Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 49 - Témoignages du 24 avril 2018
OTTAWA, le mardi 24 avril 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 heures, afin d’examiner pour en faire rapport les questions concernant l’agriculture et les forêts en général.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je m’appelle Diane Griffin, et je suis une sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard et je suis présidente du comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter. Nous allons commencer par le vice-président.
[Français]
Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur R. Black : Robert Black, Ontario.
[Français]
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, Nouvelle-Écosse.
La présidente : Merci.
Ce soir, nous poursuivons notre étude ponctuelle sur le compostage des résidus de cannabis et les répercussions possibles sur l’environnement.
Nous accueillons Mark Lefsrud, professeur agrégé à la faculté des sciences agricoles et environnementales de l’Université McGill. Nous accueillons, par vidéoconférence, Michael Dixon, professeur et directeur au Centre de recherche sur les systèmes d’environnement contrôlé à l’Université de Guelph, M. Youbin Zheng, professeur agrégé à l’École des sciences de l’environnement à l’Université de Guelph, et M. Deron Caplan, candidat au doctorat.
Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à témoigner. Vous pouvez maintenant faire vos exposés. Nous commencerons par Mark Lefsrud.
Mark Lefsrud, professeur agrégé, faculté des sciences agricoles et environnementales, Université McGill, à titre personnel : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je travaille sur les méthodes de production et de manutention après récoltes des plantes. Je suis pour le compostage du cannabis.
Nous avons fait un peu de travail sur le cannabis, mais aussi sur le houblon. Il s’agit de la plante qui se rapproche le plus du cannabis et qui est considérée comme étant légale à l’heure actuelle. Nous étudions la concentration de terpène dans ces plantes et nous examinons leur stabilité.
J’ai distribué le tableau 1 et j’espère que vous le voyez bien. Il fait partie d’un rapport que j’ai préparé pour une entreprise de cannabis qui s’appelle DelShen. Elle voulait savoir quelle est la stabilité des composés à l’intérieur des plants pendant le processus de séchage.
Finalement, nous les avons lyophilisés, nous les avons séchés à l’air chaud et au moyen d’autres méthodes, nous les avons passés au micro-ondes, vous voyez certaines des méthodes dans la liste. Nous avons constaté que, dans la plupart des cas, les terpènes diminuaient considérablement, de 60 à 70 p. 100 dans certains cas et de seulement 30 p. 100 dans d’autres cas. Le simple fait de subir un traitement de chaleur, de quelque façon que ce soit, commence à les dégrader.
La raison pour laquelle je voulais attirer votre attention sur cela, c’est que cela fait partie du processus normal de compostage où ils atteignent environ 60 degrés Celsius pendant au moins une semaine, mais parfois plusieurs. Dans certains cas, cela peut prendre 30 jours.
La stabilité de ces composés se dégrade assez rapidement pendant cette période. À la fin du cycle normal de compostage, ces composés se sont dégradés à 60 p. 100 par jour. Cela veut dire qu’il reste seulement des traces ou des quantités minimes à la fin du cycle.
C’est le travail préliminaire que j’ai fait dans mon laboratoire pour montrer que les composés ne sont pas très stables dans ce genre de conditions.
Dans le cadre de ma recherche, j’utilise du dioxyde de carbone et d’autres gaz à l’intérieur d’une serre pour permettre l’enrichissement de l’atmosphère. J’aimerais, entre autres choses, permettre la combustion ou le brûlage de la biomasse. Cela permettrait de libérer le dioxyde de carbone que je peux ensuite réutiliser comme source d’énergie ou pour réenrichir les plants.
Il vaut la peine d’utiliser un système de compostage qui me permet de récupérer mes nutriments que je peux ensuite utiliser pour favoriser la croissance des plants. Je souhaite en fait récupérer le dioxyde de carbone. J’aimerais pouvoir utiliser une technique d’extraction du carbone, soit la combustion, pour faciliter ce processus.
Voilà les deux choses que je voulais vous dire.
Michael Dixon, professeur et directeur, Centre de recherche sur les systèmes d’environnement contrôlé, École des sciences de l’environnement, Université de Guelph, à titre personnel : Je vais faire tout l’exposé, mais je m’en remettrai à mes collègues si les questions sont trop difficiles.
La présidente : Très bien.
M. Dixon : Je suis Mike Dixon et mes collègues sont Youbin Zheng et Deron Caplan. Ensemble, nous avons été chargés de mener une recherche sur quatre ans pour le compte d’un producteur de cannabis autorisé ici en Ontario. Nous sommes rendus à la quatrième année de ce contrat, de sorte que nous travaillons avec cette plante depuis quelque temps déjà.
Nous ne sommes pas seuls. Notre équipe s’est un peu agrandie, mais pour répondre aux questions pertinentes pour votre étude, nous sommes probablement les trois personnes les mieux placées.
Je crois savoir que vous avez mon exposé sous les yeux. Je passe tout de suite à la deuxième diapositive qui montre seulement une image. Je voulais vous montrer cette image pour ceux qui ne connaîtraient pas cette plante. Elle peut commencer à partir d’une graine, la grande image, qui n’est pas à l’échelle, à gauche. En général, les graines sont de la taille d’un pépin de pomme.
À droite, en haut, vous voyez la fleur mâle, et en bas, la fleur femelle. La fleur femelle est le produit que tout le monde recherche. C’est celle qui contient les composés médicinaux d’intérêt, et ils sont nombreux.
En plus de la propagation à partir de graines, vous voyez à la diapositive suivante que les productions modernes utilisent des boutures pour cloner le plant. Le très gros plant à côté de mon collègue, M. Zheng, est la plante mère et, à la droite, vous voyez une autre plante mère plus petite. On les appelle mères. On les maintient dans un état végétatif, en d’autres mots, on prélève sur ces plants des boutures d’une demi-douzaine de feuilles environ qui sont placées dans un système de propagation, que vous voyez à la diapositive suivante, pour produire des boutures racinées. Elles passeront une semaine ou deux dans ces conditions, le temps qu’il faut pour établir une rhizosphère robuste avant d’être transplantée.
La prochaine diapositive montre la phase végétative pendant laquelle les plants passent 16 heures par jour à la lumière et 8 heures par jour dans l’obscurité pendant environ deux semaines pour maintenir leur production végétative. Ils ne produisent pas encore de fleurs.
Après cette période, les plants sont exposés à 12 heures de lumière et 12 heures de noirceur par jour. À la diapositive suivante, vous voyez le résultat, un grand nombre de plants en fleurs dans différentes conditions. Celle à droite est un éclairage DEL. À gauche, l’éclairage est assuré au moyen de lampes à vapeur de sodium à haute pression, une source de lumière d’appoint dans une serre.
L’industrie canadienne déploie un certain nombre de stratégies de production, de la plus complexe, avec des technologies de contrôle de l’environnement aux systèmes de production plus simples en serre. Dans tous les cas, les exigences en matière de gestion horticole sont les mêmes, soit de modifier la période d’exposition à la lumière pour stimuler la floraison. Selon le cultivar, le plant produira des fleurs en général pendant environ huit semaines.
La prochaine diapositive vous montre un gros plan de ces fleurs femelles qui sont le produit recherché. Ces fleurs femelles ont la plus forte concentration des composés médicinaux d’intérêt. La prochaine diapositive vous montre Deron et une récolte typique. Ce sont les bourgeons, les fleurs qui ont été cultivées et séchées et qui sont essentiellement prêtes à être vendues au détail.
La prochaine diapositive vous donne un survol des composantes. Il s’agit des centaines d’éléments qui sont compris dans les cannabinoïdes, comme le tétrahydrocannabinol — c’est-à-dire le THC, cette drogue majeure et omniprésente — et le CBD, ou cannabidiol, appelé ici acide cannabidiolique. Cette forme d’acide se trouve dans la plante et se convertit en drogue avec l’ajout d’un peu de chaleur.
Vous constaterez qu’il y a un grand nombre de types de composantes différents. Les terpénoïdes, par exemple, sont responsables de l’odeur caractéristique qui émane du cannabis. Voilà la raison pour laquelle vous l’avez probablement senti à un moment ou à un autre. Les cannabinoïdes sont typiquement associés aux propriétés médicales.
La prochaine diapositive vous permet de comparer la drogue de type cannabis et la fibre de type chanvre. Autrement dit, il s’agit de la version du cannabis qui ne contient pas de drogue. Vous y voyez les différentes parties du plant, c’est-à-dire les racines, les graines, les tiges, les feuilles et la fleur.
La fleur se trouvant tout au bas, la fleur femelle plus précisément, se taille la part du lion en matière de composantes d’intérêt, soit jusqu’à 25, bien que j’ai entendu dire qu’elle pouvait contenir jusqu’à 30 p. 100 de THC par unité de poids à l’état séché.
Soit dit en passant, il y a une coquille dans votre document. Il y est indiqué que la concentration de CBD de la fleur est de 0,06 à 1 p. 100, si je ne m’abuse. Je vous invite à changer ce chiffre pour 10 p. 100, si Kevin ne l’a pas déjà fait.
Dans la littérature scientifique — et je cite ici l’ancienne littérature — mais également dans les rapports plus récents, la concentration de CBD était en fait plus élevée. Nos plus récents résultats portaient même ce chiffre à plus de 15 p. 100.
Ce sont les deux drogues qui attirent le plus l’intérêt et qui sont recensées par Santé Canada comme étant celles qu’un producteur accrédité doit quantifier pour respecter certaines normes.
Ce que le milieu scientifique médical est en train d’apprendre lentement, c’est que le cannabis constitue des centaines de drogues. Ces deux composantes, en raison de leur masse et de leur forte concentration comparativement aux terpénoïdes et aux flavonoïdes qui font également partie de l’ensemble des drogues qui composent cet amalgame médical, font en sorte qu’il s’agit effectivement d’une plante médicinale. Il y a encore tant à apprendre. Nous nous trouvons à l’avant-garde de la recherche et des développements technologiques nécessaires pour faire nombre d’autres découvertes.
Il y a toute une génération de recherche qui doit être effectuée pour recenser les principes actifs et les pratiques de production, entre autres choses. Je peux en dire très très long sur la longue liste d’activités de recherche et de technologie qui sont actuellement en cours et qui visent à raffiner les pratiques de production au point où nous en arriverons enfin à une plante qui, je le crois, aura le noble statut de produits pharmaceutiques classiques.
La prochaine diapositive, qui comporte un graphique, fait référence en quelque sorte à ce que Mark disait par rapport à la température. Il s’agit d’un graphique type portant sur la température et sur les méthodes de compostage. Vous pouvez voir que la température atteint 60, voire près de 65 Celsius. Entre autres choses, le compostage n’est pas seulement une question de température. Il y a toutes sortes d’activités microbiologiques qui se produisent également. Cela a pour effet de détériorer la matière végétale et le processus de compostage accélère vraiment la détérioration.
Voici la dernière diapositive et le mot de la fin. La forme industrielle du cannabis, c’est le chanvre, qui est produit dans une grande partie du Canada. Il y a beaucoup de production de chanvre en Alberta et ici en Ontario ainsi que probablement au Québec. Je ne connais pas beaucoup ce marché. Par contre, j’insiste sur le fait que nous ne connaissons aucune conséquence environnementale que ce soit qui puisse être attribuable aux déchets rattachés à la production.
La principale différence entre le chanvre et la drogue de type cannabis, c’est le composé médicamenteux, le THC, soit la substance psychoactive. Voilà ce qui intéresse tout le monde. Voilà pourquoi le cannabis est illégal depuis près de 100 ans.
Donc, je m’empresse d’ajouter que d’après la littérature scientifique récente, il y a peu de recherches directes sur les questions que vous abordez aujourd’hui, tout simplement parce que cette pauvre plante a été illégale pendant toute ma vie ainsi que la vôtre. Par conséquent nous en sommes aux premiers balbutiements.
Néanmoins, en principe, les températures et les conditions rattachées à un tas de compost seront adéquates pour détériorer le végétal, comme Mark l’a indiqué. L’activité microbienne est probablement plus utile que la chaleur.
Il y a également un autre point dont il n’a pas été fait mention, et il s’agit des graines. Il se peut que des graines survivent au procédé. Ordinairement, le compostage atteint des températures assez élevées pour tuer la plupart des graines de cannabis. La plupart des graines seraient probablement éliminées à cette étape. Il y en aura toujours qui arriveront à survivre, mais les pratiques de culture du cannabis dont il est question ici, c’est-à-dire le cannabis à des fins médicales, ne tendent pas à conserver les graines. Les graines sont considérées comme un élément indésirable de la biomasse rattachée au produit, par conséquent, dans la culture, on exclut précisément les fleurs mâles pour qu’il n’y ait pas de possibilité de fécondation ni de pollinisation de toute graine qui pourrait se reproduire. Si toutefois il reste effectivement des graines, elles seront extrêmement minuscules et ne seront pas particulièrement viables. Le procédé de compostage va probablement les éliminer de toute façon.
Voilà donc ce que nous avions à dire, et nous serons ravis de répondre à vos questions.
La présidente : Je remercie tous les témoins de leurs déclarations.
Nous allons maintenant passer aux séries de questions. Nous allons commencer par le vice-président. Avant de commencer, je demanderais aux sénateurs de se montrer brefs dans leurs questions et aux témoins d’être tout aussi brefs dans leurs réponses pour que tout le groupe ait l’occasion de prendre la parole. Il y a 11 sénateurs et quatre témoins au total. Nous accorderons donc d’abord deux questions à chacun des sénateurs et nous verrons ensuite comment procéder.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma question s’adresse à M. Dixon. Concernant le compost issu des résidus de cannabis, pouvez-vous m’assurer qu’une quantité importante de ce compost mêlée à un autre compost ne constitue pas un danger pour l’engrais qui est utilisé dans les jardins et par les producteurs de légumes? Pouvez-vous aujourd’hui me confirmer qu’il n’y a aucun danger?
M. Dixon : Oui.
Le sénateur Maltais : Pourriez-vous transmettre cette réponse au ministre de l’Agriculture?
M. Dixon : Excusez-moi. Je n’ai pas entendu.
Le sénateur Maltais : Pourriez-vous transmettre la réponse que vous venez de nous donner au ministre de l’Agriculture?
[Traduction]
M. Dixon : Je serais heureux de le faire. Je pourrais aussi l’envoyer à Santé Canada.
[Français]
Le sénateur Maltais : Mon autre question s’adresse à vous, monsieur Lefsrud. Vous êtes un spécialiste des composts. Êtes-vous en mesure de donner la même réponse que celle de M. Dixon, selon laquelle il n’y a aucun danger à utiliser le compost issu de résidus de cannabis pour fabriquer d’autre engrais qui, lui, servira à cultiver des légumes ou d’autres plantes? En d’autres mots, est-ce que la laitue goûtera le cannabis? Pouvez-vous nous garantir que non?
[Traduction]
M. Lefsrud : Pour autant qu’il s’agisse d’un compost, oui, je le garantis. Si ce n’est pas composté, la plante ne l’absorbera sous aucune forme. Vous n’aurez donc jamais de laitue qui goûtera le cannabis, car les plantes n’ont pas cette capacité. Si le cannabis est entièrement composté, il ne posera jamais de risque pour la santé.
[Français]
Le sénateur Maltais : Pouvez-vous transmettre votre réponse au maire de Laval et en envoyer une copie au ministre de l’Agriculture?
[Traduction]
M. Lefsrud : Oui, je le ferai.
La présidente : Je crois que nous pouvons nous assurer que ces commentaires soient acheminés aux sources appropriées.
Le sénateur Doyle : Je vous remercie de vos exposés. Ai-je bien compris que, mis à part des régions comme la Colombie-Britannique, le climat canadien ne se prêterait pas à la production extérieure de cannabis à grande échelle? Ou est-ce que ce sont les mesures de sécurité resserrées qui exigent que cette production soit faite à l’intérieur? Pourrait-on le cultiver à grande échelle à l’extérieur au Canada? Qu’en pense-t-on? Le savez-vous?
M. Dixon : À qui s’adresse votre question?
Le sénateur Doyle : À quiconque peut y répondre.
M. Dixon : C’est une bonne question. Je vais tenter d’y répondre et je demanderai à Mark de fournir d’autres détails. Je crois que nous sommes tous également capables d’y répondre.
Il y a de nombreuses régions au Canada qui pourraient accueillir la production de cannabis à l’extérieur. J’imagine que la qualité du produit serait extrêmement variable, et ne serait certainement pas acceptable à des fins médicinales. Toutefois, si vous parlez du cannabis à des fins récréatives, compte tenu du projet de loi C-45 et de tout ce que cela signifie, alors oui, il y a de nombreuses régions ici, dans le Sud de l’Ontario, par exemple, le Sud des pauvres, et dans tout le Canada, à l’exception possible du Grand Nord, où différentes variétés de cannabis pourraient être cultivées à l’extérieur, à petite ou à grande échelle. Pensez simplement au chanvre. Le chanvre est un cousin rapproché du cannabis et il est cultivé à grande échelle dans de grandes régions du Canada, dans l’Ouest canadien et ici. Le cannabis ne sera-t-il pas légal, alors quel est le problème?
Youbin Zheng, professeur agrégé, École des sciences de l’environnement, Université de Guelph, à titre personnel : Le cannabis peut pousser à l’extérieur jusqu’à des latitudes de 50 degrés nord.
M. Dixon : Est-ce suffisant?
Le sénateur Doyle : D’après les notes que j’ai lues, la production intérieure de cannabis représente environ 3 p. 100 de la consommation d’énergie en Californie. Étant donné la douceur du climat californien, comment la production intérieure peut-elle être aussi énergivore?
Je sais que pour la culture intérieure, il y a l’éclairage, le chauffage, et cetera, mais combien d’énergie est-ce que cela prend? Savez-vous précisément combien d’énergie il faut pour la culture intérieure du cannabis? Où en est-on actuellement?
M. Dixon : Tout revient à l’exigence d’éclairage pour la photosynthèse. Il faut des niveaux d’éclairage suffisants pour la photosynthèse, habituellement fournis par des lampes à haute intensité, très chaudes et énergivores. Lentement, elles sont remplacées par des systèmes à diode électroluminescente, ou DEL, moins énergivores. Il faut très bien contrôler l’environnement de culture, contrôler tous les aspects de l’environnement du plant, alors qu’à l’extérieur, l’énergie du soleil est gratuite.
J’ai une courte question pour le sénateur, et peut-être pour l’ensemble du groupe. Il faut bien faire la distinction entre le cannabis consommé à des fins récréatives et le cannabis médical ou médicinal.
Le cannabis médicinal doit pousser dans un environnement très contrôlé. Il faut pratiquement le faire pousser à l’intérieur, dans un environnement très strictement contrôlé, tant pour la lumière, que pour le CO2, la température, l’humidité, les nutriments, l’arrosage et même le spectre et la couleur de la lumière. Toutes ces variables environnementales influencent la qualité du produit médical. La normalisation du produit est aujourd’hui le Saint Graal pour ce secteur.
En revanche, pour les produits de consommation récréative, le contrôle de la qualité est d’une moindre importance, même si on ne peut pas produire n’importe quoi. Au fil du temps, le marché du cannabis utilisé à des fins récréatives fera le tri entre les bons produits, les mauvais et les passables, alors je ne m’en inquiète pas trop. Ces produits seront cultivés dans des conditions diverses, dans des sous-sols, des petites cultures en serre, tout ce que vous pouvez imaginer, à l’extérieur, à l’intérieur, là où c’est économiquement rentable, selon les conditions du lieu.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Merci de vos présentations qui étaient très pointues. Par contre, ma question sera probablement très simpliste, et je m’en excuse à l’avance.
Monsieur Dixon, vous avez déjà commencé à répondre à ma question. On sait que les citoyens canadiens, selon les provinces, pourront faire pousser un maximum de quatre plants de cannabis. De façon générale, je me demandais si cela pouvait entraîner des risques, une exposition à des pesticides, par exemple, si les gens manquent d’information. Est-ce qu’il y a des risques, autant pour la santé de ces citoyens que pour l’environnement?
Pour rester sur le sujet de notre étude sur le compostage, est-ce que, selon vous, il sera facile pour ces citoyens de se débarrasser de ces résidus de compostage? J’aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
[Traduction]
M. Lefsrud : Les résidus se décomposeront au fil du temps dans le compost. C’est ce que nous avons constaté dans la plupart des cas.
Si vous parlez du recours aux herbicides ou aux pesticides, les fongicides font partie des plus importants à cause de la plus grande inquiétude que suscite l’oïdium. Il faut qu’un certain contrôle soit exercé. On craint que les gens qui font la culture chez eux ne comprennent pas cela, que ce soit aussi le cas de ceux qui font une culture à plus grande échelle, et que l’oïdium se propage. Nous n’en connaissons pas les effets secondaires.
Du point de vue du compostage, je n’ai aucune inquiétude. Sur une petite échelle, comme pour toute culture agricole, une quantité d’herbicides testée est acceptable, mais il ne faut pas tout permettre. Il doit y avoir des limites et des normes de contrôle sur ce qui peut être employé.
La sénatrice Petitclerc : Monsieur Dixon, avez-vous quelque chose à ajouter.
M. Dixon : Je suis tout à fait d’accord avec M. Lefsrud. Le compost va uniformiser les choses, quel que soit l’état de la récolte. Pour la culture personnelle, lorsqu’il y a quatre plants… Qui va les compter? Quoi qu’il en soit, quelqu’un qui a quatre plants pourra employer chez lui, à sa discrétion, la technologie chimique qu’il estime appropriée pour lutter contre l’oïdium, Mark avait raison. Les champignons pathogènes sont un grave problème et les antifongiques sont la raison pour laquelle bon nombre de produits médicinaux ont été rejetés par Santé Canada.
Oui, il y a un risque. Il faut certainement qu’on en parle, pour la santé des Canadiens. En outre, je l’ai dit, la teneur en THC des produits médicinaux classiques, soit les cultures médicinales actuelles, peut aller jusqu’à 30 p. 100. Quand j’étais jeune, c’était seulement 1 ou 2 p. 100. J’ai beau avoir l’esprit ouvert, j’ai très peur qu’un produit à 30 p. 100 de THC se retrouve entre les mains d’un jeune de 13 ans.
Il ne faut pas que cela arrive. Ce sera à vous d’y voir, je suppose.
Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, d’être ici. Je l’apprécie. À ce que j’ai compris, nous discutons ici de l’élimination des plants à la fin de leur vie utile.
J’ai récemment fait la visite d’une exploitation à Smiths Falls, dans l’ancienne usine de chocolat. C’était très impressionnant. J’ai appris toutes sortes de choses sur la culture du pot que je ne savais pas, et des choses que j’avais oubliées, mais que j’avais sues dans ma jeunesse dissipée.
Autre chose qui m’a impressionné et qui est particulièrement intéressante ce soir, c’est qu’il y avait toute une procédure de présentation aux organismes gouvernementaux de rapports sur les plants éliminés, qui sont parvenus à la fin de leur vie utile, qui ont été récoltés, et cetera. Les producteurs devaient peser le produit, tout était étiqueté, ensaché. Tout était très formel et très strict. Ils le faisaient eux-mêmes. Aucun fonctionnaire n’était sur place pour superviser tout cela.
Je suis curieux de savoir ceci : pourquoi l’instance de réglementation se préoccupe tant de toutes les parties du plant, sachant où sont allés tous les produits résiduels? Est-il possible pour quelqu’un d’utiliser une partie quelconque de ce produit pour lancer une nouvelle exploitation?
M. Lefsrud : On se préoccupait à l’origine, du moins c’est ce que je pense, que certaines personnes puissent penser pouvoir prendre certains échantillons, les ajouter à quelque chose d’illégal, ou les apporter chez eux. C’est un peu la même chose que dans une mine d’or, où on vérifie tout.
La plus grande concentration de THC se trouve dans le bourgeon ou la partie qui fleurit. Il reste encore certaines quantités dans la feuille et la tige, et on peut toujours en extraire de là. La concentration est tellement faible que, à moins d’avoir des quantités industrielles, on craint que quelqu’un qui en accumule petit à petit puisse poser un risque. Le suivi exige beaucoup d’efforts parce que c’est ce que le gouvernement exige d’eux, jusqu’au moment où le plant se retrouve dans le site d’enfouissement. C’est excessif. Un tel suivi n’est pas nécessaire. On ne fait pas de suivi semblable des déchets de plants de tomate. Il n’y a pas de composantes inquiétantes, mais certaines sont tout aussi toxiques ou bénéfiques avec tout ce qui se trouve dans nos plants, et si on les concentre suffisamment, ils peuvent poser un risque potentiel. On ne s’inquiète pas de cela en ce qui concerne cette plante. C’est plus une question de manque de connaissances pour l’instant qu’une réalité.
M. Dixon : Je suis tout à fait d’accord. Je pense que la méconnaissance actuelle des instances en réglementation découle des 100 ans d’illégalité de cette plante. La sensibilité et la paranoïa liées à sa distribution et à son simple traitement ont donné lieu à ce type de règlement plutôt paranoïaque. Il va falloir qu’on soit mieux renseigné au niveau de l’organisme fédéral qui administre les règles pour comprendre certaines des limites et la lourdeur — et j’ajouterais l’énorme coût — des démarches imposées aux producteurs autorisés partout au Canada. Il y en a, très franchement, qui sont un peu poussés. Maintenant qu’on envisage une légalisation relativement généralisée, elle semble encore plus inutile.
Le sénateur Mercer : Est-ce que vous prévoyez que, au fur et à mesure que l’industrie croît et que la légalisation prend racine, la sensibilisation de l’organisme chargé de la réglementation évoluera au point qu’il ne sera plus nécessaire de faire toute cette démarche pour éliminer les plants?
M. Dixon : Je l’espère, en tout cas. J’ai participé à plusieurs forums dans le pays, où on discutait de tous les aspects de la question. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais je suis convaincu que les pratiques de production, les composantes médicinales, les exigences de compostage et la seule gestion des déchets venus de ce secteur, qui se développe très rapidement au Canada, permettront d’accroître nettement nos connaissances, et les chercheurs comme nous pourront fournir des réponses.
M. Zheng : Si les niveaux de THC et CBD dans les résidus sont suffisamment élevés, les gens les extrairont plutôt que de jeter ou de composter les plants parce que bien des exploitations extraient actuellement le THC et le CBD des feuilles, donc cela ne posera pas de problème.
M. Dixon : Les déchets, c’est simplement cela, des déchets. Ce qui se retrouve dans le conteneur à déchets d’un producteur autorisé s’y trouve parce qu’il ne reste plus grand-chose de commercialisable. Le processus de compostage réglera le reste.
Le sénateur Mercer : Est-ce qu’on peut s’en servir comme engrais?
M. Zheng : C’est un compost qui peut être utilisé comme engrais.
M. Dixon : Indubitablement. Vous avez sans doute un bac à compostage noir dans votre jardin, du côté ensoleillé de la maison, où vous jetez tous vos déchets végétaux. Quand le processus est achevé, vous ouvrez le tiroir en bas du bac et vous en retirez un compost noir. Ce serait exactement la même chose.
Le sénateur Mercer : Vous n’avez vraiment aucune idée de ma nullité comme jardinier.
M. Lefsrud : Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. Nous avons parlé du compost, mais nous procéderons à l’extraction du THC et du CBD. Il y a une multitude d’autres composés disponibles dans les plants. À l’heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de dire lesquels, mais, à l’avenir, quelqu’un de malin trouvera une valeur à tel ou tel produit individuel, et nous devrions être en mesure de procéder à l’extraction de ce produit. Si les résidus finissent dans un site d’enfouissement, nous perdons la possibilité de procéder à cette extraction. Si nous procédons à une combustion directe, et qu’il en résulte un composé intéressant, nous devons disposer de la souplesse voulue dans le traitement des déchets pour permettre d’autres applications, pas seulement celles d’engrais.
Le sénateur R. Black : Je sais que nous parlons de compost, et cetera. Monsieur Dixon, quand vous avez présenté la page 9 de vos diapositives, vous avez parlé de 500 composés identifiés. Sauf erreur de ma part, vous avez dit que le cannabis était plein de centaines de drogues. Est-ce quelque chose qui devrait nous préoccuper?
M. Dixon : Non, mais cela devrait nous encourager à effectuer la recherche et le développement technologique voulus pour identifier les drogues et effectuer les essais cliniques.
J’ai donné une conférence à Cologne, en Allemagne, il y a un ou deux mois. Des professionnels de la santé y assistaient, et j’ai été ahuri par l’ignorance profonde de cette collectivité quant à la nature de ce produit pharmaceutique/médical en question.
Lorsqu’ils reçoivent une demande pour une ordonnance, ils écrivent cannabis sur cette dernière. Généralement, on indique la teneur en THC et en CBD. C’est ainsi que Santé Canada identifie et quantifie cette drogue. On y retrouve toutefois beaucoup de composés.
Raphael Mechoulam, de Jérusalem, est le grand-père de cette révolution médicale qui s’appelle l’effet d’entourage. Il s’agit de THC et de CBD, d’une longue liste de terpénoïdes et de flavonoïdes à l’état de traces, d’une longue liste de procédés chimiques qui les composent, et le tout est mélangé pour créer un médicament qui empêche les crises d’épilepsie et le glaucome.
C’est un médicament différent dans chaque cas.
La longue liste de maladies que nous pouvons traiter chez les humains et chez les animaux à l’aide de cette drogue plutôt magique est assez incroyable.
Deron Caplan, candidat au doctorat, Université de Guelph, à titre personnel : Le cannabis ne contient pas nécessairement plus de 500 médicaments. Il s’agit plutôt de composés qui pourraient produire des médicaments. Comme M. Dixon l’a dit, ces composés n’ont pas encore été analysés. Nous venons juste de commencer les analyses, et il existe des tonnes de composés à propos desquels nous savons peu de choses. Ces composés ne sont pas nécessairement des drogues et ne sont pas nécessairement dangereux. Nous n’en sommes pas encore certains.
M. Dixon : Nous ne savons pas pourquoi le cannabis fonctionne dans certains cas. Cette souche de cannabis est tout à fait utile pour empêcher les crises d’épilepsie chez les enfants. Nous ne savons pas exactement si c’est cette partie-ci de la plante ou celle-là qui fonctionne. C’est donc l’effet d’entourage de cette chimie complexe que l’on retrouve dans cette drogue. Nous n’en sommes qu’au tout début et on pourrait y travailler pendant encore toute une vie.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Lefsrud. Est-ce que le compostage élimine complètement les pesticides qui sont utilisés pour faire grandir la plante? Ce sont quand même des produits de culture que l’on considère comme dangereux. Est-ce que le compostage élimine tous les pesticides et fertilisants?
[Traduction]
M. Lefsrud : Nous ne pouvons affirmer cela. Il existe quelques composés, au niveau de la plante et à d’autres niveaux, qui seront à l’état de traces jusqu’aux parties par milliards. Nous voyons rarement quelque chose dans les parties par milliards, mais il serait quand même possible de déceler quelque chose dans les parties par billions. Nous n’en sommes toutefois pas certains à cent pour cent. C’est là où la recherche a un rôle à jouer. Nous savons que dans quelques sites de compostage, si on utilise certains pesticides, ces composés se décomposent assez rapidement. Je ne peux toutefois pas vous garantir que cela arrivera avec tous les pesticides. Il y en a d’assez affreux qui ont été analysés aux États-Unis. Je les ai vus et ils sont interdits au Canada. Ils prennent beaucoup de temps à se décomposer s’ils se retrouvent dans le compost. Le comité et Santé Canada doivent s’assurer de ne pas permettre leur utilisation, car ils représentent des risques potentiels. Je ne crois pas qu’ils se trouvent au Canada, mais la possibilité existe.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Dixon, on sait qu’il y a maintenant beaucoup de gens qui voudront produire de la marijuana. Au Québec, à Mirabel, il y a un important producteur de tomates qui se lance dans la production de marijuana. Ces gens auront des résidus. Le compostage nécessite un espace prévu à cet effet, et le processus est long. Ils seront peut-être tentés d’envoyer ces résidus aux déchets ou de les enfouir.
J’imagine qu’il y a des coûts reliés au compostage. Les connaissez-vous? Serait-il plus facile pour un producteur de décider d’envoyer les résidus aux vidanges ou de les faire enfouir? Est-ce que cela a été porté à votre attention? J’aimerais entendre votre opinion sur le coût du compostage.
[Traduction]
M. Dixon : Non. Le cannabis n’est qu’une plante parmi tant d’autres. Ce n’est qu’une plante. Le cannabis ne crée pas plus de conditions particulières pour le compost que les tomates que cet homme faisait autrefois pousser. Il lui aurait fallu gérer les déchets, qui sont probablement un peu plus nombreux si on fait pousser des tomates plutôt que du cannabis. Somme toute, il n’y a aucune différence. C’est un jeu à somme nulle. En matière de systèmes de production pour les plantes, il faut gérer les déchets et les coûts sont similaires, peu importe le type de plante.
Le sénateur Woo : J’aimerais remercier les témoins. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des niveaux croissants de THC pouvant être extraits des plants de cannabis? Vous avez mentionné le seuil de 30 p. 100 en poids sec. Est-ce la limite maximale? Comment expliquez-vous la capacité qu’ont eue certaines personnes à atteindre ces hauts niveaux de THC? Avec la technologie, devrions-nous nous attendre à ce que des niveaux encore plus élevés de THC soient extraits des plants de cannabis?
M. Dixon : Ce pourcentage de 30 p. 100 me semble ridiculement élevé. Je ne peux vous dire avec certitude que c’est là la limite maximale. Je crois que cela découle partiellement d’accidents. Au cours des 50 dernières années de culture du cannabis sur le marché noir, le but était d’avoir des niveaux élevés de THC. L’une des conséquences accidentelles de cet objectif fut la baisse du cannabidiol, de CBD, en composé médicinal ayant des effets très positifs. Ce composé médicinal n’est pas psychoactif et compense certains des résultats les plus extrêmes du THC. Je dirais tout de même que le processus fut assez accidentel.
Pendant les 50 dernières années, les producteurs des programmes de sélection dans les sous-sols à Vancouver et Amsterdam ont voulu augmenter le niveau de THC. Nous nous retrouvons donc aujourd’hui avec des variétés de cannabis à très haute teneur en THC et ne contenant presque aucun cannabidiol. En réalité, certaines variétés de cannabis ne contiennent aucun cannabidiol. Nous commençons à en apprendre davantage sur les propriétés médicinales de ce composé pharmacologique et prenons conscience du fait que le cannabidiol est vraiment l’élément clé. Un important mouvement vise à ramener le cannabidiol dans la chimie des composés médicinaux découlant de cette plante.
M. Lefsrud : Je ne suis pas un expert, et M. Dixon a dit tout ce que j’aurais dit.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je suis heureux de voir que, comme chercheurs, vous avez une pensée évolutive. C’est très bien ainsi. Au début, vous m’avez dit un non catégorique, qu’il n’y avait aucun danger. En réponse au sénateur Mercer, vous avez dit que oui, il peut rester des résidus très toxiques une fois que la fleur est prélevée. Je vous crois. Je n’y connais rien. Il faudrait des concentrateurs pour retirer les toxines des résidus. Il reste des toxines dans les résidus. Vous l’avez dit vous-même, monsieur Dixon. Je crois que vous vous êtes concentré sur le cannabis médical. Qu’en est-il du cannabis industriel et de celui du consommateur, qui cultivera quatre plants chez lui? Est-ce que le cannabis individuel d’une personne aura la même teneur en THC que le cannabis cultivé industriellement sur des centaines d’acres?
[Traduction]
M. Dixon : C’est possible. Toutefois, je dois vous corriger. En vous référant à ce que Mark et moi avons dit un peu plus tôt, vous avez dit qu’il y avait des composés toxiques. Or, il n’en est rien. Les seuls composés toxiques qui pourraient être présents seraient ceux qui sont utilisés lors de la production, à savoir des pesticides, des herbicides ou des fongicides. Ce type de chimie à usage externe et produit de façon endogène serait la seule source de composés toxiques.
Maintenant, si vous parlez de composés médicinaux, tels que le THC, le CBD et tous les autres produits chimiques présents dans cette plante, c’est vrai que le processus de compostage, qui est le principal élément dont nous traitons, transformera ces composés en CO2 et en eau, au bout du compte. À court terme, cependant, le processus de compostage les réduit à leur base organique et ils deviennent ensuite de l’engrais pour d’autres plantes. Le cycle continue.
Pour ce qui est de ce que les citoyens pourront faire pousser à la maison, il leur sera possible d’avoir des variétés de cannabis à haute teneur en THC, à moins d’avoir des règlements concernant le marché récréatif. Je n’ai aucune idée de ce que vous désirez faire avec le projet de loi, mais à l’heure actuelle, une fois que le cannabis sera légalisé, certains pourront mettre la main sur des variétés de cannabis à très haute teneur en THC et les faire pousser à la maison. Si ces personnes savent ce qu’elles font, si elles lisent nos documents et comprennent comment manipuler et contrôler l’environnement afin d’obtenir les meilleurs résultats, alors elles vont y arriver. Vous-même pourriez y arriver.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je n’en fume pas, moi. Monsieur Zheng, vous voulez ajouter quelque chose?
[Traduction]
M. Zheng : J’aimerais faire une mise au point.
On parle des pesticides ce soir, mais, en réalité, les pesticides ne seront pas un problème. En ce moment, Santé Canada réglemente la production de cannabis de façon très étroite et nombre de pesticides ne sont pas permis. En ce qui concerne la production de cannabis médicinal actuelle par des producteurs autorisés, leur utilisation est très limitée.
Plus tard, si les gens font pousser du cannabis pour l’utilisation chez soi — pour leur propre utilisation — je ne crois pas que les gens voudront utiliser des mauvais pesticides parce que beaucoup de pesticides sont bannis pour le jardinage. Les gens vont donc probablement utiliser des solutions de rechange biologiques, donc je ne crois pas que ce soit un problème.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’admire votre optimisme selon lequel un individu qui cultivera de la marijuana chez lui ne sera pas tenté, s’il trouve un insecte sur une feuille, d’utiliser des pesticides. Personne ne peut le savoir, ni vous ni moi.
Monsieur Lefsrud, vous avez dit que, dans le cannabis, il y a beaucoup d’autres drogues. Est-ce que ces drogues sont détruites lors du compostage?
[Traduction]
M. Lefsrud : Pour revenir à la question originale, on parlait de l’addition de pesticides. Pour préciser mon énoncé de tout à l’heure, ce sont des produits chimiques que nous avons vu utiliser aux États-Unis. Ils n’ont jamais traversé la frontière ici, et il existe des cas, en Amérique centrale…
[Français]
Le sénateur Maltais : Je ne veux pas parler des pesticides, ce n’est pas mon problème. Je veux plutôt parler de la grande quantité d’autres drogues dont vous avez parlé tantôt. Est-ce que ces drogues seront détruites lors du compostage? Ici, je ne parle pas des quatre plants que l’on peut retrouver dans un domicile, et je ne parle pas non plus de la culture à des fins médicales. Vous me jurez que toutes ces drogues sont détruites lors du compostage.
[Traduction]
M. Lefsrud : Concernant les composés chimiques produits par le plant, le fait de passer par un processus de compostage ne les rend pas plus nocifs, et ils sont complètement retirés du processus.
[Français]
Le sénateur Maltais : Donc, lorsque votre compostage est complété, après 30 semaines, on ne peut y retrouver aucune drogue toxique.
[Traduction]
M. Lefsrud : Une trace? Si vous me demandez s’il y a une simple molécule qui n’a pas passé par le processus de compostage et qui est encore présente, je ne peux pas vous dire qu’il n’y en a pas. Je peux dire qu’il y a une molécule dans une pièce aussi grande que celle-ci, mais vous ne la trouveriez jamais. Je ne peux pas dire zéro. C’est impossible.
[Français]
Le sénateur Maltais : Dans la production personnelle, on ne sait pas ce que les individus vont utiliser comme engrais ni s’ils utiliseront des pesticides, qu’ils soient homologués ou non. Est-ce que cela aura une influence lors du compostage, que ce soit en petite quantité ou en quantité industrielle?
[Traduction]
M. Lefsrud : Si ce produit chimique n’a pas été accepté au Canada, ce qui se produit dans la plupart des cas — à cause des nombreuses conditions — on ne le retrouvera pas. C’est seulement si quelqu’un importe illégalement ce produit d’un autre pays, s’il l’utilise ici illégalement et ensuite s’il le transforme illégalement. Il existe plusieurs étapes d’activités illégales pour que ce produit se retrouve dans notre système.
Je ne peux affirmer que c’est zéro à ce moment-ci. Je peux dire ceci : ne permettez pas à cette substance de traverser la frontière, ne lui permettez pas d’être utilisée comme pesticide et ne lui permettez pas d’être utilisée dans le processus. Si nous effectuons ces contrôles, nous ne verrons pas cette substance.
[Français]
Le sénateur Maltais : Si un de ces produits entre dans le compost, comme vous dites — on peut présumer que ça peut arriver —, est-ce que cela aura un effet néfaste sur le compost?
[Traduction]
M. Lefsrud : Nous avons vu des cas dans le domaine du compostage à Edmonton où des gens avaient, par accident, utilisé quelque chose d’illégal, et ensuite ils ont dû envoyer au site d’enfouissement tout leur compost parce qu’on a dû faire des tests.
S’il s’agit d’un échantillon de plant pur, il n’existe aucun risque. Ce n’est que dans de rares conditions où il existe un cas possible, et je dirais que cette chance est de moins d’un par milliard.
[Français]
Le sénateur Maltais : Est-ce que ce produit altère la fleur de cannabis? Ce produit non homologué, que l’on pourrait importer de façon illégale, est-ce qu’il altère la qualité de la fleur ou des graines de cannabis?
[Traduction]
M. Lefsrud : Je dirais que oui.
La présidente : Merci, sénateurs. En votre nom j’aimerais remercier nos invités qui étaient ici avec nous aujourd’hui. Ce fut une discussion très intéressante.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre nos prochains témoins concernant le cadre de réglementation des produits agricoles utilisés pour la production du cannabis. Nous accueillons, de CropLife Canada, M. Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, et Mme Maria Trainer, directrice des affaires réglementaires. De Scotts Canada Limited, nous avons Mme Karen Stephenson, directrice, Affaires réglementaires et relations avec les parties prenantes.
Merci d’avoir accepté notre invitation à témoigner. Nous vous invitons à faire votre présentation. J’imagine que nous allons commencer par M. Prouse.
Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada : Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi d’être ici.
CropLife Canada est l’association professionnelle qui représente les fabricants, les concepteurs et les distributeurs d’innovations en phytologie, y compris les produits antiparasitaires et de biotechnologie végétale, utilisés en agricultures, en milieu urbain et dans le secteur de la santé publique. Nous sommes déterminés à protéger la santé humaine et l’environnement, et nous sommes convaincus de l’importance de stimuler l’innovation par la recherche continue.
En ce qui a trait au cannabis et à sa légalisation potentielle, nous croyons qu’un des objectifs principaux du gouvernement devrait être de strictement limiter l’accès des mineurs au cannabis et à ses accessoires. Cependant, il pourrait y avoir des conséquences inattendues sur les consommateurs canadiens si des pesticides ou des engrais pouvant servir à la production de cannabis sont malencontreusement visés par la définition d’accessoires.
Des millions de Canadiens utilisent des produits antiparasitaires régis par la Loi sur les produits antiparasitaires. Cette loi fait en sorte que les produits antiparasitaires enregistrés aux fins de vente et d’utilisation au Canada sont sûrs et efficaces.
La loi prévoit aussi que les produits soient enregistrés pour une utilisation précise, sur une culture donnée, comme des légumes ou potentiellement du cannabis, et à un moment déterminé pendant la saison de croissance. La loi et la réglementation qui en découle régissent aussi la promotion des produits antiparasitaires aux Canadiens.
Un problème surgirait si le projet de loi sur la légalisation du cannabis était rédigé de telle façon que les produits de protection des cultures étaient visés par la définition d’accessoires de cannabis. Sans précision supplémentaire sur ces accessoires, pareil projet de loi pourrait involontairement empêcher la promotion et la vente de produits qui sont utilisés à plusieurs fins, y compris de nombreux produits agricoles à usage domestique.
Il faut évaluer sérieusement les détails d’un projet de loi qui pourraient interdire d’exposer un produit ou d’exposer son étiquette d’une manière qui permet à un mineur de l’apercevoir. Beaucoup de pesticides approuvés par Santé Canada portent une étiquette indiquant qu’ils peuvent être utilisés sur de multiples plantes et cultures agricoles. Ces produits seront inévitablement exposés et promus dans des magasins de détail et d’autres endroits fréquentés par des mineurs.
Une définition d’accessoires englobant les pesticides, même si elle était involontaire, serait très perturbatrice pour les détaillants, les fabricants et les distributeurs de produits approuvés par Santé Canada.
Karen pourra vous donner bien plus de détails tout à l’heure.
Comme les pesticides approuvés par Santé Canada sont souvent utilisés sur de multiples cultures, la promotion de ces produits l’indique généralement. Si le gouvernement impose des restrictions sur la promotion des produits pouvant être utilisés pour la culture du cannabis dans les magasins de détail à grande surface, les centres de jardinage et d’autres lieux visités par des mineurs, les Canadiens qui consomment du cannabis pourraient ne plus avoir accès à des renseignements importants, comme les instructions sur l’utilisation sûre et appropriée de ces produits puisque ces derniers pourraient devoir être gardés sous clé.
Le secteur des sciences végétales est déterminé à sensibiliser les consommateurs sur l’utilisation sûre de ces produits. Il s’agit d’un objectif que partage aussi l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada. Toute restriction qui pourrait compromettre l’étiquetage approprié et la promotion de ces produits minerait cet objectif.
CropLife Canada recommande donc que les pesticides régis par la Loi sur les produits antiparasitaires soient exemptés de la définition d’accessoires. Il suffirait de modifier la définition d’accessoires dans tout projet de loi potentiel sur le cannabis.
Sinon, les produits conformes à la Loi sur les produits antiparasitaires pourraient être exemptés directement par la réglementation découlant du projet de loi sur la légalisation du cannabis. Ainsi, la loi et l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire pourraient continuer de faire leur travail crucial d’information auprès des Canadiens sur l’utilisation sûre des pesticides.
Sur ce, je vais céder la parole à ma collègue, Mme Trainer, qui pourra vous parler des difficultés liées à l’enregistrement et à l’approbation des produits de culture de la marijuana.
Maria Trainer, directrice des affaires réglementaires, CropLife Canada : Merci. Comme mon collègue Dennis vous l’a mentionné, les produits antiparasitaires sont régis au Canada par la Loi sur les produits antiparasitaires fédérale qui prévoit que les pesticides soient homologués pour un usage précis, sur une culture donnée et à un moment déterminé de la saison de croissance. La Loi sur les produits antiparasitaires est sans doute l’une des lois sur les pesticides les plus modernes au monde.
De nombreux parasites, y compris la pourriture et les insectes, peuvent nuire à la culture du cannabis en s’attaquant à la plante avant et après les récoltes. Les cultivateurs de cannabis, comme tous les autres cultivateurs, ont donc besoin d’avoir accès à des outils sûrs et efficaces, comme les pesticides, pour protéger leur culture. Or, c’est loin d’être quelque chose de simple. Les pesticides sont parmi les substances les plus strictement contrôlées sur le marché. Les exigences de contrôle des pesticides avant leur mise en marché sont complètes et visent à assurer que les produits enregistrés ne poseront pas un risque inacceptable pour la santé humaine ou l’environnement.
Les tests de santé doivent évaluer tout risque potentiel pour la santé de l’épandeur ou du public lié à l’exposition aux pesticides pendant le mélange, l’utilisation et l’entrée dans les zones traitées. Les études sont ensuite réalisées pour déterminer si les résidus d’un pesticide demeurent sur une culture après la récolte et à quelle concentration. Les données colligées pendant ces études de résidus sont ensuite utilisées pour décider de l’utilisation adéquate d’un pesticide pour que les résidus soient suffisamment bas pour ne pas présenter de risque pour la santé des consommateurs.
Le cannabis peut être transformé de plusieurs façons : pour fumer les fleurs séchées, fabriquer des produits comestibles, consommer les produits comestibles et faire des concentrés. La consommation de produits différents entraîne donc un potentiel d’exposition différent pour les utilisateurs. Pour chacune de ces possibilités d’exposition, un test doit être effectué pour mesurer le risque potentiel pour la santé, ce qui augmente les exigences de collecte de données requises pour l’enregistrement d’un pesticide.
Selon le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicinales en vigueur, les producteurs de cannabis autorisés ne peuvent utiliser que les ingrédients actifs enregistrés pour la marijuana dans la Loi sur les produits antiparasitaires. À l’heure actuelle, il existe 21 ingrédients actifs autorisés pour la culture commerciale et à l’intérieur de la marijuana. La liste des ingrédients actifs comprend des huiles végétales, des savons insecticides et des biopesticides. Ce n’est pas un hasard si cette liste ne contient aucun pesticide synthétique.
Comme la liste des produits enregistrés est très limitée, certains producteurs ont décidé de protéger leur culture à l’aide de produits non autorisés. Ce sont en fait des produits enregistrés au Canada, mais pas pour l’utilisation sur le cannabis.
Nous, à CropLife Canada, et nos membres n’appuyons pas l’utilisation de nos produits à des fins non indiquées. Nous reconnaissons toutefois que s’ils n’ont pas accès à des produits homologués efficaces, les producteurs de cannabis vont probablement se tourner vers les types d’utilisation à des fins non indiquées qui ont beaucoup attiré l’attention des médias dans les derniers mois. Ces types d’utilisation illégale pourraient entraîner des conséquences pour la santé et présentent des risques pour la réputation de notre secteur.
Nous avons pris contact avec des représentants de l’industrie du cannabis pour veiller à ce qu’ils soient au courant de leurs obligations légales concernant l’utilisation de pesticides. Nous avons aussi communiqué avec l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada, l’organisme de réglementation fédéral, pour l’encourager à préciser les exigences en matière de données nécessaires pour ajouter le cannabis aux indications d’un pesticide si un titulaire souhaite obtenir une homologation pour cette culture.
Actuellement, les lignes directrices sur les analyses pour ajouter le cannabis aux indications d’un produit manquent de clarté, surtout étant donné la nature des différentes consommations de cannabis dont j’ai parlé plus tôt.
Nous prévoyons qu’au moins une étude sur la pyrolyse soit nécessaire. Il est concevable que d’autres modes de consommation du cannabis entraînent des types d’expositions qui exigeraient un examen, par exemple, les produits comestibles ou l’application d’huiles sur la peau.
Jusqu’à présent, l’organisme de réglementation fédérale a indiqué vouloir aborder au cas par cas la question des exigences de données aux fins d’homologation, ce qui n’est pas idéal à long terme.
Nous avons besoin d’exigences d’analyses précommercialisation qui soient claires et transparentes pour faire en sorte que les titulaires qui souhaitent ajouter le cannabis aux indications de leur produit soient bien au fait des exigences de données requises pour obtenir l’homologation.
De plus, les coûts associés aux analyses nécessaires pour appuyer l’ajout du cannabis aux indications d’un produit seront probablement élevés. Il est concevable que le potentiel commercial ne suffise pas à justifier l’investissement nécessaire à l’homologation.
Au Canada, le Programme des pesticides à usage limité, lancé en 2002, en tant qu’initiative conjointe d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada, améliore depuis longtemps l’accès des producteurs au traitement de protection des cultures utilisé en petites quantités pour les cultures de grande valeur produites sur de petites superficies et dont le potentiel commercial ne justifie pas l’homologation au Canada. CropLife Canada est fier de soutenir les travaux du Programme des pesticides à usage limité au moyen du centre pour la lutte antiparasitaires. Nous croyons que ce programme pourrait jouer un rôle concernant les exigences de données à mettre en place pour l’ajout du cannabis à l’étiquette d’un pesticide.
Nous encourageons le gouvernement à explorer cette voie et d’autres modèles existants grâce auxquels les exigences de données pourraient être satisfaites dans le cadre de toute discussion concernant la légalisation du cannabis.
Avant de terminer et de céder la parole à ma collègue Karen, j’aimerais souligner que la décision d’ajouter une culture aux indications d’un produit revient uniquement au titulaire. Or, même si toutes les exigences réglementaires pour l’homologation du cannabis sont précisées, certains titulaires pourraient choisir de ne pas la demander.
Là-dessus, je vais céder la parole à ma collègue, Karen, qui pourra vous donner un peu de contexte à propos des défis que doivent relever nos entreprises membres dans le secteur de la vente au détail.
Karen Stephenson, directrice, Affaires réglementaires et relations avec les parties prenantes, Scotts Canada Limited : Merci, Maria, et merci, honorables sénateurs, de nous donner l’occasion de vous entretenir ce soir.
Je ferai un survol de notre entreprise, au cas où vous ne connaissiez pas Scotts Canada. ScottsMiracle-Gro est l’un des premiers fournisseurs de produits d’horticulture sûrs et efficaces pour la culture de végétaux, y compris des produits pouvant convenir à la culture du cannabis.
Au Canada, ScottsMiracle-Gro est représenté par deux entreprises canadiennes, Scotts Canada, axé sur les produits domestiques et de jardinage, en plus des médiums de croissance horticoles, et Hawthorne Canada Limited, un fournisseur de nutriments liquides, de suppléments végétaux et de matériels d’éclairage et autres utilisés pour la culture hydroponique.
Scotts et Hawthorne emploient plus de 700 personnes dans ses 9 installations au Canada.
Scotts Canada et notre secteur ont les mêmes buts que le gouvernement, c’est-à-dire d’offrir des produits sûrs et efficaces qui permettent aux Canadiens, en contexte commercial ou à domicile, de faire pousser les végétaux, y compris le cannabis, de grande qualité et sûr.
Les membres de CropLife Canada et de Fertilisant Canada, une autre des associations de notre secteur, représentent la majorité des producteurs de produits antiparasitaires et d’engrais vendus au Canada.
Nos produits s’appuient sur des recherches approfondies, comme l’a mentionné Maria, et des données et un historique d’usage sûr pour de nombreuses cultures.
Nos entreprises utilisent les données de recherche et notre expérience pour informer les détaillants et les consommateurs à propos du bon usage de nos produits.
Nous possédons des décennies d’expérience en matière de communication avec les détaillants et les utilisateurs à propos de nos produits au moyen de l’étiquetage, du matériel de commercialisation et d’autres moyens de communication.
Par conséquent, restreindre l’accès soit aux produits, soit à de bons renseignements relatifs à ces produits, ne sert ni notre entreprise ni les consommateurs.
Imaginez un instant un particulier qui a le droit légalement de faire pousser quatre plants à son domicile et qui se rend dans un grand centre jardinier pour acheter des produits, comme des engrais ou des lampes, en vue de faire pousser ses plants, parce que c’est là où il a l’habitude de se rendre pour acheter les produits dont il a besoin pour ses autres plantes. Puis, il ne sera pas en mesure de faire le bon choix parce que les produits ne peuvent pas inclure le cannabis sur les étiquettes. Ou encore il se retrouve avec un problème de parasites, mais il ne connaît pas le produit approprié à utiliser parce qu’aucun n’est indiqué pour traiter le cannabis. Il doit choisir un produit au hasard et deviner comment l’utiliser.
Beaucoup de produits pour la culture des végétaux, comme on l’a déjà dit, peuvent être utilisés pour diverses cultures et sont souvent commercialisés comme tels. Le secteur a pour objectif de rendre disponibles les produits appropriés et de fournir des renseignements pour veiller à ce que les commerces et les consommateurs fassent les bons choix tout en ayant les directives nécessaires pour une utilisation sûre.
Imaginez une entreprise où il faudrait prendre la décision de ne pas offrir ses produits aux consommateurs qui souhaitent faire pousser du cannabis, car elle ne veut pas risquer de voir ses produits être retirés des tablettes si ceux-ci étaient, d’une façon ou d’une autre, que ce soit par l’étiquetage, la mise en marché ou la promotion, associés à la production de cannabis.
Il existe des implications potentielles réelles si les produits horticoles généraux sont décrits comme étant des accessoires du cannabis.
L’imposition de restrictions à la présentation de ces produits comme pouvant servir à la culture du cannabis, car ces produits horticoles répondent à la définition actuelle d’accessoires du cannabis, créera non seulement des perturbations sur le marché actuel, mais mènera probablement à de mauvais usages, ce qui se traduira par une augmentation des risques pour le public canadien.
L’industrie a pu constater que, lorsque les gouvernements restreignent l’accès à des produits sécuritaires et s’il n’y a pas d’information sur des produits adéquats, les cultivateurs, qu’ils soient de taille commerciale ou qu’il s’agisse de jardiniers amateurs, trouveront souvent des façons de résoudre leurs problèmes horticoles. Souvent, ils utiliseront des produits non approuvés ou des concoctions maisons qui n’ont pas été évaluées par Santé Canada ou l’ACIA. Cela augmente le risque associé aux activités horticoles et est contradictoire à tous nos objectifs visant à assurer la sûreté de la culture du cannabis et à faire en sorte que les mesures correspondent à ce risque.
Nous demandons par conséquent un éclaircissement quant à ce qui constitue des accessoires du cannabis pour nous assurer que les produits horticoles, qu’il s’agisse de pesticides, d’engrais et d’équipement hydroponique, soient vendus avec les instructions adéquates et le soutien nécessaire pour aider le gouvernement à atteindre son objectif tout en permettant aux entreprises d’être concurrentielles et de connaître du succès dans cette industrie en croissance, et également pour assurer la sécurité des consommateurs.
La présidente : Je vous remercie pour vos exposés. Plusieurs sénateurs souhaitent vous poser des questions.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup pour vos présentations, mesdames et monsieur. Nous avons reçu une copie de la présentation de M. Prouse, mais serait-il possible de recevoir celles de Mme Trainer et de Mme Stephenson? Si c’est le cas, il suffira de les remettre au greffier du comité. Elles pourraient nous être fort utiles.
Vous apportez un éclairage différent sur lequel peu de nos témoins se sont penchés avant vous. D’aucune façon, vous ne voulez être associés à des produits frauduleux, si je peux m’exprimer ainsi, à des produits qui ne sont pas homologués par Santé Canada, et cetera. Avec raison. Je cultive moi-même des tomates dans mon petit jardin. Je dois utiliser de l’engrais et des pesticides si les petits insectes s’installent. Je me procure toujours des produits homologués par Santé Canada. Je ne veux pas que mes tomates goûtent autre chose que la tomate.
Vous en avez parlé, il y a un coût qui y est associé. Les futurs producteurs de cannabis sont nombreux, et il s’agit souvent de néophytes en agriculture. Ils ne proviennent pas nécessairement du domaine des carottes ou des salades. Est-ce que ces gens seront informés du fait que les pesticides dont ils auront besoin pour leur culture devront être homologués par Santé Canada et par Agriculture et Agroalimentaire Canada? Ils devront voir à ne pas utiliser de produits de contrefaçon qui pourraient altérer la qualité du produit et nuire à la santé des gens.
Monsieur Prouse, jusqu’à quel point Santé Canada peut-il exercer un contrôle?
[Traduction]
M. Prouse : Ma collègue, Mme Trainer, a récemment visité une grande installation. Je n’ai pas participé à cette visite, mais elle était là. Je vais la laisser répondre à votre question.
Mme Trainer : Du point de vue des grands fabricants commerciaux, ils seraient traités de la même façon que les autres producteurs horticoles. Dans ce domaine, l’étiquetage fait loi, et ils seraient obligés de s’y conformer.
Compte tenu de notre expérience et des conversations que nous avons eues avec les associations de producteurs, ceux-ci sont très conscients de leurs responsabilités au titre de la loi et de leurs obligations juridiques de suivre ce qui est écrit sur l’étiquette.
L’ARLA serait mieux placée pour vous expliquer ses activités de sensibilisation et de rayonnement, mais elle fait certainement beaucoup de travail dans ce domaine et procède aussi à des activités d’application de la conformité.
Mme Stephenson : Si vous me permettez d’intervenir, je crois que les fabricants de produits perçoivent qu’il existe un débouché et qu’ils souhaitent s’associer avec des producteurs de cannabis pour leur vendre leurs produits horticoles.
Nous avons consacré beaucoup de temps et d’efforts à mettre au point nos produits. Lorsque nous rendons visite à des entreprises qui s’intéressent à la culture du cannabis, nous sommes aussi accompagnés de nos experts qui peuvent les renseigner quant aux produits adéquats à utiliser. Nous ne recommanderions jamais un produit qui n’a pas été approuvé par l’ARLA pour cette culture particulière.
Je crois qu’il y a certainement beaucoup d’entreprises très réputées qui seraient intéressées à établir des partenariats avec des producteurs à cette fin.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je vous remercie. Cela convient pour les grandes productions. Qu’en est-il des petits producteurs qui ont quatre plantes sur leur balcon? Mme Stephenson l’a souligné dans son mémoire. La personne qui s’aperçoit que ses plantes ne poussent pas assez haut ira à la quincaillerie pour acheter un produit en espérant qu’il fera pousser ses plantes. Comment saura-t-elle quel produit acheter? Pouvez-vous nous dire comment Santé Canada compte s’y prendre pour diffuser de l’information générale? On parle ici de près d’un million et demi de petits producteurs. C’est beaucoup de monde. Je ne suis pas sûr que si c’est bon pour la tomate ou pour les oignons ou pour les limaces, ce soit bon pour le cannabis. Comment le petit producteur arrivera-t-il à s’y retrouver dans tout cela sans s’empoisonner?
[Traduction]
Mme Stephenson : La société Scotts est certainement engagée dans l’éducation des consommateurs. Par exemple, pendant la saison, nos experts Scotts se rendent chez les détaillants pour rencontrer les consommateurs et discuter de leurs problèmes horticoles, leur recommander des produits adéquats et leur en expliquer leur bon usage.
Nous avons aussi beaucoup d’autres moyens, comme le matériel de promotion et les étiquettes mêmes, et nous fournissons d’ailleurs beaucoup de directives claires directement sur l’étiquette. Le consommateur peut prendre le produit, et lire l’étiquette pour en savoir davantage sur le produit et sur la façon de l’utiliser.
Ces exigences sont ciblées dans les règlements tant sur les engrais que les pesticides, mais au-delà de cela, nous faisons toutes sortes de choses pour renseigner les consommateurs d’une manière générale sur nos produits et la façon et le moment de les utiliser.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : J’aimerais séparer les choses comme il se doit. S’il s’agit d’exploitation commerciale, une vaste exploitation titulaire de permis, les entreprises s’adresseront à elles et lui proposeront des produits. Ce seront des produits autorisés. Ce que vous dites, c’est qu’ils ne seront pas étiquetés. Si j’entre dans le centre de jardinage du Canadian Tire local, le produit ne sera pas étiqueté pour dire qu’il est bénéfique pour le cannabis?
M. Prouse : Tout dépend de la façon dont est rédigée la loi, sénateur. Si elle est libellée de telle sorte qu’elle définit les pesticides et engrais comme des moyens de production, il peut être difficile aux consommateurs d’être bien renseignés.
Là où je veux en venir, c’est qu’il est important de séparer les pesticides et engrais des autres moyens de production du cannabis parce qu’il est important pour les consommateurs d’obtenir cette information.
Le sénateur Mercer : C’est juste, mais si j’achète une boîte de Scotts et qu’il y est indiqué que ce produit est bon pour la culture de mes tomates, de mes fleurs ou d’autre chose, et qu’il n’est pas question du cannabis, est-ce que je peux aller en ligne et obtenir ce renseignement? Si la loi excluait la capacité d’ajouter le cannabis à la liste des plantes auxquelles un produit peut être utile, y a-t-il moyen d’aller en ligne pour obtenir ce renseignement?
M. Prouse : Je laisse Karen vous répondre dans un moment, mais c’est ce que nous essayons d’éviter, une situation où les gens doivent aller sur Google et essayer de deviner quels produits ils devraient utiliser. Je ne pense pas que cela ait jamais été l’intention du gouvernement, ni que ce soit vraiment une bonne politique publique.
Ce que nous voulons, et je sais que l’organisme de réglementation partage le même avis, c’est d’avoir une description très claire et concise de l’utilisation, sur le devant du produit, que les consommateurs peuvent comprendre.
Vous avez mentionné Scotts, par conséquent je vais laisser Karen vous en parler davantage.
Mme Stephenson : Bien sûr, en tant que personne qui est responsable de la conformité réglementaire pour les produits Scotts et Hawthorne, nous visons toujours l’uniformité pour l’ensemble des méthodes de communication que nous utilisons.
Si l’étiquette indique que l’on peut utiliser ce produit pour certaines cultures, c’est ce que dira notre matériel de mise en marché, c’est ce qu’indiqueront notre site web et nos vidéos. Nous craignons, si nous n’arrivons pas à communiquer clairement de l’information sur nos produits, que cela ne se traduise par un manque de clarté ou par de la confusion, ce qui pourrait potentiellement mener à une mauvaise utilisation. Nous voulons vraiment être en mesure de recommander nos produits pour un usage approprié sur les bons types de culture.
Le sénateur Mercer : Nous revenons donc à une question des détails.
Si vous pouvez vendre vos produits à de grands opérateurs commerciaux qui cultivent de grandes quantités de cannabis, c’est une chose. Toutefois, ce sont les petits utilisateurs, les gens qui cultivent quatre plants à la maison, qui doivent être protégés, et il faut leur dire ce qui est bon ou néfaste pour les aider à cultiver leurs plantes. Ou bien nous pourrions leur recommander d’aller s’en procurer dans un commerce de détail où le gouvernement peut les taxer davantage.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Trainer. Pour les grands producteurs, il n’y a pas de problème. On parle des petits producteurs. Premièrement, le gouvernement autorisera la culture de quatre plants à domicile. Vous savez très bien qu’il sera impossible de vérifier et de compter le nombre de plants dans 700 000 logements. Plusieurs pourront faire pousser 8 plants ou 12 plants. Auparavant, la seule façon de dépister les producteurs de marijuana à domicile était à partir des comptes d’électricité. Si tout le monde fait pousser 4, 5 ou 10 plants, on ne sera pas en mesure de voir la différence. Ce qui m’inquiète, c’est que ces gens utiliseront peut-être de mauvais produits qui pourraient avoir des conséquences sur la santé.
Avez-vous des exemples d’effets sur la santé liés à l’utilisation d’un mauvais produit pour la culture de plants de marijuana? On ne va pas se le cacher. La légalisation va ouvrir toute grande la porte au marché noir. Tout le monde voudra cultiver sa douzaine de plants à domicile. En tout cas, si les gens cultivent quatre plants pour ne pas enfreindre la loi, je me demande bien qui va le vérifier.
[Traduction]
Mme Trainer : Je ne vais pas faire d’observation sur les aspects légaux concernant le nombre de plants qu’une personne cultive. Toutefois, pour ce qui est des conséquences sur la santé de l’utilisation d’un produit non-enregistré, c’est exactement pour cela que nous demandons des exigences quant à des données réglementaires claires et transparentes afin qu’un produit puisse être enregistré pour son utilisation avec du cannabis. Ces exigences s’appliqueraient, peu importe qu’il s’agisse d’un produit à usage domestique permettant à quelqu’un de s’en servir pour ses quatre plants ou d’un produit à usage commercial prévu pour être utilisé dans de grandes installations.
Nous aimerions que les exigences en matière de données soient claires et transparentes, peu importe le secteur dans lequel le produit serait mis en marché. Je pense qu’il est important que les consommateurs aient la certitude que les produits qu’ils utilisent sont sûrs.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Pour ce qui est des conséquences d’une mauvaise utilisation du produit, avez-vous des exemples? Avez-vous analysé les risques potentiels?
[Traduction]
Mme Trainer : À CropLife Canada, ce n’est pas le cas. À ma connaissance, Santé Canada a effectué du travail dans ce secteur, et je pense que le ministère a publié quelques mémoires au cours des derniers mois en raison d’une certaine couverture médiatique l’an dernier, mais ce n’est pas quelque chose dont je suis au courant. Karen aurait peut-être des observations.
Mme Stephenson : Tout ce que je peux dire, c’est que d’après ce que j’ai pu voir dans les médias et à partir de conversations que nous avons eues avec des producteurs commerciaux, certaines personnes craignent que les produits puissent potentiellement créer du cyanure à partir des résidus de pesticides illégaux utilisés sur le cannabis. Bien sûr, c’est le genre de choses qui seraient évaluées si un pesticide faisait l’objet d’un processus d’évaluation approprié de la part de Santé Canada et de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire pour s’assurer que le produit, lorsqu’il est utilisé sur un plant de cannabis, est sûr, étant donné l’utilisation ultime de cette plante.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Si on compare cela avec les pesticides, diriez-vous que le gouvernement a été moins sévère pour la production de cannabis que pour la vente de produits non réglementés?
[Traduction]
M. Prouse : Nous naviguons, comme qui dirait, dans des eaux inconnues. C’est un domaine tellement nouveau qu’il y a très peu de produits qui ont été homologués pour l’utilisation sur les plants de marijuana. Nous n’avons pas fait beaucoup de progrès encore à cet égard. Nous sommes toujours en attente.
Il existe un programme — Mme Trainer y a fait allusion — celui des pesticides à usage limité. Une disposition existe, qui permet à ces producteurs d’avoir accès au produit s’ils en ont besoin. Je pense que même l’organisme de réglementation, s’il pouvait témoigner, reconnaîtrait que c’est un domaine tout à fait nouveau et qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Avant d’adopter ce projet de loi, il vaudrait mieux attendre que ces produits soient homologués par Santé Canada.
[Traduction]
M. Prouse : Nous encouragerions vraiment le gouvernement, avant d’adopter toute loi, à examiner attentivement son interaction avec la loi en vigueur — la Loi sur les produits antiparasitaires, en l’occurrence. Il me semble que ce serait un exercice judicieux, avant la pleine légalisation. Il serait beaucoup plus facile de remédier aux problèmes maintenant que de faire marche arrière plus tard.
La sénatrice Petitclerc : Ma question est simple. Je comprends votre position quant aux pesticides considérés comme un accessoire aux termes du projet de loi actuel, mais j’aimerais que vous me donniez un exemple.
Disons que quelqu’un achète un engrais ou un pesticide. Selon mon expérience, le produit indique être approprié pour des usages précis. Si je vous comprends bien, dans le contexte du projet de loi, il ne serait pas possible d’indiquer qu’un produit est bon pour les tomates et le cannabis, par exemple?
M. Prouse : Effectivement. Karen peut sans doute vous donner plus de détails.
Mme Stephenson : Le libellé actuel du projet de loi définit « un accessoire » comme tout élément utilisé dans la production du cannabis. Si l’on souhaite mettre sur une étiquette qu’un engrais peut être utilisé pour la culture du cannabis, cet engrais devient un accessoire.
Or il existe aussi dans le projet de loi des dispositions ou des restrictions quant aux accessoires, qui ne peuvent pas être étiquetés, dont on ne peut pas faire la publicité pour le cannabis, qu’on ne peut pas promouvoir en ce qui concerne le cannabis et qu’on ne peut pas vendre en tout lieu où des mineurs sont susceptibles d’être présents.
Étant donné ces restrictions, nous serions contraints soit de ne pas indiquer cannabis sur l’étiquette soit, si on indiquait cannabis sur l’étiquette, de ne pas pouvoir vendre le produit au Home Depot, au Canadian Tire ou dans des centres de jardinage indépendants. Les gens devraient se rendre dans un dispensaire homologué ou chez un fournisseur agréé pour se procurer ces produits. La plupart des consommateurs, comme je l’ai dit dans mon mémoire, ont l’habitude de se procurer les produits dont ils ont besoin pour la culture des plantes dans de grands magasins ou dans des centres de jardinage indépendants; et le cannabis est une plante comme une autre.
M. Prouse : Laissez-moi ajouter, madame la sénatrice, que le gouvernement n’a sans doute jamais eu l’intention d’appliquer ceci aux pesticides et aux engrais. C’est pourtant ce qui va se passer si nous appliquons une définition générale d’« accessoire », sans tâcher de repérer les éventuels conflits. Il y a un conflit manifeste en ce qui concerne les pesticides et les engrais; il me semble assez facile d’y remédier.
La sénatrice Petitclerc : Cette définition générale s’applique, comme vous l’avez dit, aux pesticides. Elle s’applique aussi à tout le reste, dont les lumières.
Mme Stephenson : Oui.
La sénatrice Petitclerc : D’accord. Ce n’est donc pas une exception. De plus, sauf erreur de ma part, il ne faut exposer aucun enfant au produit. Les acheteurs devraient se rendre chez un distributeur spécialisé qui pourrait fournir la trousse d’ensemble ou quelque chose comme cela.
Mme Stephenson : Oui, c’est bien le cas. Pour étoffer la réponse de Dennis, laissez-moi préciser que nous nous sommes efforcés de sensibiliser le gouvernement à la question. Tout d’abord, nous avons cherché à confirmer que notre interprétation de la définition était exacte, et c’est bien le cas. Tous nos interlocuteurs se sont montrés très surpris; tous nous ont dit que ce n’était pas le type de produit qu’ils visaient. Cependant, étant donné le libellé de la définition, elle s’applique bien à ces produits.
La sénatrice Petitclerc : J’ai une dernière question. J’imagine que cela va contraindre votre entreprise à créer un produit spécifique pour ces détaillants. Si vous souhaitez faire figurer sur l’étiquette des renseignements pertinents, le produit sera distribué uniquement par certains détaillants, cela est donc possible, mais c’est une contrainte, n’est-ce pas?
Mme Stephenson : Effectivement, c’est possible. Il reste à savoir s’il est rentable de créer une ligne de produits entièrement distincte. La plupart de nos engrais et de nos lumières ou de nos autres produits ont une application générale, même si nous fournissons des directives, au cas où il convient de traiter différemment les tomates et les fleurs, par exemple. Ces renseignements figurent sur l’étiquette. On procèderait de la même façon pour le cannabis, le cas échéant.
La possibilité de créer une gamme de produits distincte pour les consommateurs qui désirent cultiver leurs quatre plants constitue certainement une option que l’on devrait étudier soigneusement pour en déterminer la faisabilité économique.
M. Prouse : Je peux répondre rapidement à la question. Il est important de comprendre que c’est une question d’échelle. Le secteur est très petit, et plus vous rendez difficile l’entrée sur le marché de produits dans le secteur, moins les entreprises fourniront de produits homologués dans ce même secteur. En gardant à l’esprit la question de l’échelle, on compte 24 millions d’acres de colza dans l’Ouest du Canada et 3 millions d’acres de maïs dans le Sud de l’Ontario. J’invite le sénateur Black à me corriger si mes données sont erronées, mais j’estime qu’elles sont assez justes.
Il s’agit d’un très petit secteur, et comme je l’ai dit, en faisant en sorte qu’il soit extrêmement difficile pour les entreprises de se tailler une place dans le marché, il est moins probable qu’elle le fasse et, par conséquent, on se retrouve avec une politique donnant des résultats peu souhaitables.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
Le sénateur Oh : Je remercie les témoins. J’aimerais revenir à la question du projet de loi C-45.
Chaque ménage a le droit de cultiver quatre plants. Or, dans le projet de loi C-45, on ne précise pas la taille des foyers. Il n’y est question que de ménage. Qu’arrive-t-il de la culture en condominium? S’il est permis de cultiver quatre plants par zone habitable de 600 pieds carrés, et que vous habitez dans un immeuble à 30 étages, ce qui est assez courant de nos jours, comment arrivera-t-on à contrôler la culture? Je me soucie surtout du fait qu’il y aura de la moisissure, car les gens pourraient faire une culture inadéquate. La moisissure se transmettra par la suite dans le système d’air climatisé et se propagera dans tout l’immeuble. N’entrevoyez-vous pas ce problème à l’avenir?
Mme Trainer : Je crois que ces préoccupations ont été soulevées par un certain nombre de personnes et de groupes différents, et il s’agit de questions valables. Cela nous rappelle l’importance d’avoir accès à des produits qui fonctionnent et qui sont sûrs lorsqu’il s’agit de cette plante, que l’objectif soit la production commerciale ou la culture à domicile. Tant que nous n’aurons pas défini clairement les exigences se rattachant à l’homologation d’un produit en fonction de son utilisation, ce sera difficile. Il y a un nombre très restreint de produits qui pourraient actuellement être accessibles à tous.
Mme Stephenson : J’ajouterais que Hawthorne Canada met l’accent sur le jardinage en milieu urbain, c’est-à-dire à l’intérieur des condominiums, pour être en mesure d’offrir aux jardiniers intérieurs les produits adéquats pour la culture de quelque plante que ce soit, qu’il s’agisse de tomates ou de cannabis. ScottsMiracle-Gro a investi plus de 450 millions de dollars pour l’acquisition de sociétés du domaine hydroponique afin de pouvoir offrir une solution complète à ceux qui veulent faire de la culture intérieure.
Si l’on offre un produit en vente libre qui serait facilement accessible à tous plutôt que de laisser les gens se débrouiller seuls et faire une culture moins sécuritaire, alors on réduirait les risques.
Le sénateur Oh : Cela veut donc dire que, par exemple, je pourrais donner à un ami quatre plants en lui disant ceci : « Voilà, j’avais des plants supplémentaires. Tu peux en avoir quatre et les cultiver dans ton appartement à côté. » Ni vous ni moi n’avons de contrôle sur ce type de circonstances, n’est-ce pas?
Mme Trainer : Cela dépasse mon domaine d’expertise.
Mme Stephenson : La vente de plants ou de graines n’est pas notre affaire. Nous ne nous occupons que de la vente d’équipement et de produits d’horticulture qui aident à la culture. Je crois qu’il reviendra au cadre réglementaire de faire en sorte qu’il y ait un accès assez contrôlé aux plants et aux graines. Une fois que le consommateur aura acquis un plant et des graines, il devra se procurer des produits sûrs pour faire la culture du cannabis.
Le sénateur Oh : Nous devons certainement nous pencher sur la question de la culture de la marijuana en milieu urbain, n’est-ce pas?
Mme Stephenson : Certainement. C’est un peu en dehors de notre domaine d’expertise.
Le sénateur Oh : Très bien, merci.
Le sénateur R. Black : J’ai une question très brève et très simple. S’il y a une exemption, alors on peut inscrire le cannabis sur l’étiquette, et il sera possible de faire de la publicité chez Home Depot et de distribuer des dépliants et tout cela. Les lampes peuvent également faire l’objet d’une publicité selon laquelle elles sont bonnes pour cette culture. Très bien, c’est tout. Merci.
M. Prouse : Monsieur le sénateur, je crois que la façon facile de s’y prendre consisterait à exempter les produits qui sont déjà assujettis à la Loi sur les produits antiparasitaires. Comme Mme Trainer l’a indiqué, cette loi est bien exhaustive. En général, comme vous le savez sans doute d’après votre expérience professionnelle, elle fonctionne bien. Nous estimons qu’il s’agit de la solution assez simple de tout bonnement exempter ces produits.
Mme Stephenson : Toutefois, j’aimerais ajouter que CropLife est ici pour représenter le domaine des produits antiparasitaires, mais il faut également tenir compte des engrais et des lampes. À notre avis, et compte tenu des discussions que nous avons eues avec le gouvernement, nous croyons savoir que leur préoccupation porte davantage sur les procédés postcultures, c’est-à-dire la production d’huiles ou de concentrés, notamment, ainsi que le type de matériels qui entre dans ces procédés de fabrication.
Pour faire suite à ce que Dennis a dit, j’ajouterais qu’il y a également la Loi sur les engrais qui entre en jeu et qui vise à s’assurer que les engrais sont sûrs pour les cultures qui sont visées par son régime. Il y a également en place des exigences en matière d’étiquetage et de sécurité. De plus, il y a la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation qui vise à protéger les consommateurs qui se procurent différents articles, comme entre autres les lampes.
Il y a donc en place un certain nombre de cadres réglementaires qui ont pour but précis de protéger les consommateurs et de garantir la sûreté des produits en vente sur le marché. D’après nous, le fait d’ajouter une couche de plus rendrait le régime plus complexe. On en arriverait à une situation où différentes administrations essaieraient de réglementer le même produit et tout cela risque de créer de la confusion. Comme Dennis l’a indiqué, ce ne serait pas une bonne politique.
La sénatrice Gagné : Vous avez effectivement répondu à ma question, et je vous remercie de cette précision.
En général, on peut dire que relativement aux conséquences rattachées aux produits antiparasitaires sur notre santé, j’imagine qu’on devrait s’attendre à ce que Santé Canada effectue de la recherche et qu’il mette en place des systèmes visant à faire en sorte que des tests soient réalisés pour que nous ayons des données scientifiques sur les conséquences des produits antiparasitaires sur la santé. Il faudrait que cela soit réalisé à temps par rapport à la légalisation du cannabis. Nous devrions avoir en main des preuves sur les conséquences sur la santé.
C’est une simple observation sur laquelle j’aimerais que vous vous prononciez.
Mme Trainer : Avec plaisir. Vous avez tout à fait raison. À titre d’information, l’ARLA de Santé Canada dispose de la structure et des lois nécessaires pour ce faire. Actuellement, elle collabore avec les entreprises au cas par cas afin d’évaluer les données supplémentaires qu’elle devra recueillir pour s’assurer qu’il est possible d’employer ces produits de façon sécuritaire pour produire le cannabis. Le cannabis est une plante particulière, car elle peut être employée de différentes façons après la récolte. Cela pose en soi un certain nombre de problèmes.
L’ARLA comprend et cerne les données nécessaires pour homologuer le cannabis. Le titulaire de l’homologation devrait mener ses études et les financer, mais elles seraient menées conformément au protocole qui serait convenu avec l’organisme de réglementation.
Toute cette structure existe déjà et est mise en place. Nous voulons savoir exactement quelles données devront être recueillies. Il n’est pas idéal et très peu transparent d’y aller au cas par cas. Nous voulons donc plus d’information sur les exigences en matière de données. Cependant, la structure est en place.
La sénatrice Gagné : Et combien de temps un pesticide prend-il à suivre la filière la de réglementation avant d’être homologué pour une utilisation telle que pour le cannabis?
Mme Trainer : D’après les plus récentes données du secteur, un produit prend environ 13 ans et coûte plus de 300 millions de dollars canadiens avant d’être homologué. Ces chiffres sont vieux de trois ou quatre ans.
La sénatrice Gagné : Vous me dites qu’il faut 13 ans pour homologuer un produit…
Mme Trainer : Oui.
La sénatrice Gagné : ... et 300 millions de dollars?
Mme Trainer : C’est exact. Et là on parle des premières étapes de la recherche et du développement jusqu’à l’étape finale de l’homologation. Moins d’une substance sur 100 000 aboutit sur le marché. C’est là le taux de réussite.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’ai une dernière question à poser à Mme Stephenson. Nos deux premiers témoins ce soir, avec qui nous avons parlé de résidus de cannabis, sont des gens de Vancouver qui ont inventé une machine de compostage. Je ne mentionnerai pas le nom de cette machine, parce que je ne veux pas faire de publicité à la télévision. Ils nous ont dit que c’était le ciel; bref, la destruction. Selon eux, c’est une façon extraordinaire et tout à fait sécuritaire de composter sans problème. Vous, madame Stephenson, si j’achetais de vos produits pour mon petit jardin, me vendriez-vous des résidus de compost de cannabis?
[Traduction]
Mme Stephenson : Je n’en sais rien. Nous avons un processus de R-D et de qualification des fournisseurs des plus rigoureux dans le cadre duquel nous examinons les diverses matières premières. Nous aurions à tester ces matières premières. Nous en ferions la formulation dans le laboratoire et les soumettrions à divers tests de croissance pour voir si elles poussent bel et bien dans ce médium.
L’ACIA, à l’échelon fédéral, impose certaines normes de compostage. Il existe également des normes de qualité et de sécurité provinciales. Il nous faudrait vraiment examiner l’ensemble des données, produire des données de notre cru et faire des tests dans nos serres pour déterminer la sécurité de ces produits à l’égard des plantes.
Quand j’ai vu le sujet de compostage des plants de cannabis, j’en ai informé nos installations, car nous utilisons beaucoup de compost. ScottsMiracle-Gro est l’un des plus grands utilisateurs de déchets verts en Amérique du Nord. Nous prenons nombre de ces déchets et les incorporons dans nos médiums de croissance, car ils présentent des propriétés bénéfiques pour les plantes.
La présidente : Au nom de tous les sénateurs ici présents, je souhaite remercier nos invités d’être venus témoigner ce soir. Comme vous pouvez le voir, la discussion a été des plus intéressantes et a couvert un grand nombre de questions.
(La séance est levée.)