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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 19 février 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui à 19 heures pour étudier le projet de loi et, à huis clos, pour l’examen d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice représentant le Québec et je suis présidente du comité. Je tiens d’abord à remercier nos invités aujourd’hui, car c’est notre première séance dans ce nouvel édifice, et nous essayons de nous y retrouver. La journée a été longue. Merci beaucoup d’avoir fait preuve de patience et de nous avoir attendus.

Je veux maintenant demander aux sénateurs assis autour de la table de se présenter.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Richards : David Richards, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, au Québec.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, Traité 10, région du Manitoba.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, Traité 6, Alberta.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, également du Traité 6 à Edmonton, Alberta.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.

Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, Saskatchewan.

La présidente : Je souhaite également présenter les analystes du comité, Sam Banks et Jesse Good, et à ma gauche, le greffier du comité, Maxime Fortin.

[Français]

Chers collègues, ce soir, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

Aujourd’hui, de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, nous recevons Tim McMillan, président et chef de la direction, et Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales.

[Traduction]

Merci d’être parmi nous. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à une période de questions et réponses.

Tim McMillan, président et chef de la direction, Association canadienne des producteurs pétroliers : Bon après-midi et merci de me donner l’occasion de comparaître devant le comité.

Et, comme vous l’avez mentionné, Shannon Joseph est notre vice-présidente de l’ACPP, à Ottawa, et elle se joint à moi.

L’ACPP représente l’industrie pétrolière et gazière en amont au Canada. Nos membres sont donc ceux qui investissent dans les zones extracôtières à Terre-Neuve ou dans la production traditionnelle dans le bassin sédimentaire de l’Ouest canadien ou les sables bitumineux.

Environ 80 p. 100 de la production canadienne proviennent de sociétés membres de l’ACPP, et nous sommes le plus gros investisseur du secteur privé au Canada. Nous construisons depuis de nombreuses années des projets sûrs et fructueux au Canada dans le cadre du régime de réglementation actuel et également de la période antérieure à la LCEE de 2012, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. L’année dernière, nous avons investi 41 milliards de dollars dans l’économie canadienne. Et si impressionnant que soit un investissement de 41 milliards de dollars, il est regrettable que ce montant représente environ la moitié de l’investissement réalisé par notre industrie il y a à peine quatre ans. Et ce, à un moment où la demande mondiale de pétrole et de gaz augmente à un rythme spectaculaire, tout comme l’investissement mondial. Cela ne se produit tout simplement pas au Canada.

Au cours des deux dernières années, notre industrie a participé très activement au processus de présentation du projet de loi qui devait devenir le projet de loi C-69, pendant que le projet de loi a franchi les étapes requises. Nous avons participé à des comités. Nous avons comparu à titre de témoins. Nous avons donné suite à des documents de travail, nous avons rencontré des ministres et comparu devant des comités de la Chambre. Nous avons fourni 15 mémoires sur le sujet, dont un présenté vendredi dernier.

Nous avons commandé des études à des tiers. Je voudrais souligner l’étude de WorleyParsons, qui compare le système de réglementation du pétrole et du gaz du Canada aux meilleurs systèmes de réglementation dans le monde. Le Canada s’est classé comme le meilleur au monde parmi les systèmes de réglementation. Nous avons organisé plusieurs ateliers. Et nous avons eu des centaines de réunions au sujet du projet de loi C-69.

C’est ce que nous avons accompli avec fierté au nom de l’industrie pétrolière et gazière et des hommes et des femmes qui travaillent très fort à cette production de façon sécuritaire et responsable, ici au Canada. Nous avons travaillé avec acharnement pour apporter des solutions aux lacunes que nous avons cernées dans le projet de loi. Nous voulons être constructifs et ouvrir la voie à un système de réglementation viable.

Au cours des dernières années, le gouvernement nous a assurés à de nombreuses reprises qu’il réglerait les problèmes cernés. Pourtant, lorsque le projet de loi a été adopté en troisième lecture avec 78 amendements adoptés, ceux-ci ne faisaient qu’en accroître la complexité et l’incertitude.

En réponse, nous nous sommes remis au travail. Nous avons entrepris un examen article par article afin de déterminer des amendements spécifiques visant à rendre le projet de loi applicable. L’ACPP a fourni un ensemble des modifications dans son mémoire au comité, lequel a été soumis la semaine dernière. Puis, on nous a demandé quels étaient les deux ou trois changements prioritaires que nous souhaitions. Nous voulons être très clairs et faire en sorte que le comité comprenne que ce n’est pas quelque chose où vous pouvez choisir deux ou trois éléments et dire que c’est assez bien. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour mettre au point un ensemble uniforme, un système de modifications qui fonctionneront ensemble afin que ce projet de loi soit réalisable. Et ce n’est pas aussi simple que de choisir un, deux ou trois éléments.

On nous a également dit : « Ne vous inquiétez pas des défis ou des lacunes que comporte le projet de loi. Nous allons régler cela dans le règlement. » Nous croyons et constatons que les lois imparfaites ne peuvent pas être corrigées par un règlement et nous insistons sur l’importance d’en arriver à des mesures législatives adéquates afin que le règlement puisse en permettre l’application. Cet aspect est d’une importance cruciale.

Lorsque nous examinons la vision, nous pensons que le Canada peut et doit avoir un système de réglementation qui respecte nos normes environnementales et réglementaires élevées et qu’il doit le faire d’une manière claire, efficace et transparente. Je vais maintenant souligner les difficultés que nous avons relevées, dont nous avons parlé publiquement et que nous avons portées à l’attention des sénateurs, et nous nous attendons à ce qu’elles définissent la majeure partie des discussions qui auront lieu plus tard ici cet après-midi.

Le premier sujet de préoccupation est le risque de litiges d’une étendue sans limites. La structure du projet de loi offre des possibilités considérables à ceux qui souhaitent perturber les investissements canadiens et utiliser notre système législatif pour entraver les investissements au Canada, même des investissements dans des projets de grande qualité.

Le deuxième sujet de préoccupation est la marginalisation des organismes de réglementation du cycle de vie. Selon le libellé actuel, les régulateurs du cycle de vie qui possèdent l’expertise et la responsabilité de ces projets à long terme sont marginalisés et n’ont pas la capacité de présider les commissions ou d’être majoritaires au sein de celles-ci.

Incertitude entourant l’échéancier : C’est un sujet dont nous avons beaucoup entendu parler de la part des investisseurs. Nous voyons déjà des investissements quitter le Canada et aller dans d’autres administrations. Et cette incertitude entourant l’échéancier a amené le secteur des pipelines au Canada à dire : « À moins que nous ne puissions avoir plus de précisions sur la manière et le moment de mener à bien les projets, aucun projet d’envergure ne sera présenté au Canada et encore moins achevé. »

Nous estimons que le pouvoir discrétionnaire de la ministre est excessif et que, lorsque cela s’ajoute aux autres vulnérabilités que nous soulignons dans le projet de loi, la ministre sera régulièrement confrontée à une situation difficile, où son pouvoir discrétionnaire sera la soupape de sécurité pour un texte de loi que nous pourrions aborder à ce stade.

La dernière chose que je voudrais souligner est le fait que les collectivités locales ont été réduites au silence. Dans la législation actuelle, il n’est pas possible d’accorder la priorité à celles qui sont le plus directement concernées par un projet de grande envergure afin qu’elles puissent faire entendre leur voix d’une manière différente, par exemple, de celle d’un militant d’un autre pays. Au bout du compte, ce sont les intervenants qui voudraient parler en faveur d’un projet et ceux qui pourraient avoir des problèmes qu’ils voudraient voir réglés. Cela exercerait une pression excessive sur le système et sur le ministre responsable de s’assurer que les personnes les plus directement touchées soient entendues.

Pour résumer, le Canada attire aujourd’hui plus d’incertitude, pas plus de capitaux. Le Canada a perdu et continuera de perdre des investissements et des emplois si nous n’avons pas un système assorti de règles claires, d’échéanciers bien précis et de décisions cohérentes.

Les moyens de subsistance des familles et des collectivités canadiennes sont en jeu. L’ACPP exhorte le comité à prendre en considération les amendements proposés dans leur ensemble, comme un système, et à rétablir la confiance des investisseurs. Nous savons qu’il est possible pour le Canada de maintenir ses normes environnementales et réglementaires élevées et de le faire de manière à garantir que nous pouvons être un fournisseur de choix pour les produits énergétiques dans le monde entier. Je vous remercie, et nous serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous aurons trois minutes par sénateur, à commencer par le sénateur Richards.

Le sénateur Richards : J’aimerais connaître votre opinion : pensez-vous que ce projet de loi est plus complexe et défaitiste aux yeux du secteur pétrolier et gazier que le projet de loi de 2012?

M. McMillan : Oui. Selon notre interprétation du projet de loi dans sa forme actuelle, celui-ci est plus complexe, n’est pas clair pour les gens qui veulent faire avancer de bons projets et comporte des vulnérabilités juridiques. Si l’on se fonde sur l’expérience passée, nous nous attendons à ce que ceux qui veulent perturber l’économie canadienne se serviront des vulnérabilités juridiques pour bloquer, retarder et, ultimement, torpiller des projets au Canada.

Le sénateur Richards : Merci.

Le sénateur MacDonald : Merci d’être ici aujourd’hui et d’avoir patienté. Le Sénat devait siéger.

De nombreuses organisations, y compris la vôtre, ont laissé entendre qu’il serait possible d’améliorer l’étape préparatoire initiale par l’ajout de délais ou de jalons pour l’agence. Est-ce que l’un de vos membres craint que la LEI, la Loi sur l’évaluation d’impact, ne s’acquitte de ses obligations que tardivement dans la période de six mois qui est proposée? Pouvez-vous décrire des modifications particulières qui renforceraient la prévisibilité et la certitude des investisseurs au début de l’étape préparatoire?

M. McMillan : Nous voyons la difficulté que vous soulevez. L’étape préparatoire initiale est un bon modèle en principe, mais il sera important de la structurer et de la définir clairement. Il est également important de veiller à ce que toutes les parties soient disposées à respecter les échéanciers. Je demanderai à Shannon de parler directement des amendements particuliers.

Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales, Association canadienne des producteurs pétroliers : Il y a des décisions qui peuvent être prises tôt, donc une décision, comme ce projet, sera soumise à une évaluation. Il ne faudrait pas attendre la fin d’une période de six mois. La législation devrait comporter des modifications obligeant l’agence à fournir cette décision le plus tôt possible.

Nous espérons que d’autres décisions seront prises à la fin de l’étape préparatoire initiale, notamment les détails sur les renseignements requis, les personnes à consulter, la nature de la consultation et la portée de l’évaluation. Nous avons besoin d’amendements qui reflètent les exigences de cette étape préparatoire initiale dans le projet de loi et qui doivent avoir été remplies à la fin des 180 jours.

Les principaux points de décision et d’information doivent être fournis dans les 180 jours, mais il y a des choses provisoires, notamment si cette évaluation qui doit avoir lieu devrait être fournie plus tôt. Nous avons proposé des amendements à cette fin dans nos documents.

Le sénateur MacDonald : Le projet de loi C-69 offre au ministre de l’Environnement et du Changement climatique au moins 15 possibilités lui permettant de suspendre l’examen de projets. Vos membres ont-ils exprimé des préoccupations à propos de ce degré de pouvoir discrétionnaire arbitraire du ministre en ce qui concerne le projet de loi C-69? Vos membres considèrent-ils le nouveau processus comme étant dépolitisé ou craignent-ils maintenant qu’il soit, en fait, plus politisé?

M. McMillan : Le pouvoir discrétionnaire du ministre est un aspect important qui devrait, selon nous, faire l’objet d’amendements. Lorsqu’on examine certaines des autres vulnérabilités du projet de loi — comme le « fait d’être informé » pour que ceux qui sont le plus directement touchés puissent être entendus davantage que ceux qui en sont plus éloignés et qui tentent de nuire au projet... Le ministre voudrait à juste titre prolonger les délais et utiliser ce pouvoir discrétionnaire d’une façon incompatible avec le modèle mis de l’avant par le projet de loi. Si la vulnérabilité est intégrée au projet de loi, cela ne donne aucun choix au ministre. Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez souligner concernant le pouvoir discrétionnaire?

Mme Joseph : Quelques-unes des préoccupations entourant le pouvoir discrétionnaire du ministre vont au-delà de la question des délais. Elles portent également sur l’ajout d’éléments à la liste des projets, laquelle freine en quelque sorte le processus à différentes étapes. Lorsque c’était possible, nous avons proposé divers amendements afin de mettre en place un cadre à partir duquel le ministre pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin de les dépolitiser, car sans cet encadrement, cela devient très politique.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Je prenais part à une autre réunion et je me suis perdue. Il s’agit de notre première journée ici. J’ai hâte de lire les amendements que vous avez proposés.

Je suis surprise d’entendre parler du pouvoir discrétionnaire du ministre. Le ministre dispose actuellement d’un pouvoir discrétionnaire inscrit dans la loi de 2012, n’est-ce pas?

Mme Joseph : C’est exact.

La sénatrice Cordy : Vous souhaitiez l’éliminer. C’est difficile lorsque le ministre en est le responsable, et cela fait actuellement partie du projet de loi de 2012, qui était mentionné dans le budget.

Mme Joseph : Nous tentons de mettre en place une certaine discipline dans le processus d’examen, nous tentons donc de créer un projet de loi dans lequel il est clairement indiqué quand des renseignements sont exigés. Donc, à la fin de la phase de planification préliminaire, le ministre aura établi les renseignements à fournir et le ministre n’aura pas 10 fois l’occasion d’imposer de nouvelles exigences en matière d’information ou de consultation, chose qui est possible avec le processus actuel.

Nous parlons actuellement de la certitude. Il s’agit de savoir à différentes étapes de quelle façon le ministre peut prendre des décisions et ce qui peut guider ces décisions pour que nous sachions clairement, en tant qu’industrie, lorsque nous suivons un processus, s’il y a une solution ou pas.

M. McMillan : J’aimerais ajouter que ce n’est pas tout ou rien. Il s’agit de ce qui est raisonnable: qu’est-ce qui serait un bon modèle pour le projet de loi? C’est un ensemble. Il ne s’agit pas de choisir un élément ici et là. S’il y a de multiples lacunes dans le projet de loi, et que le pouvoir discrétionnaire du ministre permet de les contourner, nous estimons que c’est problématique. Il peut y avoir des cas où le pouvoir discrétionnaire du ministre est la bonne chose à faire, mais lorsque nous vous présentons le document dans son ensemble à des fins d’examen, il faut vraiment que les différentes parties forment un tout.

La sénatrice Cordy : Après l’évaluation d’impact, la ministre a 30 jours pour réagir. Si elle ne le fait pas dans un délai de 30 jours, elle doit l’expliquer publiquement. C’est une bonne chose, parce qu’actuellement, il n’y a aucun délai dans lequel la ministre doit répondre. La ministre n’a pas à fournir les raisons pour lesquelles elle n’a pas donné de réponse ou pour lesquelles elle demande de plus amples renseignements. J’ai trouvé que c’était une bonne chose lorsque j’ai examiné le projet de loi.

M. McMillan : C’est une bonne chose qu’il y ait plus de transparence et plus de clarté. Ce qui fait défaut, c’est la portée du pouvoir discrétionnaire et la façon dont ce dernier peut être utilisé comme porte de sortie pour les autres lacunes présentes dans le projet de loi.

La sénatrice Cordy : J’ai effectué quelques recherches et j’ai travaillé sur la mobilisation et la planification préliminaires. Vous avez mentionné qu’il pourrait y avoir quelques pépins, mais bon nombre de personnes se disent très satisfaites de la mobilisation et de la planification préliminaires, car cela leur donne une meilleure idée de ce à quoi ils auront affaire avec le temps. Êtes-vous d’avis qu’il ne devrait pas y avoir de planification préliminaire?

Mme Joseph : Bon nombre de nos membres prennent part à la planification préliminaire actuellement. La plupart d’entre eux vous diront qu’il s’agit d’une bonne chose et que cela s’harmonise avec nos pratiques actuelles.

Ce que nous cherchons avec le projet de loi, c’est ce qui découle de la planification préliminaire. Vous constaterez dans les premiers amendements que nous avons proposés, que nous cherchons à ce que certains points en particulier ressortent de la planification préliminaire. Donc, lorsque nous recevons l’avis du début de l’évaluation d’impact après 180 jours, nous voulons qu’il y soit décrit précisément les exigences en matière d’information et de consultation. Cela n’est pas prévu dans le projet de loi et peut prendre de l’ampleur au fil du temps.

Nous demandons plus de rigueur dans le processus. La planification préliminaire est formidable. Faites-nous savoir le plus tôt possible ce que nous devons faire, mais le projet de loi doit le préciser, et ce n’est pas le cas actuellement.

La sénatrice Cordy : Selon moi, vous avez absolument raison. Bon nombre d’entreprises, qui tentent de faire leur travail du mieux qu’elles peuvent, optent pour la planification préliminaire, mais ce projet de loi l’inscrit dans la loi. Je me pencherai sur les modifications que vous avez proposées plus tard, ce ne sera probablement pas ce soir ni demain. La journée a été très chargée. Je vais revenir.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie d’être resté. Nous l’apprécions énormément.

Vous avez mentionné que le Canada possède le meilleur système de réglementation du monde. Est-ce que la recherche que vous avez effectuée portait sur la LCEE 2012?

M. McMillan : Oui, c’est WorleyParsons qui s’est penché sur notre système de réglementation actuel.

Le sénateur Neufeld : Donc, concernant notre système de réglementation actuel, une source extérieure qui n’avait aucun lien avec l’industrie pétrolière et gazière a mentionné que rien n’est parfait, mais que nous nous trouvons en tête de peloton.

M. McMillan : Ils ont comparé le Canada non pas à l’Arabie Saoudite ou au Nigeria, mais à la mer du Nord, à l’Angleterre, à la Norvège et aux États-Unis, des pays qui partagent nos valeurs, nos convictions en matière de normes environnementales plus élevées. Selon de nombreux tests, nous nous trouvions, soit en tête soit à égalité avec d’autres pays, il s’agit donc d’une évaluation positive du Canada.

Le sénateur Neufeld : Le premier ministre actuel, avant les élections, a parlé du fait que les Canadiens n’avaient plus confiance en l’ONE. Au fil du temps, le gouvernement libéral en a fait sa devise: les Canadiens n’ont plus confiance en l’ONE. Je suis Canadien et je n’ai pas perdu confiance en lui. J’estime qu’il s’agit d’un excellent processus.

Vous représentez l’industrie pétrolière et gazière. Avez-vous reçu des lettres de la part de Canadiens ordinaires ou de toute autre personne disant : « Nous ne faisons plus confiance au processus de l’Office national de l’énergie et nous n’avons plus confiance en vous »? Existe-t-il un document de la sorte? Si c’est le cas, pourriez-vous nous le transmettre? Pour être franc, je ne me rappelle pas d’avoir vu cela depuis que le sujet est au cœur de la politique.

M. McMillan : Ce que nous voyons, ce sont des activistes, des groupes, dont la plupart sont financés par les États-Unis, qui tentent de façon délibérée de viser le Canada et ses institutions.

J’aimerais vous parler de quelque chose qui s’appelle la campagne des sables bitumineux, où un plan est établi dans le but de viser nos institutions. Je n’ai pas vu cela se transposer dans la population générale. La discussion sur Tim Hortons concerne rarement l’Office national de l’énergie, mais ces groupes utilisent certainement les médias sociaux de façon très efficace et ont exercé énormément de pressions auprès des gouvernements pour que des modifications soient apportées afin qu’il soit difficile pour le Canada d’attirer les investissements.

Le sénateur Neufeld : Lorsque vous avez fait part de vos suggestions au comité de la Chambre sur les problèmes qui devraient être réglés, selon vous, après avoir passé nombre d’années avec des groupes nommés par le gouvernement afin d’élaborer un nouveau plan, le comité a-t-il accepté l’une de vos suggestions? Est-ce que l’une des modifications que vous avez proposées a été apportée?

M. McMillan : Shannon pourra me corriger, mais nous avons travaillé sérieusement pour trouver des solutions. Nous avons cerné plusieurs aspects préoccupants. Au cours du processus de modification, trois amendements parmi les quelque 100 qui ont été proposés ont, selon nous, fait avancer les choses dans la bonne direction. Au bout du compte, 87 d’entre eux ont été adoptés, et 3 étaient en bonne voie. Les autres étaient neutres ou rendaient les choses plus compliquées et plus complexes.

Le sénateur Neufeld : Très rapidement. On dit, en parlant des règlements : « Nous allons régler cela dans la réglementation et vous aurez la possibilité de changer les règlements. » J’imagine que vous êtes un peu sceptiques quant au fait d’apporter des modifications aux règlements, si c’est ce que vous avez expérimenté lorsque vous avez mis sur pied le projet de loi. Est-ce exact?

M. McMillan : Je pense, en me fondant sur des principes, qu’une lacune dans le projet de loi devrait être corrigée à même le projet de loi. Nous ne devrions pas compter sur la réglementation pour corriger un projet de loi. C’est la procédure d’un bon gouvernement, et je pense que nous en avons l’occasion à ce stade.

Le sénateur Woo : Je remercie les témoins, particulièrement des commentaires détaillés que vous avez émis, notamment les propositions précises d’amendements à apporter au projet de loi.

Je suis quelque peu préoccupé par votre déclaration portant sur le fait de ne pas effectuer de sélection minutieuse. Vous dites essentiellement que c’est à prendre ou à laisser. Il pourrait y avoir une certaine symétrie dans notre entente relativement à la nécessité d’apporter des changements dans certains secteurs, mais il pourrait être difficile pour nous d’être d’accord avec la totalité de ce qui nous est présenté. J’espère qu’il y aura une occasion de discuter des différentes façons d’atteindre des objectifs similaires.

J’ai tant de questions, en plus des questions portant particulièrement sur les amendements qui, à mon sens, ne semblent pas offrir de solution au problème que nous tentons de régler. J’aimerais passer à l’étude effectuée par WorleyParsons, puisque mon collègue l’a mentionnée. Vous en avez cité un extrait de façon très favorable, pourtant, votre exposé énonce en fait quelque chose de très différent. Vous avez mentionné que nous avions l’une des procédures d’évaluation environnementale parmi les plus coûteuses, les plus laborieuses et les plus exigeantes en ressources dans le monde. Voilà ce que vous avez choisi de souligner. Cela fait probablement référence à la LCEE 2012.

WorleyParsons recommande également dans les résultats de son examen — et cela provient directement de votre mémoire — un certain nombre de mesures issues d’une nouvelle approche en matière d’évaluation d’impact, qui inclut l’établissement d’ententes entre les organismes de réglementation qui se chevauchent, au moyen d’évaluations cumulatives et, essentiellement, du processus d’évaluations régionales et stratégiques qui figurent actuellement au projet de loi C-69. L’étude recommande la mise en place de consultations préliminaires significatives, essentiellement au chapitre du processus de préplanification inscrit dans le projet de loi. Elle recommande la mise en place et l’intégration de retombées efficaces sur le plan social et sur la santé. En d’autres mots, on veut l’élargir au-delà des problèmes environnementaux. L’étude recommande également — et cela provient directement de WorleyParsons — la participation des intervenants aux solutions de rechange en matière de portée et d’analyse.

Ma question est la suivante : Pourquoi n’avez-vous pas souligné ces observations? Êtes-vous en mesure d’émettre un commentaire quant à la façon dont la LCEE 2012 ou le projet de loi actuel assimile ces recommandations faites par le conseiller que vous avez embauché afin d’examiner le processus d’évaluation du Canada?

M. McMillan : Le rapport de WorleyParsons définit la norme que respecte le Canada et nous faisons bonne figure. Le rapport cerne certaines des lacunes de la LCEE 2012 — le processus est plus coûteux, plus long que celui de nos pairs. Si nous n’apportons pas d’importants changements au projet de loi C-69, les choses ne feront qu’empirer.

Nous ne partons pas sur des bases solides.

À propos de votre commentaire concernant le fait de choisir des éléments de façon minutieuse, l’une des choses sur lesquelles nous avons travaillé d’arrache-pied — parce que je comprends qu’il est difficile de s’asseoir devant des sénateurs et de dire : « Nous avons beaucoup réfléchi à cela et voici un ensemble de recommandations. » Nous avons beaucoup travaillé avec d’autres industries. Nous avons travaillé avec le secteur des pipelines et leur personnel technique. Nous avons travaillé avec des gens de l’industrie énergétique. Nous avons également travaillé en collaboration avec l’industrie minière et l’Association des sociétés minières sur les problèmes que nous avons rencontrés, et ils en ont rencontré des similaires. De façon générale, des industries de différents secteurs rencontreront des problèmes différents, mais nous cernons tous les mêmes domaines. En grande partie, nous avons établi la même piste de solution. Dans certains cas, cela va plus loin, mais j’ose espérer que lorsque vous discutez de cela avec d’autres industries, il y a une forte cohérence quant à la voie à suivre.

Le sénateur Woo : Pourriez-vous parler des recommandations qu’a faites WorleyParsons sur la façon dont notre processus d’évaluation en matière d’environnement et d’évaluation d’impact peut être amélioré, particulièrement en prenant un certain nombre de mesures qui, il me semble, ont été intégrées au projet de loi C-69? Je ne vais pas revenir encore une fois là-dessus. Tous les sénateurs peuvent examiner le document, à la dernière page des résultats de l’examen de l’étude de WorleyParsons.

Mme Joseph : Par exemple, et je crois que vous avez souligné quelque chose d’important, monsieur le sénateur, si nous prenons la recommandation sur la planification stratégique, le projet de loi C-69 prévoit des mesures, ce qu’on appelle des évaluations stratégiques et régionales, mais rien dans le projet de loi ne précise de quelle manière elles seront utilisées et comment elles seront prises en compte dans le processus décisionnel. Une de nos préoccupations, c’est que nous ne voulons pas que les débats politiques aient lieu dans le cadre des projets.

Au cours des discussions tenues avec le gouvernement, on a présenté la planification stratégique et la planification régionale comme une partie de la solution, mais ce n’est pas écrit dans le projet de loi. Alors, vous allez remarquer que nos amendements aux articles 94 et 95 consigneraient cela dans le projet de loi.

De même, pour ce qui est du chevauchement au chapitre des accords et de la conclusion de ces accords, vous noterez que, dans le projet de loi C-69, par exemple, les projets extracôtiers exigeront le plus d’examens de la part d’une commission et ne permettront pas les substitutions ou le report et l’évaluation par l’office extracôtier. Ce que nous proposons ici, à mon avis, s’appliquerait à l’intention de WorleyParsons, soit des protocoles d’entente qui permettraient au gouvernement fédéral, à la nouvelle Agence et aux organismes locaux de s’entendre sur des façons d’éviter le chevauchement et des choses du genre.

Dans la mesure où le projet de loi vise à régler certains de ces problèmes, nous reconnaissons cela, mais vous remarquerez que, dans les amendements que nous avons présentés, le projet de loi n’atteint pas cet objectif. C’est pourquoi nous avons proposé des amendements concernant l’évaluation stratégique et les offices extracôtiers. Je pourrais vous donner d’autres exemples, mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire.

La présidente : J’ai une question. Je remarque que votre deuxième préoccupation est la marginalisation des organismes de réglementation du cycle de vie. Je ne sais pas si vous avez suivi nos audiences, mais nous en avons reçus ici. Ils n’ont pas exprimé ces préoccupations. Ils ont dit au contraire que l’expertise ne sera pas perdue, qu’ils seront là et qu’ils seront disponibles avec leur expertise pour le gouvernement, les responsables et les promoteurs.

J’aimerais mieux comprendre votre deuxième préoccupation et savoir pourquoi c’est une préoccupation pour vous et pourquoi les organismes de réglementation ne l’ont pas exprimée.

M. McMillan : Je n’ai pas vu les exposés qu’ont faits les organismes de réglementation. Certains des organismes de réglementation du cycle de vie avec lesquels nous travaillons régulièrement sont les offices extracôtiers pour le Canada atlantique. Ils possèdent l’expertise au Canada en ce qui concerne l’exploitation et la production extracôtières.

Ces organismes de réglementation, qui seront ensuite responsables d’un projet, si ce dernier va de l’avant, pour les 10, 20 ou 40 prochaines années, auront évidemment l’expertise et apporteront leur contribution de près ou de loin. Leur intention et leur objectif sont de servir les Canadiens et agir à titre d’organisme de réglementation.

Toutefois, d’inscrire dans la loi qu’ils ne peuvent pas présider est une occasion manquée, et cela vise à les exclure du processus. La formation est structurée de façon qu’elle ne peut pas comporter une majorité de personnes ayant cette expertise. Encore une fois, il semble que ce serait quelque chose de souhaitable dans toute évaluation. Comme le projet de loi l’exclut, il semble que ce soit complexe ou contraire au résultat que nous voulons obtenir.

Le sénateur Massicotte : D’abord, permettez-moi de vous remercier d’être ici. Vos propositions sont très précises. En réalité, en toute justice, je vous félicite du travail que vous avez accompli afin de présenter ces idées, dont plusieurs nous sont communes, et nous allons évidemment tenir d’autres discussions à cet égard.

Je ne veux pas passer trop de temps là-dessus parce que je ne suis pas certain si c’est pertinent ou si c’est mieux que la loi de 2012. Tous les trois mois en Alberta, on publie une revue, et trois cadres de l’industrie ont réalisé une étude sur le temps qu’il a fallu pour différents types de projet. Leur conclusion, c’est que, pendant 22 ans, nous avons éprouvé d’énormes problèmes concernant l’approbation des projets. L’OCDE confirme que nous sommes au 34e ou au 35e rang. Nous avons de beaux principes, mais ils ne fonctionnent pas, y compris la loi de 2012. Au bout du compte, nous avons un problème que nous devons régler conjointement avec l’industrie et nous comptons sur son aide.

J’aimerais éviter tout malentendu. Si les gens pensent qu’il y a un plan, vous semblez dire que ce qui est actuellement en place est mieux que ce qu’apporteraient les amendements. Se pourrait-il que vous espériez que nous épuisions le sujet, que nous n’en arrivions pas aux amendements et que le projet de loi proposé meure au Feuilleton? À quoi vous intéressez-vous de près? Quel est votre grand intérêt?

M. McMillan : Nous avons été très déterminés dans notre approche — et cela remonte aux audiences publiques au début de ce projet de loi, il y a deux ans et demi ou trois ans — à collaborer avec le gouvernement et proposer des solutions aux défis. Même après le dépôt du projet de loi à la Chambre et la troisième lecture, nous avons continué dans cette voie afin de travailler de manière constructive et sérieuse en vue d’offrir des solutions au gouvernement lorsqu’il rédigeait le projet de loi. Nous sommes encore déterminés à obtenir des changements concrets afin de rendre le projet de loi applicable.

Le sénateur Massicotte : Cette semaine ou la semaine passée, un spécialiste en chef disait le contraire. Un joueur important de l’industrie a affirmé que l’industrie préférerait que le projet de loi meure au Feuilleton s’il n’est pas mis en œuvre. Vous dites que ce n’est pas la position de l’industrie; vous pensez que nous pouvons apporter des amendements et que c’est important pour vous, n’est-ce pas?

M. McMillan : Je peux vous dire que, au cours des dernières années, nos membres, en tant qu’association de l’industrie ont travaillé d’arrache-pied et ont déployé d’importantes ressources comme jamais auparavant afin d’analyser le projet de loi à la loupe et de proposer des amendements cohérents.

Le sénateur Massicotte : Cela dit, nous repartons à zéro. Nous ne sommes pas des experts, mais vous l’êtes. Évidemment, l’approche normale pour nous tous, c’est celle qui est logique : y a-t-il un modèle? Y a-t-il des gens qui font les choses de la bonne façon?

Deux ou trois études ont examiné les pratiques exemplaires partout dans le monde. Vous en avez parlé plus tôt. Au Canada, la Colombie-Britannique est réputée pour bien faire les choses, comme l’Ontario et le Québec. Dans la revue trimestrielle sur les examens, certaines personnes réalisent des études et expliquent la raison pour laquelle cela fonctionne à certains endroits, mais pas à d’autres. Il ne s’agit pas seulement de l’énoncé des principes, c’est la culture. Est-ce que l’approche de la Colombie-Britannique en matière d’évaluation d’impact de projets vous satisfait?

Mme Joseph : Nous pensons également que, au départ, les projets sont mieux examinés localement. À mon avis, les réussites de la Colombie-Britannique découlent de sa compréhension du contexte local et de sa capacité de s’appuyer sur le travail qu’elle a réalisé, peu importe si c’est avec les communautés autochtones ou d’autres intervenants, afin de mettre en place un processus d’examen qui fonctionne.

Nous avons vécu une expérience positive avec l’organisme de réglementation de l’Alberta ainsi que les organismes de réglementation extracôtiers. Le problème, selon moi, c’est lorsque les examens de projets deviennent politisés. Même les décisions de la Colombie-Britannique concernant certains projets sont contestées à l’heure actuelle, on se demande si un examen fédéral supplémentaire était nécessaire.

Le sénateur Massicotte : Êtes-vous satisfaits des amendements? On a récemment adopté en Colombie-Britannique un projet de loi sur les évaluations d’impact. Est-ce que ce projet de loi vous convient?

Mme Joseph : Nous craignons que l’on commette, dans ce projet de loi, des erreurs qui sont présentes dans le projet de loi C-69 et qui pourraient compromettre les réussites que la Colombie-Britannique a connues par le passé.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le sénateur Massicotte.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup. J’ai lu et relu les amendements. Je pense maintenant que j’ai besoin de lunettes plus fortes parce que la police que vous avez utilisée est minuscule.

J’ai deux ou trois questions concernant vos amendements. Dans votre amendement du paragraphe 62.1(1), vous proposez un délai ferme, si je peux m’exprimer ainsi, de 730 jours. Ne craignez-vous pas que cela puisse porter préjudice à un promoteur qui pourrait avoir besoin de plus de temps? Comment arrivez-vous à 730 jours? Quel est le début et quelle est la fin? Prévoyez-vous une indemnité pour les promoteurs qui ont besoin de suspendre le processus?

Mme Joseph : Je ne suis pas certaine que vous regardez notre version d’octobre des amendements.

La sénatrice Simons : Je regarde celle que nous avons reçue cette semaine. Je pense que j’ai quatre versions différentes.

Mme Joseph : Vous remarquerez que l’article 62.1 proposé précise que, à la demande du promoteur, le ministre peut prolonger le délai.

Je crois qu’on reconnaît, grâce aux expériences passées, que parfois, il faut suspendre le processus en raison de la situation du promoteur. Mais nous voulons que le principe prévoie un processus de deux ans et que le promoteur s’engage à respecter ce délai. S’il existe des circonstances atténuantes, nous laissons au ministre la possibilité de travailler avec le promoteur afin de régler le problème, le cas échéant.

La sénatrice Simons : Pour préciser les choses, s’agit-il de deux ans à partir du début de la préapprobation? À quel moment le délai commence-t-il?

Mme Joseph : C’est deux ans à partir de l’avis du début de l’évaluation d’impact. Cela donne un processus de deux ans et demi.

La sénatrice Simons : J’aimerais examiner vos amendements des articles 93, 94 et 95 de la Loi sur l’évaluation d’impact parce que c’est toujours à cet endroit que mes yeux me jouent des tours. Pouvez-vous expliquer à ceux d’entre nous qui ne sont pas avocats ni spécialistes de la réglementation de l’énergie comment vos amendements proposés aux articles 93, 94 et 95 modifieraient le projet de loi?

Mme Joseph : Je commence à voir le problème que vous m’avez soulevé tout à l’heure. Il faut que ce soit en ordre chronologique. Cet élément s’en vient.

L’objectif des évaluations stratégiques et régionales était de préciser comment on s’attaquera aux changements climatiques et on assurera la gestion des espèces dans cette région. La loi prévoirait un cadre pour qu’un promoteur puisse savoir si son projet est conforme aux politiques.

Le projet de loi doit permettre cela. Il doit dire à l’Agence d’utiliser les études de cette façon. Ce n’est pas le cas maintenant. Même si, lors des discussions avec le gouvernement et d’autres, on dit que c’est l’intention, le projet de loi n’est pas rédigé ainsi en réalité.

Nous avons donc essayé de fixer, dans les articles 92 et 95, l’objectif de ces examens. Nous avons ensuite précisé la nécessité d’y faire référence à l’article 22, lorsqu’il s’agit d’aspects qui concernent l’industrie, comme les questions de politique, pour que l’on s’assure que ces aspects politiques ont été réglés de cette manière et qu’il s’agisse d’outils à cet égard.

La sénatrice Simons : Parlant de faire les choses à l’envers, qui met la charrue devant les bœufs? Qui est responsable de s’assurer que ces...

Le sénateur Massicotte : C’est le contraire.

Mme Joseph : Qui est responsable de veiller à la réalisation de l’évaluation régionale?

La sénatrice Simons : Oui.

Mme Joseph : Ce serait le gouvernement fédéral. Un exemple que je pourrais vous donner, c’est les projets extracôtiers actuels. On effectue à l’heure actuelle une évaluation régionale afin de préciser clairement les facteurs climatiques et autres facteurs liés à la durabilité. C’est présenté comme un mécanisme pour établir la certitude. Nous n’aurions pas besoin, par exemple, d’un examen aussi rigoureux pour le forage d’exploration ou des choses du genre.

Nous avons entendu parler de l’intention du gouvernement de faire cela, et il le fait dans le cas de projets extracôtiers. Mais, encore une fois, le projet de loi doit être rédigé d’une façon qui précise en réalité l’intention, ce qui n’est pas le cas.

La sénatrice McCallum : Merci de votre exposé. J’aimerais revenir à votre première préoccupation, où vous avez dit que les gens peuvent utiliser le processus législatif pour nuire aux projets. Pourriez-vous nous en donner des exemples?

Mme Joseph : Certainement. Dans le cadre actuel, et une des choses que nous avons observées dans le projet de loi, c’est la possibilité qu’on puisse demander au ministre de suspendre le processus et d’ajouter des exigences en matière d’information. Nous craignons que le projet de loi accroisse les possibilités de litige. Partout où le projet de loi indique que l’on doit tenir compte de quelque chose, faire quelque chose ou entendre des gens, il ne prévoit actuellement aucun processus discrétionnaire permettant à l’Agence de faire le triage, de prendre des décisions quant à la pertinence et de déterminer la portée de la participation. Tous ces éléments deviennent le fondement de futurs litiges. Quelqu’un peut contester la façon dont une séance a été tenue ou demander si on a examiné tous les facteurs.

Nombre de nos projets actuels sont freinés par les tribunaux, mais ne le sont pas nécessairement pendant le processus d’examen. Je dirais que le projet de loi lui-même offre des possibilités supplémentaires de ralentir le processus et de faire appel au ministre. Des éléments du projet de loi augmentent également le risque de litiges, ce qui ralentirait aussi un projet ou, au bout du compte, le freinerait.

La sénatrice McCallum : Lorsque cela se produit, qu’examine-t-on? Y a-t-il des préoccupations en matière d’environnement ou de consultation des Premières Nations? Est-ce que cela entre en jeu dans ce que vous venez de dire?

Mme Joseph : Parfois. Je dirais que nos entreprises ont leur propre approche en matière de consultation et tiennent des consultations en début de processus, par exemple, avec les communautés autochtones, mais j’affirmerais également qu’elles sont guidées par les exigences de l’Agence. On leur dit combien de Premières Nations il faut consulter, et elles essaient de suivre ces directives. Une des choses que nous soulignons ici et une des expériences que nous avons vécues avec le projet d’expansion du réseau Trans Mountain, c’était que, parfois, le gouvernement lui-même n’indiquait pas clairement la façon de mener correctement les consultations et ne donnait pas nécessairement des directives claires à l’industrie.

Je ne crois pas qu’il s’agit d’une question de mauvaise foi de la part de l’industrie. Nos entreprises sont déterminées à suivre les règles. Elles veulent avoir des normes élevées. Elles désirent travailler avec les communautés dans lesquelles elles mènent leurs activités, mais le processus doit être clair. Il faut respecter les décisions concernant les groupes qui devraient être consultés et l’information nécessaire. À l’heure actuelle, il y a beaucoup de possibilités de ne pas le faire.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous deux d’être ici. J’aimerais poursuivre dans la même veine que plusieurs de mes collègues et savoir si vous voulez retourner à la LCEE de 2012.

Dans un document que vous nous avez donné, monsieur McMillan, — vous n’y avez pas fait référence dans votre déclaration préliminaire —, dans lequel vous dites que nous avons besoin d’une solution à l’incertitude qui existe dans le système d’examen de projets actuellement en place. Vous avez également parlé de lever l’incertitude qui pesait sur des projets comme celui de l’expansion du réseau Trans Mountain.

Lorsque je regarde le projet de loi, il me semble que les délais dans chacune des catégories ont été considérablement réduits. Des délais sont passés de 450 à 300 jours, de 700 à 300 jours, de 720 à 300 jours et de 720 à 600 jours. Vous direz qu’il y a une période de planification de 180 jours. Mme Joseph vient de dire que les entreprises effectuent de la planification, mais que, en fait, elle n’est pas officielle. Ce processus de planification ajoute quelque chose, mais pas vraiment parce qu’il y a déjà de la planification.

Tous les délais sont considérablement réduits. Le pouvoir discrétionnaire du ministre n’augmente pas; en réalité, il diminue. Le ministre dont vous semblez vous inquiéter, le ministre de l’Environnement, ne prendra aucune décision concernant des projets d’énergie. En fait, les gens qui prendront ces décisions disposeront d’un pouvoir discrétionnaire réduit parce qu’ils devront vous dire pourquoi ils le font.

Je pourrais continuer, mais vous ne semblez pas vous concentrer sur toutes les choses qui font avancer le dossier en votre faveur. Je sais que vous maintenez fermement votre position. Vous devez le faire parce que vous êtes ici pour défendre votre point de vue, mais vous ne nous dites pas vraiment que vous voulez revenir à la LCEE de 2012, n’est-ce pas?

M. McMillan : Pour ce qui est de l’explication de la réduction des délais, je vais demander à Shannon de faire deux ou trois commentaires là-dessus. Je suis ici pour vous en parler, mais les gens qui investissent au Canada nous disent la même chose, et ils nous le disent clairement. Nous avons vu, au cours des dernières années, que les capitaux se dirigent ailleurs; nous sommes passés de plus de 80 milliards de dollars d’investissement de capitaux au Canada à 41 milliards de dollars. Il est possible d’améliorer le système actuel, et je ne m’en cache pas.

Lorsque nous entendons le secteur des pipelines dire « si ce projet de loi est adopté, nous ne saurons pas clairement comment réaliser un projet », aucun grand projet ne sera pris en considération si le projet de loi est adopté dans sa version actuelle.

Les investisseurs internationaux disent que le projet de loi C-69 dans sa forme actuelle ferait du Canada un pays dans lequel il est de moins en moins intéressant d’investir à un moment où les investissements dans le pétrole et le gaz partout dans le monde augmentent considérablement. Nous ratons cette occasion. Voulez-vous ajouter quelque chose sur les délais, Shannon?

Mme Joseph : Monsieur le sénateur, nous ne sommes pas ici pour nous demander si la LCEE de 2012 est bonne. Nous sommes ici pour essayer de corriger le projet de loi C-69.

Il y a la question des délais imposés par la loi, mais aussi la question de savoir si on peut les respecter. On ne peut pas respecter les délais s’il n’y a pas de discipline au sein du processus. Chacune de nos propositions vise à faire en sorte qu’on puisse les respecter. La clarification des exigences en matière de renseignements tôt dans le processus sera très importante pour le respect des délais.

Pour que l’on puisse respecter les délais, il sera important de clarifier la participation du public, afin d’éviter que n’importe qui n’importe où se mêle du projet. Il faut supprimer l’article 15 parce qu’il s’agit d’une évaluation redondante qui est effectuée avant que l’on entame l’évaluation d’impact, et nous croyons que c’est une étape inutile. Cela contribuera également au respect des délais.

Nos membres ont beaucoup d’expérience avec ces types d’examens, et il y a une différence entre la théorie et la pratique. Ils regardent le projet de loi et disent : « Si nous voulons vraiment respecter les délais et raccourcir la démarche, ces types de mesures doivent faire partie du processus afin d’assurer la discipline, la clarté et la certitude. » Je crois que c’est le message principal.

Le sénateur Mitchell : Sur un point très technique, êtes-vous au courant des amendements au projet de loi adoptés à la Chambre qui indiquent qu’il faut que les gens qui témoignent avant les évaluations d’impact ou même les processus de la Régie canadienne d’énergie pendant la période précisée par l’Agence puissent participer pleinement? Ce sont là les délais. C’est ma première question.

J’ai une deuxième question d’ordre technique. Vous avez laissé entendre que, d’une manière ou d’une autre, l’Association minière du Canada, ou l’AMC, partage vos préoccupations. Ce n’est certainement pas l’impression que j’ai. En fait, certains de vos membres, qui font partie de l’AMC — Teck, par exemple —, ont dit ouvertement être en faveur du projet de loi. Je veux donc préciser cela. Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi vous tirez cette conclusion.

M. McMillan : Je tiens à préciser que je ne parle qu’au nom de l’industrie pétrolière et gazière. J’ai dit que nous avons examiné ce que disent l’industrie des pipelines, l’industrie électrique et l’industrie minière et qu’il y a une certaine cohérence entre certaines de nos industries. Cette cohérence est très évidente. Certains organismes, comme l’AMC, ont indiqué quelques changements qu’ils aimeraient voir apportés, lesquels concordent avec ce que nous voulons également.

Le sénateur Mitchell : L’AMC ne veut certainement pas modifier l’article 15. Elle ne veut pas l’éliminer non plus.

M. McMillan : Moi non plus.

La présidente : D’accord. Merci.

Le sénateur Mitchell : Il y a d’autres paramètres.

La présidente : Merci beaucoup. Avant la pause, nous avons reçu le représentant du régulateur de l’Alberta et il nous a dit quelque chose d’intéressant. L’année dernière, qui est considérée comme une année très faible, l’organisme a reçu 40 000 demandes. Il les a traitées en un an, ce qui représentait une moyenne de presque 200 projets par jour. À ce moment-là, il a dit que 95 p. 100 des projets avaient été approuvés et que le processus reposait sur un programme. Nous avons également appris que les projets sur place pour l’autre type de sable bitumineux ne sont pas inclus dans le processus à l’heure actuelle.

Je crois que cela pourrait être amélioré. Dans le cas présent, lorsque nous entendons ces types de choses, nous croyons vraiment qu’il y a place à l’amélioration. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. McMillan : Certainement. Je vais faire valoir deux ou trois points. Je n’ai pas lu l’exposé du représentant de l’organisme de réglementation, alors si je m’écarte du sujet, posez-moi d’autres questions.

Le processus d’approbation du régulateur de l’Alberta est en partie automatisé. Si on satisfait aux critères et qu’on peut utiliser le système automatisé, cela représente une nette amélioration par rapport à ce que nous avions par le passé.

Il est encore possible d’améliorer le processus d’approbation réglementaire en Alberta, et on travaille activement pour trouver également des changements réglementaires efficaces à cet égard.

Lorsqu’il s’agit de projets sur place, c’est le régulateur de l’Alberta qui les examine. Il possède l’expertise. Ce sont des projets qui sont entièrement réalisés dans une province. Nous croyons fermement que c’est le régulateur de l’Alberta qui devrait continuer à examiner les projets parce que c’est lui qui possède l’expertise.

Nous sommes inquiets et nous avons entendu dire que le gouvernement fédéral envisageait de s’occuper de ce qui relevait traditionnellement de la réglementation provinciale et d’en faire une exigence réglementaire fédérale. Nous en avons beaucoup parlé publiquement. Nous croyons que ce ne serait pas approprié et que le gouvernement fédéral n’est pas le mieux placé pour réglementer les projets sur place.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous proposez des amendements en ce qui concerne le processus d’appel. Vous proposez d’interjeter directement appel à la Cour d’appel fédérale pour les questions de droit et de juridiction.

Je m’interroge sur les raisons d’aller directement à la Cour d’appel fédérale. Je comprends que vous voulez sauver du temps et que vous ne voulez pas que les dossiers traînent devant les tribunaux. Cependant, la Cour d’appel fédérale révise normalement les questions de droit, certes, mais tout un travail est fait en première instance dans le cadre de l’audition des témoins et de la preuve. Même si ce sont seulement des questions de droit que vous voulez soumettre en appel, il y a des questions de juridiction et, souvent, celles-ci demandent de la preuve. Il y aura des questions qui vont toucher les règles de justice naturelle — savoir si on a été entendu, si on a fait valoir son point de vue, et cetera. Tous ces éléments sont des éléments de preuve, et cela implique des témoins. Je me demande comment tout cela fonctionnera en appel. Sans avoir le privilège de la première instance pour mener à bien cette partie-là, avez-vous connaissance d’exemples dans le droit canadien qui montrent que cela fonctionne, lorsqu’on s’adresse directement à la Cour d’appel? D’où vient cette suggestion de s’adresser directement à la Cour d’appel fédérale?

Mme Joseph : Je pense que, dans un premier temps, la recommandation vient de nos avocats. Je crois que le principe qui la sous-tend est qu’il devrait y avoir une certaine déférence aux décisions de l’agence quant à des questions comme celles de décider qui va participer et comment, et de déterminer quelle information sera requise. On essaie en fait de renforcer ces décisions, par rapport à cette législation, pour que les décisions de la cour, ultimement, ne portent pas sur ces questions. C’est le premier principe.

Deuxièmement, dans les amendements proposés, on veut introduire une discipline dans la façon dont ces questions sont présentées en cour après une certaine période de temps, le plus tôt possible après que les décisions ont été prises, encore une fois pour avoir plus de certitude quant au processus.

Il est certain que je ne suis pas experte en droit. Je suis ingénieure, pas avocate, donc je ne pourrais vous dire s’il y a d’autres exemples ailleurs dans lesquels les décisions d’une agence vont directement en Cour d’appel. On pourrait certainement vous revenir sur cette question, si c’est possible, pour que j’aie la chance de trouver davantage d’information.

Le sénateur Carignan : Je vous demanderais de bien vouloir demander à vos avocats de nous envoyer des documents à ce sujet. Déjà, vous suggérez que les décisions soient finales, et on parle de tribunaux spécialisés. Il y a déjà une retenue que les tribunaux supérieurs pourraient avoir. Est-ce que vos avocats ont pensé à suggérer une disposition privative?

Mme Joseph : Oui, en fait il y a des dispositions privatives dans plusieurs de nos amendements. Par exemple, dans la section sur la participation des intervenants, on a écrit que les décisions de l’agence sont finales par rapport à cette sélection. Il y a d’autres décisions comme celle-là par rapport à l’article 22 qui traitent des différentes considérations liées à l’évaluation des projets, où on indique encore une fois que les décisions de l’agence sont finales par rapport à l’ampleur de l’analyse.

Donc, les dispositions privatives existent, mais je pense que ce que nous avons appris dans le cadre du procès de TMX, c’est que, parfois, il y a un manque de déférence à l’égard des questions techniques qui devraient être gérées par l’agence. On veut clarifier cet aspect avec les dispositions privatives, mais on veut aussi le clarifier par rapport au processus pour s’adresser à la cour.

Le sénateur Carignan : Nous vous serions reconnaissants d’obtenir plus d’information de la part de vos avocats. Je comprends qu’une décision finale est une sorte de disposition privative, mais c’est partiel. Il y a sûrement un moyen de prévoir des dispositions privatives beaucoup plus complètes que ça, et j’aimerais que vos avocats nous en envoient des exemples.

Mme Joseph : Oui.

[Traduction]

La présidente : Si vous pouviez envoyer vos réponses à la greffière, nous l’apprécierions.

Mme Joseph : Certainement.

Le sénateur Patterson : Je vais essayer de poser trois questions. La ministre de l’Environnement et du Changement climatique a dit que le projet de loi C-69 créera un processus transparent et prévisible pour les projets désignés.

Elle a dit que la liste des projets désignés « [...] est une façon de mieux indiquer à tous les intervenants dans quelles circonstances les nouvelles règles s’appliqueront, ce qui fournira aux Canadiens et aux entreprises la certitude qu’ils veulent et qu’ils attendent. » Savez-vous quels sont les critères utilisés pour inscrire des projets sur la liste des projets désignés?

Mme Joseph : Non, nous ne le savons pas.

Le sénateur Patterson : Si vos membres au Canada pouvaient voir la liste des projets désignés et sa réglementation connexe avant l’adoption du projet de loi C-69, est-ce que cela leur donnerait plus confiance?

Mme Joseph : Oui.

Le sénateur Patterson : Savez-vous si le gouvernement vous a dit, à vous ou à vos membres, que les projets de sable bitumineux sur place seront exclus de la liste des projets désignés?

Mme Joseph : Nous ne savons pas quels projets.

Le sénateur Patterson : Le gouvernement vous a-t-il dit, à vous ou à vos membres, si le forage exploratoire extracôtier sera exclu de la liste des projets désignés?

M. McMillan : Je dirais que, pour ce qui est des projets sur place et des projets extracôtiers, nous avons entendu parler de leur inclusion. Dans les deux cas, nous avons dit que ce serait inapproprié pour ces deux types de projets et que, dans le cas des projets extracôtiers, les inscrire sur la liste des projets désignés serait extrêmement dommageable pour les possibilités dans le Canada atlantique, et ce ne serait pas justifié du point de vue des exigences en matière d’environnement ou de sécurité que nous maintenions une norme aussi élevée au Canada.

C’est la même chose pour les projets sur place. Encore une fois, pour les projets extracôtiers, de même que les projets sur place, c’est le régulateur au sein de l’office extracôtier ou de la Direction des relations environnementales qui possède entièrement l’expertise. Alors, encore une fois, il serait inapproprié que ces projets soient inclus, mais tant que nous ne serons pas certains qu’ils ne sont pas inclus, nous allons continuer de soulever cette préoccupation.

Le sénateur Patterson : Donc, en fait, l’alinéa 32b) de la Loi sur l’évaluation d’impact interdit au ministre d’autoriser la substitution de tout projet désigné régi par la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique.

S’agit-il d’un exemple de marginalisation des organismes de réglementation du cycle de vie dont vous avez parlé?

M. McMillan : Oui, cela en est un exemple. Nous avons entendu dans les deux cas qu’ils pourraient être inclus, mais exemptés, si l’administration respectait certaines exigences du gouvernement fédéral. Je crois qu’il n’est pas approprié qu’il faille revenir aux principes de base visant à savoir qui est l’organisme de réglementation le mieux placé pour réglementer ces types de projets, et ce n’est pas le gouvernement fédéral.

Le sénateur Patterson : Pensez-vous que cette disposition aura un effet sur la compétitivité et les investissements dans l’industrie pétrolière extracôtière de l’Atlantique?

M. McMillan : Si ces projets sont inclus, certainement.

La sénatrice Seidman : Merci de nous avoir attendus pendant deux heures. Je vais essayer d’être brève.

J’aimerais vous parler de votre amendement au paragraphe 22(1) parce que ce dernier est assez controversé. On a soulevé nombre de questions à ce sujet. On s’inquiète beaucoup du manque de précision des facteurs. Il y a 20 facteurs dont on tiendra compte pour réaliser une évaluation d’impact, certains d’entre eux sont des questions sociales ou sexospécifiques. Certaines personnes ont dit qu’il n’y avait pas assez de définitions, de transparence et de précision concernant la façon dont on mesurera ces facteurs.

Vous proposez un amendement très précis au paragraphe 22(1). Pourriez-vous nous l’expliquer? Vous utilisez une formulation quelque peu différente. Vous retirez « prend en compte » et vous ajoutez « examine ». Pourriez-vous expliquer la raison de ce changement? Ce serait utile.

Mme Joseph : La raison, c’est que tout ce qui figure sur cette liste sera pertinent pour chaque projet. Le projet de loi ne devrait pas être rédigé de façon à contraindre l’organisme de réglementation à examiner tous ces facteurs, nous essayons donc d’introduire cette souplesse.

La sénatrice Seidman : Alors vous faites cela en disant qu’il faut examiner les facteurs suivants au lieu de les prendre en compte.

Le libellé actuel du projet de loi est « prend en compte » les facteurs suivants, et vous changez cela d’une manière très importante. D’accord, je pense qu’il s’agit d’une question très importante et je comprends la clarté que vous essayez d’apporter. Merci.

La présidente : Mesdames et messieurs, nous avions convenu de tenir une séance d’une heure avec le groupe de témoins et nous y sommes. Pouvez-vous rester un peu plus longtemps?

M. McMillan : Absolument.

La présidente : Nous allons terminer avec les membres du comité et, s’il nous reste du temps, nous allons demander à certains sénateurs qui ne siègent pas à notre comité de poser des questions. Nous allons ensuite devoir mettre fin à la séance et nous occuper d’affaires du comité.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci d’être venus, et merci à Shannon de nous avoir aidés le 1er février. Nous éprouvions des difficultés relativement aux amendements et je lui en suis reconnaissante.

Au comité, nous nous concentrons souvent sur le pire scénario, mais je sais que vos membres tirent parti d’expertise et de pratiques exemplaires. J’aimerais mettre l’accent sur l’obligation de mener des consultations et la véritable participation des collectivités.

Un aspect du risque de litiges concerne l’obligation de mener des consultations. Selon votre expérience et vos connaissances en matière de pratiques exemplaires, le projet de loi C-69 fournit-il le cadre nécessaire pour que l’on puisse s’assurer que le gouvernement fédéral et les promoteurs consultent et accommodent les peuples autochtones et prennent des mesures d’atténuation afin de trouver une solution gagnante pour les collectivités et le promoteur? Pensez-vous que le projet de loi met en place ce cadre?

Mme Joseph : D’après notre évaluation, on veut inclure les connaissances autochtones et mener des consultations au début du processus, mais le projet de loi ne définit pas les mécanismes de consultation, leur portée ou les communautés autochtones pertinentes visées par un projet précis. Les éléments importants pour que l’on s’assure de mener une consultation adéquate et d’agir de façon appropriée à l’égard des communautés avec lesquelles on est censé collaborer sont absents. C’est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

Le sénateur Mockler : Merci de nous avoir attendus, d’être ici et de nous faire part de vos observations. Il ne fait aucun doute qu’il y a un problème avec la vision du Canada. Nous ne construisons pas d’infrastructures dans votre industrie. Je vis à environ 1 000 pieds de l’État du Maine. Je me rends à Boston et à New York et je sais ce qu’on fait aux États-Unis. Je constate, avec votre exposé et d’autres, qu’on a besoin de clarté, de transparence et de reddition de comptes et qu’il faut établir une certitude pour les Canadiens et les investisseurs. Il faut investir au Canada si nous voulons créer des emplois, moderniser notre société et recourir aux autres solutions de rechange proposées par votre industrie.

Croyez-vous que le gouvernement a mené des consultations adéquates auprès des Premières Nations et des Canadiens en général? J’ai une deuxième question.

M. McMillan : Concernant ce projet de loi?

Le sénateur Mockler : Absolument.

M. McMillan : Je ne peux pas parler de la question des Premières Nations. Je crois comprendre que les chefs des Premières Nations n’ont pas l’impression d’avoir été consultés autant qu’ils l’auraient souhaité pour ce projet de loi. Des chefs autochtones m’ont parlé très précisément du projet de loi C-69 et des effets qu’il aurait sur leurs collectivités.

Je peux vous parler en connaissance de cause de l’ensemble de la population canadienne. Nous constatons certainement que l’ensemble des Canadiens se lèvent et veulent se faire entendre. Ils n’ont peut-être jamais participé à une manifestation de leur vie. Aujourd’hui, ici à Ottawa, il y avait le rassemblement d’un convoi de camions, dont une partie partait de l’Alberta et l’autre, du Canada atlantique. Il y avait des plaques d’immatriculation de la Saskatchewan et de l’Ontario; il s’agissait de personnes qui s’intéressent à l’industrie pétrolière et gazière, des gens qui souffrent et des familles sans emploi. Ils constatent que l’appareil de forage sur lequel ils travaillaient il y a deux ans est maintenant au Texas ou en Oklahoma. L’entreprise pour laquelle ils travaillaient a vendu ses actifs au Canada afin d’investir au Moyen-Orient ou dans les réserves au large des côtes du Brésil.

Ils croient que, si le prochain baril de pétrole ou gigajoule de gaz qui chauffe un domicile en Chine vient du Canada, le monde se portera mieux que s’il vient du Qatar ou de l’Azerbaïdjan. Cela semble injuste. Ils veulent un système réglementaire auquel ils peuvent faire confiance et qu’ils peuvent utiliser afin d’être productifs et d’apporter une contribution à l’échelle mondiale. Il y a beaucoup de frustration à l’heure actuelle.

Le sénateur Mockler : Qu’est-ce que vous souhaitez que notre comité fasse? J’aimerais que vous m’expliquiez les répercussions qu’aura le projet de loi sur le Canada atlantique. Je sais qu’il y a des divergences d’opinions partout au pays. Un tel projet de loi a des incidences sur les moyens de subsistance des Canadiens.

M. McMillan : Le Canada est un pays très complexe. Pour parler précisément de l’exploitation extracôtière et des obstacles à cette exploitation future si le projet de loi n’est pas modifié de manière à le rendre le plus efficace possible, il y aura des investissements accrus dans les réserves extracôtières du Brésil et de la mer du Nord. Ces possibilités devraient revenir à juste titre au Canada atlantique compte tenu du talent qui s’y trouve.

Si nous regardons le potentiel qu’offrent les pipelines pour relier les ressources canadiennes de l’Ouest aux consommateurs canadiens de l’Est, le Canada atlantique importe aujourd’hui des milliards de dollars de pétrole du Moyen-Orient qui pourrait venir de producteurs canadiens. Les prix du gaz naturel au Canada atlantique sont incroyablement élevés et continueront d’augmenter. On vient de mettre fin progressivement à l’exploitation pétrolière de l’île de Sable à un moment où la capacité des pipelines pourrait réduire les coûts pour les Canadiens ordinaires au Canada atlantique.

Peut-être que le dernier point est la nature intégrée de notre économie. Ma ville natale est située non loin de Lloydminster, en Saskatchewan, et j’ai grandi en connaissant les gens de mon quartier. Dans la trentaine, j’ai fait la connaissance de beaucoup de gens du Canada atlantique. Ils sont maintenant de bons amis parce que le Canada est un pays où nous pouvons nous déplacer librement et communiquer facilement, et où il y a des possibilités. C’est bon pour l’ensemble du Canada. Si ce projet de loi n’est pas modifié adéquatement, les possibilités de ce genre pour tous les Canadiens, d’un océan à l’autre, seront compromises. Nous constatons déjà que les investissements se font ailleurs.

La sénatrice McCoy : Merci d’être venus et d’être encore ici. Je vous suis reconnaissante de tous les efforts que vous avez déployés pour essayer d’améliorer ce que nous espérions tous voir améliorer, et je parle de la LCEE de 2012.

Je crois que nous sommes très près d’atteindre ce but. Il y a encore des choses qui peuvent être améliorées.

Il manque de discipline dans le processus depuis 20 ans en Alberta à l’échelon fédéral, alors les décisions sont retardées ou sont remises en question, ou encore il y a 5 décideurs ou 16 personnes qui peuvent intervenir lorsqu’on croyait que c’était la fin du processus pour dire : « Nous voulons maintenant que vous teniez compte de cela. » Alors les choses traînent.

Cela dit, j’aimerais vous dire que je comprends ce point de vue. Et pour ce qui est de la prolongation des délais, c’est une des choses qui peuvent vous causer des difficultés ou vous faire demander plus d’information. J’ai remarqué deux articles en particulier. Vous avez peut-être des raisons pour proposer ces amendements, et si vous ne les avez pas aujourd’hui, vous pourriez les fournir plus tard. Au paragraphe 52(2), une commission peut faire procéder à une collecte de renseignements et à des études supplémentaires, même après la phase de planification, ce qui accroît l’incertitude. En outre, à l’article 56, le ministre peut, en tout temps avant de faire le renvoi d’une question au Cabinet, faire procéder à une collecte de renseignements ou à des études supplémentaires, ce qui ajoute de l’incertitude dans les deux cas, à mon avis.

Je n’ai rien trouvé à cet égard dans vos documents et je me demandais si c’était voulu. Si vous voulez du temps pour examiner cela et me donner une réponse plus tard, cela me conviendrait également.

M. McMillan : Vous souvenez-vous des délibérations que nous avons eues concernant ces deux articles, Shannon?

Mme Joseph : Je ne me souviens pas des délibérations sur ces deux articles, alors je ne suis pas certaine de savoir pourquoi nous n’aurions pas modifié ces dispositions.

La sénatrice McCoy : Restons-en là si vous le voulez bien. J’ai une autre question, si vous me promettez de répondre après avoir eu l’occasion de réexaminer ce que vous avez dit.

Ma deuxième question concerne ce que vous avez dit concernant la politisation du processus. Bien sûr, je sais que, pour la plus grande partie de notre vie dans le secteur de la réglementation de l’énergie en Alberta, qui a commencé par l’Oil and Gas Conservation Act en 1932, je crois, les décisions finales n’étaient pas prises par un ministre ou un Cabinet. Ensuite, dans les années 1990, on a modifié le processus pour faire intervenir le ministre et le Cabinet dans la décision finale. Puis, avec le nouveau Régulateur de l’énergie de l’Alberta, on a retiré encore une fois ce rôle au ministre et au Cabinet. Par la suite, du moins par le passé, les politiciens sentaient que ces décisions devaient être prises à la lumière des données probantes et scientifiques et que le Cabinet ne devrait pas s’en mêler, car il n’était pas en mesure de comprendre tous les aspects techniques.

Pensez-vous qu’il faudrait modifier le projet de loi C-69 afin que la décision finale ne revienne pas au ministre et au Cabinet? Je ne crois pas avoir vu cela dans vos amendements.

Mme Joseph : Nous avons proposé, je crois que c’est dans l’article 65 et d’autres articles qui portent sur les pouvoirs du ministre, des modifications qui, nous l’espérons, atténueraient certains éléments politiques concernant le processus. Je dirais que certaines de nos propositions sont fondées sur les discussions que nous avons tenues avec le gouvernement et ce qu’il serait prêt à faire, alors je crois que nous vous avons présenté tout ce que nous pouvions relativement à certaines de ces modifications. Et quant à certaines discussions et aux observations de Tim tout à l’heure quant à savoir pourquoi il s’agit d’un ensemble et pourquoi les modifications doivent être apportées, beaucoup d’autres changements pourraient également être effectués, mais ceux-là sont les plus importants. Ce que vous dites nous inquiète certainement.

La présidente : Je vous suis très reconnaissante de votre visite ici et de votre témoignage. Je vous remercie beaucoup de cette discussion importante et intéressante, de vos questions et de vos réponses. Nous allons maintenant lever la séance. Je suis désolée, il n’y aura pas de deuxième série de questions. Ne vous éloignez pas trop, ce sera une séance très courte.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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