Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 26 - Témoignages du 28 mars 2017
OTTAWA, le mardi 28 mars 2017
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 50, pour étudier l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier et pour l'étude, à huis clos, d'un projet d'ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Maltais, du Québec, président de ce comité. Je demande à mes collègues sénateurs de bien vouloir se présenter, en commençant par le vice-président.
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.
Le sénateur Runciman : Je suis le sénateur Bob Runciman, de l'Ontario.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Aujourd'hui, le comité entreprend l'étude de l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier au Canada.
Aujourd'hui, nous accueillons les représentants de la Fédération canadienne de l'agriculture : son président, M. Ron Bonnett; son directeur des politiques environnementales et scientifiques, M. Drew Black; la directrice générale du Conseil canadien de l'horticulture, Mme Rebecca Lee; et la gestionnaire des relations gouvernementales et des sciences des Producteurs de légumes de serre de l'Ontario, Mme Justine Taylor.
Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus. Nous commençons par M. Bonnett.
Ron Bonnett, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Je remercie le président et les membres du comité de leur invitation.
J'exposerai certains des points de vue de la Fédération canadienne de l'agriculture sur l'adaptabilité et la résilience des producteurs agricoles au changement climatique. Nos membres, qui appartiennent à la plus grande organisation agricole du Canada, comprennent des organisations agricoles générales des provinces ainsi que des organisations nationales et interprovinciales de producteurs spécialisés de toutes les provinces. Par l'entremise de nos membres, nous représentons plus de 200 000 agriculteurs et familles d'agriculteurs de partout au Canada.
Je mentionne tout de suite qu'il est intéressant que cette discussion sur l'agriculture et le changement climatique ait lieu à la lumière du récent rapport Barton, sur les possibilités économiques de l'agriculture, et du budget récent, également axé sur l'agriculture. L'adaptation au changement climatique et au problème qu'il entraîne fait partie des solutions assurant la prospérité de ce secteur.
Par essence, les agriculteurs savent s'adapter. Depuis longtemps, ils s'approprient l'innovation par la technologie, l'instruction et des pratiques exemplaires de gestion pour améliorer la soutenabilité écologique, économique et sociale de leurs exploitations. C'est ce qui nous a amenés là où nous sommes aujourd'hui, revendiquant un bilan éloquent d'améliorations ininterrompues, qui nous classent parmi les producteurs agricoles dont l'activité est la plus soutenable du monde. Cela paraît dans notre utilisation du capital naturel et dans des rapports récents tels que celui de l'Economist Intelligence Unit et de la Table ronde canadienne sur le bœuf durable.
Je pense qu'on peut aussi le prouver par la détermination de notre secteur à élaborer et à mettre en œuvre divers autres programmes favorisant la durabilité dans toute la chaîne de valeur comme dans la Table ronde canadienne sur la production durable des cultures, le Plan environnemental national de la ferme et d'autres.
Pour aider les producteurs agricoles à appliquer des mesures supplémentaires d'adaptation, nous devons investir plus dans la recherche sur tout ce qui va d'une plus grande séquestration du carbone dans le sol à la modulation de la courbe d'adoption des technologies nouvelles et du changement en matière de gestion en passant par la réduction des émissions de gaz à effet de serre par l'équipement agricole, les intrants agricoles et la fermentation entérique par le bétail et la détermination des solutions les plus efficaces. La recherche doit répondre encore à beaucoup de questions si nous voulons que l'agriculture canadienne poursuive sa croissance et contribue aux programmes économiques et climatiques et ceux d'innovation et d'adoption de technologies propres.
Nous prenons souvent bien soin de ne pas confondre météo et climat, mais il faut comprendre comment le climat changera à une échelle plus fine que celle qu'on appréhende déjà dans de nombreuses régions. Les productions ou les variétés employées par nos producteurs agricoles sont souvent les mieux adaptées, sur les plans de l'agronomie et de l'écologie, aux conditions locales, dont nous devons comprendre les modalités de changement. En fait, beaucoup d'entre nous ont déjà adopté de nouvelles variétés en réponse au changement climatique. Le croira qui voudra, mais, au Canada, le radar météorologique ne dessert pas toutes les régions agricoles. Tous les agriculteurs devraient profiter de cet outil de prévision très important. Plus d'investissements et de recherche pour affiner les prévisions pourront profiter aussi aux producteurs de tout le Canada.
Le changement climatique nous oblige à reconnaître que nous devons constamment affiner nos stratégies de lutte antiparasitaire. Dans de nombreuses régions du Canada, l'hiver long et rigoureux constituait un obstacle formidable contre de nombreux nuisibles et diminuait les conséquences du réveil printanier, tout en empêchant l'acclimatation de certains d'entre eux. Cet allié naturel est de moins en moins sûr, et, de plus en plus, nous devrons envisager d'employer de nouvelles stratégies et technologies pour combattre de nouveaux nuisibles.
Nous pouvons atténuer certains de ces nouveaux risques grâce aux stratégies appropriées et à un investissement dans les technologies nouvelles, tandis que d'autres risques feront que la capacité de la lutte sur l'exploitation ne sera pas à la hauteur. L'arsenal de programmes de gestion du risque au Canada existe depuis une dizaine d'années, tandis que la structure de base de certains de ces programmes remonte à de nombreuses décennies avant la reconnaissance de ces nouveaux risques et la nécessité, ensuite, d'investir dans leur maîtrise.
Actuellement, nous croyons qu'il est essentiel que les pouvoirs publics et l'industrie prennent un peu de recul et examinent à fond, ensemble, l'apport de ces programmes à la maîtrise des risques qu'affrontent les producteurs. Nous devons nous assurer que les programmes canadiens de gestion des risques de l'entreprise continuent d'aider les producteurs à maîtriser ces risques qui échappent à leur volonté, lorsque des facteurs comme le changement climatique permettent à ces risques de continuer d'évoluer. L'agriculture canadienne a besoin d'un ensemble efficace de programmes de gestion des risques de l'entreprise pour que les producteurs aient la confiance nécessaire d'investir en amont dans les stratégies et les technologies qui leur permettront de s'adapter à ces risques qu'il est en leur pouvoir de maîtriser.
Le gouvernement a clairement démontré qu'il entendait être plus déterminé dans sa lutte contre le changement climatique. On l'a vu avec la déclaration de Calgary, qui pose les jalons du prochain cadre stratégique pour l'agriculture destiné à remplacer, à compter de son lancement, en 2018, le cadre actuel Cultivons l'avenir 2. Nous avons activement clarifié nos positions sur l'appui qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que les ministères provinciaux de l'Agriculture peuvent fournir aux producteurs pour réduire les émissions et s'adapter aux effets du changement climatique. Nous attendons maintenant de voir combien de nos propositions seront adoptées dans le prochain accord multilatéral.
Globalement, la riposte du gouvernement contre les défis que le changement climatique réserve à l'agriculture doit être cohérente. Par exemple, l'innovation, les infrastructures vertes et les technologies propres jouent toutes un rôle important. Une partie de la difficulté d'adapter à l'exploitation agricole les technologies propres est que, souvent, elles ont besoin, dès le premier jour, d'importants investissements dont le rendement s'étale sur de nombreuses années. L'amortissement accéléré du matériel agricole pourrait encourager les producteurs à faire ces investissements. De manière encore plus générale, je proposerais que nous commencions à examiner la possibilité de crédits d'impôt pour les investissements dans les technologies propres.
La bioéconomie promet des jours meilleurs depuis de nombreuses années, mais elle a toujours souffert des mêmes difficultés à l'étape de la commercialisation. Les déchets agricoles et les matières premières végétales cultivés pour réduire l'empreinte carbone peuvent la réduire sensiblement pour beaucoup de produits, quand ils remplacent les matières premières pétrolières et gazières. Cela ne comprend pas seulement les combustibles et carburants, mais, aussi, les matières composites, la fibre, les spécialités chimiques et les sucres. Le problème découle d'investissements insuffisants dans la capacité de transformation et dans la construction de la chaîne logistique de la plupart des secteurs. La bioéconomie est l'un des secteurs qui, le plus manifestement, montrent que l'agriculture canadienne peut faire partie de la solution du problème du changement climatique.
Grâce à des pratiques de conservation des sols, les producteurs agricoles immobilisent aussi des quantités notables de carbone : 8,5 mégatonnes, seulement l'année dernière. Cependant, nous avons découvert que, dans l'élaboration de protocoles compensatoires, beaucoup de provinces ont hésité à créer les mesures nécessaires pour inciter les producteurs à participer au programme s'ils s'adonnent déjà au travail de conservation du sol. Il faut reconnaître que nous devrions avoir en place des politiques pour protéger le carbone déjà séquestré dans les sols. Autrement dit, nous ne devons pas seulement nous rappeler de remplir le réservoir, mais nous devons aussi, par de bonnes politiques, bien le fermer pour ne pas provoquer de fuites de carbone à cause du changement technologique ou du changement de direction.
Il faudra agir de manière équilibrée, en reconnaissance de la nécessité, pour les producteurs, de conserver une certaine souplesse dans les bons choix à faire pour répondre, par exemple, à des précipitations excessives inhabituelles. Il se peut qu'en une ou en plusieurs années atypiques, les sols libèrent du carbone, mais la tendance générale à long terme restera sa séquestration.
Les améliorations de la productivité grâce à la génétique peuvent aussi réduire considérablement les émissions par unité de produit et constituer l'un des processus les plus concrets pour produire plus de nourriture, de combustibles et de fibres (cellulose) pour une population mondiale croissante et plus riche, tout en réduisant les émissions.
Nous percevons la nécessité d'adopter une démarche plus holiste, grâce à l'agriculture adaptée au climat, c'est-à-dire qui reconnaît que nous devons à la fois augmenter les rendements grâce à son intensification soutenable, atténuer les effets du changement climatique et mettre l'adaptation en œuvre. Par le passé, nous avons assisté à une insistance très grande sur l'adaptation, aux dépens de l'atténuation. Nous avons maintenant l'impression d'être allés trop loin dans le sens contraire. Nous devons continuer de favoriser les trois à la fois.
À cause du chacun pour soi dont les provinces ont fait preuve dans la fixation du prix du carbone, nous commençons à ressentir de plus en plus d'inquiétude à cause des problèmes de compétitivité qui apparaissent au Canada. Des provinces ont autorisé des exceptions ou des systèmes de remise pour les producteurs, sur le prix du carbone, tandis que d'autres ont insisté pour que leurs agriculteurs paient intégralement le prix. Certains secteurs sont d'importants utilisateurs d'énergie, qui ne disposent d'aucun mécanisme facile de changement technologique pour le produit qu'ils cultivent. La plupart des améliorations éprouvées et disponibles de l'efficacité énergétique visaient à comprimer les coûts. Comme, sur le marché, nous sommes des preneurs de prix, nous sommes particulièrement inquiets, parce que, contrairement à d'autres secteurs de l'économie, c'est impossible de refiler les coûts augmentés de nos intrants à nos clients. Nous devrons entamer notre marge bénéficiaire, ce qui nous rendra moins concurrentiels par rapport aux importations de pays qui n'ont pas fixé de prix pour le carbone ou qui ont des mesures plus favorables pour les producteurs agricoles.
Le groupe fédéral-provincial de travail sur les mesures éventuelles d'atténuation n'a pu reconnaître que peu de possibilités de réduction des émissions de l'agriculture, dont certaines très coûteuses par tonne de produit. L'agriculture reste aussi unique en son genre par rapport à d'autres secteurs, la plupart de ses émissions ayant une origine biologique, de l'oxyde de diazote, créé dans les cultures par le cycle de l'azote, au méthane, créé par les élevages de ruminants. Jusqu'ici, la fixation du prix du carbone n'en tient pas compte et elle ne le devrait pas non plus.
Cependant, nous avons effectivement besoin de plus de mesures de compensation et d'autres mesures à l'égard de ces émissions biologiques, pour que les producteurs reçoivent les bons encouragements et qu'ils sachent comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d'origine biologique. Le secteur, dans des programmes comme celui de certification de l'intendance des éléments nutritifs des engrais en les puisant à la bonne source et en les employant à la bonne proportion, au bon endroit et au bon moment a vraiment essayé de faire preuve d'initiative, mais nous avons besoin d'un contexte favorable, grâce à la politique de l'État, pour obtenir des réductions importantes.
Finalement, nos principales recommandations sont de fixer des priorités à la recherche, de produire et de répandre les bons outils pour permettre les bonnes décisions en matière d'adaptation, d'inspirer de nouvelles pratiques de gestion grâce à des mesures d'incitation et d'appui au programme, de s'attaquer aux problèmes de compétitivité internationale et interne, dans notre pays, de mettre en œuvre une stratégie intersectorielle pour favoriser un système alimentaire soutenable et résilient et, chaque fois, de tout faire cela en partenariat avec les agriculteurs.
Nous estimons que, actuellement, l'agriculture canadienne est un secteur stratégique de l'économie qui a besoin d'investissements stratégiques pour atteindre son plein potentiel, celui de fournir une alimentation et des produits agricoles à faible intensité de carbone à une population mondiale qui augmente.
Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Bonnett.
[Français]
Avant de continuer, je demanderais aux sénateurs qui viennent de se joindre à nous de se présenter. Sachez qu'ils ne sont pas en retard. Nous ne pouvons commencer les réunions des comités tant et aussi longtemps que les débats du Sénat ne sont pas terminés.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario. Soyez les bienvenus.
[Français]
La sénatrice Tardif: Bonjour, Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur Pratte : André Pratte, sénateur du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le sénateur Woo : Je suis le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Bernard : Je suis la sénatrice Bernard, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Gagné : Soyez les bienvenus. Je suis la sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Français]
Le président : Après la comparution des témoins, la séance se tiendra à huis clos pendant quelques minutes, à la demande des sénateurs.
Nous poursuivons maintenant avec Mme Rebecca Lee, directrice générale du Conseil canadien de l'horticulture. Madame Lee, la parole est à vous.
[Traduction]
Rebecca Lee, directrice générale, Conseil canadien de l'horticulture : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonsoir. Je vous remercie de votre invitation à venir discuter de l'impact du changement climatique sur le secteur horticole canadien.
Notre conseil représente à l'échelon national les producteurs de fruits et légumes de tout le Canada depuis près de 100 ans. Nous sommes l'un des secteurs agroalimentaires les plus importants du pays, puisque, grâce à des recettes agricoles directes de 4,7 milliards de dollars, nous produisons un PIB réel de plus de 11,4 milliards.
Le changement climatique, qui présente un défi au monde entier, exige l'intervention des États, des industries, des entreprises, des collectivités et des individus. Comme, de par sa nature, l'horticulture est soumise à des changements brusques des conditions environnementales et météorologiques, nos producteurs sont particulièrement sensibles à des problèmes comme lui.
La capacité de nos membres de produire des aliments sains, abordables, touche la sécurité alimentaire de tous les Canadiens.
Nous voulons, aujourd'hui, donner une vue d'ensemble du changement climatique et de ses répercussions sur l'horticulture tout en mettant en évidence les difficultés qu'il présente et les occasions à saisir qu'il offre pour diverses productions végétales.
En ce qui concerne les mesures d'adaptabilité et de résilience pour l'horticulture canadienne, ce secteur est toujours à l'affût de solutions au problème du changement climatique, dont de nombreuses conséquences y sont partout visibles. Par exemple, nos producteurs craignent une météo changeante et imprévisible, des sécheresses plus fréquentes et plus graves, une exposition accrue aux nuisibles envahissants, aux maladies des végétaux contre lesquels la lutte serait coûteuse et des énergies renouvelables de remplacement coûteuses.
En raison de ces nombreux problèmes, notre secteur compte souvent sur la recherche et l'innovation pour assurer la soutenabilité de notre environnement et notre sécurité alimentaire. Par exemple, les producteurs de raisins utilisent maintenant des souffleuses à air chaud pour réduire le risque de gel et prolonger la saison de croissance, tandis que les producteurs de fraises se servent de l'irrigation et du paillage de plastique pour prévenir le gel. La technique de GPS permet aux producteurs de végétaux de réduire au minimum l'emploi de pesticides grâce à des pulvérisations localisées. Les améliorations apportées aux variétés cultivées, par exemple le fraisier remontant, et de grands abris-tunnels fermés permettent d'étirer la récolte sur six mois plutôt que de la concentrer sur deux ou trois semaines.
L'accès à l'eau et des méthodes perfectionnées d'irrigation seront essentiels aux producteurs de fruits et légumes pour les soustraire à des extrêmes météorologiques plus graves et plus fréquents.
Pour assurer la soutenabilité de leurs exploitations, les serriculteurs qui exploitent des milieux fermés et protégés, maîtrisent plus facilement beaucoup de risques associés au changement climatique comme ceux de la maîtrise du climat et des invasions de nuisibles. En général, ils adoptent rapidement les innovations. Beaucoup de serres ont l'équipement dernier cri pour réduire la consommation d'intrants comme l'eau, les engrais et les combustibles, ce qui entraîne une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre.
Beaucoup de serriculteurs captent le dioxyde de carbone de qualité alimentaire produit par leurs chaudières à eau chaude et alimentent leurs cultures de ce sous-produit de la combustion pendant les périodes de forte activité photosynthétique, ce qui se traduit par une production accrue. Voilà un exemple de leur efficacité.
La fixation du prix du carbone a des répercussions économiques chez les producteurs horticoles, puisqu'elle signifie généralement une augmentation du coût des engrais, du conditionnement et du transport, pour ne pas dire du coût de divers combustibles. Les estimations actuelles montrent que la tarification du carbone devrait coûter aux serriculteurs de légumes jusqu'à 20 millions de dollars de paiements de leur poche en 2017 seulement. Les remises annoncées par les gouvernements de la Colombie-Britannique et de l'Alberta soulageront en partie les producteurs de ces provinces.
Les producteurs affrontent sur le marché mondial les États qui n'ont pas mis en place de mécanismes de tarification du carbone. Impossible de refiler ces coûts au consommateur pour rester concurrentiel. Cette tarification agit de fait comme un obstacle non tarifaire au commerce.
Permettez-nous de vous donner des explications sur certaines de nos préoccupations relatives à la compétitivité. Actuellement, le seul secteur des produits horticoles pour lequel la balance commerciale avec les États-Unis est positive est celui des légumes de serre, avec des exportations de 826 millions de dollars en 2015. Toutefois, cette balance commerciale pourrait changer rapidement si les serriculteurs canadiens ne peuvent demeurer concurrentiels par rapport aux producteurs américains.
Le président Trump a récemment réduit le budget de l'Environmental Protection Agency de 31 p. 100. Les changements climatiques ne sont plus une priorité du gouvernement américain.
L'absence de politique nationale de tarification du carbone aux États-Unis entraîne des désavantages concurrentiels pour les producteurs canadiens. En effet, nos producteurs ne peuvent augmenter les prix de leurs produits pour compenser l'augmentation de leurs coûts de production, car les détaillants se tourneraient simplement vers des produits venant des États-Unis, du Mexique ou d'ailleurs pour satisfaire à la demande des consommateurs. Cette réalité économique se traduit par ce qu'on appelle communément la fuite de carbone : les entreprises délocalisent leurs activités vers des pays qui n'ont pas de politiques de tarification du carbone.
Les fermetures d'exploitations agricoles et de serres entraînent des pertes d'emplois pour les Canadiens. L'aménagement d'une acre destinée à la serriculture nécessite un investissement d'un million de dollars, environ. Étant donné l'importance de ces investissements, il est essentiel que le climat d'affaires canadien favorise la croissance continue.
Cela dit, nous reconnaissons que la Colombie-Britannique et l'Alberta ont collaboré avec les producteurs et leur ont offert un rabais de 80 p. 100 sur la taxe sur le carbone applicable aux serres commerciales. D'un autre côté, on se retrouve maintenant dans une situation où les conditions du marché varient considérablement d'une province à l'autre. Les taxes sur les émissions de carbone auront aussi une incidence négative sur la sécurité alimentaire au Canada, étant donné notre dépendance accrue sur les importations de fruits et de légumes.
Passons maintenant au rôle des gouvernements pour l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre des consultations du prochain cadre stratégique pour l'agriculture, ou PCS, nous avons évoqué l'appui dont nous aurons besoin pour favoriser la durabilité environnementale de notre secteur et lutter contre les changements climatiques. Toutefois, pour atteindre les objectifs énoncés dans les initiatives du gouvernement en regard des changements climatiques, le secteur horticole canadien a besoin de fonds ciblés supplémentaires, et non seulement de ceux du prochain cadre stratégique. Selon nous, cela pourrait se faire grâce à l'harmonisation des programmes du PCS et du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.
L'harmonisation des programmes aurait plusieurs effets : appui à la recherche à long terme sur les technologies à faibles émissions de carbone ou les technologies d'énergie renouvelable, en reconnaissant les activités de réduction des émissions de gaz à effet de serre comme les mises à niveau antérieures effectuées par les utilisateurs précoces du système d'échange de crédits de carbone; mise en place de politiques incitatives continues pour récompenser l'atteinte de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre; favoriserait l'accès au financement pour les activités d'application et de transfert des connaissances et de la technologie; adoption, pour les exploitations de toutes tailles, de pratiques et de technologies de culture visant à protéger le secteur contre les répercussions des changements climatiques; mise en œuvre d'une stratégie d'intervention et d'adaptation aux pressions nouvelles et accrues associées aux ravageurs et aux maladies; développement de nouvelles variétés végétales nécessitant moins d'intrants de production, comme les variétés qui nécessitent moins de lumière ou moins de produits antiparasitaires et, enfin, la mise en place d'une approche collaborative visant à renforcer la confiance de la population à l'égard du secteur agricole canadien dans le contexte des changements climatiques.
En ce qui concerne la tarification du carbone, notre secteur compte sur le rôle de chef de file du gouvernement fédéral; il doit harmoniser les politiques à l'échelle du pays et dans les accords commerciaux, en plus d'offrir, d'ici là, des allègements aux producteurs. De plus, en repoussant la date de la hausse du prix du carbone — jusqu'à 50 $ la tonne d'ici 2022, selon les prévisions actuelles —, le gouvernement favoriserait la compétitivité continue du secteur horticole canadien jusqu'à l'adoption de politiques de tarification du carbone chez nos partenaires commerciaux. Nous comptons sur la collaboration du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux pour résoudre les enjeux liés à la compétitivité grâce aux fonds provenant de la nouvelle politique canadienne en matière de la tarification du carbone.
En conclusion, les producteurs canadiens investissent et évoluent dans un marché concurrentiel aux particularités uniques et produisent un produit hautement périssable. Les coûts associés à la tarification du carbone ne peuvent être refilés aux consommateurs. Par conséquent, l'industrie est de moins en moins concurrentielle sur les marchés internationaux. Notre secteur a un solide bilan sur les plans de l'intendance environnementale, de l'innovation et de l'exploitation durable. Nous sommes impatients de collaborer avec le gouvernement pour tirer parti de ces progrès.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner. Nous espérons que nos observations ont été instructives et utiles.
Le sénateur Mercer : Merci de nous avoir informés de bon nombre d'enjeux. Je peine à savoir où commencer.
Vous avez tous les deux soulevé un problème évident, quoiqu'en utilisant des termes différents. Par exemple, monsieur Bonnett, vous avez indiqué que les problèmes liés à la compétitivité suscitent des préoccupations croissantes au Canada en raison des divergences pour la mise en œuvre de la tarification du carbone d'une province à l'autre. Vous avez ensuite mentionné les divers crédits qui sont offerts en Alberta et en Colombie-Britannique, mais pas ailleurs.
En agissant ainsi, avons-nous créé des problèmes là où il ne devrait pas y en avoir? Les programmes varient d'une région à l'autre du pays. Un des problèmes de la fédération canadienne, c'est que l'agriculture relève du fédéral et des provinces et qu'il y a un manque d'uniformité. Serait-il temps que le ministre fédéral et ses homologues provinciaux se réunissent pour trouver une solution commune? Ne conviendrait-il pas de prendre conscience que des programmes adéquats sont nécessaires, mais qu'il convient d'adopter des programmes uniformes à l'échelle du pays afin de ne pas être en concurrence entre nous? Est-il temps d'être en concurrence avec le reste du monde plutôt qu'entre nous?
M. Bonnett : Je pense que vous avez cerné l'un des principaux problèmes du Canada. On compte divers mécanismes de tarification du carbone. Vous avez mentionné la Colombie-Britannique, qui offre un rabais sur la taxe sur le carbone. L'Alberta travaille à la mise en œuvre d'un système de plafonnement et d'échange. L'Ontario est en train de mettre en place une taxe sur le carbone. Ces mesures ont des effets très différents.
J'ai récemment discuté avec un serriculteur de la région de Sarnia. Selon ses estimations, la taxe sur le carbone applicable à l'énergie fera grimper sa facture d'énergie de 80 000 $ cette année. Les différents mécanismes entraînent des distorsions. Il convient donc de les harmoniser à l'échelle du pays, sans toutefois ignorer qu'il est peu probable que notre voisin du Sud adopte un mécanisme quelconque de tarification du carbone. Comment pourrons-nous demeurer concurrentiels? Ce serriculteur de Sarnia exporte toute sa production aux États-Unis, et il pourrait soudainement se retrouver avec un désavantage considérable sur le plan des coûts de production.
Il faut donc à la fois faire preuve de cohérence à l'échelle du pays et examiner la situation dans une perspective internationale afin d'éviter de nuire à notre compétitivité.
Justine Taylor, gestionnaire des relations gouvernementales et des sciences, Producteurs de légumes de serre de l'Ontario : Je souscris aux propos de Ron. Nous connaissons très bien la situation des producteurs de l'Ontario. Selon nos estimations, les producteurs dont les émissions sont en deçà du seuil de 10 000 tonnes fixé pour la participation volontaire au Programme de plafonnement et d'échange de l'Ontario subiront une hausse des coûts de 6 200 $ par acre par année pour la première année du programme. La limite maximale de la participation volontaire toucherait les exploitations d'environ 30 acres. Donc, pour une exploitation de cette taille, les coûts sont estimés à 180 000 $ pour la première année du programme. Si le fédéral met en place une tarification minimale applicable aux provinces, ce montant passerait évidemment à 50 $ la tonne au fil du temps. Cela aurait des répercussions considérables pour nos producteurs.
Le sénateur Mercer : Madame Lee, au point 27 de votre document, vous parlez de la reconnaissance des activités de réduction des émissions de gaz à effet de serre comme les mises à niveau antérieures effectuées par les utilisateurs précoces du système d'échange de crédits de carbone. Il me semble que ne pas le reconnaître serait une occasion perdue.
Il y a plusieurs années, le comité a visité une petite ferme de production d'œufs de la Nouvelle-Écosse. L'exploitant avait installé une éolienne pour produire de l'électricité afin de réduire ses coûts. Cela avait une incidence sur ses résultats, ce qui lui permettait d'assurer la subsistance de sa famille et d'aider ses parents, qui avaient exploité la ferme avant lui.
N'est-ce pas maintenant reconnu par les autorités fiscales, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale?
M. Bonnett : Les politiques fiscales ne reconnaissent pas vraiment certains de ces investissements. Dans notre mémoire, nous évoquons la possibilité d'adopter des mesures fiscales pour favoriser les investissements en immobilisations.
Au début de votre intervention, vous avez mentionné que notre présentation traite de nombreux points. Je sais que si je lui avais laissé le champ libre, Drew aurait pu rédiger 10 pages supplémentaires. Fait intéressant, le secteur agricole, qui contribue aux émissions de carbone, peut aussi jouer un rôle dans la séquestration du carbone, d'où sa grande complexité et l'étendue de ses activités.
Dans le mémoire, on mentionne la possibilité d'utiliser les bioproduits en guise de remplacement pour les produits pétroliers. Des digesteurs de méthane pourraient être installés dans des exploitations d'élevage pour produire de l'énergie.
Nous parlons d'adopter une approche globale à cet égard et de chercher des façons de tirer parti de certains crédits. Or, étant donné la diversité des approches relatives à la tarification du carbone d'une province à l'autre, il est vraiment difficile de prévoir les résultats de cette politique ou de ce programme, car ce qui pourrait fonctionner dans une province pourrait ne pas fonctionner ailleurs.
Je pense qu'il faut des chefs de file. Le premier ministre et les premiers ministres provinciaux doivent se pencher sur la façon de mettre en œuvre la tarification du carbone, en particulier dans le secteur agricole.
Mme Taylor : J'avais l'intention de parler de certaines mesures antérieures qui, comme vous l'avez indiqué, doivent être reconnues. Par exemple, étant donné que les coûts énergétiques représentent une bonne part des coûts de production du secteur de la serriculture, beaucoup de producteurs ont déjà adopté les technologies les plus récentes afin d'être à la fine pointe de l'efficacité énergétique. Le Plan d'action de l'Ontario sur le changement climatique prévoit l'affectation des fonds provenant du système de plafonnement et d'échange pour le développement de technologies novatrices, mais ces fonds ne sont pas offerts à ceux qui ont déjà installé de telles technologies.
Le sénateur Mercer : Il convient de reconnaître l'innovation et de consulter les producteurs en serre. Nous avons visité, au nord de Trois-Rivières, une importante serre où l'on produit exclusivement des tomates cerises. C'est une installation extraordinaire, mais les coûts d'énergie sont une grave préoccupation. Parmi les mesures qui ont été prises, notons la récupération du méthane provenant du site municipal d'élimination des déchets à proximité.
Il faut reconnaître ce genre de choses; l'installation d'une serre à proximité d'un site municipal d'élimination des déchets est très efficace. À mon avis, nous devons faire preuve de créativité, en particulier dans un pays à climat froid comme le nôtre, si nous voulons produire nos propres aliments et exporter nos produits. Nous devons également nous faire les champions des gens qui en ont déjà fait preuve.
Mme Taylor : Tout à fait. Dans le cadre de notre stratégie de lutte contre les changements climatiques, le jumelage des installations fait partie des solutions à moyen terme à privilégier pour les problèmes d'approvisionnement en énergie.
Le sénateur Oh : Le contrôle du réchauffement climatique est un enjeu important; il est sur toutes les lèvres. Notre politique est-elle identique à celle des autres pays du monde? Un jour, nos produits seront vendus au sud de la frontière et ailleurs. D'autres pays vendront leurs produits ici. Tout cela aura une incidence sur les prix. Essentiellement, c'est un enjeu d'ordre économique.
Le Canada est-il prêt à lutter contre les changements climatiques? Il semble que ce sera très coûteux. Qui paiera la facture?
M. Bonnett : Je pense que vous avez souligné l'enjeu fondamental : la compétitivité. Le prix des denrées est fixé sur les marchés internationaux, en fin de compte. Si un producteur de poivrons est soudainement désavantagé par l'instauration d'une tarification du carbone, un autre producteur prendra la relève ailleurs. Je souligne que nous avons déjà entendu dire que certaines personnes ont choisi de délocaliser leurs activités au Michigan et dans d'autres États en raison des coûts réduits.
À mon avis, c'est l'un des aspects dont il faut être conscient. Si nous voulons vraiment planifier l'avenir du secteur agricole et favoriser sa croissance, nous devons mettre en place un système de tarification du carbone concurrentiel. Cela varie. On a abondamment parlé des serres; c'est un exemple probant. Même les producteurs agricoles commencent à être préoccupés, étant donné qu'ils devront composer avec les coûts associés à la tarification du carbone, et ce, pour tous leurs intrants, des engrais au carburant.
Mme Lee : C'est une de nos principales préoccupations. Nous ne sommes pas simplement préoccupés par la possibilité que des serres et d'autres secteurs délocalisent leurs activités vers des endroits qui n'ont pas de politique de tarification du carbone, mais aussi par le fait que la perte d'entreprises au Canada nous obligera à importer des produits. Nous devrons peut-être importer des produits de pays qui n'ont pas une telle politique, ce qui signifie que cette initiative pourrait se traduire par des pertes à l'échelle internationale.
Le Canada a une bonne longueur d'avance sur de nombreux pays, ce qui est louable, mais étant donné que nous sommes les premiers à adopter de telles mesures, je pense que nous devons faire preuve de prudence si nous ne voulons pas nous retrouver perdants.
Le sénateur Oh : Donc, les pays en développement et les pays du tiers monde ne mettront certainement pas en place des politiques de contrôle du réchauffement climatique. C'est trop coûteux et ils n'en ont pas les moyens.
M. Bonnett : À cela s'ajoute un autre aspect dont on n'a pas encore discuté. Nous parlons des coûts, mais il y a eu des discussions, en particulier par rapport aux systèmes de plafonnement. La question était de savoir s'il serait possible d'avoir des avantages quelconques pour certaines de nos activités, comme la culture sans travail du sol. Un autre exemple est un éleveur de bétail qui adopte des pratiques de pâturage en rotation, ce qui accroît la productivité. Y aurait-il moyen de récompenser l'utilisation de telles pratiques?
Vous avez mentionné la récupération du CO2 émis par les chaudières. S'il y avait un mécanisme permettant d'être récompensé pour des activités de séquestration du carbone, cela pourrait aider à réduire les coûts. L'élaboration des systèmes de tarification du carbone n'est pas terminée, mais tout le monde semble vouloir aller de l'avant sans avoir réfléchi attentivement aux mesures d'atténuation et aux façons d'aborder ces questions. La question de la concurrence est à la fois liée aux coûts et aux récompenses que nous pourrions recevoir, et ce, pour tout type de mécanisme de tarification du carbone.
Le sénateur Oh : Si le gouvernement vous subventionne, on assistera à une guerre des subventions.
M. Bonnett : J'ajoute que je ne suis pas très favorable aux subventions, car les subventions peuvent varier, voire disparaître, au fil des élections. Ce qu'il faut, c'est un mécanisme fonctionnel axé sur le marché. Cela évite d'être vulnérable. Un plan d'affaires ne peut être établi en fonction d'un cycle électoral de quatre ans.
Le sénateur Woo : J'ai une question complémentaire sur la séquestration et la façon d'en tirer parti grâce à l'élaboration d'un système dans lequel les exploitations agricoles qui font office de puits sont récompensées.
Essentiellement, je vous demande de nous aider à définir les caractéristiques que devrait avoir un système de tarification du carbone ou un système de plafonnement et d'échange de façon à ce que l'utilisation de puits ou d'autres mécanismes de séquestration du carbone puisse être un avantage, comparativement au coût que représente la tarification du carbone.
Avez-vous une idée du mécanisme nécessaire pour vous permettre de tirer parti de telles activités?
Drew Black, directeur des politiques environnementales et scientifiques, Fédération canadienne de l'agriculture : Nous aimerions souligner un aspect important : l'Alberta a adopté une telle approche depuis un certain temps déjà. Elle a mis en place des protocoles de compensation afin d'appuyer les producteurs et de promouvoir les activités de séquestration du carbone ainsi que d'autres approches de réduction des émissions dans le secteur agricole. Le processus nécessaire pour satisfaire aux exigences est assez exhaustif et exige une documentation rigoureuse.
À notre avis, le premier critère est que, pour y parvenir, nous devons avoir en place une sorte de système de protocoles de compensation, pour un large éventail de produits agricoles, dans le but d'aider l'industrie à réduire les émissions.
On se retrouve un peu dans une impasse. Dans certains cas, une tarification très élevée du carbone pourrait être nécessaire pour justifier les paiements qui seraient reçus en guise de compensation pour séquestrer le carbone, ce qui pourrait alors désavantager d'autres secteurs agricoles. C'est une autre voie dans laquelle nous ne voulons pas nécessairement nous engager. Il peut être difficile de trouver un équilibre.
Ce qu'il faut retenir, c'est que beaucoup de travail a été accompli au cours des 10 dernières années et qu'encore plus d'efforts ont été déployés pour élaborer certains de ces protocoles. Nous avons une solide base de connaissances pour travailler et prendre de l'expansion d'un bout à l'autre du Canada. Sauf erreur, il n'y a pas beaucoup d'autres provinces qui commencent à le faire. Nous devrions vraiment nous efforcer de mettre quelque chose sur pied et essayer d'accroître la cohérence de nos politiques d'une province à l'autre plutôt que de recommencer à zéro.
Le sénateur Woo : Quelles sont les personnes qui travaillent à un concept de système plus cohérent? Est-ce vous, peut-être?
M. Bonnett : Je pense que l'ensemble des agriculteurs participent. Certaines de nos universités ont contribué beaucoup grâce à la recherche. Dans les deux mémoires, il est question de la nécessité de faire de la recherche et d'être en mesure de quantifier quelles mesures se traduiront par le meilleur piégeage possible du carbone.
Nous avons des données sur certains types de méthodes de séquestration du carbone. D'autres méthodes doivent être examinées. L'essentiel, c'est de déterminer comment mettre en place un système qui peut remettre l'argent aux producteurs qui passent à l'action. Je pense qu'il est juste de dire qu'il règne actuellement une grande confusion à cet égard.
Nous avons tenu notre assemblée annuelle il y a un mois, en février. Un groupe de personnes a parlé des questions liées au carbone et de la façon de les régler. Je ne pense pas que nous ayons eu une conversation plus animée que celle-là au cours des cinq dernières années.
Les gens sont préoccupés. Ils voient les dépenses augmenter sans qu'on propose quoi que ce soit pour compenser. La question de savoir comment nous continuerons de produire et de livrer concurrence alors que nous ne savons pas ce que nous pouvons faire et de quelle façon nous serons récompensés pour certaines mesures que nous prenons suscite un certain degré de frustration.
Le sénateur Woo : L'augmentation du prix des produits agricoles est un autre moyen de rentabiliser les pratiques à faibles émissions de carbone. Je suppose que ma question est naïve. C'est ce que nous avons vu pour ce qui est des produits biologiques, du café cultivé à l'ombre et de toutes les pratiques qui visent essentiellement la protection de l'environnement et de l'intérêt public. Est-il possible d'obtenir sur le marché un prix plus élevé pour un produit agricole à faibles émissions?
M. Bonnett : Peut-être auprès de 5 à 10 p. 100 des gens. C'est mon estimation. Ce serait le même genre de part de marché que l'on observe pour les produits biologiques. Je pense que la plupart des gens tiennent de beaux discours, mais regardent les prix au supermarché.
Mme Lee : J'ajouterais qu'il existe déjà un certain nombre de règlements que les agriculteurs doivent suivre. Nous devons également éviter de les accabler de règles à suivre pour qu'ils puissent exploiter leurs fermes.
J'ajouterais également une chose à ce que M. Bonnett disait à propos de travailler avec le milieu universitaire pour établir une stratégie, qui serait harmonisée avec la politique dans le cadre d'une collaboration, plutôt que d'avoir une politique pour ensuite essayer de comprendre comment nous pouvons demeurer concurrentiel. Je pense que c'est surtout les gouvernements fédéral et provinciaux qui doivent s'en occuper.
Nous en avons souvent parlé à notre assemblée générale annuelle, qui a eu lieu il y a 10 jours, ainsi qu'à nos réunions du conseil d'administration. Il serait très important que le gouvernement fédéral soit en mesure de donner des lignes directrices sur la façon dont les provinces devraient mettre en œuvre cette politique pour demeurer concurrentielles à l'échelle nationale.
Le sénateur Ogilvie : La majeure partie de votre exposé portait sur les répercussions économiques des décisions politiques qui partent du principe que le dioxyde de carbone est mauvais et que la température va augmenter. Ces décisions ont de graves répercussions sur l'industrie agricole, et vous avez donc mis l'accent à juste titre sur cet aspect de la question.
Dans la mesure où ces problèmes sont réels, nous savons que, au fil du temps, les petits changements permanents de température ambiante ont une incidence sur des organismes vivants, c'est-à-dire les populations qui ne peuvent survivre que dans certaines conditions. Nous savons également que les changements à la concentration de dioxyde de carbone ont une incidence sur les plantes. En fait, Mme Lee a parlé du recours délibéré au dioxyde de carbone pour stimuler la croissance des plantes pendant les périodes de forte croissance.
La question que je vous pose part du principe que la tendance au réchauffement est réelle et que la concentration de dioxyde de carbone continuera d'augmenter pendant un certain temps. Vous n'avez rien dit à propos de l'idée de la recherche sur la survie des plantes à la suite de hausses permanentes de la température. Nous savons que nous avons au Canada des serres dans lesquelles il est possible de contrôler l'atmosphère, la température par rapport à la température ambiante à l'extérieur, de sorte qu'on peut y régler la température, disons, deux degrés au-dessus de la température à l'extérieur grâce à un thermocouple se trouvant dehors.
Dans la mesure où ces changements sont réels, nous devons nous préparer à cultiver d'autres variétés de plantes, celles qui s'en sortent beaucoup mieux lorsque la température est plus élevée, et une occasion s'offre peut-être à nous dans un pays où les températures ambiantes sont inférieures à celles de nombreux autres pays du monde.
Pouvez-vous nous donner une idée de la position du Canada pour ce qui est de la recherche ayant pour but la planification de nos futures cultures agricoles?
M. Bonnett : Nous avons parlé brièvement de la recherche dans notre exposé, mais c'est un sujet très vaste. Vous avez mentionné à juste titre l'incidence des changements climatiques. Les agriculteurs s'en rendent compte rapidement. Cela ne se limite pas à un réchauffement climatique; il est aussi question de conditions météorologiques changeantes. C'est une combinaison de choses.
À ma propre ferme, nous voyons de plus en plus de périodes de temps pluvieux et de périodes de sécheresse. Nous faisons des pâturages pour notre bétail, et nous pouvons donc traverser ces périodes pendant l'été. Nous plantons de l'hybride sorgho-Soudan qui vient du Sud des États-Unis pour compenser.
De nombreux travaux de recherche portent sur le type de plantes qu'il faut faire pousser pour s'adapter à ces changements. Nous commençons à voir de nouveaux parasites ou de nouveaux insectes dans l'écosystème, que ce soit dans les cultures ou dans l'élevage du bétail. C'est là-dessus qu'il faudra faire beaucoup de recherche pour s'adapter aux répercussions des changements climatiques. Nous n'y pouvons rien; nous devrons nous adapter.
L'un des faits intéressants que vous avez mentionnés se rapportait à la température. J'ai dit que c'est une combinaison de changements de température et de conditions météorologiques. À propos de la température, pendant mon enfance dans le comté de Bruce, dans le Sud-Ouest de l'Ontario, pour cultiver le maïs, il n'aurait presque pas été possible que le degré-jour soit plus prononcé. Nous le faisons maintenant pousser à une latitude plus élevée. Le Manitoba cultive la terre. Il fait certainement plus chaud.
Ce qui est encore plus important, c'est l'écart entre les conditions météorologiques que nous observons. Il faut que ce soit une priorité des systèmes de culture : la mise au point de plantes qui peuvent résister aux sécheresses et tenir bon pendant les périodes pluvieuses. Cet écart crée un tout nouveau type de recherche nécessaire pour les grandes cultures et l'horticulture. Une fois de plus, il s'agit du même genre de problèmes.
Mme Lee : Je peux en dire plus long sur la question des ravageurs envahissants. À l'heure actuelle, des ravageurs mis en quarantaine ou réglementés et d'autres qui le ne sont pas pourraient nuire aux cultures en serre et être en mesure de sortir des serres et de vivre dans les grandes cultures. Nous pourrions presque nous servir des serres pour déterminer les zones que ces ravageurs occuperont à l'avenir.
Nos producteurs ont sans aucun doute mentionné les conditions météorologiques changeantes, la nécessité de créer des variétés au Canada pour faire face à ces situations et de renforcer la capacité des chercheurs en pomiculture, en investissant à long terme dans les cultures et la mise au point de cultivars, ainsi que dans des produits à court terme. Ils sont préoccupés. Il y a des travaux de recherche embryonnaires, mais il faut certainement en faire plus.
Le sénateur Ogilvie : Les aspects sur lesquels vous vous êtes penchés pour répondre à ma question sont en fait d'autant plus important en ce qui a trait à l'incidence à long terme sur votre industrie. Les questions actuellement à l'étude relativement aux taxes sur le carbone, aux crédits de carbone et aux hausses des coûts de l'énergie qui visent délibérément à modifier les tendances climatiques donneront lieu à une période difficile. Nous assistons déjà à un important bouleversement politique en Australie, où ces choses ont beaucoup progressé. Vous avez de graves problèmes en Ontario compte tenu de décisions politiques et de l'incidence du coût de l'énergie, ce qui laisse entrevoir peu d'avantages évidents à long terme.
Dans la mesure où les changements sont réels, j'estime que les choses dont vous parlez représenteront la solution à long terme pour assurer la viabilité économique de votre industrie. Je suis ravi d'entendre que vous y réfléchissez sérieusement et que des mesures concrètes sont prises. Nous savons que nous avons à notre disposition la technologie nécessaire pour avoir une bonne idée de l'incidence de ces choses. Merci beaucoup.
M. Bonnett : Je répète que le problème est complexe. Certaines régions du pays pourraient profiter d'un réchauffement climatique. Dans l'Ouest canadien, on commence à cultiver différentes plantes, comme le soya et le maïs au Manitoba, ce qui aurait été impensable il y a un certain nombre d'années.
Pour ce qui est du problème dans son ensemble, je pense qu'il s'agit d'une combinaison. Nous devons surmonter la présente situation économique difficile en trouvant comment régler la question du carbone. Nous devons continuer d'exploiter nos fermes et nos serres entretemps, mais, parallèlement, il ne faut pas perdre de vue le fait que nous avons besoin de recherche, d'innovation, d'un transfert de la technologie et d'investissements dans de nouvelles immobilisations et dans de l'équipement pour être certains d'être en mesure non seulement de garantir la sécurité alimentaire au Canada, mais aussi d'atteindre la cible annoncée récemment dans le budget, qui consiste à exporter 75 milliards de dollars de produits agricoles. Nous devrons faire tout cela pour y arriver.
M. Black : Si je peux me permettre, j'aimerais ajouter brièvement que selon de nombreuses mesures prises par les chercheurs, le Canada est un des producteurs agricoles les plus viables sur le plan de l'intensité des émissions de gaz à effet de serre par unité et par utilisateur. Nous ne voulons pas être contraints de limiter l'expansion de l'industrie au Canada — ou peut-être même de lui faire faire marche arrière — et laisser d'autres régions dans le monde compenser, car cela pourrait se traduire par des émissions de gaz à effet de serre plus élevées à l'échelle mondiale même si le Canada fait un peu meilleure figure. Nous devons également en tenir compte au moment d'examiner certaines questions liées à la compétitivité.
La sénatrice Tardif : Monsieur Bonnett, je voulais revenir à ce que vous avez dit au sujet des possibilités qui s'offrent à nous. Je suis sénatrice de l'Alberta, et je sais que la province fait peut-être partie de celles qui profiteront le plus des changements climatiques. Compte tenu de la hausse des températures au niveau de la mer, les activités agricoles en Alberta pourraient devenir plus vastes, plus variées et plus rentables. Seriez-vous d'accord pour dire que l'Alberta est peut-être la province qui a le plus à gagner?
M. Bonnett : La plupart des provinces des Prairies ainsi que certaines régions du Nord de l'Ontario et du Québec tomberaient dans cette catégorie. Je crois que c'est devant le comité qui examinait les questions territoriales que j'ai fait un exposé. J'ai parlé du fait qu'il y a beaucoup de terres dans le Nord qui pourraient être consacrées à des cultures de grande valeur, surtout à cause des pressions exercées actuellement dans les régions urbaines du Sud du pays.
La sénatrice Tardif : Il y a dans votre mémoire une observation que je veux être certaine de bien comprendre. Vous mentionnez que nous avions autrefois tendance à mettre davantage l'accent sur l'adaptation que sur l'atténuation et que nous assistons à un retour du pendule. Pouvez-vous en dire plus long à ce sujet?
M. Black : Tant au Canada qu'à l'échelle internationale, les politiciens se concentrent beaucoup sur l'adaptation depuis un certain temps. Je sais que vous avez remarqué au cours de la dernière année que nous parlons tous des répercussions de la tarification du carbone, de la taxe sur le carbone ou d'un système de plafonnement et d'échange, selon la province dans laquelle nous habitons. Bien franchement, ces aspects de la question ont pris beaucoup de place. Nous préconisons une politique qui accorde aux deux une même attention considérable. Nous parlons d'essayer d'accroître la résilience du secteur agricole en améliorant l'adaptation à la ferme tout en essayant de saisir les occasions de réduire les émissions.
La sénatrice Tardif : Ce que vous dites, c'est qu'il faut s'adapter et atténuer les répercussions, sans que l'un se fasse au détriment de l'autre.
M. Black : En effet.
Le sénateur Pratte : Je veux m'assurer de bien comprendre votre point de vue en ce qui a trait aux politiques de tarification du carbone. Je veux donner suite aux questions du sénateur Ogilvie, car la façon dont il a abordé la question est très importante et devrait refléter la manière dont nous abordons notre mandat dans son ensemble. En effet, l'approche devrait comporter deux volets : les changements climatiques proprement dits et les politiques de lutte contre les changements climatiques qui ont une incidence sur l'ensemble des secteurs, y compris le secteur agricole.
La tarification du carbone est une politique de lutte contre les changements climatiques qui aura des répercussions sur tous les secteurs, y compris le secteur agricole. Laissez-vous entendre que le secteur agricole, compte tenu de ses particularités, devrait être dédommagé ou protégé en ce qui a trait aux politiques de tarification du carbone, contrairement aux autres secteurs?
M. Bonnett : On a parlé d'exemptions pour l'agriculture. À ce stade-ci, nous n'avons pas de position ferme à cet égard, mais nous avons été saisis à notre convention d'une motion pour demander une exemption.
En même temps, nous voulons nous mettre à la place des autres. Pouvons-nous prendre des mesures qui profiteront à la société en général grâce à la séquestration du carbone, à des produits qui élimineraient notre dépendance aux combustibles fossiles, à des choses du genre? Une fois de plus, l'un ne doit pas se faire aux dépens de l'autre. Comme il a été mentionné, en Colombie-Britannique, des exemptions ont été accordées au secteur serricole. Je crois que c'est un programme de remise.
La solution la plus simple consiste à déterminer comment le système sera conçu. À ce stade-ci, il s'agira probablement d'une exemption jusqu'à ce que le système soit mis sur pied. Il est possible qu'un paiement soit fait à long terme, mais il y aurait un moyen d'être récompensé. Nous n'en sommes pas encore là. Je pense qu'il faudra un certain temps pour mettre au point le système.
Une exemption serait probablement une option à envisager.
Mme Lee : À notre assemblée générale annuelle, nous avons également été saisis de motions portant sur cette question. L'une d'elles visait la création d'un fonds ciblé d'innovation et d'adaptation pour stimuler la recherche fondamentale et aider les producteurs à atténuer les répercussions des changements climatiques afin d'accroître l'efficacité et d'augmenter le nombre d'outils dans le but de réduire, par exemple, l'introduction d'espèces envahissantes et de nouvelles maladies.
De plus, on a proposé que les programmes et le financement servent à assurer la compétitivité des horticulteurs canadiens pour qu'ils ne souffrent pas de l'imposition d'une politique de tarification du carbone.
Pour nous, c'est assez semblable à la FCA. Le problème, c'est que la politique a été mise en œuvre. Nous voyons qu'il faut prendre des mesures concernant les changements climatiques. Cela ne fait aucun doute. Nous voulons que cela soit très clair. Cependant, nous estimons que notre secteur n'était pas prêt pour la tarification du carbone sans avoir les moyens de maintenir la compétitivité du secteur. Il aurait fallu de la préparation pour cela.
Le sénateur Pratte : Vous soulevez l'enjeu de la compétitivité, mais c'est aussi un enjeu pour les autres industries. Le changement politique qui s'est produit aux États-Unis et l'absence de tarification du carbone ou de quelque politique que ce soit sur les changements climatiques qui en découlent sont préoccupants pour toutes les industries qui devront se soumettre à la tarification du carbone ou à une politique de plafonnement et d'échange dans leur province. Elles devront soutenir la concurrence avec des entreprises américaines qui ne sont pas soumises au même genre de politiques.
Il faut se demander si la tarification du carbone ou un système de plafonnement et d'échange sont de bonnes façons de lutter contre les changements climatiques. Si c'est le cas, le mieux que nous puissions faire est d'essayer d'avoir le moins de répercussions possible, mais c'est cela ou rien du tout.
Mme Lee : Il serait aussi possible de reporter cela jusqu'à ce que nous en sachions plus sur ce qui va se produire au sud de la frontière. On pourrait reporter cela, ou échelonner cela sur une plus longue période, de sorte que les répercussions ne soient pas aussi sérieuses pour l'industrie.
M. Bonnett : Je suis d'accord. Même si l'administration s'est montrée plutôt catégorique au sujet des changements climatiques, je ne suis pas convaincu que le Congrès et le Sénat ne vont pas s'opposer à cela, en particulier à l'échelle des États, car certains États sont aussi très engagés dans les discussions sur le climat.
Ce qui rend cette situation si complexe, c'est qu'il n'y a pas qu'au Canada que les différentes provinces mettent en place des mesures différentes. Aux États-Unis, c'est le même genre de démarche; les États devancent le gouvernement fédéral dans la réaction aux préoccupations des consommateurs.
Ce que je vais dire rejoint les propos de Rebecca. Nous ne nions pas les changements climatiques. Nous constatons des changements dans les régimes climatiques. Nous savons qu'il faut faire quelque chose, mais nous ne voulons pas porter le fardeau d'une dépense qui ne nous rend pas concurrentiels ou qui ne nous permet pas de faire les investissements requis dans nos exploitations agricoles ou dans nos serres pour nous adapter aux changements.
La sénatrice Beyak : Nous avons longtemps été propriétaires d'un centre touristique au lac des Bois, et chaque année, on aurait dit qu'un politicien bien intentionné de Toronto présentait un nouveau règlement qui était censé aider, mais qui finissait seulement par nous coûter de l'argent et par être très difficile à mettre en œuvre.
Voyez-vous une raison pour laquelle notre comité devrait recommander un examen de la réglementation? Vous avez mentionné les États-Unis. Apparemment, Trump leur demande d'abroger deux règlements pour chaque règlement qu'ils prennent. Pourrions-nous faire quelque chose comme ça au Canada?
M. Bonnett : J'imagine que cela dépend du règlement.
Je pense parfois que c'est un point qu'on fait valoir. Le secteur agricole demande une réglementation efficace depuis un certain temps. Cependant, simplement déclarer que vous allez prendre un règlement et en abroger deux paraît bien, mais il reste qu'il faut de la réglementation.
Nous devrions examiner l'ensemble des règlements afin de voir s'ils atteignent leurs objectifs. Nous discutons dernièrement avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ils essaient de refondre leur système de réglementation. Je ne sais pas s'ils vont chercher à réaliser le remplacement de deux règlements par un seul, mais je pense qu'il est risqué de succomber au désir futile de réduire les nombres de cette façon.
Mme Taylor : J'ajouterais une autre chose. Les serres semblent représenter l'exemple du jour, mais quand les exploitations agricoles prennent des décisions sur les endroits où elles veulent investir, ce n'est généralement pas un seul élément qui les amène à vouloir changer d'endroit. C'est le fardeau cumulatif de la réglementation qu'elles doivent supporter. Ce n'est pas que le système de plafonnement et d'échange ou le prix de l'électricité. C'est tout ce qui se conjugue. C'est un enjeu important à résoudre.
Le sénateur Mercer : J'avais beaucoup de questions, mais la plupart de mes collègues les ont posées. Je veux revenir sur l'enjeu que plusieurs d'entre eux ont abordé, cependant.
Nous parlons constamment du problème, mais nous ne parlons pas de la solution. Nous avons eu de si nombreuses réussites, dans notre pays. D'après moi, nous devrions trouver le moyen de miser sur ces réussites. Nous devons trouver le moyen de miser sur l'exemple du petit producteur d'œufs de Masstown, en Nouvelle-Écosse, dont j'ai parlé, et qui a réussi parce qu'il a innové en installant une éolienne sur sa ferme pour produire de l'électricité et, ainsi, améliorer nettement la rentabilité de sa ferme.
Nous devons trouver des manières d'encourager les gens — non seulement en agriculture, mais dans tous les secteurs — à être bien plus novateurs et à saisir les occasions qui se présentent. Dieu sait que dans ma province, nous avons assez de vent pour tenir longtemps, tout comme nous avons beaucoup de paroles en l'air dans cette ville-ci.
Est-ce que quelqu'un du secteur agricole consigne les meilleures pratiques? Il y en a de toutes sortes. J'ai parlé d'un petit exploitant agricole et de sa serre, au nord de Trois-Rivières. Je suis celui qui fait l'essentiel des courses et des repas, chez moi, et j'ai dit au gérant des fruits et légumes de mon magasin Sobeys, en Nouvelle-Écosse, que je trouve très frustrant de voir qu'à ce temps-ci de l'année la tomate que je trouve dans son magasin vient du Mexique. Je veux savoir pourquoi, car au Canada, on cultive des tomates de qualité dans toutes sortes de serres. Je veux savoir pourquoi je suis obligé d'acheter une tomate du Mexique. Je traverse la rue pour aller chez Loblaws, mais ils ont les mêmes tomates. J'essaie, mais c'est impossible.
Nous devons aussi éduquer les consommateurs pour qu'ils se plaignent de cela et expriment leurs exigences, car nous devons continuer de faire pression sur les détaillants pour qu'ils se mettent à acheter des produits canadiens.
M. Bonnett : Il existe divers cas de réussite. Le milieu agricole fait beaucoup de travail pour que les choses avancent. Je dois même donner tout le crédit à Financement agricole Canada. Ils ont leur campagne « L'agriculture plus que jamais » et s'en servent pour parler de certaines des innovations dans les exploitations agricoles.
M. Black et moi travaillons activement à examiner toute la question de la confiance du public et à expliquer aux consommateurs certaines des pratiques agricoles actuelles et la mesure dans laquelle ce qui se fait sur les fermes aujourd'hui est meilleur pour l'environnement, pour les changements climatiques et pour la qualité de l'eau par rapport au passé, selon divers éléments mesurables. Des efforts conjugués ont été déployés pour rassembler les producteurs primaires, mais aussi les transformateurs et les détaillants, afin que ce message soit diffusé.
Je n'ai pas pu m'empêcher de rire quand vous avez parlé de l'éolienne en Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas si on peut le dire sans se tromper, mais les prix de l'électricité sont élevés en Ontario. J'ai deux panneaux solaires sur ma ferme, et on me paie généreusement pour cela. Cependant, cela vous montre ce qui peut se produire si vous offrez des mesures incitatives. À l'origine du programme, on estimait que de 3 000 à 4 000 agriculteurs installeraient des panneaux solaires, mais de très nombreux agriculteurs ont pris le temps de faire les calculs, et ce sont 24 000 demandes qui ont été soumises en trois mois.
Encore là, c'est intéressant quand vous vous mettez à adopter des mesures incitatives. Nous avons construit nos panneaux solaires. Le programme existait depuis neuf mois quand nous avons installé nos panneaux. Ce qui s'est produit, c'est que le prix des panneaux a diminué d'environ 40 000 $. L'innovation et la technologie sont intéressantes. Je n'aime pas beaucoup l'idée de subventionner des choses éternellement, mais il arrive que des mesures incitatives mènent à des progrès technologiques. On pourrait faire beaucoup de choses de ce genre.
Mme Lee : J'aimerais ajouter qu'il y a une chose que nous commençons à faire de plus en plus, et c'est relater les histoires des agriculteurs. Nous croyons que les agriculteurs sont les mieux placés pour assurer l'intendance de leurs propres terres. Ils ne vont pas sciemment produire de la mauvaise qualité. On peut stimuler la confiance du public en relatant les histoires des agriculteurs. Nous essayons de le faire avec la collaboration de diverses organisations. Ce sera, nous l'espérons, une façon de recueillir les meilleures pratiques comme le sénateur Mercer l'a mentionné.
Voulez-vous que nous parlions du problème des tomates?
Le sénateur Mercer : Parlez-moi des tomates.
Mme Taylor : Les serres qui ne sont pas munies d'appareils d'éclairage supplémentaires font une brève pause, ce qui fait qu'on ne produit pas de tomates et de poivrons en janvier et en février. Nous avons de nombreux cultivateurs qui sont en train de munir leurs serres d'appareils d'éclairage, mais la difficulté est d'avoir accès à une électricité offerte à un prix concurrentiel. C'est en quelque sorte un obstacle pour quelqu'un qui veut se lancer sur ce marché. Les appareils d'éclairage exigent déjà un gros investissement. Vous devez pouvoir obtenir de l'électricité à prix concurrentiel pour que cette production hors-saison soit possible.
[Français]
Le président : Monsieur Bonnett, madame Lee, permettez-moi de vous féliciter pour votre excellent mémoire, et surtout pour votre réponse au questionnement des sénateurs. Je pense que c'est très important pour nous de voir des gens qui ont les deux pieds sur terre. Votre témoignage nous sera très utile, et je pense que vous avez pu constater l'intérêt que les sénateurs portent à cette question. Malheureusement, on ne peut pas y passer toute la soirée. Je m'excuse du temps d'attente, mais je vous rappelle que nous n'avons pas de prise sur cela, car il appartient à la Chambre de décider à quel moment elle lève la séance. Si jamais, au cours de l'année, vous avez d'autres idées à nous transmettre, parce que le travail que nous entreprenons est important, n'hésitez pas à nous les faire parvenir. En outre, si vous voulez revenir témoigner devant notre comité, vous serez les bienvenus.
Je vous remercie infiniment de votre présence, et je vous souhaite un excellent retour, à chacun et à chacune. Monsieur Bonnett, vous cherchez de l'électricité à bon marché? Le Québec en a quelques kilowatts à vendre...
[Traduction]
M. Bonnett : Merci encore.
Mme Lee : Merci beaucoup.
Le sénateur Mercer : J'ai une question, avant que nous poursuivions à huis clos. Est-ce que les seules personnes présentes seront les membres du comité, sans le personnel?
Le président : Oui.
(La séance se poursuit à huis clos.)