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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 57 - Témoignages du 16 octobre 2018


OTTAWA, le mardi 16 octobre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 3, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je m’appelle Diane Griffin, je suis une sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard et je préside le comité. Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

Toutefois, avant d’entendre nos témoins d’aujourd’hui, je demande aux sénateurs qui participent à la séance de se présenter. Nous allons commencer par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Sénateur Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup.

Aujourd’hui, nous accueillons notre premier groupe d’experts qui comprend notamment des représentants de CropLife Canada, soit M. Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, et M. Ian Affleck, vice-président, Biotechnologie végétale. Nous recevons également un représentant de BIOTECanada, M. Andrew Casey, président et chef de la direction.

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître ce soir. Nous allons vous demander de faire vos exposés, après quoi nous vous poserons des questions. Nous commencerons par donner la parole à CropLife Canada.

Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada : Merci. Je vous suis reconnaissant, honorables sénateurs, de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. Je suis accompagné de mon collègue, Ian Affleck, le fier fils d’un cultivateur de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard. C’est lui qui répondra à toutes les questions difficiles par la suite.

CropLife Canada est l’association commerciale qui représente les fabricants, les concepteurs et les distributeurs d’innovations en matière de phytotechnie, dont des produits de lutte antiparasitaire et des produits de sélection végétale moderne sont utilisés en agriculture et dans des milieux urbains et de santé publique.

Notre mission consiste à permettre à l’industrie de la phytotechnie d’apporter aux agriculteurs et au public les avantages de ses technologies. Ces avantages prennent de nombreuses formes, y compris la stimulation des exportations agricoles, la création d’emplois hautement spécialisés, le renforcement de l’économie canadienne, l’accroissement des recettes fiscales des gouvernements, ainsi que l’amélioration de la durabilité environnementale et de l’accès à des aliments salubres et abordables pour les Canadiens.

C’est avec plaisir que nous voyons le comité entreprendre cette étude, car l’agriculture est souvent injustement oubliée lorsque des discussions portant sur les exportations à valeur ajoutée sont menées. En vérité, l’agriculture et l’agroalimentaire sont des secteurs qui ont été révolutionnés par des changements technologiques et qui représentent l’une des meilleures options pour encourager l’innovation et la croissance au Canada.

Cet intérêt renouvelé pour les exportations agricoles à valeur ajoutée est opportun, compte tenu du rapport que le Conseil consultatif en matière de croissance économique a adressé au gouvernement et du rapport que vient de publier la Table de stratégies économiques sur l’agroalimentaire, à la demande du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Les recommandations des deux rapports sont claires : une réglementation excessive comportant des recoupements freine l’innovation et la compétitivité de l’agriculture canadienne. Les rapports prescrivent donc une réforme de la réglementation.

La Table de stratégies économiques sur l’agroalimentaire recommande que nous modernisions l’approche du Canada en ce qui concerne la réglementation des nouvelles technologies et, surtout, des techniques d’hybridation intelligente, afin de nous assurer que cette approche continue d’offrir une voie efficace et prévisible vers la commercialisation. Cela pourrait être accompli en améliorant les lignes directrices et en clarifiant pour les concepteurs de produits l’interprétation de la nouveauté comme déclencheur réglementaire canadien. Les rapports recommandent également de rationaliser les exigences en matière de données pour l’évaluation des produits biosimilaires, d’entreprendre une plus grande coopération avec nos principaux partenaires commerciaux, en particulier les États-Unis, de réduire les recoupements et de maximiser l’efficacité. Ils recommandent aussi de déterminer les gains d’efficacité possibles et d’améliorer la coordination des exigences pour trois évaluations distinctes de la salubrité de produits originaux de la biotechnologie, à savoir les aliments destinés à la consommation humaine, la nourriture pour animaux et la sécurité environnementale.

Quant au rapport Barton, il souligne que l’agroalimentaire est un important secteur de croissance potentielle pour l’économie canadienne, et il indique que l’innovation est essentielle pour exploiter le potentiel de l’agriculture. Ces constatations n’ont rien d’étonnant. Cependant, le Canada n’est pas le seul pays qui cherche à innover dans le domaine de l’agriculture. Pendant que les autres pays cherchent à réaliser des progrès dans le domaine de l’analyse des données, de l’automation et de la génomique, le Canada doit agir rapidement ou risquer d’être laissé pour compte.

Le rapport Barton distingue plusieurs obstacles à la réussite du Canada dans le secteur agroalimentaire, dont l’un est l’accroissement de la productivité. Les agriculteurs doivent continuer d’adopter de nouvelles technologies et des innovations pour accroître leur productivité.

En ce qui concerne les produits de la sélection végétale moderne et les pesticides, nous croyons qu’il existe de nombreuses possibilités de moderniser et de rationaliser la réglementation, afin de stimuler l’innovation, tout en protégeant la santé et la sécurité humaines. Nous aimerions beaucoup discuter de ces enjeux avec les membres du comité aujourd’hui.

Les organismes de réglementation du Canada ne peuvent pas ignorer l’objectif plus général du gouvernement du Canada qui consiste à utiliser l’innovation pour engendrer annuellement des exportations agroalimentaires de 75 milliards de dollars. Ces organismes ont besoin que les parlementaires les aident à éviter que nos détracteurs émettent des critiques à la moindre mention de considérations économiques.

Nous croyons que la politique du gouvernement en matière de croissance des exportations agricoles et de promotion des innovations devrait contribuer à tirer parti de nos réalisations à ce jour et reconnaître la distance que nous avons parcourue. Examinons quelques-unes des innovations actuellement vendues sur le marché, qui réalisent l’objectif des produits à valeur ajoutée.

Nous avons modifié le profil oléagineux du soja et du canola, ce qui améliore la qualité de transformation et les bienfaits sur la santé du produit fini. Voilà des produits de la biotechnologie végétale. Il y a aussi la pomme Arctic, une innovation canadienne qui offre de nombreuses possibilités de transformation en raison du fait qu’elle ne brunit pas. Les transformateurs peuvent produire un jus de pomme clair qui peut être incorporé à n’importe quoi, des boissons fouettées aux pommes qui ne sont pas brun roux et des collations de pommes séchées. La pomme Arctic a été inventée au Canada mais, malheureusement, elle a été approuvée aux États-Unis en premier et a été cultivée là-bas par la suite.

La pomme de terre résistante au brunissement de Simplot améliore l’efficacité de la production à l’usine de transformation en raison d’une réduction du gaspillage, ce qui réduit également les émissions de gaz à effet de serre. Cela signifie que les agriculteurs perdent une moins grande partie de leur récolte et utilisent moins d’énergie par livre de produit final.

Si nous bénéficions d’un climat propice à l’innovation, le Canada pourra, grâce à l’arrivée de nouveaux outils comme CRISPR, tirer parti de la recherche effectuée pour créer un plus grand nombre de produits comme ceux mentionnés précédemment. Nous parlons ici de modification génétique, qui permet aux chercheurs de rehausser un gène, au lieu de devoir introduire des gènes provenant d’une autre plante. Pour être franc, les OGM sont une technologie vieille de 25 ans. La modification génétique est la voie de l’avenir, et le secteur agroalimentaire s’engagera dans cette voie avec ou sans la participation du Canada.

Voici quelques-unes des nombreuses occasions que le Canada a manquées en raison de son régime réglementaire inutilement complexe.

Limagrain, qui vient de construire un centre de recherche à Saskatoon, a conçu un blé riche en fibres dont le broyage est plus efficace et le produit final, plus sain. Malheureusement, en raison de notre cadre réglementaire complexe, ce blé est commercialisé aux États-Unis, d’une façon non réglementée cette année, et ne pourra pas l’être au Canada avant plus de trois ans. Les agriculteurs américains le cultiveront en premier, les minotiers américains le broieront en premier, et les usines de transformation du produit fini seront construites au sud de notre frontière en premier.

Grâce à la modification génétique, Calyxt, une entreprise américaine de sélection végétale, a élaboré un soja au profil oléagineux plus sain. Cette année, elle a commercialisé 18 000 acres de ce soja aux États-Unis, mais aucun au Canada en raison de nos programmes réglementaires plus complexes.

Voilà deux exemples seulement, mais d’autres sont à prévoir. Nuseed a conçu un canola enrichi en oméga-3 qui pourrait livrer autant d’oméga-3 par hectare qu’on en trouve dans 10 000 livres de poissons. Ce canola offrirait des débouchés en matière de produits finis, protégerait les stocks de poissons et réduirait les émissions de gaz à effet de serre en raison de gains d’efficacité. Ce produit a déjà été approuvé aux États-Unis. Calyxt est également en voie d’offrir un blé à faible teneur en gluten, pour répondre directement aux demandes des consommateurs en matière de produits finis à valeur ajoutée.

En conclusion, madame la présidente, je dirais que les possibilités seraient infinies si nous avions un régime de réglementation qui autorisait les agriculteurs canadiens à cultiver des produits cruciaux, qui contribueraient à leur tour à l’économie à valeur ajoutée du Canada. Toutefois, soyons clairs. Pour ce faire, il faudrait examiner le régime de réglementation canadien sous un angle complètement différent, un angle qui viserait à améliorer la commercialisation et la compétitivité. En l’absence de changements apportés à notre régime de réglementation en vue d’appuyer directement ces objectifs, le Canada continuera d’accuser du retard par rapport à ses concurrents mondiaux, et toute discussion concernant la possibilité que nous devenions un acteur important du secteur à valeur ajoutée ne sera que de belles paroles.

Nous croyons que les Canadiens méritent mieux et que le Canada peut et devrait devenir un acteur mondial dans le domaine des innovations et de la valeur ajoutée.

Je vous remercie d’avoir pris le temps d’entendre notre témoignage. C’est avec plaisir que nous répondrons par la suite à toutes les questions que les sénateurs pourraient avoir.

La présidente : Soyez assuré que nous aurons des questions à vous poser. Nous en avons toujours. Nous sommes un groupe très enthousiaste.

Nous allons maintenant passer à notre intervenant suivant, qui représente BIOTECanada.

[Français]

Andrew Casey, président et chef de la direction, BIOTECanada : Honorables sénateurs et sénatrices, merci beaucoup, au nom des membres de BIOTECanada, de cette occasion de témoigner aujourd’hui à propos de ce sujet si important.

[Traduction]

Au nom des membres de BIOTECanada, je vous remercie infiniment de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui de vous adresser la parole.

À titre d’introduction, je précise que BIOTECanada est l’association commerciale nationale qui représente l’industrie biotechnologique du Canada. Nous avons environ 217 membres, disséminés d’un océan à l’autre, qui peuvent être classés dans un certain nombre d’importantes catégories. La biotechnologie de la santé ainsi que la biotechnologie industrielle, agricole et environnementale sont les principaux secteurs dans lesquels nos entreprises membres exercent leurs activités.

Aujourd’hui, nous mettrons l’accent sur nos entreprises membres qui se spécialisent dans la biotechnologie agricole et, dans une certaine mesure, dans la biotechnologie industrielle et environnementale du Canada.

Il est important de signaler les problèmes que notre industrie résout. La biotechnologie consiste essentiellement à utiliser des organismes vivants pour créer des choses utiles.

Quel est le défi que relève notre industrie? Si nous examinons le monde et la croissance de sa population, nous constatons qu’elle s’élève à environ 7 milliards d’habitants en ce moment, qu’elle s’accroisse rapidement et qu’elle pourrait totaliser 9 ou peut-être même 10 milliards d’habitants, au cours des 20 à 30 prochaines années. Pour s’adapter à ces changements, il faudra que les membres de la société modifient fondamentalement la façon dont ils vivent, cultivent leurs aliments et fabriquent leurs marchandises. Nous ne pouvons pas continuer à agir comme nous le faisons en ce moment. Le climat a changé et continue de changer. Par conséquent, nous devrons à la fois atténuer ses effets et nous adapter à un environnement modifié.

Il y a là un énorme défi à relever pour les membres de la société, mais notre industrie y voit aussi une énorme possibilité pour le secteur biotechnologique, parce que l’industrie biotechnologique conçoit des solutions pour régler ces problèmes.

Le Canada est certes bien positionné depuis de nombreuses années dans les secteurs agricole, industriel et environnemental grâce à ses énormes points forts sur le plan stratégique, en particulier dans le secteur agricole. Ses compétences en sciences, en recherche, en développement et en commercialisation des innovations sont renommées à l’échelle mondiale. Toutefois — et c’est un important « toutefois », auquel M. Prouse a fait allusion plus tôt —, le reste de la planète a reconnu les possibilités économiques qu’offre la résolution des problèmes liés à un passage de 9 à 10 milliards d’habitants. Ils prennent rapidement des mesures pour élaborer leurs propres innovations et pour soutenir les industries qui produisent ces innovations.

Le Canada doit suivre le rythme; il est impératif que nous le fassions. Heureusement, lorsque nous examinons notre situation, nous constatons que nous bénéficions de certains avantages naturels. Nous disposons maintenant d’un programme d’innovations qui a été élaboré par le gouvernement il y a quelques années. Ce programme a engendré les Tables de stratégies économiques auxquelles mon collègue a fait allusion. Il y en a une sur la santé, une sur l’agroalimentaire ainsi qu’une sur les ressources qui englobent un certain nombre de nos membres.

Je trouve encourageant de voir les points que ces rapports ont en commun. Ils ont signalé un certain nombre de secteurs clés dans lesquels le Canada doit faire mieux. L’un d’eux consiste à attirer des investissements. Un deuxième consiste à attirer des travailleurs talentueux, que nous pourrons utiliser pour commercialiser ces innovations.

L’un des secteurs importants dans lesquels nous savons que nous devons être plus concurrentiels — et à l’échelle mondiale, en fait —, c’est notre régime de réglementation. Ce régime doit être aussi compétitif que possible, parce qu’il influence l’efficacité et la réussite de nos tentatives d’attirer les investissements et les travailleurs talentueux dont nous avons besoin pour commercialiser nos merveilleuses innovations.

Le problème que nos membres et nous, à BIOTECanada, avons, c’est que, dans certains secteurs, ils doivent aussi attirer des investissements. Donc, si vous examinez les secteurs agricole, forestier, minier, pétrolier et gazier, vous constaterez qu’ils doivent aussi attirer des investisseurs au Canada. Toutefois, s’ils échouent, ils seront forcés de laisser les ressources là où elles sont. Vous ne pouvez pas déménager une forêt ou une mine là où se trouvent les investisseurs.

Dans le domaine de la biotechnologie, ce dont nous parlons, en particulier dans le contexte de la valeur ajoutée, ce sont de bonnes idées. Elles sont enregistrées dans des ordinateurs portatifs, et elles peuvent être commercialisées n’importe où dans le monde. Donc, si nous ne réussissons pas à attirer les investissements et les travailleurs talentueux dont nous avons besoin pour commercialiser ces innovations ici, nous perdrons ces innovations qui seront commercialisées là où les investissements sont disponibles.

Nous finirons par obtenir le produit fini sous une forme ou une autre, mais nous aurons été privés de tous les avantages économiques liés à la commercialisation de cette idée ici, au Canada. Nous sommes de prodigieux concepteurs d’innovations. Nous disposons d’universités et d’instituts de recherche exceptionnels. Il serait dommage que nous soyons privés des énormes débouchés dont notre économie pourrait bénéficier en ce moment.

Pour gagner du temps, je vais vous remercier maintenant et indiquer que je me réjouis à la perspective de répondre aux questions des sénateurs.

La présidente : Merci. Nous avons entendu deux exposés très intéressants.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, messieurs, de vos exposés fort intéressants. Ils coïncident avec l’objet de notre étude.

Vous avez tous les deux soulevé deux points en commun, soit celui de la réglementation et celui de la basse vitesse. La haute vitesse n’a pas atteint les niveaux prescrits par la réglementation. C’est pour vous un irritant tout à fait inacceptable. Il ne suffit pas de parler d’innovation. Si la réglementation ne suit pas, ou ne précède pas, vous n’avancez pas. Vous vous êtes dits préoccupés et j’en suis fort conscient.

Je vais procéder rapidement, car j’ai deux questions, une pour M. Prouse et l’autre pour M. Casey.

D’après vous, de quelle façon serait-il possible de réduire la réglementation ou faire en sorte qu’elle aille plus rapidement, monsieur Prouse?

[Traduction]

M. Prouse : Je vais céder la parole à mon collègue, M. Affleck, qui est complètement investi dans ce dossier depuis quelques années.

Ian Affleck, vice-président, Biotechnologie végétale, CropLife Canada : Merci. Ce dont il est important de tenir compte, c’est le fait que le Canada était un chef de file dans ce milieu réglementaire il y a 20 ans, à l’époque où nous avons mis en place notre réglementation. Notre régime de réglementation était emblématique à l’échelle mondiale, et il était plus souple que celui de la plupart des autres pays. Cependant, nous nous sommes un peu reposés sur nos lauriers, et nous ne l’avons pas modernisé depuis 20 ans.

Pour le rendre plus souple, mieux adapté à l’industrie et plus attirant pour les investisseurs, il ne faut pas nécessairement réduire le nombre de règlements, mais rendre la réglementation plus efficace. De plus, l’organisme de réglementation doit disposer de ressources appropriées et mettre l’accent sur le risque, de manière à ce que tous les produits ne soient pas traités de la même façon par une unique boîte noire de la réglementation, dont le traitement nécessite deux à trois ans.

Dans les domaines que nous connaissons bien, dans lesquels nous avons acquis de l’expérience et pour lesquels il existe une logique scientifique valide en matière de salubrité, j’estime que vous devriez appliquer cette logique et resserrer le temps nécessaire pour accorder une autorisation.

M. Prouse : Le délai dont nous parlons, c’est le fait que l’approbation d’un nouveau caractère au Canada exige deux années, en moyenne. Pourquoi deux années? Nous n’en sommes pas sûrs, si ce n’est que cela semble être un joli chiffre rond. De plus, ce délai n’est assorti d’aucune norme de service. Cela a donc exigé deux ans.

Nous ne voyons pas pourquoi cette approbation exige plus d’une année, en particulier si l’on tient compte du fait que nous avons, à l’échelle mondiale, un concurrent comme le Brésil, qui approuve ces nouveaux caractères en moins d’une année. Le Canada doit être un chef de file en ce qui concerne la vitesse approbation, car cela constitue un avantage concurrentiel.

[Français]

Le sénateur Maltais : Dans certains domaines agricoles, la réglementation progresse plus rapidement. C’est le cas pour le cannabis.

Monsieur Casey, vous avez parlé des défis liés au changement de la culture. Cela fait sept ans qu’on en parle ici. Le sénateur Mercer et moi le répétons depuis sept ans. Il faut que le Canada se transforme pour faire face aux nouveaux défis internationaux. Le comité a voyagé en Chine; nous sommes allés partout au Canada, et on sait que d’ici 10 à 20 ans, il faudra doubler la production. Comment peut-on le faire de façon sûre et compétitive pour nos agriculteurs? Au fond, ils sont à la base de cela. Vous êtes la biotechnologie, mais la personne qui a les pieds sur le terrain, c’est l’agriculteur. Comment peut-il s’adapter aux transformations pour suivre ce nouveau rythme? On a également des problèmes de transferts des exploitations agricoles. Les jeunes sont moins enclins à assurer la relève. Comment allez-vous faire face à ce défi et garder le Canada compétitif?

M. Casey : Je veux être très clair, alors, si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

Voilà une excellente question, qui a certainement un lien avec celle que vous avez posée plus tôt. La biotechnologie permet aux producteurs canadiens de devenir bien plus concurrentiels, notamment grâce à l’ajout de valeur. Nous considérons que notre industrie agricole est extraordinairement concurrentielle à l’échelle mondiale. C’est, je pense, un fait bien connu. Comment pouvons-nous passer au niveau supérieur? C’est la question cruciale, car nous n’avons probablement pas intérêt à exporter des cultures de canola pur quand nous pouvons les transformer en quelque chose d’unique et de spécial.

Je vais vous donner un excellent exemple de culture mise au point par une entreprise appelée Agrisoma. Il s’agit d’une moutarde transgénique que les agriculteurs peuvent cultiver dans n’importe quel champ. Si le champ est en jachère, ils peuvent l’utiliser pour remplacer les nutriments dans le sol. Si certains champs manquent de nutriments, d’humidité ou de soleil, cette moutarde peut bien s’y cultiver, car sa modification la rend extrêmement résistante. On peut broyer les grains pour en extraire l’huile et la transformer en carburant pour avion à réaction, le tout sans ajout de carburant fossile au mélange. Le carburant alimente les avions sans qu’on ait à en modifier le moteur de quelque manière que ce soit.

C’est un avion du Conseil national de recherches, stationné à l’aéroport d’Ottawa, qui a effectué le vol initial. Il s’est envolé suivi d’un avion détecteur pour voir ce qui en sortait. Étant donné que le mélange ne contient pas de carburant fossile, les émissions sont beaucoup moins importantes, comme on pourrait s’y attendre.

Il ne s’agit pas d’un projet chimérique. Il y a eu deux vols, un de United Airlines entre San Francisco et Zurich en septembre, ainsi qu’un autre, plus tôt cette année, entre Los Angeles et Melbourne, au cours duquel 30 ou 40 p. 100 du carburant était utilisé dans le mélange. C’est devenu une réalité commerciale.

Voilà le genre de valeur ajoutée pour laquelle le Canada peut exceller, à mon avis.

Pour répondre à votre question précédente, quels sont les défis? C’est quand il est question de la capacité de réglementation et de la capacité du gouvernement à étudier les cultures pour en vérifier l’innocuité et l’efficacité que les choses achoppent. Nous devons donc nous améliorer à cet égard pour que l’élément commercial se concrétise.

Je ferais toutefois une mise en garde. En formulant votre question, l’objectif ne consiste probablement pas à réduire la capacité de réglementation, mais bien à la rendre plus efficace, pour reprendre vos propres mots. C’est l’objectif le plus important, car un régime de réglementation solide et efficace peut conférer un avantage concurrentiel considérable à notre pays.

Il faut toutefois bien faire les choses. Nous devons nous appuyer sur les données probantes et pouvoir nous adapter aux changements rapides que nous observons. Les innovations qui s’en viennent, du point de vue biologique, sont extrêmement rapides et fort complexes. Il sera donc primordial que notre régime de réglementation suive le rythme.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous comprends, mais la réglementation ne doit pas être un frein à l’innovation. Elle doit être un soutien.

[Traduction]

La sénatrice Miville-Dechêne : Quel est le nom de l’entreprise?

M. Casey : Agrisoma.

[Français]

Ils sont en Saskatchewan et aussi au Québec — le siège social.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Je veux donner suite aux questions du sénateur Maltais. Vous avez fait remarquer que le régime de réglementation du Canada est complexe, inefficace et je ne sais quoi encore. En quoi le régime des États-Unis est-il différent? Que font les Américains que nous ne faisons pas? Est-ce un groupe plus efficace qui élabore leurs règlements? Que pouvons-nous apprendre d’eux? Ils sont manifestement plus rapides et plus efficaces. Pourquoi sont-ils plus efficaces que nous? Ne pouvons-nous pas le voir? Ne pouvons-nous pas apprendre d’eux? Que pouvons-nous faire?

M. Prouse : Je laisserai mon collègue, Ian, combler les manques, mais fondamentalement, les États-Unis ont indiqué qu’à l’avenir, ils ne réglementeraient pas le système CRISPR-Cas9. Autrement dit, ils ne réglementeront pas la correction génétique, car ils ne voient pas ce procédé de la même manière que les OGM traditionnels. Ainsi, une entreprise qui souhaite lancer un nouveau produit issu de la correction génétique ne rencontrera aucun obstacle réglementaire à la commercialisation aux États-Unis.

Que s’est-il passé au Canada? Ian me corrigera si je fais erreur, mais je pense que le Canada a fait savoir qu’il examinerait la question au cas par cas. Voilà une approche qui ne suscite guère la confiance des investisseurs. C’est l’absence d’obstacle à la commercialisation qui inspire cette confiance.

Le Canada doit adopter une approche limpide quant aux nouvelles techniques d’amélioration génétique qui révolutionneront le domaine dans lequel nos membres et ceux d’Andrew s’activent. C’est le jeu qu’il faudra jouer dans l’avenir, car cette technique a tout changé. La correction génétique révolutionne maintenant le processus. Le nombre de produits et d’initiatives commerciales qui verront le jour augmentera de manière exponentielle à l’avenir. Ian, je suis certain que j’ai oublié des détails importants.

M. Affleck : Non, ce sont les aspects généraux de l’affaire. Quand j’ai dit plus tôt que le cadre de réglementation instauré il y a 20 ans au Canada constituait une approche brillante sur le plan de la réglementation, ce fondement demeure. Ce que d’autres pays font plus rapidement que nous, c’est la recherche stratégique sur ces nouvelles technologies quand elles voient le jour; ils font ensuite des énoncés de politique généraux à l’intérieur du cadre de réglementation. En pareil cas, ils doivent modifier leur réglementation en fonction de leur objectif stratégique. Nous avons déjà établi un excellent fondement au chapitre de la réglementation; nous devrions donc être en avance sur eux, car tout ce que nous avions à faire, c’était tenir un débat de fond. Nous n’avons toutefois pas eu ce débat ou fait d’énoncé.

Le secrétaire américain de l’Agriculture peut déclarer : « Nous avons réalisé des évaluations de la sécurité et des vérifications. Nous ne réglementerons pas la correction génétique dans ce domaine. C’est ainsi que nous verrons les choses. C’est une version très allégée de la supervision, car nous avons accompli notre travail. » Au Canada, nous disons : « Nous ne sommes pas certains. C’est au cas par cas. » Ainsi, un chercheur saura qu’il peut aller aux États-Unis, car il est certain du résultat, alors qu’au Canada, tout ira bien, ou peut-être pas. On n’est pas vraiment certain. Nous devons débattre de la question, effectuer nos recherches et adopter des politiques adéquates à l’intérieur de notre cadre pour que ces produits puissent être commercialisés.

Selon nous, 90 p. 100 du travail à accomplir n’exige pas de modification de la réglementation. Il faut simplement élaborer les politiques de manière prospective, puis mettre ces dernières en œuvre efficacement dans le régime de réglementation, comme le sénateur Maltais l’a indiqué.

Le sénateur Doyle : Ce que vous dites, c’est que nous sommes archaïques, vieux jeu, et que nous semblons incapables de nous mettre debout, alors que les États-Unis avancent à plein régime et que nous sommes incapables de les suivre. À cet égard, vous n’avez pas vraiment répondu à ma question : pourquoi sommes-nous ainsi?

M. Affleck : Nous nous sommes assis sur nos lauriers, forts de la conviction que nous roulions dans la meilleure voiture sur la route. Or, elle est en train de rouiller. Comme cette voiture a toujours été la meilleure, nous pensons qu’elle l’est encore, mais elle réclame des soins. Nous avons trop pris nos aises.

Le sénateur Doyle : Bien des gens doivent être licenciés, je suppose.

M. Affleck : À notre avis, ce qui donnerait le plus grand coup de pouce — et nous pensons que nous y sommes presque avec les Tables sectorielles de stratégies économiques et l’examen de la réglementation du Conseil du Trésor —, c’est quand quelqu’un comme Sonny Purdue peut déclarer : « Voici l’orientation que nous allons prendre, alors que les organismes de réglementation trouvent comment faire. » Ces organismes disposent ainsi de l’orientation stratégique pour agir.

Notre gouvernement doit fournir aux organismes de réglementation l’orientation stratégique permettant d’aller de l’avant et d’agir en leur disant : « Oui, c’est sur votre plan de travail; il faut accorder la priorité à cet élément. À vous de trouver comment faire. » Le gouvernement peut compter sur de bons organismes de réglementation et d’excellents scientifiques. Il lui suffit de se concentrer sur la question et d’agir.

La présidente : Monsieur Casey, souhaitez-vous intervenir?

M. Casey : Je pense que c’est une excellente question. Nous devons, selon moi, accepter que le problème est, dans une certaine mesure, probablement en partie culturel.

J’utiliserai l’exemple de la pomme Arctic dont Dennis a parlé plus tôt. Cette pomme est cultivée dans la vallée de l’Okanagan par une entreprise du nom d’Okanagan Speciality Fruits, qui a essentiellement découvert quel gène activer ou désactiver — j’oublie c’est lequel — pour empêcher la pomme de brunir. La première pomme était la Fuji. L’entreprise a d’abord soumis sa technologie au processus de réglementation des États-Unis et a rapidement reçu l’approbation. Elle commercialisait déjà cette pomme alors que le Canada cherchait encore à déterminer s’il l’approuverait ou non. Il a finalement donné le feu vert. L’entreprise a ensuite appliqué la même technologie à une autre variété de pomme. Tout ce qui a changé , c’est la pomme, mais la technologie de désactivation était la même.

Aux États-Unis, l’approbation a été automatique, puisque la même technologie produit le même résultat. J’ignore combien de temps le processus a duré, mais quand l’entreprise a cherché à faire approuver son produit au Canada, il a fallu reprendre le processus depuis le début. Cela fait partie de l’équation. Disons que c’est l’élément relatif à l’efficacité.

À cela s’ajoute la question de la transparence. Je pense que tout le monde est d’accord pour qu’un nouveau produit fasse l’objet d’un examen réglementaire exhaustif, particulièrement quand il est question de correction génétique et d’autres techniques qui suscitent des préoccupations. Cela me semble logique. Le processus devrait toutefois être transparent. Si une entreprise propose un produit et que le processus réglementaire bloque, elle devrait pouvoir savoir quels renseignements les organismes de réglementation ont besoin pour que le processus avance. Il existe une lacune à cet égard.

En entrant en jeu en retard, nous avons peut-être l’avantage de pouvoir apprendre des autres pays et appliquer leurs pratiques exemplaires. Nous devrions peut-être considérer que le verre est à moitié plein et que c’est ce qu’il faut faire. Les Tables sectorielles de stratégies économiques sont certainement en train de trouver des voies d’avenir.

Le sénateur Doyle : Merci.

Le sénateur R. Black : Je vous demande de m’excuser d’être arrivé en retard, monsieur Prouse. Vous avez indiqué que le processus de conception des OGM a 25 ans, puis avez traité de la technologie CRISPR. Un groupe se préoccupe certainement des OGM, et nous admettons d’emblée.

Ce même groupe ou un autre regroupement s’inquiète-t-il de la technologie CRISPR? Dans l’affirmative, vous attendez-vous à ce que ce soit le même groupe? Le savons-nous déjà?

M. Prouse : Ces dernières années, la confiance du public à l’égard de la biotechnologie s’est généralement améliorée à mesure que l’innocuité des produits est devenue manifeste. Les gens sont plus à l’aise avec cette technologie qui jouit, depuis 25 ans, d’un dossier sans tache sur le plan de la sécurité. À un moment donné, il faut admettre que la sécurité est démontrée.

La correction génomique en est à ses balbutiements; la confiance du public est-elle différente à ce sujet? Je ne pense pas que nous n’avons pas suffisamment de recherches pour le savoir. On peut raisonnablement s’attendre à ce que la confiance du public augmente lentement, mais sûrement. C’est ce que nous avons observé : une amélioration très lente, mais régulière de l’approbation du public à l’égard de cette technologie.

Nous considérons en outre que les organismes de réglementation ont un rôle à jouer à ce sujet. Nous aimons que l’Agence canadienne d’inspection des aliments explique ce qu’elle fait et ses processus, car je pense que cela améliore la confiance du public. Nous avons toujours supplié nos organismes de réglementation d’expliquer davantage leur rôle et la manière dont ils réglementent le domaine, car je pense que cela a une influence substantielle sur la confiance du public.

M. Affleck : Un autre élément qui, selon moi, renforcera la confiance du public, c’est le fait qu’avec cette nouvelle vague d’innovations, un bien plus grand nombre de petites et moyennes entreprises pourront se mettre de la partie, car ces technologies sont bien plus abordables. Les importants obstacles réglementaires qui existaient il y a un certain nombre d’années faisaient en sorte que seules les grandes entreprises pouvaient se permettre d’entrer dans le domaine. Il s’agissait d’entreprises qui cherchaient à offrir des solutions aux agriculteurs; elles mettaient donc l’accent sur les produits qui leur étaient destinés.

Les petites et moyennes entreprises s’intéressent pour leur part aux produits s’adressant aux consommateurs, comme la pomme Arctic, le blé à teneur élevée en fibre ou des huiles meilleures pour la santé. Une fois que le consommateur a pu tenir le produit entre ses mains et le goûter, il se sent bien plus à l’aise avec la technologie. Quand la technologie a un avantage pour le consommateur, il est bien plus disposé à se renseigner à son sujet et il l’apprivoise, alors que lorsqu’elle offre un avantage à l’agriculteur, mais que le consommateur n’a jamais l’occasion de visiter une ferme, il ignore de quoi il s’agit et il se demande pourquoi il ferait confiance à la technologie. Cependant, quand il peut tenir en main une pomme Arctic, la couper pour le lunch de ses enfants, la laisser au frigo pendant trois jours et constater qu’elle n’est pas d’un brun affreux quand il l’en sort, il comprend l’avantage de la technologie.

Je pense que cette nouvelle vague d’innovations destinées aux consommateurs aidera considérablement ces derniers à être plus à l’aise avec la technologie.

Le sénateur R. Black : J’ai une question supplémentaire avant d’interroger M. Casey.

Dois-je comprendre que la technologie CRISPR est différente parce qu’elle n’introduit pas quelque chose d’une autre espèce — et corrigez-moi si je me trompe — comme ce serait le cas pour les OGM? Suis-je dans le juste?

M. Affleck : C’est habituellement ainsi qu’on procède. Je vais me montrer trop complexe. On pourrait intégrer quelque chose d’ailleurs, mais ce n’est pas vraiment l’objectif. Ce que l’on veut, c’est pouvoir faire ce que vous dites, c’est-à-dire modifier ce qui est déjà là. C’est ainsi que les gens utilisent la technologie.

Le sénateur R. Black : Merci.

Monsieur Casey, j’ai participé, il y a quelques années, à ce qui s’appelait le Fonds d’encouragement à la recherche-développement de l’Ontario, un programme de financement visant à faire passer le fruit de la recherche du laboratoire au consommateur et au marché. Ce programme de 500 millions de dollars accordait des subventions et des prêts, misant sur l’effet multiplicateur des fonds.

Existe-t-il quelque chose de semblable pour aider les chercheurs à commercialiser leurs produits plus rapidement? Si c’est le cas, cela suffit-il et est-ce que cela fonctionne? Sinon, pourquoi pas et est-ce qu’un tel programme serait une bonne chose?

M. Casey : Vous connaissez peut-être la question un peu mieux que moi. Je sais que des gouvernements offrent du financement de démarrage à divers égards pour appuyer le développement aux étapes initiales.

Je pense que le point critique, c’est quand vient le temps de commencer à commercialiser les applications. C’est là que des sommes substantielles sont nécessaires. À cette étape, les délais sont longs et le risque élevé. Ce n’est pas un investisseur normal qu’on cherche; on veut trouver quelqu’un qui comprend vraiment la science et qui a la patience d’attendre que le processus suive son cours.

Au Canada seulement, il n’y a pas assez d’argent ainsi investi. Certains investissent, mais pas assez. Si on cherche à obtenir du capital de risque et à nouer des partenariats avec de grandes multinationales, c’est vers l’étranger qu’il faut se tourner dans cet écosystème.

Le problème, c’est que les investisseurs sont comme des touristes. Ils parcourent le monde, cherchant un endroit où poser leurs pénates et investir leur argent. Le Canada doit donc se comporter comme un hôtel. Un tel établissement offrira le WiFi gratuit, un chocolat sur l’oreiller, des draps soyeux et tout ce qui attire le touriste. Nous devons faire de même; notre accueil doit donc être le plus attirant possible. C’est là qu’entrent en jeu la politique fiscale et réglementaire, l’accès au talent et la sécurité de la propriété intellectuelle. Tous ces éléments attireront les grands investisseurs. Nous avons les innovations et la capacité de vraiment faire croître les entreprises et de commercialiser les produits. Cela ne fait aucun doute. Le principal défi consiste à attirer les investisseurs pour l’industrie et le pays.

Le sénateur Mercer : Le sénateur Maltais et moi sommes des membres de longue date du comité et avons entendu déplorer la lenteur et la lourdeur du régime de réglementation. Vous avez indiqué qu’il faut environ deux ans au Canada et moins d’un an au Brésil pour obtenir une approbation. Vous avez en outre parlé de ce que faisait Sonny Purdue aux États-Unis. Je veux toujours accorder ma confiance aux Canadiens qui réalisent ces travaux et à Lawrence MacAulay, pas à Sonny Purdue. Je connais Lawrence MacAulay et je lui fais confiance. Je ne fais pas nécessairement confiance à Sonny Purdue. J’espère qu’il ne s’en formalisera pas.

Vous avez toutefois formulé une remarque sur quelque chose que nous avons entendu à maintes reprises autour de la table : on nous a indiqué qu’une personne retardait les choses à l’Agence canadienne d’inspection des aliments et à Agriculture Canada.

Par la suite, un changement dans le personnel a été effectué il y a environ cinq ans. Je n’ai pas mes dossiers, mais je me rappelle que lors de sa comparution devant notre comité, une personne qui représentait l’agence ou le ministère nous a dit : « Nous avons apporté un changement. » On ne nous a pas dit de quoi il s’agissait devant les caméras, mais après la réunion, en privé, nous avons eu une discussion et nous avons appris qu’il y avait eu un changement de personnel; une personne n’était plus là et quelqu’un d’autre l’avait remplacée. On nous a dit que les choses allaient être différentes. Puis, du jour au lendemain, nous n’entendions plus beaucoup de plaintes, car cette personne, peu importe de qui il s’agissait, avait pris des décisions et les mesures qui s’imposaient.

Il y a ensuite le fait que nous insistons pour tout revérifier. Si un produit est vérifié et approuvé aux États-Unis, nous recommençons tout le processus lorsque le produit arrive au Canada. Je ne crois pas que nous devrions accepter les vérifications qui sont effectuées aux États-Unis ou dans tout autre pays sans nous poser de questions, mais nous devons trouver un moyen d’accélérer le processus.

S’agit-il d’un problème d’effectifs? Vous ne représentez pas le ministère ou l’agence, mais vous êtes victimes du travail qu’ils accomplissent ou qu’ils n’accomplissent pas. S’agit-il d’un problème lié au personnel? Je comprends que cela risque d’offenser ces gens.

M. Casey : Vous soulevez deux ou trois points importants. Il y a d’abord l’image de marque du Canada, dont vous parliez plus tôt. Un produit a franchi le processus brésilien en un an et le processus canadien en deux ans. J’irais jusqu’à dire qu’il faut peut-être plus de temps pour qu’un produit soit approuvé au Canada, mais il réussira probablement mieux dans le marché en raison de son approbation au Canada et de l’image de marque du pays. Il est important que nous maintenions cette expertise et cette image de marque.

Je ne sais pas s’il s’agit d’une personne ou d’un obstacle précis. Le fait est que la technologie est tellement récente et avancée. Il faut probablement parler d’une capacité générale du gouvernement. Ce sont les spécialistes d’un ministère qui relèvent tous ces grands défis. Nous avons besoin de scientifiques, de biologistes, de biochimistes, de gens très compétents. Bien sûr, le gouvernement rivalise avec l’industrie pour attirer les mêmes personnes, ce qui pose certains défis.

Y a-t-il un problème lié au personnel? C’est peut-être davantage un problème lié aux capacités et à l’étendue des activités dans nos ministères plutôt qu’à des gens en particulier.

Le sénateur Mercer : Depuis longtemps, Agriculture et Agroalimentaire Canada, grâce à ses stations de recherche partout au pays et à la ferme expérimentale, est un chef de file mondial à bien des égards. Nous avons inventé des choses qui sont maintenant courantes. Nous avons changé certaines façons de faire. En fait, il y a de nombreuses années, notre comité sénatorial a changé la façon dont les gens traitent la terre. Un sénateur de la Saskatchewan, qui était membre de notre comité, était reconnu dans le monde en raison de ses innovations sur la santé de la terre.

Que faut-il changer? Est-ce qu’on doit apporter des changements à l’ACIA ou à Agriculture Canada? Où est-il nécessaire de changer des choses, selon vous? S’agit-il des deux?

M. Prouse : De notre côté, sénateur, il s’agit du portefeuille de la santé en général. Il faut d’abord accepter le fait que Santé Canada a aussi un mandat économique. À l’heure actuelle, on croit qu’il n’est responsable que de la santé et de la sécurité. Le fait est que toute innovation doit passer par le processus des organismes de réglementation qui relèvent de Santé Canada. Qu’on le veuille ou non, Santé Canada a un mandat économique. La santé et la sécurité doivent être la priorité; les Canadiens insistent là-dessus. Toutefois, on doit accepter le fait qu’il a également un mandat économique.

Il faut changer la culture. Il ne s’agit pas du personnel. Il doit y avoir un changement de culture. Si l’on adopte une politique claire indiquant qu’il faut considérer les choses sous un angle économique et que l’organisme a pour mandat de favoriser l’innovation et l’exportation, cela devrait suffire à provoquer le changement de culture; par exemple, établir des normes de service. Il devrait y avoir une norme de service claire sur la commercialisation d’un nouveau produit. À l’heure actuelle, c’est très difficile. Voilà ce dont nous parlons. Il s’agit d’un changement de culture et c’est par l’adoption d’une politique claire qu’il sera mis en œuvre.

Le sénateur Mercer : Le problème, c’est que la majorité des Canadiens ne s’en soucient pas à moins qu’il y ait un problème. Ils sont préoccupés s’il y a un problème. Ils veulent que le prix soit raisonnable et que le produit soit sûr. Tout ce qui est à l’arrière-scène est extrêmement important. Le monde ne sait pas comment nous allons arriver à nourrir 9,7 milliards de personnes en 2050. Comment allons-nous nourrir tous ces gens? Personne n’en parle. Tout ce dont vous parlez et tous les changements que nous apportons sont des pièces de ce casse-tête qui nous permettront de produire un produit qui durera plus longtemps, qui sera plus facile à expédier et qui produira davantage pour nourrir une population croissante. Parce que, vous savez quoi? Les gens affamés sont des gens en colère. Le monde ne sera pas beau. J’ai deux petits-enfants qui seront encore de ce monde en 2050. Je veux que le monde soit un peu plus sûr que ce que je prévois maintenant. Deux ou trois milliards de gens seront affamés.

Je suis peut-être en train de témoigner.

La présidente : Je vais accepter vos propos comme une observation plutôt que comme une question.

Le sénateur Mercer : Il semble qu’il vaudrait mieux que nous agissions rapidement.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à M. Prouse. Vous avez fait référence à quelques reprises à de nouveaux produits canadiens où nous avons été devancés par la production américaine. Quelles ont été les conséquences industrielles et financières pour les producteurs canadiens?

[Traduction]

M. Prouse : D’après ce que nous observons, il en résulte qu’il n’y a pas d’investissements au Canada. Nous voulons voir de l’innovation au pays. Nous voulons une économie du savoir. Lorsque ces produits sont commercialisés aux États-Unis d’abord, c’est là que les recherches sont effectuées.

L’autre élément, c’est l’accès à l’innovation pour les agriculteurs canadiens. C’est un point que je voulais soulever plus tôt. Les agriculteurs canadiens sont très rapides lorsqu’il s’agit d’adopter une nouvelle technologie. Ils font partie des meilleurs au monde à ce chapitre. Lorsque de nouvelles semences et de nouveaux caractères sont disponibles, les agriculteurs canadiens ont très hâte de les avoir. Cependant, si les recherches ont lieu aux États-Unis d’abord et que les produits sont commercialisés aux États-Unis d’abord, cela signifie que les agriculteurs américains cultiveront un produit deux ou trois ans avant les agriculteurs canadiens. C’est contre cela que nous luttons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’ai une deuxième question pour M. Casey. Vous l’avez mentionné, monsieur Prouse, c’est une question d’investissements. En fait, la fiscalité américaine est beaucoup plus favorable pour les investisseurs en ce moment. Dans quelle mesure peut-on dire que la fiscalité canadienne est responsable du manque d’investisseurs?

[Traduction]

M. Casey : Vous parlez de la compétitivité de notre pays pour ce qui est d’attirer des investisseurs. Il n’y a pas que ce volet; nous devons être compétitifs dans un certain nombre de volets. Je crois que nous le sommes à bien des égards, mais comme je l’ai déjà dit, le monde change très rapidement. Pour revenir au point qu’a soulevé le sénateur Mercer, concernant les possibilités économiques qui se présentent, il y aura 9 ou 10 milliards de personnes sur la Terre, et nous devons trouver un moyen de relever les défis qui s’annoncent. Il s’agit, pour notre pays, d’énormes possibilités économiques, mais nous devons attirer les investissements.

Il s’agit donc pour le Canada d’être le plus concurrentiel possible dans un certain nombre de volets. Il ne s’agit pas seulement de l’aspect financier, mais certainement de la fiscalité. Il y a la façon dont nous traitons l’immigration, car notre réserve de talents n’est pas assez grande, et la façon dont nous traitons la propriété intellectuelle. Ce sont tous des facteurs. Bien entendu, nos incitatifs fiscaux constituent un grand facteur. Il y a le crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental ainsi que les programmes du PARI du CNRC. Ce sont tous d’importants facteurs qui attirent les investisseurs.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Étant donné qu’il n’y a pas de taxe sur le carbone aux États-Unis, mais qu’il y en a une dans plusieurs provinces du Canada, croyez-vous que cela ne contribue pas à attirer les investisseurs puisque ce facteur rend le Canada moins compétitif vis-à-vis de nos voisins du Sud?

[Traduction]

M. Casey : Oui et non. Prenez l’exemple de l’entreprise Agrisoma, qui est en train de créer un carburéacteur pour les avions. L’imposition d’une taxe sur le carbone rend les combustibles fossiles moins concurrentiels, de sorte que si les transporteurs cherchent des moyens de réduire leur empreinte carbone sur le plan de la responsabilité sociale des entreprises, mais aussi d’un point de vue économique parce qu’ils devront payer une taxe, l’un des moyens de le faire, c’est en adoptant une technologie comme celle d’Agrisoma.

Alors, en effet, je conviens que, à certains égards, cela rend le Canada moins compétitif. Or, je crois que le domaine de la biotechnologie et les solutions qu’il propose interviennent là-dessus : permettre aux entreprises d’éviter de payer la taxe en leur fournissant la technologie qui réduira leurs émissions.

La sénatrice Miville-Dechêne : Puisque je suis membre du comité depuis peu, je ne m’y connais pas autant que mes collègues sur ces sujets.

Nous comparons souvent notre situation à celle des États-Unis. Pourrions-nous parler de l’Europe? Accusons-nous autant de retard par rapport à l’Europe que par rapport aux États-Unis sur le plan des normes et des politiques? Évidemment, aux États-Unis, il y a moins de règles qu’ici, pour le meilleur et pour le pire, selon de quoi nous parlons, comme la santé. Nous pouvons discuter de l’importance de la réglementation. Or, si nous nous en tenons à la technologie CRISPR, est-ce que l’Europe fait mieux que nous? Si c’est le cas, pourquoi?

M. Prouse : Non. Ian peut vous expliquer pourquoi.

M. Affleck : Nous faisons assurément mieux que deux endroits dans le monde : l’Europe et la Chine.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour différentes raisons?

M. Affleck : Les deux systèmes laissent à désirer pour des raisons grandement différentes, mais il est sûr que nous nous en tirons mieux qu’elles.

En Europe, la façon de gérer ces nouvelles technologies est encore plus obscure. Une décision très contraignante a été rendue par la Cour de justice concernant ces technologies et les Européens n’ont pas adopté de politique en conséquence. Ils ne le feront pas avant un an et demi. Pendant ce temps, il n’y a pas de recherches.

Cependant, l’occasion qui se présente, c’est qu’on estime que l’équivalent de 20 milliards de dollars en recherche quitte l’Union européenne à l’heure actuelle en raison de cette ambiguïté et se cherche un foyer. En Australie, il y a des orientations stratégiques et des énoncés de principe clairs sur la façon de faire à cet égard — ils ne sont pas aussi clairs que ceux des États-Unis, mais ils sont très clairs.

Je crois que l’important, c’est que le Canada pourrait avoir une approche unique quant à sa décision de réglementer ou non. Il est extrêmement important que cette approche soit claire, car même si un pays coûte légèrement plus cher, disons, en raison de la réglementation, si l’on peut inscrire le montant exact et qu’il y a une norme de service et qu’on sait quand le produit sera approuvé, alors on peut faire la planification et les calculs en conséquence. On peut le prévoir dans le budget et obtenir l’approbation dont Andrew parlait concernant la valeur de l’image de marque du Canada. Nous n’avons donc pas à harmoniser notre approche avec celle des États-Unis, mais elle doit être claire et nous devons continuer à faire mieux que l’Europe.

M. Prouse : Je ne mâcherai pas mes mots. À notre avis, l’Union européenne est allergique à la biotechnologie de façon irrationnelle. Cela complique beaucoup les choses pour les exportations canadiennes. Or, concernant le point qu’a soulevé Ian, une merveilleuse occasion se présente pour faire du Canada un endroit attirant pour les investissements en biotechnologie.

Voilà pourquoi nous voulons saisir cette occasion, car les Européens ne le font pas et ils ne le feront probablement pas de si tôt. Nous avons la capacité d’attirer les investissements dans le domaine de la biotechnologie qui quittent l’Europe, mais nous devons agir.

La sénatrice Bernard : Je suis désolée d’être arrivée en retard. J’ai manqué un exposé et je suis arrivée au beau milieu d’un autre exposé.

Vous en avez peut-être déjà parlé, mais je crois que dans certaines réponses qui ont été fournies à mes collègues, la question de la pénurie de main-d’œuvre a été soulevée. Dans quelle mesure une pénurie de main-d’œuvre a des répercussions sur votre industrie, sur vos secteurs, et est-ce que le secteur a recours à des travailleurs étrangers temporaires s’il y a une pénurie?

M. Casey : Oui, il y a deux éléments clés pour nos membres. Il y a d’abord les investissements, et nous en avons beaucoup parlé. L’une des tendances que nous avons observée au fil des ans, et que je trouve encourageante, c’est que les entreprises connaissent une croissance. Elles sont excellentes du point de vue scientifique, les investisseurs viennent et elles sont prêtes à accroître leurs activités et à passer à la commercialisation. L’un des obstacles auxquels elles se heurtent toujours, c’est l’accès aux talents, ou la disponibilité des talents, pour le dire d’une meilleure façon.

Encore une fois, comme pour les investissements, nous rivalisons avec le reste du monde pour les mêmes talents. On parle de scientifiques qui ont une excellente formation. Le Canada a une bonne partie de cette expertise, mais même les étudiants canadiens qui obtiennent un diplôme dans nos universités ne resteront pas nécessairement au Canada. S’il y a plus d’argent à faire aux États-Unis, en Europe ou au Brésil, ils iront là où l’argent se trouve, surtout s’ils sont jeunes. Donc, tout comme nous essayons d’attirer des investissements, nous devons être les plus compétitifs possible pour attirer des gens de talent.

Je ne sais pas si le concept de travailleur étranger temporaire s’applique autant à notre secteur. Il s’agit généralement d’une solution à court terme qui n’offre pas le type de ressources ayant les compétences et les connaissances scientifiques qu’il faut.

Nous devons aller plus loin. Je suis ravi de voir que les Tables de stratégies économiques reconnaissent la nécessité d’attirer des talents comme un objectif important pour faire avancer l’industrie. Je crois que c’est fondamental pour le Canada si nous voulons réussir.

La présidente : Je veux remercier les témoins d’avoir été présents ce soir. Mesdames et messieurs les sénateurs, un deuxième groupe de témoins comparaîtra devant nous dans quelques minutes. Par la suite, j’aimerais que nous poursuivions la séance à huis clos, comme nous en avions discuté il y a deux semaines.

Je remercie beaucoup les témoins. Vos exposés étaient concis et vous avez répondu aux questions. Nous vous en remercions. Nous sommes heureux que vous ayez comparu devant le comité.

Au nom des membres du comité, je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons des représentants de l’Association des transformateurs laitiers du Canada : le président et chef de la direction, M. Mathieu Frigon, et un des membres du conseil d’administration, M. Dominique Benoit.

Je croyais qu’il y avait une troisième personne, mais ce n’est pas le cas.

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Je vous demande maintenant de présenter votre exposé. Les sénateurs vous poseront des questions par la suite.

[Français]

Dominique Benoit, membre du conseil d’administration, Association des transformateurs laitiers du Canada : Bonsoir, madame la présidente. Au nom de l’Association des transformateurs laitiers du Canada, j’aimerais vous remercier de nous avoir invités à comparaître ce soir pour discuter de la manière dont le secteur des aliments à valeur ajoutée peut être plus compétitif. Je m’appelle Dominique Benoit, je suis trésorier et membre de l’exécutif au conseil d’administration de l’Association des transformateurs laitiers du Canada. Je suis également vice-président principal, Affaires institutionnelles et communications, chez Agropur Coopérative laitière. Mathieu Frigon, qui m’accompagne, est président et chef de la direction de l’Association de transformateurs laitiers du Canada.

Nous allons vous donner un aperçu de l’industrie laitière canadienne, de la transformation et des défis récents qui ont surgi et qui l’empêchent de réaliser son plein potentiel. Je vais laisser la parole à M. Frigon.

[Traduction]

Mathieu Frigon, président et chef de la direction, Association des transformateurs laitiers du Canada : Je vais faire mon exposé en anglais.

La contribution annuelle du secteur de la transformation laitière à l’économie nationale canadienne s’élève à 18 milliards de dollars, ce qui place l’industrie au deuxième rang des plus importantes industries de transformation des aliments au Canada, juste derrière la viande sur le plan des livraisons annuelles. Les transformateurs laitiers emploient directement 24 000 Canadiens dans 471 usines à travers le pays, ce qui représente une masse salariale annuelle de 1,2 milliard de dollars.

Nous sommes fiers de nos racines dans le Canada rural. Les usines de transformation laitière sont d’importants employeurs dans les collectivités rurales et soutiennent la production des 11 000 fermes laitières du Canada.

L’industrie de la transformation laitière au Canada a connu une croissance régulière de son produit intérieur brut réel au cours des cinq dernières années. Il a augmenté de 12,7 p. 100 depuis 2013, alors que l’ensemble du secteur manufacturier a vu ses contributions au PIB augmenter de 8,6 p. 100 au cours de la même période.

Cela a eu des répercussions sur l’ensemble du secteur laitier. Les transformateurs laitiers ont augmenté leurs achats de lait canadien de plus de 1,2 milliard de litres au cours des cinq dernières années. C’est une augmentation de 15 p. 100 sur cinq ans, ce qui a eu des avantages considérables pour les producteurs laitiers du Canada.

Vous vous demandez peut-être ce qui motive cette croissance soudaine.

Tout d’abord, le goût renouvelé des Canadiens pour les produits laitiers sains, comme la crème, le beurre et le fromage, a été un facteur important, mais cette croissance a aussi été stimulée par les 7,5 milliards de dollars que les transformateurs de produits laitiers ont investis dans leurs activités au cours des 10 dernières années.

Tous ces investissements ont eu un impact sur la productivité. Dans le secteur manufacturier, le secteur des produits laitiers a été un secteur vigoureux sur le plan de la productivité du travail. Cette productivité a augmenté de 38 p. 100 entre 2012 et 2017, comparativement à 31 p. 100 pour l’ensemble du secteur de la fabrication des aliments et seulement 8 p. 100 pour l’ensemble du secteur manufacturier canadien. La rémunération totale par heure travaillée dans la fabrication des produits laitiers est de 45 $ l’heure. Ce chiffre est supérieur de 35 p. 100 à celui de l’ensemble du secteur alimentaire et de 22 p. 100 à celui de l’ensemble du secteur manufacturier. Les consommateurs ont bénéficié des gains de productivité importants enregistrés dans l’industrie de la transformation laitière. Les prix de détail des produits laitiers ont diminué de 1,7 p. 100 au cours des cinq dernières années, alors que les prix de détail des produits alimentaires ont augmenté de 7,9 p. 100, avec un taux d’inflation global de 7,1 p. 100 dans l’économie.

Les transformateurs laitiers ont été motivés à faire progresser l’industrie et le Canada. Toutefois, un certain nombre de mesures prises récemment par le gouvernement pourraient compromettre les progrès réalisés par l’industrie de la transformation laitière ces dernières années. Cela nous amène à nous demander si le gouvernement partage notre conviction voulant qu’un secteur laitier fort soit bon pour le Canada.

Divers enjeux pourraient miner gravement la compétitivité de l’industrie de la transformation laitière. Je vais laisser mon collègue examiner chacun de ces enjeux en détail pour mieux vous faire connaître les répercussions des mesures prises par le gouvernement.

[Français]

M. Benoit : Comme vous le savez, l’Accord États—Unis—Mexique—Canada (AEUMC) donnera aux États-Unis 4 p. 100 d’accès de plus au marché canadien des produits laitiers, au cours des six prochaines années. Cela, en soi, est préjudiciable et s’ajoute aux conséquences des concessions relatives aux politiques laitières nationales, notamment les retenues à l’exportation et les prix, qui seront tout aussi préjudiciables. Ce que le Canada a accepté aura une incidence sur sa souveraineté en ce qui concerne l’établissement de sa politique laitière. Cela aura un impact important sur les transformateurs laitiers canadiens et pourrait probablement mettre en péril leurs investissements antérieurs et ceux qui sont prévus.

Cela dit, vous ne pouvez pas examiner les impacts de l’AEUMC de manière isolée. Ils doivent l’être dans le contexte de la politique commerciale canadienne plus large et parallèlement aux concessions d’accès au marché accordées dans le cadre de l’AECG et du PTPGP, qui vont permettre respectivement plus de 4 p. 100 d’accès au marché des fromages, et 3,25 p. 100 au marché global des produits laitiers. Notre association estime que les pertes découlant des engagements d’accès en vertu de ces trois accords s’élèveront à plus de 2 milliards de dollars au cours de leur mise en œuvre. L’Association des transformateurs laitiers du Canada a affirmé sa conviction que les résultats de tout accord commercial doivent contribuer à la croissance continue du secteur des produits laitiers. Cela comprend, à la fois, les transformateurs et les producteurs. Toutefois, ce dont le Canada a convenu avec l’AECG, le PTPGP et l’AEUMC n’offre pas d’occasions avantageuses à son secteur laitier national.

Il y a une contradiction entre les déclarations publiques du gouvernement quant à son « appui au secteur laitier et à la gestion de l’offre », et l’utilisation constante du secteur laitier national comme monnaie d’échange dans les négociations commerciales.

Ce dont le Canada a convenu dans ces accords freinera l’innovation, ralentira la croissance du marché et créera des pertes supplémentaires pour les transformateurs laitiers qui ont réalisé des investissements très importants au cours des dernières années afin d’améliorer leur capacité de transformer le lait au Canada. Il est donc urgent que le gouvernement élabore, en partenariat avec l’industrie, une vision à long terme du secteur des produits laitiers. Nous devons définir clairement les objectifs du Canada et établir un plan d’action pour aller de l’avant.

Bien que nous ne soyons pas satisfaits des résultats de ces accords — et c’est le moins que l’on puisse dire —, nous pouvons comprendre que la dynamique des accords commerciaux est telle que les gouvernements doivent travailler avec des partenaires et ne peuvent pas uniquement dicter le résultat des négociations. Cependant, nous sommes préoccupés par un certain nombre de décisions récentes susceptibles de freiner davantage la croissance de notre secteur où le gouvernement est le seul décideur et a, pour ainsi dire, les deux mains sur le volant.

La première des décisions néfastes du gouvernement concerne l’attribution des quotas d’importation, ou les contingents tarifaires, associés à l’accès au marché dans le cadre des accords commerciaux. Les contingents tarifaires sont les licences qui permettent l’importation de produits au Canada en franchise de droits de douane. L’Association des transformateurs laitiers a insisté pour que ces contingents tarifaires soient considérés comme un élément clé de toute compensation pour les pertes subies par les transformateurs laitiers découlant d’accords commerciaux.

Or, la décision du gouvernement d’attribuer les quotas d’importation des produits laitiers en vertu de l’AECG à d’autres parties prenantes a sapé les modèles commerciaux des transformateurs laitiers et découragé les investissements futurs dans les capacités de fabrication.

Tant que le Canada continuera de développer ses échanges commerciaux, cela continuera à poser un problème. C’est un problème, en ce moment, avec le PTPGP et nous soupçonnons que ce sera encore le cas avec l’AEUMC. Le gouvernement fédéral ne peut continuer à compenser des industries qui ne sont pas touchées négativement par ces accords commerciaux et à traiter injustement une industrie clé, la transformation laitière, qui a contribué à renforcer et à développer le marché national des produits laitiers au cours des 10 dernières années.

Ainsi, notre association demande au gouvernement de tirer des leçons de cette erreur et d’attribuer aux transformateurs laitiers l’ensemble des quotas d’importation issus du PTPGP. Nos membres possèdent l’expertise nécessaire pour importer une grande variété de produits laitiers d’une manière qui ne perturbe pas le marché canadien et qui profite à tout le monde, du producteur au consommateur.

Je vais laisser M. Frigon poursuivre son exposé.

[Traduction]

M. Frigon : Au-delà des accords commerciaux, les transformateurs laitiers ont été confrontés aux répercussions possibles du projet de réglementation gouvernementale sur l’étiquetage sur le devant des emballages, qui, si elle est appliquée, pourrait exiger que 90 p. 100 des produits laitiers portent une étiquette de mise en garde. L’Association des transformateurs laitiers du Canada est d’avis que les étiquettes proposées sur le devant des emballages simplifient à l’excès ce qui rend un produit sain. Elles n’aideront pas les Canadiens à faire des choix éclairés pour eux-mêmes et leur famille et pourraient avoir de graves conséquences inattendues.

Quelles sont ces conséquences inattendues? Les produits riches en nutriments, comme les produits laitiers, seront vilipendés, tandis que les grignotines à calories vides auront le feu vert. Par exemple, le fromage devra porter une étiquette de mise en garde, alors qu’un sac de chips à saveur de « bacon fumé » ou de « jalapeño et cheddar » n’y sera pas contraint. Un contenant de boisson lactée enrichie de calcium à 2 p. 100 devra porter une étiquette de mise en garde, mais pas un cola diète, une boisson énergisante sans sucre ou une bière. Voici un autre exemple : le sucre brut et le sel seront exemptés, alors que le beurre et la crème devront porter une étiquette de mise en garde.

Il est prévu que les produits laitiers représenteront 50 p. 100 de tous les produits qui devront porter des étiquettes nutritionnelles sur le devant des emballages. La réglementation proposée nuira à l’industrie de la transformation laitière plus qu’à toute autre industrie de transformation des aliments. De plus, cela n’améliorera pas la santé des Canadiens, ce qui est et devrait être l’objectif global de la Stratégie en matière de saine alimentation du gouvernement canadien.

L’ATLC souscrit sans réserve à cet objectif, mais la réglementation sur l’étiquetage sur le devant des emballages, telle que proposée actuellement par le gouvernement, ne contribuera pas à atteindre cet objectif. En réalité, elle aura l’effet inverse.

Je vais laisser mon collègue, Dominique Benoit, conclure notre exposé.

[Français]

M. Benoit : Comme je l’ai dit plus tôt, les transformateurs laitiers ont été motivés à voir notre industrie se développer et croître. En tant qu’industrie, nous avons beaucoup investi pour stimuler une croissance significative au cours de la dernière décennie et nous aimerions la voir continuer sur cette voie. Ces cinq dernières années, l’industrie de la transformation laitière a répondu à tout ce qu’un gouvernement peut souhaiter normalement : la croissance du PIB et de la productivité, ainsi que beaucoup plus d’emplois mieux rémunérés que dans tout autre secteur manufacturier.

Cela dit, il faut que le gouvernement comprenne que ses actions récentes ont créé une instabilité dans notre environnement commercial. Il est important que le gouvernement détermine maintenant quelles mesures peuvent être prises pour assurer la stabilité et la prévisibilité nécessaires pour encourager les investissements et la croissance. Dans l’immédiat, cela comprend l’attribution de tous les quotas d’importation dans le cadre du PTPGP aux transformateurs laitiers, la révision des contingents tarifaires de l’AECG sur les fromages pour les réaffecter aux transformateurs laitiers, et le report de la réglementation proposée en matière d’étiquetage sur le devant des emballages afin de permettre un examen plus approfondi des preuves utilisées pour étayer sa mise en œuvre.

Enfin, il est urgent que le gouvernement élabore avec l’industrie une vision à long terme assortie d’objectifs et d’un plan d’action clairement définis. Ce n’est que par un tel exercice de vision que les transformateurs et les producteurs pourront envisager l’avenir avec une confiance et un enthousiasme renouvelés.

Je vous remercie de votre temps et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Cela nous donne beaucoup à réfléchir. Excellents exposés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, messieurs, de votre excellente présentation. Elle est très claire. Vous avez mis beaucoup d’effort pour la rédaction de ce mémoire, qui reflète la réalité que vivent les producteurs laitiers à l’heure actuelle. Lorsque vous dites que les différents traités vont engendrer une perte de 2 milliards de dollars sur 18 milliards, c’est un facteur important de dollars. Cela met en péril bien des organisations agricoles.

Depuis la signature de l’Accord États-Unis—Mexique—Canada, il y a un engouement de la presse pour faire valoir les produits américains. À ma connaissance, le Canada est parmi les meilleurs producteurs laitiers au monde. Beaucoup de gens dans le monde nous l’ont dit, particulièrement en Europe. On nous arrive avec des produits américains que les Canadiens ne connaissent pas. Quant à la publicité autour de cela, c’est un gros défi, mais il faut convaincre le consommateur. Je vous donne l’exemple de Fairlife que l’on peut voir à la télévision et dans certains magasins. Après les pyramides d’Égypte, c’est Fairlife qui arrive! Les consommateurs doivent connaître ce produit, d’où il vient, comment il est fait, et ses effets sur celui qui le consomme.

Finalement, le système de compensation des autres pays, à mes yeux, n’est pas tout à fait honnête. On dit qu’aux États-Unis, le meilleur revenu des agriculteurs provient de la boîte aux lettres, où se trouvent les chèques du gouvernement. Nous n’avons pas cela au Canada. C’est bien cela, sénateur Mercer? Cette information vient du sénateur Mercer. Je peux citer Victor Hugo, mais je peux aussi citer le sénateur Mercer de temps en temps!

Cette forme de compensation devient un problème majeur pour vous. Comment les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent-ils travailler avec vous pour éviter cette disproportion envers les agriculteurs et les producteurs laitiers? Comment faire pour compenser cela et pour garder notre production laitière en bonne santé?

M. Benoit : Merci pour cette question à plusieurs volets. Vous avez mis le doigt sur un enjeu important. Vous avez mentionné le cas de Fairlife. Le gouvernement semble être obnubilé par l’investissement étranger. Dans ce cas-ci, il a offert des licences d’importation à cette entreprise, qui a maintenant un important avantage concurrentiel pour mettre son produit sur le marché parce que le gouvernement voulait attirer un investissement.

Comme nous l’avons mentionné lors de la présentation, les entreprises canadiennes investissent massivement, et ce, très souvent, avec très peu ou aucun appui. C’est une réalité que nous dénonçons. Les entreprises canadiennes qui investissent ici au Canada créent des emplois ici au Canada. Encore une fois, le gouvernement, obnubilé par l’attraction des investissements étrangers, est prêt à faire beaucoup plus pour attirer ces investissements que pour appuyer les entreprises canadiennes. C’est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup.

Les fermes canadiennes sont payées pour leur coût de production. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays, comme vous l’avez mentionné. La production laitière est subventionnée à bien des égards dans d’autres pays. C’est le cas aux États-Unis et en Europe. Nous devons faire la concurrence à cela. Lorsque le gouvernement canadien donne la possibilité à une entreprise d’importer ses produits au Canada, elle lui donne aussi un avantage concurrentiel.

Vous avez parlé au début de votre intervention de l’impact des 2 milliards de dollars sur les 18 milliards de dollars de l’économie laitière du Canada. Dans les faits, le Canada, dans le cadre des trois accords, a accordé près de 10 p. 100 de son marché à l’importation étrangère. Lorsqu’on additionne l’AECG, le PTPGP et l’AEUMC, c’est près de 10 p. 100 de notre marché qui sera donné aux étrangers. Nous croyons au marché canadien — je parle ici non seulement d’Agropur, mais de l’ensemble des transformateurs —, nous investissons au Canada et maintenant, notre croissance au cours des prochaines années ira aux producteurs et transformateurs étrangers.

Une façon de nous appuyer serait de nous octroyer des quotas d’importation afin de nous permettre d’importer ces produits-là. C’est une forme de compensation parce que si ces quotas sont donnés à l’industrie de la transformation, ils pourront continuer à se développer au Canada afin de proposer aux consommateurs des produits complémentaires aux produits canadiens, ce qui avantagera les transformateurs et les consommateurs.

Le sénateur Maltais : Vous ne demandez pas d’aide financière, mais plutôt des quotas d’exportation afin de récupérer cette partie que vous avez perdue, si je comprends bien?

M. Frigon : Il y a deux composantes principales aux programmes d’atténuation, à l’issue des accords de libre-échange, comme les trois qui nous préoccupent en ce moment. Premièrement, il y a l’allocation des contingents tarifaires qui doit être allouée aux transformateurs laitiers. Deuxièmement, il y a des programmes d’aide à l’investissement dans l’innovation pour continuer d’accroître la productivité dans les entreprises, et mieux positionner le secteur de la transformation et l’ensemble du secteur laitier pourqu’ils soient compétitifs dans un horizon à moyen terme.

Le sénateur Maltais : Merci. Je souhaite bonne chance à mes collègues.

[Traduction]

La présidente : Sénateur Maltais, je pense que d’autres avaient peut-être les mêmes questions que vous.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup pour votre exposé très clair. En effet, voilà une autre crise difficile pour le secteur.

J’ai rencontré la semaine dernière une dizaine de producteurs laitiers. Je ne parle pas de transformateurs, mais de producteurs sur les fermes. Quelques-unes de vos remarques m’ont intéressée. Eux, ils étaient très inquiets des négociations à venir avec les transformateurs pour la vente de leurs produits. Vous allez vous trouver dans une situation extrêmement difficile, et vous l’êtes déjà, avec les produits en provenance des États-Unis. Une partie de vos intrants, qui, j’imagine, sont moins chers, vient des États-Unis et est utilisée pour fabriquer du fromage ou d’autres produits.

Comment voyez-vous la situation? On le sait, la classe 7 est abolie. Il va falloir recommencer les négociations. Vous dites que vous achetez beaucoup de lait, et j’en suis convaincue. Toutefois, vous allez devoir rester compétitifs. Or, certains produits viennent d’ailleurs et les intrants sont moins chers.

Ma deuxième question concerne ces fameuses compensations. Les producteurs nous ont dit que, pour les investissements en innovation, le programme est ainsi fait qu’il touche très peu de gens; c’est premier arrivé, premier servi. On parle maintenant d’une loterie et cela ne correspond pas à leurs besoins. Vous a-t-on offert, dans la première tranche de compensations, des investissements? Est-ce que cela correspond à ce dont vous avez besoin?

Voici deux grandes questions.

M. Benoit : Agropur est une coopérative. Peut-être que les producteurs que vous avez rencontrés sont des membres ou des propriétaires de notre entreprise. Je crois que les producteurs ont raison d’être inquiets de la situation actuelle où une importante partie de leur marché, à l’avenir, ira aux producteurs de lait à l’extérieur du Canada. Ceux-ci produiront du beurre, du fromage et du lait aux fins d’importation au Canada.

Il y a donc une grande préoccupation. Il est un peu prématuré de parler de la classe 7, car nous n’avons pas vu le texte de l’accord final. On ne sait pas exactement quels engagements le Canada a pris. Il est clair, par contre, que la classe 7 va disparaître. Toutefois, que va-t-elle devenir? La classe 7 était importante pour nous permettre de gérer nos surplus de solides non gras au Canada. Comme dans tous les pays du monde, il y a des surplus de protéines laitières ou de solides non gras. La classe 7 nous permettait de gérer ces solides non gras. Elle permettait également aux transformateurs d’avoir accès à une matière première canadienne à prix concurrentiel.

Il existe donc en ce moment un grand point d’interrogation pour lequel je n’ai pas de réponse. On ne sait pas ce qui va arriver. Il est encore tôt et les textes ne sont pas tous connus.

Pour ce qui est de notre industrie, avec la gestion de l’offre on a la chance d’avoir un système qui nous donne un cadre réglementaire et qui nous permet d’opérer, tant les producteurs que les transformateurs. Il offre aux consommateurs des produits de qualité à prix raisonnable. Avec ces trois accords, y compris le dernier, une partie de cette souveraineté est donnée à d’autres. Pour l’industrie, ce n’est pas favorable.

Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourriez-vous ajouter vos commentaires sur la question des compensations?

M. Frigon : Si on prend l’exemple de l’accord de libre-échange Canada-Europe, on a reçu effectivement 100 millions de dollars, ce qui est nettement insuffisant.

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est la part des transformateurs?

M. Frigon : Oui. Or, les pertes totales sont estimées, de façon conservatrice, comme on l’a fait à l’époque, à plus de 700 millions de dollars. Quand l’annonce des 100 millions de dollars a été faite, on a estimé que cette somme ne couvre donc que 15 p. 100 des pertes. Il fallait donc que les contingents tarifaires soient alloués aux transformateurs pour compenser une partie des 85 p. 100 en pertes restantes. Malheureusement, on nous a alloué moins de 50 p. 100 des contingents tarifaires. On a donc été amèrement déçu de cette décision.

On le répète, la question de l’allocation des contingents tarifaires est une partie intégrante de tout programme de compensation. Ce n’est pas uniquement une question de compensation. La compensation est une question très importante, mais il faut aussi minimiser l’impact sur la perte d’emplois et la fermeture de lignes de production, parce que les transformateurs laitiers ont un intérêt à importer des produits qui vont compléter l’offre sur le marché domestique plutôt que de la substituer. Si on substitue l’offre sur le marché domestique, cela causera la fermeture de lignes de production et entraînera des pertes d’emplois.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais insister sur la question des contingents tarifaires. Vous souhaitez avoir le monopole sur quel genre de fromages, par exemple, qui arrive de France, pour ne pas concurrencer les mêmes qu’on produit au Québec? Est-ce ce dont vous parlez?

M. Benoit : Prenons l’accord commercial Canada-Europe. Les Européens se sont fait octroyer un certain volume de fromages. En effet, 17 500 tonnes de fromage doivent être importées au Canada. La question, qui se trouve entre les mains du gouvernement fédéral, devient : qui aura autorité pour importer ces fromages au Canada, soit les amener au Canada et les distribuer sur le marché canadien? Quand on parle des quotas tarifaires, c’est la méthode d’allocation de ce droit de commercialiser au Canada les fromages importés. Comme l’a mentionné Mathieu, dans l’accord Canada-Europe, environ 45 p. 100 des quotas d’importation ont été alloués à des entreprises comme Agropur et à d’autres transformateurs. Le reste a été alloué à d’autres entreprises canadiennes qui ne sont pas des transformateurs. À notre avis, ces entreprises en tireront des avantages sans avoir subi les effets négatifs de l’accord.

Comme transformateurs, nous allons subir pleinement les effets négatifs. Une façon d’appuyer l’industrie serait d’octroyer ces droits d’importation aux fabricants canadiens qui subissent les impacts de l’accord afin de réduire l’impact de l’accord. Une fois qu’une entreprise comme Agropur aura obtenu ce droit, l’importation se fera dans le cadre de stratégies afin d’être complémentaire à ce que nous fabriquons au Canada et ne pas détruire ce qu’on fabrique au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je siège au comité depuis près de 15 ans, et c’est la première fois que je suis en désaccord avec des producteurs laitiers venus témoigner ici. J’ai été le plus ardent défenseur de la gestion de l’offre au comité. J’ai débattu de la gestion de l’offre avec les conservateurs de ce comité, à l’époque du gouvernement Harper, et j’ai essayé de faire comprendre aux gens l’importance de la gestion de l’offre. Je suis un fervent partisan de ce système.

J’habite dans une province servie — et bien servie — par votre coopérative.

Ces trois accords commerciaux sont conclus, et nous ne pourrons pas les modifier. Parlons des occasions que cela représente.

Concernant la productivité du travail dans le secteur manufacturier, vous avez indiqué que la productivité du travail dans l’industrie de la transformation laitière a augmenté de 38 p. 100 de 2012 à 2017. C’est extrêmement positif. Je préférerais qu’on se concentre là-dessus. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que le gouvernement devrait intervenir pour mettre un terme à la lubie d’apposer sur les produits laitiers des étiquettes laissant sous-entendre qu’ils ne sont pas sains.

Qui ici n’a pas eu une mère qui insistait pour qu’on boive notre lait? J’ai 71 ans et je suis prêt à parier que si je n’avais pas été un grand consommateur de lait, je ne serais pas ici aujourd’hui. Si j’avais cessé de consommer d’autres choses, je serais probablement en meilleure santé.

Toutefois, je pense que des occasions s’offrent à nous. Parlons des aspects positifs. Les accords ne seront pas modifiés; cela n’arrivera pas. Parlons donc de votre productivité. Parlons de la modification des étiquettes sur les emballages et faisons cesser le discours selon lequel les produits laitiers ne sont pas sains. Ces produits sont sains depuis des centaines d’années. Rien n’a changé. Il y a probablement un problème avec les pommes ou avec le fait de manger trop de carottes. J’en mange beaucoup quand je suis ici. Quoi qu’il en soit, concentrons-nous sur le positif.

Les Européens seront de redoutables concurrents pour le fromage, parce que le fromage est une affaire sérieuse là-bas, et que les Européens estiment fabriquer le meilleur fromage au monde. Je ne suis pas d’accord. Je pense que le meilleur fromage au monde est fabriqué ici même, au Canada.

Nous avons maintenant un accord commercial avec les pays asiatiques, ce qui représente une occasion de créer un tout nouveau marché pour nos produits. Vous êtes efficaces, comme le démontre votre production actuelle. Vous avez consolidé les activités — avec Agropur, par exemple — en incluant Farmers Dairy, de Halifax, dans l’équation. Parlons des occasions que cela représente.

J’ai un dernier commentaire. Je comprends qu’on puisse se dire déçu des 100 millions de dollars. Toutefois, pendant des années, lorsque les gens débattaient du système de gestion de l’offre, je disais toujours : « Trouvez dans le budget du Canada un poste budgétaire pour des subventions aux agriculteurs. » Ils n’en trouvaient pas. Devinez la suite : maintenant, ils en trouveront. Si vous étudiez l’histoire du système de gestion de l’offre de la Nouvelle-Zélande, vous constaterez que ce qui a mené à sa perte, et presque à l’effondrement du pays, ce sont les subventions aux agriculteurs.

Voyons le positif. Nos agriculteurs et producteurs sont très efficaces, et il y a un marché. En 2050, il y aura 9,7 milliards de personnes sur cette planète.

Sénateur Maltais, je tiens à vous remercier de la comparaison avec Victor Hugo. J’aimerais que ma mère soit toujours vivante, car je serais ravi de retourner à la maison pour lui dire qu’on m’a comparé à Victor Hugo.

Quoi qu’il en soit, il existe d’énormes marchés, non pas avec les États-Unis, dans certains cas, mais avec l’Asie. Discutons des façons d’en tirer parti. Que pouvons-nous faire? Que peut faire le gouvernement? Il faut d’abord se débarrasser des étiquettes sur le devant de l’emballage. Je suis tout à fait d’accord avec vous là-dessus. Que pouvons-nous faire de plus pour faciliter et accroître l’efficacité du commerce des produits laitiers canadiens à l’échelle mondiale?

La présidente : Malheureusement, le sénateur Mercer a utilisé la totalité des cinq minutes.

Le sénateur Doyle : J’ai un peu de difficulté à comprendre le passage suivant, à la page 10, concernant l’étiquetage : « Il est prévu que les produits laitiers représenteront 50 p. 100 de toutes les unités de gestion des stocks, UGS, qui devront porter des étiquettes nutritionnelles sur le devant des emballages. » Pouvez-vous en dire davantage sur ce phénomène? En outre, vous demandez le report de la réglementation proposée sur l’étiquetage sur le devant des emballages. Le gouvernement est-il réceptif? Souhaitez-vous un examen plus approfondi des données sur lesquelles la réglementation sur l’étiquetage est fondée? Cet enjeu semble être sur toutes les lèvres. Faites-vous des progrès à cet égard?

M. Frigon : Nous sommes d’avis que l’approche préconisée par le gouvernement pour l’étiquetage est beaucoup trop simpliste.L’étiquetage sur le devant de l’emballage ne vise que trois nutriments : les gras saturés, le sucre et le sodium. Puisque les produits laitiers sont riches en nutriments — notamment les vitamines A et D, le calcium, et cetera —, ils entrent souvent dans la catégorie visée et devront par conséquent avoir une étiquette de mise en garde sur le devant de l’emballage. Concrètement, 90 p. 100 des produits laitiers devront avoir une telle étiquette.

Pour beaucoup d’autres produits hautement transformés qui ont une longue liste d’ingrédients, il sera plus facile de reformuler, de sorte que leurs producteurs pourraient se soustraire à la réglementation proposée. Parmi tous les produits alimentaires qu’on retrouve sur les tablettes des épiceries, les produits laitiers représenteront 50 p. 100 des produits qui devront être munis d’une mise en garde. Nous examinons cela du point de vue de l’intention initiale de la réglementation, qui est d’améliorer la santé des Canadiens. Nous sommes d’avis que cet objectif ne sera pas atteint, puisque la mesure se trouve à cibler injustement la totalité des produits laitiers, des produits sains et riches en nutriments.

Les possibilités de reformulation sont donc limitées pour les produits laitiers, comparativement aux produits ayant une longue liste d’ingrédients, car plus la liste est longue, plus il est possible de reformuler pour que la teneur en gras saturés, en sodium et en sucre soit en deçà des seuils établis.

Le sénateur Doyle : Le gouvernement se trouve-t-il ainsi à vous aviser de changements à venir pour vous aider à vous préparer? Croyez-vous pouvoir tirer votre épingle du jeu, pour ainsi dire?

M. Frigon : Il est juste de dire que nous recevons des messages contradictoires en ce moment. Nous poursuivons nos efforts, car cet enjeu nous préoccupe énormément. Cela aura des conséquences considérables sur le secteur laitier. Donc, nous recevons des signaux ambigus, nous poursuivrons nos efforts dans ce dossier.

M. Benoit : Et nous avons besoin de votre aide.

Le sénateur Doyle : Qu’en est-il de l’étiquetage des produits laitiers aux États-Unis? Prennent-ils des mesures comparables à celles du Canada? Ils sont plutôt muets à ce sujet.

M. Frigon : Ils n’ont pas de mises en garde obligatoires. Le Chili a un régime d’étiquetage obligatoire, mais c’est complètement différent que ce qui est proposé ici. Le Chili ciblait les aliments hautement transformés, c’est-à-dire qu’il ciblait les gras saturés, le sucre et le sodium ajoutés et non les gras saturés ou les sucres naturels.

Qu’est-ce qu’on considère comme des sucres naturels? Prenons à titre d’exemple le lactose qu’on trouve dans le lait, ou encore le sucre des fruits dans les jus de fruits purs à 100 p. 100.

En ce qui concerne l’étiquetage obligatoire sur le devant de l’emballage, le Chili est un exemple, mais je n’en connais pas d’autres. Cela dit, la situation est totalement différente.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs.

Les Américains sont des spécialistes des mesures antidumping. Ils considèrent comme du dumping tout produit vendu sur le marché américain en quantité supérieure au produit américain, ou tout produit fortement subventionné par les gouvernements étrangers. Compte tenu de la faiblesse du dollar canadien et de la concurrence prochaine des produits américains avec les produits laitiers canadiens, comment pourront-ils être concurrentiels sans subventions? Une vache est une vache, peu importe où elle se trouve, et chaque vache ne donne qu’une certaine quantité de lait. Ce n’est pas sorcier. Quelle est l’incidence de cette différence de prix? Les Américains font-ils du dumping dans notre marché?

M. Benoit : Je dirais d’abord que oui, ils sont subventionnés. Ils peuvent vendre leurs produits au Canada à bien meilleur prix que nous, parce que leur production agricole est subventionnée. Deuxièmement, je pense que le Canada a fait, il y a de nombreuses années, un choix de société : créer le système de gestion de l’offre et indemniser les producteurs pour les coûts de production du lait.

Aux États-Unis, le producteur reçoit deux chèques, un du transformateur et un autre du gouvernement. Au Canada, nous avons décidé de favoriser les exploitations familiales, des fermes de taille raisonnable permettant aux familles de gagner leur vie. Aux États-Unis, on trouve des fermes de 3 000, 5 000 et 10 000 têtes de bétail, avec tous les problèmes associés aux fermes industrielles. Il n’est pas question de se prononcer sur le bien-fondé ou non de la chose; disons simplement que les deux pays ont des systèmes différents. Au Canada, nous avons choisi un système géré par un regroupement de transformateurs, que nous appuyons. En tant que coopératives, nous appuyons ce système sans réserve, mais en réalité, sur le plan de la concurrence, nous avons besoin de l’appui du gouvernement canadien.

Avec cet accord commercial, le gouvernement nous indique qu’il ne nous appuie pas tant que cela.

Le sénateur Oh : Le nouvel accord, l’AEUMC, comprend-il des dispositions antidumping pour les produits laitiers? Le savez-vous?

M. Frigon : Le texte canadien n’a pas encore été publié. Nous devons donc faire preuve de prudence pour ce qui est de faire des commentaires quant aux effets précis. Nous attendons d’avoir la version canadienne du texte, car le libellé a une grande importance. Nous serons ensuite mieux placés pour nous prononcer.

Le sénateur Oh : C’est important. Étant donné la faiblesse du dollar canadien, s’ils investissent notre marché et nous font concurrence, vous devrez tout de même faire un profit. Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités.

Je ne sais pas si cela peut vous consoler, mais on disait aujourd’hui que l’accord ne serait pas signé avec les élections de mi-mandat américaines et qu’il devrait être étudié à nouveau par les nouveaux sénateurs. Cela n’irait donc pas avant l’an prochain, mais cela ne change pas le problème.

J’aimerais revenir sur la question de l’étiquetage, car cette façon d’en arriver à l’adoption d’un règlement à cet égard m’apparaît un peu incohérente.

Vous avez mentionné plus tôt que les Américains peuvent se soustraire à l’obligation de l’étiquetage. Toutefois, je ne comprends pas la logique de l’étiquetage. On dit que les produits doivent être étiquetés pour préserver la santé des Canadiens. Toutefois, si j’ai bien compris, les fonctionnaires responsables de ce programme auraient décidé qu’une canette de Coke et un sac de croustilles seraient moins dommageables pour la santé qu’une pinte de lait. En effet, il n’y a pas beaucoup d’information sur l’étiquette d’une canette de Coke et d’un sac de croustilles.

Qu’est-ce qui a mené à de telles décisions incohérentes? Ce sont des décisions qui vont nuire à vos produits. S’il n’y a pas d’obligation pour étiqueter un Coke et un sac de croustilles, pourquoi alors étiqueter une pinte de lait?

Je comprends que, parfois, le gouvernement ou les fonctionnaires signent de mauvais accords, mais là ils ont peut-être de mauvais étiqueteurs. Tant qu’à être mauvais, aussi bien l’être en tout.

M. Frigon : C’est une très bonne question. Il y a certainement eu des problèmes et des lacunes importantes en ce qui a trait au processus de consultation et pour tenir compte de l’ensemble des études scientifiques disponibles, notamment les plus récentes qui sont très avantageuses pour les produits laitiers.

Assurément, il y a eu des problèmes en ce qui a trait au processus afin d’en arriver là. Tout cela a débuté avec un objectif noble et tout à fait louable, soit celui d’améliorer la santé des Canadiens, mais ce qui est proposé devant nous n’atteindra pas du tout cet objectif. C’est symptomatique d’un grave problème en ce qui a trait au processus de consultation lorsqu’on propose un outil qui n’atteint pas l’objectif original mis de l’avant par le gouvernement.

Le sénateur Dagenais : Qu’est-ce qui est préoccupant dans le cadre de ce nouvel accord? Est-ce que cela permettra une plus grande importation de lait diafiltré au Canada?

On sait que beaucoup de gens consomment du lait diafiltré — on ne nommera pas la compagnie qui en produit, car tout le monde la connaît —, mais est-ce que cela peut avoir des conséquences dommageables? On sait que le lait diafiltré circule pas mal aux douanes.

M. Benoit : C’est un peu une variable inconnue actuellement. C’est pour cela qu’on disait plus tôt qu’on ne connaît pas toute l’ampleur de ce phénomène. On sait qu’il y a des engagements en vue de l’élimination de la fameuse classe 7. Maintenant, ce à quoi le gouvernement s’est engagé en éliminant la classe 7, c’est pour nous une variable inconnue pour l’instant. On attend de voir les textes finaux qui nous permettront de mieux éclaircir la question.

Il y a deux raisons majeures à la classe 7 : d’une part, nous donner un outil pour gérer nos surplus de solides non gras et, d’autre part, nous donner un outil pour concurrencer les importations de lait diafiltré, entre autres ingrédients. Sans cet outil, cela nous amène à beaucoup plus de questions que de réponses pour l’instant.

Le sénateur Dagenais : Lors des négociations dans le cadre de nouvelles ententes entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, est-ce que les producteurs laitiers participent à ces discussions? Êtes-vous consultés? Normalement, le gouvernement dit qu’il consulte, qu’il s’interroge et qu’il va voir les Canadiens. Est-ce qu’il vous consulte et vous amène à la table? Il faudrait qu’il vous écoute de temps en temps.

M. Benoit : Je crois que les négociateurs — le gouvernement canadien — ont mené des consultations. Toutefois, ce sont eux qui prennent les décisions. Ce n’est certainement pas l’industrie qui a proposé d’ouvrir des accès au marché et l’élimination de la classe 7, et de donner notre souveraineté aux Américains dans le déploiement d’une nouvelle politique laitière canadienne. C’est clair que non.

Le sénateur Dagenais : Autrement dit, il vous consulte, mais il ne vous écoute pas.

M. Benoit : En tout respect pour nos négociateurs qui ont travaillé très fort — il n’y a pas de doute là-dessus —, le gouvernement canadien a beaucoup concédé au gouvernement Trump.

Le sénateur Dagenais : Peut-être au profit d’autres choses. Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente : Merci à tous. Nous avons eu une excellente discussion ce soir. C’est un sujet d’actualité très délicat. Cela dit, je tiens à remercier nos témoins d’être venus. Vous avez été sur la sellette pendant une heure.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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