Ne vous défaites pas de votre système. Les agriculteurs d'ici sont en mauvaise posture ». Et nous le voyons. Vous pouvez le constater dans les nouvelles ou ailleurs. Le problème affecte toute l'Europe. Tant l'Irlande, que l'Angleterre et la France sont en difficulté.

Nous savons ce que notre système a de bon actuellement. Il fonctionne, il fonctionne très bien. Gardons-le. S'il est possible de faire entrer de l'argent étranger, voyons comment faire. Voyons quels sont les débouchés.

La sénatrice Hubley : Bienvenue, et merci beaucoup de vos exposés de ce matin. Ma question est pour M. Vissers. Dans votre exposé, vous avez parlé de la nouvelle initiative proAction. Vous avez parlé de la qualité et de la salubrité des aliments, de la traçabilité du bétail, de la biosécurité et de la durabilité de l'environnement. J'aimerais revenir sur la traçabilité du bétail. J'imagine que pour nous tous, la Holstein est la reine de la production laitière. Y a-t-il une industrie autour de cette race? L'exportez-vous? Que prévoirait exactement la traçabilité du bétail?

M. Vissers : Sur notre ferme, nous utilisons maintenant les étiquettes INBL, ou bien les étiquettes optiques, que nous obtenons par l'intermédiaire de Holstein Canada. Avec l'initiative proAction, nous utiliserons les étiquettes à l'échelle du pays pour suivre les déplacements du bétail. Si un éleveur vient acheter des taurillons, il faudra l'inscrire dans le système informatisé pour informer l'association que ceux-ci ont quitté notre ferme. Il faut les inscrire à la naissance. Grâce au retraçage, il est possible de suivre la vache peu importe où elle ira. On sait d'où elle vient.

Je crois que l'initiative découle en partie du problème d'encéphalopathie spongiforme bovine. L'industrie du bœuf a un peu plus de pain sur la planche. Le secteur laitier est un plus à l'avant-garde à cet égard. L'initiative ProAction va dans ce sens. Nous mettons en œuvre différentes parties ou volets. Il y a le programme Lait canadien de qualité, auquel tout le monde participe maintenant. La prochaine étape est la traçabilité des bovins puis, la biosécurité et ensuite, le volet environnemental.

Brian, avez-vous autre chose à ajouter?

M. Cameron : Si j'ai bien compris, une partie de votre question concernait la race Holstein. John a parlé de Holstein Canada, qui est une association de race. Toutes les autres races laitières ont aussi leur association nationale. Dans le cas de la Holstein — la vache noir et blanc —, l'un des aspects intéressants — qui ne concerne pas directement notre travail avec les offices de mise en marché — est l'exportation de matériel génétique canadien. Je le répète, la grande qualité du matériel génétique chez les mâles ainsi que le matériel génétique des embryons, est reconnue à l'échelle mondiale. Je ne peux pas vous donner les chiffres, mais c'est un secteur fort important au Canada, très axé sur l'exportation. De plus, il est bon que le matériel génétique canadien se propage dans le monde et permette à des pays d'améliorer leur production. Voilà un aspect de notre industrie dont nous ne parlons pas souvent dans les offices de mise en marché du lait. Pourtant, il s'agit assurément d'un volet important de notre industrie, qui rapporte des millions de dollars par année en exportation.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Monsieur VanOord, vous avez expliqué que la traite a maintenant lieu deux ou trois fois par jour. Je pense donc que le nouveau système vous permettrait en quelque sorte de programmer vos vaches pour qu'elles soient traites à différentes heures. Cela me fait sourire parce que je m'imagine qu'elles doivent être très heureuses. Je ne sais pas quel genre de musique vous leur faites écouter, mais ce n'est pas grave. Nous n'aborderons pas ce sujet aujourd'hui.

Une autre chose qui me surprend est la présence ici aujourd'hui, d'exploitants de fermes familiales. Est-ce que c'est généralisé dans le secteur de la production laitière? J'imagine que tout dépend de la capacité d'acheter des quotas, mais y a-t-il beaucoup de fermes familiales dans le secteur?

M. Gaunce : Je vous dirais que toutes les exploitations dans le secteur laitier sont des fermes familiales. Le nombre de vaches qui sont traites importe peu : qu'on ait 50 ou 1 000 vaches, rien ne remplace la main-d'œuvre familiale, parce qu'elle s'investit totalement. Les membres de la famille travaillent parfois pour presque rien, mais il en va ainsi pour eux. C'est la famille. Je ne suis probablement pas impartial, mais je pense que c'est un excellent environnement dans lequel élever des enfants. Les enfants apprennent beaucoup : comment travailler dur, ce qu'est la vie et la mort, quelle est la valeur des choses. C'est tout simplement incroyable. Les gens me disent souvent à quel point ils trouvent que mes enfants sont formidables. Je fais souvent rire de moi pour cela, mais quand mes enfants allaient à l'école — ils sont tous les deux adultes maintenant — et ramenaient des amis à la maison, je les faisais aller dans la grange. Il n'en fallait pas beaucoup pour les convaincre, mais ils y allaient et ils pelletaient du fumier et ils voyaient tout ce que nous faisions. Ils apprenaient ce que c'était que la vie à la ferme.

J'ai parlé à un type en Saskatchewan, le vice-président de l'association. Lui et ses trois frères ont 700 vaches à traire, mais c'est une ferme familiale.

Le sénateur Mockler : Ont-ils un système robotisé?

M. Gaunce : Non, ils n'ont pas de système robotisé. Ils embauchent des employés. Les trois frères gèrent l'exploitation. Chacun est expert dans un domaine, et c'est de cette façon qu'ils se séparent la charge de travail.

M. Vissers : Oui. Dans notre cas aussi, ce sont toutes des fermes familiales. De ces 220 fermes, je n'en connais pas qui ne sont pas des exploitations familiales. Un des défis de la prochaine génération est de réussir à maintenir l'intérêt des jeunes dans l'agriculture. Beaucoup de choses ont changé au cours des 20, 30 ou 40 dernières années. Nous sommes déménagés en Nouvelle-Écosse en 1967. Je crois que c'était tout juste l'année d'avant l'arrivée des citernes; avant, il n'y avait que les bidons de lait. Nous sommes passés des stalles entravées aux salles de traite, et maintenant il y a les robots. Il faut être disposé à investir dans les nouvelles technologies, car sinon, on perd l'intérêt de la génération suivante.

Comme je l'ai expliqué, mon fils et mon neveu travaillent à la ferme. Mon beau-frère et moi sommes partenaires, et son fils travaille à la ferme. Nos deux fils sont intéressés, et c'est notamment grâce aux nouvelles technologies.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs.

Vous avez dit que notre système est très, très solide, plus que ceux de l'Angleterre et de l'Europe. Les Producteurs laitiers du Canada ont dit à notre comité qu'ils s'inquiétaient beaucoup des effets sur le prix du lait de l'arrivée de produits laitiers en provenance d'autres marchés. Les petits producteurs sont très préoccupés par les accords commerciaux. Qu'en pensez-vous?

M. Cameron : C'est une bonne question. On a fait mention quelques fois de 3,25 p. 100 ce matin. C'est l'impact estimé par Agriculture et Agroalimentaire Canada et l'ancien gouvernement conservateur de l'accord commercial sur la production de lait de 2016. C'est le pourcentage : 3,25 p. 100. Comme 2016 n'est entamée que depuis trois mois, il est très difficile de prévoir, même avec nos statistiques, quelle sera la production pour l'année, et encore plus de calculer ce que représente 3,25 p. 100 de cette production. Si je présente la situation ainsi, c'est parce que — et je suis sûr que les Producteurs laitiers du Canada en ont parlé pendant leur présentation — je me fonde sur les annexes préliminaires des importations de tous les produits laitiers qui seront importés au Canada aux termes du Partenariat transpacifique, s'il est ratifié tel qu'il est actuellement. On s'attend à ce que l'impact soit plutôt de l'ordre de 3,4 à 4 p. 100. Donc, pour nous, 3,25 p. 100 nous semble trop optimiste. Les producteurs estiment que le véritable impact sera de l'ordre de 3,4 à 4 p. 100.

Ces chiffres peuvent sembler relativement peu élevés, mais ils représentent tout de même un changement considérable pour l'industrie. On a déjà mentionné que l'accord sera mis en œuvre sur une période de transition de cinq ans. Si on ajoute l'Accord économique et commercial global, l'accord sur le fromage avec les Européens, cela représente 17 700 tonnes de fromage, ce qui fera passer de 5 à 9 p. 100 le pourcentage de la consommation canadienne consacrée aux importations. On double ainsi presque les importations de fromage. Si on prend les deux accords ensemble, on est bien au-delà de 4 p. 100, peut-être même près de 5 p. 100 pour ce qui est de l'impact sur les producteurs canadiens.

Le système de gestion de l'offre est un système national qui inclut tous les producteurs du Canada. Il y a actuellement un peu plus de 11 000 producteurs, y compris ceux de notre province, et tous les producteurs canadiens seront touchés également par ces accords. Pourquoi? Parce que nous mesurons le marché et que nous essayons de produire en fonction de la demande mais sans la dépasser. Quand le marché se contracte avec le temps, la quantité de lait produit et le nombre de vaches dans les fermes laitières du Canada diminuent. Oui, l'impact se fera sentir d'un bout à l'autre du pays. Oui, l'impact sera proportionnel pour tous les producteurs, car il affectera à la fois la quantité, c'est- à-dire les quotas ou la quantité de lait dont nous avons besoin dans notre système, et le prix qu'ils obtiendront pour leur lait.

La gamme de produits laitiers est vaste. Ils ne proviendront pas tous des États-Unis, selon ce que nous comprenons. Notre secteur laitier sera ouvert à tous les pays membres du Partenariat transpacifique. On l'a dit, aucun de ces accords n'a encore été ratifié. Le processus relatif au Partenariat transpacifique a été plus ouvert et nous a permis de mieux comprendre les chiffres et l'impact réel que celui de l'Accord économique et commercial global, dont le texte accepté en principe par les parties avait été mis à la disposition de l'industrie à la dernière minute. Bref, tout cela est en cours d'élaboration, mais cela aura une incidence énorme. Toutes les exploitations laitières, petites, moyennes et grandes, s'en ressentiront de manière proportionnelle.

On a aussi parlé plus tôt des mesures d'indemnisation annoncées par le gouvernement conservateur. Ces mesures sont importantes pour remplacer le revenu perdu en raison de la hausse des exportations.

Le sénateur Oh : Vous venez de mentionner la poudre de lait. Y a-t-il des producteurs de produits du lait destinés aux préparations pour nourrissons dans votre région du pays?

Le président : Excusez-moi, sénateur Oh. Avant votre deuxième question, M. vanOord voudrait faire un commentaire.

Le sénateur Oh : Je suis désolé.

M. vanOord : Je crois que je peux répondre à la question sur la préparation pour nourrissons, mais je vais laisser quelqu'un d'autre le faire.

Pour poursuivre sur ce que Brian disait, l'Accord économique et commercial global et le Partenariat transpacifique s'ajoutent aux accords commerciaux que nous avons déjà conclus par l'entremise de l'OMC ou autrement. Si on faisait le total de tous ces accords, quel serait le chiffre total, Brian? Est-ce que le pourcentage ne serait pas plus proche de 15 p. 100 du marché canadien si on tient compte de tous les accords commerciaux déjà en vigueur?

M. Cameron : Oui, le total dépasserait certainement 10 p. 100 de la consommation. En effet, en vertu de l'OMC, nous importons actuellement 3 200 tonnes de beurre par année — 3 200 tonnes de beurre chaque année. Cela représente 5 p. 100 de la consommation canadienne. Nous importons également 20 400 tonnes de fromage. Cela fait beaucoup de fromage, mais cela compte pour 5 p. 100 de la consommation canadienne. Ces chiffres de 5 p. 100 s'appliquent aux grands produits industriels. L'accès accru au marché ferait passer ces parts à 9 ou 10 p. 100; je crois que ce sont les chiffres que j'ai vus. Prenons le chiffre de 10 p. 100 : jamais les États-Unis n'accepteraient que la consommation dans leur pays soit faite de 10 p. 100 d'importations. L'Europe n'accepterait pas cela non plus. Nous permettons donc déjà ici bien plus que ce que tous nos partenaires commerciaux permettent chez eux. Nous pensons que nous faisons amplement notre part.

Pour ce qui est des préparations pour nourrissons, je ne sais pas.

M. Gaunce : Pour mettre ces chiffres en perspective, si on arrêtait toute la production de lait de toutes les fermes laitières du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, cela ne couvrirait même pas toutes les importations que ces accords vont entraîner. De notre point de vue, cela signifie qu'il n'y aurait plus de production laitière dans le Canada atlantique et que tout ce lait serait dorénavant importé.

M. Vissers : Pour revenir à la question sur les préparations pour nourrissons, je ne sais pas si on en fabrique ici qui soit prête à être exportée. On en entend beaucoup parler. Je sais que la Commission canadienne du lait a dit qu'il y avait une ouverture de ce côté, mais cette production exige de l'équipement spécialisé que les transformateurs devraient se procurer. En tant que producteurs laitiers, nous produisons le produit brut, et ce sont les transformateurs qui recherchent les débouchés possibles. Il y a des marchés que nous aimerions percer, mais les transformateurs doivent être disposés à investir. Il y a peut-être un créneau à explorer. On parle sans cesse de débouchés, mais jusqu'à maintenant les transformateurs n'ont pas vraiment fait les investissements nécessaires.

Le sénateur Oh : Nous essaierons de faire cet investissement.

Le président : Merci, sénateur Oh.

Monsieur Gaunce?

M. Gaunce : J'ai juste un commentaire à ajouter. Richard a mentionné que la Commission canadienne du lait cherche des débouchés. En fait, la commission a avancé l'idée d'une usine de fabrication de préparation pour nourrissons.

Le président : Le sénateur Day a la parole.

Le sénateur Day : Je suis heureux de vous revoir. J'aimerais tout d'abord dire à quel point il est important, selon moi, que vous veniez à Ottawa chaque année pour faire des pressions et pour nous informer. Bien des députés ne saisissent pas toute la complexité de votre industrie et toute la valeur de la gestion de l'offre. Il est important de continuer d'en parler, et c'est ce que vous faites.

J'aimerais aborder brièvement deux points que vous avez soulevés, juste pour préciser certaines choses. Si je voulais ouvrir une usine de fromage au Nouveau-Brunswick, est-ce que ce serait à la Commission canadienne du lait de déterminer d'où viendrait l'approvisionnement en produit brut et de le séparer entre toutes les provinces qui font partie de l'accord sur la mise en commun? Est-ce ainsi que cela fonctionnerait?

M. Cameron : Je crois que la réponse serait la même pour la Nouvelle-Écosse et pour le Nouveau-Brunswick. Je crois qu'on a expliqué plus tôt que nous fonctionnons comme des offices de commercialisation du lait. Un de nos rôles, et il s'agit d'un pouvoir délégué — délégué par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse à notre office et par le gouvernement du Nouveau-Brunswick aux Producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick —, est d'acheter et de vendre du lait cru. Nous achetons le lait des fermes de chaque province et le vendons aux transformateurs. Pour reprendre votre exemple, une nouvelle usine de fromage serait construite...

Le sénateur Day : Ce n'était qu'un exemple.

M. Cameron : D'accord. Prenons cet exemple. Pour qu'une nouvelle usine de fromage ouvre ses portes au Nouveau- Brunswick, plusieurs choses doivent se passer. Premièrement, l'usine doit être accréditée par une autorité provinciale. Toutes les usines de transformation sont accréditées. Deuxièmement, l'Agence canadienne d'inspection des aliments doit s'assurer que les installations sont conformes et que toutes les normes touchant la production de fromage exigées par la réglementation sont respectées.

Pour ce qui est de l'approvisionnement en lait, je crois que c'est l'office du Nouveau-Brunswick, ou notre office, qui serait responsable. Si ces producteurs de fromage avaient besoin, disons, de 20 millions de litres de lait par année, ils demanderaient à l'office du Nouveau-Brunswick de s'engager à leur vendre 20 millions de litres de lait par année. Cela ferait partie de leur plan d'affaires. Ils auraient besoin de cet approvisionnement en lait. L'office du Nouveau- Brunswick examinerait tous les autres acheteurs de lait. Chaque province a ce qu'on appelle un système d'attribution du lait. Comment le lait acheté aux fermes est-il attribué à chaque transformateur? Les règles varient d'une province à l'autre. En Nouvelle-Écosse, et c'est peut-être la même chose au Nouveau-Brunswick, ces 20 millions de litres de lait seraient attribués à cette usine de production de fromage. Étant donné que la production de lait ne change pas vraiment, cela signifie qu'un autre transformateur du Nouveau-Brunswick recevrait 20 millions de litres en moins. Cela fait partie des décisions que l'office doit prendre relativement à l'approvisionnement en lait d'un nouveau joueur. Nous avons quelques programmes qui permettent de rendre disponibles des quantités supplémentaires de lait à un nouveau transformateur, au-delà de l'attribution de la production provinciale, si ce nouveau transformateur offre un produit novateur ou s'il y a une possibilité qu'une partie de ce lait vienne de l'extérieur de la province.

Le sénateur Day : Mais l'approvisionnement total est-il établi par la province ou par une autorité nationale? C'est ce que je veux éclaircir.

M. Cameron : En Nouvelle-Écosse, nous avons 2,2 p. 100 de la production nationale. Je crois que le Nouveau- Brunswick a un peu moins de 2 p. 100; c'est 1,7 p. 100 et 2,2 p. 100 de la production nationale. Je vais aller un peu plus loin pour vous aider à comprendre. Si ce producteur fabrique un type de fromage qui permet de faire croître le marché du fromage, il ne vole pas les parts de marché des autres transformateurs, il fait croître le marché. La Commission canadienne du lait considérerait donc cela comme un accroissement du marché. Cela augmentera avec le temps, évidemment. Il y aura davantage de quotas dans le système. Les quotas sont attribués à l'échelle nationale, et donc toutes les provinces recevront une partie de la croissance découlant de la production de cette usine de fromage. Il y aurait ensuite des ajustements au sein des cinq provinces visées par l'accord de mise en commun, l'entente P5, dont M. Vissers a parlé et qui est en place depuis 20 ans afin de garantir que ce producteur obtienne le lait dont il a besoin pour sa production.

Le sénateur Day : Monsieur Gaunce, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Gaunce : Juste une observation. John a mentionné que, parce que nos provinces sont soumises à l'entente P5, le lait est distribué en fonction de la croissance et que nous partageons les revenus du marché. Au cours des 20 ans de l'existence de cette entente, la majeure partie de la croissance a été au Québec et en Ontario. Nous envoyons régulièrement du lait vers le Québec et l'Ontario. Si le scénario que vous avez décrit se concrétisait, si une nouvelle usine de fromage ouvrait au Nouveau-Brunswick et faisait croître le marché, le lait ferait le trajet inverse du Québec et de l'Ontario vers le Nouveau-Brunswick pour répondre à la croissance, en raison de l'accord sur la mise en commun.

Le sénateur Day : C'est une bonne chose.

L'autre sujet à propos duquel je veux avoir des précisions, c'est la robotisation. Quelques questions me viennent à l'esprit. Vous avez tous les deux parlé des exploitations agricoles familiales et il en a été fait mention. On assiste à une concentration des quotas à l'heure actuelle. J'entends régulièrement parler d'un agriculteur qui achète le quota de son voisin et qui prend de l'expansion. La robotisation mène-t-elle à une production laitière dominée par les grandes sociétés?

Deuxièmement, la robotisation concerne-t-elle un seul aspect ou touche-t-elle plusieurs étapes? J'ai entendu des histoires à propos d'une plateforme circulaire sur laquelle la vache monte et qui fonctionne comme un tourniquet. Le terme exact est « salle de traite rotative ». La salubrité est aussi un élément très important. Les systèmes robotisés comprennent-ils plusieurs aspects, plusieurs étapes?

M. vanOord : C'est une question amusante. Il existe différentes façons de traire une vache. En ce qui nous concerne, c'est le processus de traite qui est robotisé. Il existe diverses marques de systèmes qui répondent toutes aux normes de qualité. Chaque trayon a son gobelet et se fait nettoyer à l'aide d'un désinfectant avant la pose de la trayeuse. Après la traite, le robot dépose un film sous le pis pour sceller le tout. La technologie intervient de maintes façons. Certains agriculteurs du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada disposent de systèmes d'alimentation partiellement ou totalement robotisés; ils actionnent les silos et la nourriture tombe dans un chariot. Ces systèmes permettent de nourrir les vaches à 2 heures du matin ou à n'importe quel moment de la journée. Nul besoin d'être présent.

La robotisation prend de nombreuses formes. Les salles de traite carrousel ou salles de traite rotatives auxquelles vous avez fait allusion reposent sur la technologie. Il y en a qui sont robotisées désormais. Elles sont munies d'un bras robotique. Imaginez-vous une usine de montage de voitures; le bras descend et accomplit toutes sortes d'actions. Eh bien, les systèmes robotisés en font autant. Si une vache s'installe sur une plaque tournante ou une table rotative, le robot est à même de nettoyer les trayons et d'installer la machine à traire. La technologie est partout. Il existe des tracteurs à conduite automatique. Il est possible de régler la pulvérisation, l'épandage d'engrais dans les champs et ainsi de suite avec une précision chirurgicale. Il est possible d'ensemencer les champs en effectuant de belles lignes droites si impressionnantes que les gens qui passent tout près en voiture vont se demander : « Comment cet agriculteur peut-il être aussi précis avec son tracteur? » C'est parce qu'une petite roue tourne le volant pour lui. La technologie touche tous les aspects. Les percées technologiques sur lesquelles nous aimons nous concentrer, ce sont celles qui nous permettent de nous soustraire à nos tâches quotidiennes pour nous consacrer à d'autres activités. Dans quels domaines la technologie est-elle utile? La traite est un élément important, de même que l'alimentation du bétail.

Le sénateur Day : C'est intéressant. Je vous remercie.

M. Vissers : Je voudrais faire quelques observations. Vous parlez des grandes sociétés, mais même notre exploitation agricole est considérée comme une société à responsabilité limitée. On établit ce type de société aux fins de l'impôt. La plupart des robots offerts sur le marché peuvent traire de 50 à 60 vaches chacun. Pour traire 500 vaches, il faut pratiquement 10 robots. Il s'agit de déterminer le genre d'investissement qu'on veut faire. Pour une exploitation agricole qui prend de l'essor, une salle de traite rotative plus grande s'avère parfois plus économique. Tout dépend du mode de vie recherché.

Votre autre question avait trait aux quotas. Vous avez donné l'exemple d'un agriculteur qui achète le quota de son voisin pour prendre de l'expansion. Dans notre province, depuis des années, la politique en vigueur veut que les quotas se vendent dans une bourse d'échange. Chaque personne, chaque producteur, a accès aux quotas à moins qu'il s'agisse d'un cas où un acheteur se porte acquéreur d'une ferme en particulier pour continuer à l'exploiter. Autrement, tout le monde a accès aux quotas. Les choses évoluent à mesure qu'on fait des gains d'efficience. Cela fait partie du processus de croissance. Si on agrandit ou on modifie sa ferme pour augmenter son rendement, il faut aller se chercher d'autres quotas pour générer des revenus. C'est une question de subsistance, en fin de compte. Sur le plan économique, ce serait bien si tous les acteurs connaissaient une croissance, mais, si un agriculteur vend son quota, tout le monde a l'occasion d'en acheter une partie.

M. Gaunce : Je veux donner suite aux commentaires de John. Je trais des vaches depuis 36 ans. À mes débuts, le Nouveau-Brunswick comptait 650 producteurs laitiers, et certains d'entre eux expédiaient de la crème à l'époque. Il reste désormais 201 producteurs. Leur nombre a diminué au cours des 40 dernières années. Les agriculteurs prennent de l'âge, personne ne veut se porter acquéreur de leur ferme, alors ils cessent leurs activités et d'autres personnes achètent leur quota. Comme John l'a fait remarquer, nous gagnons en efficience. Il nous faut plus de quotas pour prendre de l'expansion. À l'heure actuelle, la taille des exploitations agricoles au Nouveau-Brunswick est probablement de 80 vaches en moyenne. À l'époque, c'était probablement 40. Les exploitations agricoles sont moins nombreuses, mais leur taille est plus grande et elles sont plus efficientes.

Le sénateur Day : D'aucuns disent que la taille optimale est de 50. La moyenne actuelle est donc de 80 vaches?

M. Gaunce : Selon moi, la taille optimale est de 40 vaches. J'en trais 40.

Le président : Messieurs Vissers, Cameron, Gaunce et vanOord, je vous remercie beaucoup de votre participation. Votre témoignage est précieux pour le comité. C'est une nécessité pour les parlementaires de venir vous voir ici. C'est la première fois, si je ne m'abuse. Nous espérons que d'autres comités sénatoriaux viendront dans votre région.

M. Gaunce : Merci infiniment de nous avoir reçus. Nous sommes heureux de vous tracer les grandes lignes de la gestion de l'offre. J'espère vous voir à la conférence des Producteurs laitiers du Canada en février prochain. Nous invitons tout le monde à prendre part au vin et fromage organisé le mardi soir. Joe vous dira que cette réception est très courue et très prisée.

M. Vissers : Je tiens à remercier tout le monde de nous avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui. Chaque fois que nous avons la possibilité de faire une présentation, nous en profitons. Il en va de même des fermes que nous avons bâties. Nous souhaitons que les gens viennent les visiter. Si vous passez dans notre coin de pays, n'hésitez pas à vous arrêter, car nos fermes sont vraiment épatantes. Nous parlons aux gens des robots et ils essaient de s'imaginer comment cela fonctionne. Voir les robots à l'œuvre, c'est être impressionné par tout ce que la technologie peut accomplir. La porte est toujours ouverte.

Le président : Merci beaucoup.

Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir l'ancien président du Comité de l'agriculture et des forêts, éminent sénateur du Nouveau-Brunswick, Percy Mockler. Je vous souhaite la bienvenue, sénateur Mockler.

Nous poursuivons nos travaux cet après-midi en recevant M. Greg Fash, directeur exécutif de l'Association de l'industrie alimentaire de l'Atlantique inc.

M. Greg Fash, directeur exécutif, Association de l'industrie alimentaire de l'Atlantique inc. : Je vous remercie de nous accueillir pour discuter de l'accroissement des exportations de produits alimentaires. Notre association représente l'industrie des aliments et des boissons du Canada atlantique. Nos membres sont des entreprises de transformation des aliments et des boissons et des acteurs des secteurs de l'aquaculture et des produits de la mer de quatre provinces. Nos membres sont diversifiés. Nous défendons aussi les intérêts des gens qui décident de ne pas adhérer à l'association, mais qui prennent part aux programmes de formation et à d'autres activités au sein de l'industrie.

Dans un premier temps, je veux décrire brièvement la structure du secteur de la transformation des aliments et des boissons du Canada atlantique. L'information que je fournis s'appuie sur un inventaire des actifs réalisé il y a environ 18 mois. C'est la firme Gardner Pinfold Consulting qui a effectué cette étude, pour laquelle nous avons pu compter sur la collaboration de l'APECA.

Les données les plus récentes de l'étude remontent à 2012. Cette année-là, on comptait 892 établissements de transformation alimentaire. Par « alimentaire », j'entends les aliments, les boissons, les produits aquacoles et les produits de la mer. Le secteur employait 37 591 personnes, a enregistré un revenu brut annuel de 6,6 milliards de dollars et a contribué pour 2,2 milliards de dollars au PIB. De plus, les agriculteurs et les pêcheurs de l'Atlantique ont fourni 50 p. 100 des matières premières à l'industrie.

Au chapitre de l'investissement et de la R-D, de 2009 à 2012, quelque 23 p. 100 des entreprises du Canada atlantique ont accru leurs dépenses en commercialisation, tandis que 46 p. 100 ont réduit leurs dépenses associées à la création de nouveaux produits et que 28 p. 100 ont diminué leurs dépenses en matière d'innovation liée aux procédés. Or, ce n'est pas nécessairement mauvais. Les mesures de commercialisation favorisent le développement de l'entreprise. Toutefois, le fait de réduire les investissements dans l'innovation peut nuire à la viabilité à long terme de l'industrie.

Par ailleurs, lorsque nous traçons un portrait d'ensemble des activités de commercialisation, nous ne sommes pas toujours en mesure de distinguer les promotions à prix réduit des mesures incitatives liées aux prix ou aux rabais destinées à répondre aux besoins des détaillants et des distributeurs. Cela ne fait que contribuer à satisfaire aux besoins à court terme des entreprises.

Au cours des derniers mois, nous avons organisé quelques tables rondes et assemblées publiques avec un certain nombre de nos transformateurs et d'autres membres de l'industrie et nous avons demandé aux participants de nous dire ce qui les empêchait de dormir la nuit. Ils ont dressé une petite liste. En tête de liste figurait la hausse du coût des produits attribuable à des changements ou des problèmes de main-d'œuvre, au coût des matières premières, et cetera. Venaient ensuite la disponibilité des matières premières, la disponibilité de main-d'œuvre qualifiée ou non, le fort taux de roulement du personnel qualifié chargé du contrôle de la salubrité des aliments en raison de la charge de travail, et la conjoncture économique difficile. Il est de plus en plus ardu de bâtir une entreprise canadienne rentable, ce qui nuit à sa taille et à sa compétitivité à l'échelle mondiale. On voit apparaître sur les tablettes des magasins canadiens des produits importés non conformes aux normes en vigueur au pays. Comme tout le monde le sait, la monnaie a connu des fluctuations radicales que les exportateurs doivent essayer de gérer. C'est sans compter l'absence d'innovation et de productivité, éléments qui permettraient à terme de créer de la richesse dans l'industrie.

J'ai tenté de regrouper ces enjeux en différentes catégories et d'en parler en détail. Je le répète, il s'agit de commentaires formulés par les membres du secteur de la transformation des aliments et des boissons.

Pour ce qui est des coûts, il faut préciser que 50 p. 100 des matières premières proviennent de l'extérieur de la région de l'Atlantique. Les transformateurs disposent d'une couverture naturelle du risque de change; les risques et les possibilités dépendent de la matière première en dollars américains. Selon son degré d'exposition au coût des intrants en dollars américains, une entreprise se trouve devant des possibilités ou des difficultés.

Lorsque le dollar canadien est faible, le coût des intrants importés augmente. Certaines des entreprises que nous représentons doivent importer leurs matières premières, le chocolat par exemple. Lorsque le dollar est vigoureux, les intrants canadiens coûtent plus cher. C'est problématique, car l'avantage de la main-d'œuvre que possède une entreprise qui produit des pommes de terre, par exemple, devient plus coûteux à l'échelle mondiale.

Assurer une bonne gestion durant ces deux cycles est essentiel pour une entreprise de transformation si elle veut demeurer viable. De surcroît, la hausse du salaire minimum, la concurrence que se livrent les entreprises pour se prévaloir d'une population active en décroissance ainsi que le fort taux de roulement du personnel ne contribuent qu'à faire grimper les coûts.

La main-d'œuvre, notamment les travailleurs saisonniers, pose problème depuis longtemps dans le secteur de la transformation alimentaire du Canada atlantique. Le problème est particulièrement aigu à l'heure actuelle, étant donné la croissance rapide causée par la faiblesse du dollar. Les travailleurs étrangers temporaires et d'autres mécanismes ont assuré la survie de l'industrie de l'alimentation par le passé et jouent un rôle crucial dans le renforcement de sa capacité concurrentielle.

Le vieillissement de la population active, le départ des jeunes, la difficulté de trouver des employés motivés et bien formés et la disparition de sièges sociaux dans la région, tout cela crée des problèmes persistants. Les jeunes ne sont pas attirés par une carrière en lien avec notre ressource naturelle la plus précieuse et durable. De plus, il convient d'examiner les modifications préjudiciables qui ont été apportées ces dernières années au Programme des travailleurs étrangers temporaires et d'y remédier rapidement. Les critères actuels du programme nuisent considérablement à la capacité concurrentielle des transformateurs sur la scène internationale.

Les critères ont été modifiés en ce qui concerne le secteur agricole primaire; il devrait en être de même pour les transformateurs. Quel est l'intérêt de cultiver des produits et de pêcher si les produits ne peuvent pas être transformés par la suite et si on ne peut leur ajouter de la valeur? Récemment, en Nouvelle-Écosse, on a dû jeter des homards faute d'accès à un nombre suffisant de travailleurs de qualité.

Il y a aussi ce que j'appelle le « paradoxe de l'investissement en capital ». Les transformateurs peinent souvent à obtenir les capitaux requis pour améliorer leur entreprise. Quand le dollar canadien est fort, l'entreprise d'alimentation a du mal à faire de l'argent. Sur le plan financier, un investissement dans des biens d'équipement s'avère donc difficilement justifiable. L'argent n'est pas disponible. En revanche, comme l'équipement de transformation se vend la plupart du temps en dollars américains, les investissements en capital coûtent plus cher et sont plus difficiles à justifier quand le dollar canadien est faible, comme c'est le cas en ce moment. De plus, quand le dollar canadien est faible, les usines de produits alimentaires accroissent l'utilisation de leur capacité de production. Les affaires vont bien. Ainsi donc, l'installation d'une nouvelle pièce d'équipement exige qu'on baisse l'utilisation de la capacité de production alors que la demande est forte. Dans la région, les entreprises embauchent plus de personnel au lieu de faire des dépenses en capital.

Parlons d'innovation. Le plus grand obstacle à l'innovation, c'est l'écart entre l'idée et le marché. Les idées restent souvent trop longtemps à l'état d'idées. L'innovation est essentielle pour dégager des bénéfices tangibles et créer une valeur de commercialisation à long terme. Il doit continuer d'y avoir un partenariat et un mécanisme public-privé favorisant les investissements dans l'innovation dans notre secteur. Toutefois, vu les taux actuels de mise en œuvre réussie, il y a lieu de repenser à la manière d'agir. Par exemple, il existe d'excellents programmes qui favorisent l'innovation et la création de produits. Il ne semble pas y en avoir autant qui portent sur le coût de commercialisation, aspect important du succès commercial. Étant donné que le taux de réussite commerciale des nouveaux produits d'épicerie et des nouveaux services d'alimentation est inférieur à 10 p. 100, essayer de créer un nouveau produit gagnant se révèle un défi ambitieux.

La croissance rentable : il ne s'agit pas d'exportation, mais d'entreprises qui font des affaires au Canada et qui prennent de l'expansion ici afin de tenter d'exporter et de croître davantage pour l'avenir. L'accès aux réseaux de distribution alimentaire canadiens pose un problème pour les PME du secteur des aliments et des boissons de l'Atlantique, et notre association représente principalement les PME qui œuvrent dans le domaine de la transformation.

Le Canada possède l'un des systèmes de distribution alimentaire les plus unifiés des pays du G20, ce qui est nécessaire compte tenu de la faible densité de notre population et de l'étendue du pays.

Les décisions d'achat d'aliments transformés faites par les détaillants et les distributeurs alimentaires canadiens sont surtout prises à Toronto, et les transformateurs doivent pouvoir être concurrentiels à grande échelle afin de gagner la lutte pour de l'espace sur les tablettes dans les marchés canadiens. Une fois que l'on a obtenu cet espace d'étalage, cela devient une relation à sens unique, car tout le pouvoir de négociation repose entre les mains de cinq ou six chaînes d'épicerie et encore moins de chaînes de restauration, qui contrôlent 90 p. 100 de la distribution. En général, il faut procéder au lancement simultané d'au moins deux nouveaux produits si l'on veut avoir une chance raisonnable d'avoir de la visibilité sur les tablettes, et il n'est pas rare que les transformateurs soient obligés de dépenser 200 000 $ et plus afin qu'un produit, un seul de leurs produits, soit inscrit sur les listes des épiceries d'un bout à l'autre du pays, et il arrive que cette liste ne soit valable qu'un an. Il est très difficile d'atteindre une masse critique et une marge bénéficiaire suffisantes pour être rentable sur le marché canadien. Le Canada est un petit marché aux coûts d'accès élevés dans les secteurs du commerce de détail et de la restauration, et il arrive que les programmes d'achats locaux d'autres provinces créent des obstacles supplémentaires pour les produits en provenance de l'Atlantique.

Par ailleurs, la concurrence régionale est beaucoup plus féroce dans les secteurs du commerce de détail et de la restauration aux États-Unis, et la plupart des PME du secteur des aliments et des boissons des provinces atlantiques ont beaucoup de difficulté à percer dans ce pays. À titre d'exemple, si une entreprise parvenait à faire partie de la liste des fournisseurs de Wal-Mart aux États-Unis, le volume de production requis pourrait dépasser celui de l'ensemble de la production pour le marché canadien. Cela représente à la fois une occasion en or et un risque énorme. Les échelles de production posent rapidement problème, et la démarque des invendus pourrait nuire financièrement à bien des entreprises, ce à quoi beaucoup de gens ne songent pas à première vue. Comment atténuer ces risques?

Nos transformateurs nous demandent si les mesures de contrôle des produits importés à la frontière sont équitables pour tous. Les transformateurs du Canada atlantique investissent des sommes considérables dans la formation et la certification en matière de salubrité alimentaire. Certains détaillants exigent que leurs fournisseurs détiennent une certification, mais certains produits importés ne font pas l'objet d'une vérification adéquate en matière de salubrité et de conformité de l'étiquetage. Par ailleurs, les douaniers américains, eux, examinent les importations avec minutie.

Nous faisons partie du Conseil canadien des fabricants de produits alimentaires. J'ai demandé aux membres de me fournir quelques exemples de situations qui se produisent au pays. Certains canards importés d'Europe ne sont pas conformes aux exigences canadiennes, car ils ont encore quelques plumes. Les étiquettes d'un pourcentage significatif de bouteilles d'eau importées ne sont pas conformes à nos exigences en la matière. Certains muffins importés de la Californie contiennent le double de la quantité maximale autorisée par l'ACIA d'un certain agent de conservation. Il y a aussi du quinoa biologique d'Amérique du Sud, dont l'accès a été refusé aux États-Unis en raison d'une teneur élevée en pesticides. Ce produit a par la suite été bradé sur le marché canadien.

Côté réglementation, une mesure législative sur l'étiquetage des produits fabriqués au Canada a chamboulé le processus d'étiquetage il y a une dizaine d'années. Cette mesure a obligé les exportateurs d'aliments et de boissons à assumer des coûts plus élevés afin de maintenir des stocks distincts pour les marchés canadiens et étrangers. De plus, tous les transformateurs ont été obligés de dépenser des milliers de dollars en frais d'impression et d'emballage afin de se conformer aux nouvelles exigences en matière d'étiquetage, sous peine de voir leur produits faire l'objet d'un rappel de la part de l'ACIA. Même si cela a constitué un fardeau pour les transformateurs canadiens, les consommateurs canadiens qui veulent connaître l'origine des produits pour prendre une décision en matière de sécurité et salubrité alimentaire n'en ont retiré aucun avantage.

Je peux moi-même vous donner l'exemple des frites congelées. Les frites faites à partir de pommes de terre provenant de fermes canadiennes, transformées dans des usines canadiennes par des travailleurs canadiens et conditionnées dans des emballages faits au Canada ne peuvent porter la mention « Produit du Canada », car pour cela le produit doit être à 98 p. 100 d'origine canadienne. Le problème, c'est que ce produit contient 5 p. 100 d'huile de canola. Vous me direz qu'on produit du canola au Canada, mais les grains sont transformés aux États-Unis à cause de la capacité limitée des usines canadiennes. Les produits canadiens doivent donc porter la mention « Fabriqué au Canada avec des ingrédients canadiens et des ingrédients importés », tandis que les produits destinés aux États-Unis portent la mention « Produit du Canada ».

Voilà donc certains des obstacles auxquels se heurtent les transformateurs d'aliments et de boissons. On peut discuter et argumenter au sujet des problèmes et des irritants de chacun d'entre eux, mais je crois qu'il est temps d'aborder de façon plus large l'orientation stratégique afin de développer notre industrie en vue de l'exportation, d'où le titre « Se préparer à l'exportation ».

Voici une liste en huit points des défis à relever.

Premièrement, le gouvernement dépense des sommes importantes à l'appui d'initiatives de développement des marchés étrangers, et il est essentiel d'appuyer l'accès à ces marchés. Malheureusement, rien n'oblige les entreprises qui tirent parti de ce genre de financement à évaluer si elles pourront demeurer concurrentielles à long terme dans le marché visé.

Deuxièmement, le coût des matières brutes varie. La durabilité est fondée sur le maintien d'une croissance rentable peu importe les coûts. Pour accroître la valeur ajoutée dans le secteur des biens et améliorer le PIB, il faut se concentrer sur le soutien aux produits transformés tout autant que sur l'accès aux marchés. Des transformateurs rentables et concurrentiels trouveront toujours des débouchés.

Troisièmement, la limitation des coûts grâce à des méthodes de fabrication efficaces constitue une composante essentielle de la production de valeur. Les nouvelles technologies de transformation peuvent changer la donne, mais seulement si les processus ont d'abord été améliorés.

Quatrièmement, nos nombreux fruits de mer nordiques sont reconnus comme étant de première qualité partout dans le monde. Cette source de protéines si savoureuse, bonne pour la santé et renouvelable est une superstar du monde culinaire. Est-ce que notre combinaison d'investissements permet réellement de maximiser la rentabilité afin de constituer une marque véritablement mondiale?

Cinquièmement, le climat et la géographie finiront toujours dans une certaine mesure par limiter de façon naturelle la possibilité de croissance. Le maintien d'emplois et de carrières rémunérateurs ne sera possible qu'en générant davantage de valeur pour ce que nous créons, récoltons et transformons dans la région.

Sixièmement, les bonnes idées mourront dans l'œuf sans un processus efficace de développement et de mise en œuvre des nouveaux produits. Il faut investir en priorité dans le cycle de l'innovation jusqu'aux marchés afin d'assurer la commercialisation efficace des nouveaux produits.

Septièmement, sommes-nous éduqués mais insuffisamment qualifiés? Les transformateurs ont indiqué qu'il ne leur suffisait pas d'embaucher le premier venu. Il faut investir dans un enseignement ciblé qui pourrait permettre de former des travailleurs possédant les bonnes compétences et attitudes, contribuant ainsi à leurs possibilités de carrière. Les provinces maritimes ont la chance de posséder un réseau exceptionnel d'universités et de collèges communautaires. Que pourrait-on réaliser en mettant en place un plan stratégique d'éducation visant à appuyer notre secteur de la transformation des aliments et des boissons?

Enfin, les responsables de la réglementation de l'industrie devraient collaborer à la réalisation de processus transparents et constructifs.

En résumé, mon initiative est fondée sur nos conversations avec les transformateurs et d'autres intervenants de l'industrie. Le développement réussi d'un secteur d'exportation durable nécessite le contrôle des éléments contrôlables et un investissement dans des processus permettant d'améliorer constamment la productivité.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Fash.

Le vice-président du comité, le sénateur Mercer, commencera la première ronde de questions.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président.

Monsieur Fash, merci d'être ici aujourd'hui. Je suis d'accord avec certaines de vos affirmations, tandis que d'autres me laissent songeur. Je voudrais approfondir un de vos derniers points, le septième plus exactement. Vous avez parlé d'éducation et de compétences, qu'il faut investir dans un enseignement ciblé afin que les travailleurs puissent développer les bonnes compétences et attitudes afin d'augmenter leurs possibilités de carrière. Vous avez aussi parlé du réseau d'universités et de collèges communautaires des Maritimes. Je crois qu'il s'agit là d'un des atouts sous-utilisés que nous possédons. L'infrastructure intellectuelle qui se trouve dans les provinces de l'Atlantique n'a pas son pareil ailleurs au Canada. Nous ne sommes pas régis par une seule université globale, ce qui selon moi est une bonne chose. Je suis diplômé d'un petit établissement, ce qui fausse peut-être ma perception, mais j'ai déjà vu un petit établissement réagir différemment.

Lorsque la société Irving a obtenu le contrat de construction de navires à Halifax, le Nova Scotia Community College s'est presque immédiatement demandé comment donner suite à cette nouvelle. Le collège a immédiatement modifié quelques programmes, en particulier celui sur la soudure, qui avait quelque peu été relégué aux oubliettes en raison de sa faible popularité. Des cours de soudure sont donc maintenant offerts à ce collège. Je crois qu'il s'agit là d'un bon exemple. Mais pourriez-vous me donner de mauvais exemples? Il doit y en avoir plusieurs, et pas seulement parmi les collèges communautaires. J'ai parlé de ces collèges, mais je crois que les universités ne réagissent pas assez vite aux changements. D'autres procèdent à des changements, peut-être pas autour de nous, mais au-dessus de nos têtes, et nous coupent pour ainsi dire l'herbe sous le pied.

M. Fash : Je ne suis pas certain de pouvoir citer de mauvais exemples. Je crois que vous avez dit que les changements s'opèrent lentement. Ce qui a toujours été efficace devrait continuer de l'être. Je suis en train de me familiariser avec certains aspects. Je n'occupe ce poste que depuis peu, et je viens d'apprendre l'existence du Springboard Network, qui œuvre au sein du réseau universitaire du Canada atlantique. Nous allons rencontrer ses représentants afin de déterminer comment nous pourrions collaborer. Mais il n'existe toutefois pas de programme de formation de base spécifique au secteur de la transformation des aliments. Tout est plutôt de nature générale. Nous avons des programmes de formation. Nous encourageons certains programmes de formation en salubrité alimentaire, nous nous attaquons au roulement de personnel et il demeure difficile de trouver des employés qualifiés en raison de la certification. Donc, pour qu'il y ait des programmes — je ne vais pas m'attarder à expliquer en quoi ils devraient consister —, il faut commencer par en discuter. Il faut des diplômés d'un collège ou peut-être d'une université, particulièrement des gestionnaires intermédiaires, qui comprennent vraiment en quoi consisteront les futures occasions dans le domaine des fruits de mer et de la transformation des aliments, un programme adapté à l'industrie car, de nos jours, il faut de l'adaptation. Ces employés arriveraient sur le terrain munis des connaissances suffisantes, et les entreprises passeraient moins de temps à les former qu'elles ne le font en ce moment, ce qui est difficile pour les petites entreprises. Ce n'est pas une réponse idéale, mais il faut commencer à en parler et à trouver des solutions.

Le sénateur Mercer : Je suis d'accord. On ne peut prendre de décisions importantes sans prendre aussi d'autres décisions qui s'y rattachent. On prend une décision importante qui pourrait être censée et fonctionner. Il ne faut pas commencer à faire venir des travailleurs de l'extérieur, surtout lorsqu'il y a des gens ici qui ne sont pas formés ou qui sont insuffisamment formés pour faire le travail.

J'ai noté un de vos propos, qui m'a surpris. On a récemment parlé de homards qui avaient été jetés à cause d'un manque d'employés qualifiés. Je ne doute pas de la véracité de vos dires, mais je me demande pourquoi quiconque jetterait des homards alors qu'il suffit de les conserver pour les traiter plus tard.

M. Fash : Il s'agit d'un article du Chronicle Herald que j'ai lu alors que j'étais à Halifax il y a quelques semaines. Ils étaient tout simplement incapables de les traiter. Ils n'ont alors aucune valeur commerciale.

Le sénateur Mercer : Il devait s'agir d'un petit transformateur, car les plus gros, Clearwater par exemple, peuvent entreposer une quantité très importante de homards.

M. Fash : C'est exact.

Le sénateur Mercer : Je voudrais aussi vous parler des contrôles à la frontière. J'essaie de me souvenir d'un exemple — le sénateur Mockler pourra peut-être m'aider — de produit laitier qui avait été autorisé par des inspecteurs des douanes n'ayant absolument aucune formation dans le domaine. Ils avaient déclaré « Eh bien, ce n'est pas un produit laitier », et voilà maintenant que ce produit se retrouve au Canada. Percy, vous pourriez peut-être m'aider.

Le sénateur Mockler : Un pourcentage semblable à...

Le sénateur Mercer : Je ne vous ai pas entendu dire qu'il fallait continuer de former les inspecteurs de l'ACIA et des services frontaliers aux réalités du secteur agricole canadien. Il s'agit d'un produit qu'on retrouve dans la crème glacée. Je ne me souviens pas de son nom exact, mais il a grandement bouleversé une industrie qui était exclusivement desservie par les producteurs laitiers canadiens. Il me semble que vous pourriez ajouter cela à vos commentaires.

M. Fash : En effet, et je ne vois pas quelle pourrait être la solution. Les États-Unis avaient une motivation différente. Tout au long de ma carrière, il n'avait jamais été très onéreux d'exporter des produits vers les États-Unis, mais bien des choses ont changé après les attentats du 11 septembre 2001. Les Américains ont considérablement accru l'inspection des importations ces 15 à 20 dernières années, et ils ratent rarement quelque chose. Vous savez que le département de l'Agriculture et les services frontaliers américains sont bien dotés et bien financés. Là-bas, les gens font bien leur travail et sont bien formés. Je ne sais pas si nous mettons autant l'accent qu'eux sur les aliments et les mesures de contrôle à la frontière.

Le sénateur Mercer : C'est vraiment déplorable. Je crois toutefois que le gouvernement américain tire parti de cette sensibilisation de ses citoyens à l'égard de la protection, qui n'existait pas avant les attentats du 11 septembre. Cela lui permet d'atteindre certains objectifs qu'il lui était impossible d'atteindre avant ces événements.

De toute façon, merci beaucoup, monsieur Fash.

Le sénateur Mockler : Monsieur Fash, lorsque vous avez parlé de la disponibilité des produits bruts, je suppose que vous faisiez référence aux Maritimes?

M. Fash : En effet.

Le sénateur Mockler : Pourriez-vous élaborer et nous donner quelques exemples?

M. Fash : Je ne pense pas pouvoir vous donner d'exemples précis. Je pourrais m'adresser aux producteurs de fruits de mer, mais il s'agit de produits saisonniers. Ils en vendent plus qu'ils ne peuvent en obtenir, ce qui est probablement dû à la réglementation. Autrement dit, il s'agit de ce qu'ils peuvent récolter en une saison.

Le sénateur Mockler : Ce comité s'est déjà penché sur l'étiquetage du pays d'origine. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet en lien avec ce que vous avez indiqué au sujet des produits importés qui ne respectent pas les normes canadiennes? Que recommanderiez-vous en lien avec le PTP ou l'accord avec l'Union européenne?

M. Fash : Je ne connais pas le PTP, par exemple, en détail, mais je crois que l'étiquetage indiquant le pays d'origine est l'un des éléments qu'on retrouve dans ces accords. D'après ce que j'en comprends, même si je ne suis pas très au fait des plus récentes règles en matière d'étiquetage, les règles concernant la mention du pays d'origine sur l'étiquette ne précisent pas que l'indication « Produit de » est obligatoire. Le produit peut être importé, mais cela peut quand même être permis pour les produits alimentaires canadiens, ce qui en dit bien peu aux consommateurs, outre le fait que l'importateur assume une certaine responsabilité; si le produit fait l'objet d'un rappel, par exemple, il doit payer la note. Il doit prendre les mesures qui s'imposent. L'indication « Produit de » n'est pas obligatoire pour les produits provenant de la Chine, du Vietnam ou des États-Unis, par exemple. Elle peut être précisée, mais je ne crois pas que ce soit obligatoire à l'heure actuelle.

Le sénateur Mockler : Et c'est ce qui vous préoccupe. Le fait que ce n'est pas obligatoire.

M. Fash : Je crois que cela doit faire partie des accords internationaux. Je ne veux pas que le Canada fasse quelque chose que nos partenaires commerciaux ou les autres pays ne font pas. Je crois que les partenaires commerciaux doivent s'entendre à ce sujet. Nous devons déterminer ce qui est bon pour notre pays. Nous ne devrions pas avoir de lois arbitraires en matière d'étiquetage qui obligent les entreprises à constituer un stock distinct pour le Canada, qui est un petit marché. J'ai déjà travaillé dans l'industrie de la pomme de terre, et entre 10 et 20 p. 100 de la production est destinée au marché canadien. Il faut donc maintenant tenir tout un stock distinct uniquement pour le marché canadien. Pour moi, ce qui est problématique, c'est le seuil arbitraire de 98 p. 100. D'où vient-il et à quoi correspond-il? Et ce n'est qu'un cas. Je suis sûr qu'il y en a d'autres. Nous avions un très bon processus — et je crois que le processus fondamental est encore en place — dans le cadre duquel l'industrie et le gouvernement collaborent en vue de créer des lois en matière d'étiquetage qui répondent à la fois aux besoins du Canada et à ceux qui découlent de nos obligations à l'étranger. Je crois que les lois régissant l'étiquetage indiquant le pays d'origine sont importantes, parce que les consommateurs veulent connaître cette information. Nous devons faire le ménage et apporter les précisions nécessaires, tout en veillant à ne pas désavantager les fabricants canadiens.

Le sénateur Mercer : Si l'on reste dans le même sujet, dans le domaine de l'agriculture, la question devient particulièrement complexe lorsqu'il s'agit de l'industrie du bœuf. Pour donner un exemple très concret, bon nombre des bovins, qu'ils soient nés au Canada ou aux États-Unis, traversent la frontière trois ou quatre fois avant d'être abattus et de se retrouver sur les marchés. Ils peuvent très bien être abattus d'un côté de la frontière et transformés de l'autre, selon l'endroit où ils se trouvent et dépendant du marché. L'étiquetage indiquant le pays d'origine a donc eu une très grande incidence sur l'industrie du bœuf. Les animaux abattus au Canada sont étiquetés comme provenant du Canada, alors qu'il se peut qu'ils aient passé la majorité de leur vie en sol américain. Lorsque cette viande se retrouve sur les étalages des épiceries à Charlotte, en Caroline du Nord, les clients se disent « Oh, ce steak provient du Canada ». Or, le steak provient peut-être du Canada, mais l'animal dont il a été tiré, lui, a peut-être vécu 75, voire 80 p. 100 de sa vie au Montana. Il faut donc faire attention parce que l'étiquetage indiquant le pays d'origine peut avoir des conséquences imprévues. Je crois que c'est ce à quoi le sénateur Mockler voulait en venir.

M. Fash : J'ai abordé la question du point de vue plus restreint de l'industrie de la transformation, où certains ingrédients sont importés et où d'autres sont cultivés en sol canadien. Ce qu'il faut retenir, c'est que nous n'avons pas aimé le processus qui nous a été imposé par le cabinet du premier ministre. Au lieu de suivre la voie habituelle, où l'ACIA collabore avec l'industrie, on nous a imposé un processus de façon arbitraire, sans que nous ayons réellement la possibilité de nous prononcer sur les importantes répercussions que cela entraînait pour certaines entreprises.

Le sénateur Mockler : Vous avez parlé de compétitivité et de rentabilité, deux éléments qui font partie de notre ordre de renvoi : la compétitivité et la rentabilité du secteur agricole et agroalimentaire canadien, incluant les producteurs et les transformateurs. Vous avez dit — et j'aimerais que vous étoffiez votre propos à ce sujet — que le processus devrait être transparent et constructif. Dans la même optique que ce que le sénateur Mercer a dit, il y a l'ACIA d'un côté et l'Agence des services frontaliers de l'autre, et il arrive que la main gauche ne sache pas ce que fait la main droite. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet, sans nécessairement préciser quel secteur de votre industrie est le plus durement touché?

M. Fash : En toute justice, cette observation porte plus particulièrement sur la décision relative à l'indication « Produit du Canada ». Je ne peux pas me prononcer plus précisément sur la question de l'ACIA. Tout ce que je voulais dire, c'est que nous avions un processus fondé sur la collaboration entre l'industrie et le gouvernement qui était en place depuis très longtemps et qui fonctionnait plutôt bien. Nos associations industrielles obtiennent de bons résultats avec l'ACIA. Les mesures proposées sont publiées dans la Gazette du Canada, et tout le monde sait à quoi s'attendre. Les divers intervenants ont l'occasion de se prononcer, et les résultats sont ce qu'ils sont, mais ils reposent sur la consultation. Dans ce cas-ci, il n'y a pas eu de consultation, du moins, pas pour notre industrie. Peut-être que le secteur de la production bovine, ou un autre secteur, ont été consultés, mais ce n'est pas le cas pour nous.

Comme j'ai essayé de le faire valoir en établissant ces liens, il n'est pas facile pour notre secteur d'activité de faire de l'argent, surtout sur le marché intérieur. À l'heure actuelle, les exportations peuvent être profitables, mais en raison des coûts, il n'est pas possible de tirer son épingle du jeu. On n'ajoute pas de valeur aux produits. De fait, d'une certaine façon, on réduit la valeur lorsqu'on adopte une mention ambiguë qui ne veut pas dire grand-chose pour les Canadiens et qui oblige les producteurs à accroître leurs stocks. Il leur faut plus d'espace d'entrepôt pour entreposer leur stock et ils se retrouvent avec des problèmes de fraîcheur, parce qu'ils doivent produire davantage de produits en plus petits volumes.

Tous ces problèmes découlent de ce qui semble être une décision plutôt logique. Pourquoi ne pas redéfinir ce que l'on entend par « Produit du Canada »? Les répercussions imprévues peuvent passablement nuire à certaines entreprises.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, monsieur Fash, de votre exposé.

Vous avez fait allusion aux problèmes de main-d'œuvre, tout particulièrement de main-d'œuvre saisonnière, qui touchent le secteur de la transformation des aliments du Canada atlantique depuis fort longtemps. On peut dire que vous avez visé juste. Si je dis cela, c'est parce que notre comité a entendu d'innombrables témoins lui dire que le secteur de la transformation agroalimentaire a de la difficulté à recruter des travailleurs et réclame des règles plus souples concernant l'embauche de travailleurs étrangers temporaires. Or, le gouvernement fédéral a annoncé récemment que le Programme de travailleurs étrangers temporaires ferait l'objet d'un examen approfondi. À votre avis, quelles améliorations faudrait-il apporter à ce programme pour qu'il réponde mieux à vos besoins?

M. Fash : Sans essayer d'entrer dans les détails concernant le fonctionnement du programme, je crois qu'il suffit de trouver des solutions. J'ai pu le constater concrètement dans le cas d'une entreprise pour laquelle j'ai travaillé. Il y avait du chômage dans notre secteur d'activité. Nous voulions prendre de l'expansion et nous avions besoin de 100 travailleurs. Nous en avons embauché 300, mais, de ce nombre, nous n'avons réussi à en conserver que 60 ou 70 environ. Nous n'arrivions pas à combler les postes restants, dont nous avions besoin pour l'expansion. Nous avons fini par embaucher des travailleurs étrangers temporaires et ils étaient un formidable atout tant pour la collectivité que pour notre entreprise.

Je n'ai pas la prétention de vous dire comment le programme devrait être offert. Je tiens cependant à dire que le fait de restreindre l'accès aux travailleurs étrangers temporaires nuit aux industries saisonnières, surtout lorsque le dollar est faible, comme maintenant. Dans des périodes comme celles-ci, les possibilités sont tellement nombreuses que les entreprises peinent à en profiter pleinement. Dans un tel contexte, tout ce qui leur met des bâtons dans les roues peut les empêcher de profiter de la faiblesse du dollar et, espérons-le, d'investir en vue d'accroître leur efficacité pour l'avenir.

Je ne sais pas combien de personnes seront du même avis que moi, mais personnellement, je crois que les travailleurs étrangers temporaires jouent un rôle très important. Il ne faut cependant pas qu'ils constituent une solution permanente. Alors que ces travailleurs répondent aux besoins actuels des entreprises de transformation, nous devrions chercher à accroître l'efficacité de ces entreprises. Comment améliorer leur fonctionnement pour éviter qu'elles doivent toujours dépendre de ces travailleurs? Ceux-ci ne devraient pas continuellement représenter la seule solution. Nous devrions aider les entreprises à devenir suffisamment efficaces pour éviter que leurs besoins fluctuent de façon radicale en fonction des humeurs du marché. Pour y parvenir, il faut progressivement apporter des améliorations judicieuses à leurs pratiques commerciales, accroître leur efficacité et améliorer leur équipement. À mon avis, c'est ainsi que nous pouvons aider l'industrie, et cette aide passe aussi par la formation.

Le sénateur McIntyre : Je crois comprendre que le gouvernement fédéral a l'intention de compenser le secteur de la gestion de l'offre au moyen de divers programmes et de diverses initiatives. Je ne vais pas tous les énumérer, je suis convaincu que vous les connaissez. Cependant, étant donné que le gouvernement fédéral a dit vouloir aider ce secteur, à votre avis, quels genres de programmes devrait-il élaborer?

M. Fash : Je suppose que vous voulez dire outre le Programme de travailleurs étrangers temporaires. Le genre de programme auquel j'ai fait allusion dans les huit points que j'ai soulevés vise à faire en sorte qu'on se consacre réellement à la constitution d'une main-d'œuvre qualifiée. Les compétences sont là, elles existent, mais c'est le secteur privé qui en profite. Il faut donc élargir l'accès à la formation et aux spécialistes du domaine de l'amélioration des affaires. Il y a des gens brillants, et certaines entreprises profitent pleinement de leur talent.

Quelqu'un a parlé d'Irving. Si cette entreprise connaît autant de succès, c'est parce qu'elle cherche continuellement à améliorer ses processus en misant sur ses installations et sur ses atouts. Or, c'est difficile pour les PME de faire la même chose. La plupart du temps, elles cherchent simplement à sortir leurs produits sur le marché. À certains moments, comme présentement, elles sont extrêmement occupées, et leurs ressources sont exploitées à la limite du possible. Lorsque le dollar remonte, elles ne font pas autant d'argent, alors les temps sont durs pour elles. Comment pouvons- nous aider l'industrie à atténuer cet effet de montagnes russes, fournir aux entreprises les moyens — que ce soit grâce à la formation, à l'adoption de nouvelles pratiques ou à l'acquisition d'équipement — de solidifier leurs assises et de s'immuniser contre les fluctuations marquées du marché qui semblent revenir tous les huit à douze ans et qui dépendent en grande partie de la valeur du dollar?

La sénatrice Hubley : Je vous remercie de votre exposé, monsieur Fash.

Selon un rapport publié en 2015 par le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, les entreprises du secteur manufacturier du Canada atlantique sont plus petites que la moyenne nationale, et leur niveau d'exportations par usine est d'environ 30 p. 100 inférieur au niveau observé à l'échelle du pays. Les usines de l'Atlantique ont également tendance à avoir une moins bonne productivité et sont moins susceptibles d'innover et d'adopter des technologies de pointe. Aimeriez-vous dire quelque chose au sujet de ces données?

M. Fash : Je n'ai pas lu le rapport, mais ces données me semblent tout à fait exactes. D'ailleurs, elles concordent à certains égards avec les résultats de notre inventaire des actifs. En passant, je serais heureux de transmettre ces résultats au comité. Je peux certainement vous en envoyer une copie si cela vous intéresse. C'est vrai. Nous sommes de petites entreprises, et notre productivité est moins élevée. C'est exactement pour cela que j'essaie de faire valoir que nous devons miser davantage sur les solutions à long terme que nous le faisons à l'heure actuelle.

Certaines entreprises participent à des foires ou à des missions commerciales puis, elles sont incapables de livrer la marchandise. Lors de ces foires et de ces missions, elles réussissent parfois à développer leur marché, mais elles ne sont pas en mesure de répondre aux attentes qu'elles ont créées. Elles n'auraient pas dû participer à ces activités sans d'abord mettre leurs capacités à l'essai, dans le cas d'une entreprise de transformation, par exemple. Cela leur permettrait de se rendre compte qu'elles doivent savoir comment répondre aux attentes avant d'accroître leurs exportations. Nous pourrions alors leur présenter ce que nous avons à leur offrir. Je ne sais pas si l'on devrait parler de centres d'excellence axés sur la transformation des aliments ou employer un autre nom, mais ce qui est certain, c'est que nous devons affecter des ressources intellectuelles, matérielles et spécialisées à la conception technique, à l'élaboration de procédés et aux autres choses du genre. Ces ressources existent ici. Tout ce qu'il faut maintenant, c'est d'élaborer des programmes de formation et de donner à ces entreprises de transformation l'élan nécessaire pour les aider à cesser de faire du sur place, ce qui est exactement ce que nous apprend cette étude de 2015, et de tirer parti de nos avantages naturels en matière de climat et de géographie. Nous avons de tels avantages. Beaucoup même.

La sénatrice Hubley : Selon vous donc, la solution consiste à offrir davantage de séances d'information pour nos entreprises de transformation, pour ainsi leur permettre de combler l'écart. Il me semble que 30 p. 100 de moins est un pourcentage passablement élevé. Nous ne voudrions pas que notre réputation se résume à un déficit de fonctionnement permanent de 30 p. 100.

M. Fash : Non.

La sénatrice Hubley : Mais vous avez proposé des façons d'améliorer et de changer la situation. Y a-t-il d'autres choses que nous pourrions faire?

M. Fash : Comme je l'ai dit, j'estime que le gouvernement fait déjà plein de choses. Il faut aussi dire que je suis encore nouveau. Je viens de commencer, en septembre dernier. C'est donc nouveau, pour moi, de faire partie de l'association de ce secteur. Malgré tout, j'ai vraiment l'impression que le gouvernement souhaite sincèrement améliorer les choses.

Il suffit de trouver cette masse critique, celle qui nous permettra vraiment d'améliorer les choses. Pas seulement de faire augmenter les ventes, mais de nous améliorer globalement. Nous sommes capables. Quand l'efficience, la compétitivité, la créativité et l'innovation sont là, le succès est au rendez-vous quoi qu'il arrive. Il faut donc aider les gens à se rendre là, et voilà à quoi l'argent devrait servir, à mon avis. Appelons cela un « institut de pratiques commerciales ». Il y a déjà des spécialistes privés, ici même au Canada, qui font ce travail, et ils le font très bien. Comment élargir l'accès aux extraordinaires établissements d'enseignement que l'on trouve au Canada atlantique? J'ose croire que l'intérêt est là.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : Selon certains des témoins que nous avons entendus, il faudrait que les partenaires commerciaux du Canada reconnaissent le système canadien d'inspection de la viande et les technologies de transformation de la viande que nous utilisons ici afin de faciliter le commerce des produits agroalimentaires. Selon vous, le PTP contribuera-t-il à faire tomber les obstacles entre le Canada et des pays comme le Vietnam et la Malaisie? Qu'en pensez-vous?

M. Fash : C'est une excellente question, mais je ne pense pas avoir ce qu'il faut pour y répondre. Elle me rappelle toutefois certaines des préoccupations dont m'ont parlé les transformateurs. Je n'en ai pas vraiment parlé dans mon exposé, mais les transformateurs en question souhaiteraient que le système fédéral d'inspection de la viande soit mieux intégré aux systèmes provinciaux. Pourquoi ne pas avoir un seul niveau, au lieu de deux? Pourquoi n'y aurait-il pas une seule norme, administrée par un seul organisme? Je vous rappelle que les temps sont extrêmement durs, parfois, pour les petits transformateurs. Je ne suis pas un spécialiste de la viande; je n'ai jamais travaillé dans le secteur de la transformation de la viande, alors je ne suis peut-être pas la bonne personne à qui s'adresser. Mais une chose est sûre : on aiderait beaucoup les petits transformateurs si on éliminait les chevauchements entre les processus d'inspection et de réglementation.

Le sénateur Oh : Vos membres vous ont-ils fait part de préoccupations en particulier?

M. Fash : Le PTP suscite beaucoup d'inquiétudes, mais je dois dire que la plupart d'entre elles sont non fondées et reposent davantage sur la peur que sur les faits. Nos membres s'inquiètent surtout pour la concurrence qui pourrait envahir le marché, notamment de la part d'entreprises qui n'ont pas à respecter les mêmes normes qu'eux en matière d'accréditation, de salubrité et autres.

Le sénateur Oh : La faiblesse du dollar canadien aide les exportations, non?

M. Fash : Je vais vous donner deux entreprises en exemple. Si vous faites pousser des pommes de terre et que vous fabriquez ici des produits qui viennent de la terre, alors oui, le contexte est très avantageux. Par contre, si vous faites du chocolat, c'est une tout autre histoire, parce que votre chocolat, vous l'importez des États-Unis avant de le réexporter aux États-Unis; vous ne tirez donc plus parti du même avantage naturel.

Le sénateur Oh : Non, si vous importez des produits, les coûts sont alors trop élevés.

M. Fash : Les coûts montent en flèche, voilà.

Le sénateur Oh : Et c'est une bonne chose d'exporter, selon vous?

M. Fash : Les coûts de la main-d'œuvre sont moins élevés, et c'est une bonne chose. Par contre, les ingrédients coûtent plus cher, parce que vous vous approvisionnez aux États-Unis et que vous payez en argent américain. Notre association compte quelques chocolatiers, et comme ils s'approvisionnent aux États-Unis, la dynamique actuelle joue contre eux. Même chose si vous faites le commerce de noix, par exemple. Généralement, les noix sont vendues en argent américain. Alors oui, ce genre de choses entre toujours en ligne de compte. Toujours.

Une mauvaise récolte, cela arrive. Alors oublions le taux de change.

Si vous dirigez une usine, c'est possible que vous réussissiez à traverser cette période difficile si vos procédés sont rigoureux. Mais si on continue à faire les choses comme on les a toujours faites, les consolidations vont se poursuivre. En soi, il s'agit d'un phénomène naturel, mais rien ne garantit que ce seront des Canadiens qui regrouperont les petites entreprises en leur sein. Il peut très bien s'agir d'entreprises étrangères. Mais peut-être que les gens s'en fichent. Personnellement, j'aimerais que notre industrie continue de croître. J'ai eu la chance — la très grande chance — de pouvoir faire toute ma carrière dans l'industrie alimentaire, dans la partie atlantique du Canada. C'est aussi là que je vis et que j'élève mes enfants. J'aimerais que les autres aient la même chance que moi.

Le sénateur Day : Monsieur Fash, vous m'avez fait sursauter en disant que les firmes canadiennes consacrent davantage d'argent au marketing, mais qu'ils en consacrent 46 p. 100 de moins à la création de nouveaux produits et 28 p. 100 de moins à l'amélioration de leurs procédés. C'est énorme. Ils consacrent donc beaucoup moins d'argent à la création de nouveaux produits et à l'amélioration de leurs procédés.

À la fin de votre exposé, vous énumérez huit points et revenez ensuite sur le sujet de l'innovation. Le gouvernement fédéral offre un certain nombre de programmes, comme Cultivons l'avenir 2 et le Secrétariat de l'accès aux marchés, qui favoriseraient l'accès aux marchés. Or, la création de nouveaux produits et l'amélioration des procédées sont indissociables de ce processus. Qu'est-ce qui ne va pas, selon vous?

M. Fash : Prenons l'exemple de Cultivons l'avenir 2. Notre association reçoit des fonds de ce programme afin d'offrir de la formation sur la salubrité des aliments à ses membres afin qu'ils puissent obtenir leurs accréditations auprès du PARMPC et de la CRB et leur homologation en protection alimentaire, bref pour les aider à répondre aux exigences de tous les programmes auxquels ils doivent se plier. Le gouvernement nous verse donc de l'argent, et une partie de cet argent sert à l'innovation. La recherche scientifique et le développement expérimental font partie des nombreux éléments utiles qui permettent d'amortir ce qu'il en coûte pour créer un nouveau produit. Or, presque rien n'est consacré à la commercialisation, alors que c'est pourtant là que le gros de l'argent doit aller.

Je ne suis pas en train de dire que le système est détraqué; je dis simplement qu'il est incomplet. Je vous repose la question : à quoi voulez-vous que soit consacré l'argent destiné à l'innovation? Si une entreprise a une bonne idée, allez-vous nécessairement faire une vérification en règle pour vous assurer que ses processus opérationnels sont rigoureux et qu'elle a ce qu'il faut pour tenir ses promesses? Voilà, à mon sens, où il faudrait plus de discipline.

Qu'il s'agisse de les aider à partir en mission commerciale, à assister à une importante foire commerciale aux États- Unis ou à développer un produit qui révolutionnera leur secteur, aidons les entreprises à réussir. Trouvons le meilleur moyen de les aider, et je peux vous assurer que nous ne les aidons aucunement en les laissant assister à une foire commerciale aux États-Unis sans leur donner les moyens d'honorer les commandes qu'elles pourraient y obtenir. Même si vous créez un produit au goût merveilleux qui a tout pour révolutionner le monde, si vous êtes incapables de le vendre, il ne sert à rien. Il y a des processus et il y a des gens qui sont là pour vous montrer ce qu'il faut faire pour y parvenir, notamment en changeant vos façons de faire, et si vous me demandez mon avis, c'est là-dessus que l'accent devrait être mis.

N'arrêtez pas de financer l'innovation parce que nous le faisons aussi, et je ne suis pas en train de dire que nous faisons mal notre travail. Il faut regarder le portrait d'ensemble. Combien de projets sont commercialisés et connaissent le succès escompté, c'est-à-dire qu'ils génèrent un profit net après deux ans, qu'ils continuent de se vendre au fil des ans, qu'ils connaissent une croissance et se rendent au bout de leur cycle de vie? Quel suivi fait-on? Suivons- nous à la trace tous les bons coups que nous permet d'accomplir l'argent que nous consacrons à la création de nouveaux produits? Je l'ignore. Je ne suis pas le dossier d'assez près. Améliorons-nous si vous voulez, mais n'arrêtons pas.

Le sénateur Day : De qui est-ce le rôle? Du gouvernement fédéral? Des gouvernements provinciaux? Des associations?

M. Fash : Un peu des trois, selon moi. Parfois, il faut mettre les intérêts de sa province ou de son association de côté et faire le nécessaire pour que nous puissions tous nous entendre et cheminer. L'aspect administratif de la chose reste à discuter, à mon avis. Il y a des gens extraordinaires en Atlantique qui travaillent dans ce domaine, et je serai heureux de vous fournir leurs coordonnées tout à l'heure. Les idées sont là, et les gens sont là, aussi. En fait, vous en connaissez déjà probablement quelques-uns et vous leur avez sans doute déjà parlé. Que ce soit dans le secteur public ou privé, il y a une tonne de gens extraordinaires qui veulent que notre région et notre industrie fassent bonne figure. Il suffit de réfléchir à ce qu'il faut faire pour y parvenir.

Le sénateur Day : Vous avez notamment parlé des travailleurs étrangers temporaires. J'insiste sur le mot « temporaire ». L'embauche de travailleurs pour combler ce qu'on perçoit comme un manque à gagner ne peut être qu'une solution à court terme. Le taux de chômage au Canada atlantique est très élevé, mais la région ne manque pourtant pas de travailleurs compétents qui cherchent un emploi. Il doit y avoir un écart entre ces gens, qui pourraient contribuer directement au succès de l'industrie, j'en suis convaincu, si seulement nous réussissions à les intégrer au système, mais ce n'est pas le cas, et les collèges communautaires, les universités et les écoles secondaires nous laissent tomber...

Selon votre association, le gouvernement fédéral peut-il faire quelque chose pour mettre sur pied un programme d'apprentissage qui permettrait à ces jeunes d'apprendre très tôt les ficelles du métier, afin que, plus tard, les entreprises pour qui ils travailleront puissent se tenir à jour en matière d'innovation et de marketing et combler tous les écarts que nous constatons aujourd'hui?

M. Fash : Oui, il s'agit selon moi d'une des choses nécessaires. Nous disposons des instruments et des établissements d'enseignement pour ce faire. De plus, certaines personnes reviennent de l'Ouest canadien et aimeraient beaucoup trouver ici un emploi bien rémunéré. C'est un peu comme l'œuf et la poule; je ne sais pas ce qui doit venir en premier.

Selon moi, il faut commencer par discuter et établir les priorités. Toutefois, à moins de tirer une excellente valeur ajoutée de vos ressources, vous n'avez pas les moyens de payer de bons salaires. Vous ne le pouvez tout simplement pas. Vous êtes toujours condamné à faire partie du cycle des produits de base. C'est pourquoi je parle du paradoxe de l'investissement de capitaux. Ce n'est jamais le bon moment d'investir dans l'efficience et les immobilisations, mais on devrait le faire, et c'est ainsi que je me sentirais si j'avais une petite entreprise de 10 ou 12, voire de 15 employés. J'embaucherais des travailleurs étrangers temporaires lorsque le temps presse, mais je n'aurais même pas le temps de m'en occuper. Premièrement, je ne saurais pas comment faire. Je n'aurais pas le temps et je ne ferais pas assez de profit parce que la valeur du dollar est trop élevée. Et je n'aurais justement pas le temps de mettre quoi que ce soit de côté pour y voir. Comment résoudre ce paradoxe? Non seulement je n'ai pas la réponse, mais nous ne nous posons même pas la question.

Je rappelle qu'il y a des gens de talent dans la région qui pourraient nous aider à voir les choses autrement, mais il faut commencer par avoir un objectif. Et cet objectif ne consiste pas à aider les entreprises à accroître leurs ventes sur les marchés étrangers. C'est ce qui se produira de toute façon. C'est toujours ce qui se produit lorsque la valeur du dollar est faible. Notre objectif doit plutôt consister à rendre autant que possible nos entreprises concurrentielles à l'échelle mondiale. Voilà où en est ma réflexion, et c'est ce que je crois.

Le sénateur Day : Eh bien, je vous remercie de nous avoir fait part de votre liste de recommandations. Ce serait effectivement un bon point de départ.

Le sénateur Mockler : Il y a une émission au Québec qui s'intitule La question qui tue. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Fash, et pour revenir à ce que demandait le sénateur Day, il s'agit d'abord d'une question de compétitivité et d'innovation puis, de main-d'œuvre. Avez-vous déjà réfléchi, les autres représentants de l'industrie et vous-même, à l'autre obstacle que représente l'assurance-emploi par rapport aux travailleurs permanents et aux travailleurs étrangers temporaires?

M. Fash : Dans quel contexte?

Le sénateur Mockler : Le régime d'assurance-emploi couvre actuellement certaines personnes que nous pourrions peut-être retirer de la liste des prestataires et mettre à contribution sur le marché du travail. Cette question fait l'objet d'un grand débat. Du point de vue politique, c'est assez coûteux. Il est question des travailleurs étrangers temporaires, qui sont essentiels pour surmonter les difficultés que nous connaissons dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Cela dit, certaines personnes nous disent aussi qu'elles ont besoin de plus de travailleurs étrangers temporaires et qu'il faut en faire venir plus. D'autres gens nous disent qu'il faut faire quelque chose au sujet du régime d'assurance-emploi. Je suis favorable à l'assurance-emploi lorsqu'elle est nécessaire. Certains disent que, trop souvent, ce régime n'incite pas les gens à retourner travailler, du moins pas aussi rapidement que l'industrie le souhaiterait.

M. Fash : Je crois que ce que j'aurais à dire sur ce point appartient au domaine des opinions plutôt que d'être issu des travaux de recherche que j'ai réalisés ou que j'ai consultés.

Le sénateur Mockler : J'accepterais votre opinion.

M. Fash : Écoutez, je vais probablement répéter ce que vous venez de dire. Je crois que l'assurance-emploi existe pour une raison importante. Parfois, on peut en avoir besoin. Mais, comme dans le cas de n'importe quel autre programme, les gens peuvent essayer d'en profiter sans en respecter l'esprit. Nous savons tous que des entreprises établies à des endroits où le taux de chômage est élevé ont de la difficulté à embaucher du personnel lorsqu'elles en ont besoin, et ce, pour diverses raisons. Ce peut être parce que les gens manquent de motivation, ne possèdent pas les compétences nécessaires ou ne s'intéressent pas au travail qu'on leur offre. Nous sommes bien au courant de cette situation.

Les travailleurs étrangers temporaires sont des bouche-trous. Mais nous aurons encore besoin d'eux tant que nous n'arriverons pas à atténuer les fluctuations cycliques sur le plan de la productivité et de l'efficacité, sans toutefois nous imaginer qu'il existe une solution parfaite.

Je crois qu'on trouvera toujours de bons employés et des employés moins bons. On trouvera toujours des personnes qui ont absolument besoin des prestations d'assurance-emploi pour de très bonnes raisons et d'autres personnes qui ne devraient pas toucher des prestations, mais qui le font quand même, qu'on le veuille ou non. En outre, quand on est un employeur, on cherche des travailleurs motivés, qui veulent vraiment mettre la main à la pâte, qui s'entendent bien avec les autres et qui font leur contribution à l'environnement de travail. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte. Alors, je n'ai pas de solution.

Le sénateur Mockler : Monsieur Fash, vous dites avoir fait une étude de cartographie des actifs et être disposé à la remettre au comité.

M. Fash : Oui, tout à fait.

Le sénateur Mockler : Pourriez-vous la faire parvenir au président?

M. Fash : Certainement. Je vais l'envoyer à M. Pittman. Je peux la lui transmettre par courriel.

Le président : Merci.

Le sénateur Day : Monsieur Fash, je crois qu'il serait bon que vous nous indiquiez si les 892 entreprises de transformation alimentaire de la région de l'Atlantique sont toutes membres de votre association. Pourriez-vous décrire votre association et nous en donner la composition?

M. Fash : Elles ne sont pas toutes membres. Je ne sais pas combien il y en aurait au total si nous les comptions de nouveau en 2016. Bon an, mal an, entre 125 et 140 entreprises font partie de l'association, en moyenne. Ce sont des entreprises comme Ganong Brothers, qui fabrique des bonbons, Fancy Pokket, qui est une boulangerie, et Bonté Foods, qui fait de la transformation de viandes. C'est une gamme variée d'entreprises, et on trouve aussi des poissonneries, petites et grandes, ainsi que des experts-conseils qui travaillent dans ce secteur. Notre association est un organisme sans but lucratif ayant un conseil d'administration, dont je relève.

Le sénateur Day : Vos bureaux sont à quel endroit?

M. Fash : À Moncton.

Notre association s'appelait au départ l'Association de l'industrie alimentaire du Nouveau-Brunswick et, il y a 11 ans, je crois, elle est devenue l'Association de l'industrie alimentaire de l'Atlantique.

Fondamentalement, notre mandat consiste à appuyer l'industrie de la transformation alimentaire. Nous occupons un créneau, si je puis dire, et nous fournissons à nos membres de la formation essentielle, à un prix très abordable, sur la salubrité des aliments, l'étiquetage et les modifications du cadre législatif. Nous offrons des rabais à nos membres. Nous ne ménageons aucun effort de collaboration avec la province, et Cultivons l'avenir 2 est l'une des sources de financement dont nous avons su profiter. Nous pensons que notre mandat doit être élargi au-delà de la formation sur la salubrité des aliments afin d'inclure de la formation sur l'excellence des méthodes de travail, l'excellence commerciale et l'innovation.

Le conseil d'administration vient de s'enrichir de nouveaux membres qui ont de l'expérience dans ces domaines, et nous sommes en train d'étudier la manière d'élargir notre mandat et de fournir à l'industrie et à nos membres de nouveaux domaines de formation.

Le sénateur Day : Recevez-vous de l'argent de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique?

M. Fash : Seulement pour des projets bien précis et à condition de pouvoir démontrer qu'un projet mérite d'être subventionné, par exemple, s'il s'agit d'organiser une mission commerciale. Notre association organise trois missions commerciales cette année, dont l'une où nous rendrons visite à la société ECRM. Il s'agit d'un projet pilote réalisé avec l'aide de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. Nous organisons aussi une mission pour nous rendre au salon de l'association nationale de restaurateurs, à Chicago. C'est un grand salon regroupant le monde des services alimentaires. Troisièmement, nous organisons une mission qui se rendra à New York, à la foire alimentaire spécialisée, qui est principalement axée sur la vente au détail de produits à valeur ajoutée. Ces missions se font en collaboration avec l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et avec les provinces, qui nous aident aussi financièrement pour ce genre de projets. Alors, ce sont effectivement de bons partenariats, et je crois qu'il serait possible de collaborer encore davantage. Mais les gouvernements nous aident beaucoup. Les cinq partenaires de notre groupe, les provinces et l'Agence de promotion économique du Canada atlantique veulent tous que la collaboration soit encore meilleure et ne ménagent pas leurs efforts pour y arriver.

Le sénateur Day : Il est probable que le premier ministre prenne bientôt la tête d'une mission commerciale qui se rendra en Chine. Compte tenu des bonnes ventes de poisson réalisées en Chine par les provinces de l'Atlantique, il serait peut-être bon que vous participiez à cette mission.

M. Fash : Tout à fait. J'ai eu la chance de prendre la première commande de frites McCain en Chine, il y a une vingtaine d'années et j'ai pu observer la croissance des ventes sur ce marché depuis. Nos entreprises remportent un vif succès là-bas. Je crois que nous devrions continuer d'être présents dans ces missions commerciales parce que nous devons affronter une concurrence féroce. Les États-Unis déploient beaucoup d'efforts pour favoriser leurs exportations et ils y excellent, alors nous devons continuer d'aider nos exportateurs sur ce marché. Je n'y suis pas allé depuis un certain temps, mais le Canada a toujours été bien vu sur le marché chinois.

Le sénateur Day : Tout à fait. Merci.

Le président : Merci encore, monsieur Fash, et bonne chance pour la suite des choses.

Notre prochain duo de témoins est formé de M. Mike Slocum, directeur et trésorier de l'Alliance agricole du Nouveau-Brunswick, ainsi que de M. Victor Oulton, directeur la Fédération de l'agriculture de la Nouvelle-Écosse.

Bienvenue messieurs.

Mike Slocum, directeur et trésorier, Alliance agricole du Nouveau-Brunswick : Merci beaucoup de m'avoir invité à vous adresser la parole aujourd'hui, mesdames et messieurs les sénateurs. C'est très sympathique de votre part.

Je m'appelle Mike Slocum. Je fais partie de l'Alliance agricole du Nouveau-Brunswick. Je suis membre du conseil d'administration de cet organisme depuis quelques années. Le mémoire que nous allons vous présenter aujourd'hui, a été composé par les quatre fédérations des provinces de l'Atlantique. Je vais vous présenter la moitié du mémoire, et mon collègue vous en présentera l'autre moitié à la fin.

Les provinces de l'Atlantique ont une agriculture solide et diversifiée. La diversité ne se remarque pas uniquement à l'échelle du secteur agricole, mais aussi au sein même des exploitations agricoles. Certains producteurs agricoles fournissent le marché des provinces de l'Atlantique en produits laitiers, en volaille, en fruits et en légumes. D'autres se spécialisent dans les produits à exporter, comme les bleuets, le vison, le bœuf, les pommes de terre et les sapins de Noël. Certains produits sont aussi à la fois pour la consommation locale et pour l'exportation, notamment les pommes.

Les fédérations agricoles des provinces de l'Atlantique félicitent le gouvernement fédéral pour avoir fait de son mieux afin de maintenir une position équilibrée relativement aux divers secteurs de l'agriculture dans les négociations visant à conclure l'Accord économique et commercial global et le Partenariat transpacifique. Toutefois, pour que les agriculteurs puissent avoir pleinement accès aux nouveaux marchés, ils doivent bénéficier de programmes d'aide qui leur permettront de répondre à la demande sur ces marchés. À l'inverse, les secteurs qui devront affronter la concurrence des produits étrangers ayant désormais accès au marché canadien, en particulier les secteurs soumis à la gestion de l'offre, devront recevoir des compensations pour leurs pertes futures. Je vous donne quelques détails à ce sujet.

La priorité des fédérations agricoles des provinces de l'Atlantique est de veiller à ce que des systèmes soient mis en œuvre pour aider les agriculteurs et les secteurs qui devront subir les effets des changements d'accès au marché. C'est particulièrement vrai dans le cas des produits soumis à la gestion de l'offre. Le Partenariat transpacifique autorise l'accès de certains produits étrangers aux secteurs soumis à la gestion de l'offre dans une proportion variant entre 2 et 3,25 p. 100 du marché. Chaque association de producteurs est en mesure d'évaluer les conséquences de la réduction de ses quotas dans son secteur. Les producteurs de dinde du Canada disent que, si de la dinde étrangère peut être vendue au Canada sous forme de poitrine de dinde, comme on le prévoit, la production qui envahira le marché équivaudra chaque année à toute la production combinée de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

Les secteurs soumis à la gestion de l'offre doivent recevoir des compensations pour les pertes qu'ils subiront lorsque les accords commerciaux seront ratifiés. Les producteurs de ces secteurs ont investi dans des quotas pour avoir le droit de vendre leur production. Ils ont besoin des garanties offertes par le système de gestion de l'offre et s'appuient sur elles pour établir leurs plans d'affaires. Ils devront recevoir une compensation non seulement pour les quotas qu'ils ont achetés et qu'ils perdent, mais aussi pour leurs pertes futures causées par les importations. Une fois que les pourcentages maximums concédés aux importations seront connus, il faudra un certain temps à chaque secteur pour adapter sa production. Le gouvernement fédéral doit intervenir pour neutraliser pleinement les effets subis dans chacun des secteurs désavantagés par les accords commerciaux.

La collaboration sera importante pour déterminer quels programmes seront efficaces et comment ils devront être mis en œuvre. Nous sommes d'avis que les programmes compensatoires devraient être conçus en consultant les associations de producteurs dans chaque secteur visé par ces programmes et par les négociations commerciales.

À part les secteurs soumis à la gestion de l'offre, d'autres produits agricoles ne seront pas traités équitablement, comparativement aux produits semblables importés. Les fruits et les légumes produits au Canada et destinés à être vendus sur le marché canadien sont soumis aux tests de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui s'assure qu'ils ne contiennent aucun produit non autorisé par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Toutefois, selon ce que nous en disent les horticulteurs, dans le cas de nombreux pays, les produits importés au Canada n'ont pas besoin de subir les mêmes tests. Les producteurs étrangers qui pourront utiliser des pesticides dont l'utilisation sera interdite au Canada par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire auront un avantage concurrentiel par rapport aux producteurs canadiens.

Pour éviter tout malentendu, je tiens à dire que je ne suis pas en train de préconiser l'utilisation au Canada des pesticides actuellement interdits. Il existe de bonnes raisons scientifiques qui justifient ces interdictions. Toutefois, les produits importés devraient être soumis à des normes qui sont au moins aussi strictes que celles qui s'appliquent aux produits canadiens, de manière à protéger et aider les horticulteurs du pays.

Je cède maintenant la parole à mon collègue.

Victor Oulton, directeur, Fédération de l'agriculture de la Nouvelle-Écosse : Les fédérations agricoles des provinces de l'Atlantique ont aussi des priorités relatives aux marchés d'exportation. Le Partenariat transpacifique et l'Accord économique et commercial global ouvrent des débouchés sur des marchés étrangers pour de nombreux produits agricoles de la région de l'Atlantique. Bien que l'accès à ces marchés soit bénéfique pour l'économie rurale de cette région, les agriculteurs ne seront capables d'en profiter que si l'on met en œuvre les programmes nécessaires. Le programme Agri-marketing est un bon exemple de programme existant qui sera utile pour les producteurs s'intéressant à l'exportation. Il est conçu pour outiller les producteurs canadiens afin qu'ils soient plus aptes à augmenter leurs parts de marché au Canada et à l'étranger. Compte tenu de l'important potentiel d'exportation créé par les accords commerciaux conclus depuis l'établissement du programme Agri-Marketing, celui-ci devrait être reconduit et, idéalement, devrait être augmenté pour que les producteurs canadiens puissent profiter pleinement des possibilités d'accès aux marchés étrangers.

Ce programme a eu des retombées bénéfiques, par exemple, dans le secteur des bleuets sauvages, même avant les accords commerciaux. Le programme Agri-marketing et ses prédécesseurs ont aidé ce secteur à croître et à bénéficier d'autres programmes. Sans ce programme, le secteur n'aurait pas eu accès aux marchés où il trouve aujourd'hui des débouchés. De plus, puisque le programme Agri-marketing exige des fonds de contrepartie, les producteurs et les transformateurs de bleuets sauvages voient leurs cotisations jouer le rôle d'un investissement qui rapporte. Le programme a permis de mener des campagnes de promotion dans divers marchés d'exportation, notamment en Corée, en Chine, au Japon, en Allemagne et en France. Ces campagnes mettent l'accent sur les propriétés nutritives et le bon goût des bleuets sauvages canadiens, de manière à intéresser les acheteurs de chaque marché. Les programmes du genre du programme Agri-marketing doivent être assez larges pour permettre à chaque secteur de déterminer quels marchés et quels débouchés sont les plus intéressants pour leurs produits. Par exemple, il est préférable d'essayer de vendre des bleuets sauvages dans des marchés possédant des infrastructures adéquates pour que puissent être utilisés des systèmes de réfrigération permettant de conserver des bleuets congelés.

Chaque secteur est différent, et les marchés doivent être analysés en conséquence. Injecter davantage d'argent fédéral dans ce programme, au sein du Cadre stratégique pour l'agriculture à venir, sera certainement un pas dans la bonne direction pour aider les producteurs et les secteurs qui auront accès à de nouveaux marchés grâce au Partenariat transpacifique et à l'Accord économique et commercial global.

Les infrastructures jouent un rôle important dans l'accès aux marchés. Les agriculteurs des provinces de l'Atlantique se heurtent à de nombreux obstacles liés aux infrastructures de transport et aux infrastructures rurales. Au fil du temps, le système de transport commercial, avec ses dimensions routières, ferroviaires, navales et aériennes, est devenu de plus en plus inefficace, ce qui inflige un désavantage concurrentiel aux agriculteurs des provinces de l'Atlantique. Une étude du transport agricole dans la région de l'Atlantique s'avère nécessaire pour examiner les problèmes ayant des répercussions sur l'agriculture. Par ailleurs, pour que les producteurs puissent avoir accès à beaucoup de nouveaux marchés parmi ceux qui leur sont ouverts grâce aux accords commerciaux, des systèmes adéquats doivent être mis en œuvre et doivent comprendre entre autres des programmes d'homologation et des programmes de prospection de marché. Toute la chaîne d'approvisionnement devra œuvrer de manière concertée pour que ces systèmes marchent bien, et on aura besoin d'une aide financière pour y arriver.

Pour que les producteurs exploitent les débouchés accrus sur les marchés étrangers, il leur faudra pouvoir répondre à la demande sur ces marchés, ce qui implique l'embauche d'un plus grand nombre d'employés spécialisés. Or, puisque l'industrie agricole souffre déjà d'une pénurie de main-d'œuvre spécialisée, on peut s'attendre à ce que celle-ci soit exacerbée par la hausse de la production à prévoir. Il faudra donc, pour remédier à la pénurie, former davantage de main-d'œuvre au moyen d'un programme pour apprentis et donner un souffle nouveau au programme pour travailleurs étrangers temporaires.

Bref, il faut mettre en œuvre des programmes d'aide aux agriculteurs qui ont des besoins liés à l'accès aux marchés. Et les nouveaux programmes ne devraient pas avoir pour effet d'annuler les autres programmes. Par exemple, si une exploitation agricole a des produits soumis à la gestion de l'offre et d'autres produits destinés à l'exportation, elle devrait recevoir la compensation pour ses pertes dans le premier secteur tout en étant admissible à l'aide financière pour la recherche de débouchés sur les marchés, dans le deuxième secteur. Le pire que l'on puisse faire serait de punir un agriculteur parce qu'il a su atténuer les risques en diversifiant sa production.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de formuler ces commentaires aujourd'hui. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, messieurs.

Le sénateur Mercer, notre vice-président, ouvrira la première série de questions.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie d'être ici, messieurs.

Je vais encore une fois ennuyer mes collègues avec ma discussion sur la gestion de l'offre. Je suis un fervent partisan de la gestion de l'offre, mais vos propos m'ont un peu embrouillé. L'un des principes fondamentaux du système canadien de gestion de l'offre, c'est qu'il est géré par l'industrie. Il est géré par les éleveurs de poulet, les producteurs d'œufs, les producteurs laitiers et les éleveurs de dindons. C'est le principe fondamental. Le gouvernement n'y investit pas de fonds, et l'une des erreurs que le secteur a commises au fil des ans, c'est de ne pas expliquer cela à la population canadienne, ainsi qu'à certains politiciens, pas nécessairement ceux qui sont à cette table aujourd'hui, mais ceux qui y étaient dans le passé. Cela dit, vous me dites maintenant qu'en raison du PTP et de l'AECG, le gouvernement devrait investir dans la gestion de l'offre pour compenser d'apparentes pertes. Nous n'avons aucune idée des pertes qui découleront de ces deux accords commerciaux. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre.

Comme je l'ai dit, mes collègues savent que je suis l'un des plus fervents partisans de la gestion de l'offre, et lorsque j'en ai l'occasion, j'essaie toujours d'expliquer aux gens du Sénat et de la Chambre des communes que le système de gestion de l'offre fonctionne bien parce qu'il est géré par l'industrie, parce que le gouvernement n'y investit pas, parce que le gouvernement a peu à voir avec sa gestion et a réussi jusqu'ici à ne pas intervenir dans la gestion de l'offre. Aidez-moi à comprendre. Vous demandez maintenant au gouvernement de consacrer des fonds aux secteurs de la gestion de l'offre qui pourraient être touchés par l'un ou l'autre de ces accords commerciaux?

M. Oulton : À mon sens, nous ne vous demandons pas d'investir directement dans la gestion de l'offre. Nous vous demandons de compenser les producteurs qui pourraient perdre de l'argent ou l'accès à des marchés. Ils verront la production diminuer dans leur exploitation agricole en raison de certains de ces accords commerciaux. Les agriculteurs soumis à la gestion de l'offre ont acheté des quotas pour être en mesure de produire une quantité donnée. S'ils ne peuvent pas produire la quantité prévue dans leur quota, alors de 2 à 3,25 p. 100 du quota, ou un peu plus, serait repris. Cela dépend de la formule.

Le sénateur Mercer : Mais comment mesurer cela? Je me rends parfois à Masstown, en Nouvelle-Écosse. Il y a là-bas un producteur d'œufs. Vous le connaissez probablement; il est membre de l'association Les producteurs d'œufs. Quelques-uns de mes collègues et moi, qui siégions au comité, à l'époque, avons visité sa ferme; tout fonctionne bien, mais c'est une petite exploitation. Il y a deux poulaillers. Il maximise ses revenus. Il a une éolienne sur sa ferme qui produit de l'électricité. Une éolienne sur son exploitation agricole va directement au résultat net lorsqu'il calcule ses coûts en capital. Cependant, comment saurait-il qu'il y a des répercussions sur sa production d'œufs? Comment le saurait-il, comparativement à un autre producteur dont l'exploitation est beaucoup plus importante? Je ne comprends pas.

M. Oulton : Je suis sûr que vous avez parlé aux producteurs d'œufs et de volaille. Vous parlerez probablement aux producteurs de tous les secteurs soumis à la gestion de l'offre, et ils pourront probablement répondre à ces questions. Dans notre exploitation agricole, nous n'avons pas de produits soumis à la gestion de l'offre; il est donc difficile pour moi de vous en parler en détail, mais je suis sûr que les producteurs laitiers, par exemple, pourraient répondre mieux que moi à ces questions.

Le sénateur Mercer : En principe, toutefois, étant l'un des plus fervents partisans de la gestion de l'offre, j'ai du mal à comprendre comment vous arriverez à savoir ce qu'il en est en ce qui concerne mon ami, qui a une petite production d'œufs à Masstown, ou M. King, à Bridgewater, qui n'a qu'un seul poulailler. Il a d'autres intérêts agricoles, mais un seul poulailler pour la production d'œufs. Comment pourra-t-on savoir que l'un de ces deux accords a eu des répercussions sur sa production d'œufs, si un montant d'argent doit être accordé, combien il recevra, et combien un producteur qui possède 5 ou 10 poulaillers recevra?

M. Oulton : Eh bien, ils ont tous un certain nombre de quotas, alors en principe, je suppose que cela serait fondé sur le nombre de quotas.

Le sénateur Mercer : Ce serait fondé sur les quotas. Je dirais que les comptables payés pour faire les calculs grugeraient probablement une bonne partie du budget alloué.

M. Oulton : Oui, c'est probablement vrai.

Le sénateur Mercer : Quoi qu'il en soit, vous avez également dit, lorsqu'il était question des bleuets, notamment, que d'autres fonds fédéraux seront investis dans ce programme par l'entremise du Cadre stratégique pour l'agriculture. Je suppose que c'est l'opinion de l'alliance agricole. En avez-vous discuté avec M. MacAulay, le ministre de l'Agriculture?

M. Oulton : Je ne peux parler que pour la Nouvelle-Écosse. Nous n'avons pas eu l'occasion de lui parler, mais nous le ferons.

Le sénateur Mercer : La sénatrice Hubley est de l'Île-du-Prince-Édouard; elle pourrait peut-être transmettre le message à M. MacAulay. De mon côté, si je le vois, je lui ferai le message.

J'ai une dernière question.

M. Oulton : En fait, je me trompe. Nous avons bel et bien rencontré M. MacAulay quand nous sommes venus à Ottawa, il y a quelques semaines, et je lui ai parlé de certaines de ces questions.

Le sénateur Mercer : Vous lui en avez parlé?

M. Oulton : J'ai abordé certaines de ces questions, oui.

Le sénateur Mercer : C'est bien. Ainsi, quand je lui en parlerai, il sera déjà au courant. C'est très bien, car je le verrai et j'en discuterai avec lui.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé notamment des produits chimiques et des analyses. C'est à la deuxième page, je crois. J'ignorais qu'il n'en était question dans aucun des deux accords commerciaux. On aurait cru qu'à la rédaction des accords commerciaux, c'est l'une des choses dont on traiterait. Mais à votre connaissance, cette question n'est abordée dans aucun des deux accords, n'est-ce pas?

M. Slocum : Non, pas à ma connaissance. C'est une question que soulève sans cesse le secteur horticole; des produits chimiques qu'on a cessé d'utiliser au pays sont parfois encore permis dans d'autres pays. On soulève très souvent ce point auprès de la fédération.

Le sénateur Mercer : Et nous savons que cela se produit...

M. Slocum : Oui.

Le sénateur Mercer : ... et que c'est inacceptable. C'est vraiment inacceptable que ces produits puissent rentrer au pays. C'est arrivé en ce qui concerne d'autres produits. Vous avez parfaitement raison.

Vous avez aussi parlé du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du programme d'apprentissage. En ce qui concerne le programme d'apprentissage, parlez-vous des programmes qui existent déjà ou d'un nouveau programme?

M. Slocum : Je crois que nous parlons de celui de l'Île-du-Prince-Édouard. On a lancé un programme d'apprentissage là-bas. Je crois que c'est la seule province qui en a un. Cela semble être un programme très intéressant.

Le sénateur Mercer : C'est un apprentissage pour devenir travailleur agricole?

M. Slocum : Oui, c'est sa raison d'être.

Le sénateur Mercer : Ce n'est pas trop tôt.

M. Slocum : Oui. Il est conçu pour faire revenir des travailleurs agricoles qualifiés dans les fermes.

Le sénateur Mercer : Ce n'est pas trop tôt. C'est très sensé. Je pense que c'est une initiative qui en vaut la peine.

Merci, messieurs.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup. C'est bien vrai. Un programme existait aussi dans l'une des usines de transformation des moules — et je crois qu'il se poursuit — en collaboration avec le système scolaire. Les élèves de 12e année pouvaient obtenir des crédits en tant que travailleurs. Ces travailleurs de l'école devaient présenter une demande, suivre un programme de formation et faire un certain nombre d'heures à l'usine. Le programme n'a pas été une réussite à 100 p. 100, mais somme toute, c'est très encourageant. Les jeunes qui ont participé au programme ont acquis beaucoup d'expérience et continueront probablement à travailler dans l'industrie. Il s'agit d'une voie intéressante qu'empruntent certains acteurs de l'industrie pour tenter de répondre au besoin de travailleurs qualifiés, et c'est un cours crédité pour les élèves.

M. Slocum : Permettez-moi de formuler un commentaire. Notre exploitation agricole a recours à des travailleurs agricoles temporaires depuis six ans. Nous n'en prenons que cinq environ. Nous embauchons une vingtaine de travailleurs saisonniers. Six d'entre eux sont des habitants de la région qui sont ce que j'appelle des travailleurs saisonniers à temps plein. Ils reviennent chaque année. L'idée d'un programme d'apprentissage me plaît. C'est un bon moyen de ramener ces personnes. Il est difficile de trouver des cueilleurs saisonniers, et c'est là où le Programme des travailleurs agricoles saisonniers cadre très bien avec l'industrie horticole, de notre côté de l'exploitation. Je pense que nous dépendons beaucoup du retour au travail des travailleurs agricoles saisonniers et des travailleurs en apprentissage, car ils effectuent une bonne partie des travaux liés à la récolte. Les autres font beaucoup de travaux de plantation et d'entretien, mais nous avons besoin de cet effectif de base durant 8, 10 ou 12 semaines. Cela convient très bien.

Le sénateur Mercer : J'ai l'impression que cela coûtera un peu plus cher. On devra payer davantage pour l'apprenti que pour le travailleur étranger temporaire, car on devient apprenti en vue de devenir agriculteur ou plombier, selon le domaine d'apprentissage. À un moment donné, cela coûtera plus cher.

M. Slocum : Je suis d'accord. Je pense que notre industrie a cette vision parce que nous voulons former ces gens afin qu'ils prennent la relève. Nous ne voulons pas que les travailleurs agricoles saisonniers reprennent nos entreprises agricoles, mais nous avons besoin de ces travailleurs. L'apprenti doit avoir un emploi. Il ne peut pas effectuer tout le travail. Nous n'avons besoin de cette aide supplémentaire que lorsque la récolte doit être faite. Ce programme suscite beaucoup d'intérêt, et il est logique de transférer les fermes, puisque beaucoup d'entre elles ne peuvent compter sur la génération suivante. Nous cherchons donc des personnes qui s'intéressent à l'agriculture et qui ne possèdent pas la ferme, mais qui y sont formées et qui pourraient prendre la relève.

Le sénateur McIntyre : Messieurs, je vous remercie de vos exposés, que j'ai trouvés très intéressants.

Ma question concerne le transport des produits agroalimentaires dans nos marchés, et comme vous l'avez indiqué, nous avons un marché intérieur et un marché d'exportation. L'infrastructure — et vous l'avez aussi mentionné dans votre mémoire — joue un rôle important dans l'évaluation de ces marchés. En ce sens, plusieurs témoins ayant comparu devant nous ont souligné l'importance d'avoir des infrastructures adéquates afin d'acheminer efficacement les produits agroalimentaires dans les marchés étrangers. Il y a environ cinq ans, le gouvernement fédéral a présenté la Stratégie sur la porte d'entrée et le corridor de commerce de l'Atlantique. Cette stratégie a-t-elle contribué à la hausse des exportations? Avez-vous des recommandations à formuler en vue d'améliorer cette stratégie?

M. Slocum : Voulez-vous répondre à celle-ci?

M. Oulton : Je ne saurais vous dire précisément si ces stratégies y ont contribué ou non. Je sais que dans le mémoire que j'ai ici, en ce qui concerne les problèmes liés au transport, on parle surtout des provinces insulaires, soit l'Île-du- Prince-Édouard et Terre-Neuve. À titre d'exemple, l'un des producteurs de pommes de terre avec qui j'ai discuté à l'Île- du-Prince-Édouard m'a confié qu'il lui en coûtait 1 250 $ pour faire expédier un conteneur à Halifax afin qu'il soit chargé sur un bateau. Ensuite, il lui en coûtait 250 $ pour l'expédier n'importe où dans le monde. Ce problème de transport touche l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve plus que n'importe quelle autre province.

Le sénateur McIntyre : D'après ce que je comprends, les stratégies doivent être développées tant sur le plan provincial que sur le plan fédéral, mais peut-être davantage sur le plan national pour vos besoins, pour les agriculteurs de l'Atlantique.

M. Oulton : Oui, et que cela comprenne ou non le fait de trouver un moyen de charger des navires porte-conteneurs à l'Île-du-Prince-Édouard, quelque part, pour les pommes de terre ou autre chose.

Le sénateur McIntyre : Au Canada atlantique, comme nous le savons tous, les agriculteurs sont plus âgés qu'ailleurs au Canada; les statistiques le prouvent. Le vieillissement de la population agricole met-il en question votre capacité de répondre à la demande en matière de produits agroalimentaires? Quelles sont vos recommandations afin de surmonter ce défi? Nous avons besoin de plus de jeunes agriculteurs, évidemment.

M. Oulton : Oui, et je ne sais pas. Je suis déchiré d'une certaine façon sur cette question, car déjà, au collège, j'entendais dire que les agriculteurs de la Nouvelle-Écosse étaient âgés en moyenne de 55 à 60 ans. C'était il y a 30 ans, et j'entends encore la même chose aujourd'hui.

Le sénateur McIntyre : Selon Statistique Canada, environ 53 p. 100 des agriculteurs du Canada atlantique ont au moins 55 ans, alors que ce pourcentage ne s'élève qu'à environ 48 p. 100 ailleurs au Canada.

M. Oulton : Oui, et je ne crois pas que ces chiffres ont changé au cours des dernières années. Je ne pense pas que le nombre augmente. À mon avis, il a fallu tout ce temps pour que la prochaine génération prenne la relève dans les fermes. Dans mon cas, mon père est âgé de plus de 70 ans. Il joue toujours un rôle très actif à la ferme, est encore actionnaire de l'entreprise et joue un rôle très actif dans la gestion de celle-ci. On dirait simplement qu'il faut un certain temps pour qu'il y ait un renouvellement.

Le sénateur McIntyre : Oui, il faut des années.

M. Oulton : Aussi, dans de nombreux cas, il n'y a pas assez d'argent à faire dans le secteur agricole dans les Maritimes pour garder les jeunes ici. Ils s'en vont toujours dans l'Ouest, là où il y a plus d'argent à faire et plus d'emplois; il est donc difficile de les garder à la ferme. Ce n'est qu'après avoir quitté la région et travaillé pendant un certain temps qu'ils reviennent ici et prennent la relève à la ferme.

Le sénateur McIntyre : Selon ce que je comprends, soit les jeunes agriculteurs prendront la relève, soit nous devrons faire entrer au pays des travailleurs étrangers.

M. Oulton : Oui.

Le sénateur McIntyre : Voilà qui résume bien la situation. Merci.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Ma question porte sur les aliments biologiques.

Le Canada s'intéresse maintenant aux aliments biologiques. Dans les provinces de l'Atlantique, les aliments biologiques commencent tout juste à être populaires, alors qu'ailleurs au Canada, les gens consomment plus d'aliments biologiques que nous en produisons. Donc, est-ce que vos membres ont commencé à avoir recours à cette technique ou à produire des aliments biologiques destinés à l'exportation? Où en sont-ils?

M. Slocum : Je pense que s'il en est ainsi au Canada atlantique, c'est peut-être parce que les agriculteurs sont plus âgés. Je pense aussi au plan de relève. Comme nous sommes un peu en retard pour ce qui est de la relève, il est question ici de la jeune génération. Il y a beaucoup de production biologique dans l'industrie horticole. Il y a beaucoup de petites entreprises en démarrage qui se spécialisent dans les produits biologiques. Il n'y a pas autant de production biologique dans les fermes qui sont exploitées par la même famille depuis plusieurs générations. Je pense que c'est parce que les agriculteurs plus âgés ne voient pas l'avantage de produire des aliments biologiques; en tout cas, selon ce que l'on constate au Nouveau-Brunswick, c'est l'opinion qu'ils ont. La prochaine génération, elle, ne veut pas laisser passer cette occasion. Ce n'est pas très courant dans les fermes qui sont exploitées par la même famille depuis des générations, mais à mesure que les générations se succéderont, je pense que de plus en plus, ce sera une réalité. C'est ce qui se produit en ce moment dans le secteur horticole. La croissance est attribuable à ces petites entreprises de production biologique. Au Nouveau-Brunswick, ce sont des fermes d'environ quatre ou cinq hectares.

Le sénateur Oh : Donc, qu'en est-il de la consommation à l'échelle locale? Avez-vous observé de nouvelles tendances en ce qui concerne les achats?

M. Slocum : Oui, pas nécessairement dans les magasins, mais nous observons des changements qui touchent les marchés agricoles, les ventes directes et les étals au bord de la route. Ceux qui les exploitent constatent que les gens réclament des aliments biologiques, sans pesticide ou provenant d'animaux élevés en liberté, par exemple. Je n'ai pas constaté que l'on fait la promotion de ces produits; par ailleurs, les grossistes comme Sobeys et les autres grandes chaînes ne les réclament pas autant ici, au Canada atlantique, ou au Nouveau-Brunswick, par exemple. Mais oui, dans les étals au bord de la route, on observe un mouvement vers la vente directe au consommateur. Je pense que c'est ce qu'ils recherchent.

M. Oulton : Je confirme ces observations. Je pense qu'aujourd'hui, les consommateurs veulent plus que jamais savoir d'où proviennent leurs aliments et comment ils sont produits. Nous avons un abattoir et nous vendons nos produits sur les lieux, dans une boutique. Nous vendons de la viande et d'autres produits, et tous les jours, les gens nous posent de plus en plus de questions sur la façon dont les aliments sont produits et sur ce qu'ils contiennent. Les consommateurs sont de plus en plus informés au sujet des aliments qu'ils souhaitent consommer.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie tous les deux d'être ici avec nous cet après-midi.

L'accès aux terres agricoles représente un défi dans l'agriculture moderne, compte tenu de l'importance que revêt la production agricole et du fait que les villes prennent de l'expansion dans les régions rurales. En 2014, dans les provinces de l'Atlantique, la valeur des terres agricoles a augmenté de 7 p. 100. Quelles sont les répercussions de cette augmentation sur la communauté agricole, y compris sur les jeunes agriculteurs? Je constate aussi que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a entrepris des consultations qui portent sur la politique relative aux terres agricoles. Je me demande comment vos membres ont accueilli ces consultations?

M. Slocum : Au cours des dernières années, l'Alliance agricole du Nouveau-Brunswick a exercé beaucoup de pressions sur le gouvernement afin qu'il présente une politique relative aux terres agricoles pour le Nouveau- Brunswick. Nous y tenons mordicus, car nous constatons que dans la province, beaucoup de terres agricoles ne sont pas utilisées ou sont laissées à l'abandon. Des villes empiètent sur ces terres et y font de la construction, mais la majorité est tout simplement inutilisée, car personne ne manifeste d'intérêt à cet égard. Des agriculteurs voudraient les utiliser, mais certaines de ces terres ne sont pas mises à leur disposition; on prélève plutôt la couche arable, qui est utilisée comme terre végétale ou terre à gazon. Ces terres sont utilisées pour des cultures qui ne sont pas nécessairement liées à l'industrie alimentaire, comme celles utilisées à des fins cosmétiques. Je ne sais pas si on peut parler de cultures cosmétiques, mais ce que je veux dire, c'est qu'on y cultive du gazon et d'autres produits qui ne sont pas des aliments. Dans notre région rurale, les fermes qui ne cultivent pas de fruits, de légumes ou de foin ou qui n'élèvent pas d'animaux semblent maintenant se tourner vers la production de gazon, ou alors, elles laissent la nature reprendre ses droits sur les terres.

Je sais que nous avons exercé beaucoup de pressions. Nous constatons que cela donne de bons résultats auprès du gouvernement du Nouveau-Brunswick, car celui-ci souhaite faire adopter une politique sur les terres agricoles afin que celles-ci demeurent à un prix raisonnable et soient assujetties à un impôt foncier raisonnable. La revente de certaines fermes représente un enjeu, tout comme les autres transactions de ce type; c'est un aspect qui a d'ailleurs été soulevé par nos membres, qui font partie de l'alliance.

La sénatrice Hubley : Savez-vous si d'autres provinces examinent aussi ce type d'utilisation des terres ou ce type de projet?

M. Slocum : Je pense que la Colombie-Britannique a une politique à cet égard. Je sais que nous nous sommes penchés là-dessus. Je pense qu'au Canada, trois provinces ont déjà mis en œuvre des politiques sur les terres agricoles et que deux ou trois autres provinces se penchent sur cette question à l'heure actuelle, et qu'elles en sont rendues à peu près au même point que le Nouveau-Brunswick. C'est la situation actuelle.

M. Oulton : En Nouvelle-Écosse, nous essayons aussi d'élaborer une politique sur les terres agricoles. Le prix de celles-ci augmente dans la province, et de plus en plus, on empiète sur ces terres. Une bonne partie de nos terres agricoles sont utilisées pour de nouvelles constructions, qu'il s'agisse de logements ou d'autres édifices. Donc, nous essayons d'élaborer une politique de concert avec le gouvernement provincial, pour que nous puissions peut-être mettre en place un système bancaire lié aux terres agricoles, ou quelque chose du genre, pour que les agriculteurs puissent recevoir un montant correspondant à la valeur réelle de leurs terres lorsque celles-ci font partie d'un projet d'aménagement, par exemple. Ces sommes seront ensuite placées en fiducie, si on veut, et si un jeune agriculteur souhaite acheter les terres, celles-ci lui seront vendues au prix qu'elles valent pour l'exploitation agricole, et non pour l'aménagement. De plus, nous essayons aussi d'élaborer une politique qui nous permettrait d'accroître l'accès aux terres de la Couronne pour des projets agricoles, comme la culture de bleuets et la production de sirop d'érable, par exemple.

La sénatrice Hubley : Les agriculteurs des provinces de l'Atlantique, comme ceux ailleurs Canada, réclament une politique alimentaire nationale. Est-ce que c'est ce que vos membres proposent? Estimez-vous qu'au Canada, nous en sommes arrivés au point où il faut mettre en œuvre une politique alimentaire, ou croyez-vous que les lois et les règlements en vigueur sont adéquats?

M. Slocum : Je sais que le gouvernement du Nouveau-Brunswick travaille en ce moment sur une stratégie relative aux aliments et aux boissons. L'alliance a beaucoup travaillé avec le gouvernement afin de lui donner de la rétroaction à ce sujet. On a demandé aux membres du Nouveau-Brunswick de faire valoir la nécessité d'établir une stratégie alimentaire locale pour que les gens puissent appuyer le plus possible les producteurs locaux et acheter leurs produits. Donc, oui, je pense que c'est une proposition de nos membres.

M. Oulton : Encore une fois, je suis d'accord avec lui. Je pense qu'il est bon de mettre en œuvre une politique alimentaire pour que les consommateurs soient mieux renseignés sur ce qu'ils veulent manger ou non. Ces politiques doivent être mises à jour constamment. En effet, ce qui était pertinent il y a 10 ans ne sera peut-être plus pertinent dans 5 ans.

La sénatrice Hubley : Merci.

Le sénateur Mercer : J'aimerais revenir sur un aspect que vous avez mentionné il y a quelques instants. Vous avez parlé de l'accès aux terres de la Couronne. Supposons que vous avez accès aux terres de la Couronne et que vous exportez les produits qui proviennent de ces terres vers les États-Unis, ce qui pourrait arriver dans bien des cas, car c'est une solution pratique. Quelles seront les répercussions du point de vue de l'ALENA? Les Américains prétendent que l'industrie du bois d'œuvre est subventionnée parce que la production s'effectue sur les terres de la Couronne, entre autres choses. Nous savons que c'est complètement faux. Je soulève la question parce que les Américains conservent plus de 1 milliard de dollars dans un compte en banque, qui demeurent inutilisés.

Savez-vous à qui cette somme appartient? Elle appartient au Canada, car lorsque nous avons conclu le dernier accord sur le bois d'œuvre, nous avons renoncé à une somme de 1 milliard de dollars. Bien entendu, les États-Unis ont immédiatement placé cet argent dans un compte en banque et déclaré qu'ils conservaient cette somme en vue du prochain différend. Donc, si jamais il y avait un différend, ils disposent déjà des sommes nécessaires.

Ma question est la suivante : pensez-vous que les droits d'accès aux terres de la Couronne doivent être gérés avec soin pour que les produits qui proviennent de celles-ci ne soient pas exportés chez nos amis les Américains? En fait, je crois qu'ils contesteraient devant les tribunaux l'exportation de ces produits, quel que soit l'endroit où ils sont acheminés, car pour eux, ils représentent une menace pour leurs marchés potentiels.

M. Oulton : Selon ce que je comprends du fonctionnement de ce programme, personne ne jouira d'un libre accès à ces terres. Celles-ci seront louées pour une période d'environ 20 ans.

Le sénateur Mercer : Elles sont louées à un montant qui correspond à la valeur marchande?

M. Oulton : Je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur Mercer : D'accord. N'y répondez pas, mais ne l'oubliez pas.

M. Oulton : Oui.

Le sénateur Day : La réponse à la question est oui, bien sûr. Nous payons un montant supérieur à celui que nous devrions payer.

Messieurs, j'ai écouté votre présentation. Vous avez soulevé divers aspects, et dans la majorité des cas, les choses étaient claires et évidentes. Cela dit, il y a un aspect qui n'est pas clair pour moi. Je vais lire l'extrait en question : « De plus, puisque le programme Agri-marketing exige des fonds de contrepartie, les producteurs et les transformateurs de bleuets sauvages voient leurs cotisations jouer le rôle d'un investissement qui rapporte. » Qu'est-ce que cela signifie?

M. Oulton : Le programme Agri-marketing est financé par le gouvernement fédéral, selon un modèle de partage des coûts entre le gouvernement et les groupements de producteurs spécialisés. Dans le cas des bleuets sauvages, chaque producteur paie des redevances à son association. Le gouvernement fédéral verse ensuite un montant qui correspond à ces redevances pour ouvrir l'accès à d'autres marchés.

Le sénateur Day : Vous dites que cela leur procure un rendement?

M. Oulton : Eh bien, ils constatent que c'est efficace pour eux.

Le sénateur Day : Parce que leurs redevances augmentent?

M. Oulton : Non. Parce qu'ils paient ces redevances, ils profitent d'une augmentation de la demande.

Le sénateur Day : Oh, donc, ils constatent que les redevances qu'ils paient ont un effet.

M. Oulton : Oui.

Le sénateur Day : Et le gouvernement fédéral verse une contribution équivalente?

M. Oulton : Oui.

Le sénateur Day : D'accord. Maintenant, je comprends. Donc, la Fédération de l'agriculture de l'Atlantique est composée de quatre fédérations provinciales. Est-ce que les producteurs doivent être membres de leur fédération provinciale ou est-ce optionnel?

M. Slocum : Au Nouveau-Brunswick, la participation est encore optionnelle. Les producteurs peuvent faire partie de deux fédérations. Il y a le Syndicat national des cultivateurs et l'Alliance agricole, mais les producteurs peuvent aussi décider de n'être membres d'aucune des deux fédérations.

Le sénateur Day : Est-ce que ceux qui sont membres d'une fédération en tirent des avantages? Doivent-ils verser de l'argent à la fédération, ce qui leur permet de recevoir quelque chose en retour?

M. Slocum : Oui, ceux qui sont membres d'une fédération ont un avantage, car celle-ci les représentera. Au Nouveau-Brunswick, seuls ceux qui sont membres d'une association ont droit à la remise de taxe sur le carburant agricole; par exemple, ils ont droit à la réduction du prix du carburant. Ceux qui sont membres de l'alliance profitent de divers avantages, tout comme ceux qui sont membres du Syndicat national des cultivateurs, car nous sommes une association reconnue, et je crois que les autres le sont aussi. Les gens ne versent plus d'argent à l'association. Ils versent l'argent directement au gouvernement, et celui-ci accorde ensuite des fonds à notre association, ce qui lui permet de poursuivre ses activités.

Avant que l'association soit reconnue par le gouvernement, elle percevait elle-même l'argent; elle éprouvait aussi beaucoup de difficultés, parce que bien des gens décidaient de ne pas s'inscrire, ou alors, ils s'inscrivaient pour une année, mais ne renouvelaient pas leur inscription l'année suivante. Puisque seuls les membres d'une association peuvent profiter de certains avantages, comme la carte d'exemption de la taxe des agriculteurs, et qu'ils jouissent d'autres avantages très importants, le nombre de membres augmente véritablement. Ceux qui ne sont pas membres d'une association ne peuvent pas profiter de ces avantages.

Le sénateur Day : C'est peut-être un incitatif.

M. Slocum : Oui.

Le sénateur Day : Vous croyez donc qu'il existe une situation semblable dans chacune des autres provinces de l'Atlantique?

M. Slocum : Oui, autant que je sache.

M. Oulton : En Nouvelle-Écosse, si vous n'êtes pas membre de notre fédération, vous n'êtes admissible à aucun financement du gouvernement provincial.

M. Slocum : Oui.

M. Oulton : Pour présenter une demande de financement au gouvernement provincial, vous devez être membre de notre organisation. Les membres jouissent également d'autres avantages.

Le sénateur Day : Les fédérations de l'agriculture provinciales ou des provinces de l'Atlantique offrent-elles une attestation des bonnes pratiques agricoles ou quelque chose de ce genre?

M. Slocum : Eh bien, je sais qu'au Nouveau-Brunswick, les fédérations se chargent des plans agroenvironnementaux et de ce genre de choses. Ce sont nos meilleures pratiques de gestion, et c'est ainsi qu'elles donnent l'accréditation aux agriculteurs.

Le sénateur Day : Et l'agriculteur peut ensuite l'utiliser dans le cadre de son plan de commercialisation?

M. Slocum : Nous l'utilisons pour cela. Nous l'utilisons pour obtenir du financement. On ne peut avoir accès à une grande partie du financement offert par le gouvernement provincial à moins d'avoir obtenu une accréditation comme le plan agroenvironnemental et d'autres mesures de ce genre. Tout cela est exécuté par l'intermédiaire de notre association. C'est elle qui s'occupe de ce genre de chose.

Le sénateur Day : Merci. C'est bon à savoir.

Le sénateur Oh a posé des questions au sujet de l'agriculture biologique, et nous avons entendu plus tôt aujourd'hui que la demande ou le désir d'intervenir dans ce domaine pourrait avoir atteint un plateau. Est-ce aussi votre expérience ou y a-t-il toujours une demande croissante pour ce type particulier d'agriculture?

M. Slocum : Au Nouveau-Brunswick, nous constatons toujours une bonne croissance. C'est ce que j'appelle l'agriculture au service de la collectivité. La croissance que nous constatons du côté de l'horticulture est attribuable à ce petit marché. Les gens ont recours aux marchés directs. Ils établissent des comptoirs routiers ou ils vendent directement aux consommateurs par l'intermédiaire de paniers d'aliments biologiques. Je crois que c'est toujours en croissance au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Day : Mais vendre ses produits à un comptoir dans son exploitation agricole ne constitue sans doute pas une partie importante de la production.

M. Slocum : Non, cela ne constitue pas la partie la plus importante de la production, mais il y a de nouveaux venus du côté de l'horticulture, parce qu'ils peuvent commencer petits puis, prendre de l'ampleur. Au Nouveau-Brunswick, l'industrie de la pomme de terre est très importante, et les exploitations agricoles se situent surtout dans la partie nord de la province.

Le sénateur Day : Au Nouveau-Brunswick?

M. Slocum : Oui. C'est là où ont lieu la plupart des activités agricoles liées à l'horticulture, et la pomme de terre en fait partie. L'industrie des légumes n'est pas aussi importante au Nouveau-Brunswick qu'elle l'est en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Day : L'agriculture biologique en Nouvelle-Écosse?

M. Oulton : Je le répète, je n'en suis pas certain. On voit de nombreuses petites exploitations qui font pousser des légumes biologiques. Il est difficile de l'affirmer avec exactitude parce que de nombreux petits producteurs biologiques ne deviennent pas membres de la fédération. Nous tentons d'établir davantage de liens avec eux, et je ne sais pas dans quelle mesure nous y arriverons.

Le sénateur Day : Nous nous intéressons particulièrement aux marchés internationaux et à la façon dont notre production ici peut croître suffisamment pour approvisionner les marchés internationaux. Ce que vous me dites, c'est que ce n'est pas ce qui se passe, selon votre fédération.

M. Slocum : Non, nous ne serions pas en mesure de l'évaluer. Le marché des produits biologiques n'est pas suffisamment important pour que les produits soient exportés.

Le sénateur Day : Qu'en est-il d'autres termes utilisés comme Catégorie Canada A ou le bœuf nourri au grain? Il s'agit d'approches en matière de marketing. Y a-t-il des produits locaux? Je pense à de nombreux produits que je vois. Constatez-vous qu'il y a beaucoup de produits de ce genre ou est-ce de nouveau l'approche liée au marché local qui est utilisée?

M. Oulton : Non, je crois que l'on voit davantage cette approche. Même certains des plus gros producteurs ont recours à cette approche, qu'il s'agisse de la Catégorie A ou quelque chose d'autre. C'est plutôt comme une marque.

Le sénateur Day : Oui.

M. Oulton : On constate davantage le recours à une image de marque. Même dans les gros supermarchés, on constate qu'une image de marque est utilisée pour de plus en plus de produits.

Le sénateur Day : Comme les petits autocollants sur les pommes ou les oranges.

M. Oulton : Oui, c'est cela.

Le sénateur Day : Je suppose qu'il n'y a pas beaucoup d'oranges qui sont cultivées au Canada.

M. Oulton : Non, pas dans les Maritimes.

Le sénateur Day : Est-ce la même situation au Nouveau-Brunswick? Y constatez-vous le même genre d'activités de marketing?

M. Slocum : Oui, nous constatons la même situation au Nouveau-Brunswick également.

Le sénateur Day : Qui est responsable de l'accréditation? Votre fédération intervient-elle à cet égard?

M. Slocum : Non, les fédérations n'offrent pas une accréditation pour cela. Je ne crois pas qu'il y ait réellement d'accréditation dans ce domaine.

M. Oulton : Non, certains pourraient être accrédités par l'intermédiaire de leur groupement de producteurs.

Le sénateur Day : Merci.

Le sénateur Mockler : J'ai quelques questions, puisque nous venons d'aborder la puce B de l'ordre de renvoi, c'est-à- dire l'amélioration durable des capacités de production de la chaîne d'approvisionnement. D'après Statistique Canada, de 2010 à 2014, les revenus agricoles nets étaient positifs dans les provinces de l'Atlantique, à l'exception de Terre- Neuve-et-Labrador. Pouvez-vous expliquer pourquoi, si vous disposez de cette information, les revenus agricoles nets étaient négatifs à Terre-Neuve-et-Labrador et positifs dans les autres provinces de l'Atlantique?

M. Oulton : Dans les trois provinces, à tout le moins. Je ne sais pas exactement pourquoi ils étaient négatifs à Terre- Neuve.

M. Slocum : Moins d'activités de traitement peut-être?

M. Oulton : Oui, c'est peut-être cela. Je ne suis pas certain. Il y a peut-être moins d'agriculteurs là-bas. Dans les autres provinces, les revenus augmentent parce qu'un plus grand nombre de consommateurs achètent des produits locaux. Cela s'est avéré un grand avantage pour la production dans les Maritimes.

M. Slocum : J'ajouterais que c'est probablement lié aux capacités de transformation à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick par comparaison à Terre-Neuve, notamment dans le secteur de la transformation des pommes de terre et des bleuets sauvages. Je ne crois pas que Terre-Neuve dispose des mêmes capacités que les trois autres provinces mentionnées.

Le sénateur Mockler : D'accord. Alors, nous ne savons pas.

Vos agriculteurs ont-ils pu investir dans le développement de nouvelles technologies afin d'améliorer leur productivité et leur compétitivité? Comme nous le savons tous, en 2050, il y aura plus de neuf milliards de personnes à nourrir.

M. Slocum : En ce qui concerne les programmes et les cadres stratégiques de Cultivons l'avenir, je crois qu'un grand nombre d'agriculteurs au Nouveau-Brunswick et dans la plupart des autres provinces en profitent. Ces programmes offrent de 40 à 50 p. 100 du financement à frais partagés lorsque les agriculteurs investissent dans les nouvelles technologies. Un grand nombre d'agriculteurs s'inscrivent aux programmes. Je crois qu'un grand nombre d'exploitations agricoles importantes ont recours à la nouvelle technologie.

Le sénateur Mockler : L'innovation technologique?

M. Slocum : Oui, l'innovation technologique.

Le sénateur Mockler : Souhaitez-vous ajouter quelque chose pour la Nouvelle-Écosse?

M. Oulton : J'allais simplement ajouter que, selon moi, tous ces agriculteurs veulent être plus efficaces, et cette nouvelle technologie les rend plus efficaces, qu'il s'agisse de l'industrie laitière, où l'on a recours à des robots pour la traite ou pour d'autres activités.

Le sénateur Mockler : Selon le rapport de 2010 qui a été présenté et qui est intitulé Opportunities and Challenges in Atlantic Agriculture, l'importation d'aliments fait partie des facteurs qui pourraient nuire à la rentabilité des fermes du Canada atlantique. Je vais revenir sur ce que le sénateur Oh a dit. Croyez-vous que les détaillants alimentaires du Canada atlantique devraient s'approvisionner autant que faire se peut auprès des agriculteurs et transformateurs du Canada atlantique? J'aimerais savoir pourquoi vous estimez qu'il s'agit d'une approche pertinente en ce qui concerne les activités de production et la chaîne d'approvisionnement pour les consommateurs.

M. Slocum : Ce serait vraiment très bien de pouvoir l'imposer aux épiceries et aux grandes surfaces. Je crois que, en ce qui concerne le Canada atlantique, il n'y a que quelques marchandises que nous pourrions fournir, et le reste, nous ne le pouvons pas. C'est là où les grandes surfaces ont un avantage. Si l'agriculteur ne peut pas fournir le produit, il ne peut pas entrer sur ce marché et il ne dispose pas d'une chance équitable. C'est l'avantage qu'elles ont, je crois. Ce serait bien si elles étaient tenues d'acheter en premier des produits provenant du Canada atlantique puis, d'acheter ailleurs des produits qu'on ne peut pas fournir, mais la situation est ainsi.

M. Oulton : Je suis d'accord avec cette explication.

Le sénateur Mockler : Je vais vous dire quelque chose. Lorsque je vais chez Costco, Walmart ou même Atlantic Superstore, Sobeys ou IGA, j'essaie de trouver des produits locaux. Certaines régions du Canada atlantique font de l'excellent travail ou un travail raisonnable, mais d'autres régions font un moins bon travail. Je vais parfois chez nos amis au sud de la frontière. J'étais à Presque Isle, dans le Maine, il y a environ un mois, et j'ai examiné leur style de commercialisation. C'était évident qu'ils mettaient l'accent sur les produits agricoles locaux. Croyez-vous que nous ne déployons pas suffisamment d'efforts à cet égard?

M. Slocum : Oui, en effet. Certains producteurs de légumes se plaignent de cela continuellement. Ils se plaignent que leurs produits ne sont pas vendus dans les commerces parce qu'ils ne peuvent pas offrir un volume suffisant. C'est l'excuse qui est constamment utilisée. Par exemple, chez Costco, nous avons parlé au directeur des fruits et des légumes qui était sur place. Nous produisons des tomates. Nous lui avons donc demandé pourquoi le magasin ne vendait pas nos tomates pendant le mois de septembre. Il nous a répondu qu'il vendait mille caisses de tomates par semaine et que, si toutes nos tomates étaient vendues en trois jours, nous ne pourrions pas leur en fournir davantage. Je lui ai dit que je vais chercher des lampes, par exemple, ou quelque chose d'autre chez Costco. Ils les ont un jour puis, ils ne les ont plus lorsque j'y retourne. Il m'a dit que le magasin n'en recevait plus. Je lui ai donc répondu que c'est la même chose pour les tomates. Vous en avez cette semaine. Il n'y en a plus la semaine suivante puis, la semaine d'après vous en avez d'autres. Vous pourriez vendre nos produits, et cela permettrait d'accroître le nombre de consommateurs. Les commerces ne font que répondre que nous ne pouvons pas leur fournir ce dont ils ont besoin parce que nous n'avons pas un volume suffisant. Voilà leur mentalité. Si nous achetons un article chez Costco et qu'ils l'ont en stock pendant deux jours puis, qu'ils ne l'ont plus lorsque nous y retournons un autre jour, ils n'en font pas venir d'autres.

Il n'a pas pu répondre à ma question, mais il m'a dit qu'il n'achèterait pas le produit parce que nous ne pouvons lui en fournir un volume suffisant.

Le sénateur Mockler : Alors nous devons encourager les associations à se regrouper et à envoyer une lettre à Costco Canada ou aux autres grandes surfaces.

M. Slocum : Oui.

Le sénateur Mockler : Si l'on tient compte du fait que les gens préfèrent des produits alimentaires diversifiés et du fait que les collectivités changent parce qu'un plus grand nombre d'immigrants viennent au Canada, est-il difficile pour le Canada atlantique de rivaliser avec la concurrence étrangère, de s'y adapter ou même d'encourager les agriculteurs à cultiver des produits pouvant s'ajouter aux produits locaux?

M. Slocum : Je dirais qu'il y a un potentiel de croissance et d'augmentation de la productivité en raison des immigrants qui s'installent au Canada. Je crois que ce sont les jeunes générations qui s'en chargeront. Ce seront-elles qui verront l'avantage. Il est difficile de faire changer un agriculteur âgé de 55 ans. J'estime qu'il y a un certain espoir pour la prochaine génération. Il y aura ce marché à créneaux, qui augmentera le mouvement pour toutes les activités.

M. Oulton : D'après notre expérience du marché ethnique, nous vendons une quantité importante de viande rouge sur le marché de Halifax, notamment pour la communauté musulmane. Ce que nous constatons chez la jeune génération, c'est qu'ils veulent des produits plus adaptés au Canada par rapport à ce qu'ils utilisaient dans leur pays d'origine. Je crois que cela va dans les deux sens.

Le sénateur Day : Si j'ai bien compris, l'islam exige que l'animal soit abattu d'une façon particulière?

M. Oulton : Oui.

Le sénateur Day : Offrez-vous ce service?

M. Oulton : Oui. Il y a un homme musulman qui vient travailler chez nous deux jours par semaine.

Le sénateur Day : Cela m'intéresse parce qu'il s'agit d'un marché à créneaux. Comment en êtes-vous arrivé à percer ce marché particulier?

M. Oulton : Cela s'est produit il y a probablement 30 ans lorsque mon père est arrivé dans la région. Cela s'est produit il y a probablement plus longtemps que cela. C'était au début des années 1970. Nous venions tout juste de commencer nos activités d'abattage et avons créé des liens avec certains musulmans à Halifax. Nous avons commencé à leur offrir des services, et, par la suite, de plus en plus de clients musulmans sont venus se procurer des produits chez nous.

Le sénateur Day : Il y a une communauté musulmane croissante à Montréal et à Toronto. Avez-vous envisagé la possibilité d'offrir vos produits à cette communauté en particulier?

M. Oulton : Nous ne l'avons pas fait puisque les inspections effectuées relèvent de la province. Nous ne sommes pas autorisés à exporter nos produits à l'extérieur de notre province. Nous avons déjà de la difficulté à répondre à la demande du marché de Halifax ou de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Day : Le marché des consommateurs musulmans vient d'augmenter de façon considérable.

M. Oulton : Oui, c'est bien le cas.

Le président : En raison de l'arrivée de réfugiés.

M. Oulton : Il est aussi question, toutefois, de nouvelles règles qui vont faire en sorte qu'il nous sera plus difficile d'offrir nos services à la communauté musulmane.

Le sénateur Day : Voilà qui est intéressant.

[Français]

Le président : J'ai une petite question pour vous. En Nouvelle-Écosse, il y a une particularité au niveau des pommes. La Honeycrisp, qui est connue à l'échelle internationale, est particulièrement dispendieuse lorsqu'on l'achète au Québec et ailleurs au Canada. Est-ce que les nouvelles technologies agricoles permettront à ces pomiculteurs de prendre de l'expansion afin d'offrir une plus grande quantité de pommes sur le marché canadien?

[Traduction]

M. Oulton : Oui, nous produisons également des pommes Honeycrisp. Il y a beaucoup de frais supplémentaires liés à la production de ces pommes par rapport à d'autres pommes parce qu'elles nécessitent plus de travail. Lorsqu'on cueille une pomme Honeycrisp, il faut couper la tige, ce qui signifie que ces pommes ne peuvent pas être cueillies de façon mécanique. Il y a donc plus de coûts liés à la production des pommes Honeycrisp. De nouvelles technologies sont élaborées. Il y a notamment différentes façons de planter les arbres, qu'il s'agisse de petits arbres ou de porte-greffes. Les arbres restent ainsi plus petits. Ils sont plus faciles à tailler, et les fruits peuvent être cueillis plus facilement. Je connais un producteur qui l'an dernier a acheté un chariot qui circule dans le verger. Cinq hommes cueillent les fruits, et le chariot circule très lentement. Grâce à cet appareil, la production a à peu près triplé.

Le président : Merci beaucoup, messieurs, de nous avoir fourni ces renseignements et d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Bonne chance dans l'avenir.

(La séance est levée.)

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