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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

-LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 6 février 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 4, afin d’étudier le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, et à huis clos, afin d’étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

[Français]

Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice indépendante représentant le Québec et je suis présidente de ce comité.

[Traduction]

Nous allons commencer par les présentations. Je demanderais à mes collègues de se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, territoire du traité no 6, Alberta.

La sénatrice McCallum : Sénatrice McCallum, traité no 10, région du Manitoba.

Le sénateur Richards : David Richards, Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, territoire du traité no 6, Alberta.

Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice McCoy : Elaine McCoy, de l’Alberta.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de Toronto.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La présidente : Ce matin, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

[Traduction]

Avant de vous présenter nos invités, j’aimerais dire que notre première séance a eu lieu hier. C’était une sorte de séance marathon, mais les choses ont beaucoup progressé et nos discussions ont été constructives. Nous travaillons au plan global pour l’étude du projet de loi.

Je veux dire également qu’à titre de présidente du comité, je dois surveiller le temps alloué et donner à tous les sénateurs la même possibilité de poser des questions. C’est pourquoi je limiterai la durée des interventions à cinq minutes par sénateur, et nous verrons s’il y aura un second tour.

Je vais vous dire l’ordre que nous suivrons pour les interventions. Ce sont les deux vice-présidents qui commenceront, soit le sénateur MacDonald et la sénatrice Cordy. Ce sera ensuite au tour des autres membres du comité — nous ne les avons pas nommés, mais plus tard, il y aura le parrain et le porte-parole — et nous terminerons avec les sénateurs qui sont ici. Chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre présence. Je sais que le projet de loi intéresse grandement la population et bon nombre d’intervenants.

Le sénateur Patterson : Madame la présidente, est-ce que les réponses sont incluses dans les interventions de cinq minutes? Il s’agit de cinq minutes par sénateur, questions et réponses comprises, n’est-ce pas?

La présidente : Oui.

Le sénateur Patterson : Nous devrions l’indiquer clairement aux témoins. Ils peuvent parfois parler longtemps, sans vouloir les offenser.

La présidente : Oui, tout à fait. S’il vous plaît, gardez à l’esprit que nous devons rester brefs, de sorte que nous puissions couvrir le plus de grand nombre de sujets possible.

Nous accueillons aujourd’hui le sous-ministre d’Environnement et Changement climatique Canada, M. Stephen Lucas.

Il y a ensuite parmi nous des représentants de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale : le président, M. Ron Hallman; et la vice-présidente du Secteur d’élaboration des politiques, Mme Christine Loth-Bown.

Nous accueillons également des représentants de Ressources naturelles Canada : la sous-ministre, Mme Christyne Tremblay, et le directeur général intérimaire de la Direction des ressources pétrolières, Secteur de l’énergie, M. Timothy Gardiner.

Il y a enfin, de Transports Canada, Mme Thao Pham, sous-ministre déléguée; et Mme Nancy Harris, directrice exécutive de Gérance réglementaire et affaires autochtones.

Je vous remercie beaucoup de participer à notre audience. Je vous invite à faire vos déclarations préliminaires, après quoi, nous vous poserons des questions.

Stephen Lucas, sous-ministre, Environnement et Changement climatique Canada : Merci, madame la présidente. Bonjour, honorables sénateurs. C’est un grand plaisir et un privilège d’être avec vous aujourd’hui. Je suis ravi de vous parler du projet de loi C-69.

Avant de commencer, je veux souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel des peuples algonquin et anishnabe.

[Français]

Honorables sénateurs, mes collègues et moi sommes heureux de vous rencontrer aujourd’hui au début de votre étude du projet de loi C-69. Il s’agit d’une mesure législative importante que nous reconnaissons être primordiale pour l’économie canadienne, l’environnement et le bien-être des Canadiens et de leurs collectivités.

[Traduction]

Je vais vous parler du travail colossal qui a mené à la présentation du projet de loi C-69, de ses objectifs stratégiques et de ses principaux éléments avant de laisser mes collègues vous parler d’éléments du projet de loi plus en détail.

Après avoir pris un engagement dans le discours du Trône en décembre 2015, le gouvernement a mis en place, en janvier 2016, des principes provisoires pour l’examen des grands projets. Il a ensuite lancé, en juin de la même année, un examen approfondi des processus environnementaux et réglementaires, dont un examen de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), de la Loi sur l’Office national de l’énergie, de la Loi sur la protection de la navigation et de la Loi sur les pêches.

La démarche incluait la création de deux groupes d’experts responsables de formuler des recommandations pour améliorer les processus fédéraux d’évaluation environnementale et de se pencher sur la structure, le rôle et le mandat de l’Office national de l’énergie. Les groupes d’experts ont mené une vaste consultation auprès des Canadiens, des peuples autochtones, des provinces, des territoires et des intervenants dans toutes les régions du pays. Ils se sont arrêtés dans plus de 30 villes et ont entendu le point de vue de plus de 2 000 participants. De plus, des centaines de mémoires ont été envoyés en ligne aux groupes d’experts.

Les travaux des groupes d’experts ont été enrichis par la vaste consultation supplémentaire qu’a tenue le gouvernement fédéral dans toutes les régions ainsi que par des études approfondies sur la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection de la navigation qu’ont menées deux comités parlementaires.

En juin 2017, le gouvernement a répondu avec un document de travail portant sur son approche générale à l’égard des examens des systèmes d’évaluation environnementale et réglementaire, et il a mené d’autres consultations au pays pour orienter l’élaboration du projet de loi.

Au cours des vastes consultations qui ont duré plus de deux ans, le gouvernement a appris que les Canadiens voulaient un système environnemental et réglementaire moderne qui protège l’environnement, favorise la réconciliation avec les peuples autochtones, attire les investissements et assure la réalisation de bons projets en temps voulu pour créer de nouveaux emplois et des débouchés économiques.

Ces attentes forment le fondement du projet de loi C-69, qui vise à restaurer la confiance du public; protéger l’environnement; veiller à ce que les bons projets puissent aller de l’avant et à ce que les ressources puissent avoir accès aux marchés; favoriser les investissements et la compétitivité dans les industries; instaurer des mesures de protection moderne; et faire avancer la réconciliation avec les peuples autochtones.

Permettez-moi tout d’abord de situer le projet de loi C-69 dans le paysage réglementaire. Dans le cadre du projet de loi, les évaluations d’impact fonctionneraient de façon complémentaire et intégrée avec d’autres processus réglementaires fédéraux, provinciaux et, le cas échéant, territoriaux, sachant que le système d’évaluation d’impact proposé ne s’appliquerait qu’à de grands projets désignés.

Les organismes fédéraux de réglementation du cycle de vie — la Régie canadienne de l’énergie proposée, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et les offices des hydrocarbures extracôtiers — jouent un rôle clé dans l’évaluation des répercussions possibles des projets, en travaillant de façon intégrée dans le cadre du système proposé avec l'Agence d'évaluation des impacts de même qu’en étant responsables d’autoriser ce qu’on appelle des projets nucléaires, pétroliers et gaziers extracôtiers et énergétiques non désignés.

Quant à la révision de la réglementation concernant les projets, le gouvernement est en train d’élaborer une approche fondée sur des critères pour déterminer quels projets seraient désignés et, en fonction des consultations, il s’agirait d’examiner les projets qui risquent le plus d’avoir des effets environnementaux négatifs dans des secteurs qui relèvent du fédéral. Les projets qui ne figurent pas sur la liste seraient toujours évalués par les provinces ou les organismes de réglementation du cycle de vie.

J’aimerais maintenant parler de certains éléments clés du projet de loi.

Le projet de loi C-69 propose la création d’un organisme unique, l’Agence canadienne d’évaluation des impacts, qui mènerait tous les examens des grands projets. Comme je l’ai souligné, lorsque des projets sont liés aux organismes fédéraux de réglementation du cycle de vie, l’Agence d'évaluation des impacts collaborerait avec eux tout au long du processus d’évaluation.

[Français]

L’expérience et l’expertise de ces organismes de réglementation garantiraient que la sécurité et d’autres facteurs réglementaires clés soient pris en compte dans le cadre d’un examen intégré unique. Le fait de confier à un seul organisme la responsabilité de diriger toutes les évaluations d’impact donnerait aux groupes autochtones un point de contact déterminé pour dialoguer avec la Couronne.

[Traduction]

Dans les dispositions législatives actuelles, les examens portent sur les effets environnementaux négatifs. Le groupe d’experts qui a examiné les processus d’évaluation environnementale a recommandé qu’un plus vaste ensemble de facteurs soit pris en compte et qu’une attention particulière soit portée à la durabilité.

[Français]

Par conséquent, en vertu du projet de loi C-69, les évaluations d’impact prendraient en compte non seulement les effets environnementaux négatifs d’un projet, mais également les impacts économiques, sociaux et sur la santé, aussi bien positifs que négatifs.

[Traduction]

En présentant le projet de loi C-69, le gouvernement a déclaré sa volonté d’améliorer la transparence du processus d’évaluation d’impact pour les Canadiens. Le projet de loi intègre un certain nombre de mesures de transparence, soit rendre davantage de renseignements accessibles au public, favoriser la participation publique et communiquer clairement les motifs justifiant les décisions.

Les évaluations et les décisions s’appuieront sur les meilleures données scientifiques disponibles, les données probantes et le savoir autochtone. Les scientifiques du gouvernement examineront les études fournies par les promoteurs. Une plateforme de science ouverte permettra d’avoir facilement accès à l’information scientifique sur les écosystèmes et les ressources du Canada, dont aux résultats des évaluations régionales et de la surveillance des effets cumulatifs. Le conseiller scientifique principal du gouvernement fédéral examinerait régulièrement les méthodes et l’intégrité des données scientifiques utilisées pour prendre des décisions. Cela rendrait le système plus rigoureux globalement.

Concernant les examens des projets, les délais seraient réduits par rapport à ce qui se passe dans le système actuel. Il y aurait une gestion rigoureuse à cet égard et moins d’arrêts de l’horloge législative, et le Règlement concernant les exigences en matière de renseignements et de gestion des échéanciers établirait des règles claires quant au moment où l’horloge s’arrête. Le projet de loi propose un processus prévisible et assorti d’échéances, de la planification en amont à la prise de décision, pour que les entreprises sachent à quoi s’attendre.

La planification en amont est une partie essentielle du nouveau système. La nouvelle phase de planification en amont mobilisera les promoteurs, les instances et les communautés et peuples autochtones susceptibles d’être touchés pour faire en sorte que les principales questions soulevées tôt dans le projet sont mises en évidence; que les autorités fédérales évaluent la description proposée du projet; et que les promoteurs sachent, grâce à des lignes directrices adaptées et à des plans de participation du public, au départ, ce qui est attendu de leur part pour l’évaluation.

De plus, le projet de loi proposé donne une certaine souplesse pour recourir à des échéanciers plus courts, selon l’ampleur d’un projet, ou rajuster les échéanciers afin de favoriser la coopération avec une autre instance. Les échéanciers seront établis à la fin de la phase de planification en amont pour assurer clarté et certitude.

[Français]

Avec pour objectif «  un projet, une évaluation », nous nous coordonnerons avec les provinces, les territoires et les instances autochtones afin de réduire les formalités administratives pour les entreprises et éviter le double emploi dans les examens des projets proposés.

Nous avons appris que l’examen des projets devait avoir une issue prévisible, assurer une certitude sur le plan réglementaire et s’appliquer à plusieurs provinces et territoires. « Un projet, une évaluation », tel est le principe directeur qui animera les examens menés en coopération et permettra d’éviter le dédoublement des efforts.

[Traduction]

Comme le proposent les nouvelles mesures législatives, nous travaillerions en partenariat avec les peuples autochtones dès le départ, par une mobilisation rapide et inclusive, de sorte que nous puissions parvenir à de meilleures décisions sur les projets, avoir des résultats clairs et favoriser la réconciliation. Dans le cadre du projet de loi proposé, les peuples autochtones joueraient un rôle plus important, et il faudrait que le savoir autochtone soit pris en considération dans tous les examens lorsqu’il est disponible.

[Français]

Des évaluations stratégiques et régionales seront réalisées afin de mieux gérer les effets cumulatifs, pour veiller à ce que les enjeux régionaux ou les enjeux de politique plus larges soient abordés en dehors des évaluations de projets.

[Traduction]

Par exemple, le gouvernement du Canada a mené des consultations sur l’évaluation stratégique des changements climatiques et poursuivra ces consultations. Cela déterminerait comment les considérations liées aux changements climatiques seraient prises en compte dans les évaluations de projet, rendant les choses claires tant pour les promoteurs que pour l’Agence canadienne d'évaluation des impacts.

La Loi sur les eaux navigables canadiennes proposée protégera la navigation sur toutes les eaux navigables du Canada, de sorte que les Canadiens puissent jouir du droit de naviguer sur le vaste réseau de rivières, de lacs et d’autres voies navigables.

Pour appuyer la mise en œuvre du projet de loi, le gouvernement s’est également engagé à investir 1 milliard de dollars sur cinq ans pour l’application efficace du nouveau régime.

[Français]

Ce financement accru servirait à appuyer le nouveau régime d’évaluation des impacts proposé et la Régie canadienne de l’énergie, ainsi qu’à augmenter la participation des Autochtones.

[Traduction]

Après les vastes consultations qui ont été menées partout au pays, nous croyons que le projet de loi protégera l’environnement tout en faisant en sorte que les bons projets aillent de l’avant. Le projet de loi C-69 établit un juste équilibre pour les Canadiens, les peuples autochtones, les provinces et les territoires, et les entreprises.

À mesure que nous continuons à élaborer des règlements et des politiques, les Canadiens auront d’autres occasions d’exprimer leurs points de vue alors que nous continuons d’aller de l’avant.

Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de parler au comité aujourd’hui.

Le sénateur Tkachuk : Madame la présidente, les notes n’ont pas été distribuées. Je me demandais si vous en aviez des copies. Il aurait été bon de les avoir.

La présidente : Qui sera le deuxième intervenant?

[Français]

Ron Hallman, président, Agence canadienne d’évaluation environnementale : Bonjour et merci, madame la présidente.

J’aimerais aussi souligner le fait que nous sommes sur le territoire traditionnel des peuples algonquin et anishinaabe.

[Traduction]

Pour ajouter à l’aperçu et à l’objectif stratégique que le sous-ministre Lucas a présentés, j’aimerais vous donner un aperçu du processus d’évaluation d’impact proposé dans le projet de loi C-69, sachant que d’autres détails vous seront fournis tout au long de la journée.

L’évaluation d’impact est un outil de planification qui, lorsqu’il est utilisé efficacementt, offre plusieurs avantages. Il permet d’évaluer les répercussions positives et négatives potentielles des grands projets sur nos collectivités, soit les impacts environnementaux et économiques ainsi que les impacts sur la santé et la société. Il fournit des occasions significatives de mobilisation du public et de prise en compte des préoccupations des collectivités susceptibles d’être touchées par un grand projet. Il fournit également une occasion de travailler en partenariat avec les peuples autochtones et de respecter leurs droits et leurs intérêts tout au long du processus. Pour les promoteurs de projet, une évaluation d’impact efficace offre un processus prévisible qui respecte un échéancier précis, et cet outil permet en outre de gagner et de conserver la confiance des Canadiens et des investisseurs, ce qui est essentiel à la réussite commune des projets et au développement durable au Canada.

Pour atteindre ces objectifs, la Loi sur l’évaluation d’impact proposée intègre une nouvelle phase de planification en amont. La planification en amont vise à renforcer la certitude et la prévisibilité du processus en établissant dès le début ces exigences et ces attentes qui éclaireront et guideront l’évaluation d’un projet jusqu’à la phase de décision et au-delà, dont la surveillance et le suivi. La planification en amont vise aussi à établir la manière dont nous mobiliserons les groupes autochtones et à déterminer qui doit être consulté ainsi que la meilleure façon de collaborer tout au long des phases de l’évaluation. La planification en amont crée des occasions de mobiliser les autres instances pour déterminer des façons de mieux collaborer et de réduire le double emploi, et comporte la création d’occasions pour le public de participer pleinement et d’être entendu dans le cadre des examens de projet. Surtout, peut-être, pour les promoteurs de projet, la planification en amont inclut l’idée de déterminer ce qui sera examiné exactement durant la phase d’évaluation d’impact ainsi que les renseignements et les études qui leur seront demandés.

Plusieurs promoteurs mènent déjà des activités de planification en amont et de sensibilisation exceptionnelles.

[Français]

Le nouveau processus permet à l’agence de reconnaître ces activités et d’en tirer parti. De plus, il nous permet de mieux orienter et soutenir les promoteurs.

Par exemple, la planification en amont permettra à l’agence non seulement de fournir des directives précises aux promoteurs pour mobiliser les peuples autochtones, mais également de s’assurer que le gouvernement fédéral mobilise les collectivités autochtones dès le départ.

Dans le cadre de chaque projet, nous produirons, en collaboration avec les peuples autochtones, un plan de partenariat et de consultation des Autochtones, lequel établira qui doit être consulté et de quelle façon cela doit être fait.

[Traduction]

Les lignes directrices adaptées relatives à l’étude d’impact offrent un soutien essentiel aux promoteurs dès la phase de planification en amont. Ces lignes directrices exposent les études et les renseignements demandés au promoteur aux fins de l’évaluation, en tenant compte d’autres renseignements qui pourraient déjà être disponibles, tels que des évaluations régionales précédemment effectuées ou des données sur la surveillance des effets cumulatifs. Bien entendu, puisque chaque projet est différent, les lignes directrices seraient adaptées à chacun d’eux, en respectant la portée et la complexité, afin de déployer les efforts appropriés et de fournir la clarté et la prévisibilité nécessaires aux étapes subséquentes de l’évaluation.

La loi proposée élargit la portée de l’évaluation au-delà de la prise en compte des effets négatifs sur l’environnement pour inclure celle de la durabilité, notammentles répercussions que peut avoir un projet sur l’économie, la société et la santé. Contrairement au processus actuel, les répercussions positives aussi bien que négatives sur les emplois et le développement économique, entre autres, seraient prises en compte.

[Français]

Un autre important changement découlant du processus actuel est la création d’une seule agence responsable de mener toutes les évaluations d’impact. Ce changement vise à améliorer la précision et l’uniformité du processus et à le rendre plus prévisible pour les promoteurs, les groupes autochtones et d’autres intervenants susceptibles d’y participer.

[Traduction]

L’efficacité de l’évaluation d’impact en vertu des mesures proposées reposera fortement sur l’expertise et l’expérience des organismes de réglementation du cycle de vie, dont la Régie canadienne de l’énergie proposée, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et les offices des hydrocarbures extracôtiers. Pour cette raison, le projet de loi prévoit des commissions d’examen intégré.

L’agence mènerait l’évaluation des projets destinés à être réglementés par l’un de ces organismes et collaborerait étroitement avec les organismes de réglementation du cycle de vie tout au long de l’évaluation pour tirer parti de leur expertise. Cela permettrait de s’assurer que les facteurs réglementaires, comme la sécurité, sont pris en compte dans le cadre d’un seul processus d’examen intégré remplissant les exigences de la Loi sur l’évaluation d’impact et des lois pertinentes àl’organisme de réglementation.

De même, les organismes de réglementation du cycle de vie participeraient aux engagements et aux consultations de la Couronne à toutes les étapes du processus réglementaire afin de favoriser l’établissement et le maintien de relations et une transition harmonieuse alors que l’organisme de réglementation du cycle de vie assume ses responsabilités concernant la surveillance et la conformité pour les projets qu’il réglemente.

Tout au long du processus d’évaluation, le public aurait de véritables occasions de participer. Il existe divers moyens de s’assurer que les intervenants et le public ont la possibilité de formuler des commentaires et d’être entendus dans les délais fixés par l’agence, que ce soit au moyen d'assemblées publiques, d’ateliers ou de plateformes en ligne. Ces possibilités seraient adaptées aux circonstances d’un projet donné. L’agence possède une vaste expérience pour ce qui est de mobiliser le public dans le cadre des examens de projet, et nous élaborerons d’autres lignes directrices quant à la façon dont nous continuerons de veiller à ce que le public puisse exprimer ses points de vue dans le cadre d’un processus transparent et opportun.

Les sénateurs savent sans doute que les échéanciers et la prévisibilité sont des thèmes clés qui sont ressortis du débat public liéau projet de loi C-69. Les mesures législatives proposent des délais plus courts que ceux définis aux termes de la LCEE (2012). En raison du temps investi durant la phase de planification en amont, il est prévu que tous les enjeux pertinents soient cernés dès le début, réduisant ainsi le nombre et la complexité des demandes de renseignements au cours des phases ultérieures du processus.

Un échéancier propre à chaque évaluation sera établi à la fin de la phase de planification en amont. Le projet de loi apporte de la souplesse en ce qui concerne l’établissement des échéanciers afin de permettre à l'agence d'harmoniser ses processus avec ceux des autres instances, en vue de réduire le double emploi, de maintenir le processus sur la bonne voie et d’en assurer la prévisibilité.

[Français]

La décision prise au terme du processus d’évaluation d’impact permet de déterminer si les effets négatifs d’un projet — effets qui relèvent de la compétence fédérale — sont dans l’intérêt du public.

En prenant cette décision, le ministre ou le gouverneur en conseil serait orienté par plusieurs facteurs, notamment les suivants : la contribution du projet à la durabilité, les répercussions sur les peuples autochtones et leurs droits, les mesures proposées pour réduire les impacts négatifs du projet et l’impact du projet sur la capacité du Canada à respecter ses obligations environnementales et ses engagements en matière de changements climatiques. Pour garantir une plus grande transparence, le gouvernement serait tenu de publier une déclaration de décision, ainsi qu’une justification expliquant comment ces facteurs ont été pris en compte.

[Traduction]

Finalement, je tiens à souligner la façon dont les mesures proposées et la nouvelle approche liée à l’évaluation d’impact soutiennent l’engagement du gouvernement à l'égard de la réconciliation avec les Autochtones. Les dispositions du projet de loi permettent de renforcer davantage les capacités et d’améliorer la collaboration en matière de politiques pertinentes aux groupes autochtones. De plus, elles engagent le gouvernement à reconnaître les droits des Autochtones et à travailler en partenariat avec les peuples autochtones plus tôt et tout au long du processus d’évaluation de projet. Elles créent également l’espace nécessaire pour élargir les rôles des instances autochtones dans l’évaluation d’impact, et le projet de loi C-69 exige que les connaissances autochtones soient considérées comme un élément fondamental d’une évaluation d’impact efficace et, lorsqu’elles sont fournies, elles doivent être prises en compte au même titre que les données scientifiques et d’autres preuves. L’approche globale du gouvernement consiste à obtenir le consentement des Autochtones par l’entremise de processus fondés sur le respect mutuel et le dialogue tout au long du processus d’évaluation d’impact pour mieux étayer les décisions prises par le ministre ou le gouverneur en conseil.

[Français]

Madame la présidente, ceci conclut mon allocution. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Christyne Tremblay, sous-ministre, Ressources naturelles Canada : Madame la présidente, c’est avec plaisir que je me joins à mes collègues pour m’adresser au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles pour vous parler du projet de loi C-69 et, plus particulièrement, de la mise en place de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie qui en fait partie.

[Traduction]

La Régie canadienne de l’énergie proposée se fondera sur des décennies d’expertise en matière de réglementation du cycle de vie au sein de l’Office national de l’énergie. Il s’agit d’assurer un commerce et un transport sécuritaires et efficaces de l’énergie répondant aux attentes de l’industrie, du gouvernement et des Canadiens et suscitant la confiance à l’égard de la surveillance et de la sûreté réglementaires.

La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie abrogera et remplacera la Loi sur l’Office national de l’énergie et créera une Régie canadienne de l’énergie, un nouvel organisme de réglementation indépendant responsable des lignes de transport d’électricité et des pipelines réglementés par le gouvernement fédéral, ainsi que du développement et du commerce de l’énergie.

La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie découle de plus de 14 mois de consultations auprès des peuplesautochtones, de représentants de l’industrie, de groupes environnementaux, des provinces et des territoires, d’universitaires et du public. Un groupe d’experts, deux documents de travail, des milliers de mémoires et des dizaines de réunions tenues partout au Canada ont orienté sa rédaction. Comme l’ont clairement expliqué les Canadiens et les experts lors de ces consultations approfondies, un organisme de réglementation de l’énergie fort et moderne est essentiel pour intégrer nos objectifs énergétiques, économiques, environnementaux et climatiques, ainsi que pour renouveler les relations du Canada avec les peuples autochtones.

La nouvelle loi vise à rétablir la confiance des investisseurs et du publicet à faciliter la réconciliation avec les peuples autochtones, tout en veillant à ce que le Canada maintienne sa compétitivité mondiale, attire des investissements et puisse exploiter et transporter son énergie de manière responsable.

Elle prévoit des modifications au titre de cinq grands thèmes : gouvernance et gestion modernes; certitude accrue pour les investisseurs; confiance accrue et mobilisation inclusive du public; connaissances et participation des Autochtones; et sécurité et protection environnementale. Je vais maintenant vous en dire un peu plus sur chacun d’eux.

[Français]

Les mécanismes de gouvernance modernes et efficaces : les Canadiens nous ont dit que la modernisation de l’office devait commencer par le renouvellement de sa structure, de son rôle et de son mandat. Des mesures sont proposées pour établir des mécanismes de gouvernance modernes et efficaces qui renforceraient l’indépendance et la diversité de l’organisme de réglementation, tout en clarifiant son mandat et ses activités.

Par exemple, la loi séparerait la fonction décisionnelle de l’organisme de réglementation, qui exige un degré élevé d’indépendance, et ses activités quotidiennes, où un degré élevé de reddition des comptes est exigé. Pour ce faire, la loi prévoit de créer un rôle de directeur général pour les aspects opérationnels de la régie et un rôle distinct de président du conseil d’administration.

On vise également à mettre en place un conseil d’administration, pour offrir des orientations stratégiques et veiller à la bonne gouvernance de la régie.

Nous visons également à constituer un groupe de commissaires indépendants pour les activités décisionnelles. Le conseil d’administration et les commissaires du nouvel organisme de réglementation afficheraient également une plus grande diversité et une plus grande expertise.

Pour ce faire, les commissaires devraient tenir compte des opinions d’experts sur un plus grand nombre d’enjeux. On peut mentionner ici les connaissances autochtones ou encore des enjeux liés au monde municipal. Au moins un membre du conseil d’administration et un commissaire à temps plein devraient être membres des Premières Nations, Métis ou Inuits. De plus, on éliminerait l’obligation, pour les décideurs, de résider à Calgary. Ici, on regrouperait les meilleures pratiques en matière de gouvernance avec des obligations claires en matière de diversité.

Le deuxième élément, c’est la certitude pour l’industrie, qui est très importante. Lors de nos consultations à l’échelle du pays, les Canadiens et les Canadiennes nous ont dit que le secteur de l’énergie représentait une source majeure d’emplois et d’investissements et générait des recettes importantes pour tous les ordres de gouvernement.

La réussite et la prospérité de l’industrie exigent la prise de décisions qui sont prévisibles. La loi prévoit donc plusieurs mesures pour accroître le degré de certitude de l’industrie. J’aimerais en souligner trois. D’abord, pour réduire les formalités administratives, les commissaires de la régie ou le ministre prendraient davantage de décisions de nature plus technique. Ainsi, la régie aurait le pouvoir de prendre des décisions définitives pour certaines activités opérationnelles telles que des modifications, des transferts de certificat, des suspensions de certificat ou de licence. Le ministre des Ressources naturelles aurait le pouvoir de prendre des décisions définitives sur les licences d’exportation, par exemple.

Deuxièmement, comme il est stipulé dans le paragraphe 183(2), les entreprises comprendraient mieux les éléments mis en considération lors de l’examen d’un projet, y compris les effets sur l’environnement, l’économie, la santé et les collectivités, et ce, dans le cadre d’un échéancier clair pour la prise de décisions.

En plus de favoriser une prise de décisions prévisibles à laquelle participent plusieurs administrations, des accords de collaboration pourraient être conclus avec les administrations intéressées. Cela constitue un outil de collaboration intéressant dont pourront bénéficier les provinces, les territoires, les groupes autochtones, et ce, ultimement, au bénéfice des entreprises.

Le troisième objectif est d’augmenter la confiance et de mobiliser l’ensemble des citoyens canadiens derrière ce processus. La loi offre également une série de nouvelles possibilités aux Canadiens qui souhaitent se faire entendre sur un plus large éventail d’enjeux. Les mesures proposées ont pour but d’offrir au public de plus grandes possibilités de participation, et ce, en clarifiant les facteurs pris en considération dans la détermination de l’intérêt public, en veillant à ce que les Canadiens intéressés puissent participer de diverses façons et en améliorant le programme de participation du public et des peuples autochtones, notamment par la création d’un programme d’aide financière.

En terminant, en ce qui a trait à la consultation du public dans une plus large mesure, le quatrième point est de renforcer la participation des Autochtones. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada s’est engagé à renouveler sa relation de nation à nation avec les peuples autochtones en ancrant la reconnaissance de leurs droits, le respect, la coopération et le partenariat. La nouvelle Régie de l’énergie augmenterait la participation des peuples autochtones et appuierait la réconciliation avec ces derniers en s’assurant de bien les consulter tout au long du processus d’examen. Voici les mesures proposées : mieux tenir compte des connaissances autochtones tout en assurant la protection de ces connaissances lorsqu’elles sont partagées avec la régie; veiller à ce que les droits des Autochtones soient pris en considération dans toutes les décisions; établir que le nouvel organisme de réglementation agit à titre d’agent de la Couronne à tous les égards, y compris pour les consultations; et, enfin, établir un comité consultatif autochtone d’au moins trois personnes représentant les intérêts des Premières Nations, des Métis et des Inuits, afin de s’assurer que leurs intérêts sont pris en compte dans les projets d’énergie nucléaire au Canada.

Le dernier objectif est de renforcer la sécurité et la protection de l’environnement. Les Canadiens nous ont également dit qu’ils veulent avoir l’assurance que l’organisme de réglementation demeure solide et dispose de l’expertise et des outils nécessaires pour protéger l’environnement et veiller à ce que les entreprises se conforment en tous points à la réglementation.

Les mesures proposées renforceraient la sécurité et la protection de l’environnement en mettant à jour les pouvoirs des agents d’inspection de l’organisme de réglementation, afin d’assurer la protection des personnes d’abord, bien sûr, mais aussi la sûreté, la sécurité des installations, la protection de l’environnement et des biens. Elles amélioreraient également les protections en matière de cybersécurité — un domaine en émergence auquel il faut vraiment accorder une attention particulière — en conférant, par exemple, le pouvoir d’autoriser le déclassement d’un pipeline en toute sécurité. L’objectif serait d’assurer, pour l’ensemble du cycle de vie des projets, un suivi serré.

De plus, la loi permettrait de combler une lacune actuelle dans la loi en conférant à la régie le pouvoir de réglementer les projets d’énergie renouvelable dans les zones extracôtières.

[Traduction]

En terminant, honorables sénateurs, je signale que le rôle, le mandat et la structure de l’Office national de l’énergie n’ont pas changé depuis 1969. Je n’étais même pas encore née à l’époque. La création de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie proposée dans le projet de loi C-69, constitue une modernisation importante et nécessaire qui permettra à cet organisme de réglementation fédéral indépendant de l’énergie de gagner et de conserver la confiance des Canadiens; de faire progresser les objectifs de réconciliation du gouvernement; de travailler en étroite collaboration avec la nouvelle agence d'évaluation des impacts; et d’être dirigé par un groupe de personnes reflétant mieux la composition de la société canadienne d’aujourd’hui.

Merci beaucoup. Je serai ravie de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, madame Tremblay.

C’est maintenant au tour de Mme Pham.

Thao Pham, sous-ministre déléguée, Transports Canada : Bonjour, madame la présidente, bonjour honorables sénateurs. Je suis extrêmement heureuse d’être ici ce matin pour discuter de la partie 3 du projet de loi C-69. La partie 3 propose des modifications à apporter à la Loi sur la protection de la navigation, et elle créerait la nouvelle Loi sur les eaux navigables canadiennes.

Comme vous le savez, le Canada a la chance d’être bordé par trois océans, et il compte d’innombrables lacs et rivières. Dans ce pays, le public détient le droit issu de la common law de se déplacer sur des eaux navigables. C’est ce qu’on appelle le droit du public à la navigation. La protection du droit du public à la navigation est un élément important du nouveau système d’évaluation des répercussions et de réglementation.

[Français]

La Loi sur les eaux navigables canadiennes (LENC) est le résultat d’un long processus de consultation qui a pris en compte les points de vue de nombreux groupes, y compris ceux des peuples autochtones, d’autres ordres de gouvernement, des Canadiens qui se servent des voies navigables pour se déplacer, pour le transport ou pour des activités récréatives, ainsi que des Canadiens qui y construisent des bâtiments.

Lors de nos consultations, les Canadiens nous ont dit qu’ils veulent pouvoir continuer de se fier aux côtes, aux lacs, aux rivières et à d’autres voies navigables pour les déplacements, le transport des marchandises et les activités récréatives comme le canot et le kayak. Nous avons également entendu que les Canadiens souhaitent un processus de décision transparent, efficace et prévisible.

La nouvelle Loi sur les eaux navigables canadiennes vise ce qui suit : intégrer de nouvelles protections sur toutes les voies navigables au Canada; favoriser la réconciliation et créer de nouvelles occasions de partenariat entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada; créer des processus plus accessibles et transparents; et, finalement, prévoir des pouvoirs d’application de la loi rigoureux et de nouvelles mesures de protection.

Permettez-moi d’expliquer davantage chacun de ces points.

[Traduction]

Concernant l’intégration de nouvelles protections sur toutes les eaux navigables, le projet de loi C-69 et la Loi sur les eaux navigables canadiennes proposée fourniraient de nouvelles protections sur toutes les eaux navigables, y compris celles qui sont d’une importance particulière pour les Canadiens et les peuples autochtones.

Les modifications proposées contiendraient une exigence pour les promoteurs d’ouvrages majeurs de faire une demande d'approbation et conféreraient au ministre des Transports le pouvoir degérer les obstacles, comme les ponts ou les piliers abandonnés, sur toute eau navigable.

La Loi sur la protection de la navigation actuelle utilise une liste de voies navigables connue comme l’annexe, afin d’identifier les eaux navigables pour lesquelles les promoteurs de projets doivent présenter une demande d’approbation à Transports Canada. Les modifications proposées maintiendraient l’annexe en vigueur et l’élargiraient. La nouvelle annexe plus inclusive offrirait un niveau de surveillance supplémentaire aux voies navigables qui en ont le plus besoin. On assurerait ainsi une plus grande surveillance des voies que nous savons vulnérables aux effets considérables des aménagements sur la navigation et de celles qui sont d’une importance cruciale pour les Canadiens et les peuples autochtones.

Les modifications proposées établiraient également un nouveau processus de règlement qui offrirait aux Canadiens un meilleur moyende signaler leurs préoccupations liées à la navigation concernant des projets, et qui ferait en sorte que leurs préoccupations soient prises en compte de façon prévisible.

[Français]

Deuxièmement, elle vise à favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones. La LENC appuierait une relation renforcée avec les peuples autochtones qui repose sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération ainsi qu’un partenariat adapté.

Les groupes autochtones nous ont dit que le fait de se déplacer sur les cours d’eau pour exercer leurs droits est essentiel à leur mode de vie. C’est pourquoi le projet de loi comprend une définition mise à jour de « voie navigable » dans laquelle figurent explicitement le transport et les déplacements pour exercer les droits des peuples autochtones.

Le projet de loi sur les eaux navigables canadiennes permettrait également d’atteindre nos objectifs de réconciliation, en exigeant que les décideurs prennent en compte et protègent toutes les connaissances traditionnelles que fourniraient les groupes autochtones et qu’ils tiennent compte également des effets négatifs que peuvent avoir les décisions sur les droits des peuples autochtones. De plus, la LENC favoriserait les accords de partenariat avec les groupes autochtones pour des activités telles que la surveillance et l’application de la loi au sein de leurs territoires traditionnels ou qui relèvent de leur compétence.

[Traduction]

La Loi sur les eaux navigables canadiennes proposée permettrait également de créer des processus plus accessibles et transparents. Ainsi, il serait plus facile pour les peuples autochtones et le public de participer à des projets qui touchent leurs collectivités et de régler les problèmes de navigation qui les préoccupent. Nous reconnaissons que, pour participer aux décisions, les Canadiens doivent être informés des projets avant qu’ils soient lancés. La LENC proposée exigerait que les promoteurs de projets préviennent et consultent dès le début les collectivités et les usagers des voies navigables susceptibles d’être touchés avant la construction d’un projet sur toute voie navigable.

Les modifications proposées exigeraient également la création d’un nouveau registre public. Ce registre représenterait, pour les promoteurs, un moyen de présenter leurs demandes et de rendre publique l’information relative à leurs projets. Ce registre aiderait les collectivités à rester informées, à participer aux processus de prise de décisions et à avoir accès aux renseignements sur les travaux.

[Français]

Nous reconnaissons que des mesures de protection de la navigation plus rigoureuses n’ont de sens que si elles sont rigoureusement appliquées. C’est pourquoi la LENC inclurait de nouveaux pouvoirs pour améliorer la conformité à la loi et des pouvoirs modernes en matière de mise en application. Ces pouvoirs incluraient des montants accrus pour les violations et les infractions ainsi que des délais de prescription prolongés pour celles-ci. La LENC élargirait également les pouvoirs du ministre des Transports d’ordonner l’assainissement ou de mettre un terme à une activité interdite sur toutes les voies navigables.

[Traduction]

En conclusion, dans le cadre du nouveau régime d’évaluation des répercussions et de réglementation, la LENC offrirait des mesures de protection à la navigation améliorées pour toutes les eaux navigables du Canada.

[Français]

La LENC ferait aussi en sorte que les points de vue des peuples autochtones soient pris en considération. Elle offrirait des processus décisionnels plus accessibles et transparents.

[Traduction]

Madame la présidente, c’est ce qui termine mon exposé. Merci beaucoup.

La présidente : Nous vous remercions de vos exposés. Nous passons maintenant aux questions. Tel que convenu, nous entendrons d’abord les vice-présidents.

Le sénateur MacDonald : J’aimerais remercier les témoins.

Mes questions s’adressent au sous-ministre, M. Lucas. La première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, a dit que le projet de loi C-69 ne fonctionnait pas pour l’Alberta. Le ministre de l’Environnement de la Saskatchewan a affirmé que dans sa province, on croit que les modifications proposées au régime de réglementation environnementale du Canada engendreront des coûts plus complexes et un long processus, tout en créant une incertitude qui, au bout du compte, nuira à la compétitivité économique du Canada. La ministre du Développement durable du Manitoba affirme que les Manitobains craignent que le projet de loi C-69 augmente les fardeaux réglementaires, les coûts et les délais liés aux projets sans améliorer sensiblement les résultats environnementaux. Vous avez parlé de consultations avec les provinces. Pouvez-vous décrire le processus de consultation que vous avez entrepris avec l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba?

M. Lucas : Certainement, sénateur.

Tout le long du processus de consultation qui a été mené au cours des deux dernières années, et qui se poursuit aujourd’hui, plusieurs niveaux d’engagement ont été entrepris avec les provinces et les territoires. Cela comprend des réunions régulières avec les administrateurs environnementaux pour lesquels l’Agence canadienne d’évaluation environnementale préside le processus avec les administrateurs environnementaux de chacune des agences, des travaux avec le Conseil canadien des ministres de l’Environnement, des travaux avec la Conférence des ministres de l’Énergie et des Mines, que ce soit à l’échelon fédéral ou provincial et territorial, ainsi que d’innombrables réunions avec les sous-ministres et les représentants provinciaux concernés.

Mon collègue et moi-même avons organisé des groupes de travail avec nos homologues pour répondre aux préoccupations, que ce soit à l’égard du projet de loi lui-même ou de sa mise en œuvre. Nous avons établi ces groupes de travail ou nous sommes en train de les créer dans plusieurs provinces, notamment celles que vous avez mentionnées. Par l’entremise de ces échanges bilatéraux, nous avons pu nous informer sur les meilleures façons d’aborder le projet de loi et les règlements, y compris la façon d’informer les sénateurs pendant leur examen du processus. De plus, nous nous sommes engagés à organiser une réunion avec les sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux au cours du mois prochain pour mener des discussions approfondies sur la mise en œuvre du projet de loi. Nous sommes ouverts à la collaboration avec nos collègues des provinces et des territoires, car c’est un principe essentiel au projet de loi et nous croyons que le projet de loi améliore le système actuel, c’est-à-dire le système « un projet, une évaluation ».

Le sénateur MacDonald : Ces gouvernements ne seraient pas d’accord avec cette évaluation. En effet, selon eux, les enjeux qu’ils ont soulevés pendant le processus de consultation n’ont pas été adéquatement traités. J’aimerais savoir comment vous réglerez ces préoccupations à l’avenir.

M. Lucas : Dans le cadre d’engagements pris à la Conférence des ministres de l’Énergie et des Mines qui s’est tenue l’été dernier à Iqaluit et à la réunion du Conseil canadien des ministres de l’Environnement qui a eu lieu en novembre, dans la correspondance et le dialogue que Christyne et moi avons eus avec nos homologues, tant au niveau bilatéral qu’en groupe, et en collaboration avec les administrateurs, nous nous sommes engagés à collaborer à la mise en œuvre du système, à respecter les compétences des provinces et la volonté du Sénat dans son examen du projet de loi et à déterminer comment le rendre plus efficace dans le cadre de l’approche « un projet, une évaluation. »

Comme je l’ai mentionné, nous avons travaillé et nous travaillons toujours à la création de groupes de travail bilatéraux spécifiques, mais par l’entremise de Ron, nous avons aussi fait une offre et nous travaillons maintenant avec un certain nombre d’administrations pour établir et mettre à jour des ententes de coopération bilatérales avec chaque province à mesure que certaines d’entre elles progressent dans ce dossier. Des collègues de la Colombie-Britannique seront ici mardi prochain pour participer à ces discussions. Comme je l’ai souligné, au cours du mois prochain, nous rencontrerons les sous-ministres de l’Environnement, des Mines et de l’Énergie, afin d’avoir une discussion plus approfondie sur le système proposé et sur la façon de le mettre en œuvre efficacement tout en respectant nos compétences respectives.

Le sénateur MacDonald : Je viens de la Nouvelle-Écosse. Les provinces de l’Atlantique sont-elles satisfaites du projet de loi?

M. Lucas : Nous avons entendu des commentaires des provinces, surtout de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, sur les offices extracôtiers et nous nous sommes penchés sur ces préoccupations. Nous avons eu recours à un processus dans lequel, par l’entremise des voies régulières et établies, nous avons entendu leurs commentaires et nous nous sommes efforcés de les prendre en compte. Nous nous sommes aussi engagés à travailler en partenariat avec les provinces pour créer un système efficace qui évite le chevauchement inutile et qui atteint l’objectif « un projet, une évaluation », qui a été établi depuis un certain temps, mais qui n’a pas encore été atteint.

Le sénateur MacDonald : Les provinces ne sont donc pas satisfaites du projet de loi.

M. Lucas : Je crois qu’elles considèrent que certaines parties du projet de loi sont des mesures positives et qu’elles ont demandé des éclaircissements, en particulier sur le rôle joué par les offices extracôtiers dans le système. Nous nous sommes engagés à travailler avec les provinces de façon intégrée tout en respectant le rôle de chacune.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie beaucoup d’être ici aujourd’hui et de lancer nos consultations sur le projet de loi ici, au Sénat. Le remplacement de l’Office national de l’énergie — qui existe depuis un certain temps — par la Régie canadienne de l’énergie signifie-t-il que l’ensemble de la jurisprudence liée à l’Office national de l’énergie sera perdu ou continuera-t-on d’en tenir compte dans la prise de décisions?

[Français]

Mme Tremblay : Je tiens à vous mentionner que toute la législation et la jurisprudence déjà en place resteront telles quelles et suivront la mise en place de la nouvelle Régie de l’énergie.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Monsieur Hallman, vous avez parlé de la phase initiale de planification, et je crois que Mme Tremblay en a également parlé. Quel avantage cette phase offre-t-elle à l’industrie et aux projets qu’elle souhaite lancer? Plusieurs d’entre vous ont parlé des délais plus courts que ceux prévus dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, mais lorsque j’ai parlé aux représentants de l’industrie en Nouvelle-Écosse, et aux gens en Alberta et dans mon bureau d’Ottawa, ils m’ont dit que l’une de leurs préoccupations concernait les délais. Le nouveau processus sera-t-il plus efficace ou s’agira-t-il d’un processus plus long et laborieux? Pourriez-vous formuler des commentaires à cet égard?

M. Hallman : Certainement. Pendant les cinq ans et demi où j’ai travaillé à l’agence, les représentants de l’industrie ont toujours dit que deux choses pourraient les aider. La première consiste à leur dire, plus tôt dans le processus — et ne pas changer d’idée en cours de route —, ce qu’ils doivent faire pour répondre aux questions, afin d’éclairer les décideurs et les aider à prendre des décisions efficaces. La deuxième chose consiste à les aider, beaucoup plus tôt dans le processus, avec les attentes relatives aux consultations avec les Autochtones, afin qu’ils puissent faire un meilleur travail et obtenir de meilleurs résultats plus rapidement.

Le projet de loi C-69, par l’entremise de la planification initiale, permet à l’agence de réunir tous les intervenants appropriés — le promoteur, les représentants provinciaux, les groupes Autochtones et d’autres intervenants — pour cerner dès le début les enjeux liés aux projets potentiels. Cela permet aux promoteurs de réfléchir à la façon de régler ces enjeux ou de décider de modifier leur plan de façon à régler un problème précis dès le début, plutôt qu’à la dernière minute, lorsqu’ils ont investi des années et beaucoup d’argent dans un plan qu’il pourrait être plus difficile de modifier.

Cette certitude leur permet aussi d’attirer les investissements et le soutien de ceux qui les aideront à faire avancer leur projet. Autre point important, cela prépare le terrain pour une discussion pertinente, préalable et productive avec les groupes autochtones sur les effets potentiels et les types de mesures d’atténuation ou les rajustements qui peuvent être apportés pour tenir compte des intérêts des Autochtones ou pour répondre aux préoccupations qu’ils ont soulevées. C’est l’avantage réel dont profite l’ensemble de l’industrie dans ce processus. Si ces dispositions sont prises dès le départ, cela devrait améliorer grandement l’efficacité des autres étapes du processus.

Mme Tremblay : J’aimerais formuler des commentaires sur ce que vient de mentionner Michael. Le fait de rassembler tous les intervenants dès le début du projet sera très utile, car nous pouvons prendre connaissance de toutes les préoccupations et de la portée réelle du projet, et veiller à ce que les facteurs appropriés soient visés par cette portée, ce qui permettra aux promoteurs de savoir précisément ce qu’ils doivent livrer. Je crois que cela créera une certitude, et que nous amorcerons ensuite la phase d’évaluation des répercussions avec un délai serré.

Le délai de cette phase profite d’une réduction — entre 300 et 600 jours — et, autre point très important, nous gérerons le délai de façon très différente. Il ne s’agira pas de lancer cette phase et d’arrêter l’horloge et de la relancer. Non. Il y a des critères très stricts pour arrêter l’horloge. La plupart d’entre eux sont liés aux promoteurs. Le promoteur a demandé qu’on arrête l’horloge ou il a modifié les plans de son projet — ça arrive — ou il n’a pas payé sa facture, et c’est aussi une situation qui peut arriver. Le dernier cas, c’est lorsque des renseignements très importants qu’on avait demandés pendant la première phase ne sont pas disponibles.

Ce seront donc des critères très stricts. Le promoteur produira une grande certitude. On franchit les étapes à temps, les délais sont serrés, le temps sera très bien géré et il y a également une certitude liée à la décision et au délai dans cette phase. Je crois que cela améliorera le système actuel.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d’être parmi nous ce matin. Tous vos objectifs sont louables. Nous sommes d’accord là-dessus. Cependant, il faut reconnaître l’historique, au sens de la promotion des projets. Plusieurs études démontrent que, depuis 25 ans, nous ne sommes pas compétitifs ni rentables. Les délais et l’incertitude causés par le processus proposé ne sont pas pratiques. L’industrie a crié haut et fort que, malgré vos objectifs respectables, cela ne fonctionne pas. On n’a pas la confiance de l’industrie ni des financiers. On a un problème majeur.

Vingt pour cent de notre PIB dépend des ressources naturelles. C’est un facteur important. Depuis quelque temps, comme on le voit devant les tribunaux, cela ne fonctionne pas. Je vous remercie de votre effort mais, du point de vue des projets, c’est un échec. Qu’est-ce que vous recommandez pour revenir à un processus qui fonctionne et qui inspire la confiance? Malgré vos belles promesses, les gens ne sont pas confiants. Que faire?

Mme Tremblay : Je suis très contente que vous posiez la question. Le système ne fonctionne pas. Je pense que tout le monde reconnaît que le statu quo n’est pas une option. Que faire? On vient de mentionner que l’on veut mettre en place un système qui va d’abord tirer profit de toutes ses forces, donc non seulement des organismes réglementaires ou de l’agence, mais aussi de l’ensemble de ces expertises. On va bâtir un système plus robuste et rigoureux pour les projets majeurs, et ce système va mettre toutes ses forces à profit. De plus, comme l’a mentionné mon collègue, M. Hallman, on aurait pu éviter la situation à Cacouna et avec les bélugas grâce à une phase de planification plus exhaustive et détaillée. À l’heure actuelle, je travaille sur le dossier de TMX. Avec une phase de planification plus détaillée, on aurait probablement été capable d’évaluer la magnitude du projet de manière plus appropriée. On ne serait pas là à refaire le projet aujourd’hui et à répondre aux exigences de la cour. On a l’impression que le système qu’on met sur la table, grâce à la façon dont on va travailler au début du processus, permettra aux promoteurs, lorsqu’ils commenceront la phase de l’évaluation, d’avoir plus de certitude et d’être capables de faire avancer leurs projets.

Le sénateur Massicotte : Je l’espère. Ce n’est pas la première fois qu’on entend un tel discours. En 2013, le gouvernement conservateur a fait les mêmes promesses. Ils ont exigé des échéanciers par le biais de la législation. Jusqu’à maintenant, cela n’a eu aucun impact. Cela fait 25 ans que cela ne fonctionne pas. Selon une étude de l’OCDE, sur 35 pays, nous sommes en 34e place. Nos délais sont pires que ceux de notre voisin du Sud. Tous les comparatifs sont négatifs à notre égard. Il faut plus que de belles promesses et un beau langage. Il faudrait peut-être amender la législation. Il faudrait que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités, que le processus préliminaire soit plus détaillé, que tous les promoteurs connaissent les risques et les besoins et, au besoin, que l’approbation soit automatique ou presque certaine, c’est-à-dire qu’il faudrait éliminer le risque pour les autres joueurs. Quelque chose doit être réorganisé plutôt que de simplement espérer et promettre.

[Traduction]

M. Hallman : J’aimerais mentionner un autre avantage pour les promoteurs, mais aussi pour tous les participants au processus. Ce sont les cinq résultats principaux de la phase de planification initiale. Nous avons déjà mentionné certains d’entre eux, par exemple les lignes directrices adaptées sur l’étude sur les répercussions environnementales, afin que nous ciblions les travaux des promoteurs seulement sur les éléments les plus pertinents pour le projet. Nous aurons un plan de coopération avec les provinces, afin d’uniformiser les délais, au besoin. En effet, les promoteurs ont également dit qu’il n’est pas logique de mener des activités dans les différentes provinces et à l’échelon fédéral et de se retrouver avec 13 délais différents à respecter. Ils se demandent donc pourquoi nous ne pouvons pas tous collaborer dès le début pour uniformiser les délais. Le projet de loi doit prévoir la souplesse nécessaire dans la loi pour faire cela.

Les autres éléments sont le plan de partenariat et de consultation des Autochtones qui détermine les parties qui seront consultées et comment elles le seront, un plan de participation du public et un plan pour les permis, car les promoteurs ont dit que le guichet unique de l’agence pour le processus d’évaluation prévu dans le cadre de la LCEE de 2012 était très bien, mais le problème, c’est que chaque guichet de réglementation présente ensuite une décision postérieure et ils doivent alors traiter avec plusieurs ministères et recommencer à zéro dans certains cas, selon eux. Grâce à ce plan pour les permis, nous serons en mesure de dévoiler le plan de travail et, nous l’espérons, de réduire le délai entre la décision liée à l’évaluation des répercussions et le début des travaux sur le terrain.

La sénatrice McCallum : J’aimerais remercier les témoins d’être ici et d’avoir livré leurs exposés.

Comme Christyne Tremblay l’a dit, le statu quo n’est plus une option. Ce n’est pas une option pour les collectivités autochtones et les Premières Nations. Ce que j’aimerais savoir, dans ce cas-ci, c’est si, lorsque vous examinez la phase de planification initiale et les répercussions négatives potentielles, vous avez tenu compte des éléments précédents comme la dévastation des terres, les ravages causés dans la vie des gens et l’augmentation des incidences de cancer chez les peuples autochtones de la Saskatchewan et de l’Alberta. Comment planifiez-vous utiliser ces données pour prendre une décision au sujet des projets présentés, afin que cela ne se produise plus?

M. Lucas : J’aimerais répondre à la question, sénatrice. Comme il a été mentionné, la phase de planification initiale est essentielle pour être en mesure de reconnaître les droits des peuples autochtones dès le départ, de les faire participer au processus et de collaborer avec eux à l’élaboration d’un plan de participation des Autochtones pour veiller à ce que toutes les répercussions soient reconnues, que les connaissances autochtones soient prises en compte et que la Couronne puisse envisager de prévenir, lorsque c’est possible, les violations potentielles de ces droits.

Comme je l’ai également mentionné, l’une des caractéristiques principales du projet de loi qu’on ne retrouve pas de façon structurée dans le système actuel, c’est la reconnaissance de l’importance de travailler en parallèle, mais à l’extérieur des évaluations de projets, afin de mieux comprendre les répercussions sur l’environnement des développements existants par l’entremise de travaux sur les effets cumulatifs, de la surveillance environnementale, de la libre diffusion de ces renseignements aux Canadiens par l’entremise d’une plateforme scientifique ouverte, et de la prise en compte de ces renseignements et des évaluations régionales, lorsqu’elles ont été menées en partenariat avec les provinces et les territoires, les Premières Nations et d’autres peuples, dans le contexte de l’évaluation de projets particuliers, lorsqu’il y a lieu, notamment dans la phase de planification initiale.

Nous croyons que ce processus nous permettra d’établir un processus plus structuré pour examiner les enjeux qui sont pertinents pour le projet, mais dans le cadre d’un examen et de travaux plus vastes sur les effets cumulatifs sur l’environnement à l’extérieur du processus.

La sénatrice McCallum : Vous serait-il possible de nous fournir une liste de tous les effets négatifs qui se sont produits au Canada, en précisant l’emplacement de ces sites et les incidents qui se sont produits? Les membres du comité sont en train de planifier leurs déplacements. S’il s’agit d’un enjeu important pour les Canadiens, il serait approprié que nous allions visiter certains de ces sites, afin d’entendre les commentaires des gens sur place, car ils n’ont pas l’occasion de se faire entendre comme les membres du comité de l’énergie ou les PDG. Leurs commentaires ont été perdus. À titre de sénateurs, nous avons l’obligation et le devoir de nous assurer d’entendre toutes les voix, surtout celles qui ont été les plus touchées et dont on n’a pas tenu compte dans les projets énergétiques.

M. Lucas : L’une des caractéristiques, comme je l’ai souligné dans le développement des travaux liés au projet de loi, concernait les vastes consultations menées d’un bout à l’autre du pays, notamment par des représentants qui se sont rendus dans les collectivités du Nord et dans les provinces et les territoires pour entendre les différents points de vue. Cet engagement auprès des peuples autochtones, notamment par l’entremise de communications régulières avec des Premières Nations et des organismes régionaux, se poursuit.

Au fil de nombreuses années, nous nous sommes efforcés d’améliorer la qualité de l’eau, la qualité de l’air et d’autres déterminants environnementaux importants. Nous nous efforçons de diffuser publiquement les renseignements qui ont des répercussions sur les peuples autochtones et sur les aliments traditionnels, notamment les renseignements sur les espèces à risque. Ces renseignements sont censés être examinés dans le contexte des évaluations de projets menées dans le cadre du système, comme je l’ai dit, en ayant une capacité renforcée et en se concentrant sur les effets cumulatifs et en travaillant en partenariat pour élaborer des conditions d’évaluations régionales qui peuvent être prises en compte, lorsqu’elles sont accessibles, dans les évaluations de projets.

La présidente : Voulez-vous terminer, madame Tremblay?

Mme Tremblay : Je peux peut-être ajouter quelque chose, sénatrice. Dans le cadre du projet Trans Mountain, le tribunal a très clairement indiqué que la Couronne devait améliorer la façon dont elle consultait les groupes autochtones et qu’elle devait respecter l’obligation de consulter.

Mener des « consultations véritables » signifie ce que nous apprenons maintenant, c’est-à-dire qu’il faut satisfaire aux exigences établies par le tribunal et répondre aux attentes des groupes autochtones. Grâce aux conseils du juge Iacobucci et d’autres, je suis certaine qu’avec ce nouveau processus, cette décision du tribunal et ce que nous apprenons maintenant, les groupes autochtones seront convaincus que nous écouterons leurs préoccupations pour tout grand projet futur. Nous avons l’obligation d’établir un dialogue bidirectionnel véritable avec eux. Nous avons également l’obligation de répondre à leurs préoccupations et, si c’est impossible, de leur expliquer pourquoi.

Je pense donc que cela changera la façon dont nous travaillons, et je crois que cela réglera également certaines de vos préoccupations.

La présidente : J’aimerais ajouter quelque chose. La sénatrice McCallum a posé une question très précise : elle vous a demandé si vous pouviez nous fournir des renseignements sur les endroits et les collectivités où de grands travaux d’infrastructure ont eu des répercussions négatives sur la santé. Si vous ne pouvez pas nous fournir ces renseignements, un autre ministère peut-il le faire?

M. Lucas : Madame la présidente, je crois que nous pourrions fournir des exemples à cet égard, à la fois en ce qui concerne des régions où il y a eu des répercussions négatives sur les collectivités — seulement sur l’environnement — et des régions où il y a eu des avantages et l’établissement d’excellents partenariats avec les peuples autochtones et les promoteurs pour contribuer à leur bien-être — et des répercussions positives sur l’environnement, par l’entremise...

La présidente : Nous attendrons que ces renseignements soient envoyés à la greffière.

M. Lucas : Avec peut-être quelques études de cas ou renseignements qui peuvent souligner certains de ces exemples positifs et négatifs.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous avez dit plus tôt que la loi visait les projets majeurs. Vous avez tous les deux utilisé cette expression. Je ne vois pas l’expression « projet majeur » dans la loi. Je vois plutôt « projet désigné » ou « activité concrète ». Quand je regarde la définition, il peut s’agir de choses très mineures, selon moi. D’où vient l’idée d’utiliser uniquement les projets majeurs? Est-ce l’intention du ministre et du législateur d’inclure seulement des projets majeurs?

M. Lucas : J’ai noté, dans le cadre réglementaire, quels sont les projets touchés par le régime de l’évaluation d’impact des projets désignés. Le gouvernement a proposé qu’on utilise deux principaux critères : les effets négatifs potentiels des projets et les effets et les impacts négatifs dans les domaines de compétence fédérale. Avec ces deux critères et une approche de développement qui utilise ces critères dans le cadre réglementaire des projets désignés, on constate, en principe, que cela englobe des projets majeurs.

Le sénateur Carignan : Cette notion de projet majeur ne devrait-elle pas se trouver dans la loi plutôt que dans un texte réglementaire?

M. Lucas : La structure qui existe actuellement remonte à 2012, et on a proposé de continuer ainsi dans le projet de loi C-69 pour ce qui est de la définition des projets désignés dans le cadre réglementaire.

Le sénateur Carignan : Lorsque les projets sont menés par une autorité fédérale, on dit qu’on doit aussi avoir un processus. Quand je regarde ce qui est visé à l’article 82, on dit que l’autorité ne peut réaliser un projet sur un territoire, exercer ses attributions, et cetera, avant de décider si cela a un impact négatif. Est-ce que les projets subventionnés ou qui sont des propriétés de la Banque de l’infrastructure du Canada devront automatiquement être soumis à des études environnementales?

[Traduction]

M. Hallman : Madame la présidente, je crois que le sénateur, par l’entremise de l’article 82, parle des projets réalisés en territoire domanial. En effet, cet article exige qu’une évaluation des répercussions sur l’environnement soit menée dans le cas des projets réalisés en territoire domanial, même s’ils ne sont pas désignés en vertu de la liste des projets. Donc, si ce type de projet est désigné en vertu de la liste des projets, il sera soumis à une évaluation des répercussions sur l’environnement. S’il ne l’est pas, car il est réalisé en territoire domanial, il sera tout de même assujetti à l’obligation fédérale de mener une évaluation des répercussions potentielles du projet. Par exemple, lorsqu’un promoteur entreprend un projet, lorsqu’on fournit une aide financière, lorsqu’on vend ou loue un terrain pour le projet, lorsqu’un permis est délivré, et cetera.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’ai lu la loi et je fais référence à cet article-là. Il n’est pas nécessaire de le relire. C’est justement le sens de ma question. Cet article vise-t-il l’ensemble des projets financés? La Banque de l’infrastructure du Canada participera-t-elle à ces projets?

Mme Tremblay : En fait, la réponse est oui. Si les projets se qualifient comme projets désignés en vertu de la liste des projets, la réponse est oui.

Le sénateur Carignan : S’ils ne sont pas considérés comme des projets désignés et qu’ils tombent sous cette définition dans l’article 82?

Mme Tremblay : D’après ma compréhension, si c’est un projet majeur qui est désigné en vertu de liste des projets, la réponse est oui. Sinon, ils ne sont pas visés. C’est ainsi que je le comprends à l’heure actuelle, mais on pourra vérifier cette information.

Le sénateur Carignan : Je suis étonné de voir qu’il y a même une possibilité de mener des évaluations environnementales étrangères. La notion de substitution s’appliquera-t-elle aussi aux instances étrangères? Comment allez-vous traiter cette partie de l’application de la loi dans les pays étrangers?

[Traduction]

M. Hallman : Non, on ne prévoit pas que la notion de substitution s’applique aux gouvernements ou aux instances étrangères.

[Français]

Le sénateur Carignan : D’accord. Ce n’est pas précisé.

[Traduction]

M. Hallman : Le projet de loi précise les types d’instances qui pourraient faire l’objet d’une substitution, et les instances étrangères ne sont pas sur cette liste.

Le sénateur Richards : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. D’une certaine façon, ma question a déjà été posée. J’ai l’impression qu’il y a de nombreux rouages dans ce projet de loi. Je suis préoccupé à l’idée que presque chaque projet peut faire l’objet d’un litige, car le délai prolongé et les nombreux facteurs en jeu pourraient immobiliser ces projets. Par exemple, en Alberta, nous perdons certainement de 80 à 100 millions de dollars par jour, et rien ne semble avancer. J’aimerais qu’on me rassure en me confirmant que des projets peuvent être menés à bien dans le cadre de ce projet de loi, car je ne vois pas comment cela pourrait se faire.

M. Lucas : J’aimerais répondre en premier, sénateur. Mon collègue, Ron, pourra ensuite compléter ma réponse.

L’un des défis auxquels nous faisons face dans le système actuel, c’est qu’il n’y a pas une seule approche holistique. Ainsi, les différents éléments du système ne sont pas intégrés dans un seul organisme proposé chargé des études de répercussions qui pourrait travailler avec les autres grandes autorités fédérales ou avec les responsables de la réglementation du cycle de vie d’une manière intégrée. Par conséquent, l’horloge est continuellement arrêtée et relancée. Même si les délais et les critères relatifs à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale actuelle sont de 365 jours, par exemple, il peut falloir de deux à trois ans en temps réel pour terminer une étude. C’est parce qu’il n’y a aucun système intégré dans lequel on demande l’avis des autorités et des experts fédéraux sur un projet proposé et sur les études connexes et sur les attentes relatives au promoteur. On ne fournit pas ces éclaircissements dans des lignes directrices adaptées. Aucun plan de consultation n’a été établi pour préciser la façon dont la population participera au projet. De plus, il est important de souligner, comme d’autres collègues l’ont fait, qu’on ne consulte pas les peuples autochtones dès le début du projet. Les promoteurs le font, mais ce n’est pas intégré dans le système.

Nous adoptons donc un point de vue plus holistique, afin d’avoir un projet plus intégré, d’accroître la transparence et d’améliorer la reddition de comptes en fournissant, dans chaque cas, les raisons pour lesquelles l’horloge est arrêtée et une prolongation est demandée et en expliquant les décisions prises. Nous croyons que cette transparence accrue permettra au système d’entreprendre des examens plus rapidement en temps réel et de devenir plus résilient sur le plan judiciaire, notamment en précisant les facteurs dont le gouvernement doit tenir compte pour rendre une décision et en expliquant publiquement ces décisions.

M. Hallman : Madame la présidente, j’aimerais seulement ajouter qu’une partie de l’avantage d’avoir un seul organisme responsable de mener une évaluation des répercussions au Canada est que cela nous permet de profiter de la certitude qu’offre une approche plus cohérente dans l’ensemble du gouvernement fédéral, dans l’ensemble des industries et dans la façon dont nous traitons avec les peuples autochtones.

L’organisme a de très bons antécédents en matière d’évaluation environnementale, notamment en vertu de la LCEE (2012), dans toute une série d’industries et en collaboration avec l’Office national de l’énergie actuel, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et les offices extracôtiers, et son dossier en matière de résilience judiciaire est très solide. En fait, bon nombre des principes clés qui sous-tendent le projet de loi C-69 s’appuient sur les approches actuelles qui ont évolué dans le cadre de l’approche de l’organisme au fil des ans et tiennent compte des leçons que nous avons apprises en tant que praticiens et des leçons que nous avons entendues des promoteurs et des groupes autochtones sur la façon dont nous pouvons nous améliorer.

C’est la raison pour laquelle nous observons certains des résultats de la planification initiale dont nous avons déjà parlé, comme les plans adaptés, les plans de consultation, et cetera. Je ne les répéterai pas tous ici. Toutefois, ces plans aident à établir une certitude progressive tout au long du processus, de sorte que tous ceux qui s’intéressent à un projet particulier savent, dès le début, en quoi consiste le projet, quels sont les enjeux, comment nous allons agir et quand nous le ferons, quels sont les facteurs et comment leur portée sera déterminée. Donc, petit à petit, nous gagnons cette confiance et, nous l’espérons, nous bâtissons cette résilience sur le plan judiciaire.

Le sénateur Richards : Très brièvement, tout cela serait très bien si nous ne craignions pas que les gens qui mènent les consultations puissent arrêter un projet de sorte qu’après 200 ou 300 jours, soudainement, les fonds investis dans le projet ne seront plus utilisés, car les gens qu’ils ont consultés ont décidé que le projet ne devait pas se poursuivre.

C’est également une autre préoccupation liée aux consultations. En effet, y a-t-il une date de fin aux consultations à laquelle une personne peut déclarer que c’est suffisant et que la décision qui a été prise sera respectée?

M. Hallman : Madame la présidente, en effet, la pratique actuelle de l’organisme, en vertu de la LCEE (2012) et ce qui est prévu dans le projet de loi, c’est que le public... et l’organisme n’a pas de critères de sélection. Nous avons toujours permis à toutes les parties intéressées d’être entendues. Toutefois, nous utilisons une série d’outils de participation, car différentes personnes ont différents types d’intérêts et certaines parties sont plus engagées que d’autres.

Cependant, nous avons établi des échéanciers précis pour les périodes de consultation et nous entendons tous les commentaires que nous pouvons pendant cette période. Lorsque cette période est écoulée, nous passons à autre chose. C’est ce que l’on envisage pour l’avenir. La seule exception que je ferai, c’est que lorsque nous obtenons de la rétroaction d’un groupe autochtone, à n’importe quelle étape du processus, nous l’examinons certainement et nous déterminons comment cela peut être pertinent et comment nous devons réagir dans le cadre de nos responsabilités constitutionnelles à l’égard des groupes autochtones. Même dans ce cas, l’échéancier continue d’avancer, car aux termes du processus, les décideurs, le ministre ou le gouverneur en conseil doivent prendre une décision — et c’est clairement indiqué dans la loi.

Je dirais qu’en ce qui concerne le temps accordé à l’organisme — 365 jours pour une évaluation environnementale dirigée par l’organisme en vertu de la LCEE (2012) —, nous respectons ou nous faisons mieux que ce délai tout le temps. Nous avons demandé une prolongation dans quelques cas, mais dans l’ensemble, nous respectons ce délai prescrit par la loi. S’il y a parfois des retards, si on peut les appeler ainsi, en termes de jours civils par promoteur, c’est en raison du temps qu’il leur faut pour faire le travail. Nous espérons que grâce à la planification initiale, ils seront également en mesure de réduire le temps dont ils ont besoin pour faire leur travail.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre témoignage.

Au cœur du problème lié au statu quo — un grand nombre de personnes ont dit qu’il ne fonctionne pas et certains d’entre vous en ont également parlé — se trouve le manque de confiance du public, un terme générique. J’aimerais que vous approfondissiez ce que vous entendez par manque de confiance du public et que vous nous parliez davantage de la façon dont vous pouvez mesurer ce manque de confiance et si, en fait, il est lié d’une certaine façon aux problèmes de litiges que nous avons observés dans un certain nombre de projets, particulièrement dans le secteur pétrolier et gazier. Je pense que c’est peut-être aussi lié à la notion de résilience sur le plan judiciaire dont parlait M. Hallman. Il nous serait très utile d’avoir une idée de la façon dont les premières consultations sur l’élaboration du projet de loi ont abouti à la conclusion selon laquelle il y a un manque de confiance du public, particulièrement à l’égard de l’ONE, et de savoir comment vous avez pu mesurer ce manque de confiance et pourquoi le projet de loi peut rétablir la confiance du public, afin d’accroître la certitude que les projets seront terminés à temps et peut-être mis en œuvre. Merci.

M. Lucas : Je peux répondre en premier, sénateur. Ma collègue Christyne pourra ensuite vous parler de l’Office national de l’énergie.

Je pense que l’un des défis qui a été souligné dans le cadre des discussions avec le groupe d’experts que le gouvernement a entendu par l’entremise de ses propres consultations, c’est que malgré des examens approfondis et prolongés, on n’a pas adéquatement expliqué pourquoi ces décisions ont été prises, on n’a pas fourni d’explication publique plus générale sur la façon dont les perspectives divergentes, qui existaient et qui ont été abordées dans les examens, ont été harmonisées et qu’on ne croyait pas qu’il y avait un engagement adéquat et complet, surtout en ce qui concerne les peuples autochtones. En effet, on a indiqué cela dans certaines décisions du tribunal et des projets ont été retardés en conséquence.

À cet égard, le nouveau système a intégré, dans un sens, les garanties d’une transparence accrue, et pas seulement par l’entremise de la participation du public qui, comme l’a fait remarquer Ron Hallman, se fera dans des délais précis et est explicitement indiquée dans la loi, selon les directives de l’organisme de réglementation sur la façon dont cette participation aura lieu — et que les tribunaux ont invoquée en utilisant la norme du critère raisonnable —, mais également par la reddition de comptes, qui exige qu’on fournisse les raisons qui motivent les décisions qui doivent expressément tenir compte des facteurs qui ont été considérés dans l’intérêt du public et le rapport en général, et qui exige d’expliquer pourquoi on a arrêté l’horloge ou, comme Christyne l’a fait remarquer, dans le contexte d’une discussion avec les peuples autochtones, afin de remplir les obligations de la Couronne, qui exige d’expliquer pourquoi certaines infractions ont été tolérées ou, dans certains cas, n’ont pas été tolérées ou ne l’ont pas été comme demandé. Nous croyons que cette transparence accrue améliorera la confiance du public et la résilience du système.

C’est une chose que les intervenants, y compris l’industrie — et nous avons certainement entendu les représentants de plusieurs industries, mais l’une des industries dont nous n’avons pas parlé à cette table, c’est l’industrie minière, qui a appuyé le projet de loi — considèrent importante, car les promoteurs discutent avec les représentants de ces collectivités, et ils souhaitent que l’organisme de réglementation participe plus tôt dans le processus et de façon plus transparente, afin que les décisions soient prises de façon plus efficace, mais qu’elles aient le résultat souhaité, c’est-à-dire la résilience sur le plan judiciaire.

Mme Tremblay : Je crois que c’est une très bonne question. La confiance n’est pas une notion facile à définir. Comment peut-on inspirer la confiance à l’égard d’un système? Je crois que la réponse comporte de nombreux niveaux. Le premier consiste à favoriser la participation des Canadiens et à les écouter, tout en veillant à ce que leurs préoccupations soient traitées. Comme l’ont mentionné Steve et Ron, c’est ce que nous tenterons de faire de l’étape de la planification initiale jusqu’à l’étape de la prise de décisions.

Le deuxième niveau est celui de la transparence. Les gens veulent savoir. Ils ne veulent pas de boîte noire, ils veulent quelque chose de transparent. Je crois que le système favorisera cela, car les rôles, les décisions et toutes les étapes du processus seront plus clairement établis.

Il y a aussi, dans le système, des gens qui croient que l’organisme de réglementation du cycle de vie a peut-être un parti pris en faveur de l’industrie, et nous croyons donc que la mise en œuvre d’un système dans lequel nous réunissons toute l’expertise et la force pour les grands projets permettra de susciter une certaine confiance et d’éviter cette perception.

De plus, il faut obtenir la participation des provinces — et la diversité. Dans mon exposé, j’ai mentionné qu’il fallait faire participer les peuples autochtones à l’office à titre de commissaires. Tout cela contribuera à inspirer la confiance.

La présidente : Les sénateurs souhaitent toujours avoir le temps de poser des questions supplémentaires, et je vous demanderais donc de fournir de brèves réponses.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Bonjour. Je constate que cette loi pourrait engendrer un conflit potentiel, car d’un côté, nous envisageons l’obligation de consulter en vertu de principes — et je peux comprendre cela, et on aurait dû enchâsser ces principes dans la loi sur l’évaluation depuis longtemps. Toutefois, je crains que l’élimination du critère de sélection lié à la participation vienne potentiellement étouffer les voix des Autochtones qui sont pour et contre les projets. En effet, en l’absence de critères de sélection, tout le monde peut participer. Je me demande si les capacités en matière de ressources et de fonds qui peuvent être investis dans l’aspect environnemental pourraient étouffer les voix des nations autochtones qui sont pour les projets, et si l’argent de l’industrie pétrolière et gazière pourrait étouffer la voix des gens qui s’opposeraient aux projets.

Étant donné l’absence de critères de sélection, les gens qui seront les plus touchés par le projet et qui ont le plus à perdre ou à gagner n’ont pas nécessairement davantage voix au chapitre, car il n’y a pas de critères pour déterminer quelle voix aura préséance pendant les consultations. A-t-on réfléchi à la manière de remédier à ce problème?

M. Lucas : Je vais répondre brièvement, et mes collègues pourront ensuite compléter mes commentaires.

Comme Ron l’a souligné, je crois, les critères de sélection existent seulement dans la Loi sur l’Office national de l’énergie; ils n’apparaissent pas dans la LCEE (2012). Comme Ron l’a fait remarquer, dans le système actuel, l’organisme a établi, par l’entremise de processus structurés, une série de moyens par lesquels le public peut être entendu, ainsi que des processus particuliers pour favoriser la participation des peuples autochtones.

Ces éléments sont rendus plus visibles et plus transparents dans la nouvelle loi, comme je l’ai souligné, notamment en exigeant expressément qu’un plan de mobilisation des Autochtones soit élaboré de façon distincte à l’étape de la planification initiale, c’est-à-dire de façon distincte du plan de participation du public, afin de veiller à respecter l’obligation constitutionnelle de consulter. Nous croyons que cela produira de meilleurs résultats pour les peuples autochtones, pour les promoteurs et pour les provinces partenaires.

De plus, j’ajouterais qu’il est expressément indiqué dans le projet de loi — et c’est un amendement qui a été apporté à la Chambre — qu’une participation véritable doit être effectuée dans le délai précisé par l’organisme. En effet, les modalités de la participation du public se fonderont sur des lignes directrices dont l’élaboration a fait l’objet de consultations, mais qui ont été confirmées par l’organisme, et les tribunaux ont reconnu et respecté la direction de l’organisme, en présumant qu’elle est mise en œuvre en vertu de la norme de la décision raisonnable.

Nous croyons que ça confère la capacité de distinguer les meilleures façons d’entendre les opinions et de s’assurer que celles des Autochtones sont entendues et explicitement prises en considération, compte tenu de l’article 63 sur la décision fondée sur l’intérêt public.

M. Hallman : Aux observations du sous-ministre Lucas, j’ajouterai une remarque sur la question. C’est une excellente question, et nous nous la posons au quotidien pour tous les projets. Voilà pourquoi je l’apprécie.

Comme je l’ai fait observer, nous disposerons, comme par le passé, de divers moyens pour mobiliser les acteurs et le public, en fonction de leurs intérêts : par courriel, un portail en ligne, des assemblées publiques, des tables rondes, et cetera. C’est important, il faut que ce soit vrai, et nous le prenons très au sérieux.

Distinguons notre relation avec les groupes d’Autochtones intéressés par un projet et susceptibles d’être touchés par sa réalisation. La loi continue d’accorder à l’Agence la souplesse lui permettant d’adapter la mobilisation des communautés d’une façon qui leur convient. Nous sommes souvent présents sur le terrain, dans les communautés autochtones, ce qui nous permet de nous mettre à l’écoute des anciens. Des dirigeants autochtones font partie des groupes de travail créés pour un projet particulier, et, avec le promoteur et les fonctionnaires fédéraux, ils s’attellent dès maintenant à l’examen des détails ardus d’une évaluation environnementale.

Ça ne s’arrêtera pas là, et, de plus, le projet de loi, avec le concours du budget de 2018, permet aux Autochtones de mettre en place des capacités pour que nous puissions inspirer à la communauté l’impression qu’elle est prête à se mobiliser plutôt que de seulement se faire asséner la description d’un gros projet ou un document technique. Il prévoit des sommes supplémentaires à cette fin, pour que les groupes autochtones puissent se doter eux-mêmes de la capacité technique nécessaire au lieu de seulement embaucher des consultants, si c’est ce qu’ils souhaitent. Il accorde beaucoup plus de ressources, considérablement plus, pour les mobiliser à un niveau supérieur et plus en profondeur, non seulement pour l’élaboration d’une politique dans des domaines qui pourraient les intéresser, mais, aussi, pour l’examen de chaque projet.

Nous croyons que nous pourrons nous enorgueillir publiquement de notre travail tout en continuant d’en faire un excellent avec les groupes autochtones, en nous assurant que leurs opinions retiendront l’attention et seront prises en considération comme elles le méritent.

La sénatrice Seidman : Merci à vous tous d’être ici.

Nos discussions et même le projet de loi font souvent allusion aux preuves et à la science. Voyons un peu ces notions dans le contexte de la Loi sur l’évaluation d’impact et, particulièrement les critères d’examen. Il semble s’y trouver des notions qui seront plutôt difficiles à définir avec précision, sans parler de trouver des moyens de mesurer ces éléments pour des critères désignés.

Pour les seuls éléments à prendre en considération dans l’évaluation d’impact, il est question des changements causés à l’environnement et des conditions sanitaires, sociales ou économiques — et je me focalise sur les conditions sanitaires et sociales — puis on passe à tous les effets cumulatifs susceptibles de se produire et du résultat d’interactions entre ces effets. Je sais que les effets cumulatifs et les interactions ont des dimensions statistiques, mais je ne sais pas vraiment comment vous les définirez et les mesurerez, quand il s’agira des éléments à prendre en considération.

Puis je m’élève d’un cran et j’examine le droit de suspension et d’examen que possède le ministre et je lis qu’il peut omettre l’évaluation d’impact s’il estime évident que le projet désigné produira des effets inacceptables sur l’environnement.

Dans la foule de termes qu’on voit ici, je ne comprends pas vraiment comment, d’un point de vue scientifique, vous trouverez le moyen de mesurer ces critères désignés.

M. Lucas : Je peux répondre rapidement. Mon ministère, celui de l’Environnement et du Changement climatique, sera l’une des autorités fédérales consultées dans le nouveau système intégré, dès le début de la planification.

Pour répondre précisément à ce que vous demandiez sur les effets cumulatifs, ils traduisent l’état dans lequel se trouvent l’atmosphère, l’eau, les écosystèmes, la biodiversité, certaines espèces, et nous collaborons avec d’autres spécialistes fédéraux, comme ceux de Pêches et Océans, mais, aussi, des provinces et des territoires, pour les définir. Nous élaborons et appliquons avec les provinces des normes de qualité de l’eau et de l’air. Ce sont donc des éléments connus.

Dans le domaine de la biodiversité, des paramètres et certainement des méthodes scientifiques robustes permettent de se faire une idée de l’état des espèces en péril. Nous élaborons des stratégies de rétablissement et nous définissons l’habitat essentiel, information que nous tenons à rendre plus généralement accessible pour l’avancement de la science, parallèlement aux éléments précis à prendre en considération pour l’évaluation du projet pour que nous puissions considérer comme digne d’intérêt son impact supplémentaire, compte tenu de l’état local de l’environnement. Dans certaines régions, ce sera directement mesurable, comme je l’ai dit. Dans d’autres, il faudra faire appel au jugement scientifique, que ce soit pour les répercussions sur les oiseaux migrateurs ou d’autres espèces.

De même, nous considérons cette évaluation scientifique comme permettant, en cas de désaccord, de faire appel à l’examen d’un tiers indépendant pour s’assurer que la science définit clairement l’état de l’environnement. Des effets sont très mesurables. Nous en augmenterons la transparence. Quand il faudra faire appel au jugement scientifique, nous en augmenterons la transparence en motivant la décision.

La sénatrice Seidman : Si vous le permettez, je comprends que vous parlez de paramètres très précis, la mesure de la qualité de l’air et ce genre de choses, et vous dites que vous en augmenterez la transparence. Cela signifie-t-il que les promoteurs connaîtront la liste des exigences? Voilà des paramètres très concrets, mais qu’en est-il des conditions sanitaires et sociales? Quel genre de mesures emploierez-vous de façon transparente, pour que les promoteurs sachent aussi de quoi il s’agit pour eux?

M. Lucas : En ce qui concerne la détermination d’accroître les connaissances accessibles, indépendamment de l’examen des projets sur l’état de l’environnement, sur les évaluations régionales entreprises avec les provinces, pour que les promoteurs soient prévenus des régions peut-être plus sensibles et qu’ils puissent en tenir compte dans la conception de leur projet... Par exemple, vous avez parlé de l’article 17, qui n’accorde pas au ministre le pouvoir de décider d’arrêter la réalisation d’un projet mais lui donne plutôt l’obligation d’informer le promoteur de l’existence de régions où il serait impossible d’autoriser un projet, par exemple, du fait de conséquences subies par un habitat essentiel dans une zone protégée définie.

Dans d’autres domaines d’impact sanitaire ou social, on ferait appel aux sciences sociales pour définir la santé, en tenant encore compte des impacts potentiels de ressort fédéral. Les études ou les exigences précises à faire ou à respecter par le promoteur se fonderaient sur les travaux antérieurs à la planification, pour adapter les exigences à la nature du projet et aux domaines précis de ressort fédéral qui seraient prises en considération pour les faire correspondre à la portée et à l’échelle du projet et de nos compétences. Bien sûr, si cela se fait avec le concours de la province, on examinerait ces éléments dans le contexte des compétences de la province.

La sénatrice Simons : Monsieur Lucas, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de projets majeurs désignés, comme l’a fait observer le sénateur Carignan, et vous avez dit que votre décision d’inscrire des projets sur la liste de projets reposerait sur des critères. Pourriez-vous dire quels sont ces critères? Quand seront-ils rendus publics? Quand pourrons-nous examiner la liste?

M. Lucas : En ce qui concerne la méthode et les critères proposés, le gouvernement a publié, quand il a déposé le projet de loi, il y a un an, les critères en question. Comme je l’ai dit, deux critères fondamentaux leur servent de point d’ancrage : la possibilité d’effets négatifs sur l’environnement et les compétences fédérales. J’ai précisé qu’on insistait d’abord sur le potentiel le plus notable d’effets négatifs sur l’environnement qui sont de compétence fédérale. Les Canadiens nous ont fait connaître leurs réactions, qui nous permettront d’affiner ces critères puis de les à l’élaboration de la liste de projets.

Je n’ai pas de date précise à laquelle la liste de projets...

La sénatrice Simons : Avez-vous un échéancier?

M. Lucas : Je pense que le gouvernement a l’intention de la publier à des fins de discussion et de consultation dans les mois à venir.

La sénatrice Simons : Est-ce que ce sera avant que le comité ne doive décider de modifications et n’envoie un rapport au Sénat? Je le demande parce que j’ai l’impression que nous travaillons dans le noir. Sans une idée de la nature des projets qui figureront sur la liste, il nous est difficile de savoir comment ce projet de loi fonctionnera en réalité.

M. Lucas : Je comprends. Les mêmes critères généraux ont servi à l'élaboration de la liste actuelle de projets. Cela dit, votre observation quant au moment de la publication du document de travail sur la liste est notée.

La sénatrice Simons : Passons à l’article 9 du projet de loi. Au paragraphe 9(1), nous lisons que le ministre peut, sur demande ou de sa propre initiative, désigner toute activité comme pouvant exiger une évaluation d’impact. D’après quels critères son pouvoir de désigner s’exercerait-il?

M. Hallman : Je dois d’abord préciser que, même si on s’est efforcé d’inscrire sur la liste les projets les plus susceptibles d’exercer des effets importants dans des domaines de compétence fédérale, il est impossible de voir et de savoir tout.

Le projet de loi permet d’éviter l’évaluation environnementale, même à un projet figurant sur la liste, si, au début de la planification, nous en reconnaissons et savons les effets, si ces effets sont faciles à atténuer ou s’ils sont maîtrisés par une autre entité compétente.

Inversement, il se pourrait qu’un type d’activité, un projet, ne figure pas sur la liste, parce que, normalement, il ne pose pas de problème, mais, dans des circonstances particulières — emplacement géographique, espèces vulnérables en péril, inquiétudes des Autochtones, notamment —, il pourrait être logique de l’évaluer. La loi autorise cette souplesse plutôt que d’essayer d'élaborer une liste parfaite et exhaustive.

C’est conforme à ce que prévoit actuellement la loi de 2012 sur l’évaluation environnementale, qu’on invoque rarement. De fait, il est arrivé que des promoteurs nous aient demandé de désigner leur projet, et il me vient à l’esprit un projet de port à Beauport, au Québec, où le promoteur nous a supplié d’instituer un processus transparent.

La sénatrice Simons : Voyons la portée des éléments, à la fin de l’article 22. Voilà un autre point où on nous a promis plus de clarté sur la méthode de sa détermination. Je crains que cette longue liste n’amène a croire que chaque projet devra satisfaire à chacun de ces éléments. Allons-nous bénéficier de plus de clarté sur le paragraphe 22(2), et comment les éléments seront-ils déterminés de manière à ce que les promoteurs sachent lesquels s’appliquent et quel sera le degré de flexibilité de chaque projet?

M. Hallman : Les éléments énumérés dans le projet de loi se trouvent déjà, dans l’ensemble, dans la loi de 2012 sur l’évaluation environnementale, avec quelques ajouts. Plutôt que d’imposer à chacun la même quantité de travail sur chaque élément, ce qui est excessif et nuisible, nous repasserons le début de la planification et demanderons au promoteur, à la province, aux groupes autochtones et aux ministères fédéraux spécialistes en la matière si, d’après la description du projet, des problèmes sont susceptibles de survenir. La loi exige que nous envisagions tous ces éléments, mais si certains ne s’appliquent pas ou si, déjà, nous possédons les renseignements utiles à leur sujet, nous ne ferons que le préciser, nous dirons au promoteur qu’il n’a rien à ajouter à ce sujet, que la question est réglée, que ça figurera dans notre rapport et que ce sera soumis aux décideurs mais que lui, il n’a rien à y ajouter.

En revanche, nous lui demanderons de consacrer son temps, son énergie et son argent à collaborer avec les groupes autochtones et les ministères fédéraux spécialistes en la matière à l’approfondissement des questions les plus dignes d’intérêt dans le projet, pour trouver des moyens rassurants d’atténuer les effets. Nous pouvons ensuite traduire ces éléments en conditions exécutoires qui influent sur la décision que prendra le gouvernement pour autoriser, le cas échéant, le passage du projet à l’étape de la délivrance des permis.

M. Lucas : Un lien important relie l’article 18, qui précise les résultats de la planification en amont et, particulièrement, les lignes directrices personnalisées du paragraphe 22(2). L’idée de cette planification est de pouvoir adapter les lignes directrices à la nature du projet, à certains des sujets d’inquiétude, sans demander au promoteur de s’occuper d’éléments déjà réglés à cette étape ou sans intérêt pour la réalisation du projet.

Le sénateur Tkachuk : Je suppose que le projet de loi C-69 s’inscrit dans la stratégie globale du gouvernement de réduction des émissions, conformément à ses objectifs pour 2030, dont il est actuellement très éloigné. Notre comité voudrait, je pense, obtenir des détails sur leur imbrication. L’objectif premier du projet de loi est-il d’atténuer le changement climatique ou d’en inverser le cours?

M. Lucas : La réponse est non. Le projet de loi, comme Ron l’a expliqué, je pense, se fonde sur l’évaluation d’impact comme processus fondamental de planification, pour permettre la prise de décisions à l’égard des projets désignés après prise en considération de leurs répercussions, positives et négatives, d’après certains éléments ou facteurs environnementaux et économiques, sociaux et sanitaires. Dans ce contexte, l’un des éléments environnementaux énumérés de façon explicite dans l’article 22 touche le changement climatique. Ce n’est donc pas un objectif principal du projet de loi; c’est un élément parmi les éléments environnementaux considérés.

Comme je l’ai dit, pour éclairer les promoteurs, l’Agence et les autorités fédérales sur la façon d’agir dans le contexte d’une évaluation d’impact, le gouvernement a promis une évaluation stratégique du changement climatique, qui permettrait de concevoir le genre de renseignements que le promoteur devrait fournir sur ses émissions et, dans ce contexte, le document de travail publié au cours de l’été précisait clairement que le gouvernement n’avait pas l’intention d’examiner les émissions en aval et les paramètres que l'Agence canadienne d'évaluation des impacts et les autorités fédérales examineraient dans la prise en considération des renseignements fournis par le promoteur dans le contexte du plan de changement climatique du pays, pour éclairer ce processus. Les discussions élargies sur la politique climatique ne font pas partie de l’évaluation des projets, mais elles ont lieu sur des tribunes extérieures au système d’examen des projets.

Le sénateur Tkachuk : J’ai l’esprit encore plus confus qu’avant. Je pense qu’il sera très difficile au promoteur, uniquement à partir de votre explication, de connaître ses obligations. Croyez-vous que, sous le régime du projet de loi C-69, les gros travaux d’exploitation des sables pétrolifères seront considérés comme compatibles avec les objectifs climatiques du gouvernement?

M. Lucas : Comme je l’ai dit, dans l’examen d’un projet, on examine un certain nombre d’éléments, notamment les variables environnementales. Les émissions de gaz à effet de serre en seraient une. La façon d’en tenir compte — la marche à suivre, si vous voulez — sera définie par l’évaluation stratégique. Par exemple, on tiendrait compte des émissions, en valeur absolue, et peut-être des émissions évitées grâce à la technologie.

Le sénateur Tkachuk : Des émissions de quelle origine?

M. Lucas : Eh bien, dans le cas des sables bitumineux, de l’énergie employée pour extraire le pétrole ou, dans le cas d’un projet minier, de l’énergie utilisée pour extraire le minerai. Ces émissions seraient évaluées avec d’autres facteurs environnementaux, mais en vertu de règles précises pour que soient prises en compte seulement ces émissions et les mesures d’atténuation que la société propose d’utiliser au moyen de la technologie et de processus.

Le sénateur Tkachuk : Existe-t-il un tableau précis des émissions permettant aux entreprises de savoir que si elles atteignent la cible, tout ira bien, mais que si elles la ratent de peu, il y a aura un problème? Avez-vous mené une analyse expressément à ce sujet? Si c’est le cas, j’aimerais la voir. Pouvez-vous déposer une des analyses que vous avez réalisées sur les émissions des grands projets de sables bitumineux ou d’autres projets que l’Office pourrait examiner?

M. Lucas : Je ferai deux remarques. Sachez d’abord que l’objectif du document de travail publié cet été, et dont les observations sont inspirées, consistait à étudier certaines de ces questions à propos des niveaux d’émissions. Ces questions seront examinées au cours de la prochaine phase de l’évaluation stratégique des changements climatiques, qui sera bientôt entreprise.

Le gouvernement a publié son évaluation des émissions directes et en amont d’un certain nombre de projets depuis l’adoption de ce principe en janvier 2016. Ces documents sont du domaine public, comme le sont ceux portant sur les émissions globales produites par les divers secteurs et dans les différentes régions du pays. Cela s’inscrit dans notre processus transparent de présentation de rapports annuels.

[Français]

Le sénateur Mockler : J’aimerais me joindre aux honorables sénateurs pour remercier les témoins de leur présence.

[Traduction]

J’ai quelques questions au sujet desquelles j’espère que vous pourrez nous en dire davantage ou nous fournir de l’information.

Au cours des débats et des séances d’information sur le projet de loi C-69, on nous a indiqué que ce projet de loi n’imposera pas de tests en aval et en amont des projets de pipeline. Est-ce le cas?

M. Lucas : Comme je viens de le faire remarquer, dans le document de travail sur l’évaluation stratégique des changements climatiques publié cet été, le gouvernement a indiqué qu’il n’entend pas étudier les émissions en aval.

En ce qui concerne les émissions en amont des projets de pipeline, le gouvernement a fait savoir en janvier 2016 qu’il en tiendrait compte avec les émissions directes des projets. La consultation que nous menons au sujet de cette évaluation stratégique des changements climatiques vise à nous permettre de mieux comprendre les points de vue des entreprises et d’autres parties prenantes à ce sujet.

Ici encore, juste pour que tout soit clair, le processus vise à déterminer quels renseignements doivent être étudiés, à faire en sorte que tout soit clair pour que le promoteur sache comment les données seront examinées, à assurer la clarté pour que l’organisme de réglementation étudie la question de matière à ne pas tenir compte des grandes questions stratégiques, et à contribuer à soutenir l’innovation et l’utilisation de la technologie, les principaux outils d’atténuation utilisés par les entreprises du pays. Voilà qui permettra d’appuyer ces activités et d’en tenir compte, comme l’indiquent explicitement le document de travail et l’approche proposée au sujet des critères relatifs à la liste de projets.

Le sénateur Mockler : Ma prochaine petite question est la suivante : venant du Canada atlantique et m’intéressant au sort d’Énergie Est, j’aimerais savoir si les mesures dont vous venez de nous parler auraient eu une incidence plus favorable sur ce projet?

M. Lucas : Je pense que, comme nous l’avons fait remarquer de manière générale, le nouveau régime, en permettant de considérer un certain nombre d’éléments du système, lequel fera la lumière sur la manière dont les facteurs environnementaux et les autres éléments seront examinés, en prévoyant l’étude des évaluations régionales et des effets cumulatifs globaux, et en comportant une étape de planification en amont afin de détecter les problèmes, fera en sorte que le processus sera plus efficace et que les projets valables seront plus susceptibles d’être approuvés afin d’acheminer les ressources jusqu’au marché.

J’ai utilisé l’exemple du béluga dans le fleuve Saint-Laurent, qui a suscité des préoccupations dans le cadre de ce projet. Nous sommes d’avis qu’avec le nouveau régime, la question aurait été soulevée et résolue en amont.

Le sénateur Mockler : Merci.

Dans le projet de loi C-69, l’alinéa b) stipule ce qui suit :

prévoit un processus d’évaluation des effets environnementaux,sanitaires, sociaux et économiques des projets désignés en vue de la prévention de certains effets négatifs et de favoriser la durabilité;

Je conviens que nous pouvons améliorer ce point. Je demanderais toutefois aux fonctionnaires d’expliquer au comité certains des effets négatifs dont il est question.

M. Hallman : Madame la présidente, j’ai un très bref exemple. Les accidents et les défectuosités constituent un sujet à propos duquel nous passons beaucoup de temps avec les promoteurs, un sujet qui intéresse considérablement les groupes autochtones et les communautés. Nous cherchons à savoir quelles mesures sont en place pour éviter les défectuosités et les accidents et ce que les promoteurs comptent faire si ces problèmes surgissent. Je m’arrêterai là.

Le sénateur Mockler : Je vous demanderais de nous dire de quels effets négatifs vous ne vous préoccupez pas.

M. Lucas : Je vous donne un exemple. Le déversement d’une substance qualifiée de toxique pour l’environnement aurait des effets néfastes. En collaboration avec des fonctionnaires provinciaux et territoriaux, ainsi qu’avec Santé Canada, nous avons établi des normes précises qui fixent des limites. Ces renseignements sont connus. Un promoteur consciencieux élaborera un projet prévoyant un recours adéquat à la technologie et aux mesures d’atténuation, dans le respect des normes et des limites. Voilà qui établit un seuil pour certains effets néfastes.

La présidente : Je regarde l’heure. Le prochain intervenant est le sénateur Mitchell, parrain du projet de loi. Il a demandé les cinq dernières minutes.

Le sénateur Mitchell : Je remercie chacun d’entre vous. Vos excellents exposés ont été fort instructifs. Je serai aussi bref que possible.

Le processus de planification préliminaire constitue manifestement un élément crucial du projet de loi, car il assure une grande efficacité, à mon avis. Comme vous l’avez souligné, ce processus permettra de raccourcir des délais. Chaque étape prévue dans le projet de loi est plus courte que celles que comprend actuellement la LCEE (2012), mais il faut gérer le tout efficacement.

Pourriez-vous nous expliquer le délai de 180 jours, lequel constitue un délai supplémentaire? Ce n’est pas comme si l’industrie n’accordait pas de temps à la planification préliminaire actuellement. Cette disposition ne fera que rendre cette étape officielle et plus efficace, et d’aucuns considéreront qu’elle se traduira, au bout du compte, par une réduction de la durée du processus d’examen.

M. Lucas : Je dirais brièvement que c’est le cas. L’intention consiste à lancer le processus plus tôt. C’est quelque chose que réclamait l’industrie, notamment les sociétés minières qui travaillent avec les communautés et les Premières Nations dès les prémices du projet. Ces entreprises nous ont indiqué qu’elles souhaitaient que le gouvernement intervienne plus tôt pour que les travaux puissent être examinés et que les problèmes soient soulevés afin d’assurer la clarté et la certitude, et ce, afin de raccourcir les délais et de rendre le processus plus efficace quand ils effectuent des investissements substantiels afin de réaliser des études et des travaux à l’appui de l’évaluation d’impact.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Le sénateur Richards a soulevé une question très importante concernant les mesures prises pour réduire le risque de poursuites. Nous savons que c’est un risque, car des poursuites ont été intentées en vertu de la LCEE (2012). Cette loi ne fonctionne pas. Permettez-moi de vous poser cette question de manière légèrement différente: pourriez-vous nous indiquer comment l’affaire TMX aurait pu connaître un autre dénouement ou être évitée si le projet de loi C-69 avait été en place avant?

Mme Tremblay : Merci. Je pense que si on examine la décision du tribunal, on constate que ce dernier n’a pas statué que nous avions tout faux. Il a fait remarquer que nous n’avions pas effectué d’évaluation maritime; nous avons donc dû refaire l’examen avec l’Office national de l’énergie. L’étape préliminaire et toutes les mesures nous aideront à évaluer adéquatement les projets pour éviter ce genre de surprise à la fin.

Le tribunal a également souligné l’absence de consultation valable. Il n’a pas déploré le cadre de la consultation, mais la manière dont nous avons consulté les Autochtones. C’est un élément que nous allons aussi corriger. Nous procéderons de telle manière dans le cadre de la consultation prévue à l’étape 3 que le nouveau processus nous permettra de tirer parti de tout ce que nous avons appris du projet TMX pour que dans l’avenir, nous soyons certains de satisfaire les exigences des tribunaux. Nous bénéficierons ainsi d’une position plus solide sur le plan juridique tout en comblant les attentes des groupes autochtones.

Le sénateur Mitchell : Dans l’industrie, certains réclament une date butoir après 730 ou, dans certains cas, 550 jours, date à laquelle l’évaluation devrait être terminée et la décision, rendue. Or, le projet de loi C-69 ne prévoit rien de tel. Pourquoi ne comprend-il pas de date butoir? Pour quelle raison cela ne serait-il pas efficace? Pourquoi seriez-vous contre cette mesure?

M. Hallman : C’est une excellente question, que l’industrie m’a d’ailleurs aussi posée. Quand je leur ai donné la réponse suivante, certains ont répondu en disant que ce n’était peut-être pas ce qu’ils souhaitaient. Par contre, d’autres veulent toujours la mesure dont le sénateur a parlé.

Le problème avec une date butoir, c’est que les promoteurs travaillent à leur évaluation, étudiant leur projet, les fluctuations des cycles économiques, leur capacité d’attirer des investissements, leurs priorités à l’échelle mondiale et le transfert de ressources d’un projet à un autre dans des lieux géographiques différents.

La LCEE (2012) et le projet de loi C-69 imposent des limites au délai dont les fonctionnaires fédéraux disposent pour effectuer leur travail et les tiennent responsables au nom du gouvernement. Ce serait aller trop loin que d’imposer cette responsabilité aux promoteurs, qui sont ceux qui connaissent le mieux leur travail. S’ils veulent apporter un changement au concept ou remiser le projet pour le reprendre dans un an, quand les prix des marchandises seront plus favorables, c’est formidable. Toutefois, si nous leur annoncions que le délai est écoulé, que nous mettons fin à leur évaluation environnementale et qu’ils doivent reprendre le processus quand ils sont prêts, cela susciterait de fortes réactions.

La présidente : Je sais que vous devez partir et que nous avons dépassé notre temps. Des sénateurs qui ne sont pas membres du comité ont toutefois deux questions. Nous permettriez-vous de prolonger notre entretien de trois minutes?

La sénatrice McCoy : Je vous remercie de votre courtoisie. Il y a tant à dire en si peu de temps. Je serai très brève.

Je me souviens qu’il y a 20 ans, un grand nombre de personnes de l’Alberta qui connaissaient bien ce processus demandaient à ce que la portée de l’évaluation soit fixée d’entrée de jeu. Je suis donc enchantée que vous ayez adopté ce point de vue.

Les choses ne sont toutefois pas immuables. Pourriez-vous nous expliquer le paragraphe 52(2) et l’article 56? Le premier autorise la commission à réclamer des renseignements supplémentaires à tout moment, alors que le second permet au ministre de demander des renseignements et des études supplémentaires en tout temps avant de présenter un rapport au Cabinet. Voilà qui m’indique qu’il n’existe pas de limite ferme en ce qui concerne le document d’évaluation.

M. Hallman : Madame la présidente, la sénatrice a correctement interprété les dispositions du projet de loi. Il s’agit selon moi de renseignements ou de détails supplémentaires permettant de mieux comprendre un facteur préexistant. Ce ne serait pas un nouveau facteur qui s’ajouterait subitement. Si un point relatif à la qualité de l’eau n’était pas clair pour la commission ou le ministre, ces derniers pourraient réclamer des renseignements supplémentaires parce qu’ils ne comprennent pas.

La sénatrice McCoy : C’est votre intention. Il y a tant de bonnes intentions. Je suis ravie d’entendre que vous avez la bonne intention de ne pas inclure les émissions en aval. Seriez-vous prêt à nous affirmer aujourd’hui que vous n’inclurez pas les émissions en aval d’un projet énergétique dans une évaluation environnementale? Je ne vous demande pas de dire que vous n’en avez pas l’intention, mais que vous ne le ferez pas.

M. Lucas : Le gouvernement a clairement exprimé son point de vue dans le document de travail publié cet été : il n’entend pas évaluer les émissions en aval. Le processus d’engagement, visant à définir et à réaliser l’évaluation stratégique essentielle pour que la question stratégique globale que constituent les changements climatiques ne soit pas prise en compte dans le cadre de l’évaluation des projets, n’est pas encore terminé. Nous tiendrons volontiers le comité informé du dossier à mesure que les travaux progressent. Le gouvernement a toutefois clairement indiqué qu’il ne veut pas inclure les émissions en aval dans les évaluations de projet.

En outre...

La présidente : Désolée.

La sénatrice McCoy : Merci beaucoup de ces précisions.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une brève question. Le Québec, comme plusieurs autres provinces, a de sérieuses réserves quant au projet de loi C-69. J’aimerais aborder la question des juridictions. Le Québec souhaite que les projets interprovinciaux — ou les projets qui sont de compétence provinciale avec des effets accessoires sur les compétences fédérales — soient confiés uniquement au Québec, avec les discussions nécessaires pour tenir compte de vos préoccupations. Ce n’est évidemment pas écrit de cette façon-là dans le projet de loi. J’aimerais savoir s’il y a des garanties. Quelle est votre intention à ce chapitre pour qu’on puisse en arriver à l’idée d’une évaluation par projet, et pas à un dédoublement?

M. Lucas : Je vais commencer par répondre à votre question, madame la sénatrice. Ensuite, Christine pourra ajouter quelques commentaires.

L’objectif d’avoir « un projet, une évaluation » est prévu dans le projet de loi, dans le contexte de la planification préliminaire, avec la nécessité de développer une pleine collaboration avec d’autres juridictions comme la province de Québec. De plus, ce projet de loi est le système qui reconnaît l’importance primordiale de conclure des ententes bilatérales comme par le passé avec le Québec afin que le système puisse fonctionner efficacement. Pour ce qui est des fonctionnaires, le Québec nous a déjà fait remarquer qu’il souhaitait renouveler cette entente de collaboration pour réaliser l’objectif « une évaluation ».

Mme Tremblay : Je vais faire un lien avec votre commentaire, sénateur Massicotte, en ce qui a trait à la compétitivité. Quand on rencontre les promoteurs, ils nous parlent de la difficulté d’avoir à faire face à plusieurs évaluations d’impact environnemental. L’objectif de mener « un projet, une évaluation » est capital. Il y a un nouveau coffre d’outils à l’intérieur de ce projet de loi pour établir différents types de collaboration. Cela peut être une substitution. Même dans un projet faisant partie de la liste des projets évalués au niveau fédéral, la province pourrait effectuer « un projet, une évaluation » au complet. Cette porte est ouverte. Comme M. Lucas l’a mentionné, des provinces ont déjà fait part de leur intérêt à travailler dans ce sens. Ce n’est pas le seul outil. On peut avoir des ententes de collaboration, ce qui permettrait à deux juridictions de travailler ensemble simultanément avec le promoteur pour aligner les projets, les évaluations d’impact ou d’harmonisation. Ainsi, on pourrait s’assurer que l’échéancier est le même. Par l’entremise de ces ententes, on peut s’assurer que le promoteur fournira les mêmes documents aux deux juridictions, pourvu qu’ils répondent à leurs besoins. Ce genre d’outil est extrêmement utile et permettre d’atteindre l’objectif « un projet, une évaluation » et améliorera la compétitivité. Lorsque les promoteurs parlent de la difficulté réglementaire, ils abordent la question de la complexité et de la superposition. Cela permet de s’attaquer à cet élément.

La présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous allons laisser partir ces fonctionnaires. Notre prochain groupe de témoins va entrer, et nous pourrons leur poser le même genre de questions.

Merci beaucoup d’avoir témoigné et d’avoir répondu à nos questions.

Notre deuxième groupe de témoins est composé de Mme Christine Loth-Bown, vice-présidente, Secteur d’élaboration des politiques, et de Brent Parker, directeur, Affaires législatives et réglementaires, de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale; de Timothy Gardiner, directeur général intérimaire, Direction des ressources pétrolières, Supprimer Secteur de l’énergie, de Ressources naturelles Canada; de Nancy Harris, directrice exécutive, Gérance réglementaire et affaires autochtones, de Transports Canada; et, enfin, de Jean-Sébastien Rochon, avocat-conseil à l’Unité de coordination des ressources naturelles du ministère de la Justice du Canada.

Ce groupe ne présentera pas d’exposé. Nous pouvons donc commencer à lui poser directement des questions sur le même sujet que celui abordé avec le premier groupe.

La sénatrice Cordy : Je ne m’attendais pas à être la première et je pensais recevoir des notes.

Dans le groupe précédent, un témoin connaissant la Loi sur la protection de la navigation a comparu, mais personne n’a posé de question sur le sujet. Un de nos collègues nous a indiqué hier que cette loi ne constitue certainement pas un volet important du projet de loi. Or, j’ai lu au sujet de cette partie du projet de loi un document indiquant que le projet de loi C-69 vise à rétablir des mesures de protection éliminées et prévoit une surveillance accrue des eaux navigables du pays. Pouvez-vous nous expliquer comment ces mesures changeront la donne et ce qui change entre l’ancienne loi et la nouvelle?

Nancy Harris, directrice exécutive, Gérance réglementaire et affaires autochtones, Transports Canada : Certainement. Merci de nous poser cette question.

Il y aura un certain nombre de changements concernant le rétablissement des mesures de protection éliminées. Sachez tout d’abord que l’annexe sur les eaux assujetties à la loi sera mise à jour et élargie. Tout ouvrage construit sur des eaux assujetties à la loi continuerait de devoir être approuvé en vertu de la Loi sur les eaux navigables canadiennes. Une nouvelle catégorie de travaux appelés « ouvrages majeurs » s’ajouterait également à la loi. Tout ouvrage majeur construit sur des eaux navigables canadiennes, qu’elles figurent ou non dans l’annexe, exigerait également une approbation. Ces deux aspects du projet de loi permettraient donc de rétablir les mesures de protection éliminées.

Les ouvrages qui n’exigent pas d’approbation parce qu’ils ne constituent pas des ouvrages majeurs ou ne concernent pas des eaux figurant dans l’annexe feraient l’objet d’un tout nouveau processus, lequel est expliqué dans le projet de loi. Quiconque construirait un ouvrage sur une eau navigable serait tenu d’entreprendre ce nouveau processus de résolution et devrait aviser la population de ses plans de construction. Une période serait accordée pour recueillir des observations, et les promoteurs devraient répondre à toutes les préoccupations avant de pouvoir entreprendre la construction de l’ouvrage.

Ce sont là les principaux éléments visant à rétablir les mesures de protection éliminées.

La sénatrice Cordy : Il y a des ouvrages mineurs, comme les rampes de mise à l’eau et les câbles de surface ou souterrains. En ce qui concerne les ouvrages majeurs, toutefois, le seul exemple que fournit le document d’information est celui d’un grand barrage. Auriez-vous d’autres exemples de ce qui constituerait un ouvrage majeur en vertu de cette loi?

Mme Harris : Certainement. L’ordre des ouvrages majeurs est un nouveau concept dans la loi. On est encore à l’élaborer et à le définir.

En novembre, un document de travail a été publié afin de faire part de certaines réflexions préliminaires sur les ouvrages que cet ordre pourrait inclure. Plusieurs catégories d’ouvrages ont été établies, comme celle des câbles de traille, des barrages, que vous avez nommée, et des sites d’aquaculture. La dernière catégorie énumérée dans ce document était celle de certains ponts et jetées qui auraient un impact substantiel sur la navigation. De façon générale, les ouvrages majeurs se définissent comme des ouvrages ayant une incidence considérable sur la navigation.

La sénatrice Cordy : Ici encore, cela renvoie à d’autres parties du projet de loi. Les gens qui lisent les modifications se préoccupent grandement des délais et tiennent à ce que le processus d’approbation s’effectue rapidement pour que si quelqu’un compte construire un barrage ou un pont, comme vous l’avez indiqué, les choses se déroulent rondement pour que les promoteurs puissent aller de l’avant ou savoir qu’ils n’ont pas le feu vert.

Le ministre doit tenir compte de certains facteurs. Un processus de consultation est prévu pour que le savoir autochtone, l’impact de l’œuvre sur la navigation et le dossier de conformité du propriétaire lui soient transmis. Le projet de loi comprend-il un échéancier? J’en ai lu le sommaire en entier, sans m’attarder précisément aux modifications à la Loi sur la protection de la navigation.

Mme Harris : Aucun échéancier n’est établi pour l’approbation réglementaire dans le projet de loi. On entend adopter un règlement au sujet du recouvrement des coûts au cours des prochaines années. Dans le cadre de leur élaboration, on établira des normes de service pour l’approbation réglementaire; c’est à ce moment qu’on commencera à établir des échéanciers pour la délivrance des approbations réglementaires.

Quand une approbation accordée en vertu de la Loi sur les eaux navigables canadiennes est suivie d’une évaluation d’impact, on pourrait tirer parti de certaines occasions, s’appuyant sur les consultations et la planification effectuées en amont dans le cadre de l’évaluation d’impact pour simplifier certains processus à l’étape réglementaire.

La sénatrice Cordy : Ces modifications rendront-elles le processus d’approbation plus transparent?

Mme Harris : La transparence constitue un autre thème clé de la Loi sur les eaux navigables canadiennes. Parmi les principales caractéristiques intégrées à la loi figure l’établissement d’un registre public. Il s’agit d’une nouvelle disposition de la loi. La Loi sur la protection de la navigation ne comprend pas de tel registre actuellement . C’est dans ce registre que seraient inscrites les demandes relatives aux ouvrages afin de permettre aux gens de voir ce qui est proposé de construire et d’obtenir l’information dont ils ont besoin pour formuler des commentaires sur les divers ouvrages qui pourraient être construits dans leur voisinage.

Le sénateur MacDonald : Je suppose que je poserai maintenant mes questions à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. L’article 9 autorise le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à désigner toute activité si « les préoccupations du public ... le justifient ». Voilà qui semble vague et général. Le gouvernement jugera-t-il que les préoccupations des groupes d’activistes financés par des intérêts étrangers sont une préoccupation du public? Existe-t-il des lignes directrices précisant la manière dont ces préoccupations seront pesées? Considérez-vous que les parties ayant un intérêt direct et ayant investi directement dans un projet potentiel devraient peser plus lourd dans la balance que les groupes d’activistes financés par des intérêts étrangers?

Christine Loth-Bown, vice-présidente, Secteur d’élaboration des politiques, Agence canadienne d’évaluation environnementale : Je peux commencer à répondre à ces questions, et mon collègue pourra fournir des renseignements supplémentaires.

Comme on l’a expliqué précédemment, la méthode utilisée pour décider si un projet fera ou non l’objet d’une évaluation de l’impact permet de déterminer s’il est un projet désigné. Un règlement sera élaboré afin de définir les paramètres.

L’article 9, conformément à ce que prévoit actuellement la LCEE (2012), permet au ministre d’envisager la désignation de projets ne figurant pas sur la liste. C’est ainsi que l’on procède actuellement. Pour répondre à la question précise du sénateur, oui, nous disposons de lignes directrices indiquant comment procéder pour déterminer si un projet devrait être désigné. Nous avons ces lignes directrices et les aurons dans l’avenir.

Notre objectif consiste à avoir le plus de certitude possible quant à la liste de projets, car nous prenons avec le plus grand sérieux le fait que les gens réclament de la certitude au sujet des projets qui seront considérés afin de savoir ce qu’il en est d’entrée de jeu. L’article 9 vise à ménager une place pour les projets auquel nous ne penserions peut-être pas actuellement, des genres de projets reposant sur de nouvelles technologies qui émergent, ne figurant pas sur la liste actuellement, soulevant des préoccupations ou, comme la présidente l’a fait remarquer plus tôt, dont le promoteur réclame la désignation ou demande d’en envisager la désignation.

Nous utilisons rarement cet article actuellement. Nous recevons fréquemment des demandes que nous examinons, après quoi nous justifions la décision rendue. Nous utilisons toutefois rarement cet article.

Le sénateur MacDonald : Vous n’avez pas répondu à ma question : les groupes d’activistes étrangers et financés par des intérêts étrangers seront-ils considérés comme des parties pouvant soulever une préoccupation du public? Peuvent-ils se faire entendre en vertu de ce règlement?

Mme Loth-Bown : Il ne s’agit pas tant de se faire entendre; nous recevons des lettres adressées à la ministre. Cette dernière examinera alors la question qui y est soulevée, puis expliquera la réponse. C’est un processus très transparent encadré par des lignes directrices et des procédures s’apparentant au cadre que nous utilisons pour désigner les projets qui seront inscrits sur la liste en vertu du règlement.

Le sénateur MacDonald : Je veux poser la question une fois encore, car vous n’y avez pas répondu. Je vous ai demandé si les groupes d’activistes financés par des intérêts étrangers auront une place à la table. Pourront-ils intervenir?

Mme Loth-Bown : Par respect, si nous recevons une lettre, nous devons y répondre. Pour ce qui est de l’origine de la lettre, si la ministre reçoit une lettre, elle y répondra.

Le sénateur MacDonald : La réponse est donc « oui », alors?

Mme Loth-Bown : Si la ministre reçoit une lettre, alors nous devons répondre de manière transparente à ses auteurs.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Loth-Bown. Quand on met en place un processus de législation réglementaire et d’application, normalement, en tout cas c’était le cas dans mon ancienne vie, on fait des expériences et on essaie de voir, en pratique, si cela peut fonctionner. On teste notre modèle en se disant : « Si j’ai un cas spécifique concret et que je prends l’application du règlement ou de la loi que je veux mettre en vigueur, est-ce que cela va fonctionner? Est-ce qu’on aura une autorisation ou un refus? »

Est-ce que vous faites ce genre de test? Est-ce que vous avez testé l’application de la loi pour des projets particuliers?

Mme Loth-Bown : Oui. Nous allons tester le processus. Nous menons le processus, nous avons fait la législation et la réglementation par rapport à notre expérience. Comme la présidente l’a expliqué plus tôt, les choses qu’on voit maintenant dans la loi viennent de l’expérience que nous avons de la loi existante et des bonnes pratiques mises en place avec les intervenants des groupes autochtones.

Le sénateur Carignan : Est-ce que, dans votre ministère ou votre agence, vous avez pris certains projets et vous vous êtes dit : « Si je le pars du jour 1 et que je lui fais suivre le processus, en combien de temps mon projet peut-il être approuvé ou refusé, et est-ce que le processus fonctionne? »

Mme Loth-Bown : C’est très important que le processus fonctionne. Collaborons avec d’autres ministères et leurs experts, comme Pêches et Océans Canada, Transports Canada, Ressources naturelles Canada, pour veiller à bien travailler ensemble. Nous sommes en train de collaborer à des exercices en vue d’évaluer des projets antérieurs et nous examinons comment ces projets vont se poursuivre sous la loi proposée. Donc oui, nous le faisons en ce moment. Nous étudions également nos lignes directrices pour voir les changements à faire quant à l’interprétation et à la mise en œuvre de la loi proposée.

Le sénateur Carignan : Avez-vous testé certaines activités, certains ouvrages? Par exemple, avez-vous testé la construction d’un oléoduc qui partirait de l’Alberta et qui irait jusqu’au Nouveau-Brunswick? Le cas échéant, à la fin du test, était-il autorisé ou refusé? Ou est-ce que c’était tellement long que c’était impossible?

Mme Loth-Bown : À ce jour, nous n’avons pas fait de test comme celui que vous mentionnez, mais nous sommes en train de travailler conjointement avec l’Office national de l’énergie pour examiner la loi, surtout les parties de la loi qui touchent les projets intégrés, pour voir comment tout cela va fonctionner, comment on va colliger de l’information et ce qu’on va demander aux promoteurs. Oui, nous sommes en train de travailler avec l’ONE pour voir comment la loi peut être mise en œuvre.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Avec les témoins précédents, nous avons brièvement discuté des émissions en aval. Il me semble qu’ils nous ont indiqué que le gouvernement n’en tiendra plus compte, même s’ils n’ont pas été aussi clairs que nous l’aurions souhaité, comme la sénatrice McCoy l’a fait remarquer. Je ne considère toujours pas que leurs explications étaient aussi claires que nous l’aurions voulu. Le gouvernement a cependant tenu compte de ces émissions pour le projet Énergie Est. Admet-il donc qu’il a commis une erreur en agissant ainsi? Pourquoi a-t-il changé d’avis?

Timothy Gardiner, directeur général par intérim, Direction des ressources pétrolières, Secteur de l’énergie, Ressources naturelles Canada : Sénateur, vous avez raison au sujet du projet Énergie Est : le comité mis sur pied pour l’étudier a pris en compte les commentaires sur une liste de facteurs à considérer et a décidé qu’il tiendrait compte des émissions en aval. Je pense que le sous-ministre Lucas vous a indiqué plus tôt aujourd’hui que des évaluations stratégiques font partie du plan de mise en œuvre du projet de loi; une de ces évaluations est en cours pour déterminer comment les émissions à l’origine des changements climatiques seraient prises en compte lorsque le gouvernement prend une décision à propos d’un projet. Ce document de travail a été publié afin de recueillir des observations, et le gouvernement y a clairement indiqué que les émissions en aval ne seraient pas prises en compte dans le cadre du processus de décision.

Le sénateur Tkachuk : Il a donc fait erreur? Quel facteur l’a fait changer d’idée?

M. Gardiner : Je ne faisais pas partie du comité d’examen, lequel a exercé son pouvoir discrétionnaire de comité indépendant en déterminant la portée de l’examen.

Le sénateur Tkachuk : Je veux changer légèrement de sujet. Votre bureau à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale se situe à Ottawa, n’est-ce pas?

Mme Loth-Bown : Notre administration centrale se trouve à Ottawa, et nous comptons des bureaux dans six provinces du pays.

Le sénateur Tkachuk : Combien d’employés travaillent à Ottawa?

Mme Loth-Bown : La moitié de notre effectif travaille à Ottawa et le reste est réparti ailleurs au pays.

Le sénateur Tkachuk : Combien d’employés travaillent ici, à Ottawa?

Mme Loth-Bown : Un peu plus de 100 y travaillent. Nous avons environ 257 employés.

Le sénateur Tkachuk : Avec les nouvelles responsabilités que prévoit le projet de loi, aurez-vous besoin de plus d’employés?

Mme Loth-Bown : Oui. En raison des nouvelles responsabilités qui sont les nôtres en vertu de la loi, le gouvernement a accordé quelque 259 millions de dollars à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale dans le budget de 2018 pour en augmenter l’effectif et en bonifier le programme de financement. Comme la présidente l’a souligné plus tôt, cela permettra au public et aux groupes autochtones de participer aux démarches, et à l’agence, d’entreprendre d’autres études et recherches.

Le sénateur Tkachuk : De combien de nouveaux employés aurez-vous besoin?

Mme Loth-Bown : On estime que l’effectif de l’agence passera de quelque 275 employés à environ 450.

Le sénateur Tkachuk : Y aura-t-il de nouveaux employés dans les bureaux situés dans les autres provinces également? Est-ce que ce chiffre s’ajoutera à l’effectif que vous avez déjà?

Mme Loth-Bown : Oui. De nouveaux employés seront affectés à chacun de nos bureaux régionaux, notamment pour permettre à ces derniers d’entreprendre les processus de planification en amont et de travailler directement avec les communautés locales.

Le sénateur Tkachuk : Combien de nouveaux employés y aura-t-il en tout? Le chiffre de 400 correspond-il au nombre total dans l’ensemble du pays ou juste à Ottawa?

Mme Loth-Bown : Non, c’est le nombre total pour l’ensemble du pays. Les chiffres que j’ai évoqués concernent le nombre total d’employés de l’agence au pays.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons vu tout le temps qu’il a fallu pour mettre sur pied la Banque de l’infrastructure. J’ignore si elle est toujours en activité? Le savez-vous? La Banque de l’infrastructure existe-t-elle toujours ou n’en reste-t-il qu’un numéro de téléphone? Il a fallu des années. Combien de temps vous faudra-t-il, selon vous, pour être prêts une fois que ce projet de loi aura été adopté? J’espère qu’il ne le sera jamais, mais juste au cas où il le serait, combien de temps vous faudra-t-il pour être prêts?

Mme Loth-Bown : Nous voudrions l’être dès que le projet de loi sera adopté. Le gouvernement a déjà décidé cette année d’affecter des ressources à l’agence dans le budget afin de lui permettre d’augmenter son effectif. Nous nous employons donc déjà à doter des postes de manière proactive aux quatre coins du pays afin de passer, comme je l’ai indiqué, de 275 à 450 employés.

Le sénateur Tkachuk : Vous engagez des employés en prévision de l’adoption du projet de loi? Il n’a pas encore été adopté; pourquoi donc engagez-vous des employés?

Mme Loth-Bown : Admettant que le projet de loi n’a pas encore été adopté et qu’il est soumis au processus parlementaire, le gouvernement a décidé de dresser la liste des postes à doter, déterminant et approuvant des ressources dans le cadre du processus du Budget supplémentaire des dépenses pour permettre à l’agence de se préparer. Les ressources prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses ne sont pas des ressources permanentes de l’agence. Il faudra réévaluer les ressources, mais ces mesures nous permettent d’effectuer le travail stratégique nécessaire pour nous préparer. Ainsi, advenant que le projet de loi soit adopté, nous pourrons le mettre en œuvre efficacement.

Le sénateur Patterson : Je veux vous poser une question sur les risques de poursuite. Je pense qu’elle s’adresserait peut-être à M. Rochon. On se préoccupe grandement de la dégradation rapide de la confiance des investisseurs à l’égard des projets d’exploitation des ressources au Canada, et j’espère que le comité recevra des témoignages expliquant où nous en sommes dans le monde à cet égard. Je pense que les détails, la complexité et les longues listes normatives que contient ce volumineux projet de loi rendent le processus encore plus propice aux poursuites que le régime actuel. Ma question est donc la suivante : le projet de loi C-69 ouvre-t-il la porte à de nouvelles contestations judiciaires? Avez-vous analysé les risques de poursuite?

Jean-Sébastien Rochon, avocat-conseil, Unité de coordination des ressources naturelles, ministère de la Justice du Canada : Merci. Les facteurs supplémentaires à considérer et le nouveau régime offrent effectivement aux plaignants potentiels de nouvelles occasions de contester une décision prise aux termes de la loi. Le risque de poursuite dépendra en fait du travail effectué au cas par cas par le comité d’examen et le décideur de l’agence. Comme c’est actuellement le cas, ces risques seront fort probablement étudiés par le tribunal en fonction de la norme du caractère raisonnable; il s’agit actuellement de la norme appliquée par les tribunaux qui témoigne de la plus grande déférence à l’égard du décideur. Oui, plus le processus compte de facteurs et d’étapes, plus on ouvre la porte à des recours potentiels devant les tribunaux.

Le sénateur Patterson : Je vous ai également demandé si vous aviez réalisé une analyse du risque de poursuite. Nous savons tous que des projets ont été paralysés par des tribunaux. Le projet Trans Mountain fait notamment l’objet d’une importante contestation. Avez-vous analysé ces risques? Pouvez-vous nous transmettre ce document?

M. Rochon : Pour ce qui est de la probabilité de poursuite, il est indéniable que quelqu’un intentera des poursuites contre le gouvernement. Le risque d’une poursuite quelconque porte fruit devra malheureusement être évalué au cas par cas.

Le sénateur Patterson : Pour la troisième fois, je vous demande si vous avez analysé le risque de poursuite.

M. Rochon : Nous nous sommes penchés sur la question, mais en l’absence de faits, ce risque est hautement théorique pour le moment. Pour répondre à votre autre question, l’analyse du risque juridique relève du privilège du secret professionnel du gouvernement.

Le sénateur Patterson : Vous avez donc réalisé une analyse, mais n’êtes pas disposés à nous la communiquer?

M. Rochon : Comme je l’ai expliqué, nous avons étudié la possibilité d’être poursuivi en cour et la probabilité qu’une telle poursuite réussisse, mais en l’absence de faits sur une affaire donnée, il n’y a pas de risque à analyser pour l’instant. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’après avoir examiné les poursuites intentées contre le gouvernement jusqu’à présent en vertu de la loi actuelle et de celle qui l’a précédée, le gouvernement juge que ces affaires seront fort probablement évaluées en fonction de la norme de caractère raisonnable. Un tribunal devra donc faire preuve d’un degré de déférence à l’égard du décideur lorsqu’il examine des décisions.

Le sénateur Patterson : Il serait toutefois possible d’ajouter au projet de loi une disposition prohibitive pour exclure l’examen des lois et des décisions du pouvoir exécutif et éliminer le rôle de supervision judiciaire des tribunaux. Avez-vous envisagé pareille mesure dans le projet de loi?

M. Rochon : Nous avons envisagé d’inclure une disposition prohibitive dans le projet de loi. Sachez toutefois qu’une telle mesure ne peut être absolue au point d’éliminer la possibilité qu’une cour supérieure se penche sur la légalité d’une décision du gouvernement. Dans le projet de loi, une telle disposition serait formulée sévèrement et stipulerait qu’aucune décision ne pourra être examinée par un tribunal. Cependant, les tribunaux conserveront toujours une capacité résiduelle de vérifier si une décision est légale et respecte le processus.

La disposition prohibitive a pour objectif principal de signifier aux tribunaux que le Parlement souhaite que les décisions prises en vertu de la loi soient évaluées et examinées selon la norme la plus déférente appliquée actuellement à la plupart des décisions rendues en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), c’est-à-dire la norme du caractère raisonnable. La LCEE (2012) actuelle ne comprend pas de disposition prohibitive, outre une disposition de coordination qui concerne les pipelines. Sinon, le reste de la loi ne contient pas de telle disposition.

La sénatrice Simons : Je voulais donner suite à la question du sénateur Patterson avec M. Rochon. Quand nous avons parlé au téléphone, nous avons discuté d’une disposition prohibitive et de la possibilité de structurer le projet de loi de manière à ce que les appels soient renvoyés directement à la Cour d’appel fédérale sans l’étape de la Cour fédérale. Pouvez-vous passer en revue les avantages et les inconvénients que pourrait présenter ce genre de situation?

M. Rochon : Il serait impossible d’insérer dans la loi le recours à un autre type d’examen, notamment une révision judiciaire, qui serait actuellement fait par la Cour fédérale. Si nous envisageons, par exemple, un droit de faire appel devant la Cour d’appel fédérale, les conséquences seraient les suivantes : nous sauterions un niveau d’examen judiciaire, c’est-à-dire la Cour fédérale, pour aller directement à la Cour d’appel fédérale, qui est habituellement saisie d’appels provenant de tribunaux administratifs ou d’autres cours, comme la Cour fédérale. Du point de vue des délais, cela permet d’éviter tout un processus devant la Cour fédérale, c’est-à-dire deux ou trois années.

Il faut aussi savoir que nous sauterions une étape d’examen judiciaire, ce qui signifie que si nous sommes insatisfaits ou qu’un promoteur est insatisfait d’une décision de la Cour fédérale, il n’y a plus qu’une seule possibilité d’appel, soit la Cour suprême du Canada. À ce stade-là, c’est un appel avec autorisation, et la Cour suprême devra décider si c’est assez important pour envisager d’entendre l’appel. En réalité, dans la plupart des cas, il est fort possible qu’il n’y ait pas d’autres appels, ce qui signifie qu’il y aurait une étape — la Cour d’appel fédérale — et que selon la décision du tribunal, on pourrait être dans l’impossibilité de saisir la Cour suprême de la question si nous sommes insatisfaits du résultat obtenu à la Cour fédérale.

La sénatrice Simons : En saisissant directement la Cour d’appel fédérale de l’affaire, on obtiendrait une décision définitive, hypothétiquement, car on sauterait entièrement l’étape de la Cour fédérale. Il ne serait plus nécessaire de juger à nouveau les faits, car la Cour d’appel fédérale n’examinerait que les questions juridiques de manière plus limitée. Cependant, les personnes opposées à un projet ou le promoteur pourraient ne pas aimer la réponse obtenue et n’auraient peut-être pas vraiment d’autre recours. Je suppose que ce serait donc les avantages et les inconvénients selon vous, n’est-ce pas?

M. Rochon : En effet.

La sénatrice Simons : L’article 63 porte sur les facteurs de détermination de l’intérêt public. Je ne sais pas si la question est pour M. Gardiner ou Mme Loth-Bown. Parmi ces facteurs, on ne mentionne pas expressément les avantages économiques ou sociaux d’un projet. Certaines personnes m’ont dit avoir l’impression que c’est pris en compte dans le mot « durabilité » à l’alinéa 63(a). Je crains toutefois que nous n’ayons pas d’équilibre à défaut d’énumérer les avantages économiques et sociaux d’un projet dans les facteurs de détermination de l’intérêt public, car tout projet devra parvenir à un équilibre entre les conséquences positives et les conséquences négatives. Pouvez-vous expliquer pourquoi ces mots se ne trouvent pas dans le critère de l’intérêt public?

Le sénateur Patterson : Bonne question.

La sénatrice Simons : J’essaie toujours d’en formuler des bonnes.

Mme Loth-Bown : Merci de poser la question. À propos du critère de l’intérêt public à l’article 63, comme la sénatrice l’a fait remarquer, différents facteurs doivent être pris en considération pour déterminer l’intérêt public.

Je tiens à préciser, d’abord et avant tout, que nous devons prendre en considération l’ensemble du rapport. Comme le président, Ron Hallman, l’a souligné plus tôt, l’agence doit tenir compte de tous les facteurs et les documenter dans un rapport, et elle doit aussi tenir compte de l’attention qui leur a été accordée. On ne leur a pas nécessairement accordé la même importance, c’est certain, mais nous devons documenter la mesure dans laquelle on les a examinés. Lorsque nous nous penchons sur tous les facteurs, nous prenons en considération tant leurs aspects positifs que leurs aspects négatifs, y compris sur le plan sanitaire, social et économique.

Ensuite, précisément pour ce qui est du critère de détermination de l’intérêt public, comme la sénatrice l’a souligné, l’une des principales choses à examiner est la contribution globale à la durabilité. Le terme « durabilité » se trouve d’ailleurs dans la section des définitions de la mesure législative : « Capacité à protéger l’environnement, à contribuer au bien-être social et économique de la population du Canada et à maintenir sa santé, dans l’intérêt des générations actuelles et futures. » Il est donc question des avantages économiques.

La sénatrice Simons : Je crains que d’ici à ce que les gens arrivent à l’article 63, ils aient oublié la définition de « durabilité ». Ce terme ne serait jamais défini dans le langage courant comme dans le projet de loi, qui parle pourtant de conséquences environnementales et d’autres conséquences sociologiques. N’est-il pas possible de reformuler la façon unique que le gouvernement a choisie pour définir « durabilité » dans ce projet de loi? L’adjectif « économique » apparaît rarement après le préambule.

Mme Loth-Bown : À propos de l’accent mis également à l’article 63 sur les effets sur l’environnement relevant d’un domaine de compétence fédérale, cette disposition est explicite parce que nous devons nous assurer qu’une décision relative à un projet relève d’un domaine de compétence fédérale et qu’il y a un effet sur l’environnement. C’est le raisonnement qui explique pourquoi c’est explicitement mentionné.

En ce qui a trait à la durabilité, bien entendu, il y a toujours des occasions de reformuler les définitions, mais selon la façon dont les rédacteurs s’y prennent, une fois qu’un terme est défini, il est appliqué et on s’y réfère. On encourage donc les gens, au moment de lire la loi, à toujours se référer aux termes définis. C’est une convention en rédaction législative.

Le sénateur Woo : Je remercie les témoins.

Je veux revenir sur la question de la sénatrice Simons, en commençant par l’observation du sous-ministre, qui a dit que le régime actuel ne porte que sur les effets néfastes, tandis que ce projet de loi tient compte de la durabilité, ce qui comprend les effets positifs, comme vous venez tout juste de nous le dire. Vous pouvez confirmer que c’est le cas. Sous le régime actuel, on n’est effectivement pas tenu d’examiner le côté positif et les avantages économiques, pour ainsi dire. Donc, même à cet égard, il semble que le nouveau projet de loi apporte une amélioration pour rendre cela possible.

Ce qui m’intéresse toutefois, au-delà de la question de savoir si nous nous penchons sur le côté positif d’un projet, c’est le lien entre les articles 22 et 63. Ils ne semblent pas correspondre parfaitement, ou il semble être possible que l’article 63 l’emporte sur l’article 22, même si le 63 s’appuie évidemment sur le rapport de l’agence qui émane des facteurs à l’article 22, la longue liste de facteurs. Je signale que le tout premier facteur est, en fait, les conséquences positives et négatives sur les conditions économiques. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous croyez que l’article 63 s’appliquera par rapport à l’article 22 et sur la raison pour laquelle nous devrions être portés à croire qu’il n’y aura pas de discordance entre les deux?

Mme Loth-Bown : Merci de poser la question, monsieur le sénateur.

L’article 22 décrit tous les facteurs que l’agence est obligée de prendre en considération dans une évaluation d’impact. On ajoute quelques facteurs à ceux de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, mais je tiens à souligner que certains de ces facteurs ont déjà existé dans la législation sur l’évaluation environnementale, qui remonte à 1992. Par conséquent, aucun de ces facteurs n’est nouveau en soi : ils sont nouveaux dans le projet de loi C-69.

D’abord et avant tout, l’agence est tenue d’examiner tous ces facteurs. Je tiens à signaler que nous ne sommes pas obligés de demander au promoteur de tous les examiner. On a beaucoup discuté plus tôt du processus de planification préliminaire, de ses avantages et de ce qui en découle. Parmi les principaux résultats de la planification préliminaire se trouvent les lignes directrices relatives à l’étude d’impact. Grâce à l’élaboration de ces lignes directrices, nous pourrons, c’est-à-dire l’agence, déterminer ce que le promoteur sera tenu d’examiner.

Le lien avec l’article 63, c’est que l’agence décrira dans un rapport complet la façon dont les facteurs énoncés à l’article 2 seront pris en considération — que ce soit par le promoteur, l’agence, par un des ministères fédéraux experts ou peut-être même par une province ou un territoire dans un rapport. Nous allons décrire comment ces facteurs ont été pris en considération ou pourquoi ce n’était pas particulièrement pertinent dans le cadre du projet afin d’être très ouverts et très transparents quant à la manière dont tout a été examiné.

Ensuite, pour prendre une décision d’intérêt public, si c’est l’agence qui la prend ou qui dirige les démarches ou si c’est le gouverneur en conseil qui la prend relativement aux évaluations de la commission, on devra examiner l’ensemble du rapport. De plus, on devra regarder les facteurs énoncés à l’article 63 : la durabilité; les effets environnementaux, s’ils sont de nature néfaste et comment ils ont été atténués ou gérés pour les amoindrir; les répercussions sur les droits autochtones; et la façon dont le projet entravera ou promouvra la capacité du Canada à respecter ses engagements en matière d’environnement.

Il existe donc une forte corrélation entre les articles 22 et 63 pour ce qui est du processus décisionnel.

Le sénateur Woo : Le rapport réalisé par l’agence — la commission d’évaluation d’impact — n’aurait-il pas déjà répondu à ces questions dans le critère de détermination de l’intérêt public? Le gouvernement ne saurait-il pas déjà quelles conclusions ont été tirées du travail de l’agence grâce à l’apport du promoteur et d’autres organismes, et ne serait-il donc pas en mesure de puiser presque exclusivement dans le rapport, qui se fonde sur les facteurs énoncés à l’article 22, plutôt que de devoir examiner une nouvelle série transversale de considérations?

Mme Loth-Bown : L’article 63 a été élaboré dans le but stratégique de donner un point de vue dégagé sur une décision et les facteurs considérés dans le processus décisionnel. Comme on l’a indiqué plus tôt, la loi proposée s’appuie sur le nombre d’années de consultations à bien des égards et sur une quantité considérable de commentaires. Ce qu’on nous dit sans cesse, c’est qu’il est vraiment difficile pour la population canadienne de faire une distinction nette entre l’examen d’un projet, le rapport d’une commission ou d’un organisme et la décision rendue à la fin.

L’article 63 ainsi que les principes de transparence qui se trouvent dans l’ensemble de la mesure législative visent à ce que, à chaque tournant, toutes les décisions prises soient très bien documentées et très transparentes, et à ce qu’elles soient publiées dans le registre. Ces mesures ont toutes pour but de remédier à cette situation afin qu’on sache clairement à quoi s’en tenir en ce qui concerne l’évaluation menée et la décision rendue au bout du compte.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je m’adresse à Me Rochon. Je regarde la partie 1 du projet de loi, à la ligne 35. On dit que le gouvernement s’engage à « mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones […] ».

Quand on regarde l’histoire des 20 ou 30 dernières années et toute l’interprétation des tribunaux, on en arrive à définir assez clairement l’obligation de consultation. Le terme « consultation » est celui qu’on utilise au Canada. Toutefois, dans la déclaration des Nations Unies, on utilise plutôt le terme « consentement », qui signifie, selon le dictionnaire, « approbation ». Ce préambule peut nous laisser croire qu’on changera notre définition, qu’on sera obligé de chercher l’approbation ou le consentement des peuples autochtones. Le terme « approbation » est beaucoup plus clair que le terme « consultation ». Pouvez-vous apporter des précisions? Comment peut-on gérer ces deux interprétations, dont l’une signifie « consentement » et l’autre, « consultation »? Ces deux interprétations entraîneront-elles une complexité future, soit que l’un des termes l’emportera sur l’autre?

M. Rochon : Merci. Tout d’abord, la référence à la déclaration des Nations Unies se trouve dans le préambule de la loi. Il s’agit d’un outil d’interprétation qui n’impose pas une obligation en tant que telle. Le concept de consentement qu’on retrouve dans la déclaration n’est pas défini et il fait l’objet de plusieurs discussions entre les gouvernements et les peuples autochtones au sein de la communauté académique. L’ancien rapporteur des Nations Unies sur les questions autochtones, James Anaya, avait décrit le concept comme un effort mutuellement acceptable afin d’arriver à une entente qui permettrait aux peuples autochtones d’influencer le processus de prise de décisions, de parvenir à un consensus et de travailler ensemble de bonne foi. Cet objectif sera réalisé dans le cadre de projets distincts avec les Premières Nations qui sont concernées. Le projet de loi fournit plusieurs éléments pour arriver à ces fins.

Le sénateur Massicotte : Il y a eu un délai de plusieurs mois aux Nations Unies en ce qui concerne ce terme. Je connais bien l’opinion du rapporteur. Néanmoins, de nombreux experts juridiques qui disent qu’il y a un conflit important. Le terme « consentement » est beaucoup plus large, beaucoup plus engageant que le terme « consultation ». Ne croyez-vous pas que ce sera un de nos prochains litiges, qui fera en sorte qu’un projet sera retardé pendant encore plusieurs années? Pourquoi mélanger les cartes dans ce sens-là ?

M. Rochon : L’ajout de la référence à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones démontre l’intérêt ou l’intention du gouvernement de mettre en œuvre les différentes composantes de cette déclaration. Simplement par le fait qu’elle est dans le préambule, la déclaration n’engage pas d’obligation juridique. Y aura-t-il un litige sur les autres dispositions de la loi à la lumière de cette référence dans le préambule? Peut-être. Sans doute. À ce moment-là, on devra en débattre devant les tribunaux. Dans le cadre de projets spécifiques, on a bon espoir d’en arriver à une plus grande compréhension, tant pour le gouvernement que les Premières Nations qui sont concernées par un projet en tant que tel.

Le sénateur Massicotte : Madame Loth-Bown, vous avez dit plus tôt qu’on a cherché à améliorer le projet de loi. En Colombie-Britannique et au Québec, les approbations environnementales des projets sont plus efficaces et prennent moins de temps qu’à l’échelon fédéral. Comparativement au reste du monde, nos délais sont épouvantables. Avez-vous regardé ce qui se passe au Québec et en Colombie-Britannique pour apprendre de leurs pratiques et pour assurer que les choses bougeront plus rapidement à l’échelon fédéral?

Mme Loth-Bown : Oui. Pendant qu’on a effectué la recherche et qu’on a fait l’analyse de la loi, on a mené de nombreuses consultations, et on a examiné d’autres systèmes. Vous avez mentionné la Colombie-Britannique, qui vient tout juste d’adopter une loi qui est exactement la même que le projet de loi C-69 sur l’évaluation des impacts. On a examiné le système au Québec, particulièrement leurs méthodes de consultation concernant le BAPE et l’embauche de main-d’œuvre. On n’a pas instauré exactement le même système, mais on a fait en sorte d’accroître la participation, d’engager plus tôt et d’utiliser d’autres outils pour les consultations et la participation. En principe, on s’inspire également du système québécois.

La présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Merci de votre présencei. J’ai déjà posé la question à l’autre groupe de témoins, et le sénateur Patterson et d’autres personnes l’ont également posée.

Je crains un peu que cette mesure législative fasse l’objet de litiges à tous les niveaux si les consultations ne se déroulent pas comme le veulent les consultants. Il y aura constamment devant les tribunaux des retards ou des tactiques dilatoires attribuables à toutes sortes de groupes — ils se tourneront dorénavant devant les tribunaux pour manifester contre des pipelines. Je ne vois pas à quel endroit vous garantissez que cela ne se produira pas. À défaut de pouvoir le garantir, je n’arrive pas à comprendre comment nous serons très productifs en Alberta ou ailleurs.

Mme Loth-Bown : Parlons des principes et de la façon dont la mesure législative a été rédigée. D’un bout à l’autre du texte, nous essayons de rendre utiles la participation de la population et la consultation des Autochtones. Je sais qu’on en a déjà parlé aujourd’hui, mais nous aurons la planification en amont. À l’heure actuelle, de bons promoteurs commencent tôt leurs démarches, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. On uniformise ainsi les projets pour que les démarches commencent toujours plus tôt et pour que le gouvernement fédéral intervienne également plus tôt qu’auparavant. On nous a clairement laissés entendre que le gouvernement fédéral doit intervenir plus tôt, se rendre sur le terrain, rencontrer les collectivités et les groupes autochtones, comprendre les dossiers et les documenter pour le promoteur afin que tout le monde comprenne clairement les enjeux.

La façon dont le projet de loi a été élaboré, la planification en amont et les fils conducteurs dans le reste du document visent à ce qu’on sache davantage à quoi s’en tenir en ce qui a trait au processus, à la portée des questions à examiner dans l’évaluation, aux personnes à consulter, aux personnes qui souhaitent être consultées, à la façon dont elles veulent l’être et aux questions auxquelles on s’intéresse. Les commentaires recueillis lors de la planification en amont procurent un plan de participation du public et un plan de consultation des Autochtones qui énumèrent ces choses, soit les collectivités qui doivent être consultées et la façon dont elles veulent l’être. En procédant ainsi tout le long du processus, nous voulons progresser dans le cadre d’une compréhension mutuelle, que les gens comprennent tous les enjeux et qu’ils aient l’occasion d’apporter une contribution.

Pour ce qui est des périodes de consultation proprement dites, elles seront définies très précisément à l’aide d’un échéancier. Lorsqu’un organisme inscrit quelque chose sur le registre public, une consultation ou une période de consultations, nous allons définir l’échéancier à ce moment-là afin qu’il soit bien clair pour tout le monde. Lorsque les échéances auront été respectées, nous passerons à la prochaine étape.

La sous-ministre Tremblay a parlé du pipeline Trans Mountain et de ce qu’ils envisagent actuellement pour ce qui est des consultations. Le problème constaté ici par les tribunaux, ce n’est pas que les gens n’ont pas été consultés, mais plutôt qu’on n’a pas tenu compte de leurs points de vue et de leurs commentaires en y donnant suite à l’aide de mesures d’atténuation ou d’autres mesures possibles. C’est aussi un aspect très important de la question. Il faut écouter les gens et ensuite tenter de trouver des moyens, à l’aide d’outils au sein du gouvernement fédéral ou de déclarations de décision et de mesures d’atténuation, pour être en mesure de s’attaquer aux problèmes soulevés. En écoutant les inquiétudes des gens, en les documentant et ensuite en trouvant des moyens de les gérer, d’y remédier et d’y répondre, comme nous sommes tenus de le faire en vertu de la Constitution, nous nous efforçons d’avoir ce fil conducteur afin que les gens estiment avoir été consultés et qu’ils voient que nous tenons compte de leurs commentaires.

Le sénateur Richards : Vous ne pouvez donc pas vraiment être en désaccord avec les gens que vous consultez. Le cas échéant, si vous êtes en désaccord, ils peuvent se tourner vers les tribunaux. C’est ce qui est préoccupant: on parle de consulter des gens qui estiment que vos rapports définitifs laissent à désirer d’une certaine façon et qui décident donc de se tourner vers les tribunaux. Il n’y aura pas qu’un seul groupe à consulter. Il pourrait y en avoir beaucoup. C’est l’évidence dont personne ne parle selon moi.

Mme Loth-Bown : Comme le président et l’agence l’ont déjà mentionné, le processus proprement dit se veut un processus de planification. Il est conçu pour recueillir un maximum d’information, et ce qui est proposé dans ce projet de loi vise à en recueillir davantage que ce qui est fait dans le système actuel afin que nous ayons un éventail de questions à examiner et que les participants au processus comprennent bien l’ensemble des impacts et des implications. Nous les décrivons dans un rapport pour que le processus décisionnel soit bien éclairé, mais aussi pour que les participants aient l’occasion de voir comment nous donnons suite à leurs opinions et à leurs points de vue. Je crois que c’est un aspect très important de tout processus de consultation et de participation, à savoir entendre les opinions et les points de vue et essayer de trouver des moyens de donner suite aux préoccupations soulevées.

Comme le président l’a également souligné plus tôt ce matin, l’agence a elle-même un bon bilan en ce qui a trait aux processus et à sa capacité à entendre des opinions et à trouver des moyens, à l’aide de déclarations de décision et de mesures potentielles d’atténuation, pour donner suite aux opinions exprimées.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous tous. C’est un autre excellent groupe de témoins.

Je vais me concentrer un peu sur l’Office national de l’énergie. La transition de l’Office national de l’énergie à la Régie canadienne de l’énergie suscite des inquiétudes. Il y a d’abord la jurisprudence, et mon collègue a d’ailleurs posé une question à ce sujet ce matin. Il y a aussi l’expertise. Y a-t-il une raison de s’attendre à ce que la Régie ne se tourne pas — ce qui serait très efficace — vers l’Office pour obtenir de l’expertise, des gens et des connaissances?

M. Gardiner : Le projet de loi contient un certain nombre de mesures de transition, y compris le transfert de tout le personnel qui fait actuellement partie de l’Office national de l’énergie. À ce niveau, l’expertise est développée.

Le sénateur Mitchell : Tout le personnel est transféré?

M. Gardiner : Oui.

Le sénateur Mitchell : Bien. Excellent. C’est réglé. Désolé, je n’ai pas voulu vous interrompre.

J’ai une autre question. L’Office est un organisme indépendant. Dorénavant, l’organisme combiné Régie-Office fera partie de l’Agence d’évaluation d’impact. Pouvez-vous nous dire pour quelles raisons et quels sont les avantages, voire les désavantages?

M. Gardiner : Je ne suis pas certain de comprendre la question. Pouvez-vous la répéter?

Le sénateur Mitchell : L’Office était un organisme distinct. Dorénavant, pour les projets désignés, sa nouvelle mouture, la Régie, sera assujettie à la Loi sur l’évaluation d’impact, et c’était auparavant séparé de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Quel est le raisonnement qui sous-tend cette décision? En quoi est-elle justifiée?

M. Gardiner : Ce changement se trouve dans la Loi sur l’évaluation d’impact. Ma collègue est probablement la mieux placée pour répondre.

Mme Loth-Bown : Merci de poser la question. L’une des choses importantes est que, en vertu de la LCEE (2012), nous avons actuellement trois autorités responsables, dont l’Office national de l’énergie, comme vous l’avez mentionné, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Ce qui est ressorti clairement de nos consultations, c’est que cela se traduit par une incohérence dans le processus lors de l’examen de projets désignés. Chaque système est légèrement différent dans la façon d’examiner les projets, dans les facteurs examinés et dans le processus décisionnel. Dans la Loi sur l’évaluation d’impact proposée, nous passons à une seule autorité responsable, soit l’Agence canadienne d’évaluation des impacts, ce qui se traduira par de la cohérence dans les processus et la prise de décisions.

Cela dit, nous ne parlons que des projets désignés, et l’Office national de l’énergie ainsi que la Commission canadienne de sûreté nucléaire jouent des rôles très importants en tant qu’organismes de réglementation du cycle de vie pour les industries qu’ils réglementent. Ils continueront de procéder à l’évaluation de projets qui ne figurent pas sur la liste des projets désignés, c’est-à-dire des projets autres que les grands projets dont nous avons parlé plus tôt qui ont d’importantes répercussions dans un domaine de compétence fédérale. Ces organismes ont un rôle très important qu’ils maintiennent. Ce sont les organismes de réglementation du cycle de vie, et ils continueront de réglementer ces projets, ce qui est très important pour remplir les obligations nationales et internationales.

Ils travailleront étroitement avec l’Agence, et nous aurons des examens intégrés de projets pour l’évaluation d’impact. Nous pouvons ainsi non seulement améliorer la cohérence du processus, ce qui est très bien, mais aussi tirer parti de l’expérience et de l’expertise exceptionnelles de ces organismes de réglementation. Ils continueront de réglementer ces projets et de se charger de l’application de la loi.

M. Gardiner : En vertu de la nouvelle loi, la Régie canadienne de l’énergie participera à une évaluation intégrée, y compris pour les projets désignés. Elle rendra aussi une décision conformément à la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Une décision réglementaire sera présentée par la Régie et soumise au gouverneur en conseil qui rendra aussi une décision. Cela demeure un critère de l’intérêt public à ce niveau-là en vertu de cette loi.

Le sénateur Mitchell : L’article 22 énumère une série de choses à considérer, d’une façon ou d’une autre, par le gouvernement, par votre agence ou par le promoteur. Il est vrai que très peu de ces choses sont de nouvelles considérations. Les entreprises me disent qu’elles font maintenant une analyse comparative entre les sexes. Pouvez-vous me dire à quel endroit il y a un chevauchement, en quoi la situation actuelle différera de ce qui est énoncé dans cet article?

Mme Loth-Bown : Comme vous le savez, ces facteurs ne sont pas nouveaux. Ils existent actuellement dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. À l’exception de celui concernant le climat, il n’y en a pas de nouveaux.

Pour ce qui est de facteurs comme l’analyse comparative entre les sexes, comme vous l’avez mentionné, ou les répercussions sanitaires et socioéconomique, les promoteurs se penchent aussi souvent sur ces choses. Ils travaillent au sein des collectivités. Ils veulent les comprendre. Ils veulent comprendre l’interaction des projets avec les membres de ces collectivités. Ils le font déjà.

En ce qui a trait aux facteurs sociaux et économiques, nous nous penchons actuellement là-dessus. Le vrai problème, c’est que ce n’est pas fait avec transparence. Dans le nouveau cadre, tous les impacts évalués seront documentés dans le rapport publié afin que les gens, comme je l’ai signalé plus tôt, puissent y voir plus clair, car lorsqu’une décision est rendue par le gouverneur en conseil, on tient évidemment compte des facteurs sociaux et économiques. Le problème, c’est que ce n’est pas transparent, qu’il n’y a pas de documentation publiée. Par conséquent, cette mesure propose de rendre très public et très transparent l’ensemble de l’évaluation et du cadre décisionnel.

Le sénateur Patterson : Puis-je poser une autre question pour donner suite à celle du sénateur Mitchell?

La présidente : Pourvu qu’elle soit très courte.

Le sénateur Patterson : Le sénateur Mitchell a parlé de l’Office national de l’énergie et de la Commission de sûreté nucléaire. Madame Loth-Bown, vous avez dit qu’ils auront un moindre rôle. Ils ne vont pas réglementer de grands projets, mais ils demeureront des organismes de réglementation du cycle de vie. Vous avez toutefois dit qu’ils ont joué et qu’ils continueront de jouer des rôles importants.

Nous avons entendu des promoteurs du projet de loi, y compris des ministres fédéraux et même notre président à la dernière session parlementaire, dire que l’Office a été discrédité. Même si vous avez mentionné la viabilité du rôle de l’Office et de la Commission de sûreté nucléaire, diriez-vous qu’ils ont été discrédités?

Mme Loth-Bown : Je vais parler du processus. D’un point de vue global, comme on en a discuté ce matin, des changements sont apportés au processus pour restaurer la confiance du public dans le système, afin qu’on puisse bien comprendre tous les facteurs qui entrent dans le processus décisionnel et la transparence de ces décisions. C’est un principe primordial de l’examen exhaustif du système, et c’est conforme à l’engagement du gouvernement et aux lettres de mandat reçues par nos ministres : chercher à restaurer la confiance, l’ouverture et la transparence du système de façon générale.

Je veux préciser une chose, car je suis consciente de la complexité de la question. L’Office national de l’énergie, comme la Régie canadienne de l’énergie ou la Commission canadienne de sûreté nucléaire, demeurera un organisme de réglementation des projets, mais ils vont dorénavant collaborer avec l’Agence d’évaluation des impacts dans le cadre du processus d’évaluation.

Le sénateur Patterson : La réponse, c’est qu’ils n’inspirent pas confiance, pas qu’ils sont discrédités.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés. Vous n’avez pas vraiment fait d’exposé, mais vous répondez à beaucoup de questions, et je vous en suis très reconnaissante.

Ma question s’adresse probablement à vous, madame Loth-Bown, mais nous verrons bien. Elle porte sur les articles 104 à 116, sur le registre canadien d’évaluation des impacts. On a dit à plusieurs reprises que c’est une soi-disant garantie de transparence. Je pense que nous savons tous que les registres ne fonctionnent que dans la mesure où l’information qu’ils contiennent est bonne. Nous avons des exemples de registres qui ne fonctionnent pas comme ils le devraient. Surtout dans le domaine de la santé, il y en a qui ne fournissent pas les renseignements qu’ils devraient fournir, et ces renseignements sont à l’origine de nombreux différends. Tout d’abord, je sais que ce registre remplace celui qui existe déjà. J’aimerais savoir qui va l’administrer et qui aura le pouvoir de trancher les différends.

Mme Loth-Bown : Merci de poser la question. L’Agence canadienne d’évaluation des impacts, le nouvel organisme qui remplacera l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, sera responsable du registre. Vous avez raison de dire qu’il remplacera celui que nous avons actuellement. Les plus importantes questions ou modifications sont que, dans tout le projet de loi — et j’en ai parlé plus tôt —, on souligne l’importance de faire preuve de transparence et de donner aux gens un accès à une documentation claire afin que la population connaisse elle aussi, comme les décideurs, l’information utilisée pour prendre la décision.

Il y a environ dans ce projet de loi environ 80 exigences supplémentaires par rapport à ce que nous avons actuellement dans la LCEE de 2012 du point de vue de la transparence et de la publication de données. Nous allons publier la documentation remise par le promoteur ainsi que celle que nous recevons des ministères fédéraux experts afin que tout le monde dans le processus comprenne bien l’information utilisée dans la prise de décision. Une fois de plus, c’est pour être en mesure de comprendre comment on parvient à une décision.

Nous sommes actuellement en train de mettre au point ce système, et nous employons une approche centrée sur l’utilisateur, en sachant que de nombreuses personnes doivent se servir du système. Pour y parvenir, dans l’esprit de la question posée plus tôt par la sénatrice à propos du critère et de la participation d’autres personnes, nous nous sommes adressés à nos collègues des provinces et des territoires pour apprendre de leurs systèmes ainsi que de la façon dont ils pourraient se servir du système. Nous discutons aussi avec des membres de notre comité consultatif multilatéral pour savoir comment ils pourraient eux aussi se servir des systèmes. Nous comprenons que les besoins des gens et la façon dont ils se servent du système varient. De cette façon, nous pouvons le concevoir en conséquence.

La sénatrice Seidman : Vous avez plus de questions auxquelles il faut répondre et plus d’éléments à inscrire au registre, mais l’expérience nous a montré que des différends émanent des personnes censées révéler ou divulguer l’information. Qui aura le pouvoir ultime de dire : « Non, nous sommes désolés, ce ne sont pas des renseignements exclusifs; il faut que ce soit révélé et inscrit au registre »? On entend souvent dire qu’une donnée est un secret commercial. On refuse de publier certaines choses dans des registres parce qu’on affirme que cela aurait un effet négatif sur l’entreprise. Qui sera chargé de déterminer ce qui constitue un danger réel pour l’industrie, ce qui ne l’est pas et ce qui sera inscrit au registre?

Mme Loth-Bown : Au bout du compte, c’est l’Agence canadienne d’évaluation des impacts qui prendra ces décisions. Cependant, elle ne le fera pas sans consultation et discussion. Je pourrais donner l’exemple du savoir autochtone et de l’importance de le protéger. L’article 119 du projet de loi ajoute la protection des connaissances et de l’information autochtones.

On entend aussi le contraire, à savoir que le promoteur a besoin d’information. Nous avons maintenant des situations où nous voulons protéger des connaissances autochtones. Il existe par exemple des sites sacrés, des endroits liés à la chasse et à la cueillette, des sites d’importance primordiale auxquels on ne veut pas donner un accès public. Toutefois, le promoteur pourrait avoir besoin d’une partie de ces renseignements pour pouvoir mener son projet.

Nous nous assoyons et nous avons une discussion. Nous discutons avec le particulier ou la communauté qui fournit l’information, de même qu’avec le promoteur qui détermine comment cette information peut être partagée d’une manière utile du point de vue du particulier ou de la communauté. Nous pourrions ainsi continuer d’avoir ces discussions.

La sénatrice McCallum : Le sujet dont personne ne parle, c’est le non-respect des droits autochtones, qui sont inscrits dans la Constitution. Nous parlons de groupes autochtones, mais nous oublions que ces groupes ont aussi des droits protégés par la Constitution, soit des droits inhérents et des droits issus de traités. Comment un groupe autochtone sera-t-il en mesure de faire valoir ces droits dans ce processus, et comment va-t-on gérer cette situation?

Mme Loth-Bown : Merci de poser la question.

Comme on l’a fait remarquer, d’abord dans le préambule qui cite la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et dans le reste du projet de loi, on reconnaît les droits autochtones et les répercussions sur ces droits.

Je vais juste parler de certaines choses qui se trouvent dans ce projet de loi. Comme je l’ai dit, d’abord et avant tout, à l’étape même de la planification en amont, l’une des premières choses importantes que nous devons faire, c’est examiner les répercussions possibles sur les droits autochtones et travailler avec les communautés concernées pour comprendre ces répercussions. Ensuite, nous devons savoir quels sont les renseignements, la documentation, les études et les choses nécessaires pour mieux comprendre ces droits et être en mesure de trouver des moyens, si possible, de les gérer pour atténuer les répercussions sur ces droits.

De plus, il y a au début le plan de consultation. C’est aussi un outil très important pour pouvoir respecter notre obligation de consulter aux termes de l’article 35 de la Constitution, mais ce n’est pas tout, car il faut aussi avoir une relation. Il faut comprendre la relation avec les communautés qui seront touchées et discuter des principales questions qui les intéressent, comme la façon dont elles souhaitent être consultées et l’étape du processus qui leur convient à cette fin.

Nous avons tous vu des situations où on se rend compte à la dernière minute qu’une communauté intéressée n’a pas eu l’occasion d’exposer ses points de vue. Nous voulons éviter cela en sachant très précisément dès le départ comment les communautés pourraient être touchées et comment elles veulent participer au processus.

L’autre chose qui est vraiment importante par rapport à ce projet de loi, c’est que, pour ce qui est de tenir compte des instances autochtones et de leur permettre de jouer un plus grand rôle dans le processus d’évaluation des impacts, aux termes de la LCEE (2012), la définition d’« instance » est très limitée. En effet, seuls les gouvernements autochtones ayant des accords sur l’autonomie gouvernementale peuvent jouer un rôle de premier plan dans le cadre d’une évaluation des impacts. Cette mesure législative permettra aux communautés autochtones d’en faire davantage dans le cadre d’une évaluation, et nous allons élaborer une réglementation, à l’aide de consultations et de discussions, pour déterminer les rôles que les communautés veulent assumer. Certaines pourraient ne vouloir faire que certaines études, tandis que d’autres pourraient vouloir entreprendre l’ensemble du processus. Nous avons maintenant des exemples, notamment en Colombie-Britannique, de communautés ayant mené des évaluations d’impact, mais vu le manque de souplesse de la LCEE (2012), nous n’avons pas pu tirer parti de cette façon de procéder. L’Agence en a tenu compte dans son rapport, mais cette mesure législative offre la possibilité de substituer une instance autochtone, ce qui est une étape importante en vue de nouer une relation entre le Canada et des instances autochtones.

Enfin, le processus décisionnel constitue un autre élément clé. Nous avons parlé plus tôt de l’article 63 et du cadre pour prendre des décisions dans l’intérêt public. L’une des choses qu’il faut examiner et énoncer clairement dans le cadre décisionnel est l’impact sur les droits autochtones.

Dès le départ et jusqu’à la fin, nous avons tenté d’intégrer différents moyens pour essayer d’améliorer la relation avec les peuples autochtones.

La sénatrice McCallum : Vous avez parlé du savoir autochtone, et je suis heureuse qu’il en soit question. C’est ce qui nous a permis de survivre pendant des siècles. Cette survie et cette résilience en témoignent.

Dans les enseignements autochtones, il y a la règle des sept générations, ce qui signifie qu’il faut tenir compte des sept prochaines générations et que nous gardons les terres et l’environnement pour elles. Ce que nous examinons aujourd’hui représente un énorme conflit de valeurs : l’obtention de retombées économiques aujourd’hui par rapport aux effets à long terme sur les générations futures. Qui seront les témoins qui parlent pour elles? Comment pouvons-nous parvenir à une vision équilibrée et axée sur l’avenir en tant que Canadiens, quand on sait que nous avons besoin d’emplois, mais aussi d’une vision équilibrée?

Mme Loth-Bown : En ce qui concerne les connaissances autochtones, comme vous l’avez dit, l’un des principaux changements par rapport à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, ou LCEE de 2012, c’est que dans les mesures législatives proposées, il faut tenir compte des connaissances autochtones. Dans la LCEE de 2012, c’était optionnel. C’est un élément vraiment important, et comme vous l’avez dit, c’est un élément fondamental du projet de loi.

Pour ce qui est des connaissances autochtones et de l’interprétation, nous travaillons en ce moment à définir la politique et les lignes directrices, et nous organisons partout au pays des ateliers avec les collectivités autochtones afin d’obtenir leur perspective sur la façon dont cette politique devrait être rédigée et intégrée dans la loi. Les ateliers vont commencer à la fin du mois, et je pense qu’ils nous donneront vraiment une excellente occasion de cerner l’interprétation.

Nous allons aussi tirer parti des autres expériences vécues à l’échelle du gouvernement fédéral, par exemple, avec Parcs Canada. Ils ont beaucoup travaillé avec les collectivités autochtones afin de déterminer comment interpréter l’information, les plantes, comment respecter le parc, les collectivités. Nous allons travailler avec Parcs Canada et profiter des connaissances et de l’expérience qu’ils ont acquises afin de choisir la meilleure façon d’établir ce cadre et de faire participer les collectivités à cela.

La présidente : Merci beaucoup. Avant de passer au deuxième tour, nous avons deux sénateurs qui ne sont pas membres du comité, mais qui veulent poser des questions.

Le sénateur Wetston : J’ai comparé la LCEE de 2012 avec le projet de loi que nous étudions. J’examinais la façon dont les tribunaux administratifs indépendants ont été réorganisés dans un contexte où les élus interviennent davantage. C’est manifestement le cas avec la LCEE de 2012 et avec le projet de loi actuel. Compte tenu de cette combinaison, croyez-vous que le projet de loi pourrait être l’occasion de réduire le risque politique dans le processus de prise de décisions?

Mme Loth-Bown : En ce qui concerne la conception du projet de loi, comme je l’ai dit précédemment, avec la mobilisation dès le début, avec les plans de participation du public, les plans de coopération et le cadre de prise de décisions, en particulier pour ce qui concerne l’article 63 et le critère de l’intérêt public, en plus du fait que les décisions seront étayées et rendues publiques, je crois que les éléments importants sont réunis pour garantir que les décisions seront prises de sorte que les gens puissent avoir une vision assez claire, du lancement du projet à l’obtention des résultats. Bien des gens nous ont dit qu’il est souvent très difficile de savoir comment une décision a été prise. Je crois que ces éléments vont beaucoup contribuer à éclaircir cela.

Le sénateur Wetston : Est-ce que cela atténue les risques politiques? Vous parlez de clarté, et je parle de risque. Nous parlons de deux choses différentes. Quel est votre point de vue à ce sujet?

Mme Loth-Bown : L’information, l’ouverture du processus, la transparence, la capacité de participer et de comprendre comment les enjeux ont été soulevés, la façon dont la participation a été organisée et la réponse à cette participation — ce sont tous des facteurs qui vont beaucoup contribuer à la gestion des risques, peu importe la situation.

Le sénateur Wetston : J’ai une deuxième question, si vous me le permettez. Pouvez-vous expliquer la raison pour laquelle on renonce à la norme initiale qui se trouvait dans la LCEE de 2012 concernant les répercussions négatives et le critère de l’intérêt public? Je crois qu’il y a eu une question au sujet de l’article 63, l’article 22 précédemment, et des facteurs qui doivent être tenus en compte, ainsi que le plus récent facteur que vous avez décrit, soit les changements climatiques. Comment vous attendez-vous à ce qu’un promoteur fasse quelque chose pour parer aux changements climatiques plutôt que de faire quelque chose pour résoudre un problème lié à un degré de réduction des gaz à effet de serre? Comment comparez-vous cela en fonction d’une norme touchant l’intérêt public ou d’une norme ne touchant pas l’intérêt public, soit l’aspect que l’agence examinerait?

Le sénateur Patterson : C'est une excellente question.

Mme Loth-Bown : Quant à l’article 22 par rapport à l’article 63, le climat — sénateur, vous aviez un élément au tout début… Le premier élément, il y avait une autre chose dont vous vouliez que je parle?

Le sénateur Wetston : Je n’ai pas une si bonne mémoire. Cela ne devait pas être très important.

Mme Loth-Bown : Quant à l’article 22 et au lien avec l’article 63, en vertu de la LCEE de 2012, comme vous l’avez indiqué, nous ne regardons que les effets environnementaux, qu’ils soient importants ou non. Puis, si on estime qu’ils sont importants, la question est de savoir s’ils sont justifiés. C’est ce qui encadre la décision. C’est très étroit en ce moment. Avec le projet de loi, on propose d’élargir ce cadre pour ne pas se limiter à regarder les effets environnementaux et l’importance des conséquences, les éléments négatifs seulement, et pour examiner un ensemble plus vaste de facteurs et leurs effets positifs ou négatifs. C’est un changement vraiment important du cadre. Dans cette perspective, quand on passe de l’article 22 à l’article 63, ce n’est pas que les effets environnementaux, qu’ils soient négatifs ou pas, ne sont pas importants, car cela ressort également avec le critère de l’intérêt public. Nous devons encore nous pencher là-dessus, car c’est en fait l’aspect qui relève de la compétence fédérale et au sujet duquel nous pouvons prendre une décision. Cependant, pour prendre cette décision, comme je l’ai dit, il nous faut aussi regarder tous les aspects positifs et négatifs, et ouvrir la possibilité de discuter de cela.

En ce qui concerne le climat en particulier, j’ai plusieurs fois indiqué que nous travaillons en étroite collaboration avec les ministères fédéraux experts. Ce que vous demandez, c’est : comment pouvez-vous demander aux promoteurs d’assumer la responsabilité du climat et de la perspective du gouvernement du Canada sur le climat? Nous allons travailler en étroite collaboration avec nos collègues d’Environnement et Changement climatique Canada afin d’évaluer divers éléments liés au climat. M. Lucas a parlé précédemment de l’évaluation stratégique des changements climatiques. Pour chaque projet, nous nous adresserions à ces experts du climat au ministère pour leur demander les recherches, études ou analyses qu’ils pourraient présenter au sujet de la situation.

En ce qui concerne les promoteurs, ce n’est pas qu’ils n’ont pas de rôle à jouer, car nombre d’entre eux peuvent choisir diverses technologies pouvant mieux contribuer à un programme sur les changements climatiques. Cela serait évalué et pesé en fonction des effets positifs et négatifs de diverses options de projet.

La sénatrice McCoy : Bienvenue au comité, et merci de tenir le coup devant toutes ces questions.

J’ai devant moi un exemplaire de votre document de travail sur l’évaluation stratégique des changements climatiques. On dit à la page 3 que vous allez faire l’évaluation stratégique des changements climatiques en fonction de la quantification des émissions directes de GES et des émissions de GES en amont. Il n’y aurait pas d’évaluation des émissions en aval. À la fin, il y a les « prochaines étapes », et vous invitiez les gens à présenter des commentaires par écrit au plus tard le 31 août de l’année dernière, après quoi vous deviez publier un projet de rapport d’évaluation stratégique l’automne dernier. Est-ce que cela a été fait?

Mme Loth-Bown : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Le sous-ministre Lucas est le sous-ministre d’Environnement et Changement climatique Canada, et il a parlé un peu de cette étude. C’est en fait son ministère qui est responsable de l’étude comme telle. Je n’en ai donc qu’une connaissance sommaire. Je crois qu’il a dit ce matin que le prochain rapport dont vous parlez serait publié prochainement. Je crois que c’est ce qu’il a dit.

La sénatrice McCoy : Je n’ai pas eu l’occasion de vérifier si les commentaires ont été publiés sur le site web. Je vais le faire ce soir, mais par souci de transparence, ce que j’aimerais que vous me disiez, c’est si les commentaires ont été publiés sur le site web d’après vous.

Mme Loth-Bown : Je crois que oui, sénatrice.

La sénatrice McCoy : Êtes-vous au courant de leur teneur?

Mme Loth-Bown : Non, car je ne suis pas responsable de ce dossier.

La sénatrice McCoy : Dans ce cas, j’ai une autre question très brève. Comme suite à la question que le sénateur Katchuk a posée précédemment concernant le projet d’oléoduc Énergie Est — et ce que je veux, c’est un éclaircissement —, le comité qui a inclus les émissions en aval dans son évaluation n’était pas l’Office national de l’énergie, si j’ai bien compris, mais un comité soigneusement choisi par la ministre. Est-ce vrai?

M. Gardiner : J’essaie de me souvenir. Je n’en suis pas complètement sûr. Je pourrais vérifier.

La sénatrice McCoy : Vous pourriez envoyer un courriel à votre bureau et demander qu’on vérifie cela. Nous saurions avant la fin de l’après-midi.

M. Gardiner : La raison pour laquelle j’hésite, c’est que vous avez mentionné un deuxième comité. Deux comités distincts ont été chargés de ce projet. L’un devait s’occuper des relations avec le public, ce qui est distinct du processus décisionnel dont s’occupent normalement les comités de l’ONE. Il y avait deux comités, et c’est ce qui cause mon petit problème de mémoire.

La sénatrice McCoy : Est-ce que votre personnel pourrait vous fournir la réponse de sorte que vous puissiez nous la transmettre cet après-midi?

M. Gardiner : Oui, bien sûr. Absolument. Je vais m’assurer d’obtenir une réponse à l’intérieur de la période que vous me donnez.

[Français]

Le sénateur Mockler : Permettez-moi de remercier les témoins d’avoir répondu à nos questions.

[Traduction]

J’ai eu l’occasion de me pencher sur l’histoire du Nouveau-Brunswick, et je veux parler un peu de nucléaire. Mes questions vont porter sur le dossier nucléaire pendant les quelque quatre minutes dont je dispose. Nous avons tenu une table ronde au Nouveau-Brunswick — il y avait des gens de partout au Canada atlantique —, et nous avons parlé du nucléaire. J’aimerais que vous nous donniez les faits pour la question suivante, mais nous sommes particulièrement préoccupés par le transfert de la responsabilité de l’évaluation des projets de centrales nucléaires qu’on enlèvera à la Commission canadienne de sûreté nucléaire — dont l’expertise est reconnue à l’échelle mondiale — pour la confier à l’Agence d’évaluation des impacts du projet, quel que soit le projet. En fait, les chefs de file mondiaux s’arrachent le Canada parce que nous sommes les leaders dans le domaine nucléaire. Est-ce que vos fonctionnaires pourraient nous fournir la documentation qui énonce les raisons pour lesquelles le gouvernement enlève à la Commission canadienne de sûreté nucléaire le pouvoir unique d’évaluer les installations nucléaires?

Deuxièmement, donnez-nous, avec de bons exemples, de l’information sur les consultations que vous avez menées avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire à ce sujet. Que pouvez-vous fournir comme preuve aux Canadiens pour justifier que, d’après vous, la Commission canadienne de sûreté nucléaire ne menait pas des évaluations à la hauteur des normes de sécurité mondiales, y compris celles du Canada? Ce sont mes questions.

Mme Loth-Bown : Je vous remercie de vos questions, sénateur.

Pour ce qui est du processus, je vais consacrer un petit moment à vous expliquer cela. Comme nous en avons parlé précédemment, dans le cadre des dispositions législatives actuelles en matière d’évaluation environnementale, trois entités ont la responsabilité d’examiner les projets désignés. La Commission canadienne de sûreté nucléaire se penche sur les projets de centrales nucléaires désignées, l’Office national de l’énergie s’occupe des projets qui relèvent de sa compétence, et l’agence s’occupe du reste. Le problème, c’est qu’il y a des différences de processus entre les trois entités, et nous voulons confier cela à une autorité responsable afin d’avoir un processus uniforme.

Cependant, pour l’examen des projets en ce moment, je signale que la Commission canadienne de sûreté nucléaire fait son travail en vertu des dispositions législatives visant l’évaluation environnementale. À l’avenir, le cadre législatif actuel demeurera concernant le travail d’évaluation, mais au lieu de travailler seule, la Commission canadienne de sûreté nucléaire fera le travail conjointement avec l’Agence canadienne d’évaluation des impacts.

Cela dit, comme le sénateur l’a souligné, il y a une expertise considérable à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. De plus, la Commission canadienne de sûreté nucléaire a des obligations qui découlent d’accords internationaux concernant la prise de décision. Elle va participer avec l’Agence canadienne d’évaluation des impacts à l’examen du projet, et le comité lui-même sera un comité intégré. Un membre viendra de ce comité et sera choisi à partir de la liste des personnes nommées par le président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour participer à cela. La CCSN va continuer de rendre des décisions réglementaires.

Ce n’est donc que pour le processus d’évaluation d’impact que la CCSN va travailler conjointement avec l’Agence canadienne d’évaluation des impacts. Elle conservera cependant son pouvoir de prise de décision en vertu de sa loi habilitante, parce qu’elle a des obligations découlant d’accords internationaux à cet égard. Ce sera maintenu.

Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire pendant tout le processus.

Le sénateur Mockler : Pourriez-vous être plus précise? Quelles consultations avez-vous menées avec la CCSN? Pouvez-vous nous donner un sommaire si vous en avez le temps, ou fournir cette information au comité?

Mme Loth-Bown : Je vais commencer, puis M. Parker, qui est le directeur des affaires législatives et réglementaires, pourra vous parler des autres consultations que nous avons menées.

Au sein de la famille fédérale, nous avons une communauté interministérielle appelée le service des grands projets. C’est un comité qui réunit des directeurs généraux, des sous-ministres adjoints et des sous-ministres, et qui se penche sur la mise en œuvre des mesures législatives visant l’évaluation environnementale en plus d’examiner les projets en cours. La Commission canadienne de sûreté nucléaire fait partie de ce comité. À tous les niveaux — directeur général, sous-ministre adjoint et sous-ministre —, ce comité examine les diverses politiques, et le travail de recherche et de rédaction législative qui a cours et qui a mené à l’élaboration de ce projet de loi, ce qui fait qu’il intervient pendant tout le processus.

En plus de cela, depuis que le projet de loi a été proposé, nous avons un comité de travail plus concret qui compte des membres du personnel de l’Office national de l’énergie et de la commission canadienne de sûreté nucléaire et dont le travail est de décrire la forme que devront prendre les comités intégrés. Que faisons-nous pour nous assurer que le personnel travaille en collaboration? Comment veillons-nous à ce que l’information qu’il leur faut en vertu de la Loi sur la sûreté nucléaire et l’information qu’il nous faut en vertu de la Loi sur l’évaluation des impacts fonctionne en tandem? Ils ont participé intensément.

Brent Parker, directeur,Affaires législatives et réglementaires, Agence canadienne d’évaluation environnementale : Je pourrais répondre directement à la question portant sur les consultations auprès du public. Je pense que vous avez beaucoup entendu parler des consultations étendues qui ont été menées au cours des deux dernières années au sujet de ce projet de loi en particulier. En ce qui concerne le secteur nucléaire en particulier, il a contribué aux consultations publiques. Cependant, nous avons aussi un comité consultatif composé d’éléments aux intérêts multiples qui a été mis sur pied par la ministre McKenna. Ce comité en particulier compte des représentants de l’industrie, des groupes autochtones et des groupes environnementaux. L’Association nucléaire canadienne fait partie de ce comité, ce qui fait qu’ils nous ont rencontrés presque mensuellement. Nous avons communiqué davantage avec cette association, tant de façon bilatérale que dans le cadre d’ateliers. À la fin du mois, nous aurons une autre réunion pour discuter en profondeur directement avec eux.

La présidente : Est-ce que je peux dire quelque chose à ce sujet? C’est le même sujet. J’ai mené des études sur les effets de la radiation à la suite de ce qui s’est passé avec les réacteurs de Tchernobyl et du Japon. De nombreuses centrales se trouvent près de l’eau, parce qu’il faut de l’eau pour refroidir le système. Nous avons parlé précédemment de changements climatiques, et nous savons maintenant que les changements climatiques causent de plus grandes vagues et une plus forte érosion. Je veux savoir si vous tenez vraiment compte des changements climatiques quand vous analysez les grands projets, en particulier ceux qui se trouvent très près de l’eau. Les ports, les ponts, les centrales nucléaires, les ports méthaniers, les ports pétroliers — je crois que c’est important et j’aimerais que vous expliquiez dans quelle mesure Environnement et Changement climatique travaillera de près avec les promoteurs de grands projets.

M. Parker : Je vous remercie de votre question. La réponse est toute simple, et c’est oui. Nous examinons les effets des changements climatiques maintenant sur le projet. Une grande partie des discussions jusqu’à maintenant ont porté sur les effets d’un projet sur le climat, mais nous regardons aussi l’inverse. Cependant, en partie à cause de la géographie du Canada, quand nous examinons des projets dans le Nord et qu’il y a des problèmes de pergélisol, c’est souvent un enjeu que soulèvent les intervenants et les promoteurs eux-mêmes, et cela va continuer. L’article 22 mentionne cela explicitement. Il s’agirait du facteur relatif aux accidents ou aux défaillances, et je pense que votre question vise cela en partie. Ce sera dorénavant explicite dans l’article 22, et ce serait inclus dans le rapport que nous transmettons au décideur pour lui permettre de prendre une décision éclairée.

La présidente : Merci.

M. Gardiner : J’aurais quelques petites choses à ajouter. Premièrement, pour les projets non désignés, c’est la CCSN qui va continuer de prendre les décisions. Cela ne change pas. Il y a une autre chose qui ne change pas, et ça concerne les projets désignés. En ce moment, les décisions sont prises en vertu de deux lois, soit la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 et la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et la loi qui succède à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, c’est-à-dire la Loi sur l’évaluation d’impact, sera opérationnelle dans ce nouveau régime, comme le sera également la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Les décisions seront prises en conformité des deux lois, comme avant, et il en demeurera ainsi à l’avenir, y compris pour des projets désignés.

L’autre chose que je voulais ajouter est liée à la question de la sénatrice McCoy sur laquelle j’ai trébuché tout à l’heure. J’ai une réponse pour vous. Je pense que ce qui a compliqué les choses, c’est qu’en application des mesures provisoires annoncées par le gouvernement en janvier 2016 pour le projet Énergie Est, un comité distinct a été mis sur pied pour s’acquitter des activités de mobilisation du public. Cela m’a causé un peu de confusion. À cela s’ajoute une autre complication pour ce projet en particulier, et c’est le nombre de membres qui se sont récusés à cause d’une situation de conflit d’intérêts perçu. Un deuxième comité a donc été mis sur pied, et c’est ce deuxième comité, chargé de la fonction décisionnelle, qui a décidé que les émissions en aval devraient faire partie… en vertu de la loi sur l’Office national de l’énergie, oui.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au deuxième tour et aux questions des vice-présidents.

La sénatrice McCoy : Félicitations pour la souplesse et l’agilité de votre personnel.

M. Gardiner : La personne qui m’a précédé dans mon poste se trouve directement derrière moi, et cela m’aide beaucoup.

Le sénateur MacDonald : Je veux vous parler d’échéancier et de suspension ministérielle concernant les projets. Vous savez que les intervenants s’inquiètent de ce que ces dispositions retardent beaucoup l’examen des projets. L’Association canadienne de pipelines d’énergie a dit que le projet de loi C-69 pourrait multiplier par 40 les retards, ce qui réduirait nettement la probabilité que de nombreux projets soient conformes aux échéances imposées par la loi. Les préoccupations de l’Association canadienne de pipelines d’énergie et d’autres organisations sont-elles justifiées à ce sujet? Que diriez-vous à ces groupes pour apaiser leurs inquiétudes, et dans quelles circonstances votre ministère s’attend-il à ce que la ministre utilise son pouvoir de suspendre l’examen d’un projet?

Mme Loth-Bown : Les échéanciers sont gérés de façon beaucoup plus stricte en vertu du projet de loi que dans le cadre du régime actuel. L’échéancier global de tout processus a été nettement réduit dans le projet de loi. La durée des évaluations menées par une agence passe de 365 à 300 jours, et l’évaluation d’un comité va d’un minimum de 300 jours à un maximum de 600 jours, et cela est établi à la fin des premières phases de la planification pour que tout le monde soit bien au courant de l’échéancier. En ce moment, c’est 24 mois. Ce sera donc beaucoup moins que cela si on passe de 720 jours en ce moment à une norme de 300 à 600 jours au maximum. Tous les échéanciers sont réduits.

L’autre aspect important des échéanciers relatifs à la prise de décision, c’est qu’en ce moment, l’échéancier n’est pas prévu par la loi pour la prise de décisions, alors que le projet de loi établit un échéancier de 30 jours pour la décision du ministre et de 90 jours pour la décision du gouverneur en conseil. Ce sont des échéanciers qui ne sont pas en ce moment prévus dans la LCEE de 2012, mais que le projet de loi prévoit. Ce sont, déjà là, des échéanciers plus stricts.

Il y a aussi un nouveau règlement qui est proposé à l’appui du projet de loi, et c’est un règlement visant l’information et la gestion du temps. Nous avons mené une consultation au sujet d’un document de discussion. Il a été rendu public au moment où le projet de loi a été proposé, le but étant de parler des critères qui seraient utilisés s’il devait y avoir suspension d’un échéancier. On en a discuté ce matin. Je crois que c’est le sous-ministre Tremblay qui en a parlé. Les critères permettant de suspendre un échéancier sont très stricts : il faut que le promoteur le demande, qu’il ait un problème de conception, qu’il n’ait pas payé une facture, ou qu’il manque un élément vraiment important d’information nécessaire à la prise d’une décision. Quoi qu’il en soit, c’est très strict.

Les échéanciers et les suspensions font l’objet d’une gestion beaucoup plus stricte en vertu du projet de loi.

Le sénateur MacDonald : J’ai aussi posé une question au sujet de la ministre. Comment vous attendez-vous à ce que la ministre utilise ses pouvoirs pour suspendre l’examen de projets? Dans quelles circonstances?

M. Parker : Je vais répondre, parce que je travaille au règlement.

La capacité de la ministre de suspendre les échéanciers est en fait réglementée par les critères que Christine vient de mentionner. À l’avenir, pour suspendre l’échéancier d’examen d’un projet, il faut que cela se fasse conformément à l’un des critères prévus dans le règlement. Il faudrait que la ministre invoque le fait que le promoteur l’a demandé, que le promoteur n’a pas payé un montant qui est dû ou qu’il y a un changement important dans la conception et que les effets seront différents de ce qui était attendu dans le processus. Nous avons déjà beaucoup discuté des premières étapes de planification et de la façon dont nous déterminerons de quoi le projet aurait l’air. Si le projet devait changer, il est possible que la ministre puisse suspendre l’échéancier, en application de ce critère, afin de donner au promoteur l’occasion d’aller faire le travail nécessaire pour ensuite revenir avec l’information requise pour poursuivre l’examen.

Le sénateur MacDonald : En guise de suivi par rapport à cela, concernant la limite de 90 jours s’appliquant à la suspension de l’échéancier — en cas de renvoi —, le gouverneur en conseil peut prolonger le délai de 90 jours un nombre infini de fois. Ce n’est pas là non plus. Comment pouvez-vous garantir au comité que ces prolongations ne puissent se répéter indéfiniment?

Mme Loth-Bown : Les dispositions son conçues dans le but d’imposer une grande rigueur concernant le recours aux critères de suspension. L’autre élément important, qui est très différent de la situation actuelle, c’est l’obligation de documenter la décision, ce qui ajoute un élément de transparence et de documentation, quant aux justifications. Cela n’existe pas en ce moment.

La sénatrice Cordy : C’est une longue journée. Je suis sûre qu’il vous est beaucoup plus facile d’être dans votre bureau que d’être ici à répondre à des questions pendant des heures. Je vous remercie de votre ouverture.

J’ai lu que les risques de chevauchement entre les compétences fédérales et provinciales ou les risques d’atteinte aux compétences provinciales préoccupent un peu certaines provinces. Cela dépend des gens à qui vous posez la question. Pouvez-vous nous expliquer si ce qui est proposé constituerait effectivement une atteinte aux compétences provinciales?

Mme Loth-Bown : L’objectif n’est pas de porter atteinte aux compétences provinciales, et le projet de loi est conçu pour que toute décision prise découle d’une compétence fédérale.

Au moment d’une évaluation d’impact, nous allons nous pencher sur plusieurs choses — de nombreux facteurs différents, de nombreuses choses différentes iront dans le rapport —, mais la décision qui est prise au bout du compte doit découler d’une compétence fédérale liée à l’environnement. C’est un élément très important que mes collègues de la Justice vont garantir, notamment, que les décisions que nous prenons relèvent toujours de nos compétences. La loi est conçue ainsi.

La loi est aussi conçue pour favoriser la coopération avec d’autres administrations et pour mettre en application le principe « un projet, une évaluation », et ainsi réduire les chevauchements pour tous concernant l’information recueillie et le processus utilisé, car il n’est pas efficace d’avoir divers processus pour un seul projet. Nous voulons donc vraiment en venir à appliquer le principe « un projet, une évaluation ».

La sénatrice Cordy : Je suis de la Nouvelle-Écosse. L’Accord atlantique ne sera donc pas touché par ce projet de loi?

Mme Loth-Bown : Non.

La sénatrice Cordy : Merci.

Je lis des articles et j’écoute des discussions à la radio ou à la télé à propos du projet de loi C-69, et j’ai entendu dire que si le projet de loi C-69 est adopté, plus aucun oléoduc ne sera bâti au Canada. J’aimerais vous entendre à ce sujet.

Mme Loth-Bown : L’objectif du projet de loi C-69 est d’examiner les grands projets, y compris les oléoducs, les mines et les installations nucléaires, comme nous le disions, afin de nous pencher sur les plus gros projets ayant les répercussions les plus importantes et d’avoir le meilleur processus de prise de décisions possible. Le gouvernement et la ministre McKenna ont indiqué très clairement vouloir promouvoir l’économie. Vous avez entendu les commentaires de la ministre McKenna. L’économie et l’environnement vont de pair, et l’objectif est de favoriser la compétitivité et de veiller à ce que le processus soit sans surprise, de sorte que les bons projets puissent être menés à bien.

La sénatrice Cordy : Merci. C’est plus clair.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur le processus. Je comprends que la ministre peut demander que ce soit une commission qui évalue les impacts et, comme vous l’avez dit, les délais de la commission sont de 300 à 600 jours.

Mme Loth-Bown : Oui.

Le sénateur Carignan : Je vois aussi que la ministre a la possibilité, lorsque le délai est trop long, de suspendre la demande ou l’étude de la commission et de demander à l’agence de procéder à l’étude afin d’être en mesure de prendre sa décision. Est-ce exact?

Mme Loth-Bown : Oui.

Le sénateur Carignan : Si c’est trop long et que cela prend 600 jours, cet exercice de suspension doit donc se faire après 600 jours?

Mme Loth-Bown : Cela dépend du délai accordé au projet en question. Le délai accordé à chaque projet étudié par une commission doit être d’un minimum de 300 jours et d’un maximum de 600 jours.

Le sénateur Carignan : Donc, si la ministre a fixé un délai de 400 jours à la commission, et qu’après 405 jours rien n’est fait, elle peut décider de retirer le dossier et demander à l’agence de faire le rapport. On tombe donc, à ce moment-là, dans les pouvoirs de l’agence?

Mme Loth-Bown : À ce moment-là, l’agence va utiliser toute l’information qui avait déjà été fournie à la commission.

Le sénateur Carignan : Mais l’agence a aussi 300 jours?

Mme Loth-Bown : Si jamais on en arrive à cette situation, mais, à mon avis, c’est très rare que cela se produise.

Le sénateur Carignan : Dans le cas où cela se produirait, après 405 jours, on enlève le dossier à la commission et on le transfère à l’agence.

L’agence a 300 jours pour produire son rapport et je ne vois pas que le ministre a le pouvoir de proroger ou de diminuer le délai de 300 jours. Qu’est-ce qu’on fait dans une telle situation?

Mme Loth-Bown : La période de 300 jours allouée à l’agence pour procéder à une étude est la période maximale. Si l’agence n’a pas besoin de 300 jours pour effectuer son étude, elle peut la terminer plus rapidement. C’est un maximum de 300 jours, il n’est pas nécessaire que cela prenne 300 jours.

Le sénateur Carignan : Si cela prend 405 jours à la commission, on peut donc penser que l’agence en prendra 100 ou 200 avant d’envoyer son rapport à la ministre?

Mme Loth-Bown : Vous parlez d’une situation hypothétique.

Le sénateur Carignan : Pourtant, c’est ce qui va se passer. Je vais changer de question et parler de la participation du public. L’agence, le comité ou la commission donne la possibilité de participer de façon significative. Qu’est-ce que cela signifie? Est-ce qu’une ONG en environnement, par exemple, c’est le grand public?

Mme Loth-Bown : Oui, c’est le grand public.

Le sénateur Carignan : Que veut donc dire la « possibilité de participer de façon significative »? Est-ce qu’on a des règles d’équité procédurale? Ont-ils le droit d’avoir l’ensemble de la preuve que le comité ou la commission possède pour être en mesure de faire des observations ou des commentaires de façon éclairée?

Mme Loth-Bown : Quand on parle de la participation du public, notre politique et les lignes directrices seront disponibles sur notre site web afin d’expliquer le processus de participation. Comme le président l’a expliqué ce matin, on va utiliser des moyens différents selon les participants. Cela pourra se faire par courriel, par des réunions...

Le sénateur Carignan : Vous devez favoriser l’équité procédurale et la justice naturelle, non? Il y a donc des règles de procédure qui vont avec la justice naturelle et l’équité procédurale.

Mme Loth-Bown : L’agence n’a pas cette obligation, puisqu’elle n’est pas un organisme quasi judiciaire.

Le sénateur Carignan : À quoi sert l’article 54? La commission le fait, mais pas l’agence.

Mme Loth-Bown : C’est une commission qui travaille avec l’Office national de l’énergie ou la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui sont des organismes quasi judiciaires. Je vais demander à mon collègue du ministère de la Justice d’apporter des précisions à ce sujet.

Le sénateur Carignan : C’est important. Si le ministre retire le pouvoir de la commission et le confie à l’agence, cette dernière a le devoir d’agir de façon équitable pour ce qui est de la procédure et des règles de justice naturelle. Bref, l’agence n’est pas obligée de respecter les règles de justice naturelle.

Mme Loth-Bown : Je veux être clair, sénateur. Il y a trois manières de faire les évaluations. La première méthode d’évaluation, c’est par l’agence. Deuxièmement, c’est par une commission qui...

Le sénateur Carignan : J’ai compris qu’il y a trois façons d’évaluer, mais il y a toujours une même personne qui est affectée. Que ce soit l’agence, la commission ou le ministre, des gens ont des droits qui sont affectés et ils ont le droit de faire valoir leur point de vue.

Mme Loth-Bown : Je vais demander à mon collègue du ministère de la Justice de vous l’expliquer.

M. Rochon : Dans le cadre de la loi, des membres du public ont la possibilité de faire valoir leur point de vue. Ce ne sont pas tous les membres du public qui ont le même niveau d’intérêt dans le projet. Ils n’ont pas nécessairement le même degré procédural que le promoteur du projet ou un groupe autochtone qui occupe un territoire sur lequel le projet aurait lieu. Le processus a déjà été confié à la commission et un certain travail a déjà été fait. La preuve recueillie dans ce contexte sera accessible au public, qui continuera de participer au processus de l’agence. Le public aura accès à ces informations. Le travail qui a été fait avant que la ministre transfère le processus à l’agence n’est pas perdu. Il reste accessible aux gens qui continueront de participer au processus.

Le sénateur Carignan : Pour la commission...

La présidente : Excusez-moi...

Le sénateur Carignan : C’est important. C’est fondamental.

La présidente : C’est déjà six minutes.

Le sénateur Carignan : Oui, mais on va prendre deux autres minutes, parce que je suis convaincu que les groupes environnementaux souhaitent avoir une réponse à cette question.

La présidente : Alors, posez la question.

Le sénateur Carignan : Il y a une obligation d’équité procédurale prévue à l’article 54 et elle s’applique aux commissions. Vous dites que l’agence n’a pas les mêmes obligations d’équité procédurale et que l’information sera accessible à l’ensemble du public. Comment se fait-il que ce ne soient pas les mêmes obligations?

M. Rochon : L’article 54 cite précisément l’évaluation effectuée par la commission. Lorsque cet article a été rédigé, on ciblait la commission, et non le travail qui est fait par l’agence. Lorsqu’on retourne dans le giron de l’agence, ce sont les règles qui s’appliquent à l’agence à ce moment-là.

Le sénateur Carignan : Il n’y a pas de règles sur l’équité procédurale pour l’agence. Vous êtes d’accord avec moi?

M. Rochon : Oui.

La présidente : Merci beaucoup.

Mme Loth-Bown : Je veux apporter une précision. Il y a trois parties de la législation et trois parties des articles qui décrivent les rôles et les responsabilités de l’agence; il y a une partie qui parle d’une commission simple et la troisième partie traite d’une commission avec l’Office national de l’énergie ou la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Leurs rôles et leurs responsabilités sont très différents. C’est écrit dans la législation.

Le sénateur Carignan : Il y a aussi le comité régional.

La présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Simons : J’ai trois questions qui ne sont pas liées entre elles, alors je vais les poser très rapidement.

Premièrement, comme suite à ce que le sénateur MacDonald a dit, est-il vrai que si le ministre décrète une suspension à l’étape préliminaire de l’évaluation, il doit en faire connaître les raisons? Cependant, le gouverneur en conseil pourrait imposer un nombre infini de suspensions sans devoir en faire connaître les raisons. Est-ce qu’il y a quelque chose dans la tradition parlementaire qui nous empêche d’exiger du gouverneur en conseil qu’il présente aussi des raisons à des fins de transparence?

Mme Loth-Bown : Il s’agirait d’un précédent si le gouverneur en conseil devait faire connaître les raisons d’une décision. À ma connaissance, il n’y a pas d’exigence légale précise voulant qu’il ne le fasse pas. Cela dit, la loi elle-même dit aussi que le gouverneur en conseil fera connaître les raisons de sa décision, ce qui fait que c’est un précédent très important.

La sénatrice Simons : Ma deuxième question peut sembler très anodine, mais je sais que certains chefs autochtones en Alberta se préoccupent de cela. C’est à l’alinéa 7(1)d), sous les mesures qu’il est interdit de prendre avant la réalisation d’un projet. L’alinéa d) interdit « des changements au Canada aux conditions sanitaires, sociales ou économiques des peuples autochtones du Canada ». Certains chefs autochtones avec lesquels j’ai discuté au Conseil des ressources indiennes craignent que cela les empêche de travailler pour un projet ou de coopérer avec un autre important joueur de l’industrie pour l’exécution de travaux préliminaires, même s’il peut s’agir d’un projet bienfaisant et axé sur les relations publiques, par exemple l’ouverture d’une clinique médicale, ou quelque chose de proactif comme l’offre d’une formation en construction à de jeunes Autochtones de la collectivité. Est-ce que cela irait complètement à l’encontre de la perspective du gouvernement si l’on modifiait cela pour y inclure « des changements négatifs » ou « des changements défavorables »? Je présume que nous ne voulons pas en fait que les gens se retrouvent coincés.

Mme Loth-Bown : L’objectif stratégique de cette disposition est de couvrir les choses qui sont négatives ou défavorables. Ce n’est pas d’inclure des choses qui sont positives, comme vous l’avez indiqué.

La sénatrice Simons : Un tel amendement pourrait être perçu comme étant favorable. Croyez-vous qu’un amendement n’est pas nécessaire? Selon le libellé actuel, vous ne pouvez absolument rien changer.

Mme Loth-Bown : Je peux vous dire que l’objectif est d’avoir un effet positif et non de faire obstacle aux effets positifs. Le but est de faire obstacle aux choses négatives qui pourraient se produire.

La sénatrice Simons : J’ai une question pour Mme Harris, pour qu’elle ne se sente pas seule.

Étant donné que je suis de l’Alberta, je discute surtout avec des gens du secteur du pétrole et du gaz. Quand j’ai rencontré les gens d’ATCO, ils ont soulevé quelques préoccupations au sujet de l’électricité. À cause des dispositions relatives aux zones navigables, ils craignent que s’il est interdit de changer les niveaux d’eau ou les débits d’eau, cela fasse obstacle à l’aménagement de nouvelles centrales hydroélectriques ou à la mise à niveau de centrales hydroélectriques existantes. Pouvez-vous nous parler de l’objectif de la troisième partie de ce projet de loi? Je présume qu’avec la transition vers une économie à plus faibles émissions de carbone, nous voudrons encourager l’aménagement de centrales hydroélectriques. Est-ce qu’il y a lieu de craindre qu’être aussi précis au sujet des niveaux d’eau et des débits d’eau puisse entraver l’aménagement de nouvelles centrales hydroélectriques?

Mme Harris : Je vous remercie de cette question. La navigation relève de la compétence fédérale. Quand nous envisageons l’approbation de travaux comme l’aménagement de centrales hydroélectriques ou de barrages, nous nous penchons sur l’obstacle à la navigation que cela pourrait représenter. Les changements dans les niveaux d’eau ou les débits d’eau des eaux navigables feraient partie des facteurs pouvant faire obstacle à la navigation. Cela fait partie de l’examen qui est mené. C’est ce qu’on faisait avant pour les projets de barrages, et dans certains cas, des modalités relatives aux niveaux d’eau et aux débits d’eau accompagnaient l’approbation du projet. En ce qui concerne l’approbation de barrages, même s’il est clair dans les modifications apportées à la Loi sur la protection de la navigation que les changements aux niveaux d’eau et aux débits d’eau seraient examinés, on s’attendrait à ce que cela soit fait au moment où le ministère étudie les répercussions sur la navigation.

La sénatrice Simons : Cette partie de la loi semble donner un vaste pouvoir discrétionnaire au ministre. C’est une question vraiment stupide, mais est-ce que le ministre en question est le ministre des Transports ou le ministre de l’Environnement ?

Mme Harris : Dans la partie 3 de la loi, c’est du ministre des Transports dont il est question.

Le sénateur Woo : Bon nombre des questions soulevées lors des audiences portent sur la réduction des risques de litiges liés aux projets. En gros, il y a deux façons de procéder. L’une est de refuser de donner droit à une forme de contrôle judiciaire, et nous avons entendu que cela pourrait être problématique. L’autre est d’améliorer le processus, la résilience du processus.

L’une des choses que le président de l’agence a soulignées précédemment, c’est que l’agence a de bons antécédents. Le processus n’est pas nécessairement à toute épreuve, mais il est assez blindé pour avoir pu résister aux contestations judiciaires et législatives. Pouvez-vous nous parler un peu des antécédents de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, de sa résilience et de sa robustesse pour ce qui est de repousser les contestations judiciaires de projets que vous avez examinés et approuvés?

Mme Loth-Bown : Je vous remercie de votre question. Parmi les principes clés qui ont mené à la résilience du processus de l’agence, il y a d’abord et avant tout, comme le président l’a noté, notre ouverture à la participation du public, le fait que nous permettons à ceux qui veulent participer au processus de le faire. Cela ne veut pas dire que nous n’utilisons pas divers outils pour cette participation. Nous permettons aux parties de contribuer en participant à des réunions, en faisant des commentaires écrits, en participant aux audiences du comité ou à des assemblées. La participation ouverte est extrêmement importante.

La documentation des points de vue qui sont exprimés dans le rapport de l’agence est aussi un outil important. Nous diffusons ces rapports et accordons une période donnée pour les commentaires du public, ce qui constitue un autre facteur clé.

Les déclarations de décisions constituent un autre facteur clé. Une déclaration de décision donne l’occasion d’examiner les points qui ont été soulevés dans le processus, de trouver des moyens de régler les préoccupations ou les problèmes et d’en faire des facteurs ayant force obligatoire dans la décision. L’agence a une bonne feuille de route pour ce qui est de consulter les personnes intéressées et de participer à l’élaboration de ces déclarations de décisions. Nous les élaborons en consultation et en collaboration avec le promoteur, les collectivités visées et, plus particulièrement, les communautés autochtones touchées. Il est possible de participer à l’élaboration de ces déclarations de décisions, puis on les affiche et entend d’autres observations du public. Ce faisant, les décisions qui sont prises sont alors pratiques, peuvent être mises en œuvre et donnent suite aux problèmes qui ont été soulevés durant le processus.

Ces éléments, et plus particulièrement la transparence et l’affichage de renseignements dans le registre, sont des mesures que l’agence prend et que nous avons intégrées dans le projet de loi en tant que pratiques exemplaires.

Le sénateur Woo : Pouvez-vous nous donner des résultats, des statistiques sur le nombre de vos projets qui ont fait l’objet de contestations judiciaires et sur les taux de réussite et d’échec? Je vous demanderais de nous fournir des données empiriques pour démontrer que votre processus à l’agence est résilient pour réduire les risques de litige qui préoccupent tout le monde.

Mme Loth-Bown : Nous pourrions assurer un suivi à ce sujet. Je n’ai pas ces renseignements en mémoire.

La présidente : Nous nous attendrons à recevoir une réponse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Comme vous le voyez, on a des soucis quant aux délais. Nous sommes tous un peu méfiants. Ce n’est pas par rapport à votre agence; c’est plutôt la nature de la politique et des politiques. Ça devient difficile, car tous les grands projets en matière d’environnement deviennent des dossiers chauds. Il y a beaucoup d’opposants et de gens qui y sont favorables. Ça devient donc un débat politique. Selon mon expérience, quand les politiciens le peuvent, ils retardent le projet. Vous avez mentionné plus tôt les critères liés au report des délais par le ministre. Pourriez-vous maintenant m’expliquer les critères sur lesquels se fondent le bureau du premier ministre ou le gouverneur en conseil pour retarder un projet, et les conséquences du report des échéances? On a entendu dire plus tôt que ceux-ci peuvent expliquer leur raisonnement, mais j’ai l’impression qu’il s’agit d’une décision assez discrétionnaire. Comment peut-on renforcer les règlements pour veiller à ce que cette question soit prise au sérieux?

[Traduction]

M. Parker : Je vais commencer par présenter les échéances des différentes phases. Quelques-unes des autres questions se rapportent aux échéances et à la discrétion associée à chacune de ces échéances. La raison pour laquelle il y a différentes échéances et, par conséquent, un certain nombre de points de suspension des échéances dans la loi est en partie une question de convention de rédaction. Le cas échéant, on ajoute une note dans la loi pour une suspension associée à ces échéances.

Maintenant que vous en êtes au début du processus, il y a 180 jours dans la phase de planification initiale. C’est une échéance établie dans la loi. Cette échéance est en partie garantie parce que c’est légiféré, si bien que le gouvernement est tenu de la respecter. Autrement, un promoteur ou un autre intervenant dans le processus pourrait apporter une ordonnance de mandamus en cour, ce qui lui donnerait alors la capacité d’obliger le gouvernement de poursuivre le processus...

Le sénateur Massicotte : Ou réclamer des dommages-intérêts.

M. Parker : Ou réclamer des dommages-intérêts, selon les particularités du cas. Il y a ces deux mesures. M. Rochon pourrait peut-être vous les expliquer plus en détail.

Lorsqu’on arrive aux 180 jours, à la fin de l’étape, on fixe l’échéance au début en tenant compte de la nature du projet. Elle pourrait aller de 300 à 600 jours, selon le projet. Cette échéance offre une certitude.

De plus, il est possible de suspendre l’échéance pour offrir une certaine marge de manœuvre afin de répondre à certaines circonstances pouvant survenir dans le cadre d’un projet dont j’ai parlé plus tôt en raison des critères réglementaires établis seulement par le ministre. Cette échéance nous permet d’appliquer le processus, mais permet aussi, inévitablement, de répondre aux situations qui surviennent. Dans le cadre du nouveau système, la majorité de ces situations se présenteraient dans les 180 premiers jours, lorsque nous établissons l’échéance et connaissons les enjeux.

Le sénateur Massicotte : Pour les 360 jours suivants, le ministre reçoit des critères fixes. Qu’en est-il du premier ministre, après que vous présentez votre rapport?

M. Parker : Une fois le rapport présenté, il n’y a aucune disposition pour suspendre l’échéance. Il y a une disposition pour la prolonger. Le ministre peut prolonger l’échéance une fois jusqu’à 90 jours. Le Cabinet doit prendre une décision dans un délai de 90 jours, ce qui n’est actuellement pas prévu dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, mais les personnes concernées peuvent prolonger l’échéance si elles le souhaitent.

Le sénateur Massicotte : Autant de fois qu’elles le souhaitent?

M. Parker : Aucune limite n’est imposée au Cabinet pour prolonger l’échéance.

Le sénateur Massicotte : Je suis certain que vous comprenez. Les promoteurs vont dépenser des millions de dollars pour en arriver à ce stade. Ils ne sont pas à l’aise avec le fait, qu’à la toute fin, il y a cette approbation très politique et délicate, et la majorité des politiciens vont attendre après des élections notamment pour s’en occuper. C’est inquiétant. Je suis certain que vous le reconnaissez. J’imagine que celui qui a rédigé la mesure législative n’avait d’autre choix que d’inclure cette disposition. Je vous remercie de votre réponse. L’enregistrement montrera qu’il a souri.

Puis-je poser une autre question?

M. Parker : Je souris depuis le début.

Le sénateur Massicotte : Ce n’est pas le cas. Vous riez de nous ou quoi?

Permettez-moi de poser une question. Je pense que c’est l’article 11. Il précise essentiellement que le public doit prendre part à la discussion ou participer au processus de façon significative. Pour bon nombre d’entre nous, si nous examinons les observations qui sont formulées et tenons compte de ce que les experts et les intervenants de l’industrie disent, comment pouvons-nous assurer un contrôle? La question de la qualité pour agir disparaît, tous ceux qui ont une opinion sur n’importe qui peuvent faire valoir leur point de vue et vous devez avoir un processus en place pour le leur permettre. Comment faites-vous pour veiller à ce que la situation ne dégénère pas? Devez-vous organiser une audience publique pour tout le monde? Expliquez-nous comment vous comptez gérer cela pour éviter d’importants retards ou des surprises.

Mme Loth-Bown : L’agence élaborera une politique et un document d’orientation technique sur la participation publique. Dans ce document stratégique, nous expliquerons en quoi consiste une participation publique significative.

Nous consultons également différentes décisions judiciaires, différents documents, pour définir le terme « significatif ». Nous sommes d’avis que pour qu’il y ait des consultations significatives, il faut que ce soit documenté, que les gens sachent qu’il y a une occasion, que du financement soit offert pour pouvoir participer au processus et que différents mécanismes, outils ou lieux, comme vous l’avez dit, puissent être utilisés pour répondre à différents besoins. Dans certains cas, ce peut être des assemblées publiques, de la correspondance écrite, des groupes d’étude ou différentes réunions, mais nous devons avoir différents outils à notre disposition. Il ne peut pas y en avoir qu’un seul. Nous devons tenir compte du processus et des participants et comprendre le processus.

Un autre principe clé est que c’est défini tôt dans le processus. Par l’entremise de ces plans de participation publique et plans de consultation des Autochtones, nous aurons des conversations avec ces communautés sur la façon dont elles aimeraient participer au processus. Il y aura un plan qui sera présenté pour que tout le monde le connaisse. Les gens ont besoin de temps pour pouvoir participer à un processus, et ils doivent savoir combien de temps ils auront, si bien que ces renseignements seront documentés et rendus publics. Si c’est une période de 30 jours, tout le monde le saura.

Le sénateur Tkachuk : Le terme « durabilité » revient souvent dans ce projet de loi, et je veux donner suite à la question de la sénatrice Simons qui fait état que les considérations économiques figurent à l’article. On les définit comme étant la capacité de protéger l’environnement, de contribuer au bien-être social des habitants du Canada et de maintenir leur santé dans l’intérêt des générations actuelles et futures. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que cette définition signifie pour les promoteurs de projets? Qu’est-ce qu’on entend par protéger l’environnement et maintenir la santé dans l’intérêt des générations actuelles et futures? Ce sont des verbes assez actifs, et je pense que les promoteurs de projets ont la responsabilité de ne pas causer de tort dans le cadre d’un projet ou de réduire les torts pouvant être causés par un projet.

Mme Loth-Bown : Chaque projet sera différent car les répercussions sur chaque projet seront différentes. De façon générale, en ce qui concerne le rôle ou les choix des promoteurs concernant la durabilité, il y a des éléments entourant la technologie qui est utilisée dans un projet particulier. Il y a souvent différents choix à faire pour déterminer ce que l’on utilisera. C’est une occasion pour eux de promouvoir la durabilité. De plus, on peut examiner la durée d’un projet, aux étapes de la construction et de la mise en œuvre, et il y a différents choix qui peuvent être faits quant à la période d’un projet particulier et à sa mise hors service éventuelle. Ces éléments peuvent avoir des répercussions différentes sur la durabilité.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de la durabilité et vous avez mentionné qu’elle est définie dans la loi, alors les promoteurs devront régler la question — aborder les éléments qui protègent l’environnement et qui préservent la santé des Canadiens. Que devront-ils faire pour prouver cela?

Mme Loth-Bown : Il faudra examiner ces questions projet par projet. Il faudra examiner chaque projet et déterminer les différentes études qui doivent être réalisées pour évaluer les répercussions sur la santé, les services sociaux et la culture; ces études seront menées en fonction du projet. Dans certains cas, des études beaucoup plus exhaustives pourraient s’avérer nécessaires. Nous pouvons demander au promoteur de les réaliser ou pas. L’agence est tenue d’examiner ces facteurs; nous ne sommes pas obligés de demander au promoteur de mener ces recherches. Nous pouvons nous adresser à d’autres ministères fédéraux experts ou examiner d’autres études qui ont été réalisées.

La présidente : Je veux vous interroger sur le rôle de l’organisme de réglementation du cycle de vie. Il a un rôle à jouer à cet égard aussi?

Mme Loth-Bown : Il a un rôle dans le cadre des projets non désignés d’examiner ces répercussions, effectivement, et de présenter des études. Comme il est énoncé au tout début de la mesure législative, l’agence a l’obligation, dans le cadre d’une évaluation d’impact, d’examiner les études existantes. Nous ne sommes pas obligés de demander au promoteur de mener ces recherches, mais nous, à l’agence, devons évaluer ces questions.

Le sénateur Tkachuk : Pour donner suite à vos remarques, si vous construisez un pipeline, le cycle de vie de ces installations est long. Kinger Morgan a duré 53 ans, si bien qu’il avait plus de 50 ans. Comment s’attaquerait-il à ces questions de durabilité et de protection de l’environnement en examinant une longue période de 50 ans et une longue distance?

Mme Loth-Bown : Mon collègue M. Parker a un exemple de projet où l’on a examiné la durée de vie et les répercussions sur la durabilité pour une communauté.

M. Parker : Ce n’est pas exactement un pipeline, mais un exemple souvent utilisé comme référence est la mine de Voisey’s Bay. En ce qui concerne les évaluations d’impact et la transition pour examiner les projets de façon plus globale, bien qu’il y ait des évaluations environnementales, il y a aussi en parallèle des évaluations des répercussions sur la santé et les services sociaux, qui sont toutes utilisées dans la méthodologie. Ces méthodologies ont été appliquées dans différents projets. Au Canada, Voisey’s Bay était un projet qui a été réalisé en 1997 dans le cadre duquel on a utilisé bon nombre de ces méthodologies.

Quelques-uns des exemples qui sont ressortis étaient — et c’est peut-être en lien avec les analyses comparatives entre les sexes ou les évaluations des répercussions sur la santé et les services sociaux —, lorsqu’on a demandé au promoteur des renseignements, il a dû classer ces renseignements par sexe, par groupe autochtone et par âge afin de comprendre la communauté et de connaître les répercussions et les avantages du projet. À partir de cette analyse, il a été déterminé au final que l’une des grandes répercussions de ce projet était les cycles d’expansion et de ralentissement potentiels. Les promoteurs ont alors travaillé avec la communauté pour prolonger la vie de la mine et créer un fonds de réserve pour offrir de la formation aux membres de la collectivité et les aider à faire la transition dans d’autres secteurs d’activités grâce aux compétences qu’ils ont acquises à la mine. C’est un exemple de ce que les promoteurs font.

Le sénateur Tkachuk : La Loi sur l’évaluation d’impact stipule que l’un des buts de la loi consiste à veiller à ce qu’une évaluation d’impact tienne compte des moyens de rechange pour mener un projet désigné, notamment en utilisant les meilleures technologies disponibles. Pouvez-vous fournir des explications? Que signifie cet objectif et quand entre-t-il en ligne de compte?

M. Gardiner : En ce qui concerne la question précédente, votre question portait sur le projet TMX, et la liste des facteurs dans l’ancienne Loi sur l’Office national de l’énergie était plus limitée que celle qui est envisagée en vertu de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, y compris pour des projets désignés. En pratique, l’office a évalué les effets sur la santé, les services sociaux et l’économie, y compris ceux en lien avec le projet TMX. Cela faisait partie de l’examen. Il y a une pratique établie et une jurisprudence établie concernant les examens qui tiennent compte de ces effets, y compris pour les pipelines et le projet TMX.

Mme Loth-Bown : En ce qui concerne les moyens de rechange, ils sont toujours examinés au cas par cas, mais à titre d’exemple, comme les sénateurs l’ont demandé, pour chaque projet, un promoteur a l’occasion d’utiliser les meilleures technologies disponibles et a des choix sur la façon de mettre en œuvre un projet. Par exemple, lorsqu’un lieu de travail a besoin d’une source d’énergie, vont-ils créer une nouvelle source d’énergie pour alimenter en électricité le site ou vont-ils puiser dans une source d’énergie existante? C’est une source de rechange pouvant être utilisée.

Je dirais, dans l’exemple des pipelines, qu’il y a des pratiques établies de longue date pour poser des conduites et des franchissements de cours d’eau, et l’utilisation de technologies avancées et de pratiques exemplaires sur les franchissements de cours d’eau peut minimiser les répercussions sur le poisson et son habitat. D’autres exemples de moyens de rechange sont tout aussi simples, mais faut-il créer un camp de travail? Un camp de travail doit-il être créé? Est-ce que ce doit être une structure permanente? Il y a des exemples de projets dans le Nord de la Colombie-Britannique où, plutôt que de créer un camp de travail permanent, on peut avoir un vieux navire sur place comme camp de travail temporaire, qui peut être déplacé. Il y a différentes mesures qu’un promoteur peut prendre pour minimiser les répercussions sur une communauté et l’environnement.

La présidente : Le temps file, et la liste est très longue, alors nous allons continuer.

Le sénateur Mitchell : À l’article 15, certains intervenants de l’industrie de l’énergie s’inquiètent du fait que l’article 15 exige, à toutes fins pratiques, une deuxième description du projet 180 jours, plus ou moins, après la présentation de la description initiale. Ces gens considèrent cette exigence comme étant un dédoublement inutile, plus de formalités administratives, et cetera. Pourriez-vous décrire ce qui serait fourni — et je pense qu’il y a des lignes directrices — dans la deuxième description par rapport à la première?

Mme Loth-Bown : Nous avons rédigé un document de consultation pour discuter de la réglementation relative à l’information et à la gestion du temps. Nous travaillons à l’analyse et nous produirons un deuxième document. Mais dans ce document de travail, nous avons demandé au public, sénateur, le type de renseignements qui devraient être exigés dans la description initiale du projet et ceux qui devraient l’être dans la deuxième description de projet.

Selon les promoteurs, certains sont disposés à fournir plus de renseignements au début du projet, tandis que d’autres veulent avoir l’occasion de se livrer à une planification précoce pour pouvoir améliorer la description du projet.

Nous aurons des exigences de base dans la loi qui stipulent, « Voici les renseignements dont nous avons besoin au début dans la description initiale du projet pour pouvoir donner le coup d’envoi et veiller à ce que tout le monde soit au courant de ce qui se passe ». Dans le cadre du processus de planification précoce, ces renseignements permettront aux promoteurs — une fois que les enjeux sont ciblés et que les préoccupations sont soulevées, ou si des problèmes sont réduits —, puisqu’ils disposeront de plus de renseignements, d’améliorer la description de leur projet. Ce faisant, la description finale du projet qui est utilisée pour rédiger les lignes directrices relatives à l’étude d’impact environnemental définira complètement le projet du promoteur.

De plus, en ce qui concerne l’énoncé des incidences et les lignes directrices adaptées, nous avons également entendu de nombreuses observations selon lesquelles même si les gens veulent qu’elles soient adaptées à leur projet, ils ont besoin de certains renseignements de base au début pour se préparer en fonction du type de projet. Pour les projets liés à des mines, à des pipelines ou à du gaz naturel liquéfié, voici le type de renseignements dont nous aurons besoin dans le cadre de notre évaluation.

Le sénateur Mitchell : Ce sont des renseignements additionnels ou des précisions, pour ainsi dire...

Mme Loth-Bown : Ce sont des renseignements plus détaillés.

Le sénateur Mitchell : Le promoteur a la chance de le faire tôt ou tard, à sa discrétion.

Mme Loth-Bown : Oui.

Le sénateur Mitchell : Merci.

L’article 9 porte sur le pouvoir du ministre de désigner un projet qui aurait été non désigné. Ce matin, on a dit que c’est très rare. Je pense cependant qu’il y a des restrictions particulières dans la loi qui préciseraient — pour utiliser ce terme à nouveau — exactement les conditions dans le cadre desquelles le ministre ne serait pas en mesure de le faire, à savoir qu’une fois que le projet a commencé, par exemple, le ministre ne peut pas... Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Je pense que c’est la disposition 9(7).

M. Parker : Je vais commencer par répondre inversement à la question car pour qu’un projet puisse être considéré pour une désignation, il y a certains facteurs que le ministre doit tenir compte. Ils figurent à l’article 9 et portent sur la compétence fédérale, que ce soit de déterminer s’il y a des répercussions sur les droits autochtones ou si une évaluation régionale a été effectuée dans la région.

En ce qui concerne les restrictions, vous avez raison. Il y a le paragraphe (7) qui prévoit que si l’activité concrète a commencé, alors le projet ne peut pas être désigné. Cette disposition s’applique également à tout projet actuel qui fera l’objet d’une évaluation. Lorsque la Loi sur l’évaluation d’impact entre en vigueur, si les projets ont été entamés de façon concrète, ils se poursuivront et ne seront pas assujettis à la loi. Il y a un parallèle entre les dispositions relatives à la désignation et les dispositions relatives à la transition.

De plus, dans un cas où une autorité fédérale qui dispose des pouvoirs de réglementer un projet ou de délivrer des permis pour un projet a déjà pris une décision concernant le projet, le ministre ne pourrait pas l’assujettir à la Loi sur l’évaluation des impacts.

Le sénateur Mitchell : Cela limite donc le risque qu’il y ait des surprises.

M. Parker : C’est exact.

Le sénateur Mitchell : J’ai remarqué qu’il y a une certaine confusion au sein de l’industrie — je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais certains éléments sont mal compris —, car le ministre de l’Environnement aura en quelque sorte le pouvoir absolu sur tout cela, et certainement pour ce qui est d’approuver et de rejeter des projets. Ce n’est pas le cas avec les projets énergétiques, si je comprends bien. En fait, tout projet qui vise des entités autres qu’Environnement et Changement climatique Canada doit faire participer le Cabinet et, par définition, un projet énergétique mettra toujours à contribution Environnement et Changement climatique Canada, Ressources naturelles, une province, une communauté autochtone, et cetera.

Mme Loth-Bown : C’est exact. Les projets qui mettent à contribution l’Office national de l’énergie ou la Régie canadienne de l’énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire sont automatiquement soumis au groupe d’experts et au Cabinet pour prise de décision.

Le sénateur Patterson : J’aimerais vous interroger sur les amendements relatifs aux eaux navigables. La définition d’« eaux navigables » a été modifiée et élargie, je dirais. Le ministère affirme que c’est une définition plus exhaustive, mais qu’un plan d’eau est navigable s’il est utilisé ou susceptible d’être utilisé pour le transport et les déplacements, que ce soit à des fins commerciales ou récréatives, ou pour l’exercice des droits autochtones.

Nous avons entendu les témoignages de compagnies de chemin de fer, d’agriculteurs et de l’Association des chemins de fer du Canada notamment, qui nous ont dit que des situations urgentes comme l’érosion des berges ou l’effondrement des rives sont signalés par des équipes de train en pleine nuit. Des ressources doivent être immédiatement mobilisées pour renforcer les rives, notamment en mettant en place un remblai en roche. Tout retard, notamment l’attente d’une réponse du ministre ou d’un représentant du ministre, est considéré par nos membres comme étant inacceptable. Les agriculteurs s’inquiètent au sujet de cette définition qui couvre maintenant les cours d’eau extrêmement profonds qui débordent une fois par année ou pendant une journée, ce qui pourrait être considéré comme étant une utilisation à des fins récréatives.

Comment pouvez-vous garantir que la nouvelle définition d’« eaux navigables » ne couvrira pas les fossés de drainage et ne causera pas d’ingérence indue dans des cas aussi mineurs?

Mme Harris : Merci de cette question. Comme vous l’avez décrit, c’est la façon dont c’est énoncé dans la mesure législative. Je préciserais que l’utilisation de la définition comprend l’utilisation de navires à des fins de transport ou de déplacement, comme vous l’avez décrit. On n’a aucunement l’intention d’inclure les fossés ou les canaux d’irrigation qui sont utilisés par les agriculteurs. J’aimerais également souligner qu’il y a une disposition pour les situations d’urgence dans la mesure législative également.

Le sénateur Patterson : Qu’en est-il de la définition qui inclut l’exercice des droits autochtones? Pourriez-vous, s’il vous plaît, me donner un exemple?

Mme Harris : Certainement. C’est un moyen de transport ou de déplacement pour les peuples autochtones qui exercent leurs droits. Ce pourrait être pour permettre aux Autochtones, par exemple, de traverser un cours d’eau en canot pour accéder à un lieu de pêche, à un territoire de chasse ou à des sites sacrés à des fins culturelles.

Le sénateur Patterson : Merci.

Si vous le permettez, j’aimerais citer l’Association canadienne de l’hydroélectricité, qui a fait la déclaration écrite suivante :

Nous redoutons grandement que certaines des modifications proposées à la Loi sur la protection de la navigation puissent créer un fardeau énorme et indu sur les propriétaires de barrages et d’autres installations et, dans des cas extrêmes, puissent même retarder les travaux, y compris les travaux d’entretien ou de réparation essentiels à la production d’électricité.

Pouvez-vous décrire votre processus de consultation avec l’industrie hydroélectrique et l’industrie du transport ferroviaire? Êtes-vous au courant de ces préoccupations? Convenez-vous que tout retard dans les travaux de réparation d’infrastructures essentielles peut présenter un risque à la sécurité publique? Avez-vous réalisé une analyse des risques pour la sécurité publique pouvant découler de la Loi sur la protection de la navigation et, le cas échéant, pouvez-vous présenter cette analyse au comité? J’ai posé quelques questions.

Mme Harris : Oui, vous avez posé quelques questions. J’espère que je les ai toutes en mémoire.

Le sénateur Patterson : Vous pourriez fournir la réponse plus tard.

Mme Harris : Je pourrais vous fournir une réponse plus détaillée à une date ultérieure au sujet des consultations que nous avons menées.

J’aimerais souligner une chose qui est liée à votre question, et c’est la Loi sur la protection de la navigation, l’interdiction pour le travail. C’est l’article 3 de la loi. L’interdiction incluait auparavant les réparations et, en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, l’interdiction n’inclurait plus les réparations. On peut donc lire maintenant qu’il est interdit, sauf en conformité avec la présente loi, de construire, d’installer, de modifier, de reconstruire, de retirer ou de déclasser un ouvrage dans, sur, sous, au-dessus ou à travers des eaux navigables. Auparavant, cette liste incluait également des réparations, mais elles ne le seront plus. Les ouvrages qui sont construits pour apporter une réparation seraient visés par la loi, mais cette modification a été apportée précisément pour régler des préoccupations qui avaient été soulevées entourant les réparations pour les ouvrages comme des ponts ou des barrages qui peuvent n’avoir aucune incidence sur la navigation.

La sénatrice McCallum : Bien des gens s’inquiètent au sujet du consentement. Les gens disent que c’est un droit de veto. J’aimerais simplement dire que les Premières Nations veulent aller de l’avant dans ce dossier également. Il n’est pas question d’un droit de veto; elles veulent être vraiment prises au sérieux.

Pourquoi est-il si important que les Autochtones soient pris en considération? Est-ce par souci de réconciliation, ou est-ce une question de droits fondamentaux, qui doivent être respectés — droits qui, jusqu’à présent, ont été niés ou bafoués? La Cour suprême du Canada dans Chilcotin lance une mise en garde à ce sujet. Elle demande, « Qu’adviendrait-il si on fait fi d’un titre ancestral et qu’on va de l’avant avec un projet sans obtenir le consentement et que, par la suite, le titre est prouvé »? La réponse de la cour est la suivante : « Il faudrait plier bagage, partir, perdre des investissements et payer pour les dommages  » Il y a des questions liées aux titres, pas seulement des enjeux environnementaux.

Pour ce qui est des consultations, il faut parler de ce qui nous est arrivé. Nous ne pouvons pas rester sur les terres et mourir à petit feu. Nous devons nous faire entendre.

Lorsqu’il y a de nombreuses compétences concernées, il y a des ententes de collaboration qui pourraient être conclues avec les compétences intéressées. Les peuples autochtones relèvent du gouvernement fédéral, mais vivent dans les provinces. Pour les provinces des Prairies, il est très difficile d’aller de l’avant dans nos dossiers. Vous avez dit que des ententes peuvent être conclues avec les administrations concernées, et l’intérêt n’est pas là. Y a-t-il un processus en place pour régler cette situation?

Mme Loth-Bown : L’Agence canadienne d’évaluation environnementale a affiché sur son site web en décembre que du financement sera versé aux collectivités et organisations autochtones pour qu’elles puissent participer à certains des dialogues sur les politiques et avoir l’occasion de se prononcer sur les ébauches de lignes directrices, entre autres choses.

Nous travaillons avec des organismes autochtones dans chaque province et territoire au pays pour tenir des séances afin de commencer à discuter de cet enjeu. J’ai fait savoir que pour que nous puissions aller de l’avant avec la disposition relative à la compétence autochtone, le ministre doit créer un règlement. Nous voulons donc entamer un dialogue sur les politiques et tenir des discussions stratégiques pour définir cette compétence autochtone. Nous le ferons de manière à faire participer les collectivités. Nous allons sans doute entamer ce processus le mois prochain.

La sénatrice McCallum : Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Bonjour. Je veux parler des analyses comparatives entre les sexes. À l’heure actuelle, à la Chambre des communes, les analyses comparatives entre les sexes sont réalisées pour toutes les mesures législatives, et au Sénat, nous avons demandé que ce soit fait aussi. Quel instrument utilisez-vous pour mener ces analyses? Nous n’avons reçu aucun instrument, si bien que nous ne savons pas la procédure qui est utilisée.

Je suis ravie d’entendre que des analyses comparatives entre les sexes sont réalisées par les promoteurs — c’est formidable —, mais dans le cadre de consultations avec eux, ils ont fait savoir que l’exigence relative aux analyses comparatives entre les sexes peut accroître l’incertitude et possiblement réduire les investissements, pas parce qu’ils ne veulent pas faire ces analyses, mais parce qu’ils ignorent l’instrument à utiliser pour les réaliser. Y aura-t-il une liste de vérification claire dont les promoteurs pourront se servir durant la planification préliminaire pour qu’ils connaissent la nature de l’analyse comparative entre les sexes qu’ils effectuent? Comment peuvent-ils s’assurer de répondre aux attentes du gouvernement?

Mme Loth-Bown : Oui, nous élaborerons un cadre stratégique et des directives pour expliquer explicitement ce que nous entendons par analyse comparative entre les sexes. En gros, ces analyses visent à comprendre les collectivités et leurs points de vue — pour connaître le sexe, le patrimoine culturel, la religion et le niveau de revenu des membres des collectivités. Des projets sont menés dans les collectivités. Or, il est important de comprendre les membres de ces collectivités, l’incidence qu’un projet pourrait avoir sur eux, et ce, de façons différentes. Il faut ensuite travailler avec les promoteurs pour trouver des moyens de gérer certaines de ces répercussions.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je dirais que dans la description que vous avez donnée, c’est très vague. Je crois comprendre ce que vous dites, mais je ne suis pas certaine que nous ayons un consensus autour de la table, que nous comprenions tous ce que cela signifie. Si nous voulons réduire les risques de litige, il faudra que tous les concepts — l’analyse comparative entre les sexes est un exemple — soient bien clairs et il faudra donner aux promoteurs l’occasion de répondre aux attentes de l’agence d’évaluation.

Mme Loth-Bown : Nous aurons des lignes directrices et de la documentation. J’ai mentionné plus tôt que les ressources avaient été fournies à l’agence pour que nous puissions prendre ces mesures. C’est l’une des raisons, par exemple. Nous travaillons avec Condition féminine et d’autres organisations pour faire appel à des gens qui possèdent une expertise en analyses comparatives entre les sexes afin que nous puissions rédiger des politiques et des lignes directrices, mener des consultations et tenir des discussions.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Quand le document de travail sera-t-il achevé?

Mme Loth-Bown : Nous prévoyons le rendre public dans les mois à venir.

La présidente : Voulez-vous terminer la réponse?

M. Gardiner : La réponse était déjà assez complète, mais j’ajouterais que dans le cas de la Régie canadienne de l’énergie, l’ONE a actuellement un guide de dépôt. Pour les projets non désignés assujettis à la Régie, on s’attend à ce que cette procédure sera maintenue. Le guide renferme des exigences selon lesquelles les promoteurs doivent produire certains renseignements et tenir des consultations en prévision de l’étude d’impact environnemental dans le cadre du processus d’examen réglementaire des évaluations environnementales. Cette façon de faire serait maintenue et de nouveaux facteurs seraient évalués.

J’aimerais aussi signaler que dans le cadre du processus décisionnel du Cabinet à l’heure actuelle, il y a une directive selon laquelle une analyse comparative entre les sexes fait partie du processus décisionnel. En clarifiant que c’est l’un des facteurs dans une liste, on précise essentiellement que cela fait partie du processus d’évaluation et on accroît la transparence.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Au Sénat, nous ignorons la nature des analyses réalisées à la Chambre des communes. Nous avons demandé de voir cet instrument, mais nous ne l’avons pas obtenu. J’aimerais voir cet instrument.

M. Parker : Nous pouvons confirmer au comité que nous travaillons à l’élaboration de ce document stratégique, mais une grande partie des travaux que nous réalisons reposent sur l’analyse de l’ACS effectuée par Condition féminine, ce qui est du domaine public. Si vous le voulez, nous pouvons l’inclure dans notre trousse d’information.

La présidente : S’il vous plaît. Nous progressons dans nos travaux. Nous sommes sur le point d’entamer notre troisième série de questions.

Le sénateur MacDonald : Je pense que je vais adresser ma question à M. Gardiner. Le sénateur Mitchell a mentionné le pouvoir discrétionnaire du ministre et les restrictions connexes. J’aimerais en discuter avec vous. La Loi sur l’évaluation d’impact semble donner au ministre de l’Environnement et du Changement climatique beaucoup plus de pouvoir sur l’examen des projets qu’au ministre des Ressources naturelles. J’aimerais comprendre pourquoi et j’aimerais que vous expliquiez au comité la relation entre les deux ministères le pouvoir de réglementation. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique aura-t-il le dernier mot dans la rédaction de la réglementation qui découle de la Loi sur l’évaluation d’impact, et quel pouvoir le ministre des Ressources naturelles aura-t-il dans la rédaction de cette réglementation? Qui a le dernier mot?

M. Gardiner : Je pense que cela dépend du règlement. Les différentes lois désignent différents ministres responsables et différents types de règlements, dans le cas de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, dirigée par l’organisme de réglementation, certains sont dirigés par l’organisme de réglementation avec l’approbation du gouverneur en conseil, les règlements pris par le gouverneur en conseil, et certains sont dirigés par le ministre des Ressources naturelles avec l’approbation du gouverneur en conseil. Cela dépend vraiment du règlement dont on parle.

Le sénateur MacDonald : Quelle est la marche à suivre pour déterminer comment les projets seront désignés?

M. Gardiner : Il s’agit d’un règlement établi en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact. Nous l’appelons familièrement la liste de projets.

Le sénateur MacDonald : Qu’en est-il du processus de preuve de la substitution à un processus provincial? Comment ce processus est-il conçu et pouvez-vous décrire les consultations qui ont été réalisées auprès des provinces à ce sujet?

M. Gardiner : Il est différent selon que le projet soit désigné ou non. Dans le cas des projets désignés, la responsabilité reviendrait à la ministre de l’Environnement. Pour ce qui est des projets non désignés, la Régie canadienne de l’énergie serait l’organisme de réglementation pertinent et, certains des outils décrits par ma collègue, Mme Loth-Brown, permettant de collaborer avec les administrations, figurent également dans la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie.

Le sénateur MacDonald : Est-ce que nous disposons aujourd’hui d’une liste des projets désignés, et celle-ci peut-elle être diffusée?

M. Gardiner : La liste de projets actuelle offre un point de départ pour ce travail, mais la nouvelle liste n’a pas encore été établie ou diffusée.

Le sénateur MacDonald : Savez-vous quand elle pourrait être diffusée?

Mme Loth-Bown : M. Parker peut vous renseigner au sujet des travaux en cours dans ce domaine.

M. Parker : Pour répondre à votre question au sujet de la responsabilité du règlement dans la liste de projets, il s’agit en fait d’un règlement pris par le gouverneur en conseil. Le responsable n’est donc pas un ministre ou un autre, mais le Cabinet.

Pour ce qui est de la liste, nous avons diffusé un document de consultation initial. Je pense que le sous-ministre l’a brièvement mentionné ce matin. Ce document contient la liste des projets existante, qui offre un point de départ pour la conversation, ainsi que les deux critères liés au risque environnemental et à la compétence fédérale, et sollicite des commentaires sur ces critères et sur la façon dont nous devrions les appliquer à la liste existante. Nous avons reçu cette rétroaction et nous l’avons étudiée au cours de l’été et de l’automne. Nous sommes prêts à compiler ces renseignements dans un nouveau document. Comme il a été mentionné ce matin, je pense qu’aucune date de publication n’a encore été établie. L’objectif est clairement de préciser cette liste avant la date d’entrée en vigueur.

Le sénateur MacDonald : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les paragraphes 22(1) et 22 (2). Le paragraphe 22(1) dit :

L’évaluation d’impact d’un projet désigné, qu’elle soit effectuée par l’Agence ou par une commission, prend en compte les éléments suivants :

« Prend en compte les éléments suivants », et là, on a toute une liste d’éléments, dont l’interaction du sexe et du genre.

Ensuite, au paragraphe 22(2), et je cite :

L’évaluation de la portée des éléments visés aux alinéas (1)a) à f), h) à l), s) et t) incombe :

a) à l’Agence;

b) au ministre, s’il renvoie l’évaluation d’impact pour examen par une commission.

Il semble y avoir deux niveaux de prise en compte. Je ne comprends pas. J’ai fait un cours en droit et je suis assez bon en droit administratif, mais j’ai de la difficulté à voir la différence et, s’il y a une différence, j’aimerais en comprendre les raisons. Évidemment, il y a un risque d’avoir une différence dans le traitement de l’information donnée.

[Traduction]

Mme Loth-Bown : Concernant les facteurs de l’article 22, comme indiqué précédemment, l’organisme a l’obligation de prendre en compte tous les facteurs, mais le niveau ou le lieu à partir duquel nous accédons à ces renseignements dépend du projet. Il est donc possible que nous ne demandions pas au promoteur de nous fournir tous ces renseignements. Nous pourrions consulter d’autres sources d’information afin de pouvoir les obtenir. Et, comme je viens de le mentionner, le paragraphe 22(2) nous offre la possibilité de cerner ces facteurs. Certains éléments pourraient ne pas être pertinents pour un projet. Nous documenterions ce fait en indiquant qu’il ne sera pas étudié pour ce projet particulier. Il y a également ce dont nous devons toujours tenir compte, le savoir autochtone, car comme nous l’avons dit tout à l’heure, ce travail n’est pas optionnel. Nous ne pouvons pas omettre de le faire, et nous devons examiner les commentaires de la population et les études particulières qui ont été réalisées.

C’est à l’organisme d’examiner ces données et de les intégrer à son rapport. Nous n’avons pas à obliger le promoteur à le faire.

[Français]

Le sénateur Carignan : Lorsque vous parlez des éléments sur les enjeux, oui, mais « m) les connaissances des collectivités fournies à l’égard du projet », n’ont-ils donc pas la même portée dans le cadre de l’évaluation faite par l’agence?

[Traduction]

Mme Loth-Bown : Le facteur énoncé à l’alinéa m) correspond aux connaissances des collectivités, et nous devons en tenir compte. Nous ne pouvons pas l’omettre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Mais ils sont exclus dans le paragraphe 22(2), l’alinéa m) n’est pas là. Dans le paragraphe 22(2), on exclut les alinéas g), m), n), o), p), q), r)...

[Traduction]

M. Parker : J’aimerais fournir quelques précisions. Les facteurs qui ne figurent pas au paragraphe 22(2) sont ceux qui ne font qu’apporter des éléments au processus. Donc, s’il y a des renseignements provenant de la population et des connaissances autochtones, tous ces éléments sont recueillis et documentés. Nous n’excluons rien. À l’inverse, nous avons la capacité ou le pouvoir d’omettre certains des autres facteurs dont le lien avec le projet est plus substantiel. Par exemple, les accidents et les défaillances pourraient être très pertinents pour un projet dans certains cas, mais pas dans d’autres. Nous limiterions donc l’attention portée à ceux-ci ou aux renseignements connexes. En revanche, pour ce qui est des intrants, nous les intégrerions à notre dossier et nous n’exclurions aucun de ces renseignements du processus.

[Français]

Le sénateur Carignan : ... « t) tout autre élément utile à l’évaluation d’impact dont l’Agence [...] ». Donc, si on considère qu’il est utile à l’évaluation d’impact de l’agence, a-t-on un traitement différent en rapport avec l’évaluation de l’information qu’on considère comme utile?

[Traduction]

M. Parker : Le facteur énoncé à l’alinéa t) vise simplement à ce que l’organisme puisse prendre en compte et examiner tout nouvel élément n’ayant pas été cerné par l’un des facteurs. Il s’agit en quelque sorte d’une mesure de protection. Je doute que les éléments que nous avons relevés dans le cadre des projets à ce jour ne soient pas couverts par l’un de ces 22 facteurs, mais le facteur énoncé à l’alinéa t) est là pour veiller à ce que l’évaluation puisse tenir compte d’éléments nouveaux au dossier qui pourraient être jugés pertinents pour le projet, lorsque cela se justifie. Ils seraient alors examinés dans le cadre de l’évaluation.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma prochaine question concerne les évaluations régionales indiquées à l’article 92 et aux suivants. L’évaluation régionale semble aussi désigner une obligation distincte de celle de la commission ou de celle de l’agence par rapport à l’obligation des règles de justice naturelle. On semble ne pas imposer de suivi des règles de justice naturelle pour les évaluations régionales, contrairement à ce qu’on fait pour les évaluations effectuées par la commission.

[Traduction]

M. Parker : Je ne suis pas certain de comprendre la question et à quoi vous faites référence.

[Français]

Le sénateur Carignan : L’article 92 et les suivants concernent les évaluations régionales et, dans les obligations, pour consulter en ce qui a trait au régional, on indique ceci à l’article 101:

L’article 53 s’applique, avec les adaptations nécessaires, à tout comité constitué au titre des articles 92 ou 95 [...]

Il y a les pouvoirs qui sont prévus à l’article 92 et aux suivants, mais on n’a pas mentionné l’article 54 ou l’article 51 dans les obligations que doit suivre le comité régional. C’est comme si les études pour les projets désignés de manière régionale n’étaient pas soumises aux mêmes droits de consultation que lorsqu’il s’agit d’un projet qui n’est pas régional. Le projet peut être régional et grandement affecter les gens également.

[Traduction]

M. Parker : La nature des dispositions de l’évaluation régionale est quelque peu différente de celle des dispositions de l’évaluation stratégique, et cela est intentionnel, car dans le cas de l’évaluation d’impact, le promoteur propose un projet, et il existe un processus très structuré grâce auquel le public et toute personne peuvent participer à ce projet. Parce qu’il y a un promoteur, les principes de la justice naturelle dont vous avez parlé tout à l’heure s’appliquent également et doivent faire partie intégrante du processus. Qu’il s’agisse des dispositions de l’évaluation régionale ou de l’évaluation stratégique, il ne s’agit pas vraiment d’un projet particulier avec un promoteur. Habituellement, celles-ci sont utilisées pour les évaluations régionales, afin d’étudier un domaine et peut-être un secteur, ou un certain nombre de projets différents du point de vue de leur effet cumulatif, ce qui nous aide à éclairer l’évaluation d’impact. Il existe tout de même certaines dispositions fondamentales relativement à la participation et à la consultation de la population, mais elles ne sont pas aussi importantes parce que l’objectif de ces outils est différent.

La sénatrice Simons : J’ai une question que je devrais, il me semble, poser à M. Gardiner. Je pense qu’elle porte sur un thème que nous n’avons pas encore abordé. Il s’agit des changements apportés aux dispositions exécutives. Il ne s’agit pas d’un point qui m’a été signalé par un promoteur. J’aimerais simplement savoir, à titre de citoyenne, pourquoi un enquêteur ou un inspecteur n’a pas besoin de mandat pour saisir des documents et faire des copies, tant que ces documents se trouvent dans des bureaux d’affaires et non dans une résidence privée. Je pose cette question parce que je suis certaine que si la police ou la GRC faisait enquête sur un criminel en col blanc ou un criminel ordinaire, elle aurait besoin d’un mandat pour pénétrer dans une entreprise et saisir ce type de document. J’aimerais savoir si cela constitue une modification de la loi. Pourriez-vous m’expliquer comment cela fonctionne du point de vue juridique? C’est un thème dont personne n’a encore parlé. Peut-être que Jean-Sébastien aimerait répondre à cette question. Je ne suis pas avocate, ce qui est rare au Sénat, je peux donc me tromper.

M. Gardiner : Cela se rapporte à la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. J’ai un trou de mémoire en ce qui concerne ce détail. Mon ancien...

La sénatrice Simons : Ce sont les articles 102 et 103. Je crois qu’il s’agit, en gros, du paragraphe 103(2).

M. Rochon : Si vous me le permettez, je vais revérifier, mais je crois que c’est ce que nous avions dans la contexte de la Loi sur l’Office national de l’énergie. Encore une fois, si vous me le permettez, j’aimerais prendre la question en délibéré et vous revenir avec une réponse.

La présidente : Vous allez nous fournir la question plus tard?

M. Rochon : Oui. Merci.

La sénatrice Simons : J’ai une autre question concernant l’article sur les voies navigables.

En clair, cela ne touche pas seulement les barrages hydroélectriques, mais aussi les barrages pour l’irrigation, c’est bien cela? Ce projet de loi ne se rapporte pas précisément aux projets énergétiques. Si je voulais construire un barrage ou un pont qui empiétait de quelque façon sur une voie navigable, est-ce que je n’aurais à faire affaire qu’avec le ministère des Transports ou si je devrais aussi me soumettre à une évaluation d’impact, selon la taille du projet? C’est ce que j’essaie de déterminer. Si j’essaie de construire un barrage, quel processus dois-je suivre? Il semble y avoir deux ensembles de dispositions réglementaires parallèles.

Mme Harris : Brent souhaitera peut-être ajouter quelque chose. La Loi sur l’évaluation d’impact définit les cas où il est nécessaire de mener une évaluation d’impact. Si le barrage que vous proposez de construire en requiert une, il en serait question dans la loi, et il faudrait suivre ce processus. Il serait aussi nécessaire de mener une analyse au titre de la Loi sur la protection des eaux navigables pour déterminer les types d’approbation requis.

À mesure que la Loi sur les eaux navigables canadiennes progresse, tous les ouvrages sur l’ensemble des eaux navigables au Canada seraient supervisés dans le cadre de cette mesure législative. Il existe trois catégories d’ouvrages. Il y a les ouvrages secondaires — l’Arrêté sur les ouvrages secondaires ne vise pas actuellement les barrages. Il y a aussi les ouvrages majeurs. Il s’agit d’une nouvelle catégorie d’ouvrages réalisés, qui s’appliquerait à toutes les eaux navigables au Canada. Ensuite, il y a les ouvrages qui n’entrent dans aucune de ces deux catégories, si bien que des barrages pourraient se retrouver dans la dernière. Les ouvrages de cette catégorie qui sont construits sur des eaux navigables répertoriées requerraient l’approbation de Transports Canada dans le cadre du Programme de protection de la navigation. Ceux qui ne le sont pas seraient assujettis au nouveau processus de règlement, qui exige du promoteur ou du constructeur qu’il avise la population de ce qu’il planifie de faire, qu’il accepte les commentaires et qu’il règle les problèmes.

La sénatrice Simons : Je pensais que le but ici était de procéder à « une évaluation, un projet », mais il me semble que si votre projet empiète sur une voie navigable, vous seriez sujet à deux évaluations. Est-il possible de regrouper ces évaluations de la même façon qu’un organisme de réglementation du cycle de vie travaille avec l’équipe chargée de l’évaluation de l’impact? Vous semblez créer un processus en deux étapes pour tout ce qui concerne le débit de l’eau.

Mme Harris : Je suis sûre que Brent ajoutera aussi quelque chose en réponse à cette partie de la question, mais il s’agit d’un seul processus. Nous ferions examiner les exigences en matière d’approbation réglementaire dans le cadre du processus d’évaluation d’impact.

M. Parker : J’allais dire qu’en fonction de la taille du barrage... Si on prenait maintenant la liste de projets, pour une centrale hydroélectrique de plus de 200 mégawatts, vous devriez vous soumettre au processus d’évaluation. À l’avenir, s’il s’agissait d’un projet au même niveau, la nouveauté serait que, compte tenu de cette phase de planification initiale, des approbations concernant les eaux navigables ou d’autres approbations réglementaires pour le même projet seraient intégrées à ce processus et passeraient par le plan en matière d’autorisations. Tout coulerait de source.

La sénatrice Simons : Tout coulerait de source — c’est la bonne métaphore dans le contexte. Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci encore. J’aurais deux questions à vous poser. L’un des commentaires les plus fréquents qui viennent des promoteurs, c’est qu’on entremêle la politique comme telle avec l’approbation d’un projet très technique. C’est la question que plusieurs soulèvent sur la partie 17 du projet de loi. Cela ne donne pas la possibilité au ministre de confirmer que tel ou tel projet est assujetti à une certaine supervision, à la lumière des informations dont on a besoin.

Pourquoi ne pas également confirmer aux promoteurs que, au sens technique, pour un pipeline par exemple, le gouvernement sait exactement, avec un chiffre très exact, quelles sont les conséquences des GES? Ils connaissent également les impacts des changements climatiques, car le pipeline n’émet pas beaucoup de GES lors de son utilisation, mais il le fait lors de sa construction. Pourquoi ne dit-on pas plutôt que pour ces politiques, par exemple les changements climatiques et le développement durable, on est satisfait à l’exception de X? Pourquoi n’enlève-t-on pas ce questionnement à niveau plutôt que d’attendre un an et demi plus tard et de dire que tout va bien, mais qu’on a des questions à cet égard?

[Traduction]

M. Parker : Je peux répondre à cette question. Il est clair que, dans le contexte de la nouvelle mesure législative, l’intention est précisément de le faire. Un des nouveaux outils dont nous sommes dotés est l’article sur les évaluations stratégiques. Ce matin, le sous-ministre Stephen Lucas a parlé brièvement de l’évaluation stratégique, en ce qui concerne les changements climatiques, qui est la seule évaluation stratégique à avoir été lancée à ce stade, mais on envisage d’utiliser cet outil, ainsi que les outils d’évaluation régionaux, pour notamment examiner comment les politiques gouvernementales en place sont appliquées à des projets précis. Je pense qu’au centre de cette question ou de ce commentaire se trouve le défi que doit surmonter un promoteur qui essaie de tenir compte de ces questions stratégiques générales dans le contexte d’un projet sur lequel il a un ascendant limité en ce qui concerne les contextes et questions stratégiques plus vastes. Une des intentions de l’évaluation stratégique est d’énoncer précisément la façon dont les considérations en matière de changements climatiques devraient être intégrées à ce système axé sur un projet, étant donné que le contexte est très différent des outils stratégiques généraux qui sont appliqués à ce défi environnemental. De même, il existe des normes, en ce qui concerne l’air, l’eau, et cetera, qui pourraient être intégrées aux politiques dès le départ. Le processus de planification en amont les appliquerait ensuite à un projet précis.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Deuxièmement, on parle de l’information confidentielle et des connaissances traditionnelles des Autochtones. Pourquoi cela demeure-t-il confidentiel? Ce n’est pas un problème, cela ne causera pas de litiges importants, puisque quelqu’un peut spéculer que l’information reçue est la raison pour laquelle on a refusé un projet. Cela m’apparaît injuste et cela imposera un délai judiciaire important. Pourquoi y a-t-il une confidentialité pour ces informations?

M. Rochon : Les informations qui tombent sous l’égide des connaissances autochtones ont reçu un certain degré de protection dans la loi, en partie pour favoriser ou pour encourager les groupes autochtones à fournir ces informations. Ce n’est pas nécessairement de l’information qu’ils veulent rendre disponible pour le grand public. Cela peut avoir des impacts sur la communauté. On leur donne la possibilité de la protéger un peu, de la même façon qu’on peut protéger de l’information confidentielle d’affaires. Dans la mesure où cette information serait utilisée, par exemple, par une commission ou une agence dans la formulation de sa recommandation, on veut respecter l’équité procédurale et donner au promoteur du projet la chance de répondre à l’information qui a été fournie et qui est maintenant sous couvert de la confidentialité.

À cette fin, conformément à la loi, il y a une exception qui permet de fournir l’information à des fins d’équité procédurale aux promoteurs. Il est possible de divulguer cette information sous certaines conditions et l’établissement des conditions avant de divulguer cette information fera l’objet d’une discussion avec toutes les parties impliquées.

Le sénateur Massicotte : Les critères énumérés, c’est l’approbation de la personne de qui vous avez reçu de l’information. L’essence corporative, c’est le contraire; tout est public, sauf lorsque la personne dénote qu’il y a une information confidentielle qui peut préjuger ses affaires de manière importante. Du côté autochtone, c’est le contraire, tout est confidentiel sauf si on satisfait aux conditions. Ce n’est pas problématique du côté du litige, de l’argument du promoteur, en supposant que cette information peut préjuger ses intérêts.

M. Rochon : En fait, madame la présidente, l’information fournie doit l’être pour bénéficier de la protection offerte conformément à l’article 119 de la Loi sur l’évaluation d’impact; elle doit être donnée sous couvert de la confidentialité. On doit indiquer que l’information est confidentielle pour que ces articles s’appliquent. De cette façon, ce n’est pas significativement différent d’une compagnie qui fournit de l’information dans un cadre réglementaire et qui demande que son information soit protégée parce qu’elle est confidentielle. Comme on peut le voir, par exemple, sous le régime de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, sur ce point-là, non, je ne pense pas qu’il y a de risque par rapport à cela. Il pourrait y avoir un risque si un rapport de l’agence ou de la commission d’examen inclut cette information. C’est de l’information qui peut beaucoup jouer sur les recommandations et sur l’évaluation finale du projet par le ministre ou le gouverneur en conseil, et le promoteur du projet n’aurait pas eu l’occasion d’y répondre. À ce moment-là, il pourrait y avoir un problème d’équité.

Le sénateur Massicotte : Évidemment.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Pensez-vous que la phase de planification en amont réduira le temps nécessaire pour réaliser des évaluations environnementales?

M. Parker : Si votre question porte sur le temps nécessaire pour réaliser un projet dans son ensemble...

Le sénateur Tkachuk : Oui. Croyez-vous que la phase de planification en amont réduira le temps nécessaire pour réaliser des évaluations environnementales?

M. Parker : Oui, je pense que ce sera le cas. Lorsqu’on regarde les délais, on constate que ceux qui ont été prévus par la loi ont été fixés dans cette optique.

Le sénateur Tkachuk : Nombre d’intervenants croient que la phase de planification en amont rallongera la durée des évaluations environnementales et non le contraire. À titre d’exemple, les Chemins de fer nationaux du Canada ont dit que la phase de planification proposée rallongerait de six mois le processus lancé au début d’une évaluation d’impact, car il serait peu probable que les promoteurs possèdent les renseignements nécessaires à fournir dans la description de projet pour lancer officiellement le processus plus tôt que le prévoit actuellement la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. L’Association canadienne des producteurs pétroliers a dit que les renseignements demandés dans la description de projet détaillée sont trop minutieux pour la phase de planification et ressemblent à une mini-évaluation d’impact, à laquelle les promoteurs devront consacrer un temps, des efforts et des dépenses considérables, ce qui semble particulièrement pénible. Croyez-vous que ces intervenants aient tort? Le cas échéant, quelles sont les lacunes précises de leur analyse?

J’aurai une autre question à poser après celle-là.

M. Parker : Bien sûr. Merci. Pour clarifier, la phase de planification en amont vise à la fois à s’assurer que le public, les groupes autochtones et les autres personnes qui participent au processus d’évaluation comprennent bien le projet de façon à ce que le reste du processus puisse se poursuivre sans interruption, ce qui a été vraiment problématique à ce jour, car ces interruptions ont joué sur la prévisibilité et la certitude.

Alors si vous prenez le délai actuellement fixé dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, par exemple dans le cas d’une évaluation menée par un organisme, vous verrez qu’il est de 360 jours. Cependant, lorsque nous procédons à notre analyse interne et nous nous penchons sur les jours civils nécessaires pour mener à bien un projet, il faut compter jusqu’à trois ans — entre deux ans et demi et trois ans. C’est à cause des interruptions causées par les renseignements obtenus vers la fin du processus.

Une partie des commentaires que vous avez soulignés et dont d’autres ont discuté avec nous se rapportent au fait que ces renseignements doivent être fournis initialement et dès le départ. Cela simplifiera une bonne partie du processus qui reste si nous pouvons le faire dans la phase de planification en amont. Certains promoteurs le font peut-être dans une certaine mesure, mais je sais que dans le cas de certains secteurs — celui des pipelines en est un très bon exemple — ces projets ont tellement de longs délais qu’ils font ce travail bien avant toute période de 180 jours qui serait fixée avant l’évaluation pour leur permettre de prendre leurs propres décisions de planification à l’interne.

Certains des commentaires que nous entendons concernant cette phase en amont est qu’une partie du travail que font actuellement ces promoteurs sera rendue publique, que nous serons en mesure d’y participer et d’accélérer, espérons-le, le reste du processus grâce à cela.

Le sénateur Tkachuk : Comment avez-vous consulté le CN et l’Association canadienne des producteurs de pétrole au sujet des éléments qui sont proposés dans le projet de loi C-69?

M. Parker : Comme nous l’avons souligné plus tôt, il y a certainement eu beaucoup de consultations publiques qui ont lieu...

Le sénateur Tkachuk : Je veux savoir par rapport à ces deux organisations.

M. Parker : Ces organisations y ont participé. Je le signale parce qu’elles y participent depuis le début de l’examen, de la création des groupes d’experts il y a deux ans jusqu’à maintenant. Nous avons eu des rencontres bilatérales avec l’Association canadienne des producteurs de pétrole et le CN. Ces discussions ont été productives, et nous avons été en mesure de passer en revue la mesure législative. Nous avons aussi pu examiner les règlements et l’intention de la politique. En expliquant les éléments de la mesure législative, nous avons été en mesure d’aller plus loin et de discuter aussi de la manière dont le tout fonctionnerait dans la pratique, parce qu’une grande partie de l’incertitude que nous avons entendue provient de personnes qui veulent s’assurer de bien comprendre que ce projet de loi fonctionnera dans la pratique.

Le sénateur Tkachuk : Tous les témoins ont parlé aujourd’hui de consultations. J’ai eu une téléconférence avec des représentants de l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, et ces représentants se disent extrêmement mécontents du projet de loi C-69 et surtout des changements relatifs aux eaux navigables. Les producteurs de pétrole ne sont pas heureux. Il y en a certains qui sont satisfaits, mais la majorité des gens qui devront composer avec ces mesures ne le sont pas. Les gouvernements provinciaux ne sont pas d’accord avec le projet de loi. Lors de vos consultations, avez-vous écouté ce que les participants ont dit ou leur avez-vous seulement fait la leçon? Que s’est-il passé? Comment pouvez-vous avoir fait toutes ces consultations et avoir un tollé de protestations concernant ce qui se passe? Nous avons un problème en Saskatchewan et nous avons un problème en Alberta. Les gens n’investissent pas, et c’est un grave problème. Vous parlez de consultations. Qui avez-vous consulté et avez-vous écouté ce que les participants avaient à dire?

La présidente : D’accord. En résumé, nous voulons savoir si vous avez écouté...

Le sénateur Tkachuk : Je crois qu’ils ont compris. Ils n’ont pas besoin de votre aide, madame la présidente.

M. Parker : Merci, madame la présidente.

Nous avons mené des consultations approfondies, et nous avons certainement écouté tous les participants. Je mentionne que nous avons entendu des opinions très diverses, et je crois que, comme nous l’avons souligné ce matin dans notre exposé, avec le projet de loi, nous cherchons à trouver l’équilibre concernant la vaste gamme de perspectives diverses que nous avons entendues au sujet des groupes autochtones, de leurs intérêts et de leur participation aux projets et de l’intérêt public et de la transparence ainsi que les points de vue de l’industrie sur ces questions. Bref, je crois que nous continuons d’entendre des points de vue divers à cette étape du processus. Vous en avez mentionné certains, et je dirais que dans l’ensemble des secteurs — les provinces et l’industrie — nous entendons des opinions variées, et ces points de vue...

Le sénateur Tkachuk : Y compris les groupes autochtones, n’est-ce pas? Vous ne pouvez pas dire que tous les groupes autochtones appuient la mesure législative, parce que ce n’est pas le cas. Cette question suscite aussi des débats au sein de ces groupes.

La présidente : Nous allons devoir nous arrêter là, parce que vos sept minutes sont terminées.

Le sénateur Mitchell : Plus tôt cet après-midi, la question de l’intérêt public a été soulevée, et j’ai cru comprendre que l’intérêt public se trouve dans le projet de loi notamment parce que l’industrie souhaite que cet aspect soit évalué et qu’elle est convaincue que pratiquement tous ses projets seront dans l’intérêt public, ce qui améliore ses chances de faire approuver ses projets. Parallèlement, certains intervenants s’inquiètent de la politisation du processus décisionnel, même si les gens ne s’en inquiétaient pas vraiment depuis l’adoption en 2012. Ils préféraient qu’un fonctionnaire de la Régie canadienne de l’énergie ou de l’Office national de l’énergie prenne cette décision. Toutefois, n’est-il pas logique qu’un politicien dont le travail est de défendre les intérêts de la population, d’être à l’écoute de la population et de bien connaître la population, ce qui lui permet de mieux évaluer les intérêts de la population, prenne cette décision plutôt qu’un fonctionnaire qui se trouve en gros dans un contexte assez technique, qui évalue des pipelines dans le sol et qui ne traite pas du tout avec la population?

Le sénateur Patterson : Quelle est la question?

Le sénateur Mitchell : Voici ma question : n'est-ill pas beaucoup plus logique de charger un élu d’évaluer l’intérêt public et de prendre la décision que de confier cette tâche à un fonctionnaire — je ne cherche pas à vous dénigrer — qui se trouve dans un contexte technique et qui n’a pas une vision globale pour évaluer l’intérêt public?

Le sénateur Carignan : La réponse est que c’est une décision politique.

Le sénateur Mitchell : Merci.

M. Parker : J’imagine que je dirais en premier que l’objectif était certainement de donner suite à ce que nous avions entendu lors des consultations, et nous avions entendu que les élus rendent des comptes. Bref, cela faisait partie intégrante de la raison pour laquelle la décision sur l’intérêt public a ainsi été formulée. Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire, nous avons aussi encadré la question à l’article 63 en établissant ces cinq facteurs pour prendre la décision, et la ministre doit fournir des motifs détaillés en vertu de l’article 65 qui démontrent qu’elle a pris en compte ces cinq facteurs. Bref, il y a une concordance entre la décision et les raisons qui y ont mené.

Le sénateur Mitchell : Merci. Je crois que l’article 17 est encore en réponse à l’industrie qui s’inquiète d’investir 900 millions de dollars dans le projet Énergie Est et de voir ensuite le projet être annulé. Dans ce cas-ci, ce n’était pas par le gouvernement; c’était une initiative de l’Office national de l’énergie. Bref, l’article 17 ne permet pas à la ministre de mettre fin à une évaluation d’impact, mais la ministre peut dire plus tôt dans le processus avant que soient engloutis 900 millions de dollars que nous sommes d’avis qu’il y a un réel problème et que vous devriez évaluer le tout, mais vous pouvez continuer si vous le voulez. Est-ce exact?

M. Parker : C’est exact. Il n’est pas possible d’arrêter un projet. Il s’agit simplement d’un avis qui est envoyé au promoteur qui décidera ensuite comment il veut procéder pour la suite du projet.

Le sénateur Mitchell : C’est une bonne chose pour l’industrie de recevoir cet avis plus tôt.

La présidente : Nous allons poursuivre.

Le sénateur Woo : J’ai deux questions. Ma première question s’inspire du commentaire du sénateur Massicotte sur les facteurs liés aux changements climatiques à l’article 22 qui entrent en ligne de compte dans l’évaluation des projets. Je comprends qu’une évaluation stratégique est réalisée en ce qui a trait aux changements climatiques, et cela se veut peut-être davantage un commentaire, mais je vous invite à y répondre. Il semble y avoir une sorte de double emploi. Il y a un plan d’action national sur le climat, et il y aura une taxe nationale sur le carbone ou un équivalent par l’entremise d’une tarification du carbone ou d’autres moyens. J’ai l’impression que, si nous avons un plan d’action national sur le climat qui correspond plus ou moins à nos objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l’Accord de Paris, par exemple, cela devrait être suffisant pour servir de cadre global pour toutes les industries, et il ne devrait donc pas être nécessaire de franchir un autre obstacle pour faire approuver des projets. C’est un commentaire, et je présume que cette idée se trouve dans le document de travail et j’espère que c’est le cas. Je vous invite à répondre à mon commentaire, mais j’aimerais avant vous poser ma deuxième question qui concerne un peu le point qu’a fait valoir le sénateur Mitchell au sujet de la responsabilité politique.

Ma question porte sur le type de rapport que rédige l’agence ou la commission, le cas échéant, et je me demande si ce rapport contient une recommandation quant à la poursuite du projet ou s’il s’agit tout simplement d’une banale évaluation d’impact qui évalue strictement l’impact au lieu de dire si les impacts sont grands ou s’ils sont neutres et de recommander par conséquent la poursuite du projet. Ce serait ensuite la recommandation que recevrait la ministre ou le Cabinet, et la ministre ou le Cabinet serait alors plus forcé de se fier à la recommandation et de rejeter le tout, si c’est la décision qui est prise, tout en fournissant les motifs à l’appui de la décision, comme le prévoient les articles pertinents?

Terence Hubbard, vice-président, Opérations, Agence canadienne d’évaluation environnementale : L’objectif est de fournir par ces rapports des recommandations au gouvernement, et ce sera le gouvernement qui prendra la décision ultime. Ce ne seront pas les commissions qui la prendront.

Le sénateur Woo : Cependant, la commission mentionnera dans son rapport qu’elle recommande la poursuite du projet, n’est-ce pas?

M. Hubbard : La commission recommandera des mesures d’atténuation précises. Cela dépendra du type de projet. Dans le cas des examens intégrés avec la Régie canadienne de l’énergie, la commission dans son rapport devra s’acquitter des responsabilités prévues aux termes des deux lois. En vertu de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, la commission doit formuler une recommandation pour dire si la poursuite du projet est dans l’intérêt public et fournir les conditions à respecter pour atténuer l’impact possible du projet. Dans le cas d’autres projets, la commission formulera des recommandations sur l’impact du projet et les mesures d’atténuation, et la ministre de l’Environnement sera chargée de fixer les conditions pour en atténuer l’impact et de déterminer si le projet est dans l’intérêt public.

Le sénateur Patterson : Ma question aux témoins concerne les changements aux critères pour déterminer le droit de participation aux audiences relatives à un projet. Il semble que l’élimination des critères permettrait à un nombre illimité de gens d’y participer. Cela fera-t-il en sorte que l’étape des audiences prenne plus de temps? Pouvez-vous nous assurer que des prolongations ne seront pas accordées en vue de permettre à tous les gens qui le souhaitent de participer aux audiences?

M. Gardiner : Ma réponse comporte deux parties. L’élimination des critères concerne seulement l’Office national de l’énergie. Ce changement est mis en œuvre par l’entremise de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Les cas où vous serez susceptibles de voir un très grand nombre de gens participer au processus et où la gestion des participants sera très importante, ce sera probablement dans le cas des projets désignés ou de grande envergure, et la gestion de ce processus se fera en fonction de ce qui est prévu dans la Loi sur l’évaluation d’impact. Je peux demander à mes collègues de vous décrire la façon dont se ferait la gestion.

M. Parker : L’agence n’a jamais utilisé de critères pour déterminer les gens qui peuvent participer aux audiences. Nous avons eu des dizaines de milliers de commentaires et de personnes récemment dans le cadre de certains projets, et nous avons réussi à respecter les échéanciers que nous avions prévus en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. La Loi sur l’évaluation d’impact accorde aux représentants ministériels tous les pouvoirs pour continuer de gérer ces processus, et cela inclut l’agence et les commissions indépendantes qui seront créées. Bref, ils pourront prendre diverses mesures pour offrir divers moyens aux gens de participer au processus.

Cela ne signifie pas qu’une personne qui souhaite participer à une audience en a nécessairement le droit. La commission devra établir la meilleure manière de gérer la consultation de toutes les personnes qui manifestent leur intérêt. Elle pourrait choisir de tenir une audience, mais cela pourrait aussi se faire au moyen de commentaires écrits ou d’autres formes de consultation en ligne. La façon dont les échéances sont prévues permet à l’agence d’établir le temps accordé pour les diverses étapes de la consultation en vue de respecter les échéances prévues dans la loi.

Le sénateur Patterson : De nombreuses sociétés ont affirmé que l’élimination des critères empêchera d’avoir des consultations efficaces, parce que les gens de la région et les personnes directement touchées par les projets seront enterrés par des groupes d’activistes, et nous savons que certains d’entre eux sont financés par des intérêts étrangers. Votre ministère est-il d’avis que les gens de la région touchés par un projet doivent avoir la priorité sur des groupes d’activistes provenant d’une autre province ou d’un autre pays?

M. Hubbard : Comme Brent l’a souligné, à l’avenir, nous prévoyons une planification en amont et nous établirons un plan de participation du public. Ce plan de participation déterminera la façon dont la participation se fera tout au long du processus, et il faudra nécessairement que ce plan soit adapté et conçu en tenant compte de l’intérêt et de la participation. Cela voudra nécessairement dire de proposer aux groupes diverses manières de participer au processus. Dans le cas des gens qui ont un intérêt direct, nous devrons nécessairement trouver des moyens d’entendre pleinement leurs opinions sur la question.

Le sénateur Patterson : La question de la liste de projets désignés revêt un intérêt important. La personne qui était à votre place nous a dit qu’il y aurait encore une autre consultation et un autre document de travail et que la liste de projets désignés serait précisée avant l’entrée en vigueur du projet de loi. Il sera trop tard pour les parlementaires. Le sort en sera jeté. Comprenez-vous l’importance de cette liste de projets désignés? Pourrions-nous trouver un moyen de régler cette question avant d’arriver à l’étape de la troisième lecture au Sénat? Bon nombre d’entre nous sont inquiets de prendre une décision à l’aveuglette.

M. Parker : Je sais que le sous-ministre, M. Lucas, a noté votre intérêt en la matière et qu’il examinera cette demande.

Pour ce qui est de la prochaine étape de notre côté, vous avez parlé d’un « document travail », et nous avons peut-être utilisé cette expression ce matin, mais je tiens à préciser que ce sera en fait le projet de règlement. Bref, ce ne sera pas un autre dialogue sur la démarche. Ce sera le projet de règlement qui sera publié et qui permettra aux gens de voir les projets qui seraient désignés.

Le sénateur Patterson : Le ministère est-il disposé à ce que le Parlement examine les règlements pris en vertu du projet de loi C-69?

M. Parker : Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que cela implique.

Le sénateur Patterson : Il s’agit d’un examen par le Parlement des règlements avant leur entrée en vigueur. Ce n’est pas du jamais-vu.

M. Parker : Je vais devoir prendre cette question en délibéré.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Richards : J’ai posé cette question à la ministre il y a quelques mois. ConocoPhillips, ExxonMobil, Imperial Oil et Royal Dutch Shell ont toutes quitté l’Alberta pour des cieux plus cléments. Elles affirment que le contexte ne correspond plus à leurs plans. Je m’en suis enquis auprès de la ministre, et elle a dit que c’était effectivement le cas, mais qu’elle espérait que ces sociétés reviendraient parce qu’elle veut que l’économie soit robuste. Je ne la blâme pas. Notre économie repose toujours sur l’exploitation des ressources. Pensez-vous que le projet de loi permettra le retour de ces sociétés? Les conditions changeront-elles en leur faveur? Après tout, l’Alberta dépense des milliards de dollars chaque année pour le reste du pays. Ma province reçoit, à elle seule, 4 milliards de dollars de sa part. Pourriez-vous peut-être nous donner quelques garanties à cet égard? Je sais que c’est subjectif, mais je ne fais que poser la question.

M. Hubbard : Comme M. Lucas l’a fait remarquer plus tôt aujourd’hui, un des principaux objectifs du cadre est d’offrir une plus grande certitude aux investisseurs à l’avenir afin de permettre la réalisation de projets valables. L’intention première consiste, entre autres, à veiller à ce que les projets valables puissent aller de l’avant.

Je signale que certaines des sociétés — ExxonMobil, Shell — n’ont pas quitté les lieux et qu’elles ont d’ailleurs effectué des investissements assez importants au Canada au cours des derniers mois, notamment dans le projet de LNG Canada. ExxonMobil a récemment élaboré le projet Hebron...

Le sénateur Richards : Excusez-moi. Je me suis peut-être trompé de quelques noms, mais certaines entreprises ont plié bagage, n’est-ce pas?

M. Hubbard : Certaines d’entre elles ont vendu des parts, en effet.

La sénatrice McCoy : Lorsque j’ai additionné tous les délais désignés, j’ai obtenu un total de cinq ans et quart. Il est facile de dire 300 jours, vite fait, comme s’il s’agissait d’un processus de courte durée, mais cette période s’étend du début de la phase de planification jusqu’à la déclaration de la décision. Vient ensuite ce que j’appelle la disposition « ballon » à l’article 70, qui permet au ministre de prolonger, à sa discrétion, la période avant le début de la construction. Si vous comparez ce délai de cinq ans à celui imposé par d’autres administrations, c’est assez long, même si nous voulons tous des processus d’examen environnemental irréprochables. N’oublions pas non plus que c’est avant toute prolongation ou suspension, et cetera.

Cela dit, quelques-unes des dispositions m’ont vraiment intriguée, et j’ai deux questions à ce sujet. La première concerne l’article 10 de la partie portant sur la Loi sur l’évaluation d’impact, plus précisément la disposition qui établit la description de projet préliminaire. L’Agence canadienne d’évaluation environnementale doit publier un avis sur le site web, ce qui marque, aux termes des dispositions suivantes, le début du processus de planification. Or, le paragraphe 10(1) ne prévoit aucune limite de temps.

Par conséquent, relativement à la publication de cet avis, je présume que, dans la pratique, il peut s’écouler un bon bout de temps avant que l’agence soit convaincue que la description préliminaire est complète, et c’est à ce moment-là qu’elle peut exercer sa discrétion et dire : « Très bien, l’avis est maintenant publié sur le site web. » Voilà qui donne alors le coup d’envoi au processus d’évaluation. Ce qu’un avocat cherche à faire, c’est trouver une façon de manipuler la loi. Cette disposition constitue, pour ainsi dire, une autre porte de sortie qui peut servir à ce que nous appelons la gestion des délais. N’en convenez-vous pas?

La présidente : La question porte sur les délais.

M. Parker : Merci de poser cette question. En ce qui concerne l’article 10, sachez que la description initiale du projet, exigée aux termes de cette disposition, se veut effectivement une information de base au sujet du projet. La barre n’est pas placée très haut pour ce qui est de l’intégralité de l’examen. Une fois que cette information est reçue, elle est affichée presque automatiquement parce que nous devons respecter une norme de service de cinq jours, sauf erreur, pour que le tout soit pris en considération. Ce serait là, bien entendu, le point de départ de l’échéance.

En ce qui a trait à la première partie de votre observation sur la durée en général, vous avez fait mention de l’article 70. Je tenais à préciser, aux fins du compte rendu, que l’article 70 porte sur le délai attribué au promoteur, et non au gouvernement. Ainsi, une fois qu’un projet est approuvé, pour que le promoteur continue d’avoir l’autorisation d’aller de l’avant, il doit commencer la construction à l’intérieur d’un certain délai; telle est l’intention de cet article. La raison, c’est que nous ne voulons pas approuver un projet pour ensuite attendre une décennie; cela aurait pour conséquence d’annuler la pertinence de bon nombre des constatations et des mesures d’atténuation associées au projet, car le contexte du projet aurait changé sur le plan environnemental ou social. Il incombe donc au promoteur de faire avancer le projet.

La présidente : Avant de passer à l’intervention du sénateur Wetston, je tiens à vous rappeler que nous tiendrons une courte séance à huis clos, tout de suite après notre réunion.

Le sénateur Wetston : Le sénateur Woo vous avez posé une question sur le cadre de recommandations. Les organismes fonctionnent selon différents cadres. Par exemple, le paragraphe 283(2) parle de la justification et des conclusions de l’agence. En ce qui concerne la commission, il est question de recommandation à l’alinéa 51(1)d). Je vous pose la question parce que j’essaie de voir où se situe le tout dans la structure des droits d’appel et de révision judiciaire; en fait, je ne sais pas trop ce qui constitue l’objet d’un appel. Je reconnais que le décideur final serait, normalement, le point d’arrivée de l’appel. Quel en serait le point de départ?

Vous avez parlé de mesures d’atténuation. Lorsque je lis l’alinéa 51(1)d), je ne comprends vraiment pas ce que fait au juste la commission. En quoi consiste la recommandation que vous décrivez? Est-ce une recommandation dans l’intérêt public? Est-ce une recommandation par rapport à une certaine norme prévue dans la loi? Je peux comprendre les mesures d’atténuation, et j’en déduis que si vous formulez une recommandation sur des mesures d’atténuation, cela signifie aussi que vous recommandez directement la réalisation éventuelle du projet.

M. Rochon : Le projet de loi prévoit un certain nombre de points de décision qui dictent à quel moment la partie lésée peut déposer une demande de révision judiciaire. Dans ce contexte, si je comprends la préoccupation ou la question du sénateur, il s’agit de savoir quelle est la décision pouvant faire l’objet d’une révision ou quelle est la recommandation formulée dans le rapport, et si elle serait justiciable, c’est-à-dire si elle pourrait être contestée devant les tribunaux. Le rapport fait état des effets qui, selon l’agence, sont susceptibles d’être causés par la réalisation du projet désigné. Ces recommandations aideront le gouverneur en conseil ou le ministre dans leur décision pour déterminer s’il s’agit de conséquences négatives ou non.

D’après la position actuelle du gouvernement, aux termes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale — et ce serait la même chose pour la Loi sur l’évaluation d’impact —, le rapport est justiciable et peut faire l’objet d’une révision devant un tribunal. Il faut toutefois faire une distinction — et c’est ce qui s’est passé récemment dans le dossier Trans Mountain et, avant cela, dans l’affaire Northern Gateway, lorsque la cour a jugé que le rapport ne pouvait pas faire l’objet d’une révision judiciaire. La conclusion ici tient au régime particulier prévu dans la loi en ce qui concerne la révision du rapport : en effet, le rapport devait être présenté au gouverneur en conseil, qui avait alors le choix de le renvoyer en vue d’un réexamen, si bien que le processus administratif n’était pas terminé tant que le gouverneur en conseil n’avait pas pris une mesure à cet égard.

Bref, ce rapport précis n’était pas justiciable. Nous n’avons pas le même régime aux termes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 ou de la Loi sur l’évaluation d’impact; ainsi, lorsqu’on dépose un rapport qui contient une recommandation sur laquelle le ministre ou le gouverneur en conseil s’appuieront pour prendre leur décision, le rapport pourrait faire l’objet d’une révision judiciaire. C’est d’ailleurs ce que nous avons vu dans un certain nombre de cas.

Le sénateur Wetston : Qu’entendez-vous par là — est-ce l’objet d’un appel, et non d’une révision judiciaire?

M. Rochon : Pour l’heure, dans le cadre de la Loi sur l’évaluation d’impact, il n’y a aucun droit d’appel. La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 et la Loi sur l’évaluation d’impact ne prévoient aucun recours propre à l’évaluation d’impact et au processus décisionnel; donc, par défaut, ce sont les règles de la Cour fédérale régissant la révision judiciaire qui s’appliquent automatiquement.

La présidente : Merci beaucoup. C’était très intéressant, et nous avons beaucoup appris. Il reste maintenant à assimiler l’information.

Je demande aux sénateurs de rester parce que nous devons siéger à huis clos très brièvement.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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