Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 10 - Témoignages du 12 mai 2016
OTTAWA, le jeudi 12 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, vice-président du comité. Je demande d'abord à mes collègues de bien vouloir se présenter, en commençant par ma collègue à ma gauche.
[Français]
La sénatrice Tardif : Bonjour. Je suis Claudette Tardif, de la province de l'Alberta.
Le sénateur Pratte : André Pratte, de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le vice-président : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien est un rouage important de l'économie nationale.
En fait, en 2013, il pourvoyait à un emploi sur huit au Canada, c'est-à-dire à plus de 2,2 millions d'emplois et à près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut canadien. En 2014, 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires lui ont été imputables. En 2014 aussi, le Canada était, en importance, le cinquième exportateur mondial de produits agroalimentaires.
Le Canada a conclu plusieurs accords de libre-échange. Jusqu'ici, 11 sont en vigueur : l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne, le Partenariat transpacifique et l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine, tandis que les négociations se poursuivent sur huit accords de libre-échange. Le gouvernement fédéral entreprend aussi des discussions préliminaires sur le commerce avec quatre pays ou groupe de pays : la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et le Mercosur, lequel englobe l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.
Nous accueillons les représentants des Producteurs d'œufs d'incubation du Canada : son président, M. Jack Greydanus; son directeur général, M. Giuseppe Caminiti; et la directrice générale de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, Mme Claire Citeau. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous entendrons votre témoignage dans un moment.
La période de questions suivra les exposés des témoins. Chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser ses questions avant que le président ne donne la parole à un de ses collègues. Il y aura autant de séries de questions que possible. Inutile, donc, pour les sénateurs, de se dépêcher pour essayer d'obtenir toutes ses réponses du premier coup. Pendant la période de questions, je demande aux sénateurs d'être brefs et d'aller directement au but et, aux témoins, de faire de même dans leurs réponses, de manière à diluer le moins possible la teneur de nos discussions.
Nous commençons par Mme Citeau. Vous avez la parole.
[Français]
Claire Citeau, directrice générale, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Merci de m'avoir invitée aujourd'hui au nom de l'ACCA, l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire.
[Traduction]
L'ACCA parle au nom des exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires canadiens. Nous sommes une coalition d'organisations nationales et régionales qui coopèrent en vue de favoriser un environnement commercial international plus ouvert et plus équitable pour le secteur agricole. Nos membres représentent des éleveurs, des producteurs, des transformateurs et des exportateurs des plus grands secteurs agricoles, notamment le bœuf, le porc, les céréales, les oléagineux, le sucre, les légumineuses, le soya et le malt.
Nos membres sont à l'origine de plus de 90 p. 100 des exportations agricoles et agroalimentaires canadiennes, soit environ 50 milliards de dollars par année. L'activité économique qui en découle soutient des centaines de milliers d'emplois dans l'agriculture et la transformation alimentaire.
Je voudrais bien faire comprendre au comité l'importance d'un accès compétitif aux marchés mondiaux pour assurer la viabilité à venir du secteur agricole canadien axé sur les exportations. Le monde est mouvant. Pourquoi un transformateur du Manitoba devrait-il obtenir moins qu'un transformateur du Dakota du Nord? Un agriculteur du Québec moins qu'un agriculteur de l'Australie? L'accès compétitif veut dire que les producteurs et exportateurs canadiens ont un accès au moins égal aux marchés dont profitent leurs homologues d'Australie, des États-Unis et d'autres marchés. Il dépend des accords de libre-échange qui ont supprimé les tarifs et les barrières non tarifaires. Parce que le Canada bénéficie de ressources naturelles abondantes et des conditions propices à une production alimentaire qui dépasse amplement les besoins de notre population, son secteur agroalimentaire est principalement axé sur les exportations.
Comme vous le savez, nous exportons plus de la moitié de ce que nous produisons : 50 p. 100 de notre bœuf, 65 p. 100 de notre soya, 70 p. 100 de notre porc, 75 p. 100 de notre blé, 90 p. 100 de notre canola, 95 p. 100 de nos légumineuses et 40 p. 100 de nos produits alimentaires transformés. Neuf agriculteurs canadiens sur dix exportent leurs produits directement ou les vendent ici à des prix établis par les marchés internationaux. Un emploi sur deux dépend des marchés internationaux et des cultures agricoles; et un emploi sur quatre de la fabrication de produits alimentaires. Les débouchés pour l'exportation favorisent la croissance. Au cours des dix dernières années, nos exportations ont augmenté de 77 p. 100, ce qui s'est traduit par une augmentation de près de 50 p. 100 des recettes agricoles.
Aujourd'hui, l'Organisation mondiale du commerce continue de servir de fondation au commerce international. Même si le programme de Doha n'avance pas aussi vite que nous l'avions espéré, l'OMC reste la principale tribune pour la réalisation de gains mondiaux justes et réciproques en commerce international. C'est la meilleure tribune pour aborder la question des subventions nationales et de la concurrence à l'exportation. L'OMC continue de fixer des règles et elle demeure, à l'échelle mondiale, le principal organisme de règlement des différends.
Cependant, le régime de politique commerciale mondiale demeure incertain pour les produits agricoles. L'agriculture a toujours été un secteur très sensible de la libéralisation du commerce international en raison de son importance pour la sécurité alimentaire nationale et le développement rural et de sa dépendance du climat et de la nature. L'agriculture demeure l'une des industries les plus protégées dans le monde, et cette protection se présente sous la forme de divers obstacles à l'accès aux marchés, subventions à l'exportation et barrières non tarifaires.
Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une ère de libéralisation concurrentielle du commerce dans laquelle les pays se font concurrence pour obtenir un accès préférentiel, grâce à des accords bilatéraux et à des accords de libre-échange régionaux. Aujourd'hui, pas moins de 620 accords ont été notifiés à l'OMC, et plus de 400 sont en vigueur. Il s'agit probablement de l'une des tendances les plus importantes du commerce mondial des dernières années. Il en résulte une multitude d'accords de libre-échange de portée variable qui sont négociés dans le monde entier. Certains de ces accords sont même négociés avec des pays qui, traditionnellement, ne sont pas réputés pour être des partisans du libre-échange, par exemple le Japon.
Pour notre secteur agricole qui dépend du commerce, qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que, pour nous, la concurrence sur les marchés internationaux n'est pas un choix, c'est une nécessité. La compétitivité internationale de notre secteur dépend maintenant de la rapidité des négociations et de celle de la mise en place d'accès préférentiels ou équivalents à ceux que recherchent nos concurrents sur les marchés. L'agriculture canadienne l'a déjà vécu avec la Corée du Sud quand ce marché de 1 milliard de dollars a été réduit à presque rien, du jour au lendemain, alors que nos concurrents, les États-Unis, l'Union européenne et l'Australie, y ont eu accès, mais pas nous. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser une telle chose se reproduire.
Deux priorités s'imposent aux exportateurs canadiens de produits agricoles et agroalimentaires. Premièrement, il est primordial que le Canada ratifie rapidement le Partenariat transpacifique. L'ACCA soutient fermement ce Partenariat et croit qu'il fait partie intégrante de la viabilité à venir du secteur agricole et agroalimentaire canadien axé sur les exportations. La région couverte par le Partenariat absorbe 65 p. 100 de nos exportations. Elle englobe certains de nos grands marchés traditionnels : États-Unis, Mexique et Japon, le fleuron cet accord, mais, aussi, certains de nos principaux concurrents : États-Unis, Australie, Chili et plusieurs signataires ayant déjà conclu entre eux des accords de libre-échange. Plus nous tardons, plus nous perdons des parts de marché. En fin de compte, si nous ne faisons pas partie du Partenariat alors que d'autres signataires en feront partie, nous risquons de perdre beaucoup de ces marchés. Le meilleur moyen de mettre en œuvre l'accord rapidement, c'est de le ratifier rapidement. De même, un certain nombre de pays de cette importante région de l'Asie-Pacifique ont exprimé le souhait d'adhérer au Partenariat. De ce point de vue, donc, le Partenariat présente une occasion de négocier les termes de l'entrée de pays tels que la Corée, Taïwan, la Thaïlande, les Philippines, l'Indonésie et d'autres, peut-être.
Deuxièmement, nous encourageons fortement le règlement des questions juridiques et politiques respectives qui sont reliées à l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (AEGC) tout en ayant les discussions techniques nécessaires pour que les avantages déclarés de l'Accord puissent se réaliser complètement sous la forme d'un accès commercialement viable pour tous les exportateurs canadiens.
Pour conclure, la croissance et la viabilité de notre secteur agroalimentaire dépendent, en grande partie, d'un accès compétitif aux marchés internationaux. La mise en œuvre d'accords de libre-échange conclus, la négociation de nouveaux accords et l'expansion des relations commerciales dans les marchés cibles seront essentielles à la création d'un accès plus prévisible et plus concurrentiel aux marchés mondiaux les plus importants pour les exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires du Canada.
Le vice-président : Je vous remercie de votre exposé. Avant de passer au prochain témoin, je signale l'arrivée des sénateurs Oh, de l'Ontario, Plett, du Manitoba, et Beyak, de l'Ontario aussi. Je vous remercie, chers collègues, de votre arrivée. Entendons maintenant M. Greydanus.
Jack Greydanus, président des Producteurs d'œufs d'incubation du Canada : Je vous remercie de l'occasion que vous m'accordez de témoigner. Ce sera certainement la première fois pour notre organisation. Nous faisons partie du groupe des cinq organisations assujetties à la gestion de l'offre et nous en sommes certainement la plus petite. Nous sommes probablement la plus importante, parce que notre monde a sûrement commencé par un œuf et non une poule.
Le vice-président : L'œuf ou la poule.
M. Greydanus : Le problème a été résolu. Nous allons essayer de l'expliquer tout de suite, d'accord? En premier, ç'a été l'œuf.
Le vice-président : Nous verrons à le dire dans le rapport.
M. Greydanus : Merci beaucoup.
Notre mémoire vous a été communiqué. Je ne ferai qu'en souligner certains passages. D'abord, je suis un agriculteur de Sarnia. J'ai fait partie de la délégation de l'Ontario en cette qualité, mais je préside aussi l'organisation nationale, que je représente aujourd'hui. Merci de nous permettre de prendre contact avec vous.
Encore une fois, nous allons surtout parler de la façon dont le Partenariat transpacifique nous affecte. Nous, l'association des Producteurs d'œufs d'incubation du Canada, nous représentons, à l'échelle nationale, 228 producteurs d'œufs d'incubation de poulet à chair de six provinces. Nous ne représentons pas la Nouvelle-Écosse et le Nouveau- Brunswick, qui ne possèdent pas d'organisation provinciale. On n'y compte que 16 producteurs. Nous y traversons une période difficile. Nous ne pouvons les représenter s'ils ne sont pas organisés. Nous en parlerons un peu plus tard.
Le conseil d'administration dont je fais partie est national, et j'en suis le président indépendant. Il compte six représentants des agriculteurs des provinces représentées et deux représentants des couvoirs, des partenaires de l'industrie qui nous donnent aussi leur point de vue sur la question. Nous veillons à fournir suffisamment d'œufs d'incubation ou de poulets à l'ensemble du marché : c'est la viande que nous mangeons. Nous avons été créés en 1986 sous le régime de la Loi sur la commercialisation des produits agricoles. Il nous incombe de fournir assez de poulets à l'ensemble de l'industrie.
À quoi, techniquement, ressemblent nos établissements d'élevage? L'établissement moyen héberge probablement 20 000 poules qui produisent environ 3 millions d'œufs par année. Ils sont mis à couver pour donner, naturellement, des poussins. Nous produisons les poussins pour le marché de la viande, pour le tenir séparé de celui des œufs. C'est strictement pour les marchés de la viande. Nous essayons de convaincre un poulet de chair, naturellement sélectionné pour produire de la viande, de pondre un œuf. Mesdames et messieurs, c'est très difficile. C'est de la gestion de haut vol. Voilà pourquoi c'est très technique et que cela coûte très cher. Voilà l'industrie dont nous faisons partie.
Notre établissement comprendrait normalement un poulailler ou deux enclos. Ces enclos sont ouverts aux quatre vents. Les poules et les coqs sont ensemble. On vise naturellement à obtenir des œufs fertiles d'où sortiront des poussins. Voilà notre origine.
De plus notre industrie ne répond qu'à environ 80 p. 100 de la demande nationale. Les accords commerciaux que nous avons conclus sous le régime de l'Accord de libre-échange nord-américain autorisent que les importations subviennent à 21,1 p. 100 de notre production intérieure totale nécessaire au secteur du poulet. C'est une clause de droit acquis de l'ALENA. De ce pourcentage total, 17,43 p. 100 concernent les œufs, et 3,7 p. 100 les poussins, qui font l'objet d'une ligne tarifaire distincte. Donc, en gros, 20 p. 100 ou un poulet de chair sur cinq provient de l'étranger. Il est donc indéniable que nous autorisons les échanges dans ce secteur.
Le Partenariat transpacifique augmente simplement cet accès. C'est vraiment notre perception. Pour nous, c'est vraiment une perte de marché. Pour tous ceux qui ont déjà brassé des affaires, perdre un marché n'est pas une bonne nouvelle. Cela exige examen de notre part.
Voici quelques statistiques : nous représentons 244 producteurs dans tout le Canada. Comme je vous l'ai dit, cela fait environ 20 000 poules par producteur, qui donnent environ 3 millions d'œufs. Voilà vos totaux.
Naturellement, nous sommes liés par contrat à des couvoirs au Canada. Il y en a 40. Qu'est-ce que cela signifie? Nous correspondons à environ 8 200 emplois directs et indirects partout au pays, à un produit intérieur brut de 450 millions de dollars et à des revenus imposables d'environ 113 millions, ce qui est vraiment ce dont nous sommes désireux, puisqu'il faut de l'argent pour faire fonctionner un pays et que nous payons, sur ce montant, indéniablement, ce que nous devons payer d'impôts.
Tous savent certainement que le Partenariat transpacifique a été signé par 12 pays membres le 5 octobre. Nous croyons comprendre que ces pays représentent environ un demi-milliard d'êtres humains. Les avantages économiques sont indéniables, et nous le comprenons.
Dans le cadre de l'accord, nous avons dû céder un accès supplémentaire dans l'industrie des œufs d'incubation. J'étais présent. On a fixé à un million de douzaines l'accès supplémentaire pour les œufs d'incubation dans tout le Canada — 12 millions d'œufs, y compris l'augmentation progressive au fil du temps. Donc, lorsque l'accord sera conclu, il faudra céder 13,6 millions d'œufs. Pendant cette période, il faudra céder environ 1,9 p. 100 de notre production nationale. Le gouvernement antérieur avait aussi prévu un plan d'indemnisation. Je ne veux pas en dire plus, pour le moment. C'est certainement l'objet de discussions approfondies avec le gouvernement, actuellement.
Le bilan, actuellement, c'est que nous subissons une perte permanente. Une perte de marché. Dans notre monde, nous le ressentirons éternellement. Nous sommes aussi frappés deux fois. Comme vous le savez, les Producteurs de poulet du Canada ont témoigné devant vous qu'eux aussi avaient perdu des parts de marché. Une partie de l'accès se faisait par leur intermédiaire. Nous fournissons ce marché. Le bilan de nos pertes comprend donc ce million d'œufs cédés, une perte sèche d'environ 4,2 p. 100 de notre marché des poulets. Nous fournissons ce marché et, naturellement, ces œufs ne sont pas nécessaires. C'est certainement une conséquence que nous devons considérer comme négative.
À combien se chiffrent nos pertes totales en œufs du marché? À 526 millions d'œufs. Si vous faites le calcul pour les 19 années du programme, ça équivaut à 10 nouveaux producteurs. Voilà, mathématiquement, le résultat que j'examine. Nous pourrions compter 10 nouveaux producteurs, au Canada, à la fin de la durée de l'accord, si nous n'avions pas cédé cet accès. Nous cédons donc beaucoup. Nous ne le prenons pas à la légère.
Naturellement, cela influe sur les recettes des exploitations, à hauteur de 47 000 $ par année et par producteur. Nous savons que nous perdons aussi un accès supplémentaire. C'est un revenu total de 8 000 $ de recettes fiscales. Naturellement, une perte d'accès entraîne une perte d'efficacité des poulaillers, donc des coûts. Quels sont-ils par producteur et par année? D'après nous, ils sont de 27 000 $. C'est aussi, dans l'ordre général des choses, une perte de recettes fiscales, ce dont nous devons nous inquiéter.
Nous sommes très convaincus de représenter une partie importante de l'économie à l'échelle du Canada, et la gestion de l'offre assure la stabilité pour tous les Canadiens. La gestion de l'offre soutient les collectivités rurales et la société en général, et c'est très important pour nous. Je le répète : on estime que les pertes estimatives sont de 27 000 $ par producteur d'œufs d'incubation de poulet à chair au Canada.
L'effet global se fera sentir sur la période de 19 ans suivant la mise en œuvre du PTP. C'est perdu pour toujours, et nous allons en subir les effets au fil du temps. Pour conclure, nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci beaucoup. Le montant de 27 000 $ par producteur n'est pas sans importance. C'est ce qu'il en coûtera de donner l'accès à d'autres. Vous n'avez pas parlé de la possibilité que vous avez de participer au volet exportation — l'exportation et la technologie.
M. Greydanus : C'est une technologie mondiale. Dans notre univers, la technologie est très perfectionnée et provient des sociétés mères. Il y en a deux, et elles sont établies aux États-Unis, alors je ne vois pas comment nous pourrions faire des gains importants.
Pour ce qui est des possibilités d'exportation, dans le marché actuel, les prix de nos œufs d'incubation sont assez semblables à ceux des États-Unis.
L'œuf d'incubation contient un embryon vivant. Nous ne pouvons gérer et contrôler véritablement la vie de l'embryon fertile qui se trouve dans l'œuf d'incubation que pour une période d'environ sept jours, ce qui limite beaucoup les possibilités de transport. La plupart des œufs d'incubation restent à l'intérieur d'une région. Les possibilités sont limitées parce qu'on ne peut geler les œufs. Ils contiennent un embryon vivant.
Le vice-président : On nous a parlé récemment d'une nouvelle technologie qui contribue à déterminer le sexe du poussin avant l'éclosion, ce qui rend le processus plus efficace.
M. Greydanus : C'est naturellement du côté des poules pondeuses que cela est utile. Nous ne nous préoccupons pas nécessairement du sexe du poussin, car mâle ou femelle, il se mange. Seules les femelles pondent des œufs — pas les mâles —, alors c'est pourquoi cette technologie est utilisée dans le secteur des poules pondeuses. Cela ne nous concerne pas.
Le sénateur Plett : Monsieur Greydanus, vous avez dit représenter des producteurs de six provinces. Vous avez mentionné 2 provinces qui ne font pas partie de l'organisation, mais nous avons 10 provinces. L'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve ne participent pas du tout?
M. Greydanus : Il n'y a aucune production d'œufs d'incubation dans ces deux provinces. Elles relèvent des provinces de l'Atlantique.
Le sénateur Plett : Le Québec, l'Ontario et l'Ouest?
M. Greydanus : C'est bien cela.
Le sénateur Plett : J'ai une question personnelle : combien d'exploitations avons-nous au Manitoba?
M. Greydanus : J'ai calculé cela hier, et je crois que vous représentez 10 p. 100 du marché canadien.
Le sénateur Plett : Merci. J'ai une question pour les deux témoins. Où vont la plupart de vos exportations?
M. Greydanus : Nous attribuons des contrats aux couvoirs et aux transformateurs de la province, alors nous n'exportons pas nos produits. Nos œufs d'incubation ne sont pas exportés du tout; ils sont mis à couver en vue de leur éclosion. Les poulets peuvent être exportés.
Le sénateur Plett : Votre produit n'est pas exporté du tout.
M. Greydanus : C'est vraiment très technique.
Mme Citeau : Nos principaux marchés d'exportation sont les États-Unis, la Chine, le Japon, l'Union européenne, le Mexique, l'Inde, Hong-Kong, la Corée du Sud, l'Inde et le Bangladesh. Il y a quelques autres pays, mais je vous ai énuméré nos principaux marchés d'exportation.
Le sénateur Plett : Donc, comme vous l'avez dit, le PTP est très important?
Mme Citeau : Pour nous, le PTP est essentiel. Ce petit acronyme représente l'accord le plus important sur la planète en ce moment. Comme je l'ai dit, la région absorbe 65 p. 100 de nos exportations. Nos principaux concurrents s'y trouvent, ainsi que des marchés très importants.
Le PTP va nous permettre de conserver notre accès privilégié au marché nord-américain. Il nous donnera la chance de faire concurrence dans des marchés asiatiques de grande valeur qui connaissent une croissance rapide, comme le Japon, le Vietnam et la Malaisie, et surtout, il établit pour nous des règles du jeu équitables. Les gains sont importants, et les pertes seraient énormes si nous ne participions pas à cet accord et qu'il était adopté sans nous.
Le sénateur Plett : Monsieur Greydanus, si votre industrie est surtout nationale, pourquoi le PTP est-il important pour vous?
M. Greydanus : Il représente plutôt un désavantage, car nous allons perdre des parts du marché. En tant que Canadien, est-ce que je trouve important que nous ayons un accord commercial qui soutient ces industries? Absolument. Personnellement, je n'aime pas perdre des parts du marché, mais je crois que le PTP sera bon pour les exportations canadiennes en général.
Le vice-président : À ce sujet, on pourrait présumer que si les affaires sont bonnes pour les gens qui achètent vos poussins, la demande accrue de poussins pourrait contribuer à combler une partie de l'accès que vous perdez.
M. Greydanus : C'est un aspect que nous tenons en compte. Les Producteurs de poulet du Canada sont venus témoigner, de même que les Chicken Farmers of Ontario, la dernière fois que je suis venu. Ils vous ont dit qu'il y a probablement des activités frauduleuses en ce moment, et que si cela était réglé à la frontière, ce serait bon pour nous, les producteurs d'œufs d'incubation, et pour les producteurs de poulet à l'échelle du Canada.
Le vice-président : Nous avons noté cela plusieurs fois dans le cadre de notre étude. Je ne veux pas juger d'avance de ce que notre rapport dira, mais je pense qu'il pourrait comporter une ligne ou deux à ce sujet.
J'ai oublié de présenter la sénatrice Merchant, de la Saskatchewan, qui vient d'arriver.
La sénatrice Tardif : Monsieur Greydanus, je voulais vérifier un montant que vous nous avez donné, pour les pertes par producteur en raison de la perte de parts de marché. À un moment donné, dans votre exposé, vous avez mentionné une perte de 47 000 $ par agriculteur, par année, en recettes monétaires agricoles. Puis, à un autre moment, vous avez mentionné, pour l'incidence financière nette, une perte de 27 000 $ par producteur, par année. Lequel est le bon montant?
M. Greydanus : Le montant de 47 000 $ est le revenu total brut.
La sénatrice Tardif : D'accord.
M. Greydanus : Et le montant de 27 000 $ est le profit possible.
La sénatrice Tardif : D'accord. Merci de cet éclaircissement.
[Français]
Madame Citeau, vous avez indiqué dans votre présentation que le Programme de Doha ne progressait pas très bien et que vous deviez vous en remettre à l'Organisation mondiale du commerce pour régler certaines questions. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur ce point?
[Traduction]
Mme Citeau : Les négociations pour le Programme de Doha pour le développement durent depuis maintenant 12 ans et ne semblent pas progresser bien rapidement. L'OMC demeure l'assise de cela et continue d'établir les règles du commerce, mais les ambitions du Programme de Doha ne se sont pas encore réalisées. L'état d'avancement des discussions fait en ce moment un peu l'objet de débats. D'après ce que nous avons appris dans les médias, il semble que l'OMC en soit à un moment charnière, sur ce plan, et il semble que ce soit le cas depuis un certain temps.
En gros, les résultats prévus dans cet accord demeurent ceux que nous souhaitons.
[Français]
La sénatrice Tardif : Vous avez indiqué, lorsque vous avez comparu devant notre comité, en novembre 2014, que tout accord de libre-échange que les principaux marchés du monde négocient avec nos concurrents, avant de négocier avec le Canada, nous place dans une situation désavantageuse. Si l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne et le PTP vont de l'avant, quels autres accords serait-il important de négocier en ce moment, d'après vous?
Mme Citeau : Il y a toute une liste de marchés très importants, dans la zone de l'Asie-Pacifique en particulier, sur lesquels il serait important de se pencher. Il y a aussi d'autres marchés importants, comme l'Inde. Dépendamment des marchés, certains de nos membres préfèrent obtenir un accès privilégié à un marché plutôt qu'à un autre. Ce que l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire préconise en ce moment, c'est d'encourager les négociations ou les discussions qui permettent des réductions de tarifs et de barrières non tarifaires vers les principaux marchés qui intéressent ses membres.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Merci à chacun de vous pour vos exposés.
Madame Citeau, j'aimerais commencer par vous. Vous venez de dire qu'en agriculture, la protection prend la forme de barrières à l'accès aux marchés. Pourriez-vous me donner un exemple?
Mme Citeau : La mention du pays d'origine sur l'étiquette en est un exemple. Essentiellement, ce que nous avons observé avec les accords de libre-échange, c'est que leur mise en œuvre s'accompagne généralement de la baisse ou de l'élimination des tarifs, mais aussi de l'apparition de barrières non tarifaires. Il y a un effet secondaire.
Les accords de libre-échange sont des contrats qui visent l'élimination ou la réduction des tarifs, mais les pays conservent le droit de prendre des règlements assurant leur souveraineté. Pour diverses raisons, politiques ou autres, certains pays vont parfois prendre des règlements qui désavantagent nos exportateurs et qui font augmenter nos coûts d'exportation. C'est très problématique.
En ce qui a trait à l'Union européenne, par exemple, il y a en ce moment des discussions techniques. Nous espérons que tout sera en place quand l'accord sera mis en œuvre, pour que nos exportateurs aient un accès commercialement viable à ce marché. Cela peut englober l'approbation d'installations de transformation des viandes et l'approbation rapide dans le domaine de la biotechnologie. Il faut aussi se pencher sur toutes ces choses.
La sénatrice Unger : Vous dites qu'il est absolument essentiel que le Canada ratifie le PTP rapidement. En tant qu'association — et je suis d'accord avec vous —, est-ce que vous indiquez avec insistance au gouvernement que vous estimez que cela doit être fait? Croyez-vous qu'ils vous écoutent et qu'ils vont aller de l'avant le plus rapidement possible?
Mme Citeau : Nous avons comparu devant les comités de la Chambre qui s'occupent du commerce et de l'agriculture. Nous avons encouragé nos membres à faire de même. Nous avons envoyé nos mémoires dans lesquels nous exprimons notre appui ferme au PTP et énonçons les avantages pour chacun de nos différents secteurs, de même que les pertes que cela causerait si l'accord n'était pas mis en œuvre. Nous avons souligné l'importance du Japon, qui se situe au troisième rang de nos marchés d'exportation dans le monde et qui est un marché vraiment important de cette région.
La sénatrice Unger : Êtes-vous optimistes?
Mme Citeau : Nous travaillons très fort à veiller à ce que nos opinions soient entendues par tous.
La sénatrice Unger : Je vous remercie.
Monsieur Greydanus, vous avez mentionné bien des montants et des statistiques. J'ai quelques questions.
Vous avez parlé de la contribution de votre industrie au PIB du Canada, et vous avez mentionné des statistiques de 2013 selon lesquelles il y a 8 200 emplois directs et indirects. Ces statistiques remontent à trois ans. Est-ce qu'il en existe de plus récentes?
Giuseppe Caminiti, directeur exécutif, Producteurs d'œufs d'incubation du Canada : Je pourrais répondre à cela, sénatrice, si vous me le permettez.
Notre dernière mise à jour est un examen de la gestion de l'offre dans son ensemble. Nous avons réalisé une analyse et commandé une enquête. Nous ferons une mise à jour pour 2015, étant donné que ce travail vient de se terminer. Au cours des mois à venir, nous devrions avoir des données. Ce sont cependant les données les plus récentes que nous ayons pour le moment et c'est la raison pour laquelle nous vous les avons présentées.
La sénatrice Unger : Merci. Est-ce que vous avez un plan ou une vision concernant l'augmentation des exportations malgré les pertes que vous avez décrites? Comptez-vous changer cela en augmentant les exportations?
M. Greydanus : Dans le secteur des œufs d'incubation, je ne vois aucune possibilité parce que, comme je l'ai dit, l'essentiel de notre production va à des installations se trouvant dans les provinces canadiennes, soit les couvoirs. Après l'éclosion, le produit est acheminé vers des installations de transformation.
S'il y a un débouché sur le marché d'exportation du poulet, le secteur avec lequel nous sommes naturellement en contact constant, nous en tirerons un meilleur profit. S'il y a un accès aux marchés du poulet à l'échelle mondiale, cela aura en même temps des effets sur les marchés des œufs d'incubation. Directement, pour les œufs d'incubation, ce débouché n'existe pas parce que, comme je vous l'ai dit, on ne peut geler un œuf. C'est un embryon vivant; une fois que l'œuf a été pondu, il faut s'en occuper dans les sept jours suivants. Il serait difficile, par exemple, d'expédier les œufs par avion.
La sénatrice Unger : Comment importons-nous autant d'œufs?
M. Greydanus : Les importations se font par camion, des États-Unis seulement. C'est un accord que nous avions avec les États-Unis, qui étaient notre seul partenaire, et c'est pourquoi cela fait partie de l'ALENA.
L'accord du PTP offrira un accès, mais ce sont les Américains qui en tireront profit, car il est très difficile de transporter des œufs.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Madame Citeau, il est beaucoup question du PTP. Il y aura des gagnants et des perdants avec ces accords. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée du tableau des gagnants et des perdants? Dans le cas des perdants, comment pouvons-nous évaluer les pertes par rapport à ceux qui feront des gains dans cinq ou dix ans dans le cadre de ces accords?
Mme Citeau : Je peux seulement parler pour les membres que je représente, qui sont les exportateurs agricoles et agroalimentaires. Je ne peux pas parler pour les autres secteurs agricoles ou non agricoles. Je pense que ceux-ci sont mieux placés pour parler de leurs intérêts. Dans nos secteurs, nous n'envisageons que des gains grâce au PTP, mais il y aura des risques importants si nous ne faisons pas partie de l'entente.
Le sénateur Dagenais : Vous parlez de risques importants. Quels pourraient être ces risques que vous qualifiez d'importants?
Mme Citeau : Prenons l'exemple de la Corée, dont l'accord de libre-échange avec le Canada a été mis en œuvre le 1er janvier 2015, soit plusieurs années après les États-Unis et l'Australie, dont l'accord a été conclu en 2011. Or, la Corée du Sud était notre septième marché d'exportation, un marché d'une valeur de plus de 1 milliard de dollars. En très peu de temps, par le simple fait que les Américains, l'Europe et l'Australie aient eu accès à ce marché bien avant nous, notre marché de 1 milliard de dollars a été réduit de moitié. Donc, il y a eu des pertes énormes dans beaucoup de secteurs, pour la majorité des secteurs, en particulier le secteur des viandes. Le secteur du porc a été très touché par ce désavantage, ce déséquilibre.
Ainsi, nous pouvons transposer ce simple exemple de la Corée au Japon, qui est aujourd'hui notre troisième marché d'exportation, car il absorbe 10 p. 100 de nos exportations. Par ailleurs, ce qu'il est important de noter en ce qui concerne le Japon, c'est qu'il s'agit d'un marché de haute valeur. Si, aujourd'hui, nous perdons ce marché, nos exportateurs, en particulier nos exportateurs de porc, ne pourront pas retrouver dans d'autres marchés la même valeur qu'ils obtiennent au Japon.
En ce qui a trait aux pertes, il est difficile de prédire exactement ce qui va se passer, mais vous en avez une bonne idée avec l'exemple de la Corée à appliquer au Japon. Ensuite, il y a d'autres marchés dans la zone du PTP qui sont très importants, comme le Vietnam, un marché de 90 millions d'habitants qui est en pleine croissance, et la Malaisie, qui présente également d'importantes opportunités. Il faut savoir que si nous ne faisons pas partie du PTP, nous ne pourrons pas exporter nos produits vers ce marché. En outre, nos règles d'origine font en sorte que nos produits ne pourront pas être considérés dans la zone du PTP. Donc, toute la chaîne d'approvisionnement de la région de l'Asie- Pacifique nous sera fermée.
Le sénateur Dagenais : Vous avez fait référence aux États-Unis. Sont-ils plus compétitifs sur le marché? Le cas échéant, est-ce parce qu'ils sont plus féroces?
Mme Citeau : Les États-Unis développent de nombreux produits qui sont identiques aux nôtres.
Cependant, j'aimerais ajouter un dernier mot sur le Japon. L'Australie a déjà conclu un accord de libre-échange avec le Japon. Nous avons donc déjà du retard pour bon nombre de nos produits, notamment les céréales, le canola et l'orge. Ainsi, nous sommes déjà désavantagés par rapport à l'Australie pour de nombreux produits. Le Vietnam aussi a signé un accord de libre-échange avec l'Australie. Bref, plus on attend, plus on perd du terrain.
Le sénateur Dagenais : Donc, l'Accord sur le Partenariat transpacifique met de la pression sur les exportateurs par l'entremise d'autres pays.
Mme Citeau : Les accords fournissent des opportunités, et la pression est créée lorsque nos compétiteurs font partie de ces accords. L'Union européenne représente également l'un de nos grands compétiteurs. Elle négocie avec le Japon à l'heure actuelle. En outre, elle a conclu une entente avec le Vietnam qui sera probablement mise en œuvre au cours des prochains mois ou dans l'année à venir, ce qui est un autre aspect à prendre en considération.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Ma question est pour Jack Greydanus. Elle porte sur le secteur des œufs d'incubation, pour donner suite à la question de la sénatrice Unger. Les importations proviennent-elles seulement des États-Unis? N'importons- nous pas des œufs d'incubation d'autres pays?
M. Greydanus : Ils proviennent en effet uniquement des États-Unis. On les transporte par camion à ambiance contrôlée, car étant donné qu'il s'agit d'embryons vivants, il faut réguler la température et le taux d'humidité. Ces œufs ont une durée de vie limitée; il faut donc prendre toutes les précautions nécessaires. Le transport des œufs d'incubation se fait principalement par camion, et notre marché est aux États-Unis; les échanges commerciaux se font entre les États-Unis et le Canada.
Le sénateur Oh : Pour le secteur agroalimentaire canadien, on s'attend à ce que les gains totaux découlant de l'AECG s'élèvent à environ 1,5 milliard de dollars. Comment vos membres se tirent-ils d'affaire avec l'UE depuis la signature de l'AECG?
Mme Citeau : Nous avons toujours été favorables à l'AECG en raison des avantages importants attendus pour notre secteur; cela représente 1,5 milliard de dollars. Nous y avons toujours été favorables, car nous estimons que les modalités techniques seront définies au moment où il sera mis en œuvre.
Divers enjeux doivent être réglés si nous voulons que nos exportateurs aient un accès réel et viable au marché de l'Union européenne lorsque l'accord entrera en vigueur. Certains problèmes doivent toujours être réglés, en particulier dans le secteur de la viande, et cela aura une incidence sur le secteur des grains. Il y a également des problèmes quant à l'approbation rapide des activités commerciales liées aux biotechnologies. Il sera important de les régler avant l'entrée en vigueur de l'accord.
Le sénateur Oh : Selon vous, quelle valeur accorderez-vous à l'AECG et au PTP, lorsque le PTP sera mis en œuvre?
Mme Citeau : Il est difficile de dire qu'un accord est meilleur que l'autre; ils sont différents. L'Union européenne est un marché énorme d'une grande valeur, tandis que le PTP représente un marché en croissance très important.
Il importe de savoir que dans l'ensemble, ces accords de libre-échange favorisent la diversification de nos industries et réduisent leur dépendance au marché américain. Ces accords offrent aussi de meilleurs débouchés qui permettent aux entreprises d'obtenir une meilleure valeur pour certains de leurs produits. À titre d'exemple, certains nos producteurs obtiendront un meilleur prix pour leurs produits en les vendant en Union européenne plutôt qu'aux États- Unis. Les producteurs de canola canadiens chercheront à obtenir une meilleure valeur pour l'huile de canola sur le marché japonais que ce qu'ils obtiennent actuellement.
Le sénateur Oh : Avez-vous des commentaires, monsieur Greydanus?
M. Greydanus : Encore une fois, nous ne sommes pas vraiment une organisation commerciale, mais plutôt une association nationale. L'avantage de notre régime est la stabilité. Cela en fait partie. Comme Claire l'a indiqué, le monde du commerce est volatil, et la question de la devise représente une bonne partie du risque. Il s'agit d'un aspect que nous parvenons à gérer à l'échelle nationale, dans notre secteur, parce que nous évoluons dans un marché national.
La stabilité associée à une garantie de qualité et de prix est avantageuse pour l'ensemble de la société.
Le sénateur Pratte : J'ai deux ou trois questions pour M. Greydanus.
Monsieur, lorsque vous évaluez les pertes attribuables au PTP, vous semblez dire que l'augmentation des importations aux niveaux permis aux termes du PTP est en quelque sorte une fatalité, comme si vous étiez impuissants face à la situation; les États-Unis augmenteront leurs exportations au maximum permis.
N'avez-vous aucune façon de vous opposer à cela? Vous n'avez aucun avantage concurrentiel quant au prix, à la qualité ou à quoi que ce soit, c'est cela? Ils augmenteront leurs exportations au niveau permis, et vous ne pouvez rien faire?
M. Greydanus : Aux termes de l'ALENA, ils sont tenus d'importer 90 p. 100 du quota qui leur est attribué. Ils sont tenus de le faire. Je ne connais pas encore quelles seront les règles dans le cadre du PTP, car elles ne sont pas encore fixées; elles font toujours l'objet de discussions. Ils doivent importer 90 p. 100 des 21,1 p. 100 dont je vous ai parlé. C'est la règle.
Le sénateur Pratte : J'avais cru comprendre que c'était une clause de droits acquis.
M. Greydanus : Vous voulez savoir si nous pouvons faire quelque chose à cet égard. Je dirais que ce serait possible, mais seulement si nos clients — les couvoirs — sont prêts à perdre l'occasion qui leur est offerte.
Actuellement, c'est nous qui détenons l'avantage pour l'achat de notre produit, en raison de la devise, et, par conséquent, le produit américain sera moins coûteux.
Le sénateur Pratte : Vous avez mentionné que les pertes nettes pour les couvoirs s'élèveraient à 127 millions de dollars; c'est exact?
M. Greydanus : Sur les 19 ans.
Le sénateur Pratte : Est-ce après indemnisation?
M. Greydanus : Non; je n'ai pas mentionné cet aspect. Le gouvernement précédent avait prévu un programme d'indemnisation. Je n'ai pas parlé de cet aspect parce que je considère que c'est un enjeu qui n'est pas réglé. Cela a une incidence sur l'accord commercial.
Le sénateur Pratte : Tentez-vous de convaincre le gouvernement actuel d'améliorer le programme d'indemnisation?
M. Greydanus : Le programme d'indemnisation a été offert par le gouvernement précédent. Il revient au nouveau gouvernement de prendre une décision à cet égard. Vous voulez savoir si j'en parle? Nous pouvons certes en discuter, mais pour le moment, je ne suis pas prêt à dire que le gouvernement devrait respecter cet engagement.
Une partie de notre industrie estime que notre prix doit être fixé par le marché. Dans ces constances, étant donné que le prix de notre produit est fixé par le marché, il n'existe aucun mécanisme qui permet au gouvernement d'appuyer nos exploitations de production d'œufs d'incubation. Les circonstances font qu'il en est ainsi. Certains de nos producteurs considèrent que nous ne devrions probablement pas nous engager dans cette voie.
Les opinions divergent à cet égard. Je préfère donc m'abstenir d'en parler.
Le vice-président : Dans la foulée de la question du sénateur Pratte, avez-vous — vous-même ou l'association — tenté de rencontrer le ministre MacAulay pour discuter de la question de l'indemnisation?
M. Greydanus : Nous avons été invités au cabinet du ministre après l'arrivée du nouveau gouvernement, et le ministre a parlé à tout le monde, en fait. Notre groupe a exprimé diverses opinions. Le ministre a entendu le point de vue de chacun et il prendra sa décision en fonction des observations que nous lui avons présentées.
Le président : Nous attendrons donc la décision du ministre MacAulay.
La sénatrice Beyak : Vous avez répondu à mes questions dans les réponses que vous avez données à la sénatrice Tardif, à la sénatrice Unger et au sénateur Pratte.
Je tiens toutefois à vous féliciter, vous et votre organisme, d'avoir fait preuve de bon sens et d'honnêteté en reconnaissant qu'il s'agit d'un accord avantageux pour la plupart des Canadiens, et de la confiance que vous témoignez au gouvernement concernant le respect de l'engagement à vous fournir une indemnisation. Je suis heureuse de vous l'entendre dire.
Madame Citeau, lorsque vous êtes venue ici en novembre 2014, vous avez répondu à la plupart de mes questions en répondant à la sénatrice Unger, mais y a-t-il des enjeux majeurs? Nous entendons une multitude d'opinions, de l'extérieur du Canada, sur les raisons pour lesquelles nous devrions ratifier le PTP, ou non. Selon vous, quels sont les trois ou quatre principaux enjeux dont le Canada devrait se soucier? Quels enjeux devrions-nous ignorer?
Mme Citeau : Je pense, en ce qui concerne le PTP, que l'aspect le plus important est de prendre conscience des risques associés à notre non-participation. Selon nous, veiller à ce que les secteurs qui dépendent des exportations aient accès aux marchés internationaux et aient aussi la capacité d'y être réellement concurrentiels n'est pas un choix : c'est une nécessité. Le PTP fait l'objet d'un vif débat, mais pour les industries axées sur l'exportation, il s'agit d'un accord de libre-échange qui représente aussi l'avenir de nos industries.
Le marché asiatique est en forte croissance. La sénatrice Tardif a posé des questions sur d'autres accords de libre- échange et d'autres pays. Il faut tenir compte du Japon, qui fait partie de cet accord. Je ne saurais trop insister sur l'importance de cet accord et de l'importance du Japon pour nos exportateurs.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.
Le sénateur Moore : Je remercie encore une fois les témoins d'être venus au comité.
Madame Citeau, plus tôt, vous avez parlé de la question de l'inscription du pays d'origine sur l'étiquette, mais le problème a été réglé en décembre, pour le bœuf, mais non pour la chèvre et le porc. Je ne sais pas s'il s'agit de quelque chose que le Canada n'a pas demandé. Êtes-vous au courant?
Mme Citeau : Je ne suis pas un spécialiste de la question de l'inscription du pays d'origine sur l'étiquette. J'en ai fait mention à titre d'exemple d'une barrière tarifaire qui a été créée lorsque les États-Unis ont adopté une réglementation qui a nui à nos exportateurs.
Le sénateur Moore : Vous devriez peut-être vérifier cet aspect, car il était décevant de voir que ces deux produits n'étaient pas inclus.
Dans votre mémoire, vous indiquez que pas moins de 620 accords commerciaux bilatéraux et régionaux ont été notifiés à l'OMC, dont plus de 400 sont en vigueur. Combien d'accords le Canada a-t-il ratifiés, en excluant le PTP et l'AECG, qui ont été signés, mais n'ont pas encore été officiellement acceptés? Le Canada est partie à combien d'accords, actuellement?
Mme Citeau : Le Canada a des accords de libre-échange avec plus de 10 pays. Il y a l'accord Canada-États-Unis, l'ALENA, les accords avec Israël, le Chili, le Costa Rica, le Pérou, la Colombie, la Jordanie, Panama, le Honduras et l'accord avec la Corée du Sud, qui est entré en vigueur en janvier. Quant aux accords conclus ou signés, nous avons l'accord avec l'Union européenne, le PTP, les accords avec l'Ukraine et Israël. De plus, des négociations sont en cours avec plusieurs autres pays.
Le sénateur Moore : Lorsque vous dites que les accords sont « notifiés à l'OMC », cela signifie-t-il que l'OMC fait office de registre international de tous les accords entre les pays?
Mme Citeau : Oui.
Le sénateur Moore : Je pense à votre exemple concernant la Corée du Sud et aux répercussions considérables qui en découlent. Les pays doivent-ils aviser l'OMC lorsqu'ils entreprennent des négociations, ou s'agit-il de négociations secrètes? L'OMC est-elle avisée seulement lorsqu'il y a une entente?
Mme Citeau : Je ne connais pas le processus comme tel. C'est avec plaisir que j'étudierai la question, si vous le souhaitez.
Le sénateur Moore : Pourriez-vous vérifier et envoyer la réponse au greffier? C'est important, car cela fait partie de l'approche stratégique à l'égard de ces choses, et lorsqu'on se fait soudainement damer le pion, on se demande comment on a pu en arriver là. Il me semble que toutes sortes de tractations peuvent avoir lieu à notre insu, et c'est peut-être même le cas aujourd'hui.
Selon les règles de l'OMC — dont tous ces pays sont parties —, les pays sont-ils tenus d'informer l'OMC de leurs intentions ou du début de négociations afin que des pays comme le nôtre puissent y participer en même temps que d'autres et avoir l'occasion de déterminer si ce marché offre des débouchés pour certains produits?
Il serait intéressant de le savoir, car c'est la cause profonde du problème dont il est question, à mon avis. Je vous remercie.
Monsieur Greydanus, vous n'avez pas mentionné l'AECG. Je suppose que c'est parce que votre organisme est principalement un organisme national, comme vous l'avez indiqué. Ne pourrait-on pas transporter ces œufs par avion sans contrôles d'ambiance? Je sais que vous avez indiqué qu'il s'agit d'embryons vivants. Est-ce la raison pour laquelle on ne le fait pas? A-t-on déjà essayé?
M. Greydanus : Certains produits ont été expédiés par avion, bien entendu, notamment par les sociétés de génétique. Le coût est beaucoup plus élevé. Pour un producteur de poulet à griller, le coût est probablement de 70 cents le poulet pour la livraison jusqu'à l'exploitation agricole, tandis que nous payons environ 7 $ par volaille. On parle d'animaux souches; le coût est tolérable. Le transport par avion est lié à des facteurs économiques. Lorsqu'un produit revient à 70 cents l'œuf, le potentiel de valeur économique est inexistant. Ce n'est pas très avantageux. Voilà pourquoi on ne le fait pas. De plus, étant donné le poids assez élevé du produit, les coûts sont plutôt prohibitifs.
Le sénateur Moore : Donc, essentiellement, vous parvenez actuellement à vendre toute votre production?
M. Greydanus : C'est exact.
Le vice-président : Avant de poursuivre, sénateur Moore, j'ai consulté notre analyste au sujet de votre question sur la mention du pays d'origine sur l'étiquette. Elle m'informe que la décision à cet égard englobait le bœuf et le porc, mais n'incluait pas la chèvre et les fruits de mer.
Le sénateur Moore : Je savais qu'il y avait deux produits.
Le président : C'était le bœuf et le porc. Eh bien, nous faisons déjà des progrès. Si vous avez d'autres questions difficiles, posez-les-moi, et je m'informerai auprès de la personne qui a toutes les réponses.
La sénatrice Merchant : Ma question s'adresse à Mme Citeau. La première porte sur la rhétorique que l'on entend au sud de la frontière, où il y aura une nouvelle administration, en novembre. On évoque la possibilité de ne pas participer au Partenariat transpacifique. Lorsque vous pensez à ces facteurs, vous interrogez-vous sur la suite des choses si l'accord est retardé, soit en raison de l'arrivée de la nouvelle administration, soit parce qu'il ne serait pas adopté sous la forme que vous souhaitez?
Deuxièmement, qu'en est-il de la Chine? Il s'agit d'un marché énorme qui ne participera pas au premier cycle des négociations du PTP. Qu'avez-vous entrepris par rapport à ce marché?
Mme Citeau : En ce qui concerne l'élection présidentielle aux États-Unis, ce ne sont que des hypothèses, et je ne peux prédire ce qui va se passer.
La sénatrice Merchant : Toutefois, on laisse entendre des deux côtés qu'on ne ratifiera pas le PTP sous sa forme actuelle. Je ne parle pas de la question de savoir si ce sera le candidat républicain ou démocrate qui sera élu.
Mme Citeau : Nous suivons les négociateurs de près, qu'ils participent directement aux négociations ou non. Nous avons entretenu des relations à la fois bonnes et étroites tout au long du processus. Il serait très risqué de rouvrir les négociations à ce moment-ci. Il s'agit d'un accord très complexe; arriver à un accord a requis beaucoup d'efforts de toutes les parties, car elles ont toutes un niveau de développement économique différent. Il serait incroyablement risqué de rouvrir les négociations pour quelque aspect que ce soit. À ce moment-ci, nous encourageons le gouvernement à ratifier l'accord rapidement.
La sénatrice Merchant : Et la Chine?
Mme Citeau : La Chine est notre deuxième plus important marché d'exportation; c'est un marché énorme pour nos exportateurs. Nous sommes favorables à des discussions entre le Canada et la Chine visant à éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires dans le but d'offrir un environnement stable et prévisible permettant aux exportateurs canadiens de satisfaire à la demande de ce marché très important.
La sénatrice Merchant : Selon vous, parviendrons-nous à conclure un accord distinct avec la Chine, étant donné que ce pays ne fait pas partie du PTP?
Mme Citeau : La Chine n'est pas partie au PTP, mais on laisse entendre que l'accord pourrait être élargi, car plusieurs pays ont exprimé l'intérêt d'en faire partie, dont la Corée du Sud, les Philippines, l'Indonésie et d'autres. Donc, de ce point de vue, on s'attend à ce que le PTP soit un accord évolutif.
Quant à la Chine, je dirais que nous sommes favorables à un accès amélioré, accru, prévisible et stable à ce marché, peu importe la façon d'y arriver et peu importe le type d'accord.
Le vice-président : Je tiens à remercier les témoins de leurs exposés et de leur comparution au comité. Nous avons eu une réunion très productive ce matin. Votre participation est importante et j'espère que vous constaterez que cela se reflétera dans notre rapport, lorsque nous en arriverons là, et nous tenons à vous remercier de votre contribution.
Chers collègues, nous nous reverrons à Calgary, pour ceux d'entre vous qui participent au voyage de la prochaine dans l'Ouest canadien. Le greffier vous fera parvenir cet après-midi des cahiers d'information en prévision du voyage.
Ce sera un plaisir de revoir chacun d'entre vous dans l'Ouest canadien la semaine prochaine. Merci. La séance est levée.
(La séance est levée.)