Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 54 - Témoignages du 14 juin 2018


OTTAWA, le jeudi 14 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 1, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Je m’appelle Diane Griffin, sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard et présidente du comité.

Je voudrais commencer par demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Senator Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Bonjour. Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup.

Notre premier groupe de témoins comprend Jean-Charles Le Vallée, directeur associé d’Horizon alimentaire Canada, du Conference Board du Canada, ainsi que Donald Buckingham, président et chef de la direction, et Tulay Yildirim, directrice de recherche, de l’Institut canadien des politiques agroalimentaires.

Je vous remercie d’avoir accepté de témoigner. Nous sommes enchantés de vous recevoir.

Nous commencerons par M. Le Vallée.

Jean-Charles Le Vallée, directeur associé, Horizons alimentaires Canada, Conference Board du Canada : Le marché alimentaire à valeur ajoutée du Canada est fort concurrentiel, les entreprises devant affronter la concurrence des importations au pays et de leurs rivaux locaux sur les marchés d’extérieurs. Nous voyons souvent la compétitivité comme étant la capacité qu’a un pays, un secteur ou une entreprise de prendre de l’expansion et de maintenir et, préférablement, d’élargir sa position dans un marché alimentaire donné. La compétitivité du Canada bénéficie du fait que notre pays jouit d’une solide réputation au chapitre de la qualité des ressources et de la salubrité alimentaire.

J’ai réalisé une étude sur la salubrité alimentaire en 2014, dans le cadre de laquelle j’ai comparé 17 pays membres de l’OCDE, et le Canada est classé au premier rang mondial à ce chapitre avec l’Irlande.

Dans ce domaine, les compétences en gestion des affaires et la main-d’œuvre qualifiée constituent des facteurs cruciaux auxquels s’ajoutent l’établissement de conditions relatives à l’offre et à la demande en aliments, la conformité à la réglementation et les coûts. Par exemple, Agriculture et Agroalimentaire Canada évalue à 1,8 milliard de dollars les coûts relatifs à l’étiquetage sur le devant des emballages, autant de fonds qui ne pourront être investis dans la main-d’œuvre qualifiée, par exemple. Parmi les facteurs figurent aussi les variations climatiques, le commerce et les risques stratégiques.

La compétitivité est dynamique et varie selon le marché alimentaire, la marchandise et le produit. Le secteur alimentaire est en constante évolution, réagissant du besoin d’emprunter de nouvelles avenues, de modifier les modèles d’affaires de l’industrie et de moderniser les politiques et les règlements du gouvernement. Les conditions en constante évolution du marché alimentaire modifient donc les positions concurrentielles. Les entreprises doivent rester au fait de l’évolution de la demande, des revenus, des préférences du marché, des politiques gouvernementales, des normes, des nouvelles techniques et les processus novateurs. Les structures de coût, la productivité, les économies d’échelle, la différenciation du produit et l’innovation constituent d’importants facteurs qui déterminent la compétitivité du secteur alimentaire à valeur ajoutée.

Le monde a besoin que le Canada s’implique davantage. Les entreprises canadiennes sont confrontées à un choix stratégique clé, celui de relever le défi de nourrir la population mondiale, laquelle devrait atteindre 9,5 milliards de personnes d’ici 2050. À titre de comparaison, la population du Canada devrait s’établir à 50 ou 53 millions de personnes. La demande en nourriture viendra donc en grande partie de l’extérieur du pays, le marché national étant très saturé.

Le Canada peut jouer un rôle plus actif dans le monde et tirer parti de gains en efficience découlant du commerce et de la spécialisation pour nourrir la population ici et sur les marchés internationaux. À mesure que le monde réclame plus de nourriture, le Canada sera soumis à des pressions pour réagir en s’investissant davantage à l’échelle mondiale. Le pays peut choisir de nombreuses avenues à mesure que le gouvernement du Canada élabore la politique économique et alimentaire pour l’industrie afin d’en favoriser la croissance et la viabilité à valeur ajoutée.

Le Canada bénéficie actuellement d’un avantage concurrentiel en ce qui concerne de nombreux produits alimentaires à valeur ajoutée, occupant une part de marché appréciable dans les marchés internationaux du porc, de l’huile de canola, du bœuf et des pommes de terre congelées. Dans l’ensemble, l’industrie compte neuf grands segments, soit ceux des aliments pour animaux, de la boulangerie, des fruits et légumes transformés, de la mouture des grains et oléagineux, de la viande, des produits de la mer, du sucre et des produits de confiserie.

Les caractéristiques de segments peuvent varier dans chacun de ces groupes. Par exemple, la part des ventes à l’exportation est de 70 p. 100 dans le segment des produits de la mer, alors qu’elle est inférieure à 3 p. 100 dans celui des produits laitiers. Ce n’est toutefois que dans les segments des produits de la mer, des grains, des viandes rouges, et des fruits et légumes transformés que les exportations constituent plus de 25 p. 100 des ventes. Il s’agit de secteurs à valeur ajoutée. Par contre, la gestion de l’offre limite les exportations du Canada dans les domaines des produits laitiers et de la volaille à valeur ajoutée.

Compte tenu de la forte demande en protéines dans le monde, le marché des produits laitiers est celui qui connaît la croissance la plus substantielle; or, notre système nous empêche de contribuer à satisfaire cette demande.

Avec la saturation du marché national, les marchés extérieurs offrent au secteur à valeur ajoutée du Canada de meilleures occasions de croissance. Comme c’est le cas pour les produits agricoles, l’augmentation de la population et de la richesse dans les marchés émergents offre de nouveaux marchés potentiels aux transformateurs canadiens d’aliments à valeur ajoutée.

Certaines réussites, comme celle de l’huile de canola en Chine et des viandes rouges au Mexique, sont déjà apparentes. L’AECG et la croissance de la classe moyenne en Chine et en Inde, qui est plus vaste que toute la population canadienne, feront encore croître les débouchés.

Par exemple, la viande constitue plus de la moitié des exportations de produits agroalimentaires destinés aux pays adhérant à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, alors que les produits de la mer représentent la moitié des exportations d’aliments transformés du Canada vers l’Union européenne, lesquelles s’élèvent à 900 millions de dollars.

Les États-Unis, la Chine et le Japon demeurent les principaux marchés extérieurs du Canada. Environ 70 p. 100 de notre production d’aliments reste au pays, et nous exportons le reste. Le Canada est donc un exportateur net. Des 30 p. 100 de produits qu’il exporte, 23 p. 100 sont destinés aux États-Unis, 2 p. 100 à la Chine et 2 p. 100 au Japon, alors que le reste est expédié dans d’autres pays. Nous exportons donc principalement vers les États-Unis, la Chine et le Japon.

Il existe dans le monde quelques marchés à valeur ajoutée haut de gamme où nous pouvons accroître nos exportations de produits alimentaires à valeur ajoutée transformés et contribuer ainsi à l’atteinte de l’objectif de notre pays, qui entend porter la valeur de ses exportations de produits agroalimentaires à 75 milliards de dollars d’ici 2025. Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, ces exportations totalisaient 65 milliards de dollars en mars.

Aux États-Unis, les plus importants marchés d’exportation des produits alimentaires transformés incluent les produits de boulangerie, les graines de canola, le bœuf et les frites congelées, exportations dont la valeur s’est élevée à quelque 23 milliards de dollars en 2016.

Nos exportations vers la Chine, qui totalisent environ 2,2 milliards de dollars, incluent les produits du canola, le porc, le bœuf, le crabe congelé et l’alcool.

Quant à nos exportations vers le Japon, elles s’élèvent à 1,6 milliard de dollars, les marchés les plus importants étant ceux du porc, du bœuf, des aliments pour animaux, des frites congelées, du malt et des cultures spéciales.

La mise en œuvre de l’AECG entre le Canada et l’Europe et la croissance de la classe moyenne dans le monde sont de bon augure pour nos occasions d’exportations de produits agroalimentaires à valeur ajoutée. Cependant, nous ignorons si les négociations relatives à l’ALENA amoindriront les avantages de la croissance de l’économie américaine.

Ailleurs, la croissance économique vigoureuse des marchés émergents favorisera l’augmentation des dépenses alimentaires, ce qui donnera aux exportateurs canadiens l’occasion de cibler ces marchés. Le Canada figure parmi les marchés du monde où on dépense le moins pour l’alimentation. À l’instar des Américains, les Canadiens dépensent moins de 10 p. 100 de leur budget pour leur alimentation. Dans d’autres pays, ce pourcentage est bien plus élevé.

L’économie canadienne s’élève à quelque 1,2 billion de dollars, la part des aliments totalisant quelque 200 milliards de dollars. Cela signifie que les ménages dépensent annuellement environ 8 000 $ pour leur alimentation. Dans d’autres marchés, la part relative des dépenses des ménages sur le marché est de loin supérieure. La demande augmentera en raison de la croissance de la population, mais aussi parce que les consommateurs préfèrent acheter des aliments venant de l’étranger et sont prêts à dépenser davantage à cette fin.

La Banque mondiale prévoit que le PIB réel augmentera en moyenne de 3 p. 100 au cours des trois prochaines années pour s’établir à plus du double du taux des économies développées comme le Canada.

La faiblesse du dollar canadien nous aide, appuyant les exportations d’aliments vers les États-Unis et ailleurs. En 2017, le Canada a exporté des produits agroalimentaires pour une valeur de 34 milliards de dollars, une augmentation de 5 p. 100 sur 12 mois. C’est formidable. Habituellement, comme je l’ai expliqué plus tôt, plus de 70 p. 100 des exportations de produits agroalimentaires du Canada sont destinées aux États-Unis.

Alors que les prix du pétrole devraient demeurer stables cette année et que les hausses du taux d’intérêt des États-Unis devraient précéder celles du Canada, le dollar canadien ne devrait pas tellement s’apprécier. Le Conference Board s’attend à ce qu’il se maintienne sous la barre des 80 cents cette année.

Même si la hausse des prix du pétrole générera une appréciation graduelle du huard au cours des prochaines années, notre dollar continuera de nous conférer un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux. L’OCDE prévoit également que les prix des marchandises agricoles poursuivront leur baisse au cours de la prochaine décennie, les diminutions les plus marquées devant s’observer chez le bœuf, le sucre et le poisson. Voilà qui limite les tensions financières pour les fabricants et les produits à valeur ajoutée qui dépendent de ces intrants. C’est malheureux pour les pêcheurs, mais c’est excellent pour les transformateurs.

Le secteur alimentaire à valeur ajoutée du Canada continuera de jouir d’un avantage concurrentiel si notre pays peut conclure des accords commerciaux auxquels ses principaux concurrents n’adhèrent pas. Par exemple, le retrait des États-Unis du Partenariat est à notre avantage.

Non seulement l’accroissement de l’accès au marché offre-il des occasions d’exportations, mais il peut aussi engendrer une diminution du coût des intrants au sein de la chaîne d’approvisionnement. La hausse marquée de la demande étrangère fait notamment en sorte que l’industrie fonctionne presque à plein régime, soit à 90 p. 100, ce qui constitue une excellente nouvelle. L’augmentation de la production à valeur ajoutée exigera donc un accroissement de l’investissement étranger direct, et l’industrie canadienne doit absolument investir à cet égard. C’est essentiel pour permettre au pays d’être mieux en mesure de tirer parti de l’augmentation de la demande étrangère à l’égard des produits alimentaires à valeur ajoutée du Canada.

Malheureusement pour l’industrie, le climat d’investissement actuel n’est pas nécessairement favorable, l’accès au marché américain étant incertain actuellement. Les réactions diversifiées des divers groupes alimentaires du secteur à valeur ajoutée canadien donnent une meilleure idée de la capacité de ce dernier à réagir, à s’adapter et à innover face à une série de défis que pose la concurrence. Voilà qui monte que les entreprises et les segments de l’industrie doivent mieux reconnaître le rôle de la gestion de la main-d’œuvre qualifiée et de l’innovation en matière de produit et de processus.

La main-d’œuvre pose problème, puisqu’il y a pénurie de travailleurs dans la chaîne d’approvisionnement. Nous avons réalisé, pour le compte du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, une étude de trois ans financée par Emploi et Développement social Canada, laquelle nous a permis de déterminer que pour 25 emplois dans tous les groupes de marchandises et les types de productions agricoles et animales, il manque actuellement 58 000 travailleurs dans le secteur agricole canadien.

Le problème prend de l’ampleur. Si nous faisons des prévisions pour 2025, ce manque atteindra 114 000 travailleurs dans le secteur agricole seulement. Ce chiffre n’inclut pas le secteur de la transformation, principal créateur de valeur ajoutée.

Il y a également des défis à relever, ces travailleurs ne possédant pas les compétences, la volonté et la mobilité nécessaires pour se déplacer au pays. Nous disposons peut-être de certaines compétences et de certains travailleurs, mais dans les faits, nous comblons le manque avec des travailleurs étrangers temporaires. Des 58 000 postes vacants en 2014, environ 45 000 ont été comblés par des travailleurs étrangers.

L’ajout de valeur pose toutefois certaines difficultés. Pour les transformateurs d’aliments, les considérations financières constituent le principal obstacle à l’innovation et à la conception de produits à valeur ajoutée. Environ 42 p. 100 des entreprises déplorent un manque de liquidités mobiles internes. Les crédits d’impôt à la R-D sont la forme de soutien gouvernemental la plus souvent utilisée pour l’innovation et les produits à valeur ajoutée. Environ 59 p. 100 des entreprises comptant moins de 20 employés et presque toutes les entreprises de plus de 200 employés, soit 85 p. 100 d’entre elles, recourent à ces crédits. Même si les pénuries de main-d’œuvre sont considérées comme un obstacle, d’importance moyenne à élevée, par environ 37 p. 100 des entreprises, ce facteur est aussi problématique que les obstacles réglementaires.

Environ 16 p. 100 des transformateurs d’aliments indiquent également que la résistance des entreprises et des gestionnaires à l’innovation constitue un obstacle d’importance, moyenne à élevée, alors que 24 p. 100 des entreprises font état d’un manque d’idées sur le plan de l’ajout de valeur.

Néanmoins, pour améliorer la compétitivité sur le plan des exportations de produits à valeur ajoutée, il faudra accroître l’intensité des activités de R-D et de recherche. Certaines recherches indiquent, en outre, que la R-D augmente à mesure que l’entreprise prend de l’expansion. L’innovation et la R-D augmentent au fil de l’accroissement de l’effectif ou des revenus.

Nous recommandons également d’investir pour renforcer la productivité afin de favoriser l’intégration de la chaîne d’approvisionnement et les économies d’échelle, des facteurs très importants ici. C’est un défi, car notre marché est dispersé. C’est un petit marché, en fait. Nous ne sommes pas un gros joueur.

Le cycle de Doha aurait été formidable. Nous ne recommanderions probablement pas de discuter seul à seul avec les États-Unis. Nous appuyons les accords commerciaux régionaux ou multilatéraux, qui ont notre préférence, ainsi que l’adoption d’investissement dans les technologies numériques, dont les mégadonnées. Les chaînes de blocs sont assez nouvelles; l’intelligence artificielle est plus solide, alors que l’automatisation et la robotique sont importantes.

J’ajouterais qu’il faudrait réduire les délais d’approbation préalable à la mise en marché par Santé Canada pour nous permettre de pénétrer le marché plus rapidement et pour favoriser une acceptation mutuelle potentielle. Ainsi, si les États-Unis ou l’Europe approuvent un produit, il serait accepté ici et nos entreprises pourraient entrer sur le marché plus rapidement. C’est très important.

Il importerait enfin de moderniser la réglementation des aliments, qui est en bonne partie désuète. Le fardeau de la réglementation peut être considérable et nuire à la capacité des entreprises d’exporter un bien plus grand nombre de produits à valeur ajoutée sur le marché mondial.

Merci.

Donald Buckingham, président et chef de la direction, Institut canadien des politiques agroalimentaires : Bonjour, sénateurs. Je salue également le personnel du Sénat. Je suis enchanté de témoigner devant le comité.

Je suis accompagné de Tulay Yildirim, notre directrice, Partenariat — recherche sur les politiques. Je m’attarderai à son titre, car c’est important. L’agriculture, l’agroalimentaire et la transformation fonctionnement séparément depuis de nombreuses décennies. Il est temps que nous envisagions de nouvelles façons de faire et de nouveaux partenariats. Nous avons déjà décidé de mettre ce fait en évidence dans ce titre.

[Français]

Je suis très heureux d’être parmi vous. L’agriculture est très importante pour le Canada, et la transformation des produits agricoles fait partie du système canadien de croissance. C’est un secteur qui me tient à cœur. Cela fait déjà cinq décennies que je travaille dans le milieu de l’agriculture, d’abord en Saskatchewan, avec ma famille, qui était composée d’agriculteurs.

Ce n’est pas une question académique, mais une question de vie, une question d’avenir pour le Canada.

[Traduction]

L’Institut canadien des politiques agroalimentaires est un catalyseur stratégique non partisan indépendant qui présente des idées et des preuves dans l’espace public. Nous ne pouvons être plus fermement, au cœur de l’espace public que nous le sommes, ce matin.

Nous aimons offrir un endroit neutre pour tenir des dialogues difficiles où des idées émergentes sont proposées et débattues par les chefs de file de l’industrie et le gouvernement.

Nous témoignons aujourd’hui pour traiter du secteur canadien de la transformation des aliments et des boissons. M. Le Vallée vous a déjà expliqué l’importance de ce secteur dans l’économie canadienne. En fait, il s’agit de l’industrie manufacturière la plus importante du pays, plus grande que les secteurs des transports et de la fabrication d’équipement, de machines, de produits chimiques et de produits du bois. Nous avons une occasion en or de recommander de faire croître ce secteur de l’économie.

Comme M. Le Vallée l’a souligné, le secteur canadien de la transformation des aliments et des boissons est fort fragmenté, étant composé à 94 p. 100 de petites entreprises comptant moins de 100 employés. Les transformateurs de taille moyenne, soit ceux qui emploient de 100 à 500 travailleurs, constituent environ 5,4 p. 100 du secteur, ce qui fait que les entreprises de plus de 500 employés en forment 0,5 p. 100. Ces grandes entreprises sont d’importants producteurs, mais le secteur comprend de nombreux acteurs.

Cette situation présente des défis, mais aussi des occasions, car les petites et moyennes entreprises sont peut-être plus souples, ce qui leur permet d’essayer de nouvelles choses, d’inventer de nouveaux produits et de percer de nouveaux marchés. Elles ont toutefois des limites, lesquelles sont habituellement de nature financière, comme M. Le Vallée l’a fait remarquer.

Depuis 2017, nombre d’entre vous auront entendu parler, peut-être trop, du rapport Barton, dans lequel le comité consultatif du gouvernement fédéral sur la croissance économique a indiqué qu’il fallait tirer parti du secteur agricole et agroalimentaire pour stimuler la croissance économique du pays. Ce rapport ne portait pas sur la croissance économique du secteur agricole, mais sur celle du pays. Pour le bien-être des Canadiens, nous devons étudier plus profondément et plus longtemps le secteur agricole et agroalimentaire.

Le secteur est très diversifié, composé de producteurs de la Saskatchewan, du Manitoba, de l’Alberta, de l’Île-du-Prince-Édouard, de la vallée du bas Fraser de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Il comprend également les transformateurs et les industries de la transformation de certaines grandes provinces. À cela s’ajoutent les nouvelles technologies novatrices à valeur ajoutée qui favorisent l’innovation.

En ce qui concerne le rapport Barton, nous pensons que dans l’ensemble, les produits primaires ne seront à l’origine que d’environ 40 p. 100 de la croissance prévue, 69 p. 100 devant être attribuables au marché à valeur ajoutée et à ses exportations au cours des 10 prochaines années.

Malgré un excédent commercial sur le plan des produits primaires, nous affichons un déficit commercial dans le secteur des aliments et des boissons. Actuellement, nous importons plus d’aliments et de boissons que nous n’en exportons. Il y a donc là une occasion et un secteur évident pour accroître les exportations.

Alors que M. Le Vallée vous a fourni les statistiques de base nécessaires sur le secteur, vous a expliqué comment il peut croître et exposer certaines de ses limites, je veux emprunter une avenue légèrement différente, car c’est ce que fait l’Institut canadien des politiques agroalimentaires, ou ICPA.

L’ICPA s’efforce d’adopter une vision à long terme, tentant de voir au-delà du prochain tournant pour déterminer ce qu’il importera de faire pour favoriser la croissance du secteur agroalimentaire canadien.

La nouvelle proposition que je vous présenterai aujourd’hui figure dans un rapport, que nous publierons la semaine prochaine, sur ce que nous avons entendu à l’échelle du pays au sujet de ce qu’il faut faire pour atteindre les objectifs fixés dans le rapport Barton afin de faire croître l’économie canadienne de 50 p. 100 grâce au secteur agroalimentaire au cours des 10 prochaines années.

Trois facteurs importants aideront le secteur des aliments et des boissons et l’ensemble du secteur agroalimentaire canadien.

Il faut d’abord se concentrer sur les occasions commerciales afin d’en tirer une valeur nouvelle, ainsi que sur les débouchés traditionnels pour tout simplement expédier plus de produits à l’étranger.

En outre, nous devons déterminer comment nous pouvons tirer un avantage monétaire de cette nouvelle valeur. Le Canada est très gâté au chapitre de la variété de produits et des ressources servant à leur fabrication, mais à l’heure actuelle, rien ne distingue le soja brésilien du soja ontarien sur le marché mondial, alors qu’en fait, il existe entre les deux des différences substantielles, sur le plan de la durabilité environnementale, par exemple.

Nous proposons enfin de créer de nouveaux modèles de partenariats et de collaboration. Ces associations commencent à prendre forme, parfois à l’instigation du gouvernement fédéral, qui a lancé le programme de supergrappes et la politique alimentaire nationale, initiatives dans le cadre desquelles s’unissent des entreprises, des organisations, des associations et un gouvernement qui ne s’assoient habituellement pas à la même table. C’est une heureuse initiative.

Permettez-moi de vous expliquer ces trois points un peu plus en détail. Selon nous, si nous allons de l’avant avec le programme de croissance ambitieux dans le secteur primaire et le secteur à valeur ajoutée de l’industrie des aliments et des boissons, il faut adopter une nouvelle approche afin de reconnaître la valeur et d’en ajouter.

Qu’est-ce qui ajoute de la valeur aux produits alimentaires? Les préférences des consommateurs et les marchés alimentaires de détail évoluent extrêmement vite, et les fabricants d’aliments sont tout simplement incapables de réagir aussi rapidement qu’ils le voudraient. Par conséquent, depuis trois ans, les ventes moyennes des 10 principales entreprises de transformation des aliments d’Amérique du Nord ont diminué de 4,4 p. 100. Quatre d’entre elles ont encaissé des diminutions de ventes atteignant les deux chiffres. Les géants de l’agroalimentaire ont perdu plus de 20 milliards de dollars au chapitre des ventes au cours des trois dernières années à mesure que s’amenuisait la loyauté des consommateurs à l’égard des marques nationales.

Est-ce une mauvaise chose? Oui et non. C’est une mauvaise chose parce que les entreprises perdent la capacité de pénétrer les marchés; par contre, les consommateurs peuvent s’attendre à quelque chose de nouveau.

J’ai apporté aujourd’hui un nouveau produit de Peterborough, en Ontario : de la poudre faite entièrement de grillons. Cette protéine maintenant en vente chez Loblaws peut être ajoutée aux boissons fouettées et aux muffins pour y ajouter des protéines.

C’est le genre d’innovation dont je parle. L’idée vient de trois frères qui élevaient des grillons pour leurs reptiles, qui se sont dit qu’ils pouvaient faire mieux. Les possibilités d’innovation sont infinies au Canada; nous devons donc valoriser ce genre d’entreprise.

Vous ne voulez peut-être pas de muffin aux grillons, mais mon personnel y a goûté la semaine dernière lors de notre réunion, quand j’ai cuisiné des muffins à la rhubarbe et aux grillons.

Nous devons découvrir où se trouve la nouvelle valeur. Il y en a évidemment dans les nouveaux produits, mais pas seulement là. Nous considérons qu’il est possible de tirer un avantage monétaire de l’avantage comparatif du Canada en produisant des aliments salubres, de haute qualité et durable sur le plan de l’environnement afin de se procurer des avantages commerciaux.

Des entreprises comme Campbell et Kellogg ont effectué des recherches, parce qu’elles disposent des fonds pour le faire. Certaines demandes des consommateurs sont classiques, mais les gens veulent de nouvelles saveurs et des produits salubres. Les entreprises ont toutefois constaté qu’en 2018, les consommateurs veulent aussi de la transparence, de la durabilité et des produits ethniques à acheter.

En outre, ils veulent des produits alimentaires contenant, des ingrédients sains, durables sur le plan de l’environnement, produits par des entreprises dotées d’une conscience sociale. C’est à cet égard que les petites entreprises pourront jouir d’un avantage en offrant ces caractéristiques de qualité.

Ces constats ne s’observent pas qu’au Canada et aux États-Unis. Nielsen a mené un sondage international, et devinez ce que les Chinois recherchent? Ils veulent des aliments salubres et sains, des caractéristiques que le Canada, à titre de chef de file mondial auquel on fait confiance pour proposer des aliments salubres et nutritifs, peut offrir dans l’avenir.

Venons-en enfin à notre troisième point, celui des nouveaux modèles de partenariat aux fins de croissance. M. Le Vallée a fait remarquer avec justesse que les petits acteurs sont souples, mais ne disposent pas de beaucoup de liquidités. Ainsi, chaque fois qu’ils innovent, ils s’exposent un risque.

Nous devons envisager un nouveau modèle de prestation afin de nouer des partenariats aux fins de croissance. Notre objectif consiste à établir un système alimentaire durable proposant les nouveaux produits que les consommateurs réclament et que nous pourrons leur vendre. Notre industrie, en collaboration avec le milieu de la recherche scientifique, les gouvernements et les groupes d’élaboration de politiques comme le nôtre trouveront de nouvelles manières de comprendre la qualité des aspects durables du programme de croissance et d’en tirer des avantages monétaires.

Il est insensé de produire, produire et produire, tout en diminuant la capacité de notre pays à cultiver des aliments. Il faut assurer la durabilité pour que, dans 10 ans, le Québec soit capable de produire plus de légumes verts et que la Saskatchewan puisse produire plus de canola sur des terres qui n’ont pas été épuisées.

Nous devons trouver des solutions faisant intervenir les secteurs public et privé. Le processus des supergrappes a permis de constater que le gouvernement n’a plus nécessairement à intervenir pour prendre les choses en main. L’industrie a ici l’occasion de jouer un rôle et de demander ce que le gouvernement, les associations de producteurs et les sociétés peuvent proposer.

Même si nous appuyons sans réserve les avancées fondées sur la science, et souhaitons que ces dernières soient prises en compte dans nos accords commerciaux et que les marchés ne leur soient pas arbitrairement fermés pour des motifs protectionnistes, le secteur de la politique des sciences agricoles et l’industrie des aliments et des boissons à valeur ajoutée doivent s’exprimer d’une seule et même voix.

Je conclurai en indiquant que ce sont là les trois manières dont nous pourrions améliorer la compétitivité de l’industrie alimentaire à valeur ajoutée sur les marchés internationaux.

Il faut d’abord admettre que ce secteur a un formidable potentiel de croissance. Selon le rapport Barton, nous pouvons compter sur lui pour concrétiser une partie de cette croissance.

En outre, nous devons admettre que la croissance pour la croissance ne nous mènera pas dans la bonne direction, car cela ne nous conférera pas l’avantage économique, social et environnemental dont nous avons besoin pour tirer un gain monétaire du commerce dans l’avenir. Les consommateurs sont prêts à payer pour cela.

Nous devons enfin admettre que les anciennes chaînes d’approvisionnement, les vieilles méthodes de fabrication et même les anciens modèles de R-D évoluent. Nous concrétiserons notre avantage commercial si nous pouvons adopter de nouveaux modèles de partenariat afin de réunir les milieux des sciences et des politiques et les professionnels dans le but de faire connaître le fruit des nouvelles recherches et d’en tirer un avantage monétaire.

Merci beaucoup.

La présidente : Ces deux exposés exhaustifs ont pris un peu plus de temps que le greffier vous avait accordé, mais nous avons un certain nombre de questions.

Heureusement, notre prochain groupe de témoins est un peu plus petit; nous pourrions donc dépasser légèrement le temps prévu pour le présent groupe.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais être le plus bref possible. J’ai deux petites questions.

Monsieur Le Vallée, vous avez dit dans votre présentation que le prix du pétrole sera stable cette année.

M. Le Vallée : Oui.

Le sénateur Maltais : Parce que, au cours des cinq dernières années, on ne peut pas dire que le pétrole était le roi de la stabilité.

M. Le Vallée : Non.

Le sénateur Maltais : Qu’est-ce qui prédit que ce ne sera pas un facteur important au cours des prochaines années?

M. Le Vallée : Je disais que cette année, c’est plus ou moins stable et que, au courant des trois prochaines années, ça va augmenter.

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous rajoutez au coût du pétrole la taxe sur le carbone?

M. Le Vallée : Non.

Le sénateur Maltais : Il faudrait peut-être la prévoir.

M. Le Vallée : C’est un autre calcul qu’on publie. On le fait de l’intérieur. Le Conference Board du Canada publie ses recherches de façon régulière.

Le sénateur Maltais : Vous n’avez pas de chiffres. Qu’est-ce que cela va nous donner pour l’année...

M. Le Vallée : Ce n’est pas mon secteur, mais je pourrais vous en envoyer une copie.

Le sénateur Maltais : Ce serait bien.

Monsieur Buckingham, j’aimerais parler de votre poudre aux grillons. D’où viennent les grillons, et sont-ils en santé?

M. Buckingham : Vous voulez le profil santé?

Le sénateur Maltais : Oui. D’où viennent les grillons?

M. Buckingham : Ils viennent de Peterborough, en Ontario. Ce sont trois frères qui élèvent des grillons. C’est un produit local canadien tout neuf. Le produit est toutefois un peu dispendieux. Un petit sachet coûte 15 $.

Le sénateur Maltais : Est-ce qu’ils en vendent beaucoup pour l’exportation?

M. Buckingham : Je ne sais pas. Je peux me renseigner, car c’est une bonne question. Pour le moment, la production mondiale est située plutôt dans les pays asiatiques. Ce produit serait plutôt destiné au marché canadien, parce qu’à l’extérieur, il y a déjà des sources importantes au Vietnam et au Cambodge. Dans ces pays, ils en mangent, et je suppose que l’exportation se fait déjà.

Le sénateur Maltais : Sont-ils homologués par le ministère de la Santé?

M. Buckingham : Oui, tout à fait.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Ce sont des renseignements fort intéressants. C’est formidable.

À votre avis, comment les autres pays considèrent-ils le Canada au chapitre des valeurs culturelles, de l’image et de l’identité nationale? Comment ces perceptions cadrent-elles avec les nombreux objectifs de la politique étrangère du Canada?

Presque tous les témoins qui ont comparu ont évoqué la pénurie de main-d’œuvre. Tout le monde parle de la main-d’œuvre au comité sénatorial.

M. Le Vallée : À l’échelle internationale, le Canada jouit d’une bonne réputation sur les plans de la salubrité alimentaire; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’en ai parlé dans mon exposé. Nous tentons d’étayer cette réputation avec des preuves. Le Conference Board du Canada met beaucoup d’accent sur les preuves.

Nous avons préparé notre rapport pour avoir un aperçu de nos points forts. Cela ne signifie pas que nous pouvons nous asseoir sur nos lauriers. Les Européens font meilleure figure que nous au chapitre de la traçabilité, par exemple. Ils ont des années d’avance sur nous.

Le Canada affiche des taux inférieurs de maladies d’origine alimentaires. Ces taux sont plus élevés en Scandinavie, par exemple. Cependant, nous ne faisons pas nécessairement bien état des risques liés aux produits chimiques lors de la consommation, peu importe l’endroit du monde dont il s’agit. Certains pays mettent à jour leurs guides alimentaires plus souvent que nous. La dernière mise à jour remonte à 2004.

Périodiquement, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes entreprend un cycle sur la nutrition. Le dernier a eu lieu en 2015. Nous ignorons encore la date, n’ayant pas accès aux données. Les précédents ont été effectués en 2004 et 1972. Nous ne connaissons pas bien la santé et l’alimentation de la population canadienne. C’est un peu en dehors du sujet, mais il importe que nous investissions davantage dans les enquêtes sur la nutrition au pays.

L’image de marque est forte sur les plans de la salubrité alimentaire et de la traçabilité. Dès la parution de mon rapport, des Européens de Belgique et d’Italie, qui figuraient en queue de peloton, étaient furieux. Des années plus tard, j’ai parlé à plusieurs personnes travaillant pour le gouvernement de ces pays, qui m’ont indiqué que le rapport avait incité des gens à remettre en question leur confiance à l’égard des produits. C’est un élément que nous devons exploiter à notre avantage.

La qualité est le principal facteur dont je parle toujours aux entreprises. La première question qu’un acheteur étranger posera concernera la salubrité de l’aliment, une caractéristique non négociable s’il veut l’importer dans son pays. La salubrité alimentaire constitue toujours la principale priorité.

Par exemple, les Chinois sont friands de nos produits, car ils savent qu’ils sont sécuritaires. C’est une des principales raisons pour lesquelles ils font confiance à nos produits.

Même si mon rapport indique que le Canada s’en tire très bien, certains concurrents comme les Européens remettront nos pratiques en question et diront : « Non, non, non. » C’est une réaction immédiate, car ils doivent faire la promotion de leurs propres produits. Nous devrions utiliser en notre faveur la solide réputation dont nous bénéficions à l’échelle mondiale et l’image de marque canadienne plutôt qu’une image de marque provinciale ou locale.

Le sénateur Oh : Quand je voyageais dans le bassin du Pacifique, à l’époque, le logo ou la marque arborant la feuille d’érable n’évoquait rien, mais maintenant, on l’associe à des produits de qualité sécuritaires.

M. Le Vallée : J’utiliserais la feuille d’érable de plus en plus, car c’est un symbole très fort.

M. Buckingham : Ce sont d’excellentes questions. Je répondrais en deux temps : en parlant de la perception générale, puis des mesures précises qu’on peut prendre si nous parlons de la nouvelle valeur, que nous pouvons mieux reconnaître.

Comme vous et M. Le Vallée, je pense que de façon générale, la marque du Canada est reconnue, particulièrement en Asie. Elle ajoute de la valeur, car elle permet de distinguer nos produits des autres. Le consommateur sera plus porté à choisir nos produits que les autres. C’est une bonne chose, car cela augmente la part de marché.

Certaines marques de propriété intellectuelle ajoutent encore plus de valeur, car elles indiquent aux consommateurs que le produit a une caractéristique précise. Je pourrais vous donner quelques exemples.

Par exemple, un système de traçabilité particulier mis en œuvre au pays par l’entremise de la Commission canadienne des grains permet de savoir que le soja produit dans un champ donné du Sud de l’Ontario ne contient pas d’organisme génétiquement modifié. Les producteurs de lait de soja paieront le prix fort pour ce produit à Taipei ou Tokyo.

C’est le genre de qualité que nous pourrions améliorer dans bien d’autres produits. Avec ce que nous faisons actuellement pour préserver l’identité de cet aspect de qualité, nous pourrions améliorer la durabilité environnementale.

Par exemple, si on examine la manière dont les légumes verts sont produits en Californie, on constate qu’ils sont cultivés à l’aide de systèmes d’irrigation, ce qui pose un grave problème de diminution de l’aquifère. Au Canada, c’est la pluie qui arrose les cultures. C’est la méthode la plus durable d’agriculture. Or, nous ne tirons aucune valeur de ce fait. Le consommateur ignore comment les tomates sont produites aux divers endroits.

Nous considérons que la promotion de l’image de marque ne se résume pas à encourager l’achat de produits canadiens ou québécois, ce que nous faisons certainement remarquer aux associations de producteurs. Ces dernières commencent à s’intéresser fortement à la question, car nous bénéficions d’une caractéristique précise.

[Français]

Le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) est très avancé au Québec. Pour le reste du Canada, il serait bon de reconnaître qu’il existe des moyens de favoriser la valeur ajoutée des produits agricoles et transformés au Canada. Voilà pour ce qui est de l’avenir.

A-t-on des processus et des mécanismes disponibles pour reconnaître la valeur ajoutée au Canada? Pas tout à fait, mais on s’approche du but.

[Traduction]

Je pense que nous en avons la possibilité. C’est en général et en détail.

Sachez en outre que nous devons nous attaquer vigoureusement à la non-conformité à l’échelle internationale quand quelqu’un affirme qu’un produit n’est pas sécuritaire et que ces allégations sont scientifiquement prouvées.

L’exemple qui me vient à l’esprit est celui de l’Italie, où les associations de producteurs ferment la porte au blé dur canadien, alléguant qu’il n’est pas sécuritaire. Or, ces affirmations ne sont pas prouvées par la science. En fait, notre blé dur est aussi sécuritaire qu’il l’était en Italie il y a trois ans. C’est exactement le même blé dur.

Nous devons tenir ce que j’appellerais des discussions difficiles au sein de l’Organisation mondiale du commerce ou avec les États membres pour faire valoir que ce n’est pas ainsi que les règles devraient s’appliquer. Nous devons parler. Il existe d’autres exemples avec la tolérance au canola en Chine et les légumineuses en Inde.

C’est une excellente question. Nous devons agir à trois égards, mais l’image de marque est une question de premier plan.

Le sénateur Oh : Les gens mangent 24 heures par jour en Asie-Pacifique. Le marché est immense.

Le sénateur Doyle : Monsieur Le Vallée, vous avez indiqué ce qui suit dans votre exposé :

Le marché alimentaire à valeur ajoutée du Canada est fort concurrentiel.

À la fin du paragraphe, vous traitez des facteurs qui influencent l’évolution de la chaîne d’approvisionnement et de la demande, évoquant notamment les changements climatiques.

Dans quelle mesure notre climat froid fait-il augmenter le coût de nos produits agricoles? Devons-nous offrir des subventions ou des programmes, dans l’Est du Canada, par exemple? Si vous avez regardé les nouvelles nationales il y a quelques jours, vous saurez que la Nouvelle-Écosse a perdu tous ses bleuets.

Dans quelle mesure notre climat froid fait-il augmenter le coût de nos produits agricoles dans ces régions? Peut-être devons-nous offrir des subventions dans certaines régions du pays, pour que l’industrie du bleuet de la Nouvelle-Écosse, par exemple, puisse faire efficacement concurrence à la Colombie-Britannique ou à l’Alberta pendant l’été.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Le Vallée : Je ne peux accorder une valeur au risque associé au changement climatique, mais je peux dire qu’il y a des mécanismes en place en ce qui a trait à l’assurance contre les intempéries et à l’assurance-production pour aider à atténuer ces risques. Si les agriculteurs ne paient pas leurs primes, ils affichent une perte.

Les agriculteurs de la Nouvelle-Écosse ne s’attendent pas à connaître des températures froides si tard. Il ne s’agit pas seulement des bleuets sauvages, qui sont fantastiques, mais aussi des pommes et des pêches. Tout le monde a été touché. Il faudra facilement deux ou trois ans pour réinvestir dans les bleuets sauvages s’ils ont perdu leurs racines et qu’ils doivent être replantés. Cela entraîne un coût. Si les agriculteurs n’utilisent pas leurs primes d’assurance, ils doivent gruger dans leurs capitaux pour réinvestir dans les biens et certains pourraient cesser leurs activités.

C’est ce qu’on voit souvent. C’est le cas pour l’agriculture pluviale, mais les risques sont probablement plus élevés dans les terres arides des Prairies, où se fait la majeure partie de l’irrigation du pays.

Les risques climatiques se déplacent aussi vers le nord au fil des changements météorologiques. Avec les changements climatiques, la planète se réchauffe. Nous n’allons pas cultiver plus d’aliments au départ parce que nous ne pouvons pas vraiment accroître l’intensité des cultures, alors nous utilisons les terres marginales. Nous allons intensifier la culture pour améliorer le rendement et la productivité par l’entremise d’investissements durables. Nous n’allons pas mettre nos ressources en péril pour des enjeux associés à la qualité de l’eau, de l’air et de la terre ou à la biodiversité.

Il y a une perte de production, qui est attendue. En fait, il y a très peu de perte ou de gaspillage d’aliments. Notre agriculture est assez efficace. La moitié des pertes et du gaspillage du pays se fait à l’échelon du consommateur. On estime la valeur du gaspillage alimentaire à 31 milliards de dollars au Canada.

Ce ne sont que les aliments. Si l’on ajoute les coûts associés aux ressources nécessaires pour produire les aliments, au transport et à la fabrication, cela correspond à plus de 100 milliards de dollars de perte chaque année au Canada.

Le sénateur Doyle : Comment peut-on changer les choses dans un monde où la demande en protéines est élevée? Si nous gaspillons 31 milliards de dollars d’aliments chaque année, que pouvons-nous faire? Avez-vous une idée?

M. Le Vallée : Oui. Nous pouvons réaliser des gains d’efficience dans la chaîne d’approvisionnement, mais il faut surtout se tourner vers le consommateur.

Il y a une certaine confusion au sujet des dates de péremption. Les gens tendent à penser que c’est une question de santé. Ce n’est pas le cas. C’est une date de qualité. Il n’est pas question de risque pour la santé humaine. Les consommateurs regardent la date de péremption du yogourt et des œufs, et ils pensent qu’à minuit, ces aliments ne seront plus bons, alors ils les jettent et les gaspillent.

Comme je l’ai dit plus tôt, les aliments sont très peu coûteux au Canada. Nous ne mangeons pas souvent au restaurant. Aux États-Unis, les gens mangent dans les restaurants plus de 50 p. 100 du temps, tandis qu’au Canada, c’est plus de 30 p. 100 du temps. L’épicerie en ligne va connaître une croissance et si nous mangeons plus au restaurant, il y aura plus de fraîcheur et un peu moins de gaspillage. Pour les consommateurs, ce n’est pas seulement une question d’éducation. Nous avons tendance à acheter de trop grandes quantités d’aliments.

Je sais que ma réponse est longue, mais je voulais dire qu’il y a des façons pour les municipalités de faire leur part : elles peuvent faire le compostage, aider les consommateurs à réduire leurs déchets organiques et les conscientiser. J’habite à Gatineau. Nous avons le bac brun. Je peux recevoir une amende si je place des déchets organiques dans la poubelle. Avec ces déchets, la ville fait de la terre noire à laquelle tous les habitants de la ville ont accès. C’est une façon d’améliorer les choses dans les foyers.

Les détaillants peuvent aussi informer les consommateurs. La plupart des Canadiens ne lisent pas le guide alimentaire, même s’il s’agit probablement du document gouvernemental le plus téléchargé au pays. J’enseigne à l’université et environ 30 p. 100 de mes étudiants n’ont pas lu le guide alimentaire. Cela vous donne une idée du manque de connaissances alimentaires au pays.

Je peux aller plus loin. Ils ne savent pas ce que signifie la mention « biologique ». Ils ne lisent pas les étiquettes d’aliments. C’est en Colombie-Britannique que les gens lisent le plus les étiquettes d’aliments et en Alberta qu’ils les lisent le moins. Environ 60 p. 100 des Albertains lisent les étiquettes d’aliments; en Colombie-Britannique, c’est environ 80 p. 100.

Le sénateur Mercer : Nous nous posons tous cette question essentielle : quel vin boit-on avec les grillons?

M. Buckingham : Je suis heureux que vous posiez la question. Des vins canadiens.

Le sénateur Mercer : Je connaissais la réponse, en passant.

M. Le Vallée : J’aimerais prendre 30 secondes pour vous répondre. Je veux donner suite à la dernière question sur le risque climatique.

Dans la région de Niagara, le risque climatique est immédiat. Si elle n’atteint pas les moins 8 degrés, la région tout entière perdra ses cultures viticoles. Nous sommes presque rendus là. Au fil du réchauffement de la planète, les cultures viticoles se déplaceront vers le nord et vers le Québec. C’est une autre zone de risque climatique au pays.

Le sénateur Mercer : D’ici 2050, il y aura 9,7 milliards de personnes sur la planète. Personne ne parle de nourrir tous ces gens. On parle un peu de ceci ou de cela, mais personne n’a de plan.

S’il y a 9,7 milliards de personnes et que 2 milliards d’entre elles ont faim, nous avons un problème. Nous avons un énorme problème. Il n’y a pas seulement la faim; il y a aussi la colère et la frustration contre les autres.

Vous avez parlé du potentiel de croissance de l’agriculture, ce qui est très encourageant. Comment cela se traduit-il par des exportations et des emplois pour les Canadiens?

M. Buckingham : Ce qui est intéressant, c’est que dans le cadre de nos consultations pancanadiennes de novembre et de mai derniers, nous avons beaucoup entendu parler d’exportations. La croissance n’est pas une fin en soi. Il n’est pas seulement question de faire pousser plus de blé en Saskatchewan et d’élever plus de porc au Québec. Il faut viser autre chose si nous voulons atteindre ces objectifs.

Ce qui est intéressant aussi, c’est que nous avons tendance à vendre les innovations canadiennes à l’étranger plutôt que de les garder ici.

L’une des possibilités en matière d’exportation que nous n’avons pas prises en compte, ce sont les dérivés des nouvelles technologies, qu’il s’agisse d’instruments agricoles de précision, de logiciels d’analyse des données volumineuses, de nouvelles technologies relatives à la machinerie ou de nouvelles technologies en génomique. Ce pourrait être une partie importante de nos cibles en matière d’exportation.

Cela ne correspond pas tout à fait à notre paradigme habituel. Nous pensons habituellement à produire plus de caisses de soupe aux tomates Campbell’s ou plus de chargements de canola. Il y a probablement trois possibilités d’augmenter les exportations. Il y a le produit primaire national, le produit à valeur ajoutée, mais aussi la technologie connexe qui peut nous permettre de créer un nouveau produit.

Si nous misons sur ces possibilités, nous allons créer de nombreux emplois. Je ne parle pas d’emplois de bas niveau, d’emplois mal rémunérés ou d’emplois nécessitant un faible niveau de scolarité. Bon nombre de ces emplois seront dans le domaine des hautes technologies.

Voilà ce que je lis : chaque semaine, je reçois The Western Producer, l’Ontario Farmer et La Terre de Chez Nous. Je suis toujours étonné de voir toutes les petites inventions qui nous permettent d’accroître notre capacité de cultiver.

En ce qui a trait à l’innovation, le paradigme changera : au lieu de se demander comment on peut produire plus, on se demandera comment on peut produire ce que les gens veulent. Cela comprend la technologie.

Je vais vous donner un exemple. Que serait-il arrivé si le Canada avait inventé le Tetra Pak? Ce sont les Suédois qui l’ont inventé et il est partout dans le monde. C’est une énorme source de revenus pour la Suède.

Si nous avons une petite capacité de R-D et que nous la vendons à des entreprises étrangères, alors ce sont les autres pays qui en tirent profit et qui créent des emplois. C’est un paradigme qu’il faut explorer pour accroître les possibilités d’emplois.

Le sénateur Mercer : Vous avez aussi parlé du besoin d’accroître la main-d’œuvre, et des 45 000 travailleurs étrangers dans le secteur.

J’aimerais dire deux choses à ce sujet. Premièrement, c’est bon pour le secteur, parce que nous pouvons planter les cultures et les récolter. Deuxièmement, c’est bon pour les travailleurs qui peuvent ramener de l’argent à la maison, peu importe où elle se trouve.

Pour revenir aux 9,7 milliards de personnes, est-ce que ces gens ont accès à des technologies qu’ils pourraient utiliser à la maison pour enseigner aux leurs comment faire pousser les cultures qu’ils ne font pas pousser à l’heure actuelle, afin de soutenir leur famille et l’économie, pour nourrir toutes ces personnes?

M. Le Vallée : Il y a diverses façons de profiter de ce programme. Les bénéfices immédiats dont vous parlez profitent aux travailleurs agricoles. Par exemple, l’argent envoyé de l’étranger représente la deuxième plus importante source de revenus au Mexique. Les travailleurs ne ramènent pas nécessairement des technologies, mais ils ramènent leur savoir-faire. Dans un monde idéal, ces travailleurs ne seraient pas ici temporairement; ils deviendraient des citoyens canadiens. Ils font un travail que bon nombre de gens ne veulent pas faire au pays.

Il y a un effet multiplicateur. Si vous embauchez des dizaines ou des centaines de travailleurs étrangers, vous créez plus de postes pour les Canadiens qui veulent travailler dans le domaine agricole. Ces gens veulent s’occuper de la recherche et du développement, ou de la gestion. Ils aiment travailler avec la machinerie. C’est faisable parce qu’il y a une base de main-d’œuvre qui permet aux entreprises de croître.

Pour répondre à votre question, selon les Nations Unies, environ 800 millions de personnes vivent dans l’insécurité alimentaire dans le monde. Les objectifs en matière de développement durable visent à diminuer ce nombre de moitié. Nous n’avons pas réussi à atteindre notre objectif précédent, alors nous l’avons reporté. Le nombre de personnes qui vivent avec 1 ou 2 $ par jour est beaucoup plus élevé.

Est-ce que le Canada peut jouer un rôle à cet égard? Bien sûr. Est-ce que ces gens sont des consommateurs? Ils doivent manger. Au Canada, environ 12 p. 100 des ménages vivent une certaine forme d’insécurité alimentaire une ou deux fois par année. Les gens qui vivent une insécurité alimentaire chronique sont surtout des membres des collectivités pauvres des centres-villes ou des collectivités inuites de l’Arctique. Ce sont de petites populations. Il y a peut-être 60 000 Inuits. En termes absolus, leur nombre n’est pas très élevé, mais en terme relatif, il est très élevé.

La région du monde où l’insécurité alimentaire est la plus importante est l’Inde, dont la classe moyenne est plus importante que celle du Canada, mais où l’insécurité alimentaire est la plus importante sur la planète. L’Inde compte des centaines de millions de personnes, mais c’est en Afrique subsaharienne que la situation est la plus critique.

Le sénateur Mercer : L’insécurité alimentaire n’est pas attribuable au manque de production. Elle est attribuable au caractère inadéquat de la livraison et de l’entreposage; les aliments pourrissent.

La présidente : Je crois qu’il s’agit d’une affirmation et non d’une question. Nous allons continuer.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Le Vallée, j’aimerais aborder la question de l’ALENA et de la gestion de l’offre.

Compte tenu de la situation actuelle, avez-vous déjà élaboré des scénarios financiers, à savoir ce qui arriverait à nos produits d’exportation sans l’ALENA?

M. Le Vallée : Sans l’ALENA, non, cela n’a pas été fait, mais on l’a fait pour la gestion de l’offre.

On a rédigé un rapport, en 2013 je crois, qui proposait la gestion du changement. Il faut avoir un plan, parce qu’il y a de la pression à l’extérieur du Canada en matière de gestion de l’offre. Il y a également de la pression à l’interne. De jeunes familles aimeraient participer à ce secteur, mais elles ne peuvent pas, parce que c’est beaucoup trop cher. L’autre facteur, c’est que la population est vieillissante; il va falloir remplacer ces gens, mais le quota est très cher.

On avait proposé des solutions possibles qui seraient profitables pour tout le monde. En fait, on a constaté que les entreprises agricoles peuvent prendre de l’expansion en prenant des parts importantes du marché à l’extérieur du pays. Il y a une forte demande pour la protéine laitière du lait industriel. C’est difficile pour la protéine du lait de consommation, car il faut une chaîne de valeur assez développée; c’est froid, c’est lourd et c’est difficile à transporter. On met l’accent sur les produits transformés, les plus-values, notamment le fromage et le yogourt. Il y a une forte demande pour ces produits. La compagnie Danone connaît un immense succès en Chine, mais ce n’est pas possible pour nous de participer.

D’autres entreprises, comme Saputo et Agropur, achètent aux États-Unis, en Argentine et en Australie afin d’accéder aux marchés mondiaux, parce qu’ils ne peuvent pas le faire d’ici. Nous avons rédigé un rapport que je pourrais vous transmettre dans lequel nous proposons des solutions à long terme, toujours dans le contexte de l’ALENA.

Le sénateur Dagenais : Avez-vous envisagé d’engager des négociations bilatérales avec le Mexique ou les États-Unis? Tout est sur la table actuellement. Il faut se préparer.

M. Le Vallée : Le Canada est un petit pays du point de vue de la taille de son économie. Il n’est pas recommandé d’entamer des négociations avec les États-Unis. Il est préférable d’engager des négociations multilatérales plutôt que bilatérales. J’aurais préféré que le programme de Doha soit adopté, mais c’est désormais chose du passé. Il faudra faire preuve de patience et attendre que le président actuel termine son terme.

Le sénateur Dagenais : Qu’allez-vous faire s’il est réélu?

M. Le Vallée : Il faudra patienter encore huit ans.

Le sénateur Dagenais : Il reste environ six ans. Merci beaucoup, monsieur Le Vallée.

La sénatrice Gagné : Je vous remercie de vos présentations très éloquentes. J’en apprécie énormément le contenu, qui nous fait réfléchir sur la façon d’améliorer le secteur.

[Traduction]

Monsieur Buckingham, vous avez dit qu’il fallait trouver de nouvelles façons de tirer profit de tous les secteurs.

[Français]

Il faut trouver de nouveaux moyens financiers pour assurer le développement du secteur. Comment peut-on attirer des investissements à ce chapitre? S’agit-il d’attirer des investissements étrangers au Canada pour améliorer la capacité de transformation du secteur agroalimentaire? Y a-t-il des mises en garde à ce chapitre? J’aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.

M. Buckingham : La petite réponse courte, c’est oui, les deux. On a beaucoup de capacité, ici au Canada. J’ai confiance dans les générations futures, les chercheurs et les étudiants. Je suis accompagné ce matin de deux étudiantes en maîtrise. Elles réfléchissent aux moyens d’améliorer l’arrivée des nouvelles technologies au sein de Santé Canada et du commerce international. Certaines découvertes scientifiques peuvent bouleverser le secteur, parce qu’on a un système agroalimentaire traditionnel. On sait ce qu’on veut. On veut du vrai sirop d’érable, de la vraie viande hachée. Il est difficile d’apporter des changements. Il faut bien gérer la situation, entre autres en ce qui concerne les partenariats entre les développeurs et les associations.

L’Institut canadien des politiques agroalimentaires fait partie des grands regroupements d’entreprises en Saskatchewan dans le secteur des protéines laitières. Ces entreprises reçoivent des subventions de la part du gouvernement et des organismes locaux pour réaliser de nouveaux projets. Donc, cette initiative est déjà en place dans quelques secteurs. Il s’agit là d’un petit changement. On ne fait plus tout sans solliciter de l’aide de l’extérieur. On met l’accent dans d’autres secteurs, comme les protéines et l’intelligence artificielle. On va donc investir plutôt dans ces domaines. Par le passé, on disait qu’il fallait en faire autant pour la Saskatchewan que pour l’Ontario. On a peut-être changé un peu notre approche, parce que, maintenant, ce n’est pas le gouvernement qui décide, il est désormais partenaire. Je préférerais qu’il s’agisse d’investissements locaux ou nationaux plutôt que d’un partenariat avec un État. On a déjà quelques exemples, comme l’usine de lait de Kingston, et c’est un autre modèle. Je crois qu’il y a beaucoup de possibilités, de connaissances et d’innovations ici au Canada. Pourquoi ne pas en profiter?

La sénatrice Gagné : Merci.

[Traduction]

La présidente : Je vous demanderais d’aller droit au but dans vos réponses, pour que nous ayons suffisamment de temps pour la deuxième partie de notre réunion. J’avais prévu le coup un peu, mais il ne faut pas trop dépasser le temps prévu.

Le sénateur Woo : Alors j’irai droit au but avec ma question.

Monsieur Buckingham, pour revenir à vos commentaires au sujet des prix qui pourraient être associés à la durabilité, croyez-vous que les producteurs agricoles canadiens veulent un prix qui se fonde sur la production canadienne à faible carbone?

M. Buckingham : La réponse la plus rapide, c’est oui, mais à l’heure actuelle, le système international ne reconnaît pas que certaines méthodes de production d’autres pays utilisent des subventions qui ne sont pas durables.

Notre défi, c’est d’établir des points de référence en ce qui a trait à la durabilité et au carbone négatif, de trouver un mécanisme de valorisation de la marque et de trouver un consommateur prêt à payer pour cela. Je suis très optimiste.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : J’ai une question courte sur un sujet très précis et qui n’a peut-être pas un impact économique important sur le marché. Étant du Québec, je me souviens que, il y a quelques années, on parlait beaucoup des produits du terroir et de notre capacité à les certifier et à les promouvoir. Il y avait toute une discussion sur le fait qu’on ne faisait pas bien notre travail quant aux appellations. Par exemple, pour qu’un produit porte l’appellation « champagne », il doit provenir de la région de Champagne.

Alors, je me demandais si l’on avait fait des progrès. Est-il important de le faire? Passe-t-on à côté de certaines occasions? Je pense, entre autres, aux vins de glace, aux produits de Charlevoix, aux canards de la ville de Lac-Brome. Est-ce important de certifier les produits du terroir et de se les approprier?

M. Buckingham : Cet aspect est très important. Je crois que le Québec a bien démarré. Tous les quatre ans, j’écris un livre sur le droit de l’alimentation du Canada. De 2014 à 2018, on a désigné au Québec cinq fois plus de termes valorisants. C’est un bon départ. Il faut maintenant faire de même dans le reste du Canada. On a le vin de glace et le Vintners Quality Alliance de la Colombie-Britannique. Pour avoir une étiquette durable, il faut aller dans cette direction. À mon avis, l’avenir en dépend. Il faut s’adapter, sinon on passera à côté de ces occasions.

M. Le Vallée : En ce moment, il y a très peu de dispositifs en place. C’est une bonne voie à prendre, absolument.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Monsieur Buckingham, dans le cadre de votre tournée du Canada, avez-vous eu l’impression que les gens étaient certains d’atteindre les objectifs du rapport Barton d’ici 2025?

Est-ce que c’est ce que vous avez entendu?

M. Buckingham : La semaine prochaine, nous allons publier un rapport sur nos consultations et notre premier point est : oui, c’est possible. Tous croyaient que nous allions atteindre les 75 milliards de dollars et nous nous sommes même demandé si l’objectif était assez ambitieux.

M. Le Vallée : Nous pouvons dépasser cela.

M. Buckingham : Je serai heureux de transmettre notre rapport aux membres du comité la semaine prochaine.

La présidente : Oui, s’il vous plaît.

Le sénateur R. Black : Monsieur Le Vallée, j’ai une question au sujet de l’étiquetage sur le devant de l’emballage : est-ce qu’il aura une incidence sur le marché mondial?

M. Le Vallée : Il aura une incidence sur notre marché national et sur la capacité de notre industrie à investir dans d’autres domaines comme les compétences et l’innovation, et d’ajouter de la valeur, en raison des coûts. Selon le rapport d’Agriculture et Agroalimentaire Canada de 2016, les changements coûteront 1,8 milliard de dollars.

Le sénateur R. Black : S’il a une incidence sur les marchés nationaux, cela pourrait aussi toucher la recherche et le développement, et d’autres domaines?

M. Le Vallée : Oui et les avantages de l’étiquetage sur le devant de l’emballage ne sont pas clairs en ce qui a trait aux effets sur la santé et aux changements dans les habitudes de consommation.

La présidente : Monsieur Buckingham, vous avez dit que vous nous enverriez une copie de votre rapport.

M. Buckingham : Oui.

La présidente : Veuillez la transmettre au greffier, qui le distribuera aux membres du comité.

J’ai une question pour vous, monsieur Le Vallée. Vous avez parlé d’un rapport du Conference Board du Canada sur la gestion de l’offre. Vous avez dit qu’elle pouvait nuire à notre participation accrue au marché mondial.

M. Le Vallée : Le marché du lait.

La présidente : Le marché mondial des produits laitiers.

M. Le Vallée : Oui.

La présidente : Pourriez-vous également transmettre une copie de ce rapport au greffier afin que nous puissions tous le voir?

M. Le Vallée : Oui. Nous avons aussi élaboré une stratégie alimentaire pour le pays en 2014, qui pourrait intéresser le comité.

La présidente : Nous aimerions la voir. Veuillez nous la transmettre également, s’il vous plaît. Nous vous en serions très reconnaissants.

Vos témoignages étaient très intéressants, et les bonnes questions étaient nombreuses. Je sais que nous aurions pu continuer un peu, mais nous devons passer à la deuxième partie de notre réunion.

Pour la deuxième partie de la réunion, nous allons entendre un seul témoin. Il s’agit de Corinne Pohlmann, qui est vice-présidente principale des affaires nationales et des partenariats pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

Nous vous invitons à faire votre déclaration préliminaire.

Corinne Pohlmann, vice-présidente principale, Affaires nationales et partenariats, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Je vous remercie de m’avoir invitée ici, aujourd’hui, et de me donner l’occasion de partager avec vous le point de vue de nos membres sur l’innovation et la concurrence.

Vous devriez avoir la copie d’un diaporama sous les yeux. Je vais le passer en revue avec vous au cours des prochaines minutes.

Tout d’abord, la FCEI est une organisation non partisane sans but lucratif qui représente 110 000 petites et moyennes entreprises du Canada. Il y a environ 15 ans, nous avons décidé d’affecter des ressources stratégiques supplémentaires à l’agroentreprise, parce qu’à notre avis, il était important de souligner quelques-uns des enjeux particuliers auxquels sont confrontées les entreprises du domaine de l’agriculture et de la transformation des aliments.

Parmi nos 7 200 membres qui participent à l’agroentreprise, 80 p. 100 sont des producteurs primaires. Près de la moitié d’entre eux sont des exportateurs, et bon nombre d’entre eux se centrent sur les initiatives à valeur ajoutée.

J’aimerais que nous examinions le contexte associé au climat économique actuel pour les petites entreprises du Canada. En mai, le baromètre commercial de la FCEI se situait à 62,5, ce qui signifie que 62,5 p. 100 des petites entreprises du Canada s’attendent à ce que leur entreprise connaisse une meilleure année à partir de maintenant. Il s’agit d’une cote d’optimisme, si l’on veut. Nous aimerions que cet indice se situe entre 65 et 70 lorsque l’économie atteindra son plein potentiel.

Regardons maintenant l’indice du Baromètre des affaires par secteur. L’agriculture se situe nettement en dessous de la moyenne nationale avec un indice de 55,1 p. 100, soit le troisième rang à partir du bas parmi tous les secteurs. La bonne nouvelle, c’est que l’indice est en hausse, mais l’étude a été réalisée avant bon nombre des escalades commerciales qui viennent de se produire. La situation pourrait avoir changé lorsque nous publierons notre prochain baromètre à la fin du mois de juin.

Qu’est-ce qui empêche nos membres des industries agricoles de croître ou de produire plus? C’est principalement attribuable à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée. En fait, les changements apportés récemment au Programme des travailleurs étrangers temporaires causent des problèmes en retardant l’arrivée des travailleurs saisonniers, de sorte que ces entreprises ont encore plus de mal à soutenir la concurrence.

Il a aussi été question de concurrence étrangère. C’est pour cette raison que nous devons nous assurer que nos producteurs et transformateurs ont les travailleurs et les ressources dont ils ont besoin pour être compétitifs tant au pays qu’à l’étranger.

Les coûts des intrants sont également une source de préoccupation. Pour les membres de l’industrie agroalimentaire, ce sont les coûts de l’énergie ainsi que ceux qui sont liés aux taxes et aux règlements qui suscitent le plus d’inquiétudes. Je parlerai davantage du dernier point.

Malgré ces défis, les propriétaires d’entreprises agrocommerciales veulent se développer : 44 p. 100 d’entre eux souhaitent adopter de nouvelles technologies et pratiques novatrices; 42 p. 100 veulent augmenter la taille de leurs opérations; et plus d’un sur quatre aimerait lancer des initiatives à valeur ajoutée.

Pour y parvenir, les entreprises doivent être compétitives. Elles se tournent donc vers le gouvernement pour qu’il crée les conditions qui les aideront à y arriver. Le plus important, pour elles, est que le gouvernement trouve des moyens de réduire le fardeau fiscal global, la réglementation et les formalités administratives. Un autre facteur important pour plus du tiers d’entre elles est d’avoir un meilleur accès aux marchés grâce à des accords commerciaux internationaux et à un accent accru sur la recherche, le développement et l’innovation dans l’industrie.

J’ai déjà mentionné à quelques reprises que la bureaucratie peut être un gros problème pour l’industrie agroalimentaire. En fait, 73 p. 100 des répondants affirment que les formalités administratives les empêchent d’innover dans leur entreprise.

On comprend mieux pourquoi ils se sentent ainsi si l’on considère que près des deux tiers de nos membres d’entreprises agroalimentaires ont subi des retards importants ou mineurs en raison de la réglementation. Cette proportion est beaucoup plus importante dans l’industrie que pour la plupart des autres secteurs d’activité au Canada.

Ce n’est pas rien. Les gouvernements doivent prendre en main la situation des formalités administratives et s’en occuper parce qu’en plus de s’aggraver, elle ajoute un stress important à leur vie, réduit la productivité de leur entreprise et les dissuade de faire croître leur entreprise. Tous ces facteurs sont encore plus marqués dans le milieu agricole. Ce qui est probablement le plus décourageant, c’est que plus du tiers des membres de l’industrie agroalimentaire, et près de la moitié de toutes les entreprises ne conseilleraient pas à leurs enfants de démarrer une entreprise, étant donné le fardeau actuel de la réglementation sur leur entreprise.

À la lumière de ces commentaires des propriétaires d’entreprises agrocommerciales eux-mêmes, il semble que bon nombre d’entre eux veulent se développer et être novateurs. La fiscalité et la bureaucratie sont des obstacles importants à la réalisation de ces objectifs. Les gouvernements peuvent fournir à cette industrie des outils technologiques, des campagnes de marketing, des certifications et des stratégies de propriété intellectuelle qui pourraient être utiles à certaines entreprises, et qui le seront probablement. La plus grande chose que les gouvernements peuvent faire, c’est d’établir des priorités en matière de réforme réglementaire et de réduction des formalités administratives, et de trouver des façons de réduire le fardeau fiscal global.

Je tiens à souligner que la réforme de la réglementation ne consiste pas à déréglementer, mais plutôt à rendre l’environnement réglementaire plus convivial et à faciliter la collaboration avec le gouvernement. Cela pourrait inclure la simplification des règlements existants, l’élimination de ceux qui sont inutiles, la communication claire des règlements, l’amélioration du service à la clientèle du gouvernement et la fourniture d’exemples de conformité aux propriétaires d’entreprise.

Un excellent premier pas a été franchi l’année dernière avec l’Accord de libre-échange canadien. Nous devons montrer que toutes les instances gouvernementales déploient des efforts concertés pour trouver des façons d’utiliser ce forum afin de réduire, et rapidement, les obstacles au commerce au sein du pays.

Le gouvernement peut également s’occuper du fardeau fiscal total de nombreuses façons. Nous suggérons de régler certaines des questions en suspens relatives aux modifications de l’impôt des sociétés fédéral, qui touchent les sociétés privées. Cela pourrait inclure le report éventuel des règles sur la répartition des revenus au moins jusqu’en 2019 ou 2020, ce qui était une recommandation du Comité sénatorial des finances; l’exonération complète des conjoints des règles sur la répartition des revenus; et le respect des droits acquis sur les investissements passifs existants, par rapport aux nouvelles règles sur les revenus tirés de l’investissement passif.

Le gouvernement pourrait aussi augmenter la déduction pour amortissement sur le matériel agricole afin de se rapprocher davantage des taux de dépréciation des États-Unis. Il pourrait permettre aux entreprises d’imputer à l’exercice les premiers 100 000 $ d’achats d’équipement chaque année, à l’instar du projet de loi américain sur les déductions pour dépenses qui permet désormais aux entreprises américaines de déduire jusqu’à 1 million de dollars d’équipement au cours de la première année d’achat.

De plus, nous pourrions chercher des moyens de réduire les coûts salariaux et d’aider les entreprises à assumer les coûts d’embauche et de formation. Nous envisageons ici de mettre en place des mesures comme un taux d’assurance-emploi inférieur en permanence pour les petites entreprises, ou des congés d’assurance-emploi pour l’embauche de jeunes.

Ce sont quelques-unes des façons dont les gouvernements peuvent aider les entreprises agroalimentaires et le secteur des aliments à valeur ajoutée à être plus concurrentiels sur les marchés canadiens et internationaux.

J’attends nos échanges avec impatience.

La présidente : Merci de nous avoir donné autant de recommandations aussi précises. C’est très utile.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, madame Pohlmann. Vous avez rédigé un excellent mémoire qui résume les propos de nombreux intervenants qui ont comparu avant vous. Je vous félicite : il est très simple, mais très clair. Il a la qualité d’aborder des points précis.

Il est évident que la paperasse et les impôts prennent beaucoup de temps aux petits producteurs qui n’ont pas nécessairement les moyens d’engager des comptables professionnels. Chez nous, on les appelle des « empêcheurs de tourner en rond », car cet aspect consomme beaucoup trop de temps. La réglementation, c’est épouvantable aussi et ça consomme énormément de temps.

Lorsqu’il s’agit d’augmenter le taux de déduction pour amortissement, on est tout à fait d’accord avec vous, cela nous a été soumis depuis le début de notre travail sur ce dossier.

Un point particulier que je veux traiter avec vous, c’est celui de la main-d’œuvre. Bien entendu, on fait appel à de nombreux travailleurs étrangers au Canada, surtout pour les PME, les petits maraîchers, que ce soit pour la cueillette de petits fruits, comme les fraises, les bleuets et les framboises, ou pour les oignons et la laitue. Une fois la main-d’œuvre formée, hélas, la saison passe, et ils retournent chez eux. L’année suivante, lorsqu’ils reviennent, ce n’est pas nécessairement à la même ferme ni dans le même secteur agricole où ils avaient été formés. Le producteur est donc sans cesse professeur d’école. Chaque année, il sort son tableau et sa craie, ce qui n’est pas productif pour lui. Est-ce qu’il y aurait un truc pour permettre aux petits agriculteurs de s’assurer que la main-d’œuvre qu’ils ont formée reviendra chez eux à la prochaine saison?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Vous mettez le doigt sur l’une des grandes frustrations de nombreux petits agriculteurs. Cela revient encore ici aux règles du gouvernement.

Beaucoup d’agriculteurs accueillent les mêmes personnes d’année en année. Ce n’est pas rare dans le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, mais je ne sais pas s’il y a moyen de le garantir chaque saison.

Je n’ai pas de réponse à cette question précise, si ce n’est que le gouvernement doit aider à trouver des moyens de ramener les mêmes personnes. Si les mêmes travailleurs font des demandes d’une année à l’autre, les mêmes producteurs devraient peut-être avoir accès à ces personnes, dans le cas où la relation fonctionnait bien.

Je sais que ces programmes suscitent énormément de controverse en ce qui a trait au traitement des travailleurs. Nous sommes favorables à ce que des inspections soient effectuées pour veiller à ce que tout fonctionne comme il se doit, à condition que cela ne nuise pas aux activités de la ferme.

Encore une fois, je ne pense pas qu’il existe de solution simple à la situation. Le coût de la formation est un enjeu qui touche chaque propriétaire d’entreprise. Un moyen important pour s’y attaquer consisterait à ramener plus de travailleurs qui feront la même chose chaque année.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il y a deux catégories là-dedans. Il y a le petit producteur qui va employer quatre ou cinq travailleurs étrangers, qui reviennent parce qu’ils sont bien logés et bien traités et qu’ils sont habitués aux gens.

Cependant, dans le cas d’un producteur maraîcher qui emploie peut-être entre 25 et 50 travailleurs, ce sont surtout de nouveaux travailleurs qui arrivent. On sait qu’au Canada, la saison est courte pour cueillir les fruits et les légumes. Le producteur n’a pas le temps de consacrer une ou deux semaines à la formation, parce qu’il a de la machinerie assez complexe et d’autres détails. C’est vraiment un handicap pour ces producteurs. Comment veiller à ce que ces producteurs puissent accueillir les mêmes personnes qu’ils ont formées l’année précédente? Avez-vous une recommandation à nous faire à ce sujet?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Je n’ai pas de recommandation précise. Nous connaissons évidemment le nom de tous les travailleurs qui arrivent au Canada, et nous savons pour qui ils travaillaient l’année précédente. N’y a-t-il pas moyen de jumeler les employeurs avec les gens qu’ils ont accueillis les années précédentes?

Je suppose que beaucoup de travailleurs préféreraient retourner dans un lieu familier. Ils connaissent l’équipement et les outils. Ils peuvent également commencer directement. Il me semble que c’est avantageux pour tout le monde, s’il y a une volonté des deux côtés d’embaucher les mêmes personnes.

C’est le gouvernement qui doit rendre cela possible. C’est lui qui a mis en place les procédures. Malheureusement, il arrive que celles-ci soient défavorables à l’agriculteur et au travailleur. Peut-être, devons-nous trouver des moyens plus efficaces de faire en sorte que ce lien se fasse correctement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous seriez d’accord pour que nous insérions cette recommandation dans notre rapport?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Oui, je suis d’accord. Si nous pouvons trouver des moyens de ramener d’année en année les travailleurs qui ont déjà été formés sur une ferme, ce serait certainement apprécié de nombreux producteurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Pour faire suite à la question du sénateur Maltais, y a-t-il aujourd’hui moins de travailleurs étrangers temporaires qui viennent au pays, dans l’ensemble? Y a-t-il des aspects négatifs qui causent un ralentissement en raison de la concurrence d’autres groupes?

Mme Pohlmann : Une bonne partie du ralentissement du Programme des travailleurs étrangers temporaires a commencé il y a quelques années, lorsque de nombreux changements y ont été apportés vers 2014.

C’est vraiment à ce moment qu’on a constaté le ralentissement. La façon de faire venir les gens est devenue beaucoup plus restrictive. C’est plus cher. C’est essentiellement passé de la gratuité ou 100 $ pour obtenir un travailleur étranger temporaire à 1 000 $ par demande. Même si la demande est rejetée, les 1 000 $ sont perdus. Cette perte peut être difficile pour une petite entreprise. Je pense que ces chiffres ont diminué.

Il y a toutes sortes de travailleurs étrangers temporaires. Ceux auxquels nous nous attardons habituellement sont ceux qui sont considérés comme peu qualifiés et qui travaillent dans les secteurs de l’agriculture, de la vente au détail ou de l’hôtellerie. Leur nombre a bel et bien chuté en raison des règles de 2014.

D’autres catégories de travailleurs sont demeurées identiques ou ont même augmenté, mais je crois savoir que la catégorie particulière sur laquelle nos membres comptent le plus pour exploiter leur entreprise a diminué au fil des ans.

Le sénateur Doyle : Seraient-ils libres de faire la même chose que pour nos travailleurs qui occupent un emploi semblable?

Mme Pohlmann : C’est une obligation. Le gouvernement dicte combien il faut payer ces travailleurs étrangers temporaires. Vous ne pouvez pas faire venir des travailleurs étrangers temporaires, puis les payer moins qu’un montant donné, car le gouvernement dicte combien vous devez leur verser.

Il est déjà arrivé que des employeurs payent leurs travailleurs étrangers temporaires plus que leurs employés canadiens, parce qu’ils se trouvaient dans une région où l’économie locale était peut-être un peu plus faible que celle des grandes régions d’emploi. Cela n’arrive pas souvent, mais c’est possible.

Ils sont certainement payés au moins la même chose, sinon plus que les travailleurs canadiens.

Le sénateur Doyle : La salubrité des aliments est importante pour la santé et la bonne réputation de nos produits exportés.

Où se situe l’inspection des aliments au Canada par rapport à celle de nos alliés ou de nos concurrents? Sommes-nous bons?

Mme Pohlmann : Je commencerai par dire que la salubrité des aliments est primordiale pour nos membres de l’industrie agroalimentaire. C’est absolument essentiel. Quand je parle de choses comme la réduction des formalités administratives ou de la réglementation, cela ne diminue en rien l’importance de la salubrité des aliments. C’est toujours essentiel pour tout le monde.

Les normes de salubrité des aliments au Canada sont de haute qualité. En revanche, il y a parfois une certaine frustration du fait que le processus bureaucratique entourant la salubrité des aliments semble inutile.

Ce n’est pas tellement attribuable aux inspections. En fait, je pense que c’est pavé de bonnes intentions et de volonté. Au contraire, c’est parfois en raison du dédoublement des efforts ou du temps nécessaire pour les procédures. C’est ce qui contrarie les transformateurs d’aliments et ceux qui produisent de la nourriture au Canada.

Le sénateur Doyle : Nos exigences en matière d’étiquetage nutritionnel sont-elles conformes à celles d’autres pays? Sommes-nous plus ou moins stricts à cet égard?

Mme Pohlmann : Je ne le sais pas exactement. En ce qui concerne l’étiquetage sur le devant de l’emballage, nos membres ont exprimé certaines préoccupations. C’est quelque peu une affaire de coût, mais pas tant. Les inquiétudes portent plutôt sur la façon dont certains aliments seront étiquetés comme étant mauvais alors qu’ils contiennent d’autres éléments assez bons. Des produits comme le yogourt et le bœuf haché sont considérés comme riches en matières grasses, mais ils ont d’autres éléments qui sont encore très bons pour la santé.

C’est davantage ce qui préoccupe bon nombre de nos membres en ce qui a trait à l’étiquetage.

Le sénateur Doyle : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, madame Pohlmann, pour votre présentation. Je suis tout à fait d’accord avec vous concernant la bureaucratie. Il faut l’alléger. Mais est-ce que vous auriez des exemples concrets à nous donner ou des recommandations à nous faire que l’on pourrait inclure dans notre rapport pour alléger cette fameuse bureaucratie qui embête les agriculteurs et ne les sert pas du tout?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Comme je l’ai mentionné, il y a beaucoup de principes que nous pouvons examiner. L’Accord de libre-échange canadien a créé ce qu’on appelle la Table de conciliation et de coopération en matière de réglementation, qui réunit les provinces et le gouvernement fédéral pour examiner les enjeux interprovinciaux qui sont redondants ou qui créent des problèmes entre les provinces.

C’est une tribune nécessaire. Nous avons incité ses participants à cibler l’agroalimentaire comme étant l’un des éléments à aborder entre les provinces d’un bout à l’autre du Canada. C’est une forme pratique qui existe déjà. Il faut s’en servir et en tirer parti.

Comme je l’ai aussi mentionné dans mon exposé, nous devons trouver des moyens de simplifier et d’améliorer le service à la clientèle du gouvernement. Les propriétaires d’entreprise recherchent de la clarté. Ils veulent comprendre ce qu’ils doivent faire pour se conformer. Cela peut parfois être difficile.

Améliorer le service à la clientèle du gouvernement à l’Agence canadienne d’inspection des aliments serait un énorme progrès. Les responsables ont pris quelques mesures ces dernières années pour y arriver, mais cela commence à peine à se concrétiser sur le marché. Nous attendons toujours de voir à quel point les choses peuvent s’améliorer. C’est un gros volet. Cela comprend notamment, donner des exemples de conformité.

Si des inspecteurs se présentent à votre ferme ou votre usine de transformation, puis affirment que vous faites quelque chose de mal, ils devraient pouvoir expliquer comment rectifier le tir. Ils se contentent souvent de souligner le problème, de demander qu’il soit corrigé, puis de quitter les lieux. Parfois, les propriétaires d’entreprise se demandent bien ce qu’ils peuvent faire pour améliorer la situation. Ils ne sont pas toujours en mesure d’y arriver, ou sont à peine capables de le faire.

Ce sont de petites choses qui peuvent aider énormément. C’est en partie une question de culture; il faut inciter les fonctionnaires qui travaillent de l’autre côté de la table à ne pas toujours appliquer les règles, mais à donner aussi des conseils pratiques sur la façon de respecter ces règles. Ce sont quelques-unes des mesures pratiques qui peuvent être prises.

À un niveau supérieur, les gouvernements doivent comprendre le nombre de règles qu’ils imposent à une entreprise. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi il y en a autant. Les gouvernements ont essayé d’agir. Par exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique comptabilise l’ensemble des exigences, des règlements et des règles, puis en prend note chaque année.

Nous avons une référence au Canada, mais elle n’est pas très bonne à l’échelle fédérale. Nous devons donc nous améliorer. Si vous ne mesurez pas la situation, vous ne pourrez pas la rectifier. Nous devons faire le compte. C’est une stratégie plus importante et plus globale à laquelle nous devons commencer à réfléchir en tant que pays pour prendre en main les formalités administratives.

En Colombie-Britannique seulement, le gouvernement a trouvé 400 000 exigences pour une entreprise. Or, ce n’est qu’une seule instance gouvernementale. Il faut ensuite y ajouter le fédéral et les municipalités. Cela devient énorme, et nous devons comprendre la situation pour la gérer.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame, vous avez répondu à ma question.

[Traduction]

La présidente : Comme je l’ai mentionné plus tôt, vous nous avez fait des recommandations très concrètes, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Y a-t-il autre chose que vous n’avez pas inclus dans votre mémoire et qui vous semblerait utile pour le comité?

Mme Pohlmann : Nous avons un peu parlé du Programme des travailleurs étrangers temporaires. J’ai abordé brièvement le sujet. Il y a des problèmes en ce moment qu’il faut examiner de plus près.

Les responsables ont augmenté le nombre d’inspections sur les fermes en particulier, ce qui cause des problèmes. Ce n’est pas tellement que tout le monde s’oppose à subir une inspection, mais plutôt que le moment est mal choisi. Ces inspections retardent l’arrivée des travailleurs saisonniers sur les fermes.

Il faut comprendre la mesure dans laquelle cette industrie est touchée, une information qui doit retourner aux responsables d’Immigration ou d’Emploi et Développement social qui surveillent la situation. C’est un volet important.

Comme on l’a mentionné au dernier tour, les travailleurs étrangers temporaires qui viennent au Canada devraient être admissibles à la résidence permanente. Ce n’est actuellement pas le cas. Nous devons leur donner la possibilité de devenir Canadiens. Ils occupent des postes très difficiles à pourvoir. Ils deviennent essentiellement des employés temporaires permanents, et nous devons par conséquent en faire des citoyens permanents. Je voulais également soulever ce point.

La présidente : C’est une excellente recommandation, comme le sénateur Doyle vient tout juste de l’indiquer.

Le sénateur Oh : Vous parlez des travailleurs temporaires. Le ministère de l’Immigration et Agroalimentaire Canada ont-ils une politique de collaboration? Chaque ministère aurait autrement ses propres politiques qui ne concordent pas ou qui ne fonctionnent pas bien.

Les travailleurs temporaires viennent ici. Ils travaillent. Ils payent des impôts. Ils dépensent leur argent ici. Nous pouvons ensuite exporter nos produits et accroître la productivité, et le gouvernement reçoit les recettes provenant de l’impôt sur les sociétés.

Mme Pohlmann : Il y a parfois des problèmes. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est intéressant, car les questions relatives aux travailleurs sont gérées par le ministère de l’Immigration, mais celles qui se rapportent aux employeurs le sont par Emploi et Développement social Canada. Lorsqu’ils collaborent, la communication n’est pas toujours bonne.

À titre d’exemple, l’employeur doit s’adresser à Emploi et Développement social Canada pour obtenir la permission de faire venir un travailleur étranger temporaire. On fait alors ce qui s’appelle une étude d’impact sur le marché du travail.

On s’adresse à l’employeur pour déterminer s’il a déployé assez d’efforts pour offrir le poste à un Canadien. On donne les règles pour faire venir le travailleur, et l’employeur doit payer 1 000 $ à cette fin. Une fois l’approbation obtenue, il peut chercher le travailleur. Le ministère de l’Immigration s’assure ensuite que le permis du travailleur est en règle et qu’il est autorisé à venir au Canada. C’est de cette façon qu’ils travaillent ensemble.

Il arrive parfois que le permis du travailleur expire. On peut demander son renouvellement, mais l’étude d’impact sur le marché du travail arrive alors à échéance. Les dates ne coïncident pas toujours. Nous avons eu des cas où le permis du travailleur expire deux jours avant l’avis relatif au marché du travail qui permettrait à l’employeur de garder l’employé.

Les ministères ne communiquent pas toujours très bien. Il est arrivé qu’un ou deux jours de décalage dans un dossier obligent un travailleur à rentrer plus tôt chez lui, alors qu’il aurait été autorisé à rester au Canada deux jours plus tard. Le manque de communication entre les deux ministères peut être frustrant.

Le sénateur Oh : Je n’aime parfois pas la politique du gouvernement quand les médias mentionnent un cas précis qui a ensuite une incidence sur l’ensemble de la politique puisqu’on affirme que nous ne devrions pas faire venir des travailleurs temporaires parce qu’ils sont mal traités ici.

C’est un très petit pourcentage, et l’ensemble de l’industrie a encore besoin de l’aide de travailleurs temporaires.

Mme Pohlmann : En effet. Il y a beaucoup de désinformation selon laquelle les travailleurs étrangers temporaires sont sous-payés ou ne sont pas payés autant alors que dans les faits, les salaires sont établis par le gouvernement du Canada. Ce n’est pas l’employeur qui détermine le salaire, mais bien le gouvernement.

Nous avons toujours préconisé les inspections. Nous croyons qu’il devrait y avoir une charte des droits des travailleurs que ces personnes pourraient consulter à leur arrivée pour connaître leurs droits et leurs responsabilités.

Faisons le nécessaire pour avoir ce programme et pour que les entreprises qui en ont absolument besoin puissent s’en prévaloir. Elles sont nombreuses à le faire.

Le sénateur R. Black : J’ai juste une observation. Je pense qu’il faut préciser qu’il y a deux problèmes. Le premier, comme vous l’avez dit, est la préoccupation immédiate qui découle de l’incapacité à faire venir des travailleurs aujourd’hui parce qu’on tarde à transmettre des approbations. Le plus grand problème se rapporte toutefois à l’ensemble du programme, aux inspections supplémentaires et ainsi de suite.

Je ne sais pas si notre rapport peut avoir une incidence sur le premier, car il faudrait régler la question aujourd’hui. Nous pourrions peut-être contribuer à régler le plus gros problème.

La présidente : J’ai une autre question.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Pohlmann, les agriculteurs, semble-t-il, à tort ou à raison, sont inquiets de la nouvelle taxe sur le carbone. Croyez-vous que cela puisse influer sur la compétitivité des petites et moyennes fermes que vous représentez?

[Traduction]

Mme Pohlmann : Oui, je pense que cela aura des répercussions. Leurs principaux concurrents sont des producteurs et des entreprises des États-Unis.

Je vais donner un exemple. Dans beaucoup de fermes, je sais que le carburant nécessaire pour utiliser une moissonneuse-batteuse pendant une seule journée coûte 1 000 $. L’ajout de la taxe sur le carbone pourrait augmenter grandement le montant déboursé. C’est le genre d’inquiétudes et de choses auxquelles ces entreprises doivent penser lorsque les taxes sur le carbone entrent en vigueur.

La taxe va varier d’une province à l’autre. Dans certaines provinces, on pourrait s’inquiéter davantage lorsque la taxe existe déjà et qu’on en a peut-être tenu compte. De façon générale, on s’inquiète de l’incidence de ces taxes sur le coût global des facteurs de production.

Vous remarquerez que dans l’exposé que j’ai fait, la principale préoccupation liée au coût des facteurs de production était le prix du carburant et de l’énergie, et c’est en ce moment.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si les agriculteurs sont inquiets, inévitablement, ce sont les consommateurs qui paieront la facture.

[Traduction]

Mme Pohlmann : En effet. C’est la seule façon pour eux de l’assumer.

Le sénateur Woo : Madame Pohlmann, vous savez certainement que le carburant agricole est exclu du cadre sur le carbone.

Pouvez-vous au moins rectifier les faits pour que nous comprenions bien la situation dans son ensemble? Les recettes provenant du système de tarification du carbone retourneront aux provinces pour investir dans la recherche et ainsi de suite.

Il faut brosser un tableau plus complet que celui que vous venez tout juste de nous présenter.

Mme Pohlmann : Je ne fais que vous présenter les données que nous avons. Je ne vais pas me disputer avec vous. Vous avez raison.

Le sénateur Woo : Est-il vrai que le carburant agricole sera exclu du cadre de tarification du carbone?

Mme Pohlmann : Je crois que oui, mais je ne suis pas certaine, pour être honnête.

Le sénateur Woo : Oh, vous ne le saviez pas.

Mme Pohlmann : Non, je l’ignorais.

Le sénateur Woo : Merci. Je tenais à rectifier les faits pour le compte rendu.

La présidente : Je crois qu’on a dit que c’était une préoccupation des agriculteurs. C’est indiqué dans votre document. On l’a également mentionné lorsque nous avons rencontré ici des groupes formés de représentants des agriculteurs.

Comme on l’a correctement souligné, les régimes varient en fonction des provinces. Il y aura ensuite le dernier recours du gouvernement fédéral pour les provinces qui n’ont pas déjà en place un régime acceptable de tarification du carbone.

Dans le dernier recours fédéral, l’essence et le diésel utilisés dans une ferme ne seront pas assujettis à la taxe sur le carbone. Ce n’est pas un remboursement. C’est exclu dès le départ.

Certaines provinces ont déjà un régime en place. Certaines offrent un remboursement, tandis que d’autres ont une exemption applicable dès le départ. Vous avez raison d’affirmer que différentes mesures sont prises d’un bout à l’autre du pays.

Cela dit, dans le cadre du dernier recours fédéral auprès des provinces n’ayant pas de régime acceptable, la situation sera un peu différente.

Le sénateur Woo : Il n’y a pas d’ambiguïté sur l’exclusion du carburant agricole pour ce qui est de l’essence et du diésel, absolument aucune, peu importe ce que pourraient faire les provinces.

Une moissonneuse-batteuse, pourvu qu’elle fonctionne au diésel, ne constituerait pas un exemple convenable pour la question que vous avez soulevée.

J’accepte que les agriculteurs soient encore préoccupés. C’est une préoccupation légitime, et nous devons en tenir compte, mais il est important que notre comité ne présente pas de renseignements inexacts qui induiront en erreur la population canadienne.

La présidente : Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter?

[Français]

Le sénateur Maltais : Je crois que le sénateur Woo a bien cerné la situation, sauf qu’il a oublié la taxe sur le carbone en ce qui concerne les agriculteurs. Certains agriculteurs ont besoin de gaz pour faire sécher leurs grains. Le gaz n’est pas exclu. Alors, quand on donne des renseignements, il faut tenir compte de l’ensemble des facteurs.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Nous n’irons pas plus loin.

La présidente : Disons que c’est compliqué, et nous nous arrêterons ici.

Je souhaite maintenant remercier notre témoin. Les échanges se sont révélés très intéressants. Il y a eu d’excellentes questions et de très bonnes observations.

Après avoir levé la séance, j’aimerais poursuivre brièvement à huis clos, et je demande donc aux sénateurs de rester quelques minutes.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page